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M. Alten / Le Conservatoire de musique et d'art dramatique

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Michèle <strong>Alten</strong><br />

Historienne. Spécialiste <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’enseignement musical <strong>et</strong> <strong>de</strong>s rapports <strong>musique</strong> & politique. Enseigne<br />

à l’Université Paris IV-Sorbonne.<br />

<strong>Le</strong> <strong>Conservatoire</strong> <strong>de</strong> <strong>musique</strong> <strong>et</strong> d’art <strong>dramatique</strong> :<br />

une institution culturelle publique dans la guerre (1940-1942)<br />

<strong>Le</strong>s analyses <strong>de</strong> la <strong>musique</strong> sous Vichy produites <strong>de</strong>puis une dizaine d’années <strong>et</strong> aujourd’hui<br />

communément admises ont fait progresser <strong>de</strong> manière significative notre connaissance <strong>de</strong> la<br />

vie culturelle <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>. Cependant les archives françaises ouvertes après 1997 recèlent<br />

encore <strong>de</strong> nombreuses richesses inexploitées. Celles du <strong>Conservatoire</strong> en particulier, utilisées<br />

par A. Callu <strong>et</strong> J. Gribenski 1 , présentent un vif intérêt. <strong>Le</strong>s cartons <strong>de</strong> la série F/21 donnent<br />

accès à toute la correspondance échangée entre le <strong>Conservatoire</strong> <strong>et</strong> ses interlocuteurs<br />

institutionnels ainsi qu’aux courriers adressés aux institutions par <strong>de</strong>s particuliers ou <strong>de</strong>s<br />

groupes au suj<strong>et</strong> du <strong>Conservatoire</strong>. Dans ces cartons, on trouve également toutes les<br />

informations personnelles <strong>de</strong>mandées aux enseignants, aux administratifs <strong>et</strong> aux élèves. Ces<br />

données ne prennent toutefois leur sens que croisées avec le minutier exhaustif <strong>de</strong>s<br />

1800 l<strong>et</strong>tres envoyées par le <strong>Conservatoire</strong> <strong>de</strong> 1939 à 1942. En eff<strong>et</strong>, seule une analyse<br />

méticuleuse, dans une chronologie établie au jour le jour, perm<strong>et</strong> d’appréhen<strong>de</strong>r la complexité<br />

<strong>de</strong> la vie institutionnelle <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te structure <strong>de</strong> formation durant les <strong>de</strong>ux premières années <strong>de</strong> la<br />

guerre. C<strong>et</strong>te compréhension nouvelle rem<strong>et</strong> en cause le jugement porté sur l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

direction du <strong>Conservatoire</strong> entre 1940 <strong>et</strong> 1942, considérée un peu vite comme<br />

particulièrement collaborationniste <strong>et</strong> antisémite. À travers l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce cas particulier, c’est<br />

toute la complexité <strong>de</strong> l’antisémitisme au jour le jour qui se manifeste.<br />

Pour le <strong>Conservatoire</strong>, l’Occupation constitue un bouleversement profond : pas moins <strong>de</strong> cinq<br />

donneurs d’ordre se substituent, dans certains cas, à l’ancienne hiérarchie républicaine. Se<br />

débattant dans <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> force permanents entre leurs interlocuteurs, les <strong>de</strong>ux directeurs<br />

successifs <strong>de</strong> l’école, Henri Rabaud, chef d’orchestre international <strong>et</strong> compositeur, prix <strong>de</strong><br />

Rome 1894, <strong>et</strong> Clau<strong>de</strong> Delvincourt, compositeur, prix <strong>de</strong> Rome 1913, grièvement blessé<br />

pendant la Première Guerre, voient se réduire la zone d’incertitu<strong>de</strong> qui leur perm<strong>et</strong>tait<br />

d’exercer leur pouvoir <strong>et</strong> ils peinent à maintenir, dans un cadre <strong>de</strong> plus en plus contraint, <strong>de</strong>s<br />

principe <strong>de</strong> légitimation qui leurs soient propres. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ébranlement institutionnel,<br />

<strong>de</strong>s conflits qu’il génère <strong>et</strong> <strong>de</strong>s arbitrages qui en découlent vient éclairer <strong>de</strong> manière nouvelle<br />

le fonctionnement du <strong>Conservatoire</strong> <strong>et</strong> au-<strong>de</strong>là conduit à s’interroger sur la manière dont<br />

l’État vichyste a tenté, dans les <strong>de</strong>ux premières années <strong>de</strong> la guerre, <strong>de</strong> maintenir <strong>de</strong>s positions<br />

spécifiques dans le traitement <strong>de</strong> certains dossiers.<br />

1. Une institution fragile <strong>et</strong> convoitée<br />

La fragilité i<strong>de</strong>ntitaire <strong>de</strong> l’école tient au double statut <strong>de</strong> ses membres, enseignants comme<br />

élèves, qui sont en même temps membres d’une structure <strong>de</strong> formation <strong>et</strong> artistes confirmés<br />

ou en <strong>de</strong>venir. Comme le déplore le directeur Clau<strong>de</strong> Delvincourt en 1942, les professeurs en<br />

exercice ne sont pas <strong>de</strong>s fonctionnaires mais seulement <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> l’État exerçant par<br />

ailleurs une profession artistique (jurispru<strong>de</strong>nce 1925) <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce fait sous-payés 2 . Pour ce qui<br />

1 A. Callu, « <strong>Le</strong> <strong>Conservatoire</strong> <strong>de</strong> Paris : les réformes structurelles » ; J. Gribenski, « L’exclusion <strong>de</strong>s juifs du<br />

<strong>Conservatoire</strong> » (1940-1942), in La <strong>musique</strong> sous Vichy, Bruxelles, Ed. Complexe, 2001, p.127-141 <strong>et</strong> p.143-<br />

156.<br />

2 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au ministre secrétaire d’État à l’Éducation nationale, 03 juin 1942.<br />

1


est <strong>de</strong>s élèves, ils ont également un pied dans le mon<strong>de</strong> professionnel en diverses occasions.<br />

La section d’art <strong>dramatique</strong> collabore avec la Comédie-française en lui fournissant <strong>de</strong>s acteurs<br />

