Cours d'eau enterrés en tête de bassin - Agence de l'Eau Rhin-Meuse

Cours d’eau enterrés en tête de bassin :
préconisations pour leur restauration.
Aurélia MATHIEU*
Délégation Interrégionale
Nord-Est de l’ONEMA
Août 2010

Introduction
A l’interface entre les eaux souterraines et la terre, les cours d’eau en tête de bassin naissent de
l’action combinée de la géologie, du relief et du climat. Les confluences successives de ces cours
d’eau au fil du réseau hydrographique donnent naissance aux rivières et fleuves qui façonnent nos
paysages.
Du fait de leur caractère moins emblématique que les grandes rivières, ces très petits cours d’eau ne
bénéficient que de peu d’attentions et d’importantes questions persistent quant à la connaissance de
leurs rôles, leurs fonctionnements et leurs états actuels. Du fait de leur faible gabarit, ces
écosystèmes sont très sensibles aux pressions liées à l’expansion urbaine, l’industrialisation ou
encore l’intensification des pratiques agricoles.
La vulnérabilité et l’importance de ces petits cours d’eau au sein du réseau hydrographique
justifient d’identifier précisément ces zones et de définir des mesures de préventions ou de
restaurations spécifiques (SDAGE Loire-Bretagne, 2007). Cette préoccupation devenant de plus en
plus importante, un programme LIFE portant spécifiquement sur les têtes de bassin a émergé. Ce
projet s’est attaché pendant 5 ans à mettre en oeuvre un ensemble d’actions expérimentales sur des
petits cours d’eau. L’objectif étant de porter à la connaissance des gestionnaires, des expériences de
restauration de très petits cours d’eau.
La restauration a pour vocation de redonner au cours d’eau une certaine « stabilité naturelle » afin
qu’il retrouve ses fonctions biologiques, physiques et chimiques. On appelle « stabilité naturelle »,
la capacité du cours d’eau à transporter les particules solides et liquides provenant du bassin
versant, tout en maintenant sa dimension, sa forme, ses profils*.
Après une présentation des enjeux liés à la préservation des ruisseaux de tête de bassin ainsi que des
impacts de leur enterrement à l’échelle d’un bassin versant, le présent guide vise à proposer une
méthodologie générale d’approche en matière de restauration des cours d’eau en tête de bassin
enterrés. Des préconisations spécifiques seront exposées pour les cours d’eau drainés.
* Documents utiles :
Rosgen D.L., 1996 : Applied River Morphology, Wildland Hydrology Books, Pagosa Springs, Colorado, 6-42.
2

Glossaire
Allochtone
Qui provient d’un endroit différent.
Dénitrification Processus de réduction chimique du nitrate (NO 3 - ) en azote gazeux (N 2 ),
principalement initié par des bactéries dénitrifiantes.
Embâcle
Obstruction d’un cours d’eau par un amas de débris végétaux.
Hyphomycètes
Champignons aquatiques découverts par Ingold en 1942, qui correspondent
aux formes asexuées des champignons supérieurs.
Ripisylve
La ripisylve est la formation végétale qui se développe au bord des cours
d’eau ou des plans d’eau.
Talweg
Ligne reliant les points les plus bas d'une vallée.
3

Sommaire
Les cours d’eau en tête de bassin....................................................................................................... 5
Rôles et fonctionnement...................................................................................................................... 5
Vers un enterrement des têtes de bassin ........................................................................................... 7
Principes de restauration des cours d’eau enterrés en tête de bassin .......................................... 10
Généralités ......................................................................................................................................... 10
Eléments règlementaires................................................................................................................... 11
Notion de référence ........................................................................................................................... 13
Création d’un nouveau lit................................................................................................................. 16
Reméandrage..................................................................................................................................... 19
Spécificité des cours d’eau drainés.................................................................................................. 21
Espace de liberté alloué au cours d’eau .......................................................................................... 25
Autres mesures et suivi post-restauration ...................................................................................... 27
4

LES COURS D’EAU EN TETE DE BASSIN
I. Rôles et fonctionnement
Les têtes de bassin représentent les cours d’eau
d’ordre 1 et 2 selon la classification de Strahler.
Ceci inclut les zones de source et les premiers
émissaires du réseau hydrographique (figure 1).
Les cours d’eau en tête de bassin constituent
jusqu’à 80%* du réseau hydrographique.
Services rendus par les têtes de bassin
Figure 1 : Ordre des cours d'eau selon la
classification de Strahler.
Importance biologique
Les cours d’eau en tête de bassin constituent un
point de contact privilégié entre le milieu
terrestre et aquatique. Ils réceptionnent d’importantes
quantités de matières organiques et de
sédiments. Un stockage de ces particules va
s’opérer grâce à la rugosité du lit et aux embâcles
formés par la ripisylve. Ainsi piégés, ces
éléments pourront être consommés et dégradés
par les bactéries, hyphomycètes, macroinvertébrés…
(figure 2). Les composés issus de la
dégradation et les décomposeurs eux-mêmes sont
les premiers maillons du réseau trophique.
La densité de poisson est supérieure dans
les cours d’eau possédant de nombreuses
connections avec les têtes de bassin, ces
dernières apportant d’importantes
quantités de proies.
b
c
a
Racine
Figure 2 : Stockage et dégradation de la matière minérale et organique.
a) Clavariopsis aquatica, Hyphomycète aquatique, b) Séricostomatidae,
Trichoptère fragmenteur, c) Baetidae, Ephéméroptère collecteur.
* Pourcentage de linéaire de cours d’eau de rang 1 et 2 par rapport au linéaire total :
- aux Etats-Unis : 70% (Schumm, 1956 ; Shreve, 1969 ; Meyer & Wallace, 2001 ; Benda et al., 2005)
- sur le bassin Rhône-Méditerranée et Corse, 80 % (Malavoi, 2009)
- sur le bassin Loire Bretagne : 74% (Malavoi, 2009)
- sur le département de la Moselle (57) : 70% (Le Bihan 2009)
5

