Interprétations populaires des maux de la grossesse - Médecins du ...

Haute Ecole Provinciale Mons-Borinage-CentreInstitut Provincial d’Enseignement Supérieur de NursingCatégorie ParamédicaleChemin du Champs de Mars, 13, 7000 MonsInterprétations populaires des maux de la grossesse etremèdes traditionnels utilisés par les femmes enceintesen Afrique,Illustration par une enquête dans des villages sérèresdu Sénégal.Travail de fin d’étude réalisé en vue de l’obtention du diplôme de sage-femmebachelier.Par Pauline FRANCOIS.Promotrice : Madame DENEFFE-DOBRZYNSKI Marie-Laure.Lectrice : Madame DEVAUX Stéphanie.Année 2008/2009

Table des matièresIntroduction………………………………………………………………Page 4.I. Partie Théorique………………………………………….Page 6.1. Comment pense-t-on la santé ?.........................................................Page 7.2. Comment pense-t-on la maladie ?.....................................................Page 8.3. Aspect socioculturel du traitement………………...……………….Page 9.3.1. Qu’est ce que la médecine traditionnelle ?.................................Page 9.3.2. Le tradipraticien………………………………………………..Page 9.3.2.1. Définition……………………………………………………………………Page 9.3.2.2. Comment devenir tradipraticien ?....................................................Page 10.3.2.3. Exemples de fonctions remplies par le tradipraticien……………….Page 10.3.3. Comment prévenir ou traiter la maladie (savoirs populaires et remèdestraditionnels) ?.....................................................................................Page 11.3.3.1. La prévention……………………………………………………………..Page 11.3.3.2. Le diagnostic……………………………………………………………...Page 12.3.3.3. Le traitement curatif……………………………………………Page 12.3.4. L’itinéraire thérapeutique………………….………………….Page 15.4. Représentation de la grossesse………………………...………….Page 17.4.1. Les trois grandes périodes de la grossesse….………………...Page 17.4.2. Les interdits………………………………….………………..Page 18.4.2.1. Leurs buts………………………………………………………………….Page 18.4.2.2. Pour qui ?.........................................................................................Page 18.4.2.3. Exemples d’interdits comportementaux pendant la grossesse……..Page 19.4.2.4. Exemples d’interdits alimentaires pendant la grossesse…………... Page 20.4.3. Les causes des problèmes pendant la grossesse……….……...Page 20.4.4. Exemple d’une croyance Sérère : le ciit ou l’esprit pré fœtus..Page 21.2

Conclusion………………………………………………………………Page 22.II. Partie pratique…………………………………………...Page 24.1. Généralités sur le Sénégal…………………………..…………….Page 25.1.1. La situation………………………………………………………Page 25.1.2. Les ethnies……………………………………………………….Page 25.1.3. Les langues……………..………………………………………..Page 26.1.4. La place de la médecine traditionnelle au Sénégal…………...….Page 26.1.5. Quelques chiffres………………………………………………...Page 27.2. Le stage……………………………………...…………………….Page 29.2.1. Dates et lieu……………………………………………………...Page 29.2.2. Déroulement……………………………………………………..Page 29.2.3. Difficultés rencontrées…………………………………………...Page 31.2.3.1. La barrière linguistique…………………………………………………Page 31.2.3.2. L’interprète……………………………………………………………….Page 31.2.3.3. Notre âge et notre culture………………………………………………Page 31.2.3.4. Se repérer…………………………………………………………………Page 32.2.3.5. L’heure sénégalaise……………………………………………………. Page 32.2.3.6. L’argent…………………………………………………………………...Page 32.3. Outils utilisés……………...………………………………………Page 33.3.1. Les entretiens individuels………………………………………..Page 33.3.1.1. Pourquoi des entretiens individuels ?...............................................Page 33.3.1.2. Préparation des entretiens………………………………………………Page 33.3.1.3. Déroulement des entretiens…………………………………......………Page 34.3.2. Le focus groupe………………………………………………….Page 37.3.2.1. Pourquoi un focus groupe ?..............................................................Page 37.3.2.2. Préparation du focus groupe……………………………………………Page 37.3.2.3. Déroulement du focus groupe…………………………………………..Page 38.3

4. Principaux thèmes dégagés des entretiens et du focus groupe…....Page 40.4.1. Itinéraire suivi par la femme dès qu’elle se sait enceinte………..Page 40.4.2. Moyens de protection indispensables au bon déroulement de lagrossesse…………………………………………………………Page 41.4.2.1. Les gris-gris……………………………………………………………….Page 41.4.2.2. Les rituels portes bonheurs……………………………………………..Page 42.4.3. Moyens de prévention des problèmes de grossesse……………..Page 43.4.3.1. Les prescriptions………………………………………………………….Page 43.4.3.2. Les interdits……………………………………………………………….Page 44.4.3.2.1. Les interdits comportementaux…………………………….Page 44.4.3.2.2. Les interdits alimentaires…………………………………..Page 45.4.4. Maux de la grossesse et remèdes qui ressortent le plus souvent desentretiens et du focus groupe…………………………………….Page 46.4.4.1. Les nausées et vomissements……………………………………………Page 46.4.4.2. Les œdèmes………………………………………………………………..Page 47.4.4.3. L’anémie…………………………………………………………………..Page 48.4.4.4. Fausses couches, avortements, malformations, mort fœtale………..Page 52.4.4.5. Accouchements à huit mois……………………………………………..Page 52.Conclusion………………………………………………………………Page 54.Conclusion générale………………………………………………….....Page 56.Bibliographie……………………………………………………………Page 57.Table des illustrations…………………………………………………..Page 60.Annexe4

IntroductionDepuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours été passionnée par les différences culturelles quiexistent, interpelée par les inégalités existantes au sein de ce monde.Pendant mes années d’études de sage-femme, j’ai été plusieurs fois confrontée à des « chocsculturels » lors d’interactions avec des populations migrantes qui se retrouvaient face à unmodèle de soin et une prise en charge autour de la naissance pouvant être en contradictionavec leur façon d’appréhender la santé, le soin, la naissance. J’ai constaté que des femmesmigrantes pouvaient se sentir incomprises et isolées au sein de nos maternités.Il me semblait que la découverte d’une autre culture pourrait m’être d’une grande aide, entant que future professionnelle, pour m’apprendre à ne pas considérer ma culture comme « laréférence », pour m’aider à essayer de comprendre les comportements des migrants, sans lesjuger ni les interpréter en fonction de mon mode de pensée et, pour que ma prise en chargedes populations migrantes soit la plus adaptée possible, en tenant compte de leur culture et deleurs valeurs.« Pour pouvoir soigner quelqu’un, je dois me connaître.Pour pouvoir soigner quelqu’un je dois connaître l’Autre.Pour pouvoir soigner quelqu’un, je dois jeter un pont entre nous. » 1Est venu le moment de choisir un sujet de travail de fin d’études. Aller à la rencontre d’unautre pays et de sa population, découvrir une façon de vivre et de penser différentes de lamienne, notamment dans la façon d’appréhender la santé, le soin et la grossesse, me tenaient àcœur.Cette rencontre, j’ai choisi de la vivre avec la population du village de M’Boulem, auSénégal, avec pour objectif de découvrir les interprétations des maux de la grossesse et lesremèdes utilisés par les femmes enceintes.Pour atteindre cet objectif, je me suis d’abord documentée sur la façon dont la santé, lamaladie, le traitement et la grossesse étaient appréhendés par les populations africaines et jevous présente le résultat de cette recherche bibliographique dans la première partie de montravail de fin d’études.Dans un second temps, je suis partie sur place, dans le village de M’Boulem, au Sénégal,pendant trois semaines (du 25 janvier au 15 février 2009). J’ai mené une enquête auprès desfemmes pour découvrir comment elles interprètent et traitent les maux de la grossesse.1 Jean Watson (Citée par J.Anderson, IA, 1987)5

Pour mener à bien cette enquête, je me suis servie d’outils méthodologiques issus des sciencessociales, à savoir l’entretien individuel et l’entretien en focus group. Je vous présente lesrésultats de cette enquête dans la deuxième partie de mon travail de fin d’études.Pour réaliser la totalité de ce travail (partie théorique et partie pratique), je me suis limitéeexclusivement au savoir populaire et pratiques traditionnelles en Afrique. En étant conscientequ’il existe d’autres types de savoirs en Afrique et que les savoirs scientifiques et labiomédecine ne sont pas l’apanage de l’Occident et qu’ils sont aussi présents sur le ContinentAfricain.6

I. Partie théorique.7

1. Comment pense-t-on la santé ?Dans les sociétés traditionnelles africaines, la santé « est plus que l’absence de maladie, elleest synonyme d’harmonie et de bonheur englobant la prospérité matérielle aussi bien que labonne entente avec les autres et Dieu. ». 2La santé est envisagée dans une vision globale de l’être humain. L’homme est considérécomme un tout, en osmose avec son environnement, en rapport avec tout ce qui est terrestre,extra-terrestre, cosmogonique.Il s’agit d’une vision holistique de la santé prenant en considération une façon de penserl’univers, la nature, l’humain, les choses. Ce mode de pensée privilégie une vision globale dumonde qui reconnait et respecte les interactions entre les différents éléments qui leconstituent.Dans cette vision holistique de la santé la personne est donc considérée dans un ensemble, quise compose de la personne elle-même mais aussi de ses relations avec son environnement(physique, humain et spirituel).La santé sera un équilibre entre les différentes dimensions de la personne (sociale, mentale,spirituelle, physique et émotionnelle).2 B.KIPANZAT., 2000.8

2. Comment pense-t-on la maladie ?Dans la vision holistique de la santé, la maladie n’est pas vécue uniquement comme un malphysique touchant un individu mais également comme un fait social.L’apparition de la maladie remet en question l’ordre et l’équilibre social, en introduisant undésordre.« Chez le malade, ce n’est pas le corps qui est atteint le plus souvent mais son âme. Celle-ciréclame quelque chose à l’âme de la communauté et le traitement doit être recherché auniveau de la relation aux autres ». 3Par ailleurs, dans la vision holistique de la santé, la plupart des maladies obéissent au principede la double causalité, qui consiste à s’intéresser, en plus des causes naturelles de la maladie,aux origines d’ordre surnaturel.Les origines de la maladie relevant du surnaturel font partie de l’interprétation de la maladiepar le malade lui-même et son entourage. Ce besoin d’interpréter et d’expliquer la maladierenvoie à l’idée qu’elle a un sens, que déterminer ce sens est indispensable, et enfin, que « larecherche et la découverte de ce sens font parties de la thérapie ». Par exemple, à la question :« Pourquoi moi ? », les patients et leur entourage tenteront de comprendre et d’expliquer leursmaux en terme de malheurs, de sanctions dues à la transgression d’interdits, ou encore enévoquant une agression liée à la sorcellerie.L’individu fait partie d’une société qui s’inscrit à la fois dans un monde « visible » (individus,animaux, minéraux, plantes) et « non visible » (Dieu, esprits, génies, ancêtres).C’est pourquoi lorsque l’on évoque la notion « de désordre social », il peut s’agir, au-delàd’un désordre dans le monde visible, d’un problème lié au monde non visible des génies, desancêtres, des mauvais sorts, du « mauvais œil ». On comprend donc pourquoi lorsque lemalade ou son entourage tentera de comprendre ou de donner un sens au phénomène de lamaladie, tant la dimension naturelle que surnaturelle seront prises en compte.3 Raymond Johnson (Afrique).9