(à l’inverse ce sont ses machinistes qui montent les décors <strong>de</strong>s soirées d’exercices<br />

<strong>dramatique</strong>s du <strong>Conservatoire</strong>) <strong>et</strong> les musiciens sont amenés à se produire en concert public<br />

soit lors du concert annuel <strong>de</strong>s premiers prix, soit pour soutenir <strong>de</strong>s camara<strong>de</strong>s dans le besoin,<br />

soit pour assurer <strong>de</strong>s distractions aux étudiants parisiens. Dès le 28 août 1940, le directeur<br />

Henri Rabaud revendique c<strong>et</strong>te double i<strong>de</strong>ntité en évoquant les concerts publics à venir <strong>de</strong>s<br />

élèves, dans lesquels leur interprétation <strong>de</strong> Bach <strong>et</strong> <strong>de</strong> Be<strong>et</strong>hoven pourrait œuvrer au<br />

rapprochement entre les peuples 3 . Et le 11 septembre 1940, il propose un programme <strong>de</strong><br />

<strong>musique</strong> française à l’approbation du lieutenant chargé <strong>de</strong>s concerts à la Propaganda Staffel.<br />

« La gran<strong>de</strong> <strong>et</strong> vénérable école <strong>de</strong> <strong>musique</strong> » qu’il dirige ne saurait que forcer le respect <strong>de</strong><br />

l’occupant 4 .<br />

C<strong>et</strong>te fragilité institutionnelle suscite <strong>de</strong>s convoitises <strong>et</strong> dès le début <strong>de</strong>s années 1930 les<br />

archives du secrétariat d’État aux Beaux-Arts témoignent <strong>de</strong>s appétits dont fait preuve le<br />

mon<strong>de</strong> artistique, individuellement ou collectivement, pour prendre pied dans le<br />

<strong>Conservatoire</strong>. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est i<strong>de</strong>ntique pour tous : faire partie <strong>de</strong>s jurys <strong>de</strong> concours. Des<br />

l<strong>et</strong>tres d’instrumentistes, <strong>de</strong> compositeurs, <strong>de</strong> chanteurs sont transmises au directeur par son<br />

administration <strong>de</strong> tutelle. Lorsqu’il s’agit, en 1931, <strong>de</strong> l’Union <strong>de</strong>s artistes <strong>dramatique</strong>s,<br />

lyriques <strong>et</strong> cinématographiques, une note interne précise que « le directeur du <strong>Conservatoire</strong>,<br />

au terme du règlement, à tous pouvoirs pour constituer le jury sous sa seule responsabilité » 5 .<br />

Pour plai<strong>de</strong>r sa cause, l’Association <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> théâtre argumente, en 1931, <strong>de</strong>s emplois<br />

futurs qu’elle serait susceptible d’offrir. <strong>Le</strong> 12 juin 1931, la réponse <strong>de</strong> Rabaud tombe<br />

« aucune association ne peut se faire représenter dans un jury <strong>de</strong> concours » 6 . Tenant compte<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réponse, c’est alors un directeur <strong>de</strong> théâtre, Robert Trebor directeur du théâtre privé<br />

<strong>de</strong> La Ma<strong>de</strong>leine <strong>et</strong> ami <strong>de</strong> Sacha Guitry, qui assaille pendant presque dix ans l’administration<br />

<strong>de</strong>s Beaux-Arts. Sa première l<strong>et</strong>tre date <strong>de</strong> 1932 <strong>et</strong> sera suivie <strong>de</strong> nombreuses autres.<br />

En 1933, il propose une réforme <strong>de</strong>s jurys qui introduirait l’obligation <strong>de</strong> présence <strong>de</strong>s<br />

usagers, mais celle-ci n’est pas r<strong>et</strong>enue 7 . Lorsque Georges Huisman <strong>de</strong>vient directeur général<br />

<strong>de</strong>s Beaux-Arts en février 1934, la tournure <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres se fait plus personnelle <strong>et</strong> plus<br />

insistante. En 1938, à <strong>de</strong>ux reprises, il se plaint auprès <strong>de</strong> son cher Georges <strong>de</strong> la mauvaise<br />

volonté <strong>de</strong> Rabaud qui n’a qu’hostilité ou dédain pour lui 8 . Soucieux <strong>de</strong> satisfaire celui qui<br />

est <strong>de</strong>venu prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> théâtre, Huisman fait adresser, le<br />

29 juin 1939, un courrier comminatoire à Rabaud l’informant que le ministre voudrait que<br />

Trebor soit membre du jury du conservatoire 9 . Mais Rabaud ne cè<strong>de</strong> pas d’un pouce sur ses<br />

prérogatives (il craint l’embauche au rabais dans les théâtres privés) <strong>et</strong> il gar<strong>de</strong> pour<br />

principe <strong>de</strong> ne jamais appeler à un jury une personne ayant <strong>de</strong>mandé à l’être. <strong>Le</strong> conflit reste<br />

ouvert. <strong>Le</strong> 20 décembre 1939, Rabaud accepte que Trebor fasse partie du Conseil supérieur du<br />

<strong>Conservatoire</strong>, à titre purement individuel 10 . C<strong>et</strong>te instance vali<strong>de</strong> les nominations <strong>de</strong>s<br />

nouveaux professeurs <strong>et</strong> nomme <strong>de</strong>s délégués au jury <strong>de</strong> concours. Sa composition est<br />

approuvée annuellement par l’État. <strong>Le</strong> <strong>de</strong>rnier conseil <strong>de</strong> la III e République, nommé le<br />

3 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au lieutenant Ra<strong>de</strong>macher, 28 août 1940.<br />

4 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud à M. le lieutenant chargé <strong>de</strong>s concerts, Propaganda Staffel, 11 septembre<br />

1940.<br />

5 AN, F21/5325/7A, minute <strong>de</strong>s Beaux-Arts au ministre <strong>de</strong> l’Éducation <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Beaux-Arts, 1931.<br />

6 AN, F21/5325/7A, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud à M. le sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, 12 juin 1931.<br />

