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les copains a beaucoup aidé à ce que les mentalités évoluent et, du coup, à ma propre carrière. J’étais le chouchou de Filipacchi, le patron du journal<br />

et l’animateur radio de l’émission du même nom. Pour le quatrième anniversaire du magazine en 1966, toute la jeune chanson française de l’époque<br />

pose pour le poster central. C’est une photo devant un mur de brique avec le nom du journal, ils sont tous au même niveau comme sur une photo de<br />

lasse et, moi, on m’a mis sur une échelle, je surplombe les autres. C’est Jean-Marie Périer qui au dernier moment m’a dit : « Tiens, Johnny, mets-toi là,<br />

e sera mieux, je ne te vois pas sinon… » Il voulait ménager les susceptibilités ! Il y avait Gainsbourg, Vartan, Adamo, Sheila, Richard Anthony,<br />

ave, Françoise Hardy, Eddy, Frankie Jordan, Dick Rivers, Hervé Vilard… J’en oublie plein, on devait être soixante-dix ! Je crois que cette photo était<br />

mportante dans l’imaginaire collectif, elle me plaçait comme « le boss ». Adamo était une immense star par exemple, ça n’avait pas de sens que je sois<br />

u-dessus. Mais ma carrière, c’est aussi ça, les échelles qu’on me fait monter au dernier moment et qui me font passer des nuages au ciel.<br />

J’avais mis six ans à en arriver là. De mon premier disque à ce cliché. Seulement six ans. Pendant ces années, depuis les rues du neuvième où je<br />

traînais avec ma bande aux concerts bondés où les gens hurlaient mon nom, que s’est-il passé ? Tout est allé trop vite. Je m’en souviens comme d’un<br />

tourbillon, d’un destin pressé qui ne me laisse pas le temps de profiter des moments. Bien sûr, il y a eu le Golf-Drouot d’Henri Leproux où j’ai<br />

rencontré ceux qui allaient faire la musique dans les années à venir comme Dutronc ou Dany Logan, et des amis importants aussi, comme Long Chris.<br />

Il faut que j’essaie de mettre de l’ordre dans cette aventure qui m’a mené sous la lumière dangereuse de la célébrité.<br />

Tout a vraiment commencé par l’émission de radio « Paris Cocktail » de Pierre Mendelssohn. Je chantais quatre chansons dans l’émission<br />

consacrée à Colette Renard. « Let’s Have a Party », « Blue Moon », « Tutti frutti » et une autre, je ne sais plus…<br />

Je portais un costard cintré couleur prune et une chemise noire avec des rayures dorées. La classe, quoi.<br />

Et là on m’informe que Jacques Wolfsohn, le directeur artistique de Vogue, a remarqué ma prestation et veut me voir le lendemain. Il me<br />

présente Jil et Jan, deux super compositeurs. Je leur fais écouter une de mes compositions, « Laisse les filles », et Jan me dit : « Je cosigne les<br />

musiques avec toi. »<br />

Bienvenue dans le show business ! Peu importe, j’avais seize ou dix-sept ans. Mon premier 45 tours allait sortir. Je n’y croyais pas moi-même en<br />

e prononçant… Je me disais que c’était un mensonge quand je m’entendais en parler à haute voix. Je l’avais enregistré rue Jouvenet dans le seizième,<br />

ans un tout petit studio d’enregistrement. C’est Léo Petit qui dirigeait « l’orchestre ». Le disque est sorti le 14 mars 1960, et le rock’n roll est né en<br />

rance ce jour-là, avec moi, et moi je suis né pour la seconde fois.<br />

Ma mère me dit régulièrement :<br />

tu ne fais rien, tu perds ton temps,<br />

tu ferais mieux de travailler au lieu de t’en aller traîner.<br />

Laisse les filles… *1<br />

Au dos de la pochette, ils disent n’importe quoi, selon eux j’ai un père américain, j’ai été élevé dans un ranch et je chante aussi bien en anglais<br />

qu’en français. C’est à peine si je ne suis pas en photo avec mes vaches. J’apprends que je vais me plier à ce qui se vend le mieux, ils vont me<br />

transformer en lessive et je ne choisis même pas le nom de ma marque. Un truc me ramène à la réalité, une grosse déception : sur la pochette, ils se<br />

sont plantés dans mon nom de famille : au lieu de Johnny Halliday, ils ont écrit Hallyday avec deux y. Naïvement je dis au boss de la maison de<br />

disques qu’il faut tout refaire. Je l’entends rire. Et dans son rire il y a toute la terreur de ce métier. Je ne suis peut-être pas là pour longtemps. Peut-être<br />

même que le disque ne marchera pas. Va falloir me faire aux deux « y ». Me voilà donc rebaptisé Hallyday et, en juin, je sors mon premier « tube de<br />

l’été », je n’ai même pas dix-sept ans. « Souvenirs, souvenirs » est l’adaptation d’une chanson de Cy Coben que chantait Barbara Evans. Au dos de<br />

la pochette, j’obtiens d’être un peu plus moi. Il y est inscrit : « Vous connaissez maintenant Johnny Hallyday », les deux y sont là pour toujours…<br />

« Vous êtes ses fans car vous possédez son premier disque. » Les fans donc, les fans en délire d’Elvis, voilà qu’on va les importer en France. C’était<br />

un mot nouveau. Le public semble s’emparer du phénomène comme je le fais avec la musique venue de là-bas. Chacun dans nos rôles. Je me<br />

trémousse et les filles crient, les foules poussent, ils apprennent à devenir fans et j’apprends le rock’n roll… Je ne m’arrête plus, la maison de disques<br />

Vogue sent qu’elle tient un filon et moi j’ai peur d’entendre le rire à nouveau, alors je bosse, je bosse. Et je n’ai jamais cessé.<br />

Le 18 avril 1960, Line Renaud, meneuse de revue au Casino de Paris, une vraie star, m’a fait venir dans « L’école des vedettes ». Je me<br />

souviens, c’était un lundi de Pâques. J’ai débarqué là un peu par hasard, je remplaçais au pied levé un mec malade. Le destin… C’était une émission<br />

géniale, le premier radio-crochet filmé. « La Star Academy » n’est pas une invention ! Il s’agissait pour un artiste reconnu de parrainer un artiste en<br />

devenir. Je devais chanter en direct. Chanter, ce n’était pas un problème pour moi. Mais répondre avant ça aux questions d’Aimée Mortimer… J’avais<br />

une trouille bleue. Je bafouillais. Line tentait de meubler, disant que j’étais moitié américain, moitié français, sans doute pour justifier le fait que je<br />

n’articulais pas un mot ! Et puis j’ai pris ma guitare… Une seule chanson. Line me connaissait à peine et m’a regardé avec bienveillance tandis que<br />

j’interprétais « T’aimer follement ». Je me suis déhanché comme un fou, je me suis mis à genoux, un vrai ado dans sa chambre qui imite les vedettes<br />

américaines et qui en rajoute. A la fin de ma chanson, Line Renaud, qui avait pourtant l’air un peu déstabilisée par ma prestation, a dit ce qui<br />

symbolise bien ma carrière : « C’est le public qui est seul juge. » J’ai été adopté par la France, la jeunesse d’abord. Les ventes du 45 tours ont décollé.<br />

On est passé de trente mille à cent mille exemplaires en quelques semaines. J’ai enregistré dans la foulée « Souvenirs, souvenirs » au milieu de trois<br />

autres titres et, là, le succès est arrivé comme ça, fracassant. Ça ne s’explique pas vraiment. C’est un peu comme l’amour, on ne comprend ni son<br />

entrée soudaine dans notre vie ni son départ. Parfois l’amour nous quitte de manière sinistre. Je l’ai appris très tôt à mes dépens.<br />

La première fille avec laquelle j’ai vécu s’appelait Patricia Viterbo. C’était une belle fausse blonde que j’ai eu le temps de voir brune. Une actrice<br />

ui a joué dans les adaptations cinématographiques des romans de Frédéric Dard. Elle m’impressionnait. Un soir, elle était en tournage au bord de la<br />

eine. On la filmait dans une voiture. Le frein à main n’était pas serré. La voiture a percuté le pont et l’a défoncé, elle est tombée à l’eau. Patricia ne<br />

avait pas nager, elle est morte noyée. Mes placards étaient pleins de ses vêtements, de son odeur. Elle avait vingt-sept ans. Le chiffre maudit… Celui<br />

u Club des 27 : Joplin, Hendrix, Morrison, Brian Jones, Kurt Cobain…<br />

La mort, les accidents de voiture, l’eau qui engloutit la vie : ont toujours rôdé. J’ai toujours eu conscience de la fragilité des choses, je sais qu’il<br />

aut profiter des moments. Tout passe. Je fais un bras de fer avec la mort et, pour l’instant, je ne plie pas. Je danse, je chante, je survis à tout.<br />

En 1961, j’ai rencontré une personne précieuse dans ma vie : Catherine. J’apparaissais dans un film à sketches, Les Parisiennes. « Sophie », la<br />

partie dans laquelle je jouais, était réalisée par Marc Allégret. Catherine Deneuve jouait Sophie, une lycéenne vierge et timide mais qui racontait aux<br />

filles de sa classe qu’elle avait un homme dans sa vie qui lui faisait l’amour. A la sortie du lycée, ses copines la suivaient en douce pour voir le fameux<br />

amant. Comme elle avait repéré qu’elle était suivie, Sophie entrait au hasard dans un immeuble. Elle montait tout en haut jusqu’au toit en pensant

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