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le temps de Purcell, Jean-Sébastien Bach, Domenico Scarlatti

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Philippe Zwang*<br />

*Historien<br />

Des compositeurs dans <strong>le</strong>ur époque :<br />

<strong>le</strong> <strong>temps</strong> <strong>de</strong> <strong>Purcell</strong>, <strong>Jean</strong>-Sébastien <strong>Bach</strong>, <strong>Domenico</strong> <strong>Scarlatti</strong> et Haen<strong>de</strong>l<br />

1659-1759<br />

Pour ai<strong>de</strong>r <strong>le</strong>s candidats au baccalauréat 2010, nous avons repris ici - modifiés dans la perspective<br />

du programme <strong>de</strong> l’examen et mis à jour - <strong>de</strong>ux artic<strong>le</strong>s parus antérieurement dans L’Éducation<br />

musica<strong>le</strong>.<br />

I - Le contexte européen : confusions politiques et marche vers <strong>le</strong>s Lumières<br />

Pendant l’enfance <strong>de</strong> <strong>Purcell</strong>, la France domine incontestab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> européen.<br />

Versail<strong>le</strong>s, où la Cour s’est installée à partir <strong>de</strong> 1682, <strong>de</strong>vient <strong>le</strong> point <strong>de</strong> mire vers <strong>le</strong>quel se<br />

tournent tous <strong>le</strong>s regards, tous <strong>le</strong>s désirs, toutes <strong>le</strong>s ambitions. Victorieux après la guerre <strong>de</strong><br />

Dévolution (1667-1668) et la guerre <strong>de</strong> Hollan<strong>de</strong> (1672-1678), <strong>le</strong> Roi So<strong>le</strong>il, à l’orgueil<strong>le</strong>use<br />

<strong>de</strong>vise 1 , est au sommet <strong>de</strong> sa gloire. Il n’en est que plus intransigeant sur son prestige, ne pouvant<br />

accepter qu’un autre souverain paraisse (paraître est alors l’idéal social <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> qualité) plus<br />

puissant que lui : il exige que ses ambassa<strong>de</strong>urs aient partout la préséance ; il interdit aux<br />

capitaines <strong>de</strong> saluer <strong>le</strong>s premiers <strong>le</strong>s navires anglais ; tyrannique, il impose sa volonté aux petits<br />

États comme en témoigne, en 1685, la venue humiliante à Versail<strong>le</strong>s du doge <strong>de</strong> Gênes, au<br />

mépris <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> la République qui lui interdisaient <strong>de</strong> quitter <strong>le</strong> territoire génois. On comprend<br />

ainsi combien la France <strong>de</strong> Louis XIV pouvait fasciner <strong>le</strong>s souverains européens : grands ou<br />

petits, ils se firent construire <strong>le</strong>ur Versail<strong>le</strong>s (Schönbrunn, Potsdam, etc.) imité avec plus ou<br />

moins <strong>de</strong> bonheur ; ils imitaient aussi la Cour, avec tout ce que cela comporte <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong><br />

prestige mais aussi <strong>de</strong> petitesse et <strong>de</strong> misère, <strong>de</strong> jalousies et d’intrigues.<br />

L’Europe se mit donc à l’éco<strong>le</strong> <strong>de</strong> la France et parla français. Cette influence profon<strong>de</strong><br />

dura au moins jusqu’au milieu du XVIII e s. <strong>Bach</strong> lui-même utilisa <strong>le</strong> français, comme dans la<br />

dédicace <strong>de</strong>s Concertos Bran<strong>de</strong>bourgeois. Cette domination culturel<strong>le</strong> dépassa donc largement <strong>le</strong><br />

règne <strong>de</strong> Louis XIV dont la secon<strong>de</strong> partie fut très diffici<strong>le</strong> : échec, à long terme, <strong>de</strong> la politique<br />

économique <strong>de</strong> Colbert ; échecs militaires et diplomatiques, malgré <strong>de</strong>s succès durab<strong>le</strong>s comme<br />

la réunion <strong>de</strong> Strasbourg au royaume, à l’issue <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> la Ligue d’Augsbourg (1689-<br />

1697) et <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> succession d’Espagne (1702-1714 2 ) ; misère paysanne... Quant à la<br />

révocation <strong>de</strong> l’édit <strong>de</strong> Nantes, par l’édit <strong>de</strong> Fontaineb<strong>le</strong>au, l’année même <strong>de</strong> la naissance <strong>de</strong><br />

<strong>Bach</strong>, <strong>de</strong> <strong>Domenico</strong> <strong>Scarlatti</strong> et <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l, si el<strong>le</strong> ne fut pas, ce que l’on a cru long<strong>temps</strong>, la plus<br />

1 Nec pluribus impar : non inégal à plusieurs (so<strong>le</strong>ils), c’est-à-dire supérieur à tous !<br />

2 Le traité <strong>de</strong> Rastatt (6 mars 1714) qui mit fin à cette guerre fut rédigé en français, par acci<strong>de</strong>nt : <strong>le</strong> maréchal duc <strong>de</strong><br />

Villars sut profiter <strong>de</strong> l’impatience et <strong>de</strong> l’ignorance du latin du général impérial, <strong>le</strong> prince Eugène, <strong>le</strong>quel parlait<br />

cependant la langue <strong>de</strong> Molière. Le français finit par s’imposer comme langue <strong>de</strong> la diplomatie internationa<strong>le</strong><br />

jusqu’au traité <strong>de</strong> Versail<strong>le</strong>s (28 juin 1919), qui mit fin à la Première Guerre mondia<strong>le</strong>, <strong>le</strong> prési<strong>de</strong>nt étasunien Wilson<br />

ayant exigé que <strong>le</strong> traité soit traduit en anglais en face du texte français.<br />

1


grave erreur du règne 3 , el<strong>le</strong> eut <strong>de</strong>s conséquences politiques, économiques et socia<strong>le</strong>s<br />

indéniab<strong>le</strong>s.<br />

À la mort <strong>de</strong> Louis XIV, en 1715, la France avait perdu la prépondérance politique en<br />

Europe. Le flambeau passa alors à l’Ang<strong>le</strong>terre qui, après avoir connu <strong>de</strong>ux révolutions au<br />

XVII e s. 4 , vit monter sur <strong>le</strong> trône, en 1714, l’É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong> Hanovre sous <strong>le</strong> nom <strong>de</strong> Georges I er .<br />

Connaissant désormais la stabilité politique (Georges I er , 1714-1727 ; Georges II, 1727-1760),<br />

dotée d’un par<strong>le</strong>ment élu très en avance sur <strong>le</strong> reste <strong>de</strong> l’Europe, même si l’on est loin d’une<br />

véritab<strong>le</strong> représentation du peup<strong>le</strong>, la monarchie anglaise a consolidé sa puissance en s’alliant<br />

avec <strong>le</strong> Portugal en 1703, ce qui lui donna accès à l’or du Brésil et en s’unissant définitivement<br />

avec l’Écosse en 1707 ; sur <strong>le</strong> drapeau anglais, la croix <strong>de</strong> saint André vint rejoindre la croix <strong>de</strong><br />

saint Georges (l’Union Jack sera comp<strong>le</strong>t en 1801 avec l’adjonction <strong>de</strong> la croix irlandaise <strong>de</strong><br />

saint Patrick). Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s mers, <strong>le</strong>s colonies d’Amérique prospèrent ; el<strong>le</strong>s sont au nombre <strong>de</strong><br />

treize en 1732 avec la fondation <strong>de</strong> la Georgie 5 . Créée en 1694, la Banque d’Ang<strong>le</strong>terre<br />

symbolise la puissance du pays et <strong>de</strong> sa monnaie. Londres est <strong>de</strong>venu la première place<br />

financière du mon<strong>de</strong>. Ayant remplacé sur mer <strong>le</strong>s Provinces-Unies, en déclin <strong>de</strong>puis <strong>le</strong>s années<br />

1670, la marine britannique domine <strong>le</strong> commerce maritime mondial ; quant à la flotte <strong>de</strong> guerre<br />

anglaise, el<strong>le</strong> s’oppose victorieusement à toute contestation ; désormais, et jusqu’à la Première<br />

Guerre mondia<strong>le</strong>, Britannia ru<strong>le</strong>s the waves. Enfin, par ses innovations technologiques comme la<br />

fonte au coke, l’économie anglaise est en marche vers la Révolution industriel<strong>le</strong>.<br />

Malgré sa forte croissance économique, la France <strong>de</strong> Louis XV ne peut ravir à<br />

l’Ang<strong>le</strong>terre sa première place. L’Espagne a dû recu<strong>le</strong>r, son empire ne fournit plus <strong>le</strong>s richesses<br />

d’antan ; el<strong>le</strong> a cédé Gibraltar et Minorque à l’Ang<strong>le</strong>terre ; <strong>le</strong>s Pays-Bas espagnols sont <strong>de</strong>venus<br />

autrichiens ; <strong>le</strong> Milanais, la Sardaigne et Nap<strong>le</strong>s sont passés à l’Empire, la Sici<strong>le</strong> au duc <strong>de</strong><br />

Savoie <strong>de</strong>venu roi... La Suè<strong>de</strong> est ravalée au rang <strong>de</strong> puissance secondaire <strong>de</strong>puis la terrib<strong>le</strong><br />

défaite <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s XII à Poltava, en 1709, face aux Russes 6 . Tout à l’Est <strong>de</strong> l’Europe, la Russie<br />

commence enfin à sortir du Moyen Âge grâce au règne <strong>de</strong> Pierre <strong>le</strong> Grand (1682-1725). Le pays<br />

s’ouvre à l’Occi<strong>de</strong>nt, se dote d’une nouvel<strong>le</strong> capita<strong>le</strong>, Saint-Pétersbourg ; il joue désormais un<br />

rô<strong>le</strong> sur l’échiquier européen se heurtant par exemp<strong>le</strong> aux Suédois et aux Turcs ou intervenant<br />

dans la succession polonaise. Reste enfin <strong>le</strong> Saint-Empire romain germanique, cadre politique<br />

dans <strong>le</strong>quel <strong>Bach</strong> vécut.<br />

Les Français ont souvent du mal à se représenter ce que fut réel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> Saint-Empire,<br />

tant dans son extension géographique, fluctuante, que dans son histoire, certes compliquée ;<br />

3 La gran<strong>de</strong> erreur <strong>de</strong> Louis XIV fut en réalité la bul<strong>le</strong> Unigenitus Dei Filius, fulminée <strong>le</strong> 8 septembre 1713 par <strong>le</strong><br />

pape Clément XI, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du roi <strong>de</strong> France. Le texte <strong>de</strong> cette nouvel<strong>le</strong> bul<strong>le</strong> <strong>de</strong> condamnation du jansénisme,<br />

bien maladroitement formulé, fut très mal reçu par <strong>de</strong> nombreux membres du c<strong>le</strong>rgé français, toujours prompts à<br />

défendre <strong>le</strong> gallicanisme face à Rome, mais aussi par une majorité <strong>de</strong> par<strong>le</strong>mentaires, dont beaucoup soutenaient <strong>le</strong>s<br />

critiques jansénistes, alors en perte <strong>de</strong> vitesse, contre la monarchie absolue. Cette opposition ne fit que grandir, et<br />

beaucoup d’historiens, à la suite <strong>de</strong> Da<strong>le</strong> K. Van K<strong>le</strong>y (Les Origines religieuses <strong>de</strong> la Révolution française 1560-<br />

1791, tr. fr., Seuil, 2002 ; nouvel<strong>le</strong> édition, Points Seuil, 2006), considèrent aujourd’hui que là se trouve l’origine<br />

fondamenta<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Révolution.<br />

4 Cf. infra.<br />

5 Ce sont ces colonies qui formeront à la fin du sièc<strong>le</strong> <strong>le</strong>s États-Unis d’Amérique et qui sont symbolisées, sur <strong>le</strong><br />

drapeau étasunien, par <strong>le</strong>s treize ban<strong>de</strong>s horizonta<strong>le</strong>s rouges et blanches.<br />

6 Johann Jakob <strong>Bach</strong> (1682-1722), frère <strong>de</strong> <strong>Jean</strong>-Sébastien, était parti comme musicien au service du roi <strong>de</strong> Suè<strong>de</strong><br />

Char<strong>le</strong>s XII. Pour lui dire adieu, <strong>Bach</strong> écrivit <strong>le</strong> Capriccio pour <strong>le</strong> départ <strong>de</strong> son frère bien-aimé, BWV 992.<br />

2


pourtant, c’est Napoléon I er qui en fut <strong>le</strong> fossoyeur en 1806 et fit ériger en témoignage, dans la<br />

cour du Louvre, l’arc <strong>de</strong> triomphe du Carrousel, surmonté alors <strong>de</strong>s quatre chevaux <strong>de</strong> la<br />

basilique Saint-Marc <strong>de</strong> Venise (chevaux que <strong>le</strong>s Vénitiens avaient eux-mêmes dérobés à<br />

l’hippodrome <strong>de</strong> Constantinop<strong>le</strong>, lors <strong>de</strong> la quatrième croisa<strong>de</strong>, en 1204...). Quand en 962<br />

Othon I er <strong>le</strong> Grand, fils d’Henri l’Oise<strong>le</strong>ur <strong>de</strong> Saxe, prit <strong>le</strong> titre impérial, vacant <strong>de</strong>puis 924,<br />

réalisant <strong>le</strong> transfert <strong>de</strong> l’Empire <strong>de</strong>s Francs au domaine germanique, il ne pouvait évi<strong>de</strong>mment<br />

pas <strong>de</strong>viner l’étonnant avenir du nouvel empire qui allait s’étendre <strong>de</strong> l’Italie à la mer du Nord<br />

et à la Baltique, <strong>de</strong> la Lotharingie, Bourgogne, Ar<strong>le</strong>s aux marches <strong>de</strong> l’Europe centra<strong>le</strong>. Par <strong>de</strong>là<br />

<strong>le</strong> Moyen Âge et l’échec du Dominium mundi, aussi bien pour l’empereur que pour <strong>le</strong> pape, <strong>le</strong><br />

Saint-Empire s’orienta définitivement vers un empire al<strong>le</strong>mand ; dès 1512 apparaît la formu<strong>le</strong><br />

Heiliges römisches Reich <strong>de</strong>utscher Nation : Saint-Empire romain <strong>de</strong> nation al<strong>le</strong>man<strong>de</strong>.<br />

La Réforme, que Char<strong>le</strong>s Quint doit fina<strong>le</strong>ment accepter lors <strong>de</strong> la paix d’Augsbourg en<br />

1555, et la guerre <strong>de</strong> Trente Ans (1618-1648) ont profondément marqué <strong>le</strong> Saint-Empire que ce<br />

tragique conflit a conduit vers <strong>le</strong> déclin, déclin très <strong>le</strong>nt cependant et entrecoupé <strong>de</strong> brillants<br />

sursauts.<br />

Par sa comp<strong>le</strong>xité territoria<strong>le</strong> et son organisation politique, l’Empire ne peut jouer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />

hégémonique qu’aurait pu lui donner l’union <strong>de</strong> tous ses membres, car cet énorme ensemb<strong>le</strong> est<br />

constitué <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux éléments distincts, l’Empire et l’empereur.<br />