7 AN, F21/5325/8, Note R. Trebor, 26 juin 1933.<br />

8 AN, F21/5325/8, <strong>Le</strong>ttres R. Trebor à G. Huisman, 25 <strong>et</strong> 30 juin 1938.<br />

9 AN, F21/5325/7B, <strong>Le</strong>ttre du ministère <strong>de</strong> l’Éducation nationale <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Beaux-Arts à H. Rabaud, 29 juin 1939.<br />

10 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au directeur général <strong>de</strong>s Beaux-Arts, 20 décembre 1939.<br />

2


1 er octobre 1939 doit cesser ses fonctions le 1 er octobre 1940. Malgré l’échéance, il n’est pas<br />

renouvelé à son heure. Trebor n’est donc pas nommé, mais il prépare sa revanche.<br />

À la veille <strong>de</strong> prendre sa r<strong>et</strong>raite, Rabaud, membre <strong>de</strong> l’Institut imprégné <strong>de</strong> la légitimité <strong>de</strong> la<br />

tradition qu’il incarne, défend un positionnement du <strong>Conservatoire</strong> qui peut sembler<br />

paradoxal : il refuse toute pression marchan<strong>de</strong> ou corporatiste, mais en même temps aspire à<br />

la reconnaissance publique, à travers la mise en œuvre <strong>de</strong> spectacles. Pétri d’idéalisme, il<br />

envisage l’art comme une valeur suprême <strong>de</strong>stinée à éclairer la société civile par la force <strong>de</strong> sa<br />

seule puissance intemporelle. Jouissant d’une gran<strong>de</strong> autonomie pédagogique, dans le cadre<br />

<strong>de</strong>s missions fixées en 1935, le directeur se trouve en première ligne face aux événements qui<br />

transforment son école en enjeu <strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> en jou<strong>et</strong> <strong>de</strong>s circonstances politiques.<br />

2. La désorganisation <strong>et</strong> les manœuvres du directeur <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s théâtres<br />

parisiens<br />

Durant l’année scolaire 1939-1940, le <strong>Conservatoire</strong> fonctionne presque normalement. <strong>Le</strong><br />

directeur envoie la liste <strong>de</strong>s élèves étrangers par nationalité à son autorité <strong>de</strong> tutelle ainsi que<br />

ses besoins en fourniture <strong>de</strong> papier 11 . Cependant les difficultés commencent à se faire sentir :<br />

les quatre enseignants proposés à la nomination en juill<strong>et</strong> 1939 n’ont pas été nommés <strong>et</strong> en<br />

février 1940 le souci prioritaire <strong>de</strong> l’administration est <strong>de</strong> connaître les personnes vivant au<br />

foyer <strong>de</strong> chaque professeur, en cas <strong>de</strong> relogement dans le cadre d’un déménagement <strong>de</strong> l’école<br />

à Fontainebleau. La rapidité <strong>de</strong> la défaite <strong>et</strong> l’armistice coupent court à ce proj<strong>et</strong>. Fermé le<br />

8 juin 1940, le <strong>Conservatoire</strong> rouvre le 24 juin. L’occupant se manifeste immédiatement,<br />

empruntant <strong>de</strong>s instruments <strong>et</strong> <strong>de</strong>s partitions <strong>de</strong> <strong>musique</strong> <strong>de</strong> chambre <strong>et</strong> investissant les locaux<br />

dévolus à la cantine <strong>de</strong>s élèves. Durant le mois d’août, Rabaud tente <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> l’ordre.<br />

Ses courriers <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt la régularisation <strong>de</strong>s nominations en suspend, la libération <strong>de</strong>s élèves<br />

prisonniers ainsi que la récupération <strong>de</strong>s locaux <strong>de</strong> cantine, indispensables aux élèves à faible<br />

revenu 12 . Il souhaite aussi que la presse <strong>et</strong> la radio signalent la réouverture <strong>de</strong> l’établissement.<br />

<strong>Le</strong> maintien <strong>de</strong> l’activité du <strong>Conservatoire</strong> le mobilise totalement <strong>et</strong> il n’est pas question pour<br />

lui <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r aux sirènes <strong>de</strong> Vichy, comme il l’explique en octobre 1940 au rédacteur en chef<br />

du quotidien <strong>Le</strong>s Nouveaux Temps qui le sollicite pour faire partie <strong>de</strong> la rédaction du journal 13 .<br />

Il peine à obtenir <strong>de</strong>s enseignants les attestations qu’exigent les lois vichystes du 17 juill<strong>et</strong><br />

1940 (nécessité d’avoir un père français pour <strong>de</strong>meurer dans la fonction publique) <strong>et</strong> du<br />

13 août 1940 (interdiction pour les fonctionnaires d’appartenir à une société secrète, <strong>et</strong> en<br />

particulier à la franc-maçonnerie). <strong>Le</strong> 16 septembre, une première <strong>de</strong>man<strong>de</strong> lui est adressée<br />

par Hautecœur, nouveau secrétaire général aux Beaux-Arts <strong>de</strong>puis le 23 juill<strong>et</strong> 1940. <strong>Le</strong><br />

8 octobre un rappel à l’ordre lui intime une réponse par r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> courrier. Rabaud précise<br />

alors qu’aucun enseignant ni aucun administratif n’appartient à une société secrète <strong>et</strong> que<br />

tous ont un père français 14 .<br />

C’est dans ce contexte que surgit l’affaire Trebor <strong>et</strong> les inextricables imbroglios qui en<br />

résultent, relatés par Rabaud dans une l<strong>et</strong>tre au secrétariat d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à<br />

11 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au directeur général <strong>de</strong>s Beaux-Arts, 21 février 1940 <strong>et</strong> l<strong>et</strong>tre H. Rabaud au<br />

ministère <strong>de</strong> l’Éducation nationale, 23 avril 1940.<br />

12 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud à M. <strong>de</strong> la Tournelle, ministère du travail, 19 août 1940 ; <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud<br />

au ministre secrétaire d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> aux Beaux-Arts, 19 août 1940 ; <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au<br />

Secrétaire d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse.<br />

13 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud à O.P. Gilbert, 28 août 1940.<br />