Faune et flore associées
Du fait de leur petit gabarit, les cours d’eau en
tête de bassin sont fortement influencés par les
conditions locales (géologie, relief, climat…). Ils
offrent ainsi une grande variété d’habitats pour la
faune et la flore pour lesquelles ils constituent
des zones de refuge.
En France, plusieurs espèces se trouvent
inféodées aux têtes de bassin dont les plus
emblématiques sont :
Le chabot
(Cottus gobio)
Mais aussi, dans les zones humides
d’accompagnement :
Larve de salamandre
(Salamandra salamandra)
Grenouille verte
(Rana esculenta)
Triton
(Triturus alpestris)
Laiche jaune
(Carex flava)
L’écrevisse à pieds blancs
(Austropotamobius
pallipes)
Populage des marais
(Caltha palustris)
La lamproie de planer
(Lampetra planeri)
Importance hydrologique
La moule perlière
(Margaritifera
margaritifera)
Les petits ruisseaux conditionnent quantitativement
et qualitativement les ressources en eau de
l’aval.
Fonctions épuratrices
Les cours d’eau en tête de bassin, du fait de leur
abondance, possèdent une surface hyporhéique
beaucoup plus importante que les cours d’eau
d’ordre supérieur. Cette zone de contact entre
les eaux de surface et les eaux souterraines est
un lieu privilégié de réalisation des processus
d’épuration de l’eau et en particulier de dénitrification.
Ainsi, de nombreuses études montrent
que les taux de dénitrification diminuent lorsque
le rang du cours d’eau augmente et sont donc
supérieurs en tête de bassin
Les zones humides sont des éléments
indissociables des cours d’eau en tête de
bassin qui améliorent la qualité de l’eau.
Les têtes de bassin apportent aux cours
d’eau d’ordre supérieur* :
50 à 70% du volume d’eau
40 à 70% de la charge en azote
* Documents utiles :
Alexander R.B., E.W. Boyer, R.A. Smith, G.E. Schwarz, R.B. Moore, 2007 : The role of headwater streams in
downstream water quality. Journal of the American Water Resources Association, 43: 41-59
•
6

II. Vers un enterrement des têtes de bassin.
Des milieux en sursis…
Bien qu’occupant un rôle primordial dans le fonctionnement de l’hydrosystème, les cours d’eau en
tête de bassin sont soumis à de nombreuses pressions, dont les impacts sont accrus du fait de la
vulnérabilité de ces milieux. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’accélération de
l’urbanisation mais également le passage progressif d’une agriculture extensive vers une agriculture
intensive ont conduit à un déplacement et un enterrement massif des très petits cours d’eau.
L’enterrement des cours d’eau peut se faire par busage, comblement ou drainage. C’est un phénomène
qui résulte d’une succession d’atteintes au milieu qui conduit alors à une perte progressive du statut du
cours d’eau. Afin d’illustrer ces propos, voici l’exemple d’un cours d’eau qui a fait l’objet en 2009
d’une demande d’autorisation pour être busé.
Sur la carte IGN au 1:25000 ème , le cours d’eau (cercle
rouge sur la carte) est représenté en trait discontinu
sans toponyme. Il dispose d’une source clairement
identifié et des agents de l’ONEMA ont noté la
présence de vie biologique (exclusivement des
macroinvertébrés).
Le propriétaire du site a tout d’abord drainé et dévié
la zone de source vers le fossé de route. Le cours
d’eau n’est donc plus alimenté correctement et son
écoulement est nettement ralenti.
La deuxième étape a consisté à la destruction de la
ripisylve. Les souches ont été laissées pour ne pas avoir à
engager une demande d’autorisation auprès de la préfecture.
En effet, la destruction de l’ensemble de la ripisylve nécessite
un dossier au titre de la Loi sur l’eau selon la nomenclature
R214-1 du Code de l’Environnement (rubrique 3.1.2.0).
Le propriétaire a ensuite « linéarisé » le cours d’eau et passé son
champs de prairie à culture. Comme le montre la photo ci contre,
le cours d’eau a progressivement été envahit par les végétaux du
fait de son écoulement beaucoup moins marqué et de l’absence
d’ombrage.
Toutes ces actions successives ont finalement menée à une
demande d’autorisation de busage
7

Dans cette demande, il est écrit : « […], cette parcelle en culture est coupée par un fossé situé en son
milieu avec un écoulement très faible sachant que ce dernier prend son départ en début de parcelle.
[…] Plusieurs possibilités seraient envisageables pour rendre la parcelle plus fonctionnelle […] :
capter l’écoulement des eaux par canalisation d’un bout à l’autre de la parcelle afin de pouvoir
refermer le fossé et rendre la parcelle uniforme.
créer un fossé dans la continuité du départ du cours afin de le déverser dans le fossé actuel
bordant la route. Cette solution permettrait également de refermer le fossé et rendre la parcelle
uniforme. »
Cet exemple montre donc la perte progressive de statut du cours d’eau. Au fur et à mesure des
dégradations, le cours d’eau n’est plus capable d’assurer ses fonctions primaires, à savoir évacuer les
débits liquides. Il est alors perçu comme un simple fossé et n’est soumis à aucune protection
particulière. Pourtant, au départ il s’agissait bien d’un cours d’eau au titre de la police de l’eau : source
clairement identifiée et présence de vie biologique…
L’enterrement des cours d’eau en tête de bassin est donc un phénomène toujours d’actualité.
Une étude menée par l’ONEMA en 2010
sur le département de la Moselle (57),
montre la disparition de 230 km de
cours d’eau en tête de bassin (sur
5300km) en l’espace d’une génération*.
Pourtant les conséquences de l’enterrement de ces zones amont ont une répercussion sur l’ensemble
du bassin versant (voir figure ci après) :
* Documents utiles :
Le Bihan M., 2009 : L’enterrement des cours d’eau en tête de bassin en Moselle (57). Rapport de stage
ONEMA/Université Paul Verlaine Metz, 49 p.
8

Destruction des habitats
perte de biodiversité
assèchement des zones humides
Suppression de la ripisylve
augmentation des apports de sédiments fins
baisse des apports de matière organique
altération des capacités de stockage du cours
d’eau.
Comblement
Busage
Augmentation des vitesses d’écoulement
diminution du taux d’épuration
risque d’inondation à l’aval
Drainage
Destruction de la zone hyporhéique
altération des capacités
épuratrices
augmentation des concentrations
de produits phytosanitaires,
nitrate…
Figure 3 : Principales conséquences de l'enterrement des cours d'eau en tête de bassin
9

PRINCIPES DE RESTAURATION DES COURS D’EAU
ENTERRES EN TETE DE BASSIN
II.. GGéénnéérraalliittééss
Au regard des nombreux services rendus par les cours d’eau en tête de bassin et des conséquences
sans précédant de leur disparition, la restauration de la fonctionnalité de ces écosystèmes apparaîtra
dans bien des cas comme la solution la plus économiquement avantageuse.
L’hydrosystème et les espèces associées sont intimement dépendants de la préservation ou de la
restauration du fonctionnement hydrologique et morphologique du cours d’eau. Les actions visant à
restaurer la dynamique naturelle sont à favoriser plutôt que celles visant la restauration d’un type de
milieu ou d’une espèce particulière*.
Afin de pérenniser les actions de restauration, celles-ci doivent s’inscrire dans une vision intégrée,
en cohérence avec le bassin versant et en coopération avec l’ensemble des acteurs et usagers.
Face à un constat d’enterrement, la démarche pour garantir l’efficacité des actions de restauration et
de gestion des milieux aquatiques peut se schématiser de la façon suivante :
1. Caractérisation
de la
perturbation
Année de la dégradation.
Légalité des travaux d’enterrement.
Enjeux et acteurs concernés.
2. Etat de
référence
Recherche d’une section de référence, à l’amont ou à
l’aval de la partie enterrée.
Améliorations
à apporter en
fonction des
résultats
obtenus
3. Elaboration
du projet et
choix des
solutions
techniques
4. Mise en œuvre
5. Suivi de la
restauration
Définition des objectifs en fonction des enjeux :
retour à un état de référence, restauration partielle…
Période des travaux à fixer
Déclaration ou autorisation administrative si
nécessaire
Remise en état, suppression des causes de
perturbations si possible.
Concertation avant, pendant et après travaux entre le
concepteur, le réalisateur, le propriétaire, les
usagers…
Mise en place d’un protocole permettant d’apprécier
les évolutions biologiques, morphologiques et
chimiques de l’écosystème.
* Documents utiles :
ONEMA, 2010 : La restauration des cours d’eau : recueil d’expériences sur l’hydromorphologie. Recueil
ONEMA/Agences de l’eau/MEEDDM 184 p
10