À l’époque qui nous intéresse, à l’intérieur <strong>de</strong> ses limites théoriques, l’Empire est formé<br />

par une invraisemblab<strong>le</strong> mosaïque d’environ 350 « États ». Ces nombreuses principautés,<br />

duchés, comtés, marquisats, évêchés, communautés religieuses et vil<strong>le</strong>s libres étaient <strong>de</strong> tail<strong>le</strong><br />

variab<strong>le</strong> mais plutôt petits, voire minuscu<strong>le</strong>s ; seuls <strong>le</strong>s é<strong>le</strong>ctorats pouvaient réel<strong>le</strong>ment se hisser<br />

au rang d’un véritab<strong>le</strong> État. Les titulaires <strong>de</strong> ces « États » sont <strong>de</strong>s seigneurs territoriaux dont <strong>le</strong><br />

suzerain est l’empereur, qui n’est que <strong>le</strong> dépositaire <strong>de</strong> la couronne impéria<strong>le</strong>. Cette couronne,<br />

comme <strong>le</strong> trône <strong>de</strong> saint Pierre, n’est accessib<strong>le</strong> qu’à un homme, et el<strong>le</strong> est aussi é<strong>le</strong>ctive et<br />

viagère ; jamais <strong>le</strong>s empereurs n’ont pu en faire une dignité héréditaire <strong>de</strong> droit ; mais en fait,<br />

par l’é<strong>le</strong>ction du Roi <strong>de</strong>s Romains, l’empereur vivant faisait désigner son fils comme<br />

successeur, ce qui permit aux Habsbourg <strong>de</strong> conserver la couronne impéria<strong>le</strong> <strong>de</strong>puis 1438, avec<br />

<strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s exceptions, d’ail<strong>le</strong>urs à l’époque <strong>de</strong> <strong>Bach</strong>, <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s VII et <strong>de</strong> François I er .<br />

C’est l’empereur Char<strong>le</strong>s IV qui, codifiant <strong>de</strong>s pratiques antérieures, fixa en 1356 <strong>le</strong>s<br />

modalités <strong>de</strong> la désignation <strong>de</strong> l’empereur : <strong>le</strong>s chefs <strong>de</strong>s anciens duchés ethniques se virent<br />

accor<strong>de</strong>r un droit <strong>de</strong> suffrage (Kur en al<strong>le</strong>mand) et <strong>de</strong>vinrent <strong>le</strong>s Princes-É<strong>le</strong>cteurs (Kurfürsten) ;<br />

cette dignité figure sur <strong>le</strong>ur blason par <strong>de</strong>ux épées croisées. Il y eut d’abord sept É<strong>le</strong>cteurs : <strong>le</strong>s<br />

archevêques <strong>de</strong> Mayence (il est aussi l’archichancelier, donc <strong>le</strong> <strong>de</strong>uxième dignitaire <strong>de</strong><br />

l’Empire), <strong>de</strong> Cologne et <strong>de</strong> Trèves ; <strong>le</strong> roi <strong>de</strong> Bohême, <strong>le</strong> duc <strong>de</strong> Saxe, <strong>le</strong> margrave <strong>de</strong><br />

Bran<strong>de</strong>bourg et <strong>le</strong> comte palatin du Rhin. La Bavière, <strong>de</strong> 1623 à 1777, et <strong>le</strong> Hanovre, <strong>de</strong>puis<br />

1692, vinrent s’ajouter au collège é<strong>le</strong>ctoral qui comprenait donc du <strong>temps</strong> <strong>de</strong> <strong>Bach</strong> neuf<br />

É<strong>le</strong>cteurs qui élisaient à Francfort (dans l’é<strong>le</strong>ctorat <strong>de</strong> Mayence) <strong>le</strong> Roi <strong>de</strong>s Romains que<br />

couronnait alors l’archevêque <strong>de</strong> Mayence 7 . On pouvait, en théorie, choisir n’importe quel<br />

prince, même extérieur à l’Empire ; cependant, aux Temps mo<strong>de</strong>rnes, l’inf<strong>le</strong>xion al<strong>le</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

7 Char<strong>le</strong>s Quint fut, à Bologne en 1530, <strong>le</strong> <strong>de</strong>rnier titulaire du Saint-Empire couronné par <strong>le</strong> pape (Clément VII).<br />

Après lui, on renonça à l’investiture papa<strong>le</strong> et on fit appel à l’archevêque <strong>de</strong> Mayence, ce qui renforçait l’orientation<br />

al<strong>le</strong>man<strong>de</strong>.<br />

3


l’Empire fit rejeter François I er <strong>de</strong> France, comme étranger, au profit <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s Quint; argument<br />

spécieux, certes, mais l’or <strong>de</strong> Jacob Fugger fit merveil<strong>le</strong> auprès <strong>de</strong>s É<strong>le</strong>cteurs. Quant à la<br />

candidature, officieuse, <strong>de</strong> Louis XIV, el<strong>le</strong> fut vite retirée. La couronne impéria<strong>le</strong> resta donc<br />

dans la famil<strong>le</strong> <strong>de</strong>s Habsbourg, qui étaient <strong>le</strong>s plus importants seigneurs territoriaux <strong>de</strong><br />

l’Empire : Autriche, Tyrol, Styrie, Carinthie, Carnio<strong>le</strong>, Bohême (l’empereur est donc membre du<br />

collège é<strong>le</strong>ctoral), Hongrie (el<strong>le</strong> est à l’extérieur <strong>de</strong> l’Empire), etc. Ces États patrimoniaux<br />

faisaient donc <strong>de</strong> l’empereur habsbourgeois <strong>le</strong> plus riche et <strong>le</strong> plus puissant personnage <strong>de</strong><br />

l’Empire, cependant, hors <strong>de</strong> ses États, <strong>le</strong>s pouvoirs <strong>de</strong> l’empereur étaient limités par l’Empire.<br />

En effet, <strong>le</strong>s seigneurs territoriaux formaient une sorte d’assemblée, convoquée et présidée par<br />

l’empereur, la Diète (Reichstag). Composée <strong>de</strong> trois collèges (É<strong>le</strong>cteurs, princes, vil<strong>le</strong>s<br />

d’Empire), la Diète exerçait la véritab<strong>le</strong> souveraineté dans l’Empire, décidait <strong>de</strong> la guerre et <strong>de</strong>s<br />

impôts. L’empereur ne pouvait rien faire d’important dans <strong>le</strong> Reich sans l’accord <strong>de</strong> la Diète, et<br />

l’emploi <strong>de</strong> la force n’y put rien. La Diète <strong>de</strong>vint permanente à Ratisbonne <strong>de</strong>puis 1663, et<br />

comme l’empereur n’y vient plus <strong>de</strong>puis 1664, el<strong>le</strong> est dès lors constituée <strong>de</strong> délégués <strong>de</strong>s<br />

titulaires. La Diète <strong>de</strong> l’époque <strong>de</strong> <strong>Bach</strong> était donc une assemblée <strong>de</strong> représentants bavards et<br />

soucieux <strong>de</strong> préséances mais qui instruisaient quantité <strong>de</strong> dossiers et prenaient parfois <strong>de</strong>s<br />

décisions importantes. La réalité <strong>de</strong> l’Empire se trouvait donc dans <strong>le</strong>s seigneuries territoria<strong>le</strong>s<br />

qui disposaient non <strong>de</strong> la véritab<strong>le</strong> souveraineté mais <strong>de</strong> la Lan<strong>de</strong>shoheit (en latin, superioritas<br />

territorialis), c’est-à-dire <strong>de</strong> la supériorité territoria<strong>le</strong>. Cette supériorité donnait aux seigneurs<br />

territoriaux <strong>de</strong>s droits régaliens : battre monnaie, <strong>le</strong>ver <strong>de</strong>s impôts, rendre la justice, déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s<br />

alliances et <strong>de</strong> la guerre (sauf, en théorie, contre l’Empire ou l’empereur), indépendance<br />

religieuse, etc.<br />

Par <strong>le</strong>s intérêts divergents <strong>de</strong> ses membres, l’Empire ne pouvait donc pas former un corps<br />

unique, mis aussitôt en bran<strong>le</strong> à la moindre a<strong>le</strong>rte. Le risque existe toujours néanmoins et la<br />

politique <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong> France contre <strong>le</strong>s Habsbourg a su utiliser ces différences pour empêcher<br />

l’union, intervenant dans la succession saxonne ou appuyant <strong>le</strong>s princes protestants contre<br />

l’empereur catholique. Pendant ce <strong>temps</strong>, la Prusse grandit, et <strong>le</strong>s Habsbourg doivent en tenir<br />

compte.<br />

JEAN-SÉBASTIEN BACH ET SON TEMPS : TABLEAU SYNOPTIQUE<br />

DATES BACH AUTRES ÉVÉNEMENTS<br />

1685<br />

1686<br />

1687<br />

1689<br />

1691<br />

21 mars : naissance à<br />

Eisenach.<br />

Louis XIV révoque l’édit <strong>de</strong> Nantes. Édit <strong>de</strong><br />

Potsdam pour l’accueil <strong>de</strong>s réfugiés protestants<br />

français. Naissance <strong>de</strong> G. F. Haen<strong>de</strong>l et <strong>de</strong> D.<br />

<strong>Scarlatti</strong>. À Paris, Fr. Couperin organiste à Saint-<br />

Gervais.<br />

Prise <strong>de</strong> Bu<strong>de</strong> par <strong>le</strong>s troupes impéria<strong>le</strong>s. Formation<br />

<strong>de</strong> la ligue d’Augsbourg. Lully : Armi<strong>de</strong>.<br />

Denis Papin : première machine à vapeur. Mort <strong>de</strong><br />

Lully.<br />

Les armées françaises ravagent <strong>le</strong> Palatinat.<br />

Ang<strong>le</strong>terre : Déclaration <strong>de</strong>s Droits. Racine : Esther.<br />

Werckmeister : Musikalische Temperatur.<br />

Racine : Athalie. <strong>Purcell</strong> : Le Roi Arthur.<br />

4


1693 F. Couperin organiste <strong>de</strong> la Chapel<strong>le</strong> Roya<strong>le</strong>.<br />

1695<br />

Mort <strong>de</strong> son père Mort <strong>de</strong> <strong>Purcell</strong>.<br />

Johann Ambrosius.<br />

1695-1700<br />

Étu<strong>de</strong>s à Ohrdruf chez<br />

son frère.<br />

Paix <strong>de</strong> Ryswick. Char<strong>le</strong>s XII roi <strong>de</strong> Suè<strong>de</strong>.<br />

1697<br />

Auguste II roi <strong>de</strong> Pologne. Perrault : Contes <strong>de</strong> ma<br />

mère l’oye. Campra : L’Europe galante.<br />

1698 Premiers pianos <strong>de</strong> Cristofori.<br />

Vers 1700<br />

Denner invente la clarinette.<br />

1700-1702 Étu<strong>de</strong>s à Lüneburg.<br />

Va à Hambourg écouter<br />

1701<br />

1702<br />

1703<br />

1703-1707<br />

1704<br />

1705<br />

1706<br />

1707<br />

1707-1708<br />

1708<br />

1708-1717<br />

1709<br />

l’organiste Reinken.<br />

Naissance d’Anna<br />

Magda<strong>le</strong>na Wilcke,<br />

secon<strong>de</strong> femme <strong>de</strong><br />

<strong>Bach</strong>.<br />

4 mars au 13<br />

septembre, au service<br />

du duc Johann Ernst<br />

<strong>de</strong> Weimar.<br />

À Arnstadt : organiste<br />

<strong>de</strong> la Neuekirche.<br />

4 août : inci<strong>de</strong>nt<br />

Geyersbach. Va à<br />

Lübeck pour écouter<br />

Buxtehu<strong>de</strong>.<br />

Cantate Actus tragicus.<br />

Épouse Maria Barbara<br />

<strong>Bach</strong><br />

À Mühlhausen,<br />

organiste <strong>de</strong> Saint-<br />

Blaise.<br />

Naissance <strong>de</strong><br />

Catharina Dorothea.<br />

Au service <strong>de</strong> la Cour<br />

<strong>de</strong> Weimar.<br />

Frédéric I er roi en Prusse. Kuhnau cantor à Saint-<br />

Thomas <strong>de</strong> Leipzig.<br />

Te<strong>le</strong>mann fon<strong>de</strong> <strong>le</strong> Col<strong>le</strong>gium musicum <strong>de</strong> Leipzig.<br />

Campra : Tancrè<strong>de</strong>.<br />

Leibniz : Nouveaux essais sur l’enten<strong>de</strong>ment humain.<br />

Le tsar Pierre <strong>le</strong> Grand fon<strong>de</strong> Saint-Pétersbourg.<br />

Mort <strong>de</strong> Grigny.<br />

En Pologne, Auguste II détrôné, Stanislas<br />

Leszczyński <strong>de</strong>vient roi. Mort <strong>de</strong> M.-A. Charpentier.<br />

Joseph I er empereur.<br />

Mort <strong>de</strong> Pachelbel. Rameau : premier livre <strong>de</strong>s Pièces<br />

<strong>de</strong> Clavecin. Haen<strong>de</strong>l en Italie<br />

Mort <strong>de</strong> Buxtehu<strong>de</strong>.<br />

Défaite <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s XII roi <strong>de</strong> Suè<strong>de</strong> à Poltava.<br />

Auguste II re<strong>de</strong>vient roi <strong>de</strong> Pologne. Lesage :<br />

Turcaret. Mort <strong>de</strong> Torelli<br />

5


1710<br />

Naissance <strong>de</strong> Wilhelm<br />

Friedmann.<br />

Haen<strong>de</strong>l à Londres.<br />

1711 Char<strong>le</strong>s VI empereur. Vivaldi : L’Estro armonico.<br />

1712 Naissance <strong>de</strong> Rousseau.<br />

Paix d’Utrecht. Pragmatique sanction. Frédéric-<br />

1713 Cantate <strong>de</strong> la chasse. Guillaume roi <strong>de</strong> Prusse. Mort <strong>de</strong> Corelli.<br />

Fr. Couperin : premier livre <strong>de</strong>s Pièces <strong>de</strong> Clavecin.<br />

1714<br />

1715<br />

1716<br />

1717<br />

1717-1723<br />

1719<br />

Nommé<br />

Konzermeister.<br />

Naissance <strong>de</strong> Carl<br />

Philipp Emmanuel.<br />

Naissance <strong>de</strong> Johann<br />

Gottfried Bernhard.<br />

Emprisonné à Weimar<br />

du 6 novembre au 2<br />

décembre.<br />

À Cöthen : Maître <strong>de</strong><br />

Chapel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Cour.<br />

Paix <strong>de</strong> Rastatt. George I er<br />

Naissance <strong>de</strong> Gluck.<br />

roi d’Ang<strong>le</strong>terre.<br />

Mort <strong>de</strong> Louis XIV, Louis XV roi <strong>de</strong> France (régence<br />

<strong>de</strong> Philippe d’Orléans). Fr. Couperin : Trois Leçons<br />

<strong>de</strong>s ténèbres.<br />

Mort <strong>de</strong> Leibniz. F. Couperin : L’Art <strong>de</strong> toucher<br />

<strong>le</strong> clavecin.<br />

Watteau : L’Embarquement pour Cythère. Fr.<br />

Couperin : <strong>de</strong>uxième livre <strong>de</strong>s Pièces <strong>de</strong> Clavecin.<br />

Haen<strong>de</strong>l : Water Music.<br />

Le roi <strong>de</strong> Prusse abolit <strong>le</strong> servage sur <strong>le</strong>s terres <strong>de</strong>s<br />

nob<strong>le</strong>s. De Foe : Robinson Crusoé. Création à<br />

Londres <strong>de</strong> la Royal Aca<strong>de</strong>my of Music. Fondation à<br />

Leipzig <strong>de</strong>s Éditions Breitkopf<br />

Banqueroute <strong>de</strong> Law à Paris. Watteau : L’Enseigne<br />

<strong>de</strong> Gersaint.<br />

1720<br />

Mort <strong>de</strong> Maria<br />

Barbara.<br />

Épouse Anna<br />

1721<br />

Magda<strong>le</strong>na Wilcke.<br />

Mort <strong>de</strong> Watteau. Montesquieu : Lettres persanes.<br />

Dédicace <strong>de</strong>s<br />

Te<strong>le</strong>mann directeur <strong>de</strong> la musique <strong>de</strong> Hambourg.<br />