14 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttres <strong>de</strong> H. Rabaud au secrétaire d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 8 <strong>et</strong> 14<br />

octobre 1940.<br />

3


la jeunesse. Robert Trebor, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> théâtre jusqu’en<br />

mai 1941, est un acteur essentiel <strong>de</strong>s tractations avec l’occupant. Salué pour sa souplesse <strong>et</strong><br />

son entregent, il obtient la réouverture rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s théâtres <strong>et</strong> rédige lui-même les permis<br />

spéciaux délivrés par les autorités alleman<strong>de</strong>s <strong>et</strong> autorisant la circulation nocturne 15 . Selon<br />

Rabaud, il est <strong>de</strong>venu le représentant <strong>de</strong> l’occupant à la tête <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> théâtre <strong>et</strong> est<br />

considéré, <strong>de</strong> ce fait, par les Allemands comme ayant juridiction sur le <strong>Conservatoire</strong>. Il<br />

appelle Rabaud le 2 octobre au soir <strong>et</strong> l’informe que les autorités alleman<strong>de</strong>s s’inquiètent <strong>de</strong> la<br />

question raciale au <strong>Conservatoire</strong> <strong>et</strong> que la ferm<strong>et</strong>ure <strong>de</strong> l’établissement est annoncée pour le<br />

soir même 16 .<br />

À c<strong>et</strong>te date, la première loi antisémite <strong>de</strong> Vichy, datée du 3 octobre 1940 <strong>et</strong> promulguée le<br />

18 octobre 1940 (qui interdit entre autres la fonction publique aux juifs) n’est pas encore<br />

sortie. C’est donc l’ordonnance alleman<strong>de</strong> du 27 septembre 1940 qui s’applique. Celle-ci<br />

stipule que les juifs, définis soit par leur appartenance religieuse soit par le fait d’avoir plus <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux grands-parents juifs, doivent se déclarer comme tels en sous-préfecture <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntifier leurs<br />

entreprises comme juives. Aucune profession ne leur est théoriquement interdite mais, en<br />

pratique, l’épuration du mon<strong>de</strong> du spectacle est déjà bien entamée par la Propaganda Staffel.<br />

En eff<strong>et</strong> les bureaux du 52, avenue <strong>de</strong>s Champs-Élysées ont déjà autorisé la réouverture <strong>de</strong>s<br />

salles <strong>de</strong> spectacles parisiennes en imposant l’éviction <strong>de</strong>s artistes juifs, en particulier à la<br />

Comédie-française <strong>et</strong> à l’Opéra (y compris dans son école <strong>de</strong> danse) 17 .<br />

Face à la menace imminente qu’il décrit (<strong>et</strong> qui n’est pas suivie d’eff<strong>et</strong> car personne ne vient<br />

fermer le <strong>Conservatoire</strong>), Trebor conseille à Rabaud <strong>de</strong> prendre contact directement avec<br />

l’occupant. Très inqui<strong>et</strong>, celui-ci prend conseil auprès du chef <strong>de</strong> cabin<strong>et</strong> du délégué général<br />

du gouvernement dans les territoires occupés, le général La Laurencie, qui lui confirme le<br />

bien-fondé d’un contact direct avec la Propaganda Staffel. Fort <strong>de</strong> l’aval <strong>de</strong> la Délégation<br />

générale, Rabaud dépêche « ses services » (son secrétaire général) auprès <strong>de</strong> l’occupant le<br />

3 octobre 1940. Il lui est alors <strong>de</strong>mandé verbalement la déclaration raciale <strong>de</strong>s personnels<br />

enseignants <strong>et</strong> administratifs ainsi qu’un <strong>de</strong>scriptif du fonctionnement <strong>de</strong> l’école. Rabaud ne<br />

sait que faire. Il rend compte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te exigence au secrétariat d’État aux Beaux-Arts ainsi<br />

qu’au délégué général. <strong>Le</strong>s consignes qui lui sont alors données sont pour le moins<br />

contradictoires : les Beaux-Arts lui enjoignent <strong>de</strong> faire l’enquête mais <strong>de</strong> ne l’envoyer qu’à la<br />

Délégation générale ; quant à la Délégation, elle préfère ne pas recevoir le dossier <strong>et</strong> conseille<br />

d’abord <strong>de</strong> l’envoyer directement aux Allemands, puisque la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’est pas passée par<br />

elle. Puis, <strong>de</strong>ux jours plus tard, elle se ravise <strong>et</strong> conseille, par la voix du représentant du<br />

ministre <strong>de</strong> l’Instruction publique à la Commission d’armistice, <strong>de</strong> ne rien envoyer du tout.<br />

Devant ces divergences, Rabaud <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un avis définitif <strong>et</strong> souligne le besoin <strong>de</strong> clarifier la<br />

situation institutionnelle du <strong>Conservatoire</strong> vis-à-vis <strong>de</strong> l’occupant 18 . Suite à sa l<strong>et</strong>tre, le<br />

directeur reçoit le len<strong>de</strong>main la réponse orale du directeur général <strong>de</strong>s Beaux-Arts, confirmée<br />

par le chef <strong>de</strong> cabin<strong>et</strong> <strong>de</strong> La Laurencie, qui lui enjoint d’envoyer officieusement à la<br />

Propaganda Staffel les renseignements <strong>de</strong>mandés 19 . <strong>Le</strong> courrier envoyé à celle-ci le<br />

14 octobre 1940 est lapidaire, se contentant <strong>de</strong> signaler la présence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enseignants<br />

israélites <strong>et</strong> précisant que les déclarations personnelles ont été remises à l’autorité <strong>de</strong> tutelle.<br />

15 S. Guitry, « quatre ans d’occupations » in S. Guitry, Cinquante ans d’occupations, Paris, Ed. Omnibus, 1998,<br />

p. 777 <strong>et</strong> 865.<br />

16 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétaire d’Etat à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 11 octobre 1940.<br />

17 S. Grandgambe, « La réunion <strong>de</strong>s théâtres lyriques nationaux » in La <strong>musique</strong> sous Vichy, p. 118 ; S. Ad<strong>de</strong>d,<br />

<strong>Le</strong> théâtre dans les années Vichy, Paris,Ramsay, 1992, p. 101.<br />