IIII.. EElléémmeennttss rréégglleemmeennttaaiirreess
En ce qui concerne la caractérisation de la perturbation (première étape de la démarche de
restauration proposée page précédente), l’aspect règlementaire va être tout particulièrement
développé ici.
Plusieurs cas peuvent se présenter en fonction de la légalité du projet d’enterrement d’un
cours d’eau et de l’année de réalisation des travaux.
Constatation de l’irrégularité au moment des travaux d’enterrement :
Il s’agit alors d’une infraction au code de l’environnement qui donne lieu à un Procès Verbal
pouvant aboutir à une contravention. Il est également possible de procéder par transaction avec une
remise en état des lieux. La démarche de restauration, présentée dans ces fiches, sera plus facile à
mettre en place si l’infraction vient d’être réalisée.
Constatation de l’irrégularité des travaux plusieurs années après (Lumet 2010, ONEMA
Service police de l’eau) :
Procédure :
Dans le cas d’installations, d’ouvrages, de travaux et d’activités exploités irrégulièrement et lorsque
le demandeur se trouve dans l’impossibilité de faire valoir son droit ou de produire un titre
juridique:
- Il n’y a pas de procédure de régularisation prévue.
- Les articles L. 211-1 et R. 214-53 du Code de l’environnement qui permettent des régularisations
ne visent que les IOTA légalement réalisés ou exercés.
- Il y aura donc un examen particulier de chaque cas dans lequel l’administration n’a obligation ni
de rejeter la demande ni de l’accueillir.
Conditions de régularisation
- Nécessité d’adapter le fonctionnement aux exigences de la loi sur l’eau et mise en conformité (art.
L.214-6, L.214-8, et L.214-11 du CE).
- Mise en œuvre d’une procédure d’autorisation ou de déclaration.
- L’ordonnance de juillet 2005 a introduit la possibilité, pour l’autorité administrative, de s’opposer
aux déclarations.
Dispositions pénales : si le bénéfice de l’autorisation n’est pas accordé ou si la personne
délictuelle soumise à déclaration ne respecte pas l’arrêté de prescriptions visant à régulariser
sa situation, l’infraction est caractérisée :
- Autorisation : Article L. 216-8 du CE avec délit
- Déclaration : Article R. 216-12 du CE avec contravention de 5 ème classe.
- Les mesures pénales peuvent conduire à la remise en état des lieux (art. L.216-8 du CE) sous
astreinte (L.216-9 du CE)
11

Attention à la rédaction : un peu « hermétique » pour les non-initiés. Si on ne s’adresse qu’au SPE,
RAS
Remarque :
Les travaux effectués régulièrement avant la loi de 1992 sur l’eau et ses textes d’application
devaient être signalés à l’administration qui pouvait dans ce cas prescrire des arrêtés
complémentaires si nécessaire. Ces travaux selon leur importance étaient ensuite assimilés à une
autorisation ou à une déclaration.
En pratique, il sera cependant difficile de revenir sur des travaux effectués il y a plusieurs dizaines
d’années, sauf si la personne n’a pas respecté les textes encadrant ces travaux ou si elle les a
exécutés en connaissance de la loi. La date de busage, drainage ou d’intervention sur le cours d’eau
reste primordiale. L’infraction reste continue à la date d’application des décrets 93-743 et 742
dit « nomenclature » et « procédure » du 30 mars 1993.
12

IIIIII.. NNoottiioonn ddee rrééfféérreennccee
La deuxième étape d’un projet de restauration concerne la recherche de référence. Autrement dit,
quelles étaient les caractéristiques morphologiques (largeur et hauteur pleins bords, sinuosité,
pente…) du cours d’eau en tête de bassin avant la perturbation Cette question est primordiale car
elle conditionne la réussite de la restauration à long terme. En effet, il est essentiel de tendre vers un
gabarit de lit conforme aux caractéristiques du cours d’eau afin que celui-ci soit en mesure d’assurer
ses fonctions biologiques, chimiques et hydrauliques.
Trois cas peuvent survenir :
• En amont du cours d'eau enterré, il existe encore une section présentant une
hydromorphologie originelle. Il conviendra donc de respecter le gabarit de cette section
(largeur et hauteur pleins bords, sinuosité, pente…) pour restaurer la partie enterrée (figure
4).
Cours d’eau recalibré
Cours d’eau originel
Commune de Lagarde (57)
Orthophotoplan, 2004
Cours d’eau enterré
Figure 4 : Exemple de cours d'eau ayant subi diverses dégradations et possédant une section de référence à l’amont
(photos : ©Mathieu, 2010)
• Une section de référence persiste à l’aval du cours enterré. Dans ce cas, il est peut-être
possible d'utiliser la partie aval comme référence, en prenant cependant certaines
précautions. Par exemple, la présence de drains, de plans d’eau (…) en amont sont
susceptibles d’entraîner un approfondissement du lit à l'aval. Les dimensions du lit à l'aval
seront donc sur-dimensionnées par rapport au lit originel et il convient de prendre en compte
ces changements.
• Et enfin, la tête de bassin a été entièrement enterrée et plus aucune section naturelle n'est
présente.
13

