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Humanitaire Le génocide des Tutsis du Rwanda - Médecins du Monde

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<strong>Humanitaire</strong><br />

débats<br />

enjeux<br />

pratiques<br />

<strong>Le</strong> génocide<br />

<strong>des</strong> <strong>Tutsis</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Rwanda</strong> :<br />

une abjection<br />

pour l’Humanité,<br />

un échec pour<br />

les humanitaires<br />

avec<br />

Claude Aiguesvives • Jean-Jacques Badibanga •<br />

Jean Baisnée • Jacques Berès • Jean Damascène<br />

Bizimana • Jean-Hervé Bradol • Espérance<br />

Brossard • Véronique Geoffroy-Cyimana • Jean-<br />

Pierre Getti • Bernard Granjon • François<br />

Grünewald • Frédéric Jacquet • Aurélia Kalisky •<br />

<strong>Le</strong>ichter-Flack • Jacky Mamou • Assumpta<br />

Mugiraneza • Naasson Munyandamutsa •<br />

Véronique Nahoum-Grappe • Nathalie Raffort-<br />

Groult • Philippe Revelli • Michel Rocard •<br />

Servilien M. Sebasoni • Yves Ternon • Mathieu<br />

Vileyn • Régine Waintrater •<br />

Revue éditée par Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong><br />

Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> 62, rue Marcadet 75018 Paris<br />

Téléphone : 01 44 92 13 87 - Télécopie : 01 44 92 14 40<br />

email : revue.humanitaire@medecins<strong>du</strong>monde.net<br />

site : www.medecins<strong>du</strong>monde.org<br />

> Printemps/été 2004<br />

N°10


Sommaire<br />

p.2 Editorial > par Jacky Mamou<br />

p.6 Retour sur ...<br />

Récit d’une arrivée en un lieu de<br />

désolation > par Jacques Berès<br />

La commémoration amnésique<br />

<strong>des</strong> humanitaires > par Jean-Hervé Bradol • interview<br />

Intimité avec les tueurs > par Nathalie Raffort-Groult<br />

Quatre-vingt minutes avec<br />

François Mitterrand > par Bernard Granjon<br />

« Sur le <strong>Rwanda</strong>, les mots sont<br />

dangereux » > par Michel Rocard • interview<br />

« Un échec terrible <strong>des</strong> humanitaires »<br />

> par Bernard Kouchner • interview<br />

p.49<br />

Dossier<br />

<strong>Le</strong> génocide <strong>des</strong> <strong>Tutsis</strong> <strong>du</strong> <strong>Rwanda</strong> : une<br />

abjection pour l’Humanité, un échec<br />

pour les humanitaires<br />

• Table ronde Dix ans après : le génocide <strong>des</strong> <strong>Tutsis</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Rwanda</strong>, animée par Jacky Mamou, avec Régine Waintraiter, Yves<br />

Ternon, Jean Damascène Bizimana, Jean Pierre Getti, Annick Kayitesi<br />

• Mémoires croisées – Des références à la Shoah dans le<br />

travail de deuil et de mémoire <strong>du</strong> génocide <strong>des</strong> <strong>Tutsis</strong>,<br />

par Aurélia Kalisky<br />

• La genèse de l’idée de génocide <strong>des</strong> <strong>Tutsis</strong> <strong>du</strong> <strong>Rwanda</strong>,<br />

suivi de « <strong>Le</strong> <strong>Rwanda</strong> doit d’abord compter sur<br />

lui-même », par Servilien Sebasoni<br />

• La dynamique discursive dans l’idéologie génocidaire,<br />

par Assumpta Mugiraneza<br />

• La machette, la vache et le rugo : ruralité et génocide<br />

au <strong>Rwanda</strong>, par François Grünewald<br />

• La justice <strong>du</strong> génocide et <strong>des</strong> massacres,<br />

1996–2004, par Jean-Jacques Badibanga<br />

• La Gacaca, une solution réalisable ,<br />

par Véronique Geoffroy-Cyimana<br />

• <strong>Le</strong> Tribunal pénal international pour le <strong>Rwanda</strong><br />

entre progrès et déceptions, par Jean Damascene Bizimana<br />

• Blessure invisible, une expérience déroutante,<br />

par Naasson Munyandamutsa<br />

• <strong>Le</strong> <strong>Rwanda</strong> et les humanitaires : une relation<br />

singulière, par Claude Aiguesvives et Frédéric Jacquet<br />

p.178<br />

L ir e<br />

• D’une littérature de témoignage côté bourreaux : à propos<br />

d’Une saison de machettes de Jean Hatzfeld<br />

• La négation contre le témoignage<br />

• Réintégrer le témoin dans la communauté humaine<br />

• Quand l’amour se veut plus fort que la haine<br />

• Celui qui s’est rapproché physiquement <strong>du</strong> cercle de la<br />

tragédie…<br />

p.200<br />

Hommage à trois Médecins <strong>du</strong> <strong>Monde</strong> morts au <strong>Rwanda</strong><br />

