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La nécrose colique due au polystyrène de sodium

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long séjour dans les semaines suivantes: le régime étant alors plus<br />

rigoureux, le Kayexalate peut être diminué à une cuillère mesure<br />

par jour, trois jours seulement par semaine. Presque <strong>de</strong>ux ans<br />

après, <strong>au</strong>cune récidive n’a été notée.<br />

Cas n° 2 : Mme C.D. est hémodialysée à partir <strong>de</strong> juillet<br />

1997, à l’âge <strong>de</strong> 72 ans, pour une insuffisance rénale sur syndrome<br />

d’Alport. Dans ses antécé<strong>de</strong>nts et <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> l’évolution,<br />

sont à retenir: une hypertension artérielle sévère qui, après<br />

quelques temps d’hémodialyse, évolue vers l’hypotension permanente;<br />

la pose d’un pace maker pour BAV du <strong>de</strong>uxième <strong>de</strong>gré<br />

avec épiso<strong>de</strong>s <strong>de</strong> tachycardie à complexes larges; une dyslipémie;<br />

une artérite <strong>de</strong>s membres inférieurs à prédominance droite<br />

sur sténose iliaque modérément serrée, ne relevant que d’un<br />

traitement médical par pentoxifylline.<br />

A plusieurs reprises, en avril et mai 1999, elle présente <strong>de</strong>s<br />

troubles digestifs avec constipation opiniâtre, douleurs abdominales,<br />

parfois vomissements. Il n’y a <strong>au</strong>cune relation avec le<br />

déroulement <strong>de</strong>s séances <strong>de</strong> dialyse. Le bilan ne découvre<br />

qu’une lithiase vésiculaire et l’hypothèse d’épiso<strong>de</strong>s sub-occlusifs<br />

sur bri<strong>de</strong> est évoquée alors que, sous traitement symptomatique,<br />

les choses s’amen<strong>de</strong>nt partiellement.<br />

Sa constipation est favorisée par la prise, <strong>au</strong> milieu <strong>de</strong> chacun<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux princip<strong>au</strong>x repas, <strong>de</strong> Kayexalate (une cuillère mesure les<br />

jours <strong>de</strong> dialyse et <strong>de</strong>ux les jours sans séance) et <strong>de</strong> 7,5 grammes<br />

<strong>de</strong> carbonate <strong>de</strong> calcium et, après ces mêmes repas, <strong>de</strong> 1/2<br />

gramme d’hydroxy<strong>de</strong> d’alumine. Pour y remédier, elle prend<br />

régulièrement un à <strong>de</strong>ux sachets <strong>de</strong> lactulose par jour.<br />

Début juin, elle est hospitalisée pour melæna et rectorragies<br />

ayant entraîné une déglobulisation <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 3 g/dl d’hémoglobine.<br />

Une première coloscopie permet <strong>de</strong> constater un cæcum<br />

très déformé par un processus infiltrant et très ulcéré, englobant<br />

la valvule <strong>de</strong> B<strong>au</strong>hin (pouvant expliquer les épiso<strong>de</strong>s sub-occlusifs<br />

antérieurs). Le reste du côlon est normal. L’aspect histologique<br />

<strong>de</strong>s dix biopsies réalisées est celui <strong>de</strong> colite ulcéreuse subaiguë:<br />

ulcérations <strong>colique</strong>s avec, par endroits, <strong>de</strong>s macrophages plurinucléés<br />

et <strong>de</strong>s cellules épithélioï<strong>de</strong>s, sans valeur spécifique car<br />

siégeant en bordure <strong>de</strong> ces ulcérations. Celles-ci sont comblées<br />

par un abondant exsudat fibrino-leucocytaire qui renferme <strong>de</strong>s<br />

particules pseudo-cristallines basophiles correspondant à <strong>de</strong>s<br />

particules <strong>de</strong> Kayexalate. Il n’y a <strong>au</strong>cune prolifération tumorale<br />

infiltrante.<br />

Le contrôle réalisé un mois plus tard est be<strong>au</strong>coup moins<br />

inquiétant: le bas fond cæcal n’a plus d’aspect pseudo-tumoral<br />

et l’on i<strong>de</strong>ntifie bien la valvule <strong>de</strong> B<strong>au</strong>hin, lipomateuse, inflammatoire,<br />

siège <strong>de</strong> pétéchies. <strong>La</strong> muqueuse du reste du cæcum<br />

est plus ou moins blanchâtre, atrophique, avec <strong>de</strong>s érosions et<br />

quelques pétéchies. On ne cathétérise pas complètement la valvule<br />

<strong>de</strong> B<strong>au</strong>hin car elle est encore inflammatoire mais le grêle terminal,<br />

vu en enfila<strong>de</strong>, apparaît normal. L’aspect est celui d’une<br />

muqueuse en cours <strong>de</strong> réparation et l’histologie proche <strong>de</strong> l’examen<br />

précé<strong>de</strong>nt: colite subaiguë ulcéreuse avec <strong>de</strong>s ulcérations<br />

constituées d’un tissu <strong>de</strong> granulation formé <strong>de</strong> néo-vaiss<strong>au</strong>x<br />

entourés d’un infiltrat inflammatoire polymorphe, riche en plasmocytes.<br />

Quelques particules <strong>de</strong> Kayexalate, basophiles, cristalloï<strong>de</strong>s<br />

sont encore retrouvées. En bordure, la muqueuse <strong>colique</strong><br />

est dystrophique.<br />

Le Kayexalate est diminué moyennant une diététique plus<br />

stricte visant <strong>au</strong>ssi à réduire la constipation et elle n’a plus,<br />