Dans ce dernier cas, il est alors difficile de prévoir les dimensions que doit avoir le lit pour
permettre au cours d’eau d’accueillir et d’évacuer les débits solides et liquides tout en gardant son
équilibre morphodynamique.
Afin d’améliorer les connaissances sur les caractéristiques morphologiques des cours d’eau en
tête de bassin en très bon état hydromorphologique, une étude a été réalisée. Elle permet
d’apporter des éléments de réponse sur le gabarit des très petits cours d’eau, susceptibles
d’orienter les restaurations de cours d’eau enterrés ne possédant plus de section originelle.
A ce jour, il existe peu de protocoles destinés à récolter des données hydromorphologiques sur les
cours d’eau. A l’ONEMA, le protocole CARHYCE (CARactérisation HYdromorphologique des
Cours d’Eau) est déployé en phase de test depuis 2008. Il a pour objectif d’apporter des
informations morphodynamiques qui serviront d’une part à évaluer l’impact des pressions et d’autre
part à replacer les mesures biologiques dans leur contexte physique local. Ce protocole a été conçu
pour l’évaluation des cours d’eau de taille moyenne (>1 mètre) et ne permet pas d’appréhender la
diversité hydromorphologiques des très petits cours d’eau. Un protocole a donc été établi selon les
fondements du protocole CARHYCE de manière à être en mesure d’étudier les spécificités des
cours d’eau en tête de bassin à savoir : un petit gabarit, une faible sinuosité et surtout une microvariabilité
importante.
Les critères de sélection des sites d’étude ont été les suivants :
Hydroécorégion « plateau lorrain »
Cours d’eau de rang 1 uniquement
Pas de dégradations hydromorphologiques notables (curage, surpâturage,
drainage...)
Milieu forestier (aucun site n’a pu être trouvé en prairie et culture)
Sur chaque cours d’eau, 3 stations ont été déterminées. A l’intérieur de chaque station, les mesures
hydromorphologiques ont été récoltées au niveau de 5 transects de la façon suivante (figure 5) :
Station 1
Zone de sources
20 mètres entre la source et la première station
Station 2
100 mètres
5 transects par station
Station d’échantillonnage
Cours d’eau
Transect
Station 3
20 fois la largeur du cours d’eau
Figure 5 : Echantillonnage des cours d'eau en tête de bassin
14

Les paramètres mesurés au niveau de chaque transect sont :
Hauteur et largeur pleins bords
Hauteur et la largeur mouillées
A l’échelle de la station :
Pente
Sinuosité
Puissance spécifique
Granulométrie
Les résultats de l’étude figureront
dans les fiches suivantes sous la forme
de cet encadré.
La suite du document expose une démarche de restauration inspirée du programme LIFE mais
également de l'étude menée cette année sur les têtes de bassin ainsi que des nombreuses recherches
bibliographiques et des quelques retours d'expérience. La restauration d’un cours d’eau enterré
passe généralement par la recréation d’un nouveau lit, soit au même endroit soit dans le thalweg
d’origine si le cours d’eau a subit un déplacement. Cette recréation de lit comprend la prise en
compte du gabarit mais également de la sinuosité. Ces deux thèmes seront abordés dans les pages
qui suivent.
Ensuite, un point particulier sera fait sur les possibilités de restaurer les cours d’eau drainés. Enfin,
un accent particulier sera mis sur l’importance des suivis des restaurations
15

IIV.. Créatiion d’’un nouveau lliit
Quelque soit le type d’enterrement (comblement, busage, drainage), le lit du cours d’eau a subi de
profondes modifications : recalibrage, linéarisation, voir un déplacement total. Si le cours d’eau se
trouve surélevé par rapport à sa nappe d’accompagnement, une perte d’eau peut s’opérer vers le point
le plus bas de la vallée. Les échanges nappe-cours d’eau sont alors fortement altérés ainsi que le
fonctionnement global de celui-ci, ses capacités d’accueil de la faune et la flore, d’épuration des eaux
et de transport de particules. La restauration nécessite la création plus ou moins totale d’un nouveau
lit. Cette fiche reprend certains éléments du LIFE*.
OBJECTIF
La restauration a pour objectif de repositionner le cours d’eau dans son talweg afin de rétablir
les échanges ruisseau-nappe d’accompagnement.
Mise en place
Lit originel
Lit actuel
L’enjeu de la recréation d’un nouveau lit est de
restaurer un tracé et un gabarit adaptés aux caractéristiques
du ruisseau afin de lui permettre de
retrouver un équilibre morphodynamique.
• Localisation du tracé :
La première étape consiste à localiser le tracé
originel du cours d’eau. Si le déplacement du
cours d’eau n’est pas trop ancien, des indices
peuvent être visibles sur le terrain (traces de
l’ancien lit, végétation de zone humide dessinant
les méandres…). La recherche de cartes, de
cadastres ou de photographies aériennes
antérieurs aux travaux hydrauliques peut souvent
apporter des éléments intéressants.
Figure 6 : Cours d’eau en tête de bassin déplacé
et récemment sur-creusé. Ce ruisseau est destiné
à recevoir le dispositif de drainage utilisé
pour assécher sa zone humide d’accompagnement.
Son enterrement est donc à venir...
Il est important de prendre en compte les
éventuels changements d’occupation du sol qui
ont pu survenir après le déplacement du cours
d’eau. Les terrains ont pu être cultivés et les
horizons pédologiques profondément modifiés.
Si les couches imperméables ont été altérées, la
remise en eau d’un tracé “originel” du ruisseau
peut présenter sur certains sols des risques de
pertes karstiques. Ceci peut induire une rupture
totale ou partielle de l’écoulement.
* Tous les documents du programme LIFE sont téléchargeables sur le site : www.liferuisseaux.org
16

• Dimensionnement du lit :
Pour permettre au cours d’eau de retrouver son
équilibre morphodynamique, il convient de sousdimensionner
le gabarit du lit. Ainsi, le cours
d’eau aura la possibilité de recréer un lit
conforme à sa puissance hydraulique. Cette
dernière permet d'appréhender l’activité des
cours d’eau en ce qui concerne les formes et la
dynamique des méandres (encadré ci contre).
Afin de permettre une érosion active, il est
préférable de créer le chenal avec des bords
verticaux. Des berges inclinées seraient moins
érosives et la restauration morphologique du
ruisseau plus lente. Afin d’éviter l’enfoncement
du ruisseau dans son lit, celui-ci ne doit pas être
trop profond. Les expériences du LIFE montrent
qu’un dimensionnement “au carré”, c’est à dire
aussi large que profond, permet une remise en
fonction rapide de l’écosystème.
La puissance hydraulique se calcule selon la formule
suivante :
ω = (i * Q * 9810)/Lpb
ω = puissance spécifique à pleins bords (W/m²)
i = pente (m/m)
Q = débit spécifique à pleins bords (m 3 /s)
Lpb = largeur de pleins bords (m)
Longueur et largeur : résultats de l’étude
Largeur pleins bords des 15 cours d'eau
en bon état hydromorphologique :
Lpb moyenne : 100 cm
63% des Lpb entre 60 et 120 cm
Remarques :
si l’ancien lit est toujours présent et intact
(figure 4), le lit déplacé pourra être rebouché
avec les matériaux présents sur le site afin que
l’écoulement retrouve son ancien talweg. Afin
de limiter l’effet drainant de l’ancien lit, les
matériaux devront être compactés.
Lorsque le lit a été approfondi, les matériaux
présents au dessus du cours d’eau enterré seront
remis dans le cours d’eau et tassés pour
rehausser le niveau du lit.
Hauteur pleins bords des 15 cours d'eau :
Hpb moyenne : 21 cm.
69% des Hpb entre 10 et 25 cm.
Prise en compte du gabarit de référence
Les caractéristiques hydromorphologiques du
nouveau lit devront être adaptées aux
spécificités du cours d’eau. Ainsi, le gestionnaire
veillera à sous-dimensionner le lit par rapport à
une section de référence située à l’amont ou à
l’aval immédiat de la partie à restaurer. Le
nouveau lit pourrait être sous dimensionné de
moitié par rapport à la référence.
Exemple :
90 cm
0,60 m
Lit de référence
0,50 m
0,50 m
Lit sous-dimensionné
au « carré »
Ce rapport est donné à titre indicatif et est à
adapter pour chaque type de sol (nature du
substrat, présence d'éléments grossiers…) et
puissance spécifique.
Variation longitudinale du gabarit :
2/3 des cours d'eau ne présentent
pas de différence significative de gabarit
entre la source et 300m à l'aval.
Lorsqu'elle varie, la largeur pleins
bords est toujours légèrement supérieure
300m à l'aval.
Le rapport Lpb/Hpb diminue quand
la puissance du cours d’eau augmente.
Le cours d’eau érode donc prioritairement
en profondeur. L’explication se
trouve dans la nature du substrat et dans
la forte cohésion des berges dû à la
présence de ripisylve
17