Regard<br />

d’enfant


Editorial<br />

> Par Jacky Mamou<br />

Rédacteur en chef<br />

<strong>Le</strong> <strong>Rwanda</strong> hante la mémoire de tout être vivant<br />

soucieux d’humanité. En moins de 100 jours,<br />

près d’un million de personnes ont été horriblement<br />

assassinées. <strong>Le</strong> plus grand nombre simplement<br />

parce qu’ils étaient nés Tutsi, lors d’un<br />

plan soigneusement établi à l’échelle de tout un pays, ce<br />

qui définit le crime de génocide. Mais aussi <strong>des</strong> Hutus<br />

parce qu’ils étaient <strong>des</strong> opposants à cette politique ou<br />

qu’ils ont refusé d’y participer.<br />

Dans ce trou noir où s’est per<strong>du</strong> l’esprit d’humanité,<br />

quelques hommes ont agi conformément à leur éthique,<br />

quand la plupart ont tourné la tête pour ne pas voir.<br />

Abjection pour l’Humanité et échec pour les humanitaires,<br />

tel est le titre que nous avons choisi pour ce<br />

numéro, dédié entièrement au génocide <strong>des</strong> <strong>Tutsis</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Rwanda</strong>.<br />

Pendant quelques années, la région <strong>des</strong> Grands Lacs<br />

africains a été l’épicentre de l’horreur et la situation<br />

actuelle ne prête pas à l’optimisme. Bien sûr, les analystes<br />

vont continuer à trouver toutes sortes de clés de lecture<br />

de ce qui s’y est passé. Et certainement <strong>des</strong> choses<br />

pertinentes seraient à dire. A propos <strong>du</strong> Burundi voisin<br />

ou sur la fuite <strong>des</strong> populations Hutus encadrées par<br />

les génocidaires dans l’est <strong>du</strong> Zaïre, dirigé alors par le<br />

sinistre Mobutu, et marquées par de terribles massacres.<br />

Bien sûr. Nous n’ignorons pas non plus les responsabilités<br />

de la France, « la patrie <strong>des</strong> droits de<br />

l’Homme ». D’autres lieux et d’autres publications y<br />

sont consacrés.<br />

Et puis, pendant que nous travaillions à l’élaboration de<br />

cette revue, a rebondi la polémique sur l’identité <strong>des</strong><br />

auteurs de l’attentat <strong>du</strong> 6 avril 1994 contre l’avion<br />

d’Habyarimana, le président défunt <strong>du</strong> <strong>Rwanda</strong>. Il ne<br />

nous appartient pas de trancher sur un sujet qui appartient<br />

à l’Histoire, même s’il a <strong>des</strong> répercussions politiques<br />

évidentes. Mais nous rappellerons simplement<br />

que le génocide était déjà planifié et que dès janvier<br />

1994, le général Dallaire, chef <strong>des</strong> Casques bleus, avait<br />

alerté le Département <strong>des</strong> opérations <strong>du</strong> maintien de la<br />

paix à New York. En vain.<br />

Nous nous sommes attachés ici à centrer nos regards<br />

sur l’élimination d’une partie de l’Humanité. A ce qui<br />

nous obsède sans relâche : pourquoi le génocide Et à<br />

ce que nous savons désespérément depuis Auschwitz :<br />

qu’il n’y a pas de réponse… Dès lors, est venue comme<br />

une évidence la vision croisée nécessaire avec d’autres<br />

génoci<strong>des</strong>, illustrée dans la table ronde de ce numéro.<br />

Pendant la Shoah, l’<strong>Humanitaire</strong> avait failli à cause <strong>du</strong><br />

silence de la Croix-Rouge. Au <strong>Rwanda</strong>, on le verra, plusieurs<br />

organisations humanitaires ou <strong>des</strong> personnalités<br />

avaient tenté de réveiller l’opinion internationale, les<br />

chancelleries, l’ONU, mais leurs appels sont restés inaudibles.<br />

Cela n’obère en rien les ONG de leurs responsabilités<br />

mais cela les situe à leur juste mesure.<br />

Dès les prémices de la montée en puissance de la violence,<br />

ne fallait-il pas être plus vigilant et plus réactif<br />

contre les mesures d’intimidation dont les travailleurs<br />

humanitaires tutsis ont été l’objet Ne fallait-il pas insister<br />

plus fortement pour que <strong>des</strong> réactions collectives de<br />

la communauté humanitaire, y compris <strong>des</strong> agences<br />

d’aide <strong>des</strong> Nations unies, s’opposent solennellement à<br />

de telles pratiques. Jean-Hervé Bradol insiste, à juste<br />

titre, sur la placidité <strong>des</strong> réactions, face aux détournements<br />

de l’aide qui allaient renforcer la puissance <strong>des</strong><br />

extrémistes, bien en amont <strong>du</strong> génocide. La fréquente<br />

impossibilité d’évacuer et de mettre à l’abri les membres<br />

<strong>du</strong> personnel local travaillant pour les organismes


internationaux, qui se savaient en danger, a été un crèvecœur…<br />

Face à de telles situations extrêmes, y a-t-il vraiment<br />

<strong>des</strong> con<strong>du</strong>ites cohérentes et repro<strong>du</strong>ctibles <br />