Concertos<br />

bran<strong>de</strong>bourgeois.<br />

1722<br />

Premier livre du Mort <strong>de</strong> Kuhnau. Rameau : Traité d’harmonie.<br />

Clavier bien tempéré. Fr. Couperin : troisième livre <strong>de</strong>s Pièces <strong>de</strong> Clavecin.<br />

À Leipzig : cantor <strong>de</strong><br />

1723-1750 Saint-Thomas et<br />

Director musices.<br />

1724<br />

Passion selon saint<br />

<strong>Jean</strong>.<br />

Haen<strong>de</strong>l : Ju<strong>le</strong>s César.<br />

1725 Oratorio <strong>de</strong> Pâques.<br />

Mort du tsar Pierre <strong>le</strong> Grand. Mort d’A. <strong>Scarlatti</strong>.<br />

Vivaldi : Les Quatre Saisons.<br />

1726<br />

Naissance d’Elisabeth Swift : Voyages <strong>de</strong> Gulliver. Mort <strong>de</strong> Delalan<strong>de</strong>.<br />

Juliana Frie<strong>de</strong>rica. Haen<strong>de</strong>l naturalisé anglais (confirmé en 1727).<br />

1727<br />

O<strong>de</strong> funèbre. Passion<br />

selon saint Matthieu.<br />

1728 George II roi d’Ang<strong>le</strong>terre. Création du premier<br />

6


1729<br />

1730<br />

1732<br />

1733<br />

Nommé directeur du<br />

Col<strong>le</strong>gium musicum <strong>de</strong><br />

Leipzig.<br />

Naissance <strong>de</strong> Johan<br />

Christoph<br />

Friedrich.<br />

1734-1735 Oratorio <strong>de</strong> Noël.<br />

Naissance <strong>de</strong> Johann<br />

Christian. Rédaction <strong>de</strong><br />

1735 l’Ursprung. Oratorio<br />

<strong>de</strong> l’Ascension.<br />

Cantate du café.<br />

Nommé compositeur<br />

1736<br />

aulique.<br />

Naissance <strong>de</strong><br />

1737 Johanna<br />

Carolina.<br />

1738<br />

journal musical al<strong>le</strong>mand par Te<strong>le</strong>mann.<br />

Marivaux : Le Jeu <strong>de</strong> l’amour et du hasard.<br />

Fr. Couperin : quatrième livre <strong>de</strong>s Pièces <strong>de</strong><br />

Clavecin.<br />

Fondation <strong>de</strong> la colonie anglaise <strong>de</strong> Georgie.<br />

Voltaire : Zaïre. Naissance <strong>de</strong> Haydn. Walther :<br />

Musikalisches Lexicon.<br />

Auguste III É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong> Saxe et roi <strong>de</strong> Pologne.<br />

Établissement <strong>de</strong> la conscription en Prusse. Kay :<br />

navette volante pour <strong>le</strong> métier à tisser.<br />

Mort <strong>de</strong> Fr. Couperin. Rameau : Hippolyte et Aricie.<br />

Pergolèse : La Servante maîtresse.<br />

Darby : métallurgie au charbon. Rameau : Les In<strong>de</strong>s<br />

Galantes. Haen<strong>de</strong>l : Alcina.<br />

Mort <strong>de</strong> Pergolèse.<br />

1739 Rameau : Dardanus.<br />

1740<br />

1741<br />

1744<br />

1742<br />

Deuxième livre du<br />

Clavier bien tempéré.<br />

Naissance <strong>de</strong> Regina<br />

Susanna. Variations<br />

Goldberg. Cantate <strong>de</strong>s<br />

Paysans.<br />

Mort <strong>de</strong> Stradivarius. Te<strong>le</strong>mann à Paris. Rameau :<br />

Castor et Pollux. Construction du théâtre San Carlo<br />

à Nap<strong>le</strong>s.<br />

Traité <strong>de</strong> Vienne. Vivaldi à Amsterdam. Haen<strong>de</strong>l :<br />

Saül, Israël en Egypte.<br />

Frédéric II roi <strong>de</strong> Prusse. Mort <strong>de</strong> l’empereur<br />

Char<strong>le</strong>s VI. Début <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> succession<br />

d’Autriche.<br />

Mort <strong>de</strong> Vivaldi. Haen<strong>de</strong>l : Le Messie. Rameau :<br />

Pièces <strong>de</strong> Clavecin en concert.<br />

Quantz et Carl Philipp Emanuel <strong>Bach</strong> au service <strong>de</strong><br />

Frédéric II. Naissance <strong>de</strong> Grétry.<br />

Hogarth : Le Mariage à la mo<strong>de</strong>. Mort <strong>de</strong> Campra.<br />

Char<strong>le</strong>s VII empereur.<br />

Création <strong>de</strong>s concerts au Gewandhaus <strong>de</strong> Leipzig.<br />

1743<br />

Naissance <strong>de</strong> Boccherini. Haen<strong>de</strong>l : Te Deum <strong>de</strong><br />

Dettingen.<br />

1745 Deuxième guerre <strong>de</strong> Silésie : occupation <strong>de</strong> Dres<strong>de</strong><br />

7


1746<br />

1747<br />

1748<br />

1749<br />

1750<br />

Portrait par Elias G.<br />

Haussmann.<br />

Voyage à Potsdam.<br />

Entre à la société<br />

Miz<strong>le</strong>r. L’Offran<strong>de</strong><br />

musica<strong>le</strong>.<br />

Termine la Messe en<br />

si. L’Art <strong>de</strong> la fugue.<br />

Opérations <strong>de</strong> la<br />

cataracte.<br />

28 juil<strong>le</strong>t : mort.<br />

et <strong>de</strong> Leipzig par <strong>le</strong>s Prussiens. Batail<strong>le</strong> <strong>de</strong> Fontenoy.<br />

François I er empereur. Début <strong>de</strong> la construction du<br />

château <strong>de</strong> Sans-Souci. Rameau : Le Temp<strong>le</strong> <strong>de</strong> la<br />

gloire.<br />

Haen<strong>de</strong>l : Judas Macchabée.<br />

Benjamin Franklin invente <strong>le</strong> paratonnerre.<br />

Paix d’Aix-la-Chapel<strong>le</strong>. Montesquieu : L’Esprit <strong>de</strong>s<br />

lois. Découverte <strong>de</strong>s ruines <strong>de</strong> Pompéi.<br />

Rameau : Platée, Zoroastre. Haen<strong>de</strong>l : Fireworks<br />

Music.<br />

Voltaire à Berlin. Mort d’Albinoni. Naissance <strong>de</strong><br />

Salieri.<br />

II – L’Ang<strong>le</strong>terre <strong>de</strong> <strong>Purcell</strong> et <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l<br />

La pério<strong>de</strong> 1710-1714 fut décisive dans la vie <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l puisque, durant ces cinq<br />

années, son avenir se <strong>de</strong>ssina définitivement : <strong>le</strong> 16 juin 1710 8 , Haen<strong>de</strong>l fut nommé maître <strong>de</strong><br />

chapel<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong> Hanovre, Georg Ludwig ; en novembre <strong>de</strong> la même année, <strong>le</strong> musicien<br />

vint pour la première fois à Londres où il créa en février 1711 son opéra Rinaldo avec un grand<br />

succès ; <strong>de</strong> 1712 date son installation définitive en Ang<strong>le</strong>terre ; enfin, succédant à Anne, décédée<br />

<strong>le</strong> 1 er août 1714, son « patron », l’É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong> Hanovre, <strong>de</strong>vint <strong>le</strong> roi Georges I er d’Ang<strong>le</strong>terre. Ces<br />

cinq années furent donc aussi <strong>le</strong>s <strong>de</strong>rnières du règne <strong>de</strong> la reine Anne, <strong>de</strong>rnier souverain <strong>de</strong> la<br />

famil<strong>le</strong> <strong>de</strong>s Stuarts qui avait accédé au trône d’Ang<strong>le</strong>terre, à la mort d’Élisabeth I re , en 1603, avec<br />

Jacques I er9 . Le royaume que découvrait Haen<strong>de</strong>l connaissait enfin, malgré <strong>de</strong>s luttes diverses,<br />

une stabilité politique après un XVII e sièc<strong>le</strong> fort agité. En effet, refusant la monarchie absolue,<br />

d’où la première révolution avec l’exécution <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s I er en 1649 et l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> Cromwell,<br />

puis refusant un souverain catholique, d’où la secon<strong>de</strong> révolution avec l’éviction <strong>de</strong> Jacques II,<br />

8 C’est en 1582 que <strong>le</strong> pape Grégoire XIII (1572-1585) fit rattraper dans <strong>le</strong>s pays catholiques <strong>le</strong> retard sur <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il<br />

pris par <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier julien ; <strong>le</strong> <strong>le</strong>n<strong>de</strong>main du 4 octobre fut <strong>le</strong> 15 octobre : sainte Thérèse d’Avila mourut ainsi dans la<br />

nuit du 4 au 15 octobre 1582 ! La plupart <strong>de</strong>s pays protestants adoptèrent <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier grégorien au cours du<br />

XVIII e sièc<strong>le</strong>, ce qui est souvent source d’erreurs dans <strong>le</strong>s différents computs. D’autres pays ne s’alignèrent qu’au<br />

XIX e ou au XX e sièc<strong>le</strong>, comme la Russie à partir du 1 er janvier 1918. Pour sa part, l’Ang<strong>le</strong>terre s’aligna sur <strong>le</strong><br />

ca<strong>le</strong>ndrier grégorien en 1752, passant du 2 au 14 septembre. L’habitu<strong>de</strong> s’étant prise <strong>de</strong> dater selon <strong>le</strong> comput en<br />

vigueur, il faut donc être très vigilant ; <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au synoptique n’échappe pas à la règ<strong>le</strong>.<br />

9 Roi d’Écosse sous <strong>le</strong> nom <strong>de</strong> Jacques VI, il était <strong>le</strong> fils <strong>de</strong> Marie Stuart (reine d’Écosse <strong>de</strong> 1542 à 1567 et reine <strong>de</strong><br />

France <strong>de</strong> 1559 à 1560 par son mariage avec François II) qui abdiqua en sa faveur en 1567 ; il avait alors un an. La<br />

reine d’Ang<strong>le</strong>terre Élisabeth I re fit exécuter Marie Stuart en 1587, après dix-huit ans <strong>de</strong> prison ; mais la « Reine<br />

vierge » n’ayant pas eu d’enfant, c’est <strong>le</strong> fils <strong>de</strong> son ennemie qui lui succéda, étant son plus proche parent. L’histoire<br />

a parfois <strong>de</strong> ces vengeances... L’Écosse et l’Ang<strong>le</strong>terre restaient cependant <strong>de</strong>ux royaumes séparés ; el<strong>le</strong>s n’étaient<br />

réunies que par <strong>le</strong> règne du même souverain. Il en fut ainsi jusqu’en 1707, quand Anne fit voter un peu<br />

précipitamment l’Acte d’Union qui créait <strong>le</strong> Royaume-Uni d’Ang<strong>le</strong>terre et d’Écosse (<strong>le</strong> royaume d’Ang<strong>le</strong>terre<br />

incluait <strong>le</strong> Pays <strong>de</strong> Gal<strong>le</strong>s et l’Irlan<strong>de</strong>).<br />

8


<strong>le</strong>s Anglais ont su, un sièc<strong>le</strong> avant <strong>le</strong>s Français, établir un véritab<strong>le</strong> consensus entre gouvernants<br />

et gouvernés.<br />

Haen<strong>de</strong>l avait trois ans quand débuta la secon<strong>de</strong> révolution anglaise qui, contrairement à<br />

la première, fut courte et ne fit pas vraiment <strong>de</strong> victimes; el<strong>le</strong> mérite bien son surnom <strong>de</strong><br />

« Glorieuse révolution 10 ». Le 20 juin 1688, la naissance du prince héritier Jacques-Édouard, né<br />

<strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> femme <strong>de</strong> Jacques II, la catholique Marie <strong>de</strong> Modène (cf. <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au généalogique<br />

<strong>de</strong>s souverains anglais), mit un comb<strong>le</strong> au mécontentement <strong>de</strong>s Anglais contre <strong>le</strong>ur roi 11 ; tout<br />

espoir <strong>de</strong> retrouver un souverain protestant s’évanouissait. L’anti-absolutisme et l’antipapisme<br />

étaient <strong>de</strong>puis long<strong>temps</strong> dans <strong>le</strong> cœur <strong>de</strong>s Anglais. À la différence <strong>de</strong> la France, <strong>le</strong> pouvoir royal<br />

anglais n’était pas <strong>de</strong> droit divin, et <strong>le</strong> grand philosophe Thomas Hobbes (1588-1679) avait pu<br />

écrire dans son Léviathan (1651) que <strong>le</strong> pouvoir royal doit s’appuyer sur un large consensus <strong>de</strong>s<br />

sujets. À la génération suivante, John Locke (1632-1704) alla encore plus loin dans ses Traités<br />

sur <strong>le</strong> gouvernement civil 12 , affirmant qu’il est légitime <strong>de</strong> détrôner un roi qui ne respecte pas ce<br />

consensus 13 . Le baptême trop ostentatoire <strong>de</strong> Jacques-Édouard décida quelques grands seigneurs<br />

à faire appel, dès <strong>le</strong> 30 juin, à Guillaume d’Orange, gendre <strong>de</strong> Jacques II en étant l’époux <strong>de</strong> sa<br />

fil<strong>le</strong> Marie 14 . Le Stathou<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s Provinces-Unies se laissa convaincre d’autant plus faci<strong>le</strong>ment<br />

qu’il pouvait, en unissant ses forces à cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> l’Ang<strong>le</strong>terre, s’opposer victorieusement à<br />

Louis XIV.<br />

Tout alla très vite. Ayant traversé la mer du Nord avec une forte armée (environ 20 000<br />

soldats), Guillaume débarqua en Ang<strong>le</strong>terre <strong>le</strong> 7 novembre 1688. Il fit inscrire sur ses drapeaux<br />

qui <strong>le</strong> précédaient à Londres, <strong>le</strong> « programme » <strong>de</strong> son intervention : Pro religione protestante et<br />

Pro libero parlamento ; cela ne pouvait que lui valoir l’adhésion enthousiaste <strong>de</strong>s Anglais. En<br />

décembre, Jacques II céda <strong>le</strong> terrain et se réfugia en France où il mourut en 1701 sans avoir pu<br />

reprendre son trône. Des députés à la Chambre <strong>de</strong>s Communes furent élus en toute hâte et une<br />

Convention se réunit à partir du 29 janvier 1689. Cette Convention régla <strong>le</strong>s rapports entre la<br />

couronne et <strong>le</strong>s sujets <strong>le</strong> 13 février, en adoptant <strong>le</strong> Bill of Rights (déclaration <strong>de</strong>s droits) que l’on<br />

fit jurer à Guillaume et à sa femme qui furent alors proclamés rois conjointement <strong>le</strong> 23 février :<br />

Marie II et Guillaume III.<br />

10 L’expression date <strong>de</strong> l’époque et montre qu’il s’agit plus d’un coup d’État que d’une « révolution » ; en anglais, on<br />

la qualifie aussi <strong>de</strong> Blood<strong>le</strong>ss Revolution (révolution qui ne versa pas <strong>le</strong> sang).<br />