Eléments importants pour le Gestionnaire
• Il est nécessaire de bien faire figurer, dans le cahier
des charges, la taille et la forme du godet qui sera
utilisé lors des travaux. En effet, des différences
entre les prévisions de départ et le résultat sont
couramment observées. Une visite pendant les
travaux peut également permettre de détecter ces
anomalies.
• Suite au sous-dimensionnement, le temps de
réponse peut être long, surtout dans le cas de
ruisseaux en tête de bassin de faible puissance
hydraulique (

V.. Reméandrage
L’enterrement des cours d’eau est toujours associé à la linéarisation de ce dernier. Il s’opère alors une
perte de linéaire, modifiant par la suite l’équilibre des échanges entre le ruisseau et la nappe.
OBJECTIF
L’objectif est de redonner au cours d’eau sa sinuosité originelle afin de rétablir la dynamique du
cours d’eau et de reconstituer un habitat aquatique diversifié. Par ailleurs, il s’agit d’augmenter le
linéaire du cours d’eau et donc la zone de contacts entre les eaux de surface et souterraines.
Mise en place
L’enjeu est de permettre au cours d’eau de tracer lui
même son propre lit en fonction de sa puissance
hydraulique. Pour cela, lors de la création du
nouveau lit, la sinuosité donnée au cours d’eau devra
être inférieure à celle d’origine et uniforme. Les
matériaux extraits seront ensuite mis dans l’ancien lit
rectiligne et compactés afin de limiter l’effet drainant
de celui-ci.
Sinuosité : résultats de l’étude
Sinuosité moyenne : 110m sur
100m.
68% des sinuosités sont entre 100
et 110m/100m.
Prise en compte de la sinuosité de référence
A terme, la sinuosité du nouveau lit devra être proche
de celle originelle. Pour cela, une section à
l’hydromorphologie non dégradée et présente à
l’amont ou à l’aval du cours d’eau à restaurer, servira
de référence. La valeur de sinuosité de cette section
pourra être diminuée de moitié :
Exemple :
150 m
125 m
100 m
Les cours d'eau de sinuosité nulle
(100m/100m) ont des largeurs pleins
bords inférieures aux autres.
La sinuosité ne varie pas de façon
significative en fonction de la distance à
la source.
Sinuosité de référence
(150 m sur 100 m)
Sinuosité sous-dimensionnée
(125m sur 100m) et homogène.
Ce rapport est donné à titre indicatif et est à adapter
pour chaque cas.
Cette technique peut éventuellement
entraîner des dépôts de matériaux fins et ne
pourra probablement pas être envisagée en amont
de population d’espèces sensibles au colmatage
comme par exemple la Moule perlière.
19

Une autre technique utilisée dans le cadre du
programme LIFE consiste à réhabiliter le lit
méandriforme originel en oblitérant le fonctionnement
du lit rectiligne à l’aide d’une série de
“bouchons” étanches installés au niveau de la
jonction cours d’eau rectifié-méandre. Parallèlement,
l’effet drainant des principaux fossés
d’assainissement latéraux est ralenti à l’aide de
bouchons de tout venant. À moyen terme, les
segments de lit rectilignes et les fossés relictuels
devraient être partiellement comblés par l’accumulation
de la matière organique. Pour favoriser ce
processus naturel, l’enlèvement des débris,
encombres et embâcles dans le lit des ruisseaux est
proscrit.
Pour mener un tel projet, la première
étape consiste à rechercher les traces des
méandres abandonnés afin d’identifier le
point de jonction entre le tracé
méandriforme et le ruisseau chenalisé.
La seconde étape nécessite de placer des
bouchons constitués d’un géotextile de
rétention des fines, tendu sur un bardage de
bois et placé au coeur d’un remplissage en
tout-venant (figure 7, photo 1 et 2). Afin de
permettre une revégétalisation, le
remplissage se fait avec des matériaux
prélevés sur place sur les 50 premiers
centimètres du sol.
Un lit guide pourra être créé sur les
premiers mètres, à chaque intersection avec
le lit rectifié.
1
Si l’ancien tracé n’est plus assez
marqué, un chenal fortement
sous-dimensionné, à bords
verticaux, pourra être réalisé
(figure 7, photo 3). Pour le
gabarit du chenal, le
gestionnaire veillera à le sous
dimensionner par rapport à une
section de référence située à
l’amont ou à l’aval de la partie à
restaurer (voir fiche «création
d’un nouveau lit »).
2 3
Figure 8 : Réhabilitation de l'ancien lit méandriforme
Pour plus de détail sur le
projet, l’étude complète est
disponible sur
www.liferuisseaux.org
Etude
initiale
(TTC)
Travaux
(TTC)
Les coûts du LIFE pour 8km de linéaire
Définition du
projet :
14 000 €
Frais enquête
publique :
3 700 €
Etat initial biologique
et morphologique :
28 700 €
Assistance maîtrise
d’ouvrage : 17 000 €
Suivi après
travaux :
33 000 €
Travaux :
78 000 €
20

