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portrait<br />
M e i l l e u r O u v r i e r d e F r a n c e<br />
Chapeau<br />
bas pour la<br />
modiste !<br />
Née en 1933, Christiane<br />
Drioton a grandi à <strong>Bagneux</strong><br />
qu'elle n'a jamais quitté parce<br />
qu'elle adorait courir librement<br />
dans les champs quand la ville<br />
était encore un grand jardin et<br />
parce que, devenue modiste,<br />
elle a apprécié d'être à 40<br />
minutes des Champs... Elysées.<br />
Toute sa vie est marquée par<br />
ces allers-retours permanents<br />
entre luxe, élégance et<br />
condition des plus modestes.<br />
Capeline, cloches de feutre épurées,<br />
béret de velours New Style, bandeau<br />
de tulle en construction décorent<br />
l'intérieur de Christiane comme<br />
autant de tableaux de maître. À ceci<br />
près qu'ici le maître c'est elle, car<br />
faire des chapeaux, c'est une passion<br />
qui l'habite depuis 60 ans<br />
Son CAP d'artisan modiste en<br />
poche, à 16 ans, Christiane<br />
embauche chez des modistes parisiens<br />
de grand renom pour lesquels<br />
elle copie Balmain, Chanel,<br />
Dior... : "On faisait des chapeaux<br />
en fourrure, en jersey, en soie.<br />
C'était magnifique".<br />
En 1972, elle entre chez Nina<br />
Ricci : "Nous travaillions à partir<br />
des croquis des accessoires que le<br />
styliste faisait pour accompagner<br />
la robe. Je donnais la forme des<br />
chapeaux avec la matière et le styliste<br />
validait ou non jusqu'à ce que<br />
le modèle lui convienne".<br />
MOF pour défendre la cause<br />
des salariées<br />
À cette époque, les salaires des<br />
ouvrières de la haute couture n'ont<br />
pas été revalorisés depuis les<br />
années 40. Couturières et modistes<br />
passent des heures sous les toits<br />
ou en sous-sol assises sur des<br />
tabourets pour des payes dérisoires.<br />
Christiane est déléguée de<br />
la CGT, sa section l'encourage à<br />
passer le concours prestigieux du<br />
Meilleur Ouvrier de France<br />
(MOF) pour faire entendre la voix<br />
des travailleuses de la couture, ce<br />
qu'elle fait. Reçue MOF au<br />
“Je vendais L'Humanité devant<br />
chez Nina Ricci. Aujourd'hui ce<br />
ne serait plus possible, les<br />
sections syndicales de la<br />
haute couture ont été laminées”<br />
concours de 1976, elle refuse la<br />
médaille que veut lui remettre le<br />
ministre du travail de l'époque<br />
Christian Beullac, expliquant qu'on<br />
n'écoute pas les ouvrières de la<br />
couture puisqu'on ne veut pas revaloriser<br />
leurs salaires. Le journal le<br />
Monde lui consacre un article,<br />
L'Humanité publie sa feuille de<br />
paye. "Monsieur Ricci qui lisait la<br />
presse m'a fait appeler dans son<br />
bureau. Tout le monde me disait<br />
que j'allais me faire virer... Il m'a<br />
félicitée ! Quand la maison Ricci<br />
a déménagé avenue Montaigne,<br />
j'ai été nommée première d'atelier.<br />
La lutte a duré deux ans mais<br />
nous avons fini par être augmentées".<br />
Même à la retraite, la<br />
militante est toujours à<br />
l’ouvrage<br />
Après avoir quitté Ricci en 1993,<br />
Christiane enseigne à la Chambre<br />
syndicale de la couture de Paris.<br />
Aujourd'hui, elle fait partager son<br />
amour du métier à l'occasion de<br />
différentes portes ouvertes ou de<br />
rencontres professionnelles et a<br />
reçu les insignes de Chevalier de<br />
l’ordre national du Mérite pour son<br />
engagement. Elle confectionne<br />
toujours des chapeaux et ne lâche<br />
pas le terrain de la revendication.<br />
Dans la rue le 29 janvier pour<br />
défendre le pouvoir d'achat des<br />
retraités, elle se prépare à retourner<br />
manifester le 19 mars avec d'autres<br />
collègues de la couture.<br />
Françoise Thiaville<br />
<strong>Bagneux</strong> Infos - mars 2009 - N°164 29