11 Jacques II avait pourtant au départ <strong>de</strong> nombreux atouts, s’étant déjà distingué sous <strong>le</strong> règne <strong>de</strong> son frère Char<strong>le</strong>s II<br />

comme grand amiral, prenant aux Hollandais La Nouvel<strong>le</strong> Amsterdam qu’il rebaptisa New York car il était duc<br />

d’York (il était cependant impopulaire dans son duché), mais peu à peu, son catholicisme, ouvertement et<br />

maladroitement affirmé, et ses tendances absolutistes <strong>le</strong> séparèrent <strong>de</strong> son peup<strong>le</strong>. Comme <strong>le</strong> dit excel<strong>le</strong>mment Lord<br />

Halifax, son favori bruta<strong>le</strong>ment disgracié : A peop<strong>le</strong> may <strong>le</strong>t a King fall, yet still remain a peop<strong>le</strong>; but if a King <strong>le</strong>t his<br />

peop<strong>le</strong> slip from him, he is no longer a King (un peup<strong>le</strong> peut abandonner un roi, il reste pourtant un peup<strong>le</strong> ; mais si<br />

un roi laisse son peup<strong>le</strong> se détacher <strong>de</strong> lui, alors il n’est plus un roi).<br />

12 Véritab<strong>le</strong> fon<strong>de</strong>ment idéologique <strong>de</strong> la « Glorieuse Révolution », <strong>le</strong>s Two Treaties of Government forment une<br />

doub<strong>le</strong> discussion philosophique ; ils furent rédigés dès 1681, et <strong>le</strong> texte circula rapi<strong>de</strong>ment dans <strong>le</strong>s milieux<br />

politiques, mais il ne fut édité, anonymement, qu’en 1690. Le premier traité réfute la monarchie absolue ; <strong>le</strong> second<br />

est un essay concerning the true original, extent, and end of civil government (essai concernant la véritab<strong>le</strong> origine,<br />

<strong>le</strong> développement et <strong>le</strong> but du gouvernement civil).<br />

13 Ainsi s’annonce la philosophie du XVIII e sièc<strong>le</strong> dont <strong>le</strong>s tenants, admirateurs du système anglais, se référeront au<br />

« contrat social ».<br />

14 Guillaume et Marie étaient aussi cousins germains puisque Guillaume était <strong>le</strong> fils <strong>de</strong> Marie, fil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s I er , et<br />

Guillaume II d’Orange-Nassau, <strong>le</strong> petit-fils du Taciturne, fondateur <strong>de</strong>s Provinces-Unies.<br />

9


On est encore étonné par la mo<strong>de</strong>rnité <strong>de</strong> cette Convention et par son extraordinaire<br />

travail législatif. En effet, non seu<strong>le</strong>ment cette Convention fonctionna comme un véritab<strong>le</strong> régime<br />

par<strong>le</strong>mentaire, avec <strong>de</strong>s commissions spécialisées dont <strong>le</strong>s rapporteurs exposaient <strong>le</strong>s propositions<br />

lors <strong>de</strong>s séances plénières, mais <strong>de</strong> nombreux textes <strong>de</strong> lois furent-ils mis au point, lois qui sont<br />

encore <strong>le</strong> fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s institutions anglaises actuel<strong>le</strong>s.<br />

Quant au Bill of Rights ou « Loi pour la déclaration <strong>de</strong>s droits et libertés du sujet et pour<br />

<strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> la succession à la couronne », c’est la base <strong>de</strong> la monarchie par<strong>le</strong>mentaire<br />

anglaise. Dans ce texte, <strong>le</strong>s « Conventionnels », après avoir pris acte <strong>de</strong> l’« abdication » <strong>de</strong><br />

Jacques II, énumérèrent une série <strong>de</strong> douze griefs contre l’ancien roi, <strong>le</strong>s principes <strong>de</strong> la tradition<br />

anglaise qu’il a violés et qui vont <strong>de</strong>venir lois d’État après <strong>le</strong> serment <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux nouveaux<br />

souverains : <strong>le</strong> trône ne sera pas accessib<strong>le</strong> à un prince catholique, ce qui exclut Jacques-Édouard<br />

et sa <strong>de</strong>scendance éventuel<strong>le</strong>; en matière <strong>de</strong> liberté individuel<strong>le</strong>, on réaffirma l’Habeas corpus <strong>de</strong><br />

1679 15 , <strong>le</strong> droit <strong>de</strong> propriété et la liberté <strong>de</strong> conscience pour <strong>le</strong>s Églises réformées (l’Église<br />

anglicane est l’Église roya<strong>le</strong> et officiel<strong>le</strong> ; <strong>le</strong>s Églises dissi<strong>de</strong>ntes sont tolérées) mais l’Église<br />

catholique fut bannie ; enfin, <strong>de</strong>s libertés politiques furent clairement notifiées comme la liberté<br />

<strong>de</strong> réunion et cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> pétition au roi, et surtout <strong>le</strong>s droits traditionnels du Par<strong>le</strong>ment : <strong>le</strong> roi ne<br />

peut suspendre une loi, il ne peut <strong>le</strong>ver d’impôts 16 ni maintenir une armée permanente en <strong>temps</strong><br />

<strong>de</strong> paix sans <strong>le</strong> consentement du Par<strong>le</strong>ment. Il s’agit donc d’une victoire du Par<strong>le</strong>ment, et plus<br />

particulièrement <strong>de</strong>s Whigs 17 sur <strong>le</strong>s Tories qui avaient soutenu <strong>le</strong>s Stuarts.<br />

Marie II, très effacée, mourut en 1694, quant à Guillaume III, il se préoccupa surtout <strong>de</strong><br />

faire la guerre à la France (guerre <strong>de</strong> la Ligue d’Augsbourg puis guerre <strong>de</strong> succession d’Espagne)<br />

et il mourut en 1702 au moment où il préparait une nouvel<strong>le</strong> offensive contre Louis XIV. Ces<br />

souverains n’étaient donc pas en mesure <strong>de</strong> s’opposer au Par<strong>le</strong>ment dont ils avaient besoin pour<br />

<strong>le</strong>urs entreprises militaires et qui en profita pour consoli<strong>de</strong>r sa victoire : <strong>le</strong> Triennal Act <strong>de</strong> 1694<br />

(la durée d’un Par<strong>le</strong>ment est limitée à trois ans, puis on en élit un autre) ; l’année suivante, la<br />

suppression (théorique) <strong>de</strong> toute censure sur <strong>le</strong>s écrits ; enfin, en 1701, l’Act of Sett<strong>le</strong>ment (loi<br />

d’établissement) qui, reprenant l’obligation pour <strong>le</strong> souverain d’être anglican, fait du Par<strong>le</strong>ment<br />

l’autorité suprême pour la succession au trône ; ainsi la famil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Hanovre est-el<strong>le</strong> désignée pour<br />

succé<strong>de</strong>r aux Stuarts, ce qui éliminait par la même occasion <strong>le</strong>s <strong>de</strong>scendants d’Henriette, fil<strong>le</strong> <strong>de</strong><br />

Char<strong>le</strong>s I er , qui étaient catholiques, cette loi est toujours en vigueur.<br />

15 Particulièrement mo<strong>de</strong>rne dans son inspiration, cette loi – dont <strong>le</strong>s origines se trouvent dans la Gran<strong>de</strong> Charte <strong>de</strong><br />

1215, artic<strong>le</strong> 39 – empêche <strong>le</strong>s incarcérations arbitraires : tout individu emprisonné doit, au bout <strong>de</strong> trois jours au<br />

maximum, être présenté à un juge qui l’informe <strong>de</strong> ce qui lui est reproché ; il peut dès lors se défendre.<br />

16 Le principe du consentement à l’impôt par <strong>le</strong> Par<strong>le</strong>ment est un <strong>de</strong> ceux auxquels <strong>le</strong>s Anglais tiennent <strong>le</strong> plus. C’est<br />

précisément parce qu’ils n’avaient pas <strong>de</strong> représentation par<strong>le</strong>mentaire que <strong>le</strong>s colons d’Amérique se sou<strong>le</strong>vèrent<br />

contre la métropo<strong>le</strong> anglaise dès lors qu’el<strong>le</strong> ne cessait <strong>de</strong> taxer <strong>le</strong> commerce <strong>de</strong>s colons pour, comme il est précisé<br />

dans <strong>le</strong> préambu<strong>le</strong> du Sugar Act <strong>de</strong> 1764, « améliorer <strong>le</strong>s revenus <strong>de</strong> ce royaume » ; comme <strong>le</strong> fit remarquer Samuel<br />

Adams, ce fut la première obligation <strong>de</strong> taxation without representation. Les colons avaient bien retenu la <strong>le</strong>çon <strong>de</strong> la<br />

Déclaration <strong>de</strong>s Droits.<br />

17 Ces noms sont <strong>de</strong>s injures réciproques dont se qualifièrent <strong>le</strong>s partisans du roi et ceux du Par<strong>le</strong>ment lors du vote <strong>de</strong><br />

l’Exclusion Bill en 1679. Il s’agissait d’un projet <strong>de</strong> loi pour écarter du trône <strong>le</strong> duc d’York, <strong>le</strong> futur Jacques II, parce<br />

qu’il était catholique. Les tenants du roi, refusant <strong>le</strong> bill, furent surnommés abhorrers (<strong>le</strong>s répugnants) puis tories<br />

(hors-la-loi, noms que <strong>le</strong>s colons anglais donnaient aux catholiques irlandais qui menaient contre eux <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong><br />

type terroriste) ; <strong>le</strong>s partisans du bill, <strong>le</strong>s petitioners, furent appelés whigs (<strong>de</strong> whiggamore, bandit, nom que l’on<br />

donnait, en Écosse, aux paysans presbytériens révoltés).<br />

10


Pour l’instant, c’est Anne, <strong>de</strong>uxième fil<strong>le</strong> du premier mariage <strong>de</strong> Jacques II, qui monta sur<br />

<strong>le</strong> trône en 1702. El<strong>le</strong> était protestante, sera veuve <strong>de</strong> Georges <strong>de</strong> Danemark en 1708, et n’avait<br />

pas <strong>de</strong> postérité puisque <strong>le</strong>urs enfants moururent tous en bas âge, <strong>le</strong> <strong>de</strong>rnier en 1700 ; <strong>le</strong><br />

Par<strong>le</strong>ment avait donc tout prévu !<br />

Le <strong>temps</strong> <strong>de</strong> la reine Anne (1702-1714) fut celui <strong>de</strong> la guerre contre la France, donc aussi<br />

contre <strong>le</strong>s Jacobites (partisans <strong>de</strong> Jacques II et <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>scendants) et contre l’Espagne, et, à<br />

l’intérieur, d’innombrab<strong>le</strong>s complots et luttes d’influences. Anne n’était certainement pas très<br />

intelligente et fut surtout très entêtée. El<strong>le</strong> s’obstina par exemp<strong>le</strong> à donner à son époux <strong>de</strong>s<br />

fonctions que <strong>le</strong> malheureux, lui aussi fort peu doué, était incapab<strong>le</strong> d’assumer. Enfin, Anne se<br />

lia d’une amitié (<strong>le</strong>s méchantes langues disent davantage) ombrageuse et jalouse avec Lady<br />

Sarah, l’épouse <strong>de</strong> John Churchill, premier duc <strong>de</strong> Marlborough (c’est celui <strong>de</strong> la chanson<br />

Malbrough s’en va-t’en guerre) qui fut naturel<strong>le</strong>ment couvert d’honneurs mais sut se couvrir luimême<br />

<strong>de</strong> gloire contre <strong>le</strong>s Français, jusqu’à sa disgrâce en 1710. Lady Masham remplaça Lady<br />

Sarah dans <strong>le</strong> cœur <strong>de</strong> la reine tandis que la fortune <strong>de</strong>s Marlborough se délabrait tout autant que<br />

<strong>le</strong>s armées anglaises... L’accession au trône impérial <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s VI en 1711 alarma l’opinion<br />

britannique (et française) car, en cas <strong>de</strong> victoire contre Philippe V d’Espagne (<strong>le</strong> petit-fils <strong>de</strong><br />

Louis XIV, l’ancien duc d’Anjou dont la montée sur <strong>le</strong> trône espagnol provoqua la guerre en<br />

1700), Madrid et Vienne seraient à nouveau réunis, comme sous Char<strong>le</strong>s-Quint. Dès lors, <strong>de</strong>s<br />

négociations franco-anglaises aboutirent à la paix d’Utrecht en 1713 ; l’empereur ne signa qu’en<br />

1714, à Rastatt, <strong>de</strong>vant la menace <strong>de</strong>s troupes françaises <strong>de</strong> Villars.<br />

Comme aux traités <strong>de</strong> Westphalie, en 1648, à l’issue <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> Trente Ans, on avait<br />

rétabli un ordre européen, mais cette fois, ce n’était plus la France qui dominait, mais<br />

l’Ang<strong>le</strong>terre. La France <strong>de</strong> la fin du règne <strong>de</strong> Louis XIV gardait certes ses conquêtes antérieures<br />

et emportait la victoire mora<strong>le</strong> <strong>de</strong> conserver Philippe V sur <strong>le</strong> trône d’Espagne, mais l’Ang<strong>le</strong>terre<br />

obtenait Gibraltar, Minorque, Terre-Neuve, la baie d’Hudson, <strong>de</strong>s privilèges commerciaux dans<br />

l’Empire espagnol, privilèges dont el<strong>le</strong> usa et abusa, etc. ; el<strong>le</strong> était <strong>de</strong>venue la première<br />

puissance maritime mondia<strong>le</strong>. L’Espagne cédait à l’Empire <strong>le</strong>s Pays-Bas, <strong>le</strong> Milanais, Nap<strong>le</strong>s et<br />

la Sardaigne. Ce nouvel ordre européen était garanti par <strong>de</strong>s places fortes et <strong>de</strong>s contrô<strong>le</strong>s, comme<br />

celui <strong>de</strong>s cols <strong>de</strong>s Alpes et <strong>de</strong>s Apennins confié à la dynastie <strong>de</strong> Savoie, qui accéda ainsi au titre<br />

royal en 1713. Dix ans plus tôt, <strong>le</strong> traité Methuen (du nom <strong>de</strong> son négociateur) avec <strong>le</strong> Portugal<br />

avait déjà ouvert l’Empire portugais à l’Ang<strong>le</strong>terre et lui permettait d’intervenir directement au<br />

cœur <strong>de</strong> l’Espagne (cf. l’époque napoléonienne).<br />

Anne mourut en 1714 après une attaque d’apop<strong>le</strong>xie contractée dans une terrib<strong>le</strong> colère<br />

contre Oxford, son ministre ; el<strong>le</strong> avait remercié Haen<strong>de</strong>l d’avoir écrit un Te Deum pour la paix<br />

d’Utrecht et une O<strong>de</strong> pour son anniversaire en lui accordant une pension annuel<strong>le</strong> <strong>de</strong> 200 livres.<br />

Après un léger flottement, la loi <strong>de</strong> 1701 s’appliqua, et l’É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong> Hanovre Georg Ludwig<br />

<strong>de</strong>vint <strong>le</strong> roi Georges I er .<br />

III - L’Ang<strong>le</strong>terre à l’époque <strong>de</strong> <strong>Purcell</strong> et <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l : un système politique très en avance<br />

sur son <strong>temps</strong><br />

<strong>Purcell</strong> a connu quelques-uns <strong>de</strong>s troub<strong>le</strong>s du XVII e sièc<strong>le</strong> : la Gran<strong>de</strong> peste et <strong>le</strong> Grand<br />