18 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétaire d’Etat à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 11 octobre 1940.<br />

19 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au directeur général <strong>de</strong>s Beaux-Arts, 14 octobre 1940.<br />

4


L’essentiel <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre rési<strong>de</strong> dans une courte présentation en allemand du fonctionnement <strong>de</strong><br />

l’école 20 .<br />

Dès le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> sa réception, soit le 16 octobre, la Propaganda Staffel se manifeste. <strong>Le</strong><br />

lieutenant Baumann ayant appris que la candidate ayant obtenu le prix <strong>de</strong> tragédie <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

comédie était juive, refuse c<strong>et</strong>te attribution <strong>et</strong> interdit le concert annuel <strong>de</strong>s premiers prix.<br />

Rabaud ne se laisse pas intimi<strong>de</strong>r <strong>et</strong> répond dès le len<strong>de</strong>main (le 17 octobre) que M lle Dehelly<br />

n’est pas reconnue comme juive, selon les dispositions <strong>de</strong> l’ordonnance alleman<strong>de</strong> du 27-09-<br />

1940, puisqu’elle a <strong>de</strong>ux grands-parents non juifs 21 . À c<strong>et</strong>te date il connaît la situation <strong>de</strong>s<br />

élèves car il a souhaité en être informé quelques jours plus tôt. En eff<strong>et</strong>, à la suite <strong>de</strong>s<br />

remarques <strong>de</strong>s services allemands s’étonnant <strong>de</strong> la non-application aux élèves <strong>de</strong>s mesures<br />

antisémites, il a fait passer une note interne aux 60 professeurs présents le 4 octobre dans<br />

l’établissement, leur <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> faire remplir à leurs élèves une déclaration sur leurs<br />

origines raciales. Aucune synthèse nominale n’est alors effectuée. Seul un cahier, signé par<br />

chacun <strong>de</strong>s enseignants, atteste que les déclarations ont été remplies 22 .<br />

Désireux <strong>de</strong> contrer l’arbitraire <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire respecter la législation alleman<strong>de</strong> <strong>et</strong> française<br />

(concordantes sur les trois grands-parents juifs nécessaires à la caractérisation comme juif),<br />

Rabaud entreprend toute une série <strong>de</strong> démarches auprès <strong>de</strong>s autorités en place. Dès le<br />

18 octobre, il écrit directement à l’ambassa<strong>de</strong>ur du Reich en territoires occupés pour obtenir<br />

son avis sur l’interprétation <strong>de</strong> l’ordonnance <strong>et</strong> lui rappeler que son établissement dépend <strong>de</strong>s<br />

décisions ministérielles françaises 23 . <strong>Le</strong> 21 octobre, il somme le délégué à l’Instruction<br />

publique <strong>et</strong> à la jeunesse auprès <strong>de</strong>s autorités d’occupation d’éclaircir la situation. <strong>Le</strong> même<br />

jour, il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s instructions à sa tutelle. Celle-ci, embarrassée, se gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> répondre<br />

(seule une mention au crayon figure sur la l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Rabaud « Dire à Baumann qu’il existe un<br />

secrétariat d’État aux Beaux-Arts » 24 ). <strong>Le</strong> 25, le directeur réitère sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>et</strong> le 30 octobre,<br />

sans aucune réponse d’aucune part, il informe sa tutelle qu’il va être contraint d’annoncer aux<br />

élèves ayant un tant soit peu <strong>de</strong> sang juif (16 juifs + 12 <strong>de</strong>mi-juifs) leur statut d’auditeurs,<br />

puisqu’ils ne peuvent plus prétendre à un prix 25 . En eff<strong>et</strong>, le 24 octobre, il a été convoqué par<br />

Lucht <strong>et</strong> Baumann qui l’ont brutalement accusé d’être le protecteur <strong>de</strong>s juifs <strong>et</strong> l’ennemi <strong>de</strong> la<br />

politique alleman<strong>de</strong>. Ils lui ont rappelé que le <strong>Conservatoire</strong> dépendait d’eux seuls <strong>et</strong> lui ont<br />

reproché une faute grave <strong>et</strong> <strong>de</strong>s faux-fuyants. À c<strong>et</strong> instant les manœuvres <strong>de</strong> Trebor se<br />

referment comme un piège sur le <strong>Conservatoire</strong> <strong>et</strong> l’institution semble <strong>de</strong>voir subir l’arbitraire<br />

<strong>de</strong>s services <strong>de</strong> Goebbels 26 .<br />

3. La volte-face <strong>de</strong> l’année 1941 :<br />

<strong>Le</strong> premier frémissement français se produit le 6 novembre 1940, lorsque l’inspecteur général<br />

Bourgoin, délégué du secrétariat d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse à la<br />

Délégation générale, informe ses supérieurs que le commandant Dhanke, adjoint du directeur<br />

ministériel Sudhof, chef <strong>de</strong> la section scolaire <strong>et</strong> culturelle, donne tort à Baumann <strong>et</strong> trouve<br />

20 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au lieutenant chargé <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> artistique, 14 octobre 1940.<br />

21 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au lieutenant chargé <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> artistique, 17 octobre 1940.<br />

22 AN, F21/5168/1, Cahier <strong>de</strong> déclaration raciste signé par 60 professeurs en octobre <strong>et</strong> novembre 1940.<br />

23 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud à l’ambassa<strong>de</strong>ur du Reich en territoire français, 18 octobre 1940.<br />

24 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétaire d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 21 octobre<br />

1940.<br />

25 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétaire d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 30 octobre<br />

1940.<br />

26 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétaire d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 25 octobre 1940.<br />

5


toute intervention <strong>de</strong> la puissance occupante au <strong>Conservatoire</strong> contraire à la législation 27 . De<br />

plus, c<strong>et</strong>te opinion est partagée par l’administration militaire alleman<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Hôtel Majestic.<br />