Spéciifiiciités des cours d’’eau draiinés
Destiné à l’amélioration de la productivité agronomique, le drainage agricole s’est développé dans
les campagnes françaises depuis les années 1950 (Penyen et Muxart, 1995). Actuellement en
France, 3 millions d’hectares sont drainés artificiellement (Vincent, 2010). Une des principales
conséquences de cette technique culturale est qu’elle nécessite de rabaisser les cours d’eau
recevant le système de drainage, parfois jusqu’à 1,20 m. Ceci engendre d’importants déséquilibres
au niveau de la fonctionnalité du cours d’eau. La première étape lors d’un projet de restauration
est donc de revenir à un gabarit moins profond, ce qui n’est plus compatible avec le drainage de la
parcelle.
OBJECTIF
Il s’agit ici de proposer quelques aménagements qui permettraient de restaurer le cours d’eau
(remise à ciel ouvert, retour à un gabarit et une sinuosité originels…) tout en conservant l’utilisation
agricole des parcelles. Il est important de préciser que les pratiques présentées n’ont pas toutes été
testées et il convient dans un premier temps de trouver des « champs d’expérimentation » afin de
juger de leur réelle pertinence.
Proposition 1
Principe :
Une méthode expérimentée par l’Agence de
l’Eau Rhin-Meuse, consiste à créer un « fossé
tampon » le long du cours d’eau afin qu’il
récolte les eaux issues du système de drainage.
De la même manière que pour la proposition 2,
ce fossé rattrapera plus à l’aval la pente du cours
d’eau.
Avantages :
• Cette technique permet de ralentir les eaux
issues du drainage et de permettre leur épuration
avant qu’elles regagnent le cours d’eau.
• Le fossé tampon arrivera à l'aval moins en
profondeur dans le cours d'eau, ce qui permet de
rehausser celui ci et de lui recréer ses méandres.
Limites et inconvénients :
• Du fait du réhaussement du cours d’eau, celuici
risque d’être plus élevé que le fossé tampon.
Un transfert d’eau pourrait s’opérer du cours
d’eau vers le fossé perturbant alors les échanges
nappe-cours d’eau.
• En absence de bandes enherbée de part et
d’autre du cours d’eau (cours d’eau non BCAE
par exemple), la question de la maîtrise foncière
se posera.
• Ce système ne peut être efficace que si la pente
du cours d’eau n’est pas nulle (>2%)
Figure 9 : Exemple d'aménagement de sortie
de drain par un fossé sinueux
21

Proposition 2
Principe :
Il s’agit de prolonger le collecteur de drains le long du cours d’eau afin de rattraper la pente de celui-ci.
Cette méthodes présente cependant un certain nombre d'inconvénient et est une solution à n'envisager
que très ponctuellement.
Avantages :
• Ce système permet de garder le système de drainage en place.
• L’exutoire du drain arrivant moins en profondeur dans le cours d'eau, ce dernier pourra être rehaussé
et des méandres recréés.
Limites et inconvénients :
• Un problème se posera si le rajout doit se faire sur la parcelle d’un autre exploitant.
• Si le nouveau collecteur rajouté est un drain percé, il risque de capter les eaux souterraines et de
perturber les apports d'eau destiné au cours d'eau. S’il n'est pas percé, la vitesse d'écoulement pourrait
être importante en sortie et provoquer un certain élargissement du lit du ruisseau.
• Ce système ne peut être efficace que si la pente du cours d’eau est supérieure à 2%.
Drains
1
1
Rajout d'un
collecteur de drains
2
Haut de berge
1
1,20mètres
1
Sens du courant
Fond du lit
Vue en coupe longitudinale
2
0,6mètres
Le drain arrive dans le
cours d'eau à 1,20
mètres de profondeur.
Les drains se jettent dans un nouveau collecteur qui va
longer le cours d'eau avec une pente plus faible que celui
ci et ainsi arriver à l'aval à seulement quelques dizaines de
centimètres de profondeur
22

Proposition 3
Principe :
Il s’agit de sectionner le drain, 3-4 mètres
avant son arrivée dans le cours d’eau. La zone
où se trouvait le drain est remplie de granulat
de taille croissante (les particules les plus
grossières sont dirigées vers le cours d’eau).
Les matériaux seront préférentiellement pris
sur place.
Avantages :
• Ce système évite l’arrivée directe du drain
dans le cours d’eau ce qui permet de rehausser
le lit du cours d’eau et de recréer des
méandres.
• L’eau sortant du drain rencontre d’abord la
zone de granulat avant de se jeter dans le
ruisseau et peut ainsi être « pré filtrée ».
• L’équilibre du cours d’eau sera restauré et
son rôle de transport de particules solides
retrouvé. A terme, le propriétaire ne devrait
plus avoir besoin de curer le cours d’eau.
Limites et inconvénients :
• L’effet du drainage peut être diminué au
niveau de la tranchée créée du fait de
l’élévation de la lame d’eau.
• Ce système peut s’avérer inefficace si la
pente du terrain est trop faible (

Proposition 4
Principe :
Il s’agit de supprimer l’ensemble du dispositif de drainage et de recréer le lit du cours d’eau
comme décrit plus haut.
Avantages :
• Cette technique peut sembler un peu radicale mais elle permet d’assurer un retour certain à
l’équilibre originel du cours d’eau.
• La lame d’eau pourra être rehaussée (ajout des matériaux présents au dessus du cours d’eau
enterré) et le cours d’eau assurera pleinement son rôle de drain naturel.
Limites et inconvénients :
• Cette démarche ne pourra se faire qu’avec l’accord du propriétaire ou par acquisition foncière.
Remarque : Sur des terrains pentus (>3%) et perméables, le drainage systématique des parcelles
peut s’avérer potentiellement inutile. Pour des cours d’eau présentant un intérêt particulier
(présence de zone de frayère importante à l’aval par exemple), il pourrait être envisagé d’inciter
les exploitants à enlever leur système de drainage afin de mener une restauration efficace du
cours d’eau.
Suggestion alternative :
Autrefois très utilisée, la technique de sous-solage permet de redonner de la perméabilité au sol en
améliorant le drainage naturel et la circulation capillaire horizontale de l'eau sur les sols labourés.
Cette technique agricole est encore utilisée ponctuellement dans certains départements de France
(Vosges par exemple).
Avantages :
• Cette technique permet de supprimer le système de drainage en place et de restaurer le cours d’eau.
Limites et inconvénients :
• Efficace que sur les sols friables (et donc pas argileux)
• Affecte les horizons pédologiques profonds (25-60 cm)
• Doit être renouvelée régulièrement (3-5 ans)
Figure 9 : Sous-soleuse
24

Espace de lliiberté alllloué au cours d’’eau
Pour chaque type d’enterrement, l’approche préconisée pour la restauration est de sousdimensionner
les caractéristiques du cours d’eau (largeur, hauteur, sinuosité). Ce sousdimensionnement
induit une zone plus ou moins importante de divagation du cours d’eau au cours
du temps. Cette évolution peut paraître difficilement compatible avec l’utilisation agricole ou
immobilière des terres. Certaines précautions doivent donc être prises pour que la remise à ciel
ouvert du cours d’eau soit acceptée par les usagers.
Dans le cadre de l’attribution des aides de la Politique Agricole Commune (PAC) et en application
des articles R615-10 et R615-12 du Code rural, les exploitants sont soumis au respect des Bonnes
Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE). Il convient alors de différencier deux cas :
- Le cours d’eau à déterrer est un cours d’eau soumis aux BCAE.
- le cours d’eau à déterrer n’est pas soumis aux BCAE.
Cours d’eau BCAE
Une des normes encadrant ces BCAE consiste à
appliquer le long de tout cours d’eau, une bande de
5 mètres de large enherbée ou boisée de façon
permanente. Le terme « cours d’eau » correspond
ici au linéaire hydrographique représenté sur les cartes
IGN au 1/25000 ème les plus récentes, en traits pleins
ou continus et possédant un toponyme. Suite au
sous-dimensionnement du cours d’eau remis à ciel
ouvert, il se peut que l’érosion ne se fasse pas de la
même manière sur les deux berges, diminuant alors
la bande tampon d’un coté et l’augmentant de
l’autre. Une solution serait d’élargir ces bandes de 1
mètre (6 mètres au lieu de 5) afin que la mobilité du
cours d’eau les premières années ne compromette
pas le droit aux aides PAC. Lorsque le cours d’eau
sera « stabilisé », au minimum 2-3 ans après
restauration, l’exploitant pourra ajuster la bande
tampon de 5 mètres de large de part et d’autre du
ruisseau.
Les Zones Non Traitées (ZNT)
Ces bandes de 5m, 20m ou 50m sans traitement ni
fertilisation doivent être appliquées le long des
cours d’eau BCAE. à vérifier, il me semble que
l’arrêté ZNT parle de « point d’eau », mais que la
circulaire parlait des BCAE Dans le cas de cours
d’eau en tête de bassin, elles trouvent un intérêt
accru. En effet, les faibles débits de ces milieux
conduisent à augmenter les concentra-tions des
polluants. Suite à la réouverture du cours d’eau,
une attention particulière devra être portée sur le
respect de ces ZNT.
La restauration des cours d’eau enterrés
BCAE apparaît comme techniquement
et règlementairement réalisable.
Cours d’eau non BCAE
Il s’agit des cours d’eau dont leur protection
n’ouvre droit à aucune aide. Certain ont disparu
des cartes IGN et beaucoup ne possèdent pas de
toponyme. La restauration s’avère alors plus
délicate car la réouverture du cours d’eau va
davantage se heurter à des pressions économiques
et politiques. En effet, la restauration des cours
d’eau enterrés lors de la période de
remembrement et considérés aujourd’hui comme
des fossés ou encore ceux enterrés pour permettre
des constructions immobilières, apparaît
difficilement envisageable face aux enjeux socioéconomiques.
Pourtant il ne faut pas oublier que
ces cours d’eau font toujours partie intégrante du
réseau hydrographique et participent à la qualité
de l’eau et au bon état écologique des masses
d’eau. Partant de ce constat, une masse d’eau peut
elle atteindre le bon état écologique si ses têtes de
bassin présentent un mauvais état écologique Si
ce n’est pas le cas, à partir de quels seuils de
disparition et/ou d’artificialisation des têtes de
bassin, une masse d’eau est susceptible de ne plus
atteindre le bon état Au vu des services
écosystémiques rendus par les têtes de bassins
versant et en fonction des pressions, la protection
et la restauration de ces cours d’eau apparaîtra
dans de nombreux cas comme la solution
techniquement et économiquement la plus
intéressante pour atteindre le bon état écologique
de la masse d’eau réceptrice.
25

Suggestion :
Une des solutions serait que ces linéaires figurent sur les cartes des cours d’eau BCAE réalisées à
l’échelle départementale. Augmenter le nombre de cours d’eau en tête de bassin BCAE permet de
disposer d’une bande de 5 mètres de part et d’autre afin de mener une restauration pertinente et
d’avoir des moyens règlementaires de protection de ces écosystèmes.
Pour ce faire, tout d’abord, une attention particulière devrait être portée pour empêcher la disparition
au niveau cartographique de nombreux cours d’eau en tête de bassin à chaque réédition de carte IGN
(voir Le Bihan, 2009).
Ensuite, l’arrêté du 12 janvier 2005, pris en application du code rural, établit la liste des cours d’eau
au titre de la conditionnalité PAC. Il est ensuite précisé que cette liste peut être complétée, par
arrêté préfectoral, par d’autres cours d’eau présentant un intérêt pour la protection de
l’environnement. Les cours d’eau en tête de bassin doivent donc figurer sur cette liste. Attention à la
rédaction de cette partie qui me paraît très délicate. Il me paraît peu réaliste de préconiser à l’IGN de
modifier ses cartes…
Exemple de cours d’eau disparu qui pourrait être rajouté sur la liste complémentaire :
Le cours d’eau en question est symbolisé par le trait vert sur les cartes ci dessus. Une prospection de
terrain a confirmé qu’il était enterré de sa source à son arrivée dans le ruisseau de Chanville. Sur
l’orthophotoplan, les traces de l’ancien tracé sont encore visibles.
Ce cours d’eau pourrait par exemple être rajouté sur la liste complémentaire des cours d’eau au titre
de la conditionnalité PAC.
La directive nitrate fait partie des règlementations prises en
compte dans le cadre des exigences de la conditionnalité des
aides PAC. Seul les cours d’eau BCAE sont soumis à ces
dispositions. Inclure des cours d’eau en tête de bassin dans
la liste de ceux BCAE, participerait également aux objectifs
du programme d’action de cette directive, à savoir : réduire
et prévenir la pollution des eaux par les nitrates d’origine
agricole. En effet, du fait de leurs propriétés intrinsèques, les
cours d’eau en tête de bassin sont marqués par des taux
de dénitrification plus élevés que ceux mesurés sur les
grands cours d’eau.
Figure 10 : Bande enherbée le long
d'un cours d'eau BCAE
26