11


incendie <strong>de</strong> Londres - mais il avait alors entre six et sept ans -, la reconstruction dans une vil<strong>le</strong><br />

bou<strong>le</strong>versée par <strong>le</strong>s travaux, la secon<strong>de</strong> révolution. Il a cependant servi la monarchie et <strong>le</strong>s<br />

souverains.<br />

Haen<strong>de</strong>l a connu et servi <strong>le</strong>s trois souverains <strong>de</strong> la première moitié du XVIII e sièc<strong>le</strong><br />

anglais : Anne (1702-1714), Georges I er (1714-1727) et Georges II (1727-1760). Cette époque est<br />

pour l’Ang<strong>le</strong>terre cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la stabilisation <strong>de</strong>s institutions puisque c’est <strong>le</strong> moment <strong>de</strong><br />

l’élaboration <strong>de</strong> la monarchie par<strong>le</strong>mentaire « à l’anglaise » qui fit l’admiration, entre autres, <strong>de</strong><br />

Montesquieu et <strong>de</strong> Voltaire. Mais il faut nuancer fortement ce modè<strong>le</strong> idéal qui était pourtant<br />

beaucoup plus satisfaisant que ce qui se passait sur <strong>le</strong> continent.<br />

La « Glorieuse révolution » avait voulu écarter définitivement la tyrannie et pour cela,<br />

établir une nette séparation entre <strong>le</strong>s pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.<br />

La Déclaration <strong>de</strong>s Droits n’avait pas retiré <strong>de</strong> pouvoir au roi, d’ail<strong>le</strong>urs, Guillaume III ne<br />

l’eût alors pas acceptée ; il s’agissait <strong>de</strong> bien délimiter <strong>le</strong>s droits et <strong>le</strong>s <strong>de</strong>voirs du roi librement<br />

accepté par <strong>le</strong>s Anglais, d’un côté, et <strong>de</strong> l’autre, ceux du Par<strong>le</strong>ment, appuyés sur une longue<br />

tradition. Outre la « prérogative roya<strong>le</strong> », mouvante et imprécise, dépendant en fait <strong>de</strong>s individus,<br />

<strong>le</strong> souverain disposait donc entièrement du pouvoir exécutif, à condition <strong>de</strong> respecter <strong>le</strong> Bill of<br />

Rights. Il était aidé par <strong>le</strong>s ministres qu’il choisissait et renvoyait à sa guise ; il gouvernait en son<br />

conseil avec tout ou partie <strong>de</strong>s ministres. L’un d’entre eux, qui avait reçu du souverain <strong>le</strong> bâton<br />

blanc, symbo<strong>le</strong> du pouvoir, exerçait <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s responsabilités, mais il n’était pas nécessaire<br />

qu’il portât <strong>le</strong> titre <strong>de</strong> Premier Ministre 18 . Le premier à porter ce titre fut sir Robert Walpo<strong>le</strong>, et<br />

c’est lui qui, en s’installant en 1731 dans une maison sise au 10, Downing Street, en fit la<br />

rési<strong>de</strong>nce officiel<strong>le</strong> du Premier Ministre anglais.<br />

Encore eût-il fallu que <strong>le</strong> souverain 19 s’intéressât ou fût capab<strong>le</strong> <strong>de</strong> s’intéresser aux<br />

délibérations ministériel<strong>le</strong>s. Or, Anne était trop préoccupée à plaire à ses favorites, et el<strong>le</strong> laissa<br />

par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> duc <strong>de</strong> Marlborough gouverner comme il l’entendait. Georges I er laissa <strong>de</strong> même<br />

faire Stanhope, non seu<strong>le</strong>ment parce qu’il ne parlait pas l’anglais et ne pouvait comprendre ce qui<br />

se disait au conseil que par une fastidieuse traduction, mais parce qu’il s’intéressait avant tout au<br />

Hanovre où il se rendit souvent. Le personnage était haut en cou<strong>le</strong>urs; il avait répudié sa femme<br />

Sophie-Dorothée qui l’avait trompé avec <strong>le</strong> beau Königsmarck venu <strong>de</strong> Suè<strong>de</strong>. L’amant fut<br />

étranglé, et l’adultère assignée à rési<strong>de</strong>nce. Georges se consola alors dans d’innombrab<strong>le</strong>s<br />

aventures féminines, et une fois <strong>de</strong>venu roi, il importa en Ang<strong>le</strong>terre son goût insatiab<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s<br />

femmes grassouil<strong>le</strong>ttes et consentantes. Georges et Sophie-Dorothée n’avaient eu que <strong>de</strong>ux<br />

enfants ; l’aîné, Georges, qui <strong>de</strong>viendra Prince <strong>de</strong> Gal<strong>le</strong>s (titre <strong>de</strong> l’héritier <strong>de</strong> la couronne<br />

18 Sous Georges I er et Georges II, <strong>le</strong>s Premiers Ministres, tous Whigs, furent <strong>le</strong>s suivants : sir Robert Walpo<strong>le</strong> (1721-<br />

1742), Lord Carteret (1742-1744), Henry Pelham (1744-1754), <strong>le</strong> duc <strong>de</strong> Newcast<strong>le</strong> (1754-1756) et <strong>le</strong> premier<br />

William Pitt (1756-1761).<br />

19 La rési<strong>de</strong>nce roya<strong>le</strong> d’Ang<strong>le</strong>terre fut d’abord au palais <strong>de</strong> Westminster, d’Édouard <strong>le</strong> Confesseur à Henri VIII, puis<br />

au palais <strong>de</strong> Whitehall, <strong>de</strong> Henri VIII (à partir <strong>de</strong> 1530) à Char<strong>le</strong>s II sous <strong>le</strong>quel ce palais, <strong>de</strong>venu <strong>le</strong> plus imposant du<br />

<strong>temps</strong>, avec plus <strong>de</strong> 1 500 pièces, brûla, en 1698 ; il n’en reste que la Banqueting House. Aujourd’hui, Whitehall est<br />

une rue sur laquel<strong>le</strong> donnent <strong>le</strong>s bâtiments du gouvernement et <strong>de</strong> l’administration britanniques, dont Downing<br />

Street. Char<strong>le</strong>s II s’installa alors à Saint James, qui fut <strong>le</strong> palais royal jusqu’à l’installation <strong>de</strong> Victoria à Buckingham<br />

Palace à son avènement en 1837. Guillaume III, sans doute perclus <strong>de</strong> rhumatismes, supportait mal Saint James, trop<br />

près <strong>de</strong>s brumes et <strong>de</strong> l’humidité <strong>de</strong> la Tamise, et préférait <strong>le</strong> palais <strong>de</strong> Kensington, plus à l’Ouest. De nos jours<br />

encore, <strong>le</strong>s ambassa<strong>de</strong>urs au Royaume-Uni sont accrédités auprès <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> Saint James, ce palais étant toujours<br />

<strong>le</strong> centre administratif <strong>de</strong> la monarchie britannique.<br />

12


itannique) quand son père <strong>de</strong>vint roi d’Ang<strong>le</strong>terre, puis sera roi à son tour, et une fil<strong>le</strong>, Sophie-<br />

Dorothée, qui épousa en 1706 <strong>le</strong> roi <strong>de</strong> Prusse Frédéric-Guillaume I er et fut la mère du grand<br />

Frédéric II. Comme son père, Georges II s’intéressa davantage à son é<strong>le</strong>ctorat qu’à son royaume,<br />

et bien que parlant l’anglais, il délaissait <strong>le</strong>s réunions ministériel<strong>le</strong>s.<br />

Dans ces conditions, et c’est <strong>le</strong> hasard et non la volonté délibérée <strong>de</strong>s Anglais, <strong>le</strong>s<br />

ministres prirent l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> mener réel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s affaires entre eux ; ainsi naquit <strong>le</strong> Cabinet,<br />

véritab<strong>le</strong> gouvernement du royaume, formé <strong>de</strong> ministres solidaires et issus <strong>de</strong> la majorité aux<br />

é<strong>le</strong>ctions.<br />

Anne fit d’abord appel à <strong>de</strong>s Tories puis à <strong>de</strong>s Whigs qui gouvernèrent sous Georges I er et<br />

Georges II. On considérait <strong>le</strong>s Whigs plus fidè<strong>le</strong>s à la dynastie, d’autant plus que certains Tories<br />

avaient soutenu <strong>le</strong>s tentatives jacobites <strong>de</strong> 1715 (Jacques-Édouard) et <strong>de</strong> 1745-1746 (Char<strong>le</strong>s-<br />

Édouard).<br />

Contrôlant <strong>le</strong> Cabinet, et donc en fait la politique anglaise, <strong>le</strong> Par<strong>le</strong>ment était bien <strong>le</strong> grand<br />

vainqueur <strong>de</strong> la « Glorieuse révolution ». Reposant sur <strong>le</strong>s traditions issues <strong>de</strong> la Magna Carta 20 ,<br />

réuni pour la première fois en 1265 par Henri III, <strong>le</strong> Par<strong>le</strong>ment anglais 21 se composait (et se<br />

compose toujours) <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chambres.<br />

La chambre haute ou Chambre <strong>de</strong>s Lords comptait environ 200 membres nommés par <strong>le</strong><br />

souverain, dont 16 pour l’Écosse 22 et 26 Lords spirituels qui en sont membres <strong>de</strong> droit (<strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

archevêques <strong>de</strong> Canterbury et d’York et <strong>le</strong>s 24 évêques anglicans). Parmi <strong>le</strong>s Lords temporels,<br />

certains sont héréditaires, mais <strong>le</strong> souverain peut en nommer autant qu’il veut (cf. Anne créant<br />

une « fournée » <strong>de</strong> Lords tories pour obtenir la majorité). Les Lords sont issus <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s<br />

famil<strong>le</strong>s anglaises, et <strong>le</strong>ur influence politique dépasse <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur chambre (où ils votent <strong>de</strong>s<br />

projets <strong>de</strong> loi = bills, et peuvent s’opposer aux bills <strong>de</strong>s Communes ; ils forment en outre une<br />

haute cour <strong>de</strong> justice) puisqu’ils contrô<strong>le</strong>nt, par <strong>le</strong>urs vastes domaines, une véritab<strong>le</strong> clientè<strong>le</strong><br />

é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s Communes. Le roi choisit <strong>de</strong> préférence <strong>le</strong>s ministres parmi <strong>le</strong>s Lords.<br />

La chambre basse ou Chambre <strong>de</strong>s Communes comptait environ 600 députés élus <strong>de</strong>s<br />

vil<strong>le</strong>s (bourgs) et <strong>de</strong>s campagnes (comtés). Mais on était loin d’une véritab<strong>le</strong> représentation du<br />

peup<strong>le</strong> anglais car, sur quelque <strong>de</strong>ux millions d’hommes en âge et en capacité <strong>de</strong> voter, seuls<br />

200 000 à 250 000 votaient réel<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> suffrage étant censitaire et <strong>le</strong> cens é<strong>le</strong>ctoral étant é<strong>le</strong>vé ;<br />

<strong>le</strong>s femmes ne votaient évi<strong>de</strong>mment pas. Ceci était d’ail<strong>le</strong>urs conforme aux idées <strong>de</strong>s théoriciens<br />

<strong>de</strong> l’époque comme Locke qui n’admettait pas <strong>le</strong> droit <strong>de</strong> vote pour <strong>le</strong>s non-possédants et, d’une<br />

20 La Magna Carta (gran<strong>de</strong> charte), un <strong>de</strong>s f<strong>le</strong>urons du British Museum, est un long texte <strong>de</strong> 63 artic<strong>le</strong>s que <strong>le</strong> roi<br />

<strong>Jean</strong> Sans Terre dut accepter en 1215. C’est <strong>le</strong> fon<strong>de</strong>ment, mythique, <strong>de</strong>s libertés anglaises : el<strong>le</strong> établissait certes <strong>le</strong><br />

consentement à l’impôt et <strong>le</strong> jugement par <strong>le</strong>s pairs, mais au bénéfice d’une petite minorité féoda<strong>le</strong> privilégiée qui<br />

assurait ainsi sa situation après s’être révoltée contre son roi.<br />

21 Le Par<strong>le</strong>ment anglais fut dès <strong>le</strong> début un par<strong>le</strong>ment au sens mo<strong>de</strong>rne du terme alors que <strong>le</strong>s – fiction commo<strong>de</strong> : il<br />

n’y avait en réalité que <strong>le</strong> seul Par<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> Paris, <strong>le</strong>s par<strong>le</strong>ments provinciaux n’étant que <strong>de</strong>s « succursa<strong>le</strong>s » -<br />

Par<strong>le</strong>ments français d’Ancien Régime étaient <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> justice.<br />

22 La réunion <strong>de</strong> l’Écosse à l’Ang<strong>le</strong>terre en 1707 donna à l’Écosse 16 Lords et 45 députés aux Communes. L’Écosse<br />

gardait par ail<strong>le</strong>urs son système judiciaire et son Église presbytérienne. L’union <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Bretagne (Ang<strong>le</strong>terre,<br />

Pays <strong>de</strong> Gal<strong>le</strong>s, Écosse) était enfin réalisée, et l’Écosse profita <strong>de</strong> l’essor économique du royaume.<br />

13


façon généra<strong>le</strong>, pour toutes <strong>le</strong>s personnes « indignes » 23 . Autrement dit, <strong>le</strong>s Communes ne<br />

représentaient qu’une petite minorité du peup<strong>le</strong> anglais, cel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s possédants. De plus, la<br />

répartition <strong>de</strong>s sièges, fixée <strong>de</strong>puis <strong>le</strong> Moyen Âge, était un scanda<strong>le</strong> permanent car on ne tenait<br />

aucun compte <strong>de</strong>s réalités historiques et démographiques. Les rotten boroughs (bourgs pourris),<br />

par exemp<strong>le</strong>, finissaient par faire la joie <strong>de</strong>s caricaturistes ; <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux plus célèbres étaient <strong>le</strong> bourg<br />

d’Old Sarum, composé <strong>de</strong> cinq maisons, mais qui élisait <strong>de</strong>ux députés (<strong>le</strong> premier Pitt fut l’un<br />

d’eux !), et celui <strong>de</strong> Dunwich, englouti par la mer, mais qui élisait pourtant un député ! On votait<br />

souvent à main <strong>le</strong>vée ou par écrit, en indiquant son nom, ce qui favorisait la corruption. En fait,<br />

l’é<strong>le</strong>ction était due à l’argent, et bien <strong>de</strong>s famil<strong>le</strong>s s’approprièrent ainsi <strong>de</strong>s sièges, d’où la<br />

réé<strong>le</strong>ction <strong>de</strong>s sortants et la constitution <strong>de</strong> véritab<strong>le</strong>s dynasties <strong>de</strong> députés. Voilà <strong>le</strong> libéralisme<br />

anglais du XVIII e sièc<strong>le</strong> !<br />

En 1716, par <strong>le</strong> Septennial Act (<strong>le</strong> mot act désigne la loi proprement dite, mais aussi un<br />

édit), la durée d’un Par<strong>le</strong>ment fut portée <strong>de</strong> trois à sept ans maximum 24 . Si <strong>le</strong> roi ne peut, en<br />

théorie, s’opposer à une loi votée par <strong>le</strong> Par<strong>le</strong>ment, il a en réalité <strong>de</strong> nombreux moyens dilatoires<br />

et peut parfaitement dissoudre <strong>le</strong>s Communes et faire procé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s é<strong>le</strong>ctions. Pourtant,<br />

malgré ses imperfections, ce système permettait un contrô<strong>le</strong> unique au mon<strong>de</strong> : vote du budget,<br />

autorisation <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong>s impôts, vote <strong>de</strong>s lois et autorisation <strong>de</strong> <strong>le</strong>ver une armée.<br />

Quant au pouvoir judiciaire, reposant sur une organisation comp<strong>le</strong>xe et fondée sur <strong>de</strong><br />

longues traditions, il offrait certes <strong>de</strong> nombreux inconvénients, comme partout ail<strong>le</strong>urs à l’époque<br />

(justice <strong>de</strong> classe, abus, pratique <strong>de</strong>s épices...), mais il assurait <strong>de</strong> réel<strong>le</strong>s garanties d’autant plus<br />

que l’indépendance <strong>de</strong>s juges était assurée par <strong>le</strong>ur inamovibilité, et Georges III, pourtant très<br />

autoritaire, renonça, à son avènement en 1760, au droit <strong>de</strong> la couronne <strong>de</strong> changer <strong>le</strong>s sièges<br />

judiciaires au début d’un règne.<br />

L’avance politique <strong>de</strong> l’Ang<strong>le</strong>terre se marquait enfin par l’existence d’une véritab<strong>le</strong> classe<br />

é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong> qui a donné naissance aux premiers partis politiques : <strong>le</strong>s Whigs et <strong>le</strong>s Tories. Les<br />

Whigs, <strong>le</strong>s futurs libéraux, partisans <strong>de</strong> la prérogative du Par<strong>le</strong>ment, représentaient la nouvel<strong>le</strong><br />

puissance économique ; en faisaient partie d’anciens militaires, <strong>le</strong>s députés <strong>de</strong>s bourgs, <strong>le</strong>s<br />

protestants dissi<strong>de</strong>nts et <strong>le</strong>s membres <strong>de</strong>s professions libéra<strong>le</strong>s. Les Tories, <strong>le</strong>s futurs<br />

conservateurs, défendaient la prérogative roya<strong>le</strong> ; c’étaient <strong>le</strong>s partisans <strong>de</strong> l’ordre, d’une façon<br />

généra<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s farouches anglicans et la plupart <strong>de</strong>s propriétaires terriens. Toute la classe politique<br />

n’entrait évi<strong>de</strong>mment pas dans ces <strong>de</strong>ux mou<strong>le</strong>s, et <strong>le</strong>s clans, chapel<strong>le</strong>s ou coteries étaient fort<br />

nombreux. Mais déjà se <strong>de</strong>ssinaient <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux futurs grands partis. La vie politique se poursuivait<br />

dans <strong>le</strong>s clubs dont <strong>le</strong> premier, <strong>le</strong> White’s, club tory, fut fondé à Londres en 1736. L’opinion se<br />

formait aussi dans <strong>le</strong>s nombreux journaux qui se multipliaient alors malgré un fort droit <strong>de</strong> timbre<br />

(Stamp Act <strong>de</strong> 1712) qui <strong>le</strong>s rendait chers à l’achat ; on <strong>le</strong>s lisait dans <strong>le</strong>s clubs.<br />

23 Char<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Secondat, baron <strong>de</strong> la Brè<strong>de</strong> et <strong>de</strong> Montesquieu, n’échappa pas à la règ<strong>le</strong> ; il écrivit en 1748, dans<br />

l’Esprit <strong>de</strong>s lois : « Il faudrait que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> en corps eût la puissance législative mais comme cela est impossib<strong>le</strong><br />

dans <strong>le</strong>s grands États, il faut que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> fasse par ses représentants tout ce qu’il ne peut faire par lui-même ; eux<br />

seuls sont capab<strong>le</strong>s <strong>de</strong> discuter <strong>le</strong>s affaires ; <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> n’y est point du tout propre ». Seul Rousseau osa affirmer <strong>le</strong><br />

contraire, fondant ainsi la souveraineté populaire : « Le peup<strong>le</strong> soumis aux lois en doit être l’auteur » (Le Contrat<br />

social, 1762) ; mais <strong>le</strong> « peup<strong>le</strong> » <strong>de</strong> Rousseau est en fait limité à <strong>de</strong>s individus vertueux et capab<strong>le</strong>s... Notre première<br />

constitution, cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> 1791, réservait <strong>le</strong> droit <strong>de</strong> vote aux seuls citoyens « actifs »...<br />

24 Cette loi ne fut modifiée qu’en 1911, la durée d’un Par<strong>le</strong>ment étant alors réduite à cinq ans, ce qui est toujours en<br />

vigueur.<br />

14


Sur <strong>le</strong> plan extérieur, l’Ang<strong>le</strong>terre vivait en paix <strong>de</strong>puis <strong>le</strong> traité d’Utrecht. L’ordre<br />

européen issu <strong>de</strong>s traités <strong>de</strong> 1713-1714 fut réaffirmé par <strong>le</strong> traité <strong>de</strong> Hanovre en 1725 avec la<br />

France, la Prusse, <strong>le</strong>s Provinces-Unies, la Suè<strong>de</strong> et <strong>le</strong> Danemark. Les rivalités maritimes et<br />

colonia<strong>le</strong>s avec la France et avec l’Espagne débouchèrent sur la guerre en 1739, puis sur la<br />

participation à la guerre <strong>de</strong> succession d’Autriche <strong>de</strong>vant <strong>le</strong>s succès franco-bavarois. La victoire<br />

<strong>de</strong>s armées anglo-hanovriennes à Dettingen sur <strong>le</strong>s Français en 1743 donna à Haen<strong>de</strong>l l’occasion<br />

<strong>de</strong> célébrer une fois <strong>de</strong> plus <strong>le</strong> succès <strong>de</strong>s armées anglaises 25 . La paix d’Aix-la-Chapel<strong>le</strong> qui mit<br />

fin à la guerre en 1748 aboutit surtout au statu quo colonial et maritime, mais la France<br />

reconnaissait Georges II et expulsait Char<strong>le</strong>s-Édouard Stuart qui avait vainement tenté <strong>de</strong> prendre<br />

<strong>le</strong> pouvoir (échec <strong>de</strong> Cullo<strong>de</strong>n en 1746 que Haen<strong>de</strong>l célébra éga<strong>le</strong>ment).<br />

L’Ang<strong>le</strong>terre entra à nouveau en guerre contre la France en 1756, après la signature <strong>de</strong><br />

l’alliance anglo-prussienne à Westminster. Le premier Pitt, adversaire acharné <strong>de</strong> la France,<br />

soutenu par <strong>le</strong>s milieux d’affaires alarmés par la concurrence française sur mer et aux colonies,<br />

engageait ainsi son pays dans la guerre <strong>de</strong> Sept Ans (1756-1763). Cela commença mal pour<br />

l’Ang<strong>le</strong>terre dont une armée capitula à Kloster Seven en 1757, mais la France fut fina<strong>le</strong>ment la<br />

gran<strong>de</strong> perdante au traité <strong>de</strong> Paris en 1763 : Canada, In<strong>de</strong>...<br />

IV - L’Ang<strong>le</strong>terre à l’époque <strong>de</strong> <strong>Purcell</strong> et <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l : société, économie, civilisation<br />

La société anglaise, insérée, comme <strong>le</strong>s autres sociétés européennes, dans l’Ancien<br />

Régime, occupait une place à part. Partout ail<strong>le</strong>urs en effet s’étaient installées <strong>de</strong>s monarchies<br />

plus ou moins absolues où la société, organisée par l’État, était une société d’ordres ayant chacun<br />

un statut juridique <strong>le</strong>ur conférant <strong>de</strong>s privilèges, <strong>de</strong>s honneurs, <strong>de</strong>s dignités, <strong>de</strong>s libertés et <strong>de</strong>s<br />

obligations. Ce système, très bloqué, empêchait toute véritab<strong>le</strong> mobilité socia<strong>le</strong> et rendait ces<br />

sociétés incapab<strong>le</strong>s <strong>de</strong> s’adapter aux nouvel<strong>le</strong>s conditions économiques. En Ang<strong>le</strong>terre, au<br />

contraire, la monarchie absolue a échoué et la société d’ordres n’a été réalisée qu’en partie. La<br />

mobilité socia<strong>le</strong> était donc favorisée par l’absence d’obstac<strong>le</strong>s juridiques d’où l’étonnante et<br />

rapi<strong>de</strong> adaptabilité <strong>de</strong> la société anglaise à l’évolution économique. L’époque <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l<br />

correspond au début <strong>de</strong> l’essor démographique anglais, essor qui fut d’ail<strong>le</strong>urs général en Europe.<br />

On évalue 26 la population anglaise à 5,3 millions d’habitants en 1700 et à 5,9 millions en 1740 ;<br />

l’augmentation est encore mo<strong>de</strong>ste, mais à la fin du sièc<strong>le</strong>, il y aura 9,2 millions d’Anglais. On<br />

explicite cette croissance par une augmentation importante <strong>de</strong> la natalité alors que la mortalité,<br />

qui augmenta presque parallè<strong>le</strong>ment jusqu’en 1750, diminua ensuite d’une façon très sensib<strong>le</strong>.<br />

Les propriétaires terriens restent l’élément dominant <strong>de</strong> cette société. Au sommet se<br />

trouvent <strong>le</strong>s Landlords, seigneurs <strong>de</strong> la terre, qui constituent la vieil<strong>le</strong> nob<strong>le</strong>sse. Ils sont riches,<br />

possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s grands domaines et <strong>de</strong>s privilèges, en particulier celui <strong>de</strong> faire partie <strong>de</strong> la Chambre<br />

<strong>de</strong>s Lords. Leur influence politique est importante.<br />

En <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s Landlords, et n’ayant ni droits ni privilèges particuliers, se trouvent <strong>le</strong>s<br />

25 On sait que Brahms s’inspira du Te Deum <strong>de</strong> Dettingen pour son Triumphlied afin <strong>de</strong> célébrer la victoire <strong>de</strong> la<br />

Prusse sur la France en 1870-1871.<br />

26 Il n’y a pas d’histoire quantitative, appuyée sur <strong>de</strong>s données sûres, avant l’extrême fin du XVIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

15


grands propriétaires qui forment la gentry et qui possè<strong>de</strong>nt la moitié du sol anglais. Tout <strong>le</strong><br />

mon<strong>de</strong> peut faire partie <strong>de</strong> la gentry, il suffit d’avoir assez d’argent pour acheter un domaine et<br />

vivre, fina<strong>le</strong>ment, comme vit la nob<strong>le</strong>sse continenta<strong>le</strong>. Les membres <strong>de</strong> la gentry fournissent <strong>le</strong>s<br />

députés aux Communes, <strong>le</strong>s juges <strong>de</strong> paix (ils assurent la justice <strong>de</strong> base dans <strong>le</strong>s comtés), <strong>le</strong>s<br />

officiers, voire <strong>le</strong>s ministres et <strong>le</strong>s évêques anglicans. Dans la gentry comme pour <strong>le</strong>s Landlords,<br />

<strong>le</strong> maintien du patrimoine est assuré par <strong>le</strong> droit d’aînesse.<br />

Les paysans, qui forment encore l’immense majorité <strong>de</strong> la population, sont divisés en trois<br />

catégories : <strong>le</strong>s free hol<strong>de</strong>rs (libres tenanciers), moyens et petits propriétaires, relativement peu<br />

nombreux et menacés par l’extension <strong>de</strong>s grands domaines et <strong>le</strong> mouvement <strong>de</strong>s enclosures 27 ; <strong>le</strong>s<br />

farmers, plus nombreux, qui cultivent <strong>le</strong>s terres <strong>de</strong>s grands propriétaires ; enfin, la masse <strong>de</strong>s<br />

cottagers (journaliers vivant dans <strong>de</strong> simp<strong>le</strong>s chaumières, <strong>le</strong>s cottages), au sort aléatoire.<br />

Les vil<strong>le</strong>s, grouillantes d’activités, en particulier artisana<strong>le</strong>s, sont comparab<strong>le</strong>s à cel<strong>le</strong>s du<br />

continent.<br />

On assiste enfin au développement d’une classe <strong>de</strong> grands négociants faisant travail<strong>le</strong>r <strong>de</strong>s<br />

cottagers dans <strong>le</strong>s premières manufactures (d’où <strong>le</strong> début <strong>de</strong> l’exo<strong>de</strong> rural) et dont <strong>le</strong>s éléments<br />

<strong>le</strong>s plus importants s’agrègent à la gentry.<br />

Dans un contexte <strong>de</strong> paix relative, d’enrichissement dû à la marine, <strong>de</strong> progrès <strong>de</strong>s<br />

techniques agrico<strong>le</strong>s et artisana<strong>le</strong>s, l’économie anglaise a profité <strong>de</strong> la bonne conjoncture<br />

généra<strong>le</strong>, très nette à partir <strong>de</strong>s années 1730-1740.<br />

Au début du XVIII e sièc<strong>le</strong>, l’agriculture anglaise était, comme ail<strong>le</strong>urs, encore routinière<br />

et traditionnel<strong>le</strong> : travail en commun sur <strong>le</strong>s terres communautaires, asso<strong>le</strong>ment triennal avec<br />

jachère, instruments en bois, céréa<strong>le</strong>s prédominantes, faib<strong>le</strong>s ren<strong>de</strong>ments, é<strong>le</strong>vage insuffisant.<br />

Cela permettait cependant, comme ail<strong>le</strong>urs, d’assurer la survie <strong>de</strong>s plus pauvres. Tout changea<br />

avec l’arrivée <strong>de</strong>s Whigs au pouvoir. Les Tories <strong>le</strong>s plus touchés par une véritab<strong>le</strong> éviction du<br />

gouvernement furent <strong>le</strong>s Landlords. Beaucoup <strong>de</strong> grands seigneurs se retirèrent alors sur <strong>le</strong>urs<br />

terres qu’ils mirent en va<strong>le</strong>ur grâce à <strong>le</strong>ur fortune. Toutes <strong>le</strong>urs énergies se tournèrent vers<br />

l’amélioration <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs domaines, et, à l’inverse <strong>de</strong> ce qui se passait sur <strong>le</strong> continent, Provinces-<br />

Unies exceptées, naquit un véritab<strong>le</strong> snobisme <strong>de</strong> la terre. Ce fut la naissance du gent<strong>le</strong>man<br />

farmer. Les progrès réalisés sur ces terres, qui représentent environ <strong>le</strong> dixième <strong>de</strong> l’ensemb<strong>le</strong>,<br />

sont étonnants : instruments en fer, d’où augmentation <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>ments, favorisés éga<strong>le</strong>ment par<br />

l’utilisation systématique d’engrais ; essais <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s plantes à racines comme <strong>le</strong> navet 28 ou la<br />

betterave, d’où suppression <strong>de</strong> la jachère et essais d’asso<strong>le</strong>ments performants ; prairies réservées<br />

à l’é<strong>le</strong>vage, d’où développement du cheptel et sé<strong>le</strong>ction <strong>de</strong>s races.<br />

L’industrie était encore artisana<strong>le</strong>, familia<strong>le</strong> et à domici<strong>le</strong> ; el<strong>le</strong> reposait toujours sur la<br />

métallurgie et <strong>le</strong> texti<strong>le</strong>, mais <strong>de</strong>s innovations technologiques vont tout bou<strong>le</strong>verser. La mise au<br />

27 Il s’agit du mouvement d’appropriation <strong>de</strong>s terres domania<strong>le</strong>s et communautaires par <strong>le</strong>s riches propriétaires<br />

terriens qui <strong>le</strong>s entouraient <strong>de</strong> clôtures pour <strong>le</strong>s protéger <strong>de</strong> l’errance <strong>de</strong>s bêtes. Ce mouvement fut très fort au<br />

XVIII e sièc<strong>le</strong> et supprima un apport essentiel à la survie <strong>de</strong> nombreux cottagers ; ceux-ci fournirent alors la maind’œuvre<br />

<strong>de</strong>s manufactures.<br />

28 Lord Townshend (1674-1738) fit beaucoup pour vulgariser la suppression <strong>de</strong> la jachère et l’utilisation<br />

d’asso<strong>le</strong>ments comp<strong>le</strong>xes ; il fut surnommé « Lord Turnip » (Lord navet).<br />

16


point du coke et son utilisation dans <strong>le</strong>s hauts-fourneaux permirent non seu<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> fabriquer <strong>de</strong><br />

meil<strong>le</strong>urs produits, mais provoquèrent aussi <strong>le</strong> repérage <strong>de</strong>s mines <strong>de</strong> charbon (charbon dit <strong>de</strong><br />

terre par opposition au charbon <strong>de</strong> bois) donnant naissance à <strong>de</strong>s sites qui seront <strong>le</strong>s futurs pô<strong>le</strong>s<br />

industriels. Pour <strong>le</strong> texti<strong>le</strong>, on mit au point <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> plus en plus perfectionnés : navette<br />

volante <strong>de</strong> John Kay en 1733, d’où <strong>le</strong> tissage rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> pièces plus larges, métiers à tisser<br />

mécaniques...<br />

Les années 1740 virent <strong>le</strong> passage <strong>de</strong> l’atelier à domici<strong>le</strong> à la fabrique. Toutes <strong>le</strong>s<br />

conditions étaient réalisées pour que l’Ang<strong>le</strong>terre commence, dans la secon<strong>de</strong> moitié du sièc<strong>le</strong>, la<br />

première révolution industriel<strong>le</strong> du mon<strong>de</strong> 29 . Avec un tel arrière-plan, la civilisation anglaise ne<br />

pouvait qu’être brillante. Nous ne pouvons citer que quelques noms, replacés avec d’autres, dans<br />

<strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au synoptique, mais ils éclairent singulièrement l’époque <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l et <strong>le</strong> pays dans<br />

<strong>le</strong>quel il choisit <strong>de</strong> vivre : en littérature, <strong>de</strong> Foe, Swift, Fielding, Pope, Richardson, <strong>le</strong> séjour <strong>de</strong><br />

Voltaire ; en peinture, Hogarth, Reynolds, Gainsborough, <strong>le</strong> séjour <strong>de</strong> Cana<strong>le</strong>tto ; <strong>le</strong>s meub<strong>le</strong>s <strong>de</strong><br />

Chippenda<strong>le</strong> ; en architecture, la gigantesque reconstruction <strong>de</strong> Londres après <strong>le</strong> grand incendie<br />

<strong>de</strong> 1666, en particulier <strong>le</strong>s églises <strong>de</strong> Christopher Wren, l’introduction du sty<strong>le</strong> palladien par<br />

William Kent... Quant à John Wes<strong>le</strong>y, fondateur du Méthodisme, il prêcha à partir <strong>de</strong> 1740 une<br />

religion plus humaine, reposant, à l’inverse <strong>de</strong> la pré<strong>de</strong>stination calviniste, qui était <strong>le</strong> dogme <strong>de</strong><br />

l’anglicanisme, sur <strong>le</strong> libre choix individuel.<br />

C’est évi<strong>de</strong>mment à Londres, capita<strong>le</strong> politique, économique et culturel<strong>le</strong> du royaume,<br />

que tout ce bouillonnement intel<strong>le</strong>ctuel convergeait. En 1750, la population atteignit 575 000<br />

habitants (dépassant déjà Paris) soit en gros <strong>le</strong> dixième <strong>de</strong> la population du royaume. De<br />

nombreux lotissements ont fait se rejoindre la cité roya<strong>le</strong> <strong>de</strong> Westminster et la cité <strong>de</strong> Londres qui<br />

possédait l’unique pont sur la Tamise. En 1750, un <strong>de</strong>uxième pont fut enfin construit, celui <strong>de</strong><br />

Westminster. L’expansion <strong>de</strong> la vil<strong>le</strong> se poursuivait vers l’ouest. Sur l’artère vita<strong>le</strong> qu’était la<br />

Tamise (cf. la Water Music), tout un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> bateliers assurait <strong>le</strong> transport <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong>s<br />

marchandises. Quant au port, il était en p<strong>le</strong>in développement grâce à la première marine du<br />

mon<strong>de</strong> qui allait et venait aux colonies : chantiers navals, draperies, savonneries, brasseries,<br />

papeteries, etc.<br />

Haen<strong>de</strong>l fut certainement très séduit par une cité aussi active. Écrire sur l’œuvre <strong>de</strong><br />

Haen<strong>de</strong>l, c’est décrire année par année, voire au jour <strong>le</strong> jour, sa participation à la vie anglaise et<br />

londonienne. Fréquentant d’abord <strong>le</strong>s palais palladiens <strong>de</strong> Burlington House et <strong>de</strong> Cannons,<br />

Haen<strong>de</strong>l s’installa dans sa propre maison, à Londres, après avoir été nommé compositeur <strong>de</strong> la<br />

Chapel<strong>le</strong> roya<strong>le</strong>. En 1727, il obtint la citoyenneté anglaise quelques jours après l’avoir sollicitée.<br />

Il se moula donc dans la vie quotidienne <strong>de</strong> sa nouvel<strong>le</strong> patrie. On sait que son activité créatrice<br />

s’exerça surtout dans <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s directions, l’opéra et l’oratorio. Il est ainsi passionnant <strong>de</strong><br />

suivre, saison par saison, <strong>le</strong>s efforts <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l pour s’imposer, avec <strong>le</strong>s succès et <strong>le</strong>s échecs que<br />

cela comporte, car la pension roya<strong>le</strong> était insuffisante pour <strong>le</strong> faire vivre, même si la reine<br />

Caroline la porta à 600 livres par an, somme qu’il toucha jusqu’à sa mort. Il ne cessa <strong>de</strong><br />

composer pour la famil<strong>le</strong> roya<strong>le</strong> avec laquel<strong>le</strong> il eut, somme toute, <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>urs rapports : <strong>le</strong>çons<br />

aux princesses Anne et Élisabeth-Caroline ; Te Deum pour <strong>le</strong>s victoires anglaises ; musiques pour<br />

<strong>le</strong> couronnement <strong>de</strong> Georges II (Coronation Anthems dont <strong>le</strong> fameux Zadok the Priest qui fut<br />

29 La France connut au XVIII e sièc<strong>le</strong> un essor économique plus important encore que celui <strong>de</strong> l’Ang<strong>le</strong>terre, mais<br />

l’Ancien Régime était bloqué par la monarchie absolue et la société d’ordres.<br />

17


epris pour <strong>le</strong>s couronnements ultérieurs), pour <strong>le</strong> mariage du Prince <strong>de</strong> Gal<strong>le</strong>s Frédéric, pour la<br />

mort <strong>de</strong> la reine Caroline, etc. Il prenait ainsi la suite <strong>de</strong> Henry <strong>Purcell</strong>. Quant à ses rivalités avec<br />

Porpora et d’autres, sa renonciation à l’opéra, sa création <strong>de</strong> l’oratorio anglais, el<strong>le</strong>s sont décrites<br />

dans toutes <strong>le</strong>s monographies traitant du musicien.<br />

Les rares témoignages que nous possédons sur l’homme nous <strong>le</strong> montrent passionné,<br />

manquant <strong>de</strong> diplomatie, comme <strong>Jean</strong>-Sébastien <strong>Bach</strong> !, mais d’une gran<strong>de</strong> générosité (cf. <strong>le</strong><br />

Foundling Hospital). Il fréquentait tous <strong>le</strong>s milieux artistiques et intel<strong>le</strong>ctuels et sut mener sa vie<br />

domestique puisqu’il fut probab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> premier musicien à vivre réel<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> son art, sans<br />

être en fait au service d’un grand, tirant <strong>de</strong> larges bénéfices <strong>de</strong> concerts (cf. Athalia) ou <strong>de</strong> la<br />

publication <strong>de</strong>s partitions <strong>de</strong> ses œuvres (cf. A<strong>le</strong>xan<strong>de</strong>r’s Feast). Il acheta <strong>de</strong>s meub<strong>le</strong>s et <strong>de</strong>s<br />

tab<strong>le</strong>aux qui prouvent la sûreté <strong>de</strong> son goût. Il sut éga<strong>le</strong>ment participer à la vie économique et<br />

investit par exemp<strong>le</strong> dans la Compagnie <strong>de</strong>s Mers du Sud dont <strong>le</strong> krach (South Sea Bubb<strong>le</strong>) fit<br />

scanda<strong>le</strong> en 1720 (la même année que la banqueroute <strong>de</strong> Law en France) ; Haen<strong>de</strong>l y perdit<br />

fina<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> l’argent, mais il ne fut pas <strong>le</strong> seul. Le musicien buvait du chocolat <strong>le</strong> matin et<br />

<strong>de</strong>vait certainement apprécier <strong>le</strong> porto dont se régalait la bonne société anglaise <strong>de</strong>puis <strong>le</strong> traité <strong>de</strong><br />

1703 ; <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> restait fidè<strong>le</strong> au gin. Bref, Haen<strong>de</strong>l <strong>de</strong>vint profondément anglais, un Anglais <strong>de</strong> la<br />

première moitié du XVIII e sièc<strong>le</strong>.<br />

Le <strong>temps</strong> <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l ou Haen<strong>de</strong>l et son <strong>temps</strong> nous apparaissent comme <strong>de</strong>ux<br />

propositions synonymes ; et c’est en Ang<strong>le</strong>terre que cela fut possib<strong>le</strong>. On comprend dès lors<br />

l’immense popularité du musicien dont certaines œuvres ont été, et sont toujours considérées<br />

comme partie intégrante du nationalisme anglais. Haen<strong>de</strong>l <strong>le</strong> sentit bien qui <strong>de</strong>manda à reposer<br />

dans l’abbaye roya<strong>le</strong> <strong>de</strong> Westminster. Ce grand honneur lui fut accordé non dans l’intimité,<br />

comme il l’avait souhaité mais, selon <strong>le</strong> témoignage du London Evening Post, en présence <strong>de</strong><br />

plus <strong>de</strong> 3 000 personnes. Pouvait-on, enfin, trouver meil<strong>le</strong>ure compagnie, plus anglaise, quand on<br />

inhuma en 1870, dans la place libre à son côté, <strong>le</strong> grand écrivain Char<strong>le</strong>s Dickens <br />

18


LA FAMILLE ROYALE ANGLAISE À L’ÉPOQUE DE PURCELL ET DE HAENDEL<br />

(Les rois, avec <strong>le</strong>s dates <strong>de</strong> règne, sont indiqués en gras)<br />

JACQUES I er<br />

1603-1625<br />

CHARLES I er<br />

1625-1649 1<br />

Élisabeth x Frédéric V, É<strong>le</strong>cteur palatin<br />

CHARLES II Marie JACQUES II Henriette Sophie x Ernest Auguste, É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong> Hanovre<br />

1660-1685 x Guillaume II 1685-1688 2<br />

d’Orange x (1) Anne Hy<strong>de</strong> x (2) Marie <strong>de</strong> Modène<br />

GUILLAUME III x MARIE II ANNE Jacques-Édouard GEORGES I er x Sophie-Dorothée <strong>de</strong> Brunswick-Cel<strong>le</strong><br />

1689-1702 1689-1694 1702-1714 1688-1766 1714-1727<br />

1 1649-1660 : 1 re révolution<br />

2 1688-1689 : 2 e révolution<br />

Char<strong>le</strong>s-Édouard GEORGES II Sophie-Dorothée<br />

1720-1788 1727-1760 x Frédéric-Guillaume I er<br />

x Caroline <strong>de</strong> Bran<strong>de</strong>bourg-Ansbach roi <strong>de</strong> Prusse<br />

Frédéric-Louis Anne Amalia Sophie Éléonore Élisabeth Caroline Georges Guillaume Guillaume Auguste Marie Louise Frédéric II <strong>le</strong> Grand<br />

1707-1751 1709-1759 1711-1786 1713-1757 1717-1718 1721-1765 1723-1772 1724-1751 roi <strong>de</strong> Prusse<br />

Prince <strong>de</strong> x Guillaume IV duc <strong>de</strong> x Frédéric V<br />

Gal<strong>le</strong>s d’Orange Cumberland roi <strong>de</strong> Danemark<br />

Dynastie actuel<strong>le</strong><br />

19


HAENDEL ET SON TEMPS : TABLEAU SYNOPTIQUE<br />

DATES<br />

1685<br />

1686<br />

1688-1689<br />

1690<br />

1692<br />

1694<br />

1695<br />

HAENDEL<br />

(Les dates <strong>de</strong>s œuvres sont cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong><br />

<strong>le</strong>ur création ou <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur<br />

publication)<br />

23 février : naissance à Hal<strong>le</strong>. 24<br />

février : baptême à la<br />

Liebfrauenkirche.<br />

Leçons avec Friedrich Wilhelm<br />

Zachow, organiste à la<br />

Liebfrauenkirche <strong>de</strong> Hal<strong>le</strong>.<br />

1697 Mort <strong>de</strong> son père.<br />

ÉVÉNEMENTS ANGLAIS<br />

Mort <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s II. Début du règne <strong>de</strong><br />

Jacques II.<br />

Isaac Newton (1642-1727) : Principes<br />

<strong>de</strong> philosophie.<br />

Secon<strong>de</strong> révolution anglaise. Bill of<br />

Rights. Marie II et Guillaume III<br />

proclamés roi conjointement.<br />

John Locke (1632-1704) : Essai sur <strong>le</strong><br />

gouvernement civil. Échec jacobite à<br />

Drogheda.<br />

Achèvement <strong>de</strong> l’hôpital royal <strong>de</strong><br />

Chelsea. Le Hanovre <strong>de</strong>vient é<strong>le</strong>ctorat<br />

d’Empire.<br />

Triennal Act. Fondation <strong>de</strong> la Banque<br />

d’Ang<strong>le</strong>terre. Mort <strong>de</strong> Marie II.<br />

Abolition (théorique) <strong>de</strong> toute censure<br />

<strong>de</strong>s écrits. Mort <strong>de</strong> Henry <strong>Purcell</strong> (né en<br />

1659).<br />

Paix <strong>de</strong> Ryswick : fin <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> la<br />

Ligue d’Augsbourg (1689-1697).<br />

Naissance <strong>de</strong> William Hogarth (1697-<br />

1764).<br />

1700 Mort <strong>de</strong> John Dry<strong>de</strong>n (né en 1631).<br />

1701<br />

Fait la connaissance <strong>de</strong> Georg Philipp Act of Sett<strong>le</strong>ment désignant la dynastie<br />

Te<strong>le</strong>mann.<br />

<strong>de</strong> Hanovre pour succé<strong>de</strong>r aux Stuarts.<br />

L’Ang<strong>le</strong>terre déclare la guerre à la<br />

France, entrant ainsi dans la guerre <strong>de</strong><br />

1702<br />

S’inscrit à l’université <strong>de</strong> Hal<strong>le</strong>.<br />

Nommé organiste à la cathédra<strong>le</strong> <strong>de</strong><br />

Hal<strong>le</strong>.<br />

succession d’Espagne (1700-1713/14).<br />

Mort <strong>de</strong> Guillaume III. Début du règne<br />

d’Anne. Fondation à Londres du Daily<br />

Courant, premier journal quotidien du<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

1703<br />

Musicien <strong>de</strong> l’Opéra <strong>de</strong> Hambourg.<br />

Se lie d’amitié avec Johann<br />

Mattheson. Va à Lübeck voir<br />

Buxtehu<strong>de</strong>.<br />

1704 Duel avec Mattheson.<br />

1705 Almira ; Nero.<br />

1706-1710<br />

Premier séjour en Italie. Rencontre,<br />

entre autres, Arcangelo Corelli et<br />

Traité <strong>de</strong> Methuen avec <strong>le</strong> Portugal.<br />

Mort <strong>de</strong> Samuel Pepys (né en 1633).<br />

20


1707<br />

1709<br />

<strong>Domenico</strong> <strong>Scarlatti</strong>.<br />

Rodrigo ; Il trionfo <strong>de</strong>l tempo e <strong>de</strong>l<br />

disinganno ; Diana cacciatrice.<br />

Union Act, réunion définitive <strong>de</strong><br />

l’Écosse et <strong>de</strong> l’Ang<strong>le</strong>terre: Royaume-<br />

Uni d’Ang<strong>le</strong>terre et d’Écosse. Pompe à<br />

feu <strong>de</strong> Newcomen.<br />

Victoire du duc <strong>de</strong> Marlborough à<br />

Malplaquet sur <strong>le</strong>s Français.<br />

1709-1713 Les frères Darby inventent <strong>le</strong> coke.<br />

1710<br />

Agrippina. Maître <strong>de</strong> chapel<strong>le</strong> <strong>de</strong><br />

l’É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong> Hanovre. Premier séjour<br />

à Londres.<br />

Achèvement (sauf la coupo<strong>le</strong>) <strong>de</strong> la<br />

cathédra<strong>le</strong> Saint-Paul <strong>de</strong> Londres par<br />

Christopher Wren.<br />

1711<br />

Rinaldo. À Hal<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> baptême <strong>de</strong><br />

sa nièce et future héritière Johanna<br />

Fri<strong>de</strong>rica Michaelsen.<br />

Machine à vapeur <strong>de</strong> Newcomen.<br />

Création <strong>de</strong> la South Sea Company.<br />

1711-1712 Fondation du journal The Spectator.<br />

1712<br />

Installation définitive en Ang<strong>le</strong>terre.<br />

Il pastor fido.<br />

Le Stamp Act rend <strong>le</strong>s journaux chers.<br />

Teseo ; Silla ; Te Deum d’Utrecht ;<br />

1713<br />

O<strong>de</strong> for queen Anne’s birthday. La Traité d’Utrecht : établissement <strong>de</strong> la<br />

reine Anne lui accor<strong>de</strong> une pension prépondérance anglaise.<br />

annuel<strong>le</strong> <strong>de</strong> 200 livres.<br />

1714<br />

1715<br />

1716<br />

1717<br />

Le roi Georges I er doub<strong>le</strong> la pension<br />

versée à Haen<strong>de</strong>l, pension que la<br />

reine Caroline portera à 600 livres.<br />

Amadigi. Investit 500 livres dans la<br />

Compagnie <strong>de</strong>s Mers du Sud.<br />

Compositeur rési<strong>de</strong>nt du comte <strong>de</strong><br />

Carnarvon, (futur duc <strong>de</strong> Chandos).<br />

Water Music ().<br />

1718 Acis and Galatea.<br />

1719<br />

1720<br />

1721<br />

Création <strong>de</strong> la Royal Aca<strong>de</strong>my of<br />

Music dont Haen<strong>de</strong>l est directeur<br />

musical. Séjour en Al<strong>le</strong>magne.<br />

Radamisto. Privilège royal <strong>de</strong> 14 ans<br />

pour la publication <strong>de</strong> ses partitions.<br />

Suites <strong>de</strong> pièces pour clavecin.<br />

Floridante ; Muzio Scevola<br />

(3 e acte).<br />

Mort <strong>de</strong> la reine Anne. L’É<strong>le</strong>cteur <strong>de</strong><br />

Hanovre <strong>de</strong>vient roi d’Ang<strong>le</strong>terre sous<br />

<strong>le</strong> nom <strong>de</strong> Georges I er .<br />

Tentative jacobite.<br />

Septennial Act portant la durée du<br />

Par<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> trois à sept ans.<br />

Fondation à Londres <strong>de</strong> la loge<br />

d’Ang<strong>le</strong>terre : naissance <strong>de</strong> la francmaçonnerie<br />

spéculative.<br />

Daniel <strong>de</strong> Foe (1660-1731) : Robinson<br />

Crusoe.<br />

South Sea Bubb<strong>le</strong> : krach <strong>de</strong> la<br />

Compagnie <strong>de</strong>s Mers du Sud.<br />

Walpo<strong>le</strong> Premier Ministre.<br />

1722 Daniel <strong>de</strong> Foe : Moll Flan<strong>de</strong>rs.<br />

Compositeur <strong>de</strong> la Chapel<strong>le</strong> roya<strong>le</strong><br />

d’Ang<strong>le</strong>terre. Ottone ; Flavio.<br />

1723 S’instal<strong>le</strong> définitivement (ou en<br />

1724 ) dans sa maison <strong>de</strong> (Lower)<br />

Brook Street.<br />

1724 Giulio Cesare ; Tamerlano.<br />

1725 Ro<strong>de</strong>linda.<br />

Mort <strong>de</strong> sir Christopher Wren (né en<br />

1632). Naissance <strong>de</strong> Joshua Reynolds<br />

(1723-1792).<br />

Traité <strong>de</strong> Hanovre. Jonathan Swift<br />

(1667-1745) : Les voyages <strong>de</strong> Gulliver.<br />

21


1726 Scipione ; A<strong>le</strong>ssandro.<br />

1727<br />

Devient citoyen anglais. Admeto ;<br />

Riccardo primo ; Coronation<br />

Anthems.<br />

1728 Siroe ; Tolomeo.<br />

1729<br />

Voyage en Italie et en Al<strong>le</strong>magne.<br />

Lotario.<br />

1730 Mort <strong>de</strong> sa mère. Partenope.<br />

1731 Poro.<br />

1732<br />

Ezio ; Sosarme ; Esther.<br />

Début du séjour <strong>de</strong> Voltaire en<br />

Ang<strong>le</strong>terre (1726-1729).<br />

Mort <strong>de</strong> Georges I er . Début du règne <strong>de</strong><br />

Georges II. Naissance <strong>de</strong> Thomas<br />

Gainsborough (1727-1788).<br />

John Christopher Pepusch (1667-1752)<br />

et John Gay (1688-1732) : The<br />

Beggar’s Opera. Fermeture <strong>de</strong> la Royal<br />

Aca<strong>de</strong>my of Music.<br />

Henry Fielding (1707-1754) : Tom<br />

Pouce.<br />

Sir Robert Walpo<strong>le</strong> s’instal<strong>le</strong> 10,<br />

Downing Street, qui <strong>de</strong>vient la<br />

rési<strong>de</strong>nce officiel<strong>le</strong> du Premier Ministre<br />

anglais.<br />

Ouverture du théâtre <strong>de</strong> John Rich à<br />

Covent Gar<strong>de</strong>n. Fondation <strong>de</strong> la<br />

Georgie, 13 e colonie anglaise en<br />

Amérique du nord.<br />

1733-1735 Hogarth : A Rake’s Progress.<br />

Orlando ; Deborah ; 2 e recueil <strong>de</strong><br />

pièces pour clavecin ; Athalia.<br />

1733<br />

Artic<strong>le</strong> dans The Craftsman contre<br />

Haen<strong>de</strong>l (et Walpo<strong>le</strong>).<br />

sur <strong>le</strong>s tabacs.<br />

1734<br />

Concertos op. 3 ; Arianna in<br />

Creta ; Il Parnasso in festa.<br />

Pamph<strong>le</strong>t Harmony in an Uproar<br />

contre <strong>le</strong>s rivaux <strong>de</strong> Haen<strong>de</strong>l.<br />

1735 Ariodante ; Alcina.<br />

1736 A<strong>le</strong>xan<strong>de</strong>r’s Feast : Atalanta.<br />

1737<br />

1738<br />

1739<br />

Arminio ; Giustino ; Berenice.<br />

Paralysie temporaire du bras droit.<br />

Va en cure à Aix-la-Chapel<strong>le</strong>. Il<br />

trionfo <strong>de</strong>l tempo e <strong>de</strong>lla verita.<br />

Faramondo ; Serse. Sa statue, œuvre<br />

<strong>de</strong> Louis-François Roubiliac est<br />

placée dans <strong>le</strong>s jardins <strong>de</strong> Vauxhall.<br />

Participe à la fondation du Fonds <strong>de</strong><br />

soutien pour <strong>le</strong>s musiciens<br />

nécessiteux. Concertos pour orgue<br />

op. 4 publiés pour clavier seul.<br />

Saul ; Israel in Egypt ; O<strong>de</strong> for<br />

Saint Cecilia’s day ; Sonates en trio<br />

John Kay invente la navette volante.<br />

Ouverture <strong>de</strong> l’Opéra <strong>de</strong> la Nob<strong>le</strong>sse.<br />

Tobacco Excise Bill <strong>de</strong> Walpo<strong>le</strong> : taxes<br />

William Pitt (<strong>le</strong> Premier) élu député du<br />

« bourg pourri » d’Old Sarum. Début <strong>de</strong><br />

la publication <strong>de</strong> la Lloyd’s List donnant<br />

<strong>le</strong>s mouvements <strong>de</strong>s principaux navires<br />

dans <strong>le</strong> mon<strong>de</strong>. Voltaire : Lettres<br />

anglaises.<br />

Vote <strong>de</strong> la « loi Hogarth » exigeant<br />

l’autorisation <strong>de</strong> l’auteur pour tirer <strong>de</strong>s<br />

estampes d’une œuvre d’art.<br />

Mariage du Prince <strong>de</strong> Gal<strong>le</strong>s Frédéric-<br />

Louis. Fondation <strong>de</strong> White’s, club tory,<br />

<strong>le</strong> plus ancien club <strong>de</strong> Londres.<br />

Mort <strong>de</strong> la reine Caroline. Cessation<br />

d’activité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux compagnies d’opéra<br />

<strong>de</strong> Londres.<br />

L’Ang<strong>le</strong>terre déclare la guerre à<br />

l’Espagne.<br />

22


op. 5 : Concertos op. 6. Deuxième<br />

privilège <strong>de</strong> 14 ans.<br />

Participe à la création du Foundling Début <strong>de</strong> la prédication méthodiste <strong>de</strong><br />

1740 Hospital. L’Al<strong>le</strong>gro, il Penseroso ed John Wes<strong>le</strong>y (1703-1791). Samuel<br />

il Mo<strong>de</strong>rato ; Imeneo.<br />

Richardson (1698-1761) : Pamela.<br />

1740-1748 Guerre <strong>de</strong> succession d’Autriche.<br />

Deidamia. Part pour Dublin ; en<br />

1741 route, rencontre <strong>le</strong> jeune Char<strong>le</strong>s<br />

Burney (1726-1814) à Chester.<br />

1742 Le Messie<br />

v. 1743-<br />

1745<br />

Lord Carteret, Premier Ministre.<br />

Voltaire : Eléments <strong>de</strong> philosophie <strong>de</strong><br />

Newton.<br />

Hogarth : Le Mariage à la mo<strong>de</strong>.<br />

1743<br />

Secon<strong>de</strong> grave crise <strong>de</strong> santé. Victoire anglaise <strong>de</strong> Dettingen sur <strong>le</strong>s<br />

Samson ; Te Deum <strong>de</strong> Dettingen. Français.<br />

Seme<strong>le</strong> ; Joseph and his brethren. Henry Pelham, Premier Ministre. Mort<br />

1744<br />

d’A<strong>le</strong>xan<strong>de</strong>r Pope (né en 1688).<br />

Fondation <strong>de</strong> la sal<strong>le</strong> <strong>de</strong> ventes Sotheby.<br />

1745 Hercu<strong>le</strong>s ; Belshazzar.<br />

Défaite anglaise <strong>de</strong> Fontenoy face aux<br />

Français du maréchal <strong>de</strong> Saxe.<br />

Fondation <strong>de</strong> la manufacture <strong>de</strong><br />

porcelaines <strong>de</strong> Chelsea.<br />

Occasional oratorio. Rencontre Échec du prétendant Char<strong>le</strong>s-Édouard :<br />

1746 Christoph Willibald Gluck.<br />

victoire du duc <strong>de</strong> Cumberland à<br />

Cullo<strong>de</strong>n.<br />

1746-1756 Séjour <strong>de</strong> Cana<strong>le</strong>tto à Londres.<br />

1747 Judas Maccabaeus.<br />

1747-1755<br />

Samuel Johnson (1709-1784) :<br />

Dictionnaire <strong>de</strong> la langue anglaise.<br />

1748 Joshua ; A<strong>le</strong>xan<strong>de</strong>r Balus.<br />

Paix d’Aix-la-Chapel<strong>le</strong>. Samuel<br />

Richardson : Clarissa Harlowe.<br />

Gainsborough s’instal<strong>le</strong> à Bath et<br />

1749<br />

Susanna ; Salomon ; Fireworks <strong>de</strong>vient un portraitiste réputé. Thomas<br />

Music.<br />

Chippenda<strong>le</strong> (c. 1718-1779) ouvre un<br />

atelier d’ébénisterie à Londres.<br />

1750<br />

1751<br />

Achète un tab<strong>le</strong>au <strong>de</strong> Rembrandt.<br />

Gouverneur du Foundling Hospital.<br />

Rédige son testament. Troub<strong>le</strong>s <strong>de</strong><br />

l’œil gauche. Dernier voyage sur <strong>le</strong><br />

continent où il est b<strong>le</strong>ssé dans un<br />

acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> carrosses. Theodora.<br />

The Choice of Hercu<strong>le</strong>s. Ne voit<br />

plus <strong>de</strong> l’œil gauche ; troub<strong>le</strong>s <strong>de</strong><br />

l’œil droit.<br />

Construction du pont <strong>de</strong> Westminster.<br />

Mort du Prince <strong>de</strong> Gal<strong>le</strong>s. Hogarth :<br />

Beer Street and Gin Lane.<br />

1752<br />

Nouveaux troub<strong>le</strong>s oculaires. L’Ang<strong>le</strong>terre adopte <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier<br />

Opération <strong>de</strong>s yeux. Jephtha. grégorien.<br />

1753 Est <strong>de</strong>venu aveug<strong>le</strong>.<br />

1753-1756 Activités <strong>de</strong> la fabrique d’émaux <strong>de</strong><br />

23


Battersea.<br />

1754<br />

Dernière représentation d’un opéra <strong>de</strong><br />

Haen<strong>de</strong>l avant <strong>le</strong> XX e sièc<strong>le</strong>.<br />

Le duc <strong>de</strong> Newcast<strong>le</strong>, Premier Ministre.<br />

Soufflot comman<strong>de</strong> la coupo<strong>le</strong> <strong>de</strong> Saint-<br />

Paul.<br />

1756 1 er codicil<strong>le</strong> à son testament.<br />

William Pitt (<strong>le</strong> Premier), Premier<br />

Ministre. Traité <strong>de</strong> Westminster avec la<br />

Prusse.<br />

1756-1763 Guerre <strong>de</strong> Sept Ans.<br />

1757<br />

2 e et 3 e codicil<strong>le</strong>s. The Triomph of<br />

Time and Truth.<br />

Capitulation anglaise à Kloster Seven.<br />

Opération <strong>de</strong>s yeux, peut-être par <strong>le</strong><br />

1758<br />

chevalier John Taylor, « ophtalmiâtre<br />

Robert Adam et ses frères créent <strong>le</strong> sty<strong>le</strong><br />

<strong>de</strong> Sa Majesté britannique », celui qui<br />

Adam.<br />

avait opéré J.-S. <strong>Bach</strong>, avec <strong>le</strong> même<br />

insuccès.<br />

4 e et <strong>de</strong>rnier codicil<strong>le</strong>. 14 avril :<br />

1759<br />

meurt dans sa maison <strong>de</strong> Londres.<br />

20 avril : inhumé dans <strong>le</strong> transept sud<br />

<strong>de</strong> l’abbaye <strong>de</strong> Westminster.<br />

Ouverture au public du British Museum.<br />

24

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