3. Aspects socioculturels du traitement.3.1. Qu’est ce que la médecine traditionnelle ?La médecine traditionnelle n’existe pas seulement en Afrique, elle n’est pas la propriété d’unseul pays, peuple ou continent. Il existe et il a toujours existé une médecine traditionnelle cheztous les peuples du globe. Seule la trame socioculturelle propre à tel ou tel peuple y introduitdes variantes, en marquant son système thérapeutique d’un cachet qui lui est propre parcequ’issu de sa manière de vivre, de travailler, de se nourrir, de se vêtir, de prier, de croire, deconcevoir le monde, la santé, la maladie, la mort, l’au-delà…Selon l‘OMS 4 , la thérapeutique traditionnelle est considérée comme « l’ensemble de toutes lesconnaissances et pratiques explicables ou non auxquelles on recourt pour diagnostiquer,prévenir, guérir complètement ou éliminer partiellement un déséquilibre physique, mental ousocial en s’appuyant exclusivement sur l’expérience vécue et l’observation transmises degénération en génération, oralement ou par écrit».Selon l’OMS toujours, la médecine traditionnelle est donc l’ensemble des « pratiques,méthodes, savoirs et croyances en matière de santé qui impliquent l’usage à des finsmédicales de plantes, de parties d’animaux et de minéraux, de thérapies spirituelles, detechniques et d’exercices manuels -séparément ou en association- pour soigner, diagnostiqueret prévenir les maladies ou préserver la santé. »Les deux dimensions à l’origine de la maladie (à savoir naturelle et surnaturelle), seronttraitées et abordées au même titre l’une que l’autre, mais par différentes thérapeutiques, quiseront utilisées soient successivement soit simultanément.3.2. Le tradipraticien.3.2.1. Définition.Le tradipraticien ou thérapeute traditionnel est « une personne reconnue par la collectivité oùelle vit, comme compétente pour dispenser les soins de santé, grâce à l’emploi de substancesvégétales, animales ou minérales, et d’autres méthodes basées sur un fondement socioculturelet religieux, aussi bien que sur les connaissances, compétences, croyances liées au bien êtrephysique, mental et social ainsi qu’à l’étiologie des maladies et invalidités prévalant dans lacollectivité ». 5A la fois prêtre, féticheur et médecin, il fait le lien entre les hommes et les forcessurnaturelles.4 Organisation Mondiale de la Santé.5 OMS.10

3.2.2. Comment devenir tradipraticien ?Un tradipraticien doit posséder un savoir spécialisé qui exige une connaissance spécifiqueconférée par l’apprentissage et l’initiation.Plusieurs choses peuvent permettre à une personne d’être reconnue par la communautécomme pouvant devenir tradipraticien : Un don conféré par la nature même de sa naissance (exemple des jumeaux ou demalformations physiques). Cette particularité va désigner la personne comme ayantun lien particulier avec des esprits, ce qui lui donnera le don de pouvoir devenirguérisseur. La révélation d’esprits ancestraux (en rêve ou en vision). Le vécu d’une maladie, en effet, certaines maladies sont considérées commedésignant un don permettant ensuite au malade de devenir lui-même « guérisseur » decette maladie.Une fois qu’une personne est reconnue comme pouvant devenir tradipraticien, un longapprentissage débute. Si c’est un jeune enfant, cet apprentissage va débuter auprès des parentspour se poursuivre auprès d’un maître.Une personne peut également devenir tradipraticien par héritage, les connaissances sont alorstransmises de génération en génération par les thérapeutes traditionnels à un ou plusieurs deleurs enfants.3.2.3. Exemples de fonctions remplies par le tradipraticien.Le thérapeute traditionnel est une sorte de catalyseur, il peut être à la fois : Devin, il communique avec les ancêtres par l’intermédiaire d’un support variant selonles régions (consultation de l’eau, des cauris, osselets, cornes etc. et qui constituentl’attirail divinatoire), il a une capacité à découvrir l’origine de la maladie et à élaborerun diagnostic, il trouve une forme et un sens à la maladie du patient, il cherche àtrouver au désordre causé une signification admise par le malade lui-même et par lacommunauté entière, il interprète la maladie et tente de découvrir l’acte initiateur enfonction duquel il va énoncer le rituel réparateur auquel le patient et son groupe socialdevront se soumettre. Prêtre, il préside les cérémonies de réparation ou de purification rendues possibles pardes sacrifices rituels auprès des dieux pour leur demander pardon et pour faciliter laréintégration du malade coupable dans la collectivité.11

Herboriste, il est le spécialiste des plantes médicinales, plantes dont il connaît lessecrets, il travaille leurs esprits et leurs pouvoirs curatifs. Il observe des règles trèsstrictes pour que leurs pouvoirs guérissant soient transmis au remède. Dans certainesrégions, il lui est par exemple interdit d'avoir des relations sexuelles ou de consommerdes aliments pendant qu'il effectue certaines préparations. Thérapeute, il est à la fois prescripteur, préparateur et dispensateur du remède.Le guérisseur soignera l'individu, mais il convoquera sa famille ou d'autres personnes encore,impliquées dans le problème, afin de procéder à un assainissement global de la situation.3.3. Comment prévenir ou traiter la maladie (savoir populaire et remèdestraditionnels)?3.3.1. La prévention.En Afrique de l’ouest il existe traditionnellement une série de moyens de prévention afind’éviter une affection quelconque.Il existe des moyens de prévention que l’on peut rapporter aux maladies de cause naturelle etqui seront par exemple des principes hygiéno-diététiques.Il existe également des moyens de prévention relatifs aux causes surnaturelles des maladies.Ce seront des règles ou des pratiques magico-religieuses permettant de préserver la santé,comme ne pas déroger aux coutumes (lois des ancêtres), obéir aux aînés garants de l’ordresocial, suivre scrupuleusement les interdits, prononcer à bon escient les formules consacrées(prières, incantations…), se soumettre aux rites sacrificiels, porter des gris-gris qui préserventdu mauvais sort. Le « gri-gri » peut se présenter comme un petit sachet de cuir fermé de façonhermétique contenant des substances ou des écrits qui sont symboliquement protecteursenvers les « mauvais » esprits. Ils peuvent se rapporter symboliquement à la partie du corpsque l’on veut protéger. Les gris-gris coraniques contiennent des transcriptions d’extrait duCoran et symbolisent la protection d’Allah. Les gris-gris peuvent être portés de différentesfaçons : en collier, en bracelet, attachés autour de la taille, cousus dans le vêtement au niveaude la partie du corps à protéger.12

3.3.2. Le diagnostic.Le diagnostic consiste à déterminer la cause de la maladie et la nature de l’affection.Il va être posé en tenant compte de divers éléments. Il peut reposer sur un interrogatoire, unexamen clinique ou encore des techniques de divination. Les tradipraticiens peuvent avoir degrandes qualités de finesse et d’observation et une profonde connaissance du psychisme deleurs semblables.3.3.3. Le traitement curatif.Le traitement curatif est variable et multiforme, il dépend notamment du type de maladie et desa catégorie (naturelle ou surnaturelle).On retrouve, dans la mise en place d’un traitement, la prise en compte de la globalité del’individu. Les pratiques thérapeutiques et les remèdes visent donc à agir à la fois au niveausocial, mental, spirituel, physique et émotionnel.• Les plantes médicinales,Traditionnellement en Afrique de l’Ouest, les plantes médicinales sont utilisées dans 90% destraitements des maladies, sous différentes formes, seules ou en associations (parfois plus devingt plantes sont utilisées dans une même préparation).Les plantes médicinales sont vues comme possédant une force vitale propre qu’il appartientau guérisseur de faire jaillir et d’exalter.Pour qu’une plante puisse guérir, des règles strictes doivent être appliquées lors de satransformation en remède: incantations, sacrifices, choix des jours bénéfiques et maléfiques,situation et orientation de l’échantillon végétal prélevé, façon de la cueillir (avec les dents,avec la main droite pour les hommes et gauche pour les femmes) nombre de feuilles, deracines et de tiges nécessaires à la préparation.Les plantes sont utilisées sous différentes formes : En tisanes,Les plantes coupées ou pulvérisées sont mises dans l’eau. Les principes actifs passent ensolution soit par un contact prolongé soit par ébullition plus ou moins longue. Le nombre desplantes à mettre dans la tisane et leur nature est défini par le guérisseur et peut aller jusquevingt plantes en fonction des maladies.13

En poudre,Les plantes sont d’abord séchées (au soleil ou sur le feu) puis pulvérisées. La poudre obtenueest conservée pour être absorbée au moment opportun avec un peu d’eau ou incorporée dansles aliments. En pulvérisations,Le guérisseur peut par exemple introduire la solution préparée dans sa bouche et projeter leliquide en soufflant sur la partie du corps à traiter. Le liquide pulvérisé est ensuite étalé sur lapeau lors d’un massage. En inhalation,Méthode utilisée principalement sous forme de bains de vapeurs, inhalations, fumigations.La vapeur est obtenue par ébullition d’une préparation faite par un guérisseur, ou d’unmélange solide-liquide constitué par des organes de végétaux en suspension dans de l’eau.Les bains de vapeur généraux ou locaux peuvent être pris sous un pagne englobant l’intéressé,le foyer et le récipient récolteur de vapeur, (cet ensemble peut se composer d’un récipient enterre cuite contenant les ingrédients et reposant sur trois pierres entre lesquelles sont placéesles braises chaudes pour entretenir l’émission de vapeur). Les lavages, les bains et les frictions,Ils accompagnent presque toujours le traitement interne.Leur préparation est facile, car c’est en général les restes de la préparation orale, par exemple,le reste de tisane, de poudre ou de recette du guérisseur qui vont être réutilisés en usageexterne.Les parties du corps soumises à la préparation ne sont pas choisies au hasard, leur action vase porter soit sur des zones bien définies de la peau (friction sur tout le corps en insistant surles parties reconnues comme étant plus favorables à la pénétration : voisinage des vaisseauxlymphatiques et veineux, partie interne des cuisses, aisselles, etc.), soit sur les muqueuses(pour obtenir un résultat plus rapide par action directe sur les muqueuses nasales, oculaires).Tous ces moyens thérapeutiques ne sont considérés efficaces que si préparés selon des règlescoutumières précises et propres à chaque thérapeute.• Les paroles incantatoires,Elles peuvent être considérées comme conférant au médicament son pouvoir, et doncindispensables à la guérison.14