<strong>de</strong>puis, présenté <strong>de</strong> récidive.<br />

132<br />

■ Commentaires<br />

Depuis 1961, le Kayexalate, ou <strong>polystyrène</strong> sulfonate <strong>de</strong><br />

<strong>sodium</strong>, est le produit le plus utilisé dans le traitement <strong>de</strong> l’hyperkaliémie<br />

<strong>de</strong>s urémiques, dialysés ou non. Il agit comme résine<br />

échangeuse <strong>de</strong> cations <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du côlon, libérant <strong>de</strong>s ions<br />

<strong>sodium</strong> pour fixer <strong>de</strong>s ions potassium qui sont alors éliminés<br />

dans les selles.<br />

Non absorbé, il est considéré comme dépourvu d’effets<br />

secondaires, hormis parfois anorexie, n<strong>au</strong>sées, vomissements,<br />

diarrhées. Par contre, il peut induire fécalome, constipation parfois<br />

sévère, voire occlusion, surtout s’il est prescrit concomitamment<br />

à d’<strong>au</strong>tres produits altérant le transit intestinal. 1,2,3 Pour<br />

tenter <strong>de</strong> diminuer ces effets, les prescripteurs américains l’associent<br />

quasi systématiquement, que ce soit par voie rectale ou<br />

orale, à une suspension <strong>de</strong> sorbitol.<br />

Non dégradé dans l’intestin grêle qui est dépourvu d’enzymes<br />

capables <strong>de</strong> le scin<strong>de</strong>r en monosacchari<strong>de</strong>s, le sorbitol est<br />

transformé par les bactéries <strong>colique</strong>s en aci<strong>de</strong>s gras à chaînes<br />

courtes qui, lorsqu’ils dépassent les capacités d’absorption,<br />

<strong>de</strong>viennent osmotiquement actifs.<br />

●<br />

Revue <strong>de</strong> la littérature<br />

Quelques observations mentionnent la survenue <strong>de</strong> lésions<br />

gastro-intestinales parfois graves, rattachées à l’association<br />

Kayexalate-sorbitol. Elles <strong>au</strong>raient une inci<strong>de</strong>nce postopératoire<br />

proche <strong>de</strong> 1,8% 2,4,5 et entreraient également dans le cadre <strong>de</strong>s<br />

<strong>nécrose</strong>s <strong>colique</strong>s « idiopathiques » <strong>de</strong> l’urémique.<br />

Lillemoe et coll. 5 sont les premiers, en 1987, à rapporter,<br />

chez cinq patients, en postopératoire (<strong>de</strong>ux après greffe rénale),<br />

une <strong>nécrose</strong> extensive <strong>de</strong> la muqueuse et un infarcissement<br />

transmural tant <strong>de</strong> l’iléon terminal que du côlon et du rectum.<br />

Les lavements <strong>de</strong> Kayexalate-sorbitol administrés sont incriminés,<br />

en l’absence d’<strong>au</strong>tre circonstance étiologique: les patients<br />

(s<strong>au</strong>f un) avaient moins <strong>de</strong> 40 ans, <strong>au</strong>cun n’avait <strong>de</strong> passé intestinal<br />

et l’extension pan<strong>colique</strong> et rectale réfutait l’hypothèse d’une<br />

anomalie du débit sanguin mésentérique. Expérimentalement,<br />

leurs trav<strong>au</strong>x chez <strong>de</strong>s rats norm<strong>au</strong>x et <strong>de</strong>s rats urémiques aboutissent<br />

à la conclusion que le mélange Kayexalate-sorbitol induit<br />

une <strong>nécrose</strong> <strong>colique</strong> dont le sorbitol est le principal responsable,<br />

l’état urémique potentialisant la sévérité <strong>de</strong>s lésions.<br />

Ces <strong>au</strong>teurs rappellent qu’en 1973 6 et 1977, 7 <strong>de</strong>ux publications<br />

rapportaient <strong>de</strong>s complications i<strong>de</strong>ntiques après transplantation<br />

rénale ou néphrectomie du transplant. Dans l’une, 7 il n’y<br />

avait pas d’argument étiologique chez ces patients jeunes et<br />

sans lésions vasculaires, en <strong>de</strong>hors d’épiso<strong>de</strong>s péri-opératoires<br />

transitoires d’hypotension artérielle. Bien que non précisés, il est<br />

fort probable que <strong>de</strong>s lavements <strong>de</strong> Kayexalate-sorbitol aient été<br />

réalisés du fait <strong>de</strong> cette prescription routinière en matière <strong>de</strong><br />

transplantation. 6,8 Dans la secon<strong>de</strong>, 6 un certain nombre <strong>de</strong> facteurs<br />

favorisants étaient évoqués. Tous les patients ayant eu <strong>de</strong>s<br />

lavements <strong>de</strong> Kayexalate, probablement avec du sorbitol, les<br />

<strong>au</strong>teurs, sans établir <strong>de</strong> relation formelle, décidaient d’éviter<br />

dorénavant <strong>de</strong> tels lavements dans les suites d’une transplantation<br />

rénale.<br />

Wootton en 1989 9 puis Scott en 1993 10 rapportent chacun<br />

un cas <strong>de</strong> <strong>nécrose</strong> <strong>colique</strong> chez <strong>de</strong>s patients ayant reçu <strong>de</strong>s lavements<br />

<strong>de</strong> Kayexalate-sorbitol en post-transplantation rénale.<br />

Néphrologie Vol. 23 n° 3 2002

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