Fort <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis, le secrétariat d’État à l’Instruction publique réagit <strong>et</strong> le 30 novembre 1940, il<br />

affirme au délégué général que le directeur du <strong>Conservatoire</strong> est tenu d’adm<strong>et</strong>tre aux concours<br />

d’entrée <strong>et</strong> <strong>de</strong> fin d’année les candidats sans distinction raciale. Lorsqu’il écrit à Rabaud, le<br />

secrétaire d’État Ripert se fait plus pru<strong>de</strong>nt. Il réaffirme l’absence <strong>de</strong> législation<br />

discriminante, mais introduit la notion « d’empêchement <strong>de</strong> fait par les autorités occupantes »<br />

tout en signalant qu’il a informé la délégation <strong>de</strong> sa position 28 .<br />

Devant c<strong>et</strong>te réponse dilatoire, Rabaud attend <strong>de</strong>ux mois puis déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> se rendre à la<br />

Délégation où Brinon a remplacé La Laurencie. <strong>Le</strong> 13 février 1941, il rend compte <strong>de</strong> son<br />

entrevue à sa tutelle. <strong>Le</strong>s autorités alleman<strong>de</strong>s sont plus intransigeantes que jamais <strong>et</strong> aucun<br />

élève juif ou ½ juif n’est autorisé à concourir 29 . Hautecœur s’en étonne <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

éclaircissements. Il lui est alors répondu, sans détours, le 1 er avril 1941, que les instructions <strong>de</strong><br />

l’ambassa<strong>de</strong> d’Allemagne concernant les Israélites sont strictes <strong>et</strong> « qu’en les enfreignant la<br />

direction du conservatoire s’exposerait à <strong>de</strong> graves inconvénients » 30 . La situation semble<br />

alors bloquée, mais <strong>de</strong>ux facteurs vont la faire évoluer rapi<strong>de</strong>ment.<br />

<strong>Le</strong> premier, structurel, est la création du Commissariat général aux questions juives, le<br />

29 mars 1941. <strong>Le</strong> second, conjoncturel, est la procédure judiciaire intentée par une famille <strong>de</strong><br />

juristes concernée par les interdits <strong>de</strong>s nazis zélés <strong>de</strong> la Propaganda Staffel. L’évolution <strong>de</strong> la<br />

situation débute le 6 mai 1941 par une l<strong>et</strong>tre du CGQJ au nouveau directeur Delvincourt.<br />

Celui-ci est alors informé qu’une jeune fille <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> harpe, M lle Binoche, ne peut être<br />

considérée comme israélite, ayant seulement <strong>de</strong>ux grands-parents juifs <strong>et</strong> que « rien ne<br />

s’oppose à ce qu’elle prenne part aux concours » 31 . Delvincourt, à qui une l<strong>et</strong>tre du 16 avril<br />

1941 avait prescrit un strict respect <strong>de</strong> la voie hiérarchique dans les rapports avec l’occupant,<br />

transm<strong>et</strong> la l<strong>et</strong>tre au secrétariat d’État à l’Éducation nationale <strong>et</strong> à la jeunesse pour<br />

instructions. <strong>Le</strong> 20 mai 1941, Jérôme Carcopino lui-même transm<strong>et</strong> la l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Delvincourt<br />

au délégué général Brinon. <strong>Le</strong> 23 mai les Beaux-Arts <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt au CGQJ confirmation <strong>de</strong><br />

sa décision, en vérifiant que celle-ci a bien l’aval <strong>de</strong>s autorités d’occupation 32 . <strong>Le</strong> 24 mai,<br />

Xavier Vallat répond au secrétaire d’État à l’Éducation nationale <strong>et</strong> à la jeunesse en lui<br />

<strong>de</strong>mandant d’adresser une requête aux autorités d’occupation, les informants <strong>de</strong> l’avis<br />

favorable du CGQJ à l’admission au concours <strong>de</strong>s élèves ayant <strong>de</strong>ux grands-parents<br />

israélites 33 . <strong>Le</strong> 27 mai Hautecœur s’exécute via un courrier au délégué général. <strong>Le</strong> 28 mai,<br />

<strong>de</strong>vant la nécessité d’une prise <strong>de</strong> décision rapi<strong>de</strong>, Delvincourt est autorisé à prendre<br />

directement contact avec le Son<strong>de</strong>rführer Piersig. Sa position va dans le sens préconisé par<br />

Vallat, accordant l’autorisation <strong>de</strong> concourir aux élèves ayant un grand-parent juif ou <strong>de</strong>ux<br />

grands-parents juifs s’ils n’ont pas <strong>de</strong> conjoint juif, comme le stipule la nouvelle ordonnance<br />

du 26 avril 1941. Delvincourt rend compte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te conversation <strong>et</strong> attend les ordres 34 . Ceuxci<br />

arrivent enfin sous forme d’une l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Brinon du 5 juin 1941 aux Beaux-Arts, enjoignant<br />

27 A.N, F/21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre <strong>de</strong> l’inspecteur général Bourgoin au secrétariat d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la<br />

jeunesse, 06 novembre 1940.<br />

28 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttres du secrétaire d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse : au délégué général du<br />

gouvernement, 30 novembre 1940 ; à H. Rabaud, 30 novembre 1940.<br />

29 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au directeur général <strong>de</strong>s Beaux-Arts, 13 février 1941.<br />

30 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre <strong>de</strong> l’ambassa<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> France délégué général du gouvernement au secrétariat d’État à<br />

l’Éducation nationale <strong>et</strong> à la jeunesse, 1 e avril 1941.<br />

31 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre du Commissariat général aux questions juives à Cl. Delvincourt, 06 mai 1941.<br />

32 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre du secrétariat général aux Beaux-Arts au CGQJ, 23 mai 1941.<br />

33 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre du CGQJ au secrétaire d’État à l’Éducation nationale <strong>et</strong> à la jeunesse, 24 mai 1941.<br />

34 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre C. Delvincourt au secrétariat général aux Beaux-Arts, 28 mai 1941.<br />

6


<strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s instructions conformes aux nouvelles préconisations 35 <strong>et</strong> sous forme d’un<br />

courrier du 10 juin 1941 <strong>de</strong> Jean Verrier, directeur <strong>de</strong> cabin<strong>et</strong> au secrétariat d’État à<br />

l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, ordonnant à Delvincourt d’adm<strong>et</strong>tre au concours tous<br />

ceux qui ne tombent pas sous le coup <strong>de</strong> la loi française du 3 octobre 1940 <strong>et</strong> qui n’ont pas <strong>de</strong><br />

conjoint juif 36 . Il aura donc fallu <strong>de</strong>s mois <strong>de</strong> tergiversations <strong>et</strong> <strong>de</strong> tractations <strong>et</strong> la rédaction<br />