• La confession,Le fait d’évoquer le péché responsable du mal peut être considéré comme entraînant sonélimination.• Les palabres thérapeutiques,Des discours peuvent être prononcés pendant des cérémonies de thérapie collective pourrésoudre des tensions et rendre public un mal privé.• Le sacrifice,Il a un but « purificateur », il peut être de formes variées allant de l’offrande (sacrifice nonsanglant) à l’action de tuer un animal (sacrifice sanglant). Le lieu, l’instrument, le choix del’animal entrent en compte lors du sacrifice. Il est réalisé par le malade et/ou la communautécomme cadeau à la divinité afin de se « racheter » ou de guérir. Il est presque toujoursaccompagné d’une cérémonie rituelle.• L’acte de dénonciation,Il permet d’authentifier le génie qui torture le malade.• « Le maternage »,Comme la maladie est un fait social, le groupe tout entier se sent responsable et assume à samanière le mal dont souffre le malade. La communauté va donc protéger le malade et le« materner » afin qu’il se sente bien et qu’il guérisse plus vite. C’est une forme de portage del’individu par la communauté.• L’investissement corporel,Ce sont par exemple les danses spécifiques à chaque maladie pour se défaire du mal.15

• Certains ingrédients,Ils peuvent être rattachés à une croyance par leur symbolique. Ils seront alors classés suivantleur bonne ou mauvaise puissance.On peut y trouver : des ossements, des cranes, des mains d’animaux, des cornes de chèvre,des dents de phacochère, des poils de la queue d’un éléphant… la plupart de ces matériauxsont réduits en poudre, seuls ou mélangés et ils participent à la composition des remèdes pourleur conférer une puissance supplémentaire.C’est le rôle du guérisseur de savoir quel moyen choisir en fonction de telle ou telle maladie,de les utiliser seul ou en association.Tous ces rituels sont complexes et sont propres à chaque guérisseur.3.4. L’itinéraire thérapeutique. 6« …le choix des recours thérapeutiques, dispensaire, guérisseur, marabout, etc. s’effectue, engrande partie, selon diverses formes d’évaluation profane de la qualité des structures de soinset de leur supposée capacité à traiter les maladies, non telles qu’elles sont médicalementdéfinies, mais selon la manière dont elles sont ressenties et interprétées. » Yannick JAFFRELa représentation de la maladie est un élément important du parcours thérapeutique et lerecours à la médecine traditionnelle peut ainsi être déterminé par la conception magicoreligieusede la maladie. Cependant, ce n’est pas le seul élément dans la prise de décision detel ou tel type de recours thérapeutique.L’itinéraire thérapeutique fait référence à la succession de choix faits par le malade entrecertains médicaments, soignants… Ces choix sont fonction des croyances médicales au seindes sociétés, de la perception des maladies, de la perception des soignants et structures desoins, de leur accessibilité, des moyens dont disposent les individus…. .1) Perception des premiers signes : dans un premier temps il y a souvent une gestiondomestique, c'est-à-dire une automédication à partir de recettes traditionnelles ou demédicaments achetés dans les marchés ou en pharmacie. Cette première solution estsouvent vécue comme la moins chère et la moins contraignante.6 Cadre de référence du blog mdm-scd, rédigé par Magali Bouchon, sous la direction du groupe de travail AS-DSC.16

2) Quand les symptômes s’aggravent, plusieurs choses vont influencer le choix durecours :• La perception de la maladie : le malade va expliquer à son entourage ses troubles enfonction desquels l’entourage va l’orienter. En fonction des symptômes formulés parle malade, une maladie va être nommée et imputée au registre naturel ou surnaturel.Suivant la perception de chacun et leurs interprétations des troubles, le choix durecours le plus approprié sera fait. Le système de proximité : le patient va souvent se tourner vers l’offre de soin la plusproche (qui pourra être un centre de santé ou un thérapeute traditionnel). Le statut social de l’individu, qui sera souvent proportionnel aux moyens que sacommunauté sera prête à dégager pour le soigner. Le statut économique : le choix du recours sera fonction des moyens économiques del’individu, avec la recherche d’un rapport coût/efficacité intéressant. La perception de l’efficacité de telle ou telle thérapeutique ou de tel ou tel thérapeute.Le recours sera soit la biomédecine (encore appelé médecine occidentale), soit la médecinetraditionnelle. En fonction des résultats obtenus dans l’une ou l’autre médecine il y aura desallers-retours (processus essai-erreur).Quand le malade consulte un tradipraticien, la première étape pour celui-ci sera de découvrirl’origine de la maladie et élaborer un diagnostic.Il va rechercher les causes de la maladie et va l’interpréter.Après l’interprétation de la maladie, c’est la phase de cure, le tradipraticien va soigner lepatient où l’envoyer chez tel ou tel autre soignant issu de la médecine traditionnelle ou de labiomédecine s’il estime que la maladie ne relève pas de ses compétences.En fonction des résultats obtenus à chaque étape du parcours, le malade va être réorienté versun autre thérapeute. Le malade et sa famille vont puiser dans les divers recours qui leurs sontaccessibles.17

4. Représentation de la grossesse.« Dans de nombreux pays, on considère que la future mère et l’enfant qu’elle porteentretiennent des relations privilégiées avec les êtres de l’au-delà qui les protègent. Mais onpense également que la femme enceinte et son petit sont les proies préférées des mauvaisesprits qui veulent entrer en contact avec le monde réel.Ces croyances placent la future mère en état de marginalisation, et celle-ci se met àreprésenter une menace pour la société. Elle devra donc se préserver des maléfices à l’aided’amulettes et rites de protection.Pour s’assurer une bonne grossesse, un bon accouchement et donner naissance à un bébéconforme aux normes de beauté, la future mère devra également respecter nombres d’interditscomportementaux et alimentaires. » 74.1. Les trois grandes périodes de la grossesse.Dans un certain nombre de régions africaines, le savoir populaire dit que la grossesse se diviseen trois étapes :• Les trois premiers mois, la grossesse est cachée, on considère que ce que la femmeporte en elle est une masse de sang, et que celle-ci peut ne pas tenir. Cette masse desang qui ne sort plus, (sang qui s’est arrêté=aménorrhée) est perçue comme le futurfœtus et pour que ce sang se transforme en fœtus, la femme doit faire preuve d’unecapacité à gérer le secret qu’elle ne peut partager qu’avec une personne expérimentéede la famille du mari (belle mère, belle sœur ayant déjà eu des enfants). Ces dernières,conscientes de tous les dangers que court une femme enceinte vont la mettre sous laprotection des ancêtres.Ainsi, toute femme qui se rend compte qu’elle est enceinte par des signes classiques tels quel’arrêt des règles, les nausées à prédominance matinales, ne va jamais laisser transparaître dejoie dans ses gestes, ses paroles, ni sur les traits de son visage.Cette discrétion peut être mise en rapport avec l’évolution encore incertaine de la grossesse,mais aussi avec le fait que déclarer trop tôt une grossesse pourrait attirer le « mauvais œil ».• De trois à six mois, la femme est considérée comme enceinte, ce terme ne sert qu’àdésigner une grossesse avancée et le prononcer trop tôt pourrait anticiper la volontédivine. Elle doit commencer à observer un ensemble d’interdits alimentaires etcomportementaux.• De six à neuf mois, la femme est « pleinement » enceinte, elle doit éviter tout risquede perdre le bébé. Les interdits et prescriptions sont renforcés.7 Bartoli L.,2007, p 73.18

Pendant toute la période prénatale, la femme utilise donc tous les moyens possibles pouréviter la fausse-couche, favoriser le développement du fœtus, faciliter l’accouchement, etapporter à l’enfant : santé, force et intelligence.Pour cela, elle suit un régime spécial et respecte certains interdits qui varient d’une société àl’autre et ne peuvent être généralisés.4.2. Les interdits.4.2.1. Leurs buts.• Les interdits alimentaires ont une double finalité :- esthétique (faire de beaux enfants),- prophylactique (il est supposé que la mère transmet au fœtus les caractéristiquesculturellement reconnues de ce qu’elle consomme).• Les interdits rituels ont eux aussi une double finalité :- protéger l’enfant contre les mauvais esprits et les individus malfaisants,- créer une atmosphère favorable à la mère, en éloignant d’elle les esprits et individusmalfaisants afin de préserver sa propre santé.4.2.2. Pour qui ?Traditionnellement, chaque personne de la communauté prend part à l’évènement. Lesinterdits et prescriptions, qui concernent aussi l’entourage montrent bien que c’est lacommunauté entière qui « attend » celui qui va venir, et celle-ci se doit de se préparer à lerecevoir.« Avant même sa naissance, un rituel impliquant l’esprit et la communauté devra être célébrépour accueillir l’enfant dans la famille, pour qu’il soit reconnu, pour saluer l’arrivée de cenouvel esprit et pour confirmer l’engagement de ses parents envers lui et l’un envers l’autre. »Sobonfu SoméL’enfant doit se sentir accueilli, il doit naître dans une atmosphère calme, ainsi il aural’impression d’être le bienvenu.« La naissance est l’arrivée de quelqu’un venu d’ailleurs qui doit se sentir bienvenu. Il fautqu’il ait l’impression d’arriver en un lieu où les êtres humains sont prêts à recevoir sesdons. »Sobunfu Somé19

L’état émotionnel de la femme enceinte doit être préservé, elle doit être protégée et ce, parl’ensemble de la communauté (par exemple, une femme enceinte ne peut pas faire l’objetd’une dispute).« Un village n’étant pas prêt à accueillir un nouveau-né peut effacer par inadvertance certainséléments de sa psyché. Plus tard, cette perte sera perçue comme un gouffre immense. »Sobunfu SoméProposer une liste complète des interdits et prescriptions liés à la grossesse n’est pas possible,car chaque ethnie, chaque famille a ses propres manières de penser et ses propres explications.Néanmoins, il ressort de l’ensemble des points communs. Ainsi, le fœtus peut hériter despropriétés physiques et biologiques naturelles ou surnaturelles des aliments ingérés par lafuture mère. Au point de vue social, les prescriptions invitent à la conciliation, à uneatmosphère de calme et de bonne entente autour de la femme enceinte, et enfin, il y a uneincontestable quête d’esthétique.4.2.3. Exemples d’interdits comportementaux pendant la grossesse.• La femme enceinte doit éviter de rencontrer ou de fréquenter des personnes étrangères.• Il lui est interdit de faire sa toilette dans un endroit prévu à cet effet car elle pourraittomber dans un piège tendu par un génie. Les génies de la brousse pourraient troquerson enfant contre un monstre. L’enfant « échangé » pourra être reconnu dans l’enfantqui naît avec des malformations physiques importantes, l’enfant porteur d’handicapmental ou encore l’enfant hypotonique.• Par crainte de contamination mystique, la femme enceinte ne doit ni s’amuser avec undément ni avec un infirme. Si une femme enceinte fait du mal à un fou, ou se moqued’un infirme elle risque de mettre au monde un enfant retardé ou mal formé.• Il est interdit à la femme enceinte d’avoir des rapports sexuels avec différentspartenaires. De tels actes pourraient provoquer une fausse-couche.• La femme enceinte est invitée à multiplier les rapports sexuels avec son mari afin quele fœtus multiplie ses chances de se développer dans de bonnes conditions.• Jeter un coup d’œil dans une case sans y pénétrer est jugé dangereux pour la femmeenceinte. Au moment de l’accouchement, l’enfant pourrait refuser de sortir.• Une femme enceinte ne doit pas rendre visite à une femme qui a récemment accouchési elle veut éviter un accouchement précoce (car le sang fait sortir le sang).• La femme enceinte peut ramasser un fruit tombé d’un arbre mais jamais en cueillir(l’enfant pourrait être détaché du ventre de sa mère).20

