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1969. Année érotique mais aussi celle de mes dix ans de carrière que je décide de fêter au Palais des Sports. Je viens d’enregistrer une des plus<br />

belles chansons de ma carrière, « Que je t’aime ». Alors que de nombreux chanteurs du paysage des yé-yé ont disparu après le printemps qui<br />

demandait de tout changer, après la contestation, j’arrive à continuer à exister grâce à ce tube de Jean Renard et Gilles Thibaut.<br />

Quand tes cheveux s’étalent<br />

Comme un soleil d’été<br />

Et que ton oreiller<br />

Ressemble aux champs de blé 3 …<br />

Je mets au défi un Français de ne pas connaître le refrain qui suit…<br />

En deux semaines, cent soixante mille personnes viennent m’applaudir au Palais des Sports. On y avait installé cinq scènes circulaires et, en<br />

première partie, des groupes déments comme Aphrodite’s Child se produisaient. Des écrans géants diffusaient des films gore. Des danseurs<br />

s’agitaient par centaines. Des cascadeurs descendaient du ciel. Bref, l’annonce de la démesure que j’exigerai toujours pour mes shows. Je veux qu’un<br />

de mes concerts soit une expérience unique, que les gens s’en souviennent comme ça. On ne dépense pas de l’argent pour aller voir un mec qui<br />

chante seul avec une guitare, quel que soit son talent, pour moi ce n’est pas ça, un spectacle.<br />

Je venais de sortir l’album Rivière… ouvre ton lit , j’évoluais vers un rock psychédélique. J’étais influencé par le travail de mon pote Hendrix,<br />

u coup à la réalisation j’ai pris deux pointures : Jean-Pierre Azoulay et Jimmy Page. C’est la musique qui m’a toujours sauvé. Comme un pansement<br />

n chansons.<br />

La mort ne veut pas de moi, même quand le destin m’envoie me fracasser contre un arbre à une vitesse de dingue. Je conduisais ma<br />

amborghini avec à son bord Jean-Marie Périer. On allait de Saint-Tropez à Hossegor. C’était une Miura, extrêmement légère et rapide. Oui, tout était<br />

ait pour que j’y reste.<br />

1970 est là. C’est une décennie étrange qui s’ouvre. Quelques-unes de mes idoles sont mortes coup sur coup : Brian Jones, Jim Morrison, Janis<br />

oplin et mon ami Jimi Hendrix. J’ai le souvenir de dix années qui ressemblent à une nuit sans fin. Moi aussi, j’ai touché à la drogue. Dans les parties à<br />

ondres, il y avait des bols de coke. C’était une chose normale. Un jour, je me suis réveillé, je me suis regardé dans la glace, j’étais gris. Je n’en ai plus<br />

ouché. C’était il y a trente ans. Un soir, on a enregistré en prenant des substances, on se trouvait géniaux. Le lendemain, on a écouté les bandes,<br />

’était à chier. Ça dessèche les cordes vocales. Ça n’a pas d’intérêt. C’est une histoire d’amour qui m’avait plongé dedans. Une histoire destructrice :<br />

Nanette Workman faisait les chœurs dans « Ma jolie Sarah ». Elle m’avait vu et elle avait décidé qu’elle m’aurait. C’était une tigresse. Elle avait un<br />

alent fou. C’est de ça que je suis tombé amoureux. J’étais attiré par la musicienne accomplie qu’elle était. Elle écrivait les arrangements de mes<br />

lbums. Elle est devenue ma compagne pendant plus d’une année et demie. C’est elle qui m’a plongé dans la drogue. Quand une femme qu’on aime a<br />

e l’influence sur nous, qu’on veut parler la même langue qu’elle, partager sa vie, son talent, on partage aussi cette débauche qui semble rock’n roll<br />

u début.<br />

Elle m’a fait beaucoup de mal. Nos petits déjeuners commençaient par une ligne de cocaïne. Je dormais une heure par nuit. En studio, j’étais<br />

omme un robot. Un jour, j’ai fui, j’ai sauvé ma peau. Je ne sais toujours pas comment, mais ma vie c’était de faire des choses pas de me détruire. Bien<br />

ûr, les moments sombres appellent plus de malheur dans cette pénombre. Ma tante Hélène meurt. C’est comme de perdre ma maman. Alors je fuis, je<br />

raverse la vallée de la Mort en moto, comme pour la planter derrière moi. J’avais une Kawasaki 900 et je suis parti trois semaines entre la Californie et<br />

a frontière mexicaine. J’ai toujours cru qu’en roulant vite on pouvait semer le chagrin loin derrière soi, et souvent ça a marché.<br />

En rentrant, je me tourne vers des gens qui m’élèvent, qui m’ouvrent les yeux. C’est le grand Philippe Labro qui écrit les textes de mon nouvel<br />

album, Vie. On navigue entre plusieurs tendances, mais les paroles ne laissent pas indifférent : je parle d’écologie avec un texte de science-fiction<br />

bouleversant, sur la Septième Symphonie de Beethoven : « Poème sur la 7 e », aujourd’hui plus que jamais d’actualité. Puis je choque avec Jésus-<br />

Christ. Le portrait hippie du fils de Dieu. Je parle aux parents de mes fans ados avec « Essayez ! ». Je suis très fier de la portée de cet album. C’est un<br />

disque intelligent. Philippe Labro est un passionné de la culture et de la littérature américaines, il me fait découvrir la Beat Generation : Burroughs,<br />

llen Ginsberg, Neal Cassady, Jack Kerouac, et il rallume la lumière sur ma route…<br />

Philippe savait qu’il choquerait avec « Jésus-Christ est un hippie ». L’ORTF et RTL censurent la chanson et, sur Europe 1, on s’en réjouit et on<br />

a diffuse sans arrêt.<br />

Il doit fumer de la marijane<br />

Avec un regard bleu qui plane<br />

Jésus-Christ est un hippie 4 .<br />

Franchement, Labro avait anticipé le scandale et, moi, je voulais juste être dans l’air du temps, dans le Flower Power. Aujourd’hui quand on<br />

coute certaines paroles de rap, je me dis qu’on a vraiment changé de mentalité. C’est tout de même très soft.

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