<strong>de</strong> plusieurs dizaines <strong>de</strong> courriers pour que l’empêchement <strong>de</strong> fait, suscité par les ambitions<br />

d’un homme <strong>de</strong> théâtre relayées par le fanatisme nazi cesse enfin.<br />

La secon<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l’année 1941 se déroule <strong>de</strong> manière moins tendue. Arguant <strong>de</strong>s<br />

répétitions quotidiennes <strong>de</strong> la <strong>musique</strong> militaire alleman<strong>de</strong> dans ses locaux <strong>et</strong> du froid subi par<br />

les soldats musiciens, Delvincourt, qui n’a plus <strong>de</strong> charbon pour chauffer l’établissement,<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la Kommandantur <strong>de</strong> lui en fournir. Après avoir tenté, auprès <strong>de</strong> Piersig, <strong>de</strong><br />

récupérer les instruments <strong>et</strong> les partitions empruntés en juin 1940, il décline l’invitation qui lui<br />

est faite <strong>de</strong> participer à la semaine Mozart à Vienne. Ses regr<strong>et</strong>s polis sont motivés par un<br />

labeur écrasant au <strong>Conservatoire</strong>. La survie <strong>de</strong> l’institution constitue, pour lui aussi une<br />

priorité.<br />

4. <strong>Le</strong> durcissement <strong>de</strong> la législation vichyste <strong>et</strong> ses conséquences<br />

Entre 1940 <strong>et</strong> 1942, trois textes ont une répercussion directe sur le fonctionnement du<br />

<strong>Conservatoire</strong>. <strong>Le</strong> premier concerne l’emploi <strong>de</strong>s enseignants juifs, interdit par la loi du<br />

3 octobre 1940. Sur les <strong>de</strong>ux professeurs concernés, l’un est en instance <strong>de</strong> départ à la<br />

r<strong>et</strong>raite. L’autre, le pianiste Lazare Lévy, fait l’unanimité du mon<strong>de</strong> musical par son immense<br />

talent. Rabaud souhaite donc le gar<strong>de</strong>r <strong>et</strong> adresse une l<strong>et</strong>tre au secrétariat d’État à<br />

l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, comme le prévoit la loi, qu’en raisons<br />

<strong>de</strong> services éminents rendus à l’art français, celui-ci soit maintenu dans son poste 37 .<br />

Malheureusement sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne sera pas entendue.<br />

<strong>Le</strong> second texte qui déstabilise l’école est celui du 21 juin 1941, relatif aux quotas <strong>de</strong> 3%<br />

d’étudiants juifs imposés dans l’enseignement supérieur. <strong>Le</strong> 30 juin 1941, Delvincourt<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ordres à sa hiérarchie, mais compte tenu <strong>de</strong> la spécificité <strong>de</strong>s cursus, le texte ne<br />

s’applique pas à la rentrée 1941 <strong>et</strong> tous les élèves juifs continuent leurs étu<strong>de</strong>s sans restriction<br />

durant l’année 1941-1942 38 . La tentative d’application <strong>de</strong> la loi, initiée par le CGQJ à la fin<br />

du mois d’octobre 1941 a fait long feu. Une réunion, qui réunissait dans le bureau <strong>de</strong><br />

Delvincourt <strong>de</strong>s représentants du CGQJ, du secrétariat d’État aux Beaux-Arts, un avocat ainsi<br />

que le secrétaire général du <strong>Conservatoire</strong> a tenté d’élaborer <strong>de</strong>s modalités d’application <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te loi. Mais à la fin <strong>de</strong> la réunion, seuls <strong>de</strong>ux principes généraux sont r<strong>et</strong>enus : la loi doit<br />

être appliquée <strong>et</strong> son champ d’application se bornera aux classes supérieures 39 . Pour<br />

perm<strong>et</strong>tre au CGQJ <strong>de</strong> connaître la réalité chiffrée du pourcentage d’élèves juifs, Delvincourt<br />

envoie à celui-ci, le 3 novembre 1941, le nombre total d’élèves <strong>de</strong> l’école <strong>et</strong> le nombre<br />

d’élèves juifs reçus au concours (20). Ce chiffrage, qu’il intitule « statistique » ne fait<br />

apparaître aucune information nominative, mais seulement la ventilation <strong>de</strong>s 20 reçus par<br />

35 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre <strong>de</strong> l’ambassa<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> France délégué général du gouvernement au secrétaire général<br />

aux Beaux-Arts, 05 juin 1941.<br />

36 AN, F21/5169/1, <strong>Le</strong>ttre du secrétariat à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse à Cl. Delvincourt, 10 juin 1941.<br />

37 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre H. Rabaud au secrétariat d’État à l’Instruction publique <strong>et</strong> à la jeunesse, 30 octobre<br />

1940.<br />

38 AN, F21/5325/11, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au secrétariat d’État à l’Éducation nationale <strong>et</strong> aux Beaux-Arts, 18<br />

juin 1942.<br />

39 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au CGQJ, 03 novembre 1941.<br />

7


discipline artistique 40 . Il fait écho à un travail préparé pour la circonstance dans un dossier<br />

intitulé « notes <strong>et</strong> statistiques » 41 . L’objectif est alors <strong>de</strong> signifier la difficulté d’application<br />

<strong>de</strong>s quotas, qui supposerait le renvoi en cours <strong>de</strong> scolarité d’un certain nombre d’élèves<br />

(aucun calcul précis ne figure dans aucun <strong>de</strong>s courriers).<br />

<strong>Le</strong>s critères d’une éventuelle sélection restent problématiques. Pour respecter la loi, un<br />

questionnaire est remis aux élèves juifs entre le 19 novembre <strong>et</strong> le 1 er décembre 1941. Il s’agit<br />