4.2.4. Exemples d’interdits alimentaires pendant la grossesse.Dans ces derniers, il y a les aliments d’origine animale, avec généralement une corrélationentre l’aspect physique des animaux et les défauts physiques et mentaux redoutés chezl’enfant à naître.• La femme enceinte ne doit pas manger de canard, l’enfant aurait les mains palmées.• La femme enceinte ne doit pas manger de phacochère, l’enfant ronflerait et reniflerait.Il y a aussi les aliments d’origine végétale, par exemple :• La femme enceinte doit éviter de manger des patates douces et des condiments sucréspar risque d’avoir un gros fœtus.• Elle ne doit pas manger de banane, l’enfant serait « mou ».4.3. Les causes des problèmes pendant la grossesse.Les causes des problèmes rencontrés pendant la grossesse peuvent être de plusieurs ordres :causes naturelles, causes surnaturelles, double causalité (problème ayant une origine naturelleet une origine surnaturelle). Voici quelques unes des causes surnaturelles possibles :• Un esprit malveillant qui pour lui-même ou pour un autre être vivant ou mort« agit ».Le fœtus peut alors être « aspiré » et il y a fausse couche, il peut aussi« envoyer » une malformation à l’enfant, provoquer un accouchement difficile ou lamort d’un enfant lors de l’accouchement.• Les sorciers, considérés comme étant des mangeurs d’âmes ou des jeteurs de sorts sonttrès redoutés notamment par les femmes enceintes qui sont plus vulnérables. Certainsde ces sorciers ont la capacité d’être multiformes (ils sont capables de se dépouiller deleur enveloppe charnelle et de se métamorphoser en animal, de voler la nuit et depasser à travers les demeures les mieux barricadées). De la nécessité de se protéger dessorciers va découler une série d’interdits comportementaux.• Les géniteurs qui enfreignent un interdit ou qui cachent quelque chose. La grossessene pourra pas être menée à terme à moins qu’ils n’héritent d’un enfant malformé.• La raison divine : « c’est Dieu qui a donné, c’est Dieu qui a repris».21

4.4. Exemple d’une croyance Sérère : le ciit ou l’esprit pré-fœtus.Selon une croyance très répandue chez les sérères (ethnie du Sénégal), le monde est peupléd’esprits invisibles, qui rôdent aux alentours des habitations et des puits pour chercher desfemmes ou des hommes qui pourraient les faire vivre parmi les humains.Les ciit ou esprits pré-fœtaux guettent les circonstances et les lieux favorables (cérémonies,forêts, puits, isolement) en vue de se réincarner dans les entrailles de la mère choisie.Les ciit sont censés pouvoir prendre la forme d’une personne ou d’un animal (serpents,chèvres, gazelles...)Dans la plupart des cas, les ciit sont de bons ancêtres désirant simplement renaître dans leursfamilles respectives.Les mauvais ciit « ciit a praxer » sont donc rarissimes et ce sont généralement les esprits desancêtres grands sorciers qui veulent revenir à la vie pour punir un ou des malfaiteurs avérésou pour assurer la promotion spirituelle ou intellectuelle d’une personne ou d’une lignée.Les mauvais esprits attaquent la nuit en général, la femme enceinte ne doit donc pas risquer àsortir de chez elle la nuit.Comme l’expose MaÏamouna une Bambara (Sénégal) 8 : « la nuit, les mauvais esprits circulentpartout. Il ne faut pas sortir de chez soi, si on est obligé quand même de sortir il ne fautsurtout pas oublier son gri-gri ou bien s’asperger d’eau bénite. On est plus en sécurité à lamaison mais les esprits peuvent quand même pénétrer dans les habitations. Alors, pour lestenir éloignés, on accroche des cornes de bœuf au-dessus de la porte et des fenêtres, car cesont les endroits par où ils rentrent. »8 Témoignage tiré du livre « Venir au monde » de Bartoli Lise., 2007, p.7922

ConclusionD’après Médecins Du Monde, « Parce que l’on n’interprète pas la maladie et ses causespartout de la même manière, apprendre à connaître la culture de l’autre pour le soigner estessentiel. Phénomène biologique, elle est aussi un ensemble d’éléments socioculturels quijouent un rôle crucial dans la manière dont le patient va appréhender sa maladie et celle qu’ilaura de se soigner.»Comme nous avons pu le voir au travers de cette première partie la culture représente unensemble de connaissances, de croyances, de normes, de valeurs et de traditions, acquises parl’homme en tant que membre de telle ou telle société. Elle se traduit par des manifestationsvisibles, notamment des comportements, des coutumes, des rituels, des représentations, dessavoirs, des pratiques qui sont propres à chaque culture, à chaque famille et qui sonttransmises de génération en génération.Ces perceptions, attitudes, croyances (pratiques magico-religieuses, interdits alimentaires)pourront constituer un ensemble de contraintes qui auront une influence directe sur lamotivation, les résistances, le recours à telle thérapeutique plutôt qu’une autre.L’imprégnation socioculturelle des populations va donc influer leur perception de l’originede la maladie, des possibilités thérapeutiques, des traitements envisageables…C’est l’exemple même de la grossesse, phénomène universel, mais qui n’est pas pensée nivécue de la même manière d’une culture à l’autre.Dans la culture traditionnelle africaine, la femme enceinte est protégée et ce, par l’ensemblede la communauté, d’ailleurs, les interdits et prescriptions qui la concernent pourront aussis’appliquer à son entourage et auront un aspect à la fois prophylactique, individuel, social etsymbolique pour éloigner le « mal ».« La « récompense » sera l’enfant sain, vécu comme le « produit » d’une action collective. » 9 .C’est une sorte de « code », de « recette » pour avoir un enfant parfait.Cette première partie m’a permis d’apprendre de « l‘Autre ». Elle m’a permis de comprendrequ’il existe d’autres références, d’autres habitudes de vie. Passer par cette phase d’étude de lapopulation est nécessaire afin que la seconde partie de mon travail (où je vais me rendre surplace, au Sénégal, dans le village de M’Boulem pour interroger les femmes sur les mauxqu’elles peuvent rencontrer pendant leur grossesse et les remèdes qu’elles utilisent9 EWOMBE-MOUNDO E., 1991, p.58.23

éventuellement), puisse se faire dans une reconnaissance de l’Autre comme différent etcomme semblable.Connaître avant de partir certaines croyances, mode de vie et de penser va me permettre enétant sur place d’éviter de me retrouver face à un « choc culturel » trop important.24

II. Partie pratique.25

1. Généralités sur le Sénégal.1.1. La situation.Le Sénégal, est un pays d'Afrique de l'Ouest appartenant à l'Afrique sub-saharienne, il estsitué à la pointe la plus occidentale de l’Afrique.Le climat est tropical et sec avec deux saisons : la saison sèche (de novembre à mai) et lasaison des pluies (de juin à octobre).Sa superficie est de 196 192 km2, pour 12 379 000 habitants.Il est limité au nord par la Mauritanie, à l’est par le Mali, au sud par la Guinée et la GuinéeBissau.La Gambie forme une enclave et sépare la région de la Casamance avec le reste du pays.A l’Ouest, il y a l’océan Atlantique sur une façade de 500 kilomètres.1.2. Les ethnies.Le Sénégal est un pays riche en différences culturelles. De nombreuses ethnies viventensemble.Les Wolofs, forment le groupe le plus important du pays et sont principalement installés dansle bas du Sénégal, les régions de Dakar, Louga, Thiès, Diourbel, Kaolack et Linguère.L’agriculture constitue l’activité traditionnelle des Wolofs.Leur nombre leur a permis d’imposer dès l’indépendance leur langue comme langueNationale.Les Sérères, voisins et proche des wolofs, représentent par leur importance numérique ladeuxième population du Sénégal. Ils vivent surtout dans le Sine Saloum, la région de Thiès, laPetite-Côte et aux abords de la Gambie.Agriculteurs et pêcheurs pour la plupart d’entre eux.Les Lébous, partagent aujourd’hui leurs terres avec les Wolofs.Les Peuls sont les éleveurs, ils transhument à travers le Sahel avec leurs troupeaux de zébus.Ils vivent surtout dans le Ferlo et la vallée du fleuve Sénégal. Cependant ils ne sont pas tousnomades. Certain sont sédentarisés depuis plusieurs générations, notamment en hauteCasamance.26

Les Toucouleurs, sont essentiellement agriculteurs et les Laobé, qui scultent le boisappartiennent à la grande famille de ceux qui parlent peul.Les Dioulas occupent la basse Casamance, ils sont divisés en de nombreux sous groupes etsont pour la plupart agriculteurs.Les Malinké ou Mandingues, à l’origine agriculteurs, sont aujourd’hui devenusessentiellement commerçants.Dioulas et Malinkés font partie de la grand famille des Casamançais.Les Sarakolés ou Soninkés étaient un peuple de guerrier. D’abord agriculteurs ils n’hésitentpas aujourd’hui à pratiquer toute sortes de métiers.1.3. Les langues.La langue officielle est le Français. Il y a six autres langues nationales qui sont le Wolof, leSérère, le Peul, le Mandingue, le Soninké et le Dioula.1.4. La place de la médecine traditionnelle au Sénégal.La médecine traditionnelle est très présente, aussi bien dans les milieux ruraux que dans lesmilieux urbains, et est utilisée comme recours pour tout type de problème de santé.Les tradipraticiens se retrouvent en amont et en aval de tous les processus (préventif,diagnostic, curatif). Ils ont un rôle en tant que responsables et dispensateurs de soins et sontreconnus et acceptés par les populations (80% d’entre elles l’utilise comme premier recoursen cas de maladie.).Selon l’OMS, il y aurait au Sénégal un tradipraticien pour 500 personnes contre un médecinpour 40 000 habitants.L’OMS est active en ce qui concerne le soutien au développement de la médecinetraditionnelle. Elle coopère avec ses États Membres en vue de promouvoir l'utilisation de lamédecine traditionnelle pour les soins de santé. Cette collaboration a pour but de:• soutenir la médecine traditionnelle et de l'intégrer dans les systèmes nationaux desanté, établir en même temps une politique nationale et une réglementation applicablesaux produits, aux pratiques et aux prestataires afin d'en assurer l'innocuité et la qualité;• reconnaître la médecine traditionnelle en tant que partie intégrante des soins de santéprimaires, pour améliorer l'accès aux soins et préserver les connaissances et lesressources;• assurer la sécurité des patients en renforçant les compétences et les connaissances despraticiens de la médecine traditionnelle27