Un autre aspect, peu envisagé jusqu’à maintenant, est<br />

que la génération d’intervenants humanitaires ou même<br />

de journalistes présents sur le terrain n’avait jamais<br />

auparavant été confrontée au génocide. Bien sûr, ils<br />

étaient trop jeunes lors de la Shoah, le génocide cambodgien<br />

s’est passé pratiquement sans témoins et la<br />

purification ethnique en ex-Yougoslavie n’avait pas pris<br />

le même caractère : il s’agissait de chasser par la terreur<br />

les habitants de certains territoires… Dans ce chaos de<br />

violence qu’a été le <strong>Rwanda</strong> pendant ces premières<br />

semaines maudites, rares étaient les personnes ayant<br />

une vue d’ensemble permettant de saisir l’ampleur et le<br />

caractère généralisé de la tuerie : seuls <strong>des</strong> appareils<br />

militaires ou <strong>des</strong> services de renseignement avaient les<br />

moyens de la synthèse… Et quand les informations ont<br />

commencé à être plus largement partagées, grâce à<br />

une poignée d’hommes de conscience, le terme de<br />

génocide a été consciencieusement évité à l’ONU, car il<br />

aurait con<strong>du</strong>it ipso facto, conformément à la Charte de<br />

cette organisation, à une intervention de protection <strong>des</strong><br />

populations… Cette coupable indifférence, Bernard<br />

Kouchner le note, a <strong>des</strong> relents de racisme : une guerre<br />

entre Africains, entre tribus… Et une fois évacués leurs<br />

expatriés, les gran<strong>des</strong> nations blanches semblaient dire :<br />

maintenant que les blancs sont partis, que les noirs s’entretuent…<br />

Et maintenant Penser à là-bas. Ecouter le témoignage<br />

<strong>des</strong> survivants : « Beaucoup n’ont pas parlé, peut-être<br />

parce que ceux qui peuvent les entendre ne sont pas<br />

encore prêts à les entendre. » Rendre leur dignité aux<br />

morts : « Ce n’est pas la personne qui a été tuée dans<br />

les latrines que je pleure, mais c’est ma mère que je<br />

pleure… Ce n’est pas la personne qui a été coupée et<br />

dont le cadavre a été dévoré par les chiens que je pleure,<br />

mais c’est mon mari que je pleure. Et je lutte pour les<br />

enterrer et leur consacrer une veillée funèbre… » Ces<br />

paroles bouleversantes ont été prononcées par Esther<br />

Mujawayo lors de la journée de commémoration <strong>du</strong> 3<br />

avril dernier à l’Unesco. Prendre soin <strong>des</strong> rescapés. Eux<br />

n’ont pas fait l’objet d’une attention particulière de la part<br />

de la solidarité internationale, ils sont sans doute ceux<br />

qui souffrent le plus dans le <strong>Rwanda</strong> actuel.<br />

Que faudrait-il faire depuis ici Donner un nouvel élan à<br />

la justice internationale : <strong>des</strong> moyens matériels et un<br />

soutien politique franc. <strong>Le</strong>s « gacaca », tribunaux villageois<br />

<strong>du</strong> <strong>Rwanda</strong>, représentent une initiative originale,<br />

mais qui connaît aussi ses difficultés. Ces questions<br />

sont abordées dans notre dossier.<br />

Soixante ans après, l’ouverture <strong>des</strong> archives américaines<br />

montre que <strong>des</strong> photos identifiaient bien Auschwitz,<br />

ses « cheminées » et ses voies ferrées qui con<strong>du</strong>isaient<br />

à l’extermination. Jamais l’aviation alliée n’a envisagé le<br />

bombardement <strong>des</strong> rails de la mort… Indifférence criminelle.<br />

Pour le <strong>Rwanda</strong> aussi, <strong>des</strong> archives s’ouvriront ou<br />

devront s’ouvrir pour identifier <strong>des</strong> (ir)responsabilités<br />

internationales.<br />

Il est <strong>du</strong> devoir <strong>des</strong> militants humanitaires d’intervenir<br />

dans les débats sur la réforme de l’ONU. L’objectif est<br />

de ré<strong>du</strong>ire les possibilités de crimes de masses contre<br />

les civils. Quelles que soient les propositions : Early warning<br />

system, Commission humanitaire auprès <strong>du</strong> secrétaire<br />

général, rapporteur spécial permanent, etc., elles<br />

apparaissent bien nécessaires pour tirer humblement<br />

quelque leçon <strong>du</strong> <strong>Rwanda</strong>.

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