<strong>de</strong> savoir si certains seraient prioritaires pour gar<strong>de</strong>r leur statut d’étudiant, en fonction <strong>de</strong><br />

différents paramètres à renseigner dans le questionnaire (orphelin <strong>de</strong> militaire, prisonnier <strong>de</strong><br />

guerre, légion d’honneur…) 42 . Devant les difficultés d’application <strong>de</strong> la loi, la situation reste<br />

pendante jusqu’au 23 avril 1942, date à laquelle Delvincourt propose <strong>de</strong> n’adopter les quotas<br />

que pour les nouveaux entrants 43 . <strong>Le</strong> 18 mai, le secrétaire d’État à l’Éducation nationale fait<br />

savoir par téléphone au directeur <strong>de</strong> ne pas tenir compte <strong>de</strong>s indications du CGQJ sur les<br />

quotas. Delvincourt attend une confirmation officielle rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te recommandation afin<br />

d’organiser les concours <strong>de</strong> fin d’année. Mais les circuits <strong>de</strong> décision sont toujours aussi<br />

tortueux. <strong>Le</strong> 26 mai 1942 le secrétaire d’État est obligé <strong>de</strong> faire une l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> rappel au délégué<br />

général pour qu’il son<strong>de</strong> les occupants sur le suj<strong>et</strong>. <strong>Le</strong> 3 juin, excédé, Delvincourt écrit à son<br />

autorité <strong>de</strong> tutelle : « Étant donné que l’urgence <strong>de</strong>s concours ne me perm<strong>et</strong> pas d’attendre<br />

dans la passivité que le courrier officiel ait parcouru les multiples circuits qui doivent<br />

normalement précé<strong>de</strong>r une réponse, j’ai l’honneur <strong>de</strong> vous faire savoir que, sauf instructions<br />

reçues, j’appliquerai ma proposition, c'est-à-dire un examen <strong>de</strong> fin d’année sans récompense<br />

ni diplôme pour les élèves juifs » 44 . Mais le 20 juin, c’est le CGQJ qui tranche : le concours<br />

est refusé pour tous <strong>et</strong> le ministre Abel Bonnard en informe Delvincourt le 25 juin, après en<br />

avoir été lui-même informé par la Délégation générale. Bizarrement, le 26 juin, arrive une<br />

autre l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Bonnard <strong>de</strong>mandant une application <strong>de</strong>s quotas. <strong>Le</strong> 27 juin, Delvincourt<br />

s’étonne <strong>de</strong> l’antinomie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux l<strong>et</strong>tres 45 . En l’absence <strong>de</strong> réponse, il renouvelle, le 5 août<br />

1942, une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’éclaircissements. <strong>Le</strong> 12 août 1942, une réponse arrive enfin :<br />

« j’approuve votre proposition <strong>de</strong> conserver comme auditeurs les élèves non aryens du<br />

conservatoire national en leur appliquant le pourcentage légal » 46 .<br />

Cependant un ultime coup <strong>de</strong> théâtre se produit, suite à la parution d’un nouveau décr<strong>et</strong><br />

promulgué par Vichy le 6 juin 1942, qui interdit la profession d’artiste aux Israélites. Prenant<br />

prétexte <strong>de</strong> ce décr<strong>et</strong>, une campagne <strong>de</strong> presse collaborationniste <strong>et</strong> <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres anonymes<br />

calomnient le <strong>Conservatoire</strong>. Delvincourt tente <strong>de</strong> résister le 22 juin 1942, en indiquant que<br />

ses élèves scolarisés ne sont pas <strong>de</strong>s artistes 47 , mais le mal est fait. Et le 21 septembre 1942,<br />

Abel Bonnard revient sur sa décision <strong>et</strong> se range, « conformément à l’esprit du décr<strong>et</strong> », aux<br />

conclusions du CGQJ. « Il convient <strong>de</strong> ne maintenir ou <strong>de</strong> n’adm<strong>et</strong>tre au conservatoire aucun<br />

élève juif » 48 . <strong>Le</strong> 25 septembre, Delvincourt rédige une l<strong>et</strong>tre type pour les étudiants<br />

concernés. Il est dans l’obligation <strong>de</strong> les considérer comme rayés <strong>de</strong>s contrôles à partir du<br />

1 er octobre. Après avoir tenté, le 18 mai 1942, <strong>de</strong> s’appuyer sur le légalisme <strong>de</strong> Piersig pour<br />

40 AN, AJ37/427, id.<br />

41 AN, F21/5168/1, Dossier manuscrit « Notes <strong>et</strong> statistiques », novembre 1941.<br />

42 AN, F21/5168/1, questionnaires remplis entre le 19 novembre <strong>et</strong> le 1 er décembre 1941.<br />

43 AN, F21/5325/10, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au secrétariat d’État à l’Éducation nationale, 23 avril 1942.<br />

44 AN, F21/ 5325/11, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au secrétariat d’État à l’Éducation nationale, 03 juin 1942.<br />

45 AN, AJ37/427, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au secrétariat d’État à l’Éducation nationale <strong>et</strong> à la jeunesse, 05 août<br />

1942.<br />

46 AN, F21/5325/11, <strong>Le</strong>ttre A. Bonnard à Cl. Delvincourt, 12 août 1942.<br />

47 AN, F21/5325/11, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au secrétariat d’État à l’Éducation nationale, 22 juin 1942.<br />

48 AN, F21/5168/1, <strong>Le</strong>ttre A. Bonnard à Cl. Delvincourt, 21 septembre 1942.<br />

8


faire triompher son point <strong>de</strong> vue 49 , Delvincourt est contraint <strong>de</strong> se soum<strong>et</strong>tre à la radicalité du<br />

CGQJ, relais <strong>de</strong> plus en plus zélé <strong>de</strong> l’antisémitisme nazi.<br />

L’étu<strong>de</strong> du <strong>Conservatoire</strong>, établissement public <strong>de</strong> formation artistique, durant les <strong>de</strong>ux<br />

premières années <strong>de</strong> la guerre, m<strong>et</strong> en évi<strong>de</strong>nce les difficultés auxquelles sont confrontés les<br />

acteurs <strong>de</strong> terrain durant c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>. Subissant les événements militaires <strong>et</strong> politiques qui<br />

déstabilