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ACELF- Larouche et Hinch, sept. 2012<br />
Atelier - ACELF 2012<br />
Bâtir sur le roc : prévenir l’insécurité linguistique<br />
Introduction : qui sommes-nous?<br />
• Frédéric Larouche, étudiant de quatrième année en sciences politiques et administration publique<br />
à l’Université d’Ottawa, originaire de Barrie, dans le Centre-Sud de l’Ontario.<br />
• Chloé Hinch, étudiante de quatrième année en théâtre et en lettres françaises à l’Université<br />
d’Ottawa, originaire de Windsor, dans le Sud-Ouest de l’Ontario.<br />
• Cette année, nous avons la chance d’être Mentors régionaux - projets spéciaux à Liaison, et<br />
nous travaillons entre autres à la création d’une foire de carrière qui présenterait différentes<br />
options d’éducation postsecondaire en français aux écoles de nos régions.<br />
• Lors des deux dernières années, nous avons travaillé à titre de « mentors régionaux », pour<br />
faciliter la transition d’élèves diplômés d’écoles secondaires de langue française en contexte<br />
minoritaire vers leurs études universitaires en français à l’Université d’Ottawa.<br />
• Dans notre rôle de mentors, nous collaborons avec une chercheure et professeure dans le<br />
domaine de l’identité linguistique et des transitions scolaires, Sylvie Lamoureux. Alors que<br />
nous nous attendions d’accompagner les étudiants dans les diverses adaptations scolaires et<br />
sociales typiques à l’arrivée dans une nouvelle ville et dans un nouvel établissement scolaire,<br />
nous avons constaté un problème criant : l’insécurité linguistique.<br />
• Il est important de noter que oui, nous travaillons à l’Université d’Ottawa, et plusieurs de<br />
nos expériences seront basées sur notre vécu à cette université ; par contre, l’insécurité linguistique<br />
est un problème criant dans toutes les régions où il y a des francophones minoritaires<br />
au Canada. Ce n’est pas seulement à notre université que ça se passe.<br />
• Nous avons nous-mêmes vécu des moments d’insécurité linguistique qui ont teinté nos vies,<br />
et voilà ce qui nous a poussés à créer un atelier sur le sujet.<br />
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Qu’est-ce que l’insécurité linguistique ?<br />
• Une personne qui est en insécurité (une personne ne FAIT pas de l’insécurité, elle est EN insécurité)<br />
est une personne qui croit qu’elle est moins bonne que les autres dans un domaine<br />
donné. Elle croit aussi que si les autres s’apercevaient qu’elle est moins bonne, ils la mépriseraient.<br />
L’insécurité est un problème personnel et intime, mais lorsque l’on souffre<br />
d’insécurité, rencontrer des gens qui ont le même problème soulage et rassure, parce que<br />
d’un coup on n’est plus seul. On est compris. On a moins besoin de camoufler son malaise.<br />
Il y a des insécurités qui sont plus douloureuses que d’autres. Les insécurités relatives<br />
à l’identité, par exemple. L’insécurité par rapport à l’apparence physique en est une. Et<br />
l’insécurité linguistique en est une autre. Et le danger de l’insécurité linguistique, c’est que<br />
ça peut mener à l’assimilation.<br />
• Les écrits spécialisés révèlent que l’insécurité linguistique est un moment de remise en question<br />
profonde de son identité et de ses compétences linguistiques, suite à une expérience<br />
d’exclusion ou de non reconnaissance de sa légitimité comme francophone par d’autres<br />
francophones. C’est un malaise que les francophones vivent chaque fois qu’ils et elles ont<br />
l’impression de mal parler le français – une réalité qui se complique par le fait que nous vivons<br />
dans un milieu majoritairement anglophone. Dans notre expérience et celles de nos<br />
élèves, l’insécurité linguistique sous-entend que les francophones de milieux majoritaires, en<br />
l’occurrence les Québécois et les Français, auraient de meilleurs compétences linguistiques<br />
que nous, ou qu’ils sont plus «francophones» que nous. Nous ne nous attardons pas à comparer<br />
le registre linguistique ou les choix de vocabulaire – ni même si le contenu de leur<br />
énoncé a du sens. Nous réagissons à un accent, une réaction...<br />
• D’autres chercheurs définissent ce concept comme étant le sentiment que l’on parle mal sa<br />
langue et que l’on ne pourra jamais bien la parler (Cormier, 2011 : 15), ou par une conviction<br />
que son discours langagier est inadéquat et qu’il est impossible d’atteindre une capacité<br />
à s’exprimer dans une langue juste et correcte (Bourdieu, 1982; Cormier, 2005; Labov, 1976;<br />
Leblanc, 2011).<br />
• L’insécurité linguistique peut être ressentie à l’oral ou à l’écrit (Lozon, 2001 : 84), mais dans<br />
la plupart des articles de recherche étudiés, l’aspect oral domine. En effet, l’insécurité linguistique<br />
agit sur les pratiques linguistiques et influence le choix de parler telle langue plutôt
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que telle autre ou telle variété plutôt que telle autre, la décision de prendre la parole ou de se<br />
taire, la mise en scène de traits stigmatisés comme emblème identitaire ou, encore,<br />
l’occultation de ces mêmes traits par peur du ridicule (Boudreau, 2008 :145-146).<br />
• Au Canada, les francophones sont, pour la grande majorité, bilingues, et donc il est nécessaire<br />
pour eux de «naviguer entre deux langues [même si] ils ne possèdent pas nécessairement<br />
la même compétence dans ces [deux] langues que les locuteurs monolingues» (Boudreau,<br />
2008 : 147). Prenons ici l’exemple des élèves d’une école de langue française qui se<br />
situe dans un milieu majoritairement anglophone. Pour la plupart d’entre eux, ce n’est que<br />
dans le cadre scolaire qu’ils ont l’occasion de s’exprimer en français, car leur monde extérieur<br />
est entièrement anglophone (à part les quelques élèves qui parlent français à la maison).<br />
Ces élèves doivent apprendre à naviguer entre le français et l’anglais, mais puisqu’ils<br />
parlent plus souvent en anglais, en plus d’être exposés à tous les médias anglophones (films,<br />
musique, réseaux sociaux, livres), il devient naturellement plus facile pour eux de<br />
s’exprimer en anglais. L’anglais ça s’attrape, le français ça s’apprend!<br />
• Les résultats de cette remise en question peuvent inclure un rejet de la langue et de la culture<br />
de langue française, un retrait du système scolaire de langue française, une diminution des<br />
effectifs et des taux de rétention, une assimilation accrue et une perte de vitalité des institutions<br />
et des communautés francophones.<br />
• Un contact linguistique négatif qui engendre l’insécurité linguistique peut détruire en un clin<br />
d’œil le fruit de plusieurs années de construction identitaire positive et rompre le sentiment<br />
d’affiliation à la francophonie. De plus, trop peu de gens sont sensibles au fait que quelques<br />
paroles peuvent mener à un sentiment d’exclusion profond chez l’autre.<br />
• Comme la construction identitaire est au cœur du projet d’intégration de nos écoles, de nos<br />
communautés, de nos institutions, de nos milieux de vie et de travail ainsi que de notre pays,<br />
nous croyons qu’il faut tout d’abord relever le défi de l’insécurité linguistique, tant chez les<br />
francophones de souche que de choix. Lorsque nos étudiants sont plus convaincus de leur<br />
valeur, de leurs compétences et de la légitimité de leur place dans la francophonie, alors leur<br />
estime de soi, leur fierté et leur engagement seront rehaussés, et par le fait même, s'il y a<br />
lieu, leurs compétences linguistiques en français.<br />
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Partage d’expérience et études de cas<br />
Causes de l’insécurité linguistique :<br />
a) l’intimidation d’enseignants, et autres membres du cadre scolaire, peut être la cause de<br />
cette insécurité linguistique<br />
b) l’accent (attitude acadienne du C’est quoi ton problème?)<br />
c) l’estime de soi<br />
d) l'attente qu'on sera reconnu comme francophone par d'autres. C'est au cœur du message<br />
de la politique d’aménagement linguistique de l'Ontario et l'axe de la construction identitaire.<br />
On travaille ça depuis la maternelle. On ne prépare pas les élèves au fait que lors de<br />
périodes de transition ou de rencontres de francophones d'ailleurs, ils pourraient ne pas<br />
être vus comme locuteurs légitimes du français. C'est ce dont nous avons été témoins.<br />
Lors de la transition de la 12 e année à l'université, du jour au lendemain, un commentaire<br />
négatif peut détruire un rêve, une vie et une identité.<br />
Expliquer l'activité des études de cas<br />
Étude de cas A<br />
Contexte : voyage de fin d’année à la ville de Québec<br />
Qui : élèves de 8 e année d’une école de langue française de l’Ontario, leurs enseignants et des<br />
guides touristiques<br />
L’organisatrice du voyage va à la rencontre des guides qui animeront la tournée du Vieux-<br />
Québec afin de se présenter et discuter des modalités de la tournée. Elle s’adresse à eux en français.<br />
Les guides demandent d’où vient le groupe. Lorsque l’enseignante précise qu’ils sont de<br />
l’Ontario, les guides répondent à l’unisson « Ah… Alors, c’est une tournée en anglais? »<br />
L’organisatrice leur explique que même si le groupe vient d’une école en Ontario, c’est une école<br />
de langue française. Un guide lui a coupé la parole en demandant si c’était une école<br />
d’immersion, et s’il fallait alors qu’ils traduisent et modifient leurs tournées. L’organisatrice les
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assure que non ; tous les élèves allaient comprendre la tournée qui devait se dérouler entièrement<br />
en français.<br />
Les élèves descendirent donc de l’autobus et commencèrent la tournée. La première guide les<br />
amena aux Plaines d’Abraham, où elle leur annonça :<br />
« Voici les plaines d’Abraham. These are the plains of Abraham. On these plains - ». Un enseignant<br />
lui coupa aussitôt la parole pour lui demander, en français, d’animer la tournée exclusivement<br />
en français. La guide lui répond : « But Sir, this is important information and I want to<br />
make sure they understand. »<br />
Questions de discussion<br />
1. Quel(s) élément(s) est/sont déclancheur(s) d’insécurité linguistique dans ce scénario? Chez<br />
qui? Pourquoi?<br />
2. Comment pourrait-on se préparer (et nos élèves) afin d’éviter qu’une telle situation puisse<br />
créer un sentiment d’insécurité linguistique?<br />
3. Selon votre rôle et vos responsabilités, quelles interventions proposez-vous? Pourquoi?<br />
Étude de cas B<br />
Contexte : Cours de grandes religions, 11 e année pré-universitaire, une école de langue française<br />
en milieu minoritaire. Sujet à l’étude, la fête juive de la Pessah.<br />
Qui : Les élèves et leur enseignante.<br />
L’enseignante explique à ses élèves la fête juive de la Pessah.<br />
« Pessah, qui est à l’origine la fête de Pâques pour les chrétiens, est célébré en souvenir de la<br />
sortie d’Égypte. Aux temps bibliques, lors de la Pessah, il y avait un pèlerinage au temple de<br />
Jérusalem. »<br />
Un élève, Mathieu, lève la main pour poser une question : « So, basically, la Pessah est la même<br />
chose que les Pâques right?».<br />
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L’enseignante répond: « Non, pas tout à fait, la Pessah est à l’origine de la fête de Pâques. »<br />
Mathieu : « So Pessah c’est Pâques, mais dans le vieux temps? »<br />
L’enseignante : « Matthew - Pessah is at the origin of Easter. It’s not the same thing, but it’s what<br />
it’s based on. Get it now? »<br />
Questions de discussion<br />
1. Quel(s) élément(s) est/sont déclencheur(s) d’insécurité linguistique dans ce scénario? Chez<br />
qui? Pourquoi?<br />
2. Comment pourrait-on éviter qu’une telle situation puisse créer un sentiment d’insécurité linguistique?<br />
3. Si vous aviez été témoin de cet échange dans le rôle que vous occupez en ce moment (élève,<br />
enseignant, direction, conseiller scolaire, parent, autre), seriez-vous intervenu? Si oui, comment?<br />
Sinon, pourquoi?<br />
4. Selon votre rôle et vos responsabilités, quelles interventions proposez-vous? Pourquoi?<br />
Étude de cas C<br />
Contexte : Un couloir dans une école de langue française en situation plurielle; la période de<br />
transition entre deux cours. Circulation des jeunes, du personnel enseignant et aussi du personnel<br />
de soutien.<br />
Qui : élèves, personnel enseignant, personnel de soutien<br />
Deux élèves, qui viennent de foyers francophones, fières d’être Franco-Ontariennes, discutent<br />
entre elles en français du contenu du cours de mathématiques qu’elles viennent de quitter. Un<br />
garçon passe à côté d’elles et leur lance : « Yo! Frenchies! What’s up? »<br />
Les deux filles ne lui portent pas trop attention, cherchant à éviter de bousculer le concierge qui<br />
travaille devant elles dans le corridor. Elles se dirigent vers leur prochain cours et continuent leur<br />
discussion en français. L’élève se rapproche d’elles et leur dit: «Why do you guys even speak<br />
French? It makes you guys sound retarded. And it’s not like there you’re in class. »
ACELF- Larouche et Hinch, sept. 2012<br />
Les deux filles tentent de l’ignorer, mais en vain. Elles poursuivent leur conversation en anglais,<br />
saluant leur enseignant de mathématiques qui marche maintenant à leurs côtés.<br />
Questions de discussion<br />
1. Certains éléments de ce scénario se qualifient comme du taxage. Cependant, ils peuvent également<br />
être déclencheurs d’insécurité linguistique. Quels sont ces éléments? Pour qui? Pourquoi?<br />
2. Comment pourrait-on éviter qu’une telle situation puisse créer un sentiment d’insécurité linguistique?<br />
3. Si vous aviez été témoin de cet échange dans le rôle que vous occupez en ce moment (élève,<br />
enseignant, direction, conseiller scolaire, parent, autre), seriez-vous intervenu? Si oui, comment?<br />
Sinon, pourquoi?<br />
4. Selon votre rôle et vos responsabilités, quelles interventions proposez-vous? Pourquoi?<br />
Étude de cas QUATRE<br />
Contexte : cours de création littéraire française à une université en milieu minoritaire.<br />
Qui : étudiants francophones provenant de toutes les régions canadiennes, étudiants internationaux,<br />
étudiants plurilingues et la professeure.<br />
Lors d’une lecture de groupe d’un poème d’un auteur canadien-français, la professeure bute sur<br />
un mot en anglais. Elle annonce alors à la classe : « Une chance que nous avons une anglophone<br />
dans la classe pour nous expliquer le sens du mot! »<br />
Elle se tourne ensuite vers une de ses étudiantes et lui demande de clarifier. L’étudiante, hébétée,<br />
lui répond : « Je ne suis pas anglophone...? »<br />
La professeure lui répond : « Mais tu m’as dit que tu venais de l’Ontario? »<br />
« Oui. Mais je suis francophone. J’ai été élevée en français, je suis Franco-Ontarienne. »<br />
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La professeure la regarde et dit : « Mais non, c’est impossible! Si tu viens de l’Ontario, tu ne<br />
peux pas être francophone. À la limite, tu es francophile. » L’étudiante, bouche bée, ne sait quoi<br />
répondre et reste muette.<br />
Questions de discussion<br />
1. Quel(s) élément(s) est/sont déclencheur(s) d’insécurité linguistique dans ce scénario? Chez<br />
qui? Pourquoi?<br />
2. Comment pourrait-on préparer nos élèves et étudiants afin d’éviter qu’une telle situation<br />
puisse créer un sentiment d’insécurité linguistique?<br />
3. Selon votre rôle et vos responsabilités, quelles interventions proposez-vous? Pourquoi?<br />
Relevons quelques effets de l’insécurité linguistique<br />
a) attitudes négatives (l’anglais n’est pas «mauvais»: si tu écoutes de la musique anglophone<br />
es-tu moins francophone?)<br />
b) participation diminuée, décrochage<br />
c) faible rétention des étudiants<br />
d) ta vision de moi est plus vraie que la vision que j’ai de moi-même : tu perds ta voix et tu<br />
deviens muet.<br />
e) Les francophones, entre nous, nous avons parfois des visions très limitées de qui nous<br />
« ressemble », ne laissant pas de place à la diversité et la complexité de l'identité francophone.<br />
(Violence symbolique - domination sociale. Processus de soumission par lequel les dominés<br />
perçoivent la hiérarchie sociale comme légitime et naturelle. Les dominés intègrent la<br />
vision que les dominants ont du monde. Ce qui les conduit à se faire d’eux-mêmes une<br />
représentation négative, un statut d’infériorité, dévalorisation)
ACELF- Larouche et Hinch, sept. 2012<br />
En fin d'atelier, nous aimerions vous partager quelques trucs et astuces pour contrer ou<br />
faire contrepoids à l’insécurité linquistique<br />
a) Profils pour assurer une réaction positive face à des remises à questions.<br />
b) Donner le pouvoir à nos élèves - tu es aussi francophone que l’autre. Ça l’air de quoi un<br />
francophone? (Exercice de Sylvie). Chacun a sa vision.<br />
c) Santé et sécurité dans le milieu du travail : il faut assurer aussi la santé et la sécurité linguistique<br />
de nos étudiants : respect en créant un environnement linguistique sécuritaire<br />
pour faire disparaître l’insécurité.<br />
d) Embrasser la diversité linguistique culturelle (Une carotte c’est une carotte - un légume<br />
orange, (bleu ou blanc) qui crunch).<br />
e) Il existe, heureusement, différentes stratégies pour contrer l’insécurité linguistique. Tout<br />
d’abord, il faudrait construire sur le vernaculaire. Prenons encore une fois l’exemple de<br />
l’Acadie. Pour encourager les élèves à être fiers de leur parler, ils doivent au départ être<br />
conscients de la raison pour laquelle ils parlent comme ils parlent. S’approprier les raisons<br />
historiques de ce maintien peut empêcher (...) de penser qu’on parle avec des<br />
formes dégénérées (...) En partant du déjà-là des élèves, le fait d’expliquer les raisons<br />
pour lesquelles on trouve ces particularités dans leur langue est un moyen de les sécuriser,<br />
d’une part, et de les motiver à élargir leur répertoire, d’autre part (Boudreau, 2008 : 163).<br />
Les élèves, mis au courant et conscients de l’histoire des Acadiens, celle d’une minorité<br />
francophone qui résiste à la domination de la majorité anglophone, doivent se percevoir<br />
comme faisant partie d’une communauté qui est le lieu privilégié de résistance ou de sauvegarde<br />
de leur langue d’origine ou seconde. Ceci aide à créer « une conscience identitaire<br />
acadienne très grande, qui est peut-être moins présente chez les Franco-Ontariens»<br />
(Remysen, 1998 : 107).<br />
f) Il faudrait aussi reprendre les propos de Cormier qui précise comment les enseignants<br />
doivent aussi avoir un esprit ouvert face au parler vernaculaire. En contexte minoritaire, il<br />
faut adopter une pédagogie qui vise, entre autres, un rapport positif avec la langue pour<br />
contrer l’insécurité linguistique et la faible estime de soi (Cormier 2005). Comme les<br />
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jeunes ont très peu d’espaces sociaux où ils peuvent s’exprimer en français, une façon<br />
d’aider les jeunes avec leur insécurité linguistique serait par la création d’espaces où ils<br />
pourraient s’exprimer en français. Les activités parascolaires, tels les stages en construction<br />
identitaire et les sports, sont très prisées par les jeunes, et souvent une des seules<br />
choses qu’ils disent aimer de l’école. Les jeunes doivent aussi distinguer de façon explicite<br />
les divers registres et leur utilisation. Plus les élèves sont conscients de ces niveaux<br />
de langue, ils seront plus capables d’adapter leur registre à l’intention de communication<br />
et au contexte. Leur estime ne peut que s’accroître en sachant que, non seulement ils parlent<br />
deux langues, mais plusieurs niveaux de deux langues!<br />
g) Une autre façon d’améliorer l’insécurité linguistique des élèves serait de faire de la communication<br />
orale, de la lecture et de l’écriture dans toutes les matières. Dans les programmes-cadres<br />
révisés de toutes les disciplines, la compétence à communiquer est enseignée<br />
et évaluée. De plus, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a créé une politique<br />
d’aménagement linguistique en raison du contexte majoritairement anglophone dans lequel<br />
se trouvent les écoles franco-ontariennes dans le but de :<br />
Faire contrepoids à l’attrait et à l’omniprésence de l’anglais en assurant la promotion<br />
du français et freinant l’assimilation;<br />
Favoriser le bilinguisme additif dont le français est une des composantes;<br />
Permettre de gérer les ressources disponibles et de déterminer les ressources supplémentaires<br />
aussi bien publiques que privées;<br />
Appuyer la communauté franco-ontarienne en créant des partenariats entre le milieu<br />
familial, le milieu scolaire, les institutions et le monde du travail (Ministère<br />
de l’Éducation, 1994: 2; Lamoureux, 2006 : 85).<br />
En Ontario français, comme chez vous d'ailleurs, la langue française est plus qu’une discipline<br />
académique ou une langue d’enseignement et d’apprentissage. Elle est également un<br />
outil de communication et d’affirmation culturelle et sociale, bref, comme vecteur primordial<br />
de l’identité linguistique et culturelle et de la construction identitaire et culturelle tant<br />
individuelle que collective. Dans un contexte minoritaire, la langue devient aussi objet de<br />
lutte de pouvoir, d’abord dans l’acquisition de compétences de la langue majoritaire, puis
ACELF- Larouche et Hinch, sept. 2012<br />
dans la hiérarchisation des variétés linguistiques de la langue minoritaire pour refléter les divisions<br />
de pouvoir sociétales (Lamoureux, 2006 : 88).<br />
Finalement, il est essentiel de reconnaître la dualité du français et de l’anglais dans la vie des<br />
francophones en milieu minoritaire, ainsi que la pluralité linguistique de nombreux francophones<br />
bien au-delà de la dualité du français et de l'anglais. Pour assurer que l'on soit<br />
francophone, ou francophone ET.... il faut non seulement être exposé à la langue et à la culture<br />
française mais participer à un espace francophone tel qu'il soit. Il faut reconnaître qu'en<br />
milieu minoritaire, vivre en français n'est pas la même chose que vivre en français en milieu<br />
majoritaire. Il faut faire des choix explicites, des efforts (Guérin-Lajoie, 2002 : 72).<br />
Il faut donc redéfinir l’identité francophone afin de permettre cette identité plurielle et qu'on<br />
puisse plus facilement reconnaître tous ces membres de la communauté de locuteurs du<br />
français, ces francophones de souche et de choix, les bilingues, et aussi les francophiles qui<br />
ont a cœur la vitalité de l'espace francophone et qui tiennent à y participer. «Cette redéfinition<br />
vient remettre en question et préciser leur sentiment d’appartenance à la communauté<br />
francophone, et non pas l’effacer. Le fait d’étudier en milieu bilingue vient redéfinir le sens<br />
que l’on donne à la communauté linguistique francophone » (Lamoureux, 2006 : 90).<br />
Bien que le reflet de l’identité bilingue des Franco-Ontariens par d'autres peut entraîner de<br />
nombreux sentiments d’insécurité linguistique, il faut savoir valoriser le bilinguisme additif<br />
et y trouver une source de fierté. Cette compréhension et cette valorisation sont essentielles<br />
pour faire accroître la confiance, l’estime de soi et pour diminuer l’insécurité linguistique.<br />
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