Au Sénégal, les politiques de santé font intervenir la médecine traditionnelle.En mai 2007, le ministère de la santé et de la prévention médicale reconnaît la médecinetraditionnelle et a notamment lancé un projet de valorisation de la médecine traditionnelleSénégal-Mali en créant des bureaux de la médecine et pharmacopée traditionnelle, des centresd’expérimentation clinique des médicaments à base de plantes médicinale et de validation duprojet de loi réglementant le pratique de cette médecine. « Ces engagements de l’état montrentl’importance qu’il accorde à la médecine traditionnelle » 10Depuis août 2002 il existe une journée Africaine de la médecine traditionnelle.1.5. Quelques chiffres.Au niveau des infrastructures sanitaires, le Sénégal compte un hôpital pour 500 000 habitants.Le nombre moyen d’enfant par femme est de 4,88. 11La mortalité maternelle est élevée au Sénégal, elle était en 2005 d’une moyenne de 401 décèspour 100 000 naissances vivantes (les taux par milieu de résidence sont estimés à 309 pour100 000 naissances en milieu urbain et 472 pour 100 000 naissances en milieu rural). Le suivides grossesses, les conditions de l’accouchement (s’il a lieu en maternité ou non), lapossibilité de pouvoir transférer une femme en urgence en cas de problème et la possibilité depouvoir avoir recours à une césarienne si c’est nécessaire, sont des facteurs clés de lamortalité maternelle.Le taux de mortalité infantile est lui aussi élevé, il est de 60,15 sur mille enfants nés vivantsen 2005.Le risque de décès maternel sur une vie entière est de 1 sur 25 (ratio de mortalité maternellede 2005).Selon l’enquête démographique et de santé au Sénégal n°4 (EDS.IV, réalisée entre 1998 et2005), 83% des femmes vont au moins à une visite prénatale pendant leur grossesse, 40% enont eu quatre et plus (dont 51% en ville et 32% à la campagne), 62% des naissances se sontdéroulées dans des établissements sanitaires.10 Farba Lamine Sall (directeur de cabinet du ministre de la santé et de la prévention), 4 mai 2007,.11 Source de tous les chiffres : The Word Factbook, CIA, 200628

Figure 1: carte du Sénégal (thèse de Monsieur Charles HADDAD)29

2. Le stage.2.1. Dates et Lieu.Nous sommes allés au Sénégal du 25 janvier 2009 au 15 février 2009, dans la région deM’Bour.M’Bour est une ville de l’ouest du Sénégal, située sur la Petite Côte, à environ 80 kilomètresau sud de Dakar. C’est une ville de 180.000 habitants, ayant un port de pèche très actif, c’estaussi un lieu touristique. Malgré l’activité touristique croissante il y a un grand manqued’infrastructure (une seule route goudronnée traversant la ville).Aux alentours du centre de cette ville, après quelques kilomètres dans la brousse, il y a unemultitude de villages isolés, vivant sur un mode rural dans des petites cases avec des toits depaille.La population est en majorité Sérère, bien qu’il y ait aussi beaucoup de Wolofs.Notre lieu de stage de départ était dans la maternité de M’Boulem, se trouvant dans un villagede brousse portant le même nom.Pour y arriver, 45 minutes de voiture sur des routes de brousse difficilement praticables.2.2. Déroulement.Dans cette maternité, il y a deux matrones 12 qui sont là tous les jours et une sage-femme quivient une fois par mois pour les consultations prénatales et les vaccins aux nouveau-nés.Nous devions travailler avec les matrones et réaliser nos entretiens avec les nombreusesfemmes qui fréquentaient la maternité.Dès le premier jour, nous avons pu constater que les soignantes étaient contre tout type derecours aux pratiques et médecines traditionnelles, qu’elles cherchaient à « chasser » au profitde la médecine occidentale.Cherchant quand même à obtenir des informations nécessaires à la réalisation de notre travailde fin d’étude, nous prenions les femmes à part pour leur poser des questions sur leurscroyances par rapport à la grossesse, leurs remèdes… A nos questions, nous n’avions jamaisde réponses, en effet ces femmes qui faisaient des heures de route à pied pour venir, n’étaientlà qu’une seule journée et ne nous connaissaient pas, elles n’auraient donc en aucun cas parléde ce sujet à des inconnues. De plus, l’influence des soignantes était telle, que les femmesn’auraient pas osé les contredire.12 Femme ayant eu une formation de neuf mois auprès d’une sage-femme.30

Nous avons donc du rapidement changer de méthode et trouver un autre moyen de rencontrerdes femmes dans des villages excentrés des centres de soins.Au fil des rencontres, nous avons pu sympathiser avec des personnes qui ont accepté des’entretenir avec nous.2.3. Difficultés rencontrées.Sur le terrain, nous avons du faire face à des difficultés de plusieurs ordres :2.3.1. La barrière linguistique.La population que nous avons interrogée est Sérère, ils parlaient tous le dialecte local et mêmesi certains parlaient français (ceux qui sont allés à l’école en général) tous ne le maîtrisaientpas.Chez les personnes qui parlaient français, nous avions beau utiliser la même langue, nous neparlions pas toujours le même langage, et nous n’employions pas les mêmes mots pourdésigner quelque chose de précis.Nous avons été également confrontés à des personne ne parlant pas du tout français, dans cescas, nous avons du passer par l’intermédiaire d’un traducteur.2.3.2. L’interprète.Il a fallu trouver une personne qui était acceptée du village, une personne de confiance. Pource faire, nous avions décidé de prendre une personne du village, personne que les villageoisauraient eux-mêmes choisie.L’avantage majeur est qu’il nous a permis de nous entretenir avec des personnes ne parlantpas le français, néanmoins, sa présence a comporté aussi des inconvénients. L’échange étaitde ce fait moins spontané, il ne nous traduisait pas tout et interprétait les dires des femmes.2.3.3. Notre âge, et notre culture.La première question que les femmes nous posaient était : « vous avez des enfants ? ».Notre réponse étant non, les questions fusaient de toute part : « mais quel âge tu as ? » « T’aspas encore d’enfant ? », « T’es pas marié ? », « Mais pourquoi ? ».31

Par le fait que nous n’avions pas d’enfants nous perdions déjà une grande part de crédibilité.Alors il fallait leur expliquer notre mode de fonctionnement en France et il fallait gagner leurconfiance.2.3.4. Se repérer.Sur place se repérer en si peu de temps était chose impossible, les petits villages n’ont pas denom, et ne sont pas connus de la population locale, pas possible non plus de prendre un taxi,d’une part parce que l’on ne serait pas arrivé à destination, la brousse aurait eue raison de lavoiture, d’autre part parce qu’il n’y a pas d’adresse.Il a donc fallu qu’une personne du village vienne nous chercher pour nous y emmener.Pour d’autres entretiens, les femmes se déplaçaient jusqu'à nous.2.3.5. « L’heure Sénégalaise ».Au Sénégal, pas de montre, tout le monde semble avoir le temps.Parfois nous avions rendez-vous à 8heures, et à 13heures, nous attendions toujours… Pas depanique elles finissaient toujours par arriver, il fallait juste être patient !2.3.6. L’argent.Là-bas nous étions des « toubabs », c'est-à-dire des étrangers blancs, ceux qui détiennentl’argent…De plus, le temps que les femmes passaient avec nous, les empêchait de travailler(ramasser du bois, puiser l’eau…). Donc pour pouvoir faire nos entretiens, il fallait lesindemniser.32

3. Outils utilisés :3.1. Les entretiens individuels.3.1.1. Pourquoi des entretiens individuels ?L’entretien est une méthode utilisée pour le recueil de données qualitatives, c’est une méthodequi permet de mettre en évidence des représentations, pratiques inscrites dans l’esprit despersonnes.C’est un mode de recueil de données bien accepté par les personnes et adapté aux populationsne sachant ni lire ni écrire donc, adapté aux personnes que j’ai pu rencontrées qui étaient pourla plupart analphabètes.L’entretien comporte également un avantage majeur qui est celui de pouvoir avoir un contactpersonnel et direct avec la population locale.De plus, étant donné que j’étais sur place et que j’avais un temps bien défini pour recueillirles informations nécessaires à l’élaboration de mon TFE, les entretiens constituaient laméthode la plus adéquate, la plus rapide.3.1.2. Préparation des entretiens. Constitution d’une grille d’entretien 13 :La constitution de ma grille d’entretien a été réalisée en fonction de mes objectifs et de ce queje voulais savoir au terme de mes trois semaines au Sénégal.Au fur et à mesure de mes lectures, j’ai fait une liste des questions qui se rapportaient à monsujet, je les ai classées par thème et par ordre, de la plus générale à la plus précise, au final magrille d’entretien se composait de six questions.Je l’ai ensuite soumise avant mon départ à Madame DENEFFE, ma Promotrice, qui l’aapprouvée. Matériel :Avant mon départ je me suis procuré un dictaphone enregistreur, et des blocs notes quej’avais toujours avec moi.13 Voir annexe.33

3.1.3. Déroulement des entretiens.Sur place, il a fallu que j’aille à la rencontre de la population et que je trouve des femmesacceptant de me consacrer de leurs temps pour répondre à mes questions.Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain, il a fallu que je gagne la confiance des femmes.Petit à petit, au fur et à mesure des rencontres elles ont commencé à se livrer, donnant desinformations par ci par là. Quand j’ai senti que c’était le moment de pouvoir faire desentretiens, je leur ai demandées si elles étaient d’accord de me parler de tout cela plus endétail, et j’ai pu fixer des rendez-vous en fonction de leurs disponibilités, de leurs possibilitésde déplacement.Au final, j’ai réalisé cinq entretiens et un focus groupe (dont je parlerai ensuite). Un premier avec une femme africaine de 36 ans, ayant deux enfants vivants de 9 et 4ans (et un enfant décédé, qui aurait aujourd’hui 14ans, il est décédé à 3 mois d’unemort subite du nourrisson).Elle habite dans le village où nous sommes allés faire le focus groupe. Elle est femmede ménage chez la personne qui nous a accueillies sur place. C’est une femme Sérère,de religion musulmane. Elle n’a pas été scolarisée.L’entretien s’est déroulé dans la maison où nous logions. Un second avec une maîtresse de l’école Privée de N’Diamane, un village éloigné ducentre de M’Bour. Cette femme a 46 ans et six enfants, tous en vie, elle est Sérère etde religion musulmane, elle vit dans le village de brousse où se trouve l’école.L’entretien a eu lieu à l’école, pendant une récréation. Un troisième avec un libanais né au Sénégal, docteur en pharmacie, diplômé enFrance, passionné de plantes et de pharmacopée traditionnelle, il a laissé de côté sonmétier pour vivre de sa passion et a reconstitué chez lui toutes les régions du Sénégalau niveau de la flore. Il n’exploite pas ses plantes médicinales pour l’instant et n’en vitpas, mais il est en contact avec le dispensaire de l’association « Notre Dame deSarepta » de M’Bour afin de mettre en place des remèdes à partir de sa culture deplante médicinale.L’entretien a eu lieu chez lui. Un quatrième avec une sœur catholique travaillant au centre de santé « Notre Dame deSarepta » de M’Bour, elle a fait les consultations prénatales pendant 10 ans dans unvillage de pleine brousse, c’est une sénégalaise infirmière d’état.34

L’entretien a eu lieu dans le centre de santé. Un cinquième avec une femme de 26 ans, maman d’une petite fille de six mois. Elletravaille dans un restaurant local avec sa famille. C’est une femme Sérère, de religionmusulmane qui n’a pas été scolarisé. Elle habite M’Bour.L’entretien a eu lieu dans la maison où nous logions.3.2. Le focus groupe.3.2.1. Pourquoi un focus groupe ?L’entretien de groupe est une méthode intéressante pour obtenir beaucoup d’informations enpeu de temps sur un sujet peu connu.C’est une méthode généralement bien acceptée des personnes, et c’est un moyen réalisableavec une population analphabète.3.2.2. Préparation du focus groupe. Guide avec les thèmes à aborder.J’ai repris pour le focus groupe la grille d’entretien, avec les principaux thèmes que je voulaisaborder. Matériel.Le matériel est le même que pour les entretiens : un dictaphone, un bloc note. Recrutement des participants.Une des personnes avec qui nous nous sommes entretenus nous a proposé de venir dans sonvillage afin que l’on puisse s’entretenir avec les « grandes dames » (c'est-à-dire les vieillesfemmes) qui détiennent tous les « secrets » sur la grossesse, sur les problèmes rencontrés, surles remèdes qu’elles utilisent. (La culture africaine veut que la sagesse, le savoir etl’expérience viennent avec les années, par conséquent, les vieilles femmes savent plus dechoses et sont plus à même de nous raconter. Leur crédibilité est d’autant plus importante queleur âge est avancé.)Nous lui avions dit qu’il nous fallait une dizaine de participantes, elle s’est occupée de lesavertir et de fixer un rendez-vous en fonction des disponibilités des « grandes dames ». Traducteur.35

Les participantes du focus groupe ne parlaient pas le français, il nous fallait donc quelqu’unpour traduire, nous en avons parlé à la personne qui nous a emmené dans son village.Nous voulions que les femmes du village désignent une femme qui fasse l’interprète, ainsi,cette personne désignée par les femmes elles-mêmes serait de ce fait bien acceptée, et lesmettrait en confiance.3.2.3. Déroulement du focus groupe.• Lieu et date :Le focus groupe a eu lieu le dimanche 7 février, dans un village, à 30 minutes de voiture deM’Bour.• Participants :A notre arrivée, nous sommes allées nous présenter au chef du village et nous l’avonsremercié d’accepter que l’on rencontre les « grandes dames ». Il nous a installés au centre duvillage sur des chaises.Petit à petit les femmes sont arrivées, au total, il y en avait une quarantaine, de tous les âges.Toutes s’étaient déplacées pour la circonstance, nous avons du nous adapter, car il étaitinenvisageable d’en sélectionner une dizaine et de renvoyer les autres• Traducteur :Au final, le chef du village a voulu faire l’interprète. Ce qui a constitué pour nous un frein caril ne traduisait pas tout, on voyait bien qu’il sélectionnait les informations qu’il nous donnait.• Enquêteurs :Nous étions deux à réaliser et diriger le focus groupe.Je tenais le rôle de modératrice : j’ai posé les questions, donné la parole aux femmes. J’aiaussi pris des notes sur les grandes lignes de ce qui se disait.Une autre étudiante sage-femme a rempli le rôle d’observatrice : elle a pris des notes sur lenon verbal, les tendances principales qui se dégageaient.L’ensemble des échanges a été enregistré, ce qui m’a permis de ne rien perdre de ce qui a étédit.36

4. Principaux thèmes dégagées des entretiens et du focus groupe.4.1. Itinéraire suivi par la femme dès qu’elle se sait enceinte. La femme qui se rend compte qu’elle est enceinte va immédiatement voir « quelqu’unqui voit loin » cette personne va lui révéler tout sur sa grossesse (problèmes qu’elle varencontrer, personnes à éviter, présages) en regardant soit dans un « cauri blanc »(espèce de petit coquillage blanc), soit en regardant dans une calebasse remplie d’eau. Ensuite la femme enceinte va aller consulter un marabout 14 le plus rapidementpossible. Celui-ci va mettre en place une série de prescriptions qui ont pour but deprotéger la femme enceinte et le fœtus des mauvais esprits, des sorciers ou des sorts. Pendant tout le reste de la grossesse, au moindre problème la femme enceinte va allerconsulter le voyant afin de savoir exactement l’origine du problème. Celui-ci va luidire si le problème vient de Dieu, ou s’il vient de quelqu’un qui lui veut du mal. Pour tout ce qui est des problèmes de grossesse tels que les nausées et vomissements,les vertiges, « le sel » 15 , les femmes ont uniquement recours à leurs savoirs sur lesplantes qu’elles se procurent soit directement dans le village, soit qu’elles achètent àdes herboristes sur le marché.Figure 2 : panneau publicitaire à M’Bour (photo de P. François)14 Musulman réputé pour ses pouvoirs magico-religieux. A la fois devin et guérisseur, il a le pouvoir de rétablirla santé ou l’ordre social. Il est considéré comme un saint homme et un sage. Les marabouts ne demandent engénéral pas de salaire pour leurs actions mais l’obligation morale tacite est de répondre à leurs besoinsalimentaires (nourriture et boisson).15 Terme employé par toutes les femmes interrogées pour désigner les œdèmes.37

4.2. Moyens de protections indispensables au bon déroulement de la grossesse.4.2.1. Les gris-gris 16 .Tous m’ont dit que les gris-gris des marabouts sont obligatoires pendant la grossesse, leur butétant de protéger la femme enceinte et le fœtus contre les mauvais esprits, les mauvaiseslangues, les mauvais sorts. Une femme enceinte qui n’aurait pas ses gris-gris mourraitinévitablement ainsi que son fœtus.Quelques exemples de gris-gris : Une racine de garencia sénégalensis que la femme enceinte doit mettre autour de soncou pendant toute la grossesse, et qu’elle mettra ensuite au poignet de l’enfant après lanaissance. Une corne de chèvre entourée de peau de chèvre, à mettre autour du cou et dont lemorceau du milieu doit être placé à l’endroit de la tête de l’enfant in utéro.Figure 3 : gri-gri (photos de P. François) Un petit papier où le marabout écrit une phrase que lui seul connait (souvent un versetdu Coran), enroulé dans une peau de chèvre et placé autour du cou. Une fleur de poftane. Le poftane étant un petit arbre à écorce donnant un liège épais,avec de grandes feuilles ovales, très repandu en Afrique. Il protège contre les mauvaisesprits.16 Le terme « gris-gris » est expliqué en 1 ère partie, paragraphe 3.3.1. à la page 11.38

Les femmes enceintes doivent toujours avoir sur elles une de ses fleurs.Figure 4: Le poftane (photo de P. François)Il est recommandé à la femme enceinte de cumuler un maximum de gris-gris pour être mieuxprotégée car l’accumulation de plusieurs gris-gris fait leur force et protège mieux à la fois lafemme et le fœtus.4.2.2. Les rituels portes bonheurs. Le marabout demande des « sacrifices » à la femme enceinte c'est-à-dire, achat decola, sel, savon…Pour subvenir à ses besoins car il ne se fait pas payer. Le marabout réalise des préparations (dont lui seul connait le secret), qu’il réduit enpoudre. La femme enceinte doit la mettre dans son bain et se tremper dedans ou laboire.Récit d’une femme lors d’un entretien :« A 8 mois mon mara 17 m’a demandé d’acheter des bougies, j’ai du les allumer un soir, nem’éclairer qu’avec ça et attendre qu’elles se consument jusqu’au bout. Le lendemain, j’ai durécupérer les bougies fondues, je les ai mises dans un seau d’eau et je me suis lavée avec,ensuite j’ai du creuser un trou dans la terre dans ma case et j’ai enterré les restes de bougie etd’eau pour que je sois protégée et mon enfant aussi.»17 Diminutif de Marabout39

4.3. Moyens de prévention des problèmes de grossesse.Dans tous les entretiens, les femmes nous ont parlé d’un bon nombre d’interdits etprescriptions qui sont obligatoires pendant la grossesse comme moyen de prévention. Lestransgresser expose la femme enceinte et le fœtus à de sérieux problèmes (fausse-couche,avortement, malformations fœtales de tout genre…). Elles ont aussi recours aux plantesmédicinales pour la prévention des problèmes ayant une cause naturelle (œdèmes, anémie…).4.3.1. Les prescriptions.Elles sont en général les mêmes chez toutes les femmes interrogées. La femme qui se sait enceinte doit garder le secret le plus longtemps possible, seul sonmari peut être mis au courant. Elle n’annonce jamais la nouvelle à personne, les gensle découvrent quand son ventre « gonfle ». La femme enceinte doit travailler très dur et ce, pendant toute la grossesse. Elle doit selever tôt, porter le bois, puiser l’eau, piler le mil, marcher des kilomètres. Elle ne doitjamais se reposer sinon l’enfant « se reposerait », il ne serait pas en bonne santé etl’accouchement serait difficile. La femme enceinte qui croise une personne handicapée, malformée doit absolument laregarder dans les moindres détails. Si elle l’évite du regard, l’enfant sera porteur desmêmes problèmes. La femme enceinte qui croise un mouton ou un porc doit bien le regarder sinonl’enfant sera aveugle ou fou. La femme enceinte ne doit pas avoir peur pendant la grossesse. Elle doit éviter desursauter à la vue de quelque chose surprenant.Récit d’une femme africaine interrogée : « Un jour, j’ai croisé un caméléon qui rampait. Ilm’a fait très peur car j’ai été surprise. Après, pendant tout le reste de ma grossesse, j’ai faitdes prières et des prières, tous les soirs, jusqu'à l’accouchement, tellement j’avais peur quemon enfant rampe aussi. Quand ma fille est née, je n’ai pas osé la regarder pendant 2 jours,parce que je repensais à tout ce qui m’avait fait peur pendant la grossesse. » A partir de 8 mois de grossesse, la femme enceinte qui sort de chez elle doit se couvrirde la tête aux pieds pour « ne pas attraper les vents », c'est-à-dire, éviter les courantsd’airs, qui sont porteurs de mauvais esprits.40

4.3.2. Les interdits.4.3.2.1. Les interdits comportementaux.La femme enceinte doit respecter une série d’interdits comportementaux, ci-après une liste deceux qui reviennent à chaque entretien : Elle ne doit pas sortir à n’importe quelle heure de la journée. Après 19 heures, elle ainterdiction d’aller dehors car elle risquerait d’être attaquée par les mauvais esprits quisortent la nuit.La femme enceinte est plus susceptible de « capter les mauvais esprits qui necherchent qu’à se réincarner dans le fœtus ». Elle a interdiction de parler avec les griots 18 . Pour éviter de parler par mégarde à ungriot, elle ne doit pas parler à des inconnus puisqu’elle ne sait s’ils sont griots ou non.Par ailleurs, elle ne peut plus assister aux cérémonies puisque les griots y sont toujoursprésents. Transgresser ces interdits provoquerait un avortement.Récit d’une femme interrogée : « Il y a des gens, des races, que si tu es enceinte tu parlespas avec les griots. C’est la coutume. Les griots c’est une race qui demande de l’argent etqui tape le tam-tam, les artistes, pas tous les artistes mais la plupart sont des griots. Quandtu as un mariage ou un baptême il vient et il tape leur musique et tu donne de l’argent àlui. ».Autre récit : « Le griot est quelqu’un qui raconte des histoires sur ta famille pour avoirdes sous, il connaît tout sur toi, tes grands-parents, ta famille, il vient à des mariages, desbaptêmes et raconte ton histoire et fait de la musique ».Les griots se transmettent les informations de mère en fille ou de père en fils. La femme enceinte ne doit pas s’asseoir sur le lit de quelqu’un d’autre (même celui desa propre mère) sinon elle avortera. Elle ne peut pas aller voir une personne de sa famille qui est en travail ou qui vientd’accoucher, et ce, jusqu’au troisième jour après la naissance. Leur sang étant le même(être de la même famille=être du même sang) et « le sang appelant le sang », elleavorterait. Elle ne doit pas manger dans le bol de quelqu’un d’autre, cela porte malheur.18 Griot, griotte ; poète musicien ambulant en Afrique Noire, dépositaire de la culture orale. (Larousse pratique2005, édition Larousse)41

4.3.2.2. Les interdits alimentaires.Série d’interdits alimentaires devant être respectés : Elle doit éviter certains aliments, certaines viandes, car l’enfant « prendrait lesmanières » de l’aliment ou de l’animal consommé. (Par exemple, elle ne doit pasmanger de gros lézard car « l’enfant prendrait quelque chose du lézard et seraitmoche. »). Elle ne doit pas manger de pain, « l’enfant prendrait une taille anormale ». Elle ne doit pas boire trop d’eau, sinon elle perdrait trop d’eau au moment del’accouchement. Elle ne doit pas manger d’œufs, l’enfant serait muet. Elle a interdiction de boire du lait caillé des peuls, celui-ci est porteur de mauvaissorts. (Les peuls sont l’ethnie des éleveurs de bétail au Sénégal, on les rencontrefréquemment sur les bords des routes où ils vendent leur lait caillé.)42

4.4. Maux de la grossesse et remèdes qui ressortent le plus souvent des entretienset du focus groupe.Les trois premiers maux qui seront traités (nausées/vomissements, œdèmes et anémie), sontclassés par les femmes dans les causes dites « naturelles » (causes produites par des accidents,des carences, des excès et non par un phénomène magico-religieux). Ceci explique leurrecours exclusif aux plantes médicinales sans nécessité de traitement magico-religieux.Les autres maux (fausses-couches, avortements, malformations, mort fœtale, accouchement à8 mois) seront imputés au registre surnaturel. Le recours magico-religieux sera alorsnécessaire en prévention.4.4.1. Les nausées et vomissements.Il existe plusieurs remèdes ayant tous les mêmes caractéristiques, à savoir, la présenced’éléments acides, amers et salés.Exemples de remèdes :- Citron + cerise verte + sel + piment, le tout en jus.- Citron + tamarin + oseille, le tout en jus.- Kad, en jus.- Le bissap en tisane. (Voir « anémie ») Le tamarin,Fruit du Tamarindus indica (tamaranier), est cueilli quand il est parfaitement mûr, c’est unegousse épaisse, avec une pulpe au goût acide contenant des graines. Il est consommé frais ouséché pour combattre certaines maladies (maux de gorge, affections intestinales…)Il est aussi utilisé comme jus de boisson. Le kad (acacia albida),C’est un des plus grands acacias.• Préparation :Prendre la partie molle de l’écorce du tronc, la faire bouillir 10 minutes dans de l’eau, filtrer etlaisser refroidir.43

• Posologie :A boire au moment des malaises et avant les repas.4.4.2. Les œdèmes.Les œdèmes sont communément appelés « le sel » par les femmes que j’ai interrogées.Le remède utilisé est le même pour toutes, c’est le kinkiliba.Figure 5: Kinkiliba (photo de P. François) Le Kinkiliba (Combretum micranthum don).C’est un arbuste de 2 à 4 mètres de hauteur, qui peut, dans certaines conditions atteindre lesdimensions d’un petit arbre de 8 à 10 mètres.Cet arbuste commun et couramment utilisé au Sénégal, est un médicament polyvalent avecnotamment une action diurétique qui explique peut-être le choix de son utilisation par lesfemmes enceintes ayant des problèmes de « sel » pendant la grossesse.44

• Préparation :Ce sont les feuilles qui sont employées en infusion. Pour ce faire, les femmes interrogéesmettent une poignée de feuilles qu’elles recouvrent d’eau, elles font bouillir le tout entre 10 et15 minutes. Elles filtrent ensuite la préparation et boivent la tisane.• Posologie :Dès 7 mois de grossesse, elles prennent un verre de kinkiliba par jour le soir en prévention« du sel », en cas de problème réel, elles en prennent deux verres par jour un le matin et un lesoir.4.4.3. L’anémie.Pour l’anémie deux types de remèdes : le Bissap et le Nebedaye (Moringa Oleifera). Le bissap.C’est une boisson préparée à partir des fleurs rouges d’hibiscus sabdariffa (ou oseille deguinée ou encore Roselle).L’oseille de guinée est un arbuste de 1à 2 mètres, c’est une plante herbacée.Il existe deux types botaniques caractérisés par la couleur de leurs fibres, une variété rouge etune variété blanche.L’oseille de guinée est cultivée à travers le Sahel, tolérant à la chaleur, il peut produire toutel’année.Le bissap est de la couleur du vin rouge. Cette boisson qui est la boisson nationale du Sénégal,est préparée à partir des calices rouges et charnus de l’oseille de guinée. Elle est égalementtrès appréciée des femmes enceintes pour ses multiples vertus.45

Figure 6: Oseille de guinée (photo tiré de wikipedia.org)• Propriétés:Le bissap est remplis de composés vitaminiques et énergétiques.Voici un tableau sur la composition des calices de bissap :CALICES FRAIS CALICES SECS(pour 100g) (pour 100g)EAU (g) 84,5 à 90 9,2 à 15PROTEINES (g) 1,7 7,2 à 9LIPIDES (g) 1,0 2,6GLUCIDES (g) 12,074,1dont saccharose (g) 0,450,3 à 1,2FIBRES (g) 1,0 12,0 à 15ENERGIE (g) 64 kcal 350 kcalMINERAUX (g)dont Ca (mg) 110Fe(mg) 2,2P (mg)VITAMINES9 à 10659 à 11409 à 31195. Vit. C (mg). Vit. B1.Vit. B2 (mg).Vit. PP (mg). Vit. A (ui)18 à 540,040,06 à 0,160,41427 à 310,120,28 à 0,453,863Figure 7: Composition calices de bissap (tableau de JADE.sn)46

• Utilisation :Les femmes interrogées utilisent le bissap pour « les problèmes de fer » et pour les nausées etvomissements.• Préparation :Les femmes préparent le bissap de deux façons qui dépendent de la rapidité à laquelle ellesont besoin de la préparation.Si elles ont le temps, elles vont mettre des fleurs de bissap dans un récipient qu’elles vontrecouvrir d’eau à température ambiante et vont attendre que la préparation prenne sa couleurrouge caractéristique. Cela peut prendre plusieurs heures.Si elles sont pressées, elles vont mettre des fleurs de bissap dans un récipient et recouvrird’eau bouillante, en quelques minutes la boisson aura infusé et sera d’un rouge vif.Ensuite elles ajoutent du sucre pour diminuer le goût acide et amer de la boisson.• Posologie :En prévention de l’anémie, elles boivent un verre trois fois par semaine.Pour traiter l’anémie, elles en boivent deux verres par jour, un le matin et un le soir, pendanttoute la grossesse.Pour traiter les nausées et vomissements elles en prennent un verre trois fois par jour.47

Nebedaye (Moringa Oleifera).Figure 8: Moringa Oleifera (photo de wikipédia.org)Plante originaire du Nord de l’Inde, elle pousse maintenant dans presque toutes les régionstropicales.C’est une espèce de petit arbre pouvant mesurer jusqu’à 10 mètres. Il a une croissance rapide,demande très peu d’eau et résiste bien à la chaleur.Ses usages sont multiples, on peut consommer les fleurs, les fruits, l’écorce et les racines, et ila des vertus nutritives et médicinales. L’un des avantages de cet arbre est que l’on peutcueillir ses feuilles à la saison sèche, lorsqu’il n’y a aucun autre légume sur le marché.• Propriétés:Le Moringa Oleifera est une plante qui a un potentiel nutritionnel exceptionnel. Des analysesnutritionnelles ont montré que les feuilles de Moringa Oleifera sont plus riches en vitamines,minéraux et protéines que la plupart des légumes.Les feuilles contiennent un taux de protéines élevé (27%) et sont riches en vitamines A et C,en calcium, fer et phosphore.A titre d’exemple voici les équivalents poids par poids des feuilles de Moringa fraîches :- Sept fois plus de vitamine C que les oranges,- Quatre fois plus de vitamine A que les carottes,- Autant de protéines que les œufs,- Quatre fois plus de calcium que le lait,- Trois fois plus de potassium que les bananes,- Trois fois plus de fer que les épinards,- Des vitamines B, du magnésium, du cuivre, des fibres, du phosphore,tous les acides aminés.48

• Utilisation :Les femmes interrogées mangent du « nébédaye » pendant la grossesse pour prévenirl’anémie.• Préparation :Prendre les feuilles de Moringa Oleifera, les laver, les laisser sécher, une fois sèches, les pileret les tamiser pour obtenir une poudre fine.4.4.4. Fausses-couches, avortements, malformations, morts fœtales.Pour ces problèmes, les causes sont forcement mystiques, d’origine « surnaturelle ». Différentes causes possibles :• un mauvais esprit (sorcier, « personne qui voit loin »),• un sort jeté par de mauvaises personnes,• la transgression d’un interdit,• une femme enceinte n’ayant pas respecté les prescriptions,• une femme enceinte qui n’a pas de gris-gris.Les seuls « remèdes » qui n’en sont pas vraiment puisque ce sont des moyens de prévention,sont les gris-gris, et le respect des règles imposées (interdits et prescriptions).4.4.5. Accouchement à 8 mois.Toutes les femmes interrogées nous ont parlé de leur grande crainte d’accoucher à 8 mois, cequi est pour elles quelque chose d’inacceptable.Témoignage d’une femme sénégalaise interrogée : « Si tu accouches à 8 mois, ce n’est pasbon, mais si tu as mangé le neuvième mois d’un jour c’est bon, si tu accouches à 7 mois c’estbon aussi tu auras un enfant prématuré mais il sera complet, mais si tu accouches à 8 mois tun’auras pas un enfant, ton enfant ne fait pas réellement un être humain ».Quand je lui ai demandé pourquoi ? Sa réponse a été :« Ça c’est le problème de Dieu, c’est entre Dieu et eux, parce que personne ne peut pas savoircomment on fait un enfant dedans, parce que nous les africains on ne connait rien, tu vois tonventre gonfler petit à petit, tu ne sais pas à quel moment Dieu fait ton enfant, mais ce qui estsûr c’est que 8 mois ce n’est pas bon (…) parce que c’est à ce moment là que Dieu refait49

encore ton enfant pour lui ouvrir les yeux par exemple (…) alors s’il nait là il ne sera pas unêtre humain (…) ça c’est le travail de Dieu que nous on ne peut pas parler à quelqu’un, moimêmeje ne sais pas comment Dieu fait son enfant dans mon ventre. »Pour les femmes interrogées, la grossesse est le fruit de Dieu, c’est uniquement lui qui secharge de « former » l’enfant qu’elles portent en elles.Elles ne savent absolument pas comment il grandit dans leur ventre. La seule chose qu’ellessavent c’est que Dieu fait une première fois l’enfant et le « refait » au cours du huitième mois.C’est pourquoi elles peuvent accoucher le septième mois (l’enfant est « complet » même s’iln’est pas encore « refait »).En revanche, elles ne peuvent absolument pas accoucher le huitième mois de la grossesse, eneffet si Dieu est en train de refaire le cœur par exemple, l’enfant naîtra sans cœur et ne serapas « complet », ce ne sera pas « un être humain ».Le neuvième mois, l’enfant étant « fait et refait », il n’y aura pas de problème.50

Conclusion.Au terme des entretiens et du focus groupe réalisés auprès des femmes sérères de villages auxalentours de M’Bour, j’ai pu constater que je retrouvais les mêmes explications dans lediscours de toutes les femmes que j’ai interrogées. Que ce soit pour l’itinéraire suivi par unefemme qui se sait enceinte, pour les moyens de prévention et protection utilisés ou pour lesproblèmes rencontrés et leurs remèdes.L’interprétation des maux de la grossesse, en ce qui concerne les nausées, les vomissements,les œdèmes, n’est pas de nature très différente de celle de la biomédecine, en effet pour ellesce sont des problèmes liés à des causes naturelles (des accidents, des carences des excès…) etnon produites par des phénomènes magico-religieux. A ces maux, des remèdes à base deplantes sont souvent utilisés.Les avortements, malformations fœtales, et accouchements à 8 mois de grossesse sont parcontre perçus comme ayant des causes surnaturelles. En effet pour les femmes interrogées ilssont la conséquence d’une volonté de Dieu ou d’un mauvais esprit, d’un mauvais sort jeté parquelqu’un voulant le mal, d’un interdit non respecté. Pour éviter ces problèmes, les moyens deprévention donnés par ces femmes sont donc aussi d’ordre surnaturel : porter des gris-gris,respecter les interdits et prescriptions magico-religieux entourant la grossesse.Les éléments que j’ai recueillis sont à l’état « brut » et nécessiteraient plusd’approfondissements pour connaître la logique du savoir populaire derrière chaque élémentainsi que la corrélation entre le savoir populaire et ce qui est prouvé scientifiquement.Comme l’exposé des résultats de mon enquête le montre, j’ai eu de la part des femmesinterrogées des éléments de réponses à mes questions relatifs exclusivement à leur savoirpopulaire et aux pratiques traditionnelles. Je n’ai pas eu d’éléments concernant leurs savoirsd’ordre scientifique ni d’éléments concernant leurs recours à la biomédecine. Les recueillirm’aurait permis de mieux connaître la place des remèdes traditionnels dans leur itinérairethérapeutique, en les mettant en regard de leur recours à la biomédecine. Cela m’aurait permisd’avoir accès à des éléments de compréhension sur la façon dont elles choisissent d’avoirrecours à la biomédecine ou à la médecine traditionnelle pour les différents maux de lagrossesse identifiés. Mes questions avaient pourtant été choisies pour recueillir cesinformations mais j’ai provoqué un biais à leur réponses en leur donnant, lors desprésentations préalables aux entretiens, l’intitulé de mon sujet de TFE : « interprétationspopulaires des maux de la grossesse et remèdes traditionnels utilisés ». Les femmescomprenaient alors que j’attendais des réponses à mes questions uniquement centrées sur leursavoir ancestral et ne me donnaient pas d’autres éléments qui pourtant m’auraient été utiles etque j’avais prévu de recueillir.51

Je rappelle, même si cela n’apparaît pas dans les résultats de mon enquête, que les femmesinterrogées ont aussi recours à la biomédecine que ce soit en préventif (vaccinationantitétanique, consultations prénatales…), ou en curatif (utilisation de médicaments achetésdans les marchés ou dans les pharmacies, recours à la césarienne…) 19 .En continuité et en complémentarité de ce travail, il serait intéressant pour moi si l’occasionm’en est donnée de pouvoir faire une enquête pour connaître la façon dont s’imbrique dansleur parcours la place de la biomédecine ainsi que la représentation qu’elles ont des centresde santé et des soins de biomédecine disponibles dans cette région du Sénégal.19 Voir les chiffres, dans la partie II, le point 1.6. Page 26.52

Conclusion générale.La réalisation de ce travail de fin d’étude a été une expérience inoubliable, à la fois sur le planpersonnel, culturel et humain.Il m’a permis de travailler sur les trois niveaux de compétences de la sage-femme :- le savoir à travers les connaissances acquises aussi bien à travers ma recherchebibliographique qu’à travers mon enquête au Sénégal- le savoir-faire, notamment en apprenant à utiliser certains outils méthodologiques pourréaliser une étude auprès d’une population.- le savoir être en développant mon aptitude à rencontrer des personnes d’une autre culture.Passer du choc culturel à la rencontre interculturelle suppose un cheminement et un travailsur soi et sur l’Autre. Tout au long de ce travail de fin d’études, j’ai pu expérimenter à quelpoint les pièges de l’ethnocentrisme sont nombreux et comme il est difficile de ne pasregarder les comportements ou le système de pensée de l’Autre à travers ses propres lunettesculturelles. Très vite peuvent survenir, lors d’interactions interculturelles, les jugements devaleurs, les stéréotypes, les préjugés, l’envie d’enseigner à l’autre des principes qui semblentbons « chez soi » ou de lui faire subir son mode de communication. Se décentrer de sa propreculture est nécessaire mais loin d’être aisé.Ce travail enrichira la qualité de ma pratique quotidienne de sage-femme, notamment auprèsdes migrants, mais pas seulement. J’ai appris à quel point il est important, pour bien soigner,d’accorder du temps à l’échange, à la compréhension de l’autre, au respect de sa culture.Respecter les demandes des patientes d’une autre culture, ou de ma propre culture, enessayant de concilier leurs souhaits avec ce que je vais pouvoir leur accorder fera partie demes priorités en tant que sage-femme.53

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• THIAW I. et LAMARA F, 2005, La femme Seereer, Paris, éditions L’Harmattan,(p.282), pp.1-100.• THOMAS L.V. et LUNEAU R., 1980, La terre Africaine et ses religions : traditions etchangement, Paris, éditions L’Harmattan, (p.335), pp. 240-246.Mémoires et thèses :• DIOUF M., 2004, Représentations populaires de la maladie et options thérapeutiqueschez les femmes enceintes et les enfants de moins de dix ans : le cas de fièvres et/ouaccès de pallustre en milieu rural, Niakhan, Sénégal., étude qualitative, mémoirepublié, maîtrise, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.• HADDAD C., 2000, Fruitiers sauvages du Sénégal, thèse non publiée, doctorat depharmacie, Université de Montpellier, France.Articles :• BOUCHON M., sous la direction du groupe de travail Accès aux soins et déterminantssocioculturels, Médecins du Monde, les déterminants socioculturels de l’accès auxsoins.• DENEFFE-DOBRZYNSKI M-L., Médecins du Monde, 2007, Intéractionsinterculurelles dans ma pratique professionnelle.55

Sites internet :• http://www.mdm-scd.org. Site réalisé par le groupe de travail Accès aux Soins etdéterminants Socioculturels de Médecins du Monde• http://fr.wikipédia.org• http://www.alterafrica.com• http://senegalaisement.com• http://www.jade.sn/botanique.html• infodoc.inserm.fr/ethique• http://www.unaca.org/download/editing/cahier/unaca_cahier09.pdf• www.stephadol.org/capacité/cars_capacité/module3/anthropologie.pdf• www.who.int/mediacentre/factsheets/fs134/fr/-21k• www.who.int/tropics/traditionnel_medecine/fr/-15k56

Table des illustrations.Figure de la page de garde : photo de Jacob Crawford.Figure 1: carte du Sénégal (thèse de Monsieur Charles HADDAD) ....................................................... 29Figure 12 : panneau publicitaire à M’Bour (photo de P. François) ....................................................... 37Figure 13 : gri-gri (photos de P. François) ............................................................................................. 38Figure 14: Le poftane (photo de P. François) ........................................................................................ 39Figure 15: Kinkiliba (photo de P. François) ............................................................................................ 44Figure 16: Oseille de guinée (photo tiré de wikipedia.org) ................................................................... 46Figure 17: Composition calices de bissap (tableau de JADE.sn) ............................................................ 46Figure 18: Moringa Oleifera (photo de wikipédia.org).......................................................................... 4857

Annexe.Guide d’entretien :Question 1 :Pour vous, qu’est ce que la grossesse ?Question 2 :Quels sont les problèmes les plus fréquents que vous rencontrez pendant la grossesse ?Question 3 :Pendant la grossesse, quand il arrive quelque chose, qu’il y a un problème, quelle en est lacause ?Question 4 :Y-a-t-il des moyens d’éviter les problèmes ?Question 5 :Une fois que le problème est là, comment faites vous pour y remédier ?Question 6 :Pour remédier aux problèmes que vous rencontrez, à qui faites-vous appel ?58