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M. Alten / Le Conservatoire de musique et d'art dramatique

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la jeunesse. Robert Trebor, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> théâtre jusqu’en<br />

mai 1941, est un acteur essentiel <strong>de</strong>s tractations avec l’occupant. Salué pour sa souplesse <strong>et</strong><br />

son entregent, il obtient la réouverture rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s théâtres <strong>et</strong> rédige lui-même les permis<br />

spéciaux délivrés par les autorités alleman<strong>de</strong>s <strong>et</strong> autorisant la circulation nocturne 15 . Selon<br />

Rabaud, il est <strong>de</strong>venu le représentant <strong>de</strong> l’occupant à la tête <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> théâtre <strong>et</strong> est<br />

considéré, <strong>de</strong> ce fait, par les Allemands comme ayant juridiction sur le <strong>Conservatoire</strong>. Il<br />

appelle Rabaud le 2 octobre au soir <strong>et</strong> l’informe que les autorités alleman<strong>de</strong>s s’inquiètent <strong>de</strong> la<br />

question raciale au <strong>Conservatoire</strong> <strong>et</strong> que la ferm<strong>et</strong>ure <strong>de</strong> l’établissement est annoncée pour le<br />

soir même 16 .<br />

À c<strong>et</strong>te date, la première loi antisémite <strong>de</strong> Vichy, datée du 3 octobre 1940 <strong>et</strong> promulguée le<br />

18 octobre 1940 (qui interdit entre autres la fonction publique aux juifs) n’est pas encore<br />

sortie. C’est donc l’ordonnance alleman<strong>de</strong> du 27 septembre 1940 qui s’applique. Celle-ci<br />

stipule que les juifs, définis soit par leur appartenance religieuse soit par le fait d’avoir plus <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux grands-parents juifs, doivent se déclarer comme tels en sous-préfecture <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntifier leurs<br />

entreprises comme juives. Aucune profession ne leur est théoriquement interdite mais, en<br />

pratique, l’épuration du mon<strong>de</strong> du spectacle est déjà bien entamée par la Propaganda Staffel.<br />

En eff<strong>et</strong> les bureaux du 52, avenue <strong>de</strong>s Champs-Élysées ont déjà autorisé la réouverture <strong>de</strong>s<br />

salles <strong>de</strong> spectacles parisiennes en imposant l’éviction <strong>de</strong>s artistes juifs, en particulier à la<br />

Comédie-française <strong>et</strong> à l’Opéra (y compris dans son école <strong>de</strong> danse) 17 .<br />

Face à la menace imminente qu’il décrit (<strong>et</strong> qui n’est pas suivie d’eff<strong>et</strong> car personne ne vient<br />

fermer le <strong>Conservatoire</strong>), Trebor conseille à Rabaud <strong>de</strong> prendre contact directement avec<br />

l’occupant. Très inqui<strong>et</strong>, celui-ci prend conseil auprès du chef <strong>de</strong> cabin<strong>et</strong> du délégué général<br />

du gouvernement dans les territoires occupés, le général La Laurencie, qui lui confirme le<br />

bien-fondé d’un contact direct avec la Propaganda Staffel. Fort <strong>de</strong> l’aval <strong>de</strong> la Délégation<br />

générale, Rabaud dépêche « ses services » (son secrétaire général) auprès <strong>de</strong> l’occupant le<br />

3 octobre 1940. Il lui est alors <strong>de</strong>mandé verbalement la déclaration raciale <strong>de</strong>s personnels<br />

enseignants <strong>et</strong> administratifs ainsi qu’un <strong>de</strong>scriptif du fonctionnement <strong>de</strong> l’école. Rabaud ne<br />

sait que faire. Il rend compte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te exigence au secrétariat d’État aux Beaux-Arts ainsi<br />

qu’au délégué général. <strong>Le</strong>s consignes qui lui sont alors données sont pour le moins<br />

contradictoires : les Beaux-Arts lui enjoignent <strong>de</strong> faire l’enquête mais <strong>de</strong> ne l’envoyer qu’à la<br />

Délégation générale ; quant à la Délégation, elle préfère ne pas recevoir le dossier <strong>et</strong> conseille<br />

d’abord <strong>de</strong> l’envoyer directement aux Allemands, puisque la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’est pas passée par<br />

elle. Puis, <strong>de</strong>ux jours plus tard, elle se ravise <strong>et</strong> conseille, par la voix du représentant du<br />

ministre <strong>de</strong> l’Instruction publique à la Commission d’armistice, <strong>de</strong> ne rien envoyer du tout.<br />

Devant ces divergences, Rabaud <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un avis définitif <strong>et</strong> souligne le besoin <strong>de</strong> clarifier la<br />

situation institutionnelle du <strong>Conservatoire</strong> vis-à-vis <strong>de</strong> l’occupant 18 . Suite à sa l<strong>et</strong>tre, le<br />

directeur reçoit le len<strong>de</strong>main la réponse orale du directeur général <strong>de</strong>s Beaux-Arts, confirmée<br />

par le chef <strong>de</strong> cabin<strong>et</strong> <strong>de</strong> La Laurencie, qui lui enjoint d’envoyer officieusement à la<br />

Propaganda Staffel les renseignements <strong>de</strong>mandés 19 . <strong>Le</strong> courrier envoyé à celle-ci le<br />

14 octobre 1940 est lapidaire, se contentant <strong>de</strong> signaler la présence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enseignants<br />

israélites <strong>et</strong> précisant que les déclarations personnelles ont été remises à l’autorité <strong>de</strong> tutelle.<br />

15 S. Guitry, « quatre ans d’occupations » in S. Guitry, Cinquante ans d’occupations, Paris, Ed. Omnibus, 1998,<br />

p. 777 <strong>et</strong> 865.<br />

16 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétaire d’Etat à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 11 octobre 1940.<br />

17 S. Grandgambe, « La réunion <strong>de</strong>s théâtres lyriques nationaux » in La <strong>musique</strong> sous Vichy, p. 118 ; S. Ad<strong>de</strong>d,<br />

<strong>Le</strong> théâtre dans les années Vichy, Paris,Ramsay, 1992, p. 101.<br />

18 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétaire d’Etat à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 11 octobre 1940.<br />

19 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au directeur général <strong>de</strong>s Beaux-Arts, 14 octobre 1940.<br />

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