Beolitik-Collection-n02-FR-v02-LE - design ⩠société
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36 collection • #2 • automne 2010<br />
collection • #2 • automne 2010 37<br />
de « construire des analogies à l’intérieur de l’imaginaire,<br />
pour lesquelles d’autres, plus banalement,<br />
ont besoin de réaliser des esquisses » (1998, p.<br />
546). En effet, ce qu’une représentation externe<br />
telle qu’une esquisse permet à un individu est la<br />
restructuration de ses images (à savoir, une représentation<br />
interne) analogue à cette représentation<br />
externe. Cela suggéra à Verstijnen et al. (2001,<br />
p. 1) l’idée que « sans papier ou sans la capacité<br />
de l’utiliser, les analogies peuvent être utilisées<br />
pour soutenir le processus créatif à la place des<br />
esquisses » (2001, p. 1) – mais peut-être seulement<br />
chez des « individus extraordinairement créatifs »<br />
(cet ajout est le nôtre).<br />
En tant qu’outils de réinterprétation, des activités<br />
comme la restructuration et la combinaison peuvent<br />
ainsi être utilisées pour faire surgir des nouvelles idées.<br />
Dessiner (esquisser, faire un brouillon et d’autres formes<br />
de dessin) peut aussi servir d’outil pour d’autres activités.<br />
Au-delà de la restructuration, cela peut servir par<br />
exemple à l’analyse et la simulation. Cela peut<br />
aussi remplir des fonctions interactionnelles,<br />
telles que l’information ou l’explication. Cela peut<br />
même avoir plusieurs fonctions contemporaines :<br />
par exemple, la simulation, l’explication et l’entreposage.<br />
Les dessins relativement non structurés,<br />
fluides et imprécis que sont les esquisses peuvent<br />
donner accès à une connaissance non encore récupérée,<br />
et évoquer des nouvelles manières de<br />
voir […]. Des visions imprévues dans les projets de<br />
<strong>design</strong> en cours d’élaboration peuvent faire éclore<br />
des potentialités inattendues dans des aspects<br />
voire même des directions totalement nouveaux.<br />
Évaluation des représentations<br />
Selon les méthodologies du <strong>design</strong>, la génération<br />
et l’évaluation des solutions sont deux étapes<br />
différentes dans un projet de <strong>design</strong> donné. Diverses<br />
études empiriques ont montré, pourtant,<br />
que les <strong>design</strong>ers entremêlent les deux. Les participants<br />
aux réunions techniques que nous avons<br />
étudiées (D’Astous, Détienne, Visser & Robillard,<br />
2004) étaient censés suivre une méthode particulière,<br />
dans laquelle le <strong>design</strong> n’aurait pas dû apparaître.<br />
Pourtant, ils proposèrent des solutions<br />
alternatives ; c’est-à-dire que non seulement ils<br />
enregistraient les évaluations négatives sousjacentes,<br />
mais ils avançaient vers le <strong>design</strong>.<br />
Évaluer une entité consiste à l’apprécier eu<br />
égard d’une ou plusieurs références (Bonnardel,<br />
1991a). Dans le contexte du <strong>design</strong>, l’évaluation a<br />
lieu lorsqu’une représentation est présentée par<br />
son auteur, ou interprétée par des collègues, en<br />
tant que « idée » ou « proposition de solution ». Ses<br />
collègues peuvent interpréter une représentation<br />
comme étant une proposition de solution sans que<br />
son auteur la présente explicitement en tant que<br />
telle, et peuvent l’évaluer sans que ce dernier le leur<br />
demande explicitement (Visser, 1993).<br />
Terminologie. La terminologie qui désigne les<br />
« contraintes » et les « critères » fait toujours débat<br />
dans le domaine des études cognitives du <strong>design</strong>.<br />
Bonnardel (1989) réserve le terme « contraintes »<br />
pour les références évaluatives opérationnelles<br />
et « critères » pour les références conceptuelles,<br />
alors que nous utilisons « contraintes » pour les références<br />
génératives qui dirigent la génération de<br />
solutions et « critères » pour les références évaluatives<br />
critiques qui guident l’évaluation de solutions<br />
(Visser, 1996). D’autres distinctions ont également<br />
été proposées.<br />
Selon la source de la référence évaluative, les<br />
chercheurs distinguent différents types de références<br />
évaluatives (Bonnardel, 1991a; Ullman,<br />
Dietterich, & Staufer, 1988) :<br />
- contraintes prescrites, qui sont données au<br />
<strong>design</strong>er ou que le <strong>design</strong>er déduit des spécifications<br />
du problème ;<br />
- contraintes construites, pour lesquelles les<br />
<strong>design</strong>ers utilisent principalement leur connaissance<br />
du domaine ;<br />
- contraintes déduites, que les <strong>design</strong>ers déduisent<br />
sur la base d’autres contraintes, l’état<br />
actuel du projet en <strong>design</strong> donné (la solution du<br />
problème) et les décisions en <strong>design</strong> faites pendant<br />
leur résolution des problèmes de <strong>design</strong>.<br />
Selon le type de référence utilisée par un <strong>design</strong>er,<br />
les chercheurs identifient trois stratégies<br />
d’évaluation (Bonnardel, 1991b; Martin, Détienne,<br />
& Lavigne, 2000, 2001), que nous nommons toutes<br />
les trois « comparatives » : 1<br />
- évaluation analytique : une solution est<br />
appréciée eu égard d’un nombre de contraintes<br />
donné ;<br />
- évaluation comparative* : différentes versions<br />
ou alternative de solution sont comparées<br />
l’une avec l’autre ;<br />
- évaluation analogique : une solution est ap-<br />
1<br />
préciée en utilisant la connaissance acquise en<br />
relation avec une solution précédente.<br />
Dans une analyse des modèles de négociation<br />
parmi les participants à des réunions multidisciplinaires<br />
dans le <strong>design</strong> aéronautique, Martin et al.<br />
(2000 ; 2001) montre que si une telle évaluation<br />
ne mène pas à un consensus entre les différents<br />
partenaires, des arguments d’autorité devraient<br />
être utilisées.<br />
Les références évaluatives sont des formes de<br />
connaissance. Comme prévu, l’expertise des <strong>design</strong>ers<br />
dans un domaine influence leur utilisation<br />
de ces références (D’Astous et al., 2004).<br />
Cela étant donné, dans une situation de <strong>design</strong><br />
collaboratif Given, les <strong>design</strong>ers peuvent avoir des<br />
représentations différentes d’un projet, et les propositions<br />
sont évaluées non seulement sur la base de critères d’évaluation<br />
purement techniques et « objectifs ». Elles font<br />
également l’objet de négociation, et l’acceptation finale<br />
d’une solution découle aussi des compromis entre les <strong>design</strong>ers<br />
(Martin et al., 2000, 2001). En outre, non<br />
seulement les propositions de solution, mais les<br />
critères et les procédures d’évaluation aussi sont<br />
soumis à l’évaluation (D’Astous et al., 2004).<br />
La discussion qui précède concerne les différentes<br />
formes d’évaluation par comparaison,<br />
c’est-à-dire en rapport avec des références évaluatives.<br />
Ce type d’évaluation est possible si la forme<br />
de la représentation à évaluer permet une telle<br />
comparaison. Par exemple, si l’on connaît déjà les<br />
mesures de performance de l’artefact. C’est souvet<br />
le cas en ingénierie, où des mesures « objectives »<br />
de l’artefact sont possibles (par exemple, des mesures<br />
de leur performance future).<br />
L’évaluation d’autres types d’artefacts peut<br />
être fondée sur une simulation. Le résultat d’une<br />
telle simulation (par exemple, un certain comportement<br />
exposé par l’artefact) peut constituer le<br />
point de départ d’une évaluation comparative.<br />
L’évaluation remplit des fonctions tant au<br />
niveau de l’action-exécution qu’à celui de l’action-management<br />
de l’activité de <strong>design</strong>. L’évaluation de la solution<br />
classique a lieu au niveau de l’action-exécution et mène en<br />
général à la sélection d’une proposition – peut-être après<br />
une ou plusieurs itérations. Au niveau de l’action-management,<br />
l’évaluation influence le progrès du processus de<br />
<strong>design</strong>. Selon les résultats, le <strong>design</strong> peut être continué de<br />
différentes manières. Les <strong>design</strong>ers, ainsi, évaluent non seulement<br />
les solutions, mais également leur processus de <strong>design</strong><br />
possible, sa progression et sa direction (Visser, 1996).<br />
Design collaboratif<br />
à travers l’interaction<br />
Le <strong>design</strong> collaboratif prend différentes<br />
formes et fait référence aux diverses activités<br />
de représentation-construction présentées plus<br />
haut. Au-delà des fonctions que les représentations<br />
remplissent dans les contextes tant individuels<br />
que collectifs en <strong>design</strong> (essentiellement la<br />
« décharge » cognitive, le rappel, l’annotation, l’entreposage,<br />
la communication, l’organisation, le<br />
raisonnement et la découverte), plusieurs aspects<br />
des possibilités d’externalisation des représentations<br />
fournissent des fonctions additionnelles,<br />
propres au <strong>design</strong> collectif. Ces fonctions vont<br />
avec différentes activités coopératives, qui varient<br />
selon les phases du projet de <strong>design</strong>. Lors du<br />
<strong>design</strong> partagé, lorsque l’activité centrale des <strong>design</strong>ers<br />
est la coordination en vue de la gestion des<br />
interdépendances fonctionnelles, les représentations<br />
jouent bien évidemment un rôle. Pourtant,<br />
c’est dans le co-<strong>design</strong> qu’elles ont une fonction<br />
spécifique, due à son contexte collaboratif.<br />
Dans les situations de <strong>design</strong> collaboratif, le<br />
<strong>design</strong> individuel joue bien sûr lui-aussi un rôle<br />
important (comme nous l’avons souligné à différentes<br />
occasions – voir aussi Visser, 1993 ; 2002).<br />
Pourtant, une partie essentielle du <strong>design</strong> collaboratif,<br />
notamment lors du co-<strong>design</strong>, prend place<br />
– c’est-à-dire, progresse – à travers l’interaction.<br />
Cette phrase apparemment univoque – qui pourrait<br />
même paraître tautologique – véhicule des<br />
caractéristiques du <strong>design</strong> thinking qui sont à nos<br />
yeux essentielles.<br />
En effet, les diverses formes que peut prendre<br />
l’interaction dans le <strong>design</strong> collaboratif – notamment<br />
linguistiques, graphiques, gestuelles, posturales – ne<br />
sont pas, selon nous, la simple expression et transmission<br />
(communication) d’idées développées au préalable dans<br />
un medium interne (tel que le « langage de la pensée » de<br />
Fodor). Elles sont plus nombreuses, de nature différente,<br />
que la simple trace de l’activité de <strong>design</strong> pour ainsi dire<br />
« authentique », qui serait individuelle et aurait lieu à l’intérieur,<br />
et dont les formes d’expression verbales et autres<br />
permettent de les partager entre collègues. Sur ce point,<br />
nous ne sommes pas d’accord avec Goldschmidt<br />
(1995) lorsqu’elle écrit que « le fait de penser à<br />
haute voix et discuter avec d’autres peut être vu<br />
1 Nous appelons donc le mode d’évaluation spécifique nommée « évaluation comparative » dans la littérature du domaine, comme « évaluation<br />
comparative* », afin de la distinguer de l’« évaluation par comparaison », plus générale, dont elle n’est qu’une forme particulière<br />
et qui inclut également les modes d’évaluation analytiques et analogiques.