Autres mesures et suiiviis post-restauratiion
Afin de garantir l’efficacité des restaurations mises en œuvre, ces dernières doivent être
accompagnées de certaines mesures permettant de protéger ces cours d'eau remis à ciel ouvert. De
plus, il est important de quantifier les résultats de ces restaurations afin de juger de leurs réelles
pertinences.
Deux méthodes de plantations peuvent être utilisées
suite à la restauration avec sous-dimensionnement :
Mesures à intégrer au projet de restauration
Empêcher le surpâturage
Si le cours d’eau se trouve en contact avec du
bétail, la pose d’une clôture devra être envisagée
ainsi que l’installation de pompes à museaux
afin d’éviter tout surpâturage.
Un passage à gué peut
éventuellement être
réalisé (cf fiches
techniques du LIFE)
Ripisylve
plantée au
moment de la
réouverture
du cours
d’eau
Ripisylve
plantée 2-3
ans après la
restauration
du cours
d’eau
Avantages
Limite la
divagation du
cours d’eau
La ripisylve
est plantée une
fois que le
cours d’eau a
trouvé son
chemin et son
gabarit
préférentiel
Inconvénients
Le cours d’eau évolue et
peut contourner la
ripisylve. Si celle-ci
venait à ne plus se
trouver le long du cours
d’eau, elle deviendrait
inutile.
Les méthodes d’actions
rétroactives sont
souvent difficiles à
mettre en place dû à la
nécessité de résultat
immédiat.
surpâturage
Destruction
des berges et
des habitats
Ripisylve : résultats de l’étude
Colmatage des
cours d’eau aval
Plantation d’une ripisylve
Mobilisation et
transport des
particules fines.
Suite à la réouverture des cours d’eau, il est primordial
d’instaurer une ripisylve le long du cours d’eau. Celle
ci pérennisera la réussite de la restauration en assurant
notamment :
La stabilisation des berges et du lit mineur qui
limite la divagation du cours d’eau.
La diminution des risques d’eutrophisation du
cours d’eau.
Un apport de matière organique, indispensable
au bon fonctionnement des cours d’eau en tête
de bassin.
Le stockage des sédiments et de la matière
organique permettant leur dégradation par la
faune.
Les principales essences retrouvées le
long des cours d’eau échantillonnés sont les
suivantes :
- strate arborée : hêtre, charme, chêne,
frêne, aulne, noisetier.
- strate arbustive : aubépine
Le nombre d’essence varie de 2 à 8 sur
une station de 20 m de long et 5 mètres de
chaque coté du cours d’eau.
Les résineux (sapin, épicéa) sont
absolument à éviter car ils présentent un
enracinement très superficiel et
déstabilisent les berges du cours d’eau qui
sont alors sujettes à érosion.
Remarque : En terme de restauration, il est
donc préférable de diversifier les strates
(arbustive + arborée) et les essences. En
revanche, la ripisylve peut présenter
quelques trouées et n’être constituée que
d’une seule rangée d’arbres ou d’arbustes.
27

Suivi des restaurations
Afin de recueillir des retours d’expériences de ces
restaurations et de juger de leurs efficacités et leurs
limites, il est indispensable que les réouvertures de
cours d’eau soient suivies. En fonction des moyens mis
à disposition et des enjeux, il pourra être mis en place
un suivi :
Minimum : suivi photographique.
Intermédiaire : suivi hydromorphologique et
biologique.
Complet : suivi hydromorphologique, biologique,
chimique et sociologique.
Suivi photographique :
Les clichés seront pris avant, pendant et après travaux.
Pendant la phase post-restauration des photographies
seront prises deux fois par an pendant 5 ans,
de préférence en période de pluie et d’étiage. Les
images devront retranscrire les évolutions de tracé, de
végétation rivulaire, de gabarit du lit, de granulométrie,
de faciès d’écoulement et éventuellement de
faune et flore présente.
Suivi hydromorphologique :
La restauration présentée ici se base sur un sous-dimensionnement
du cours d’eau afin de lui permettre de
retrouver son gabarit d’origine, conforme à sa puissance
spécifique. L’hydromorphologie du cours d’eau
est donc amenée à fortement évoluer et il serait intéressant
d’avoir un retour d’expérience quantifié sur ces
changements.
Le suivi se fera avant travaux et 1 an, 3 ans, 5 ans après
restauration. Le protocole est le suivant* :
- 3 stations à l’amont et 3 à l’aval
- Paramètres hydromorphologiques mesurés :
Hauteur et largeur pleins bords, hauteur et largeur
mouillées, sinuosité, granulométrie, pente, température,
pH, conductivité
- Temps de réalisation : entre une demi-heure et une
heure par station à deux personnes
Suivi biologique :
A réaliser avant travaux et 1 an, 3 ans, 5 ans après
restauration :
- IBGN en amont et en aval : cet indice n’est pas
adapté aux cours d’eau en tête de bassin et la note qui
en résulte ne devra pas être prise en compte pour
qualifier l’état du milieu. Cet indice sert uniquement ici
à mettre en évidence les évolutions de structure et
d’abondance des populations de macroinvertébrés
avant et après restauration.
Pêche électrique en amont et en aval de la
section à restaurer afin de comparer les situations
avant et après restauration.
Remarque : tous les cours d’eau en tête de bassin
n’abritent pas systématiquement d’espèces
piscicoles.
Les bryophytes sont des végétaux particulièrement
adaptés aux cours d’eau en tête de bassin. En effet,
elles affectionnent les milieux ombragés et surtout
sont résistantes aux ruptures d’écoulement
retrouvées en tête de bassin. Grâce à leur forte
capacité d’absorption des métaux, les bryophytes
constituent un bon bio-indicateur. Il serait alors
intéressant de développer cet indice en tête de
bassin.
Suivi chimique :
Avant travaux et 1 an, 3 ans, 5 ans après
restauration. Les mesures sont réalisées en amont et
en aval de la section à restaurer :
- Nitrate
- Phosphate
- Produits phytosanitaires
La fréquence des mesures est fonction des moyens
mis à disposition. Selon un rapport qualité-prix
raisonnable, il pourrait être envisagé de faire 4
mesures par an à différentes périodes : étiage,
pleines eaux, traitement des cultures, fin des
cultures.
Suivi sociologique :
L’enterrement des cours d’eau résulte entre autre
de la « gène » qu’ils occasionnent. Suite à une
restauration, il serait intéressant de mener une
analyse sociologique afin de voir comment est
perçue la remise à ciel ouvert par la population.
Toutes les classes socioprofessionnelles seront
interrogées : riverains, élus, agriculteurs,
associations… Ceci permettrait également de cibler
plus finement, selon des critères précis (niveau
d’études, contexte familial, perception du
paysage…), les publics les plus réticents aux
restaurations et d’anticiper les arguments qu’il
faudra avancer pour faire évoluer les mentalités.
* Pour voir le protocole complet : Mathieu A., 2010 : Quels pré-requis pour la restauration des cours d’eau enterrés en
tête de bassin Rapport de stage ONEMA/Université de Rennes 1, 33 p.
28

Ce document a été mis en œuvre par :
Partenaires associés :
Relecteurs : Véronique NICOLAS (ONEMA, Délégation Générale), David MONNIER et Mikaël
LE BIHAN (ONEMA, Délégation interrégionale), Alain BISELX (ONEMA, Service départemental
des Vosges), Jean-Loup MAHIEU (Agence de l’Eau Rhin Meuse), Daniel SCHNITZLER (DREAL
Alsace), Florent COLIN (DREAL Champagne-Ardenne), Julie KUBIAK (DREAL Lorraine),
Dominique GERZAGUET (DDT Meurthe-et-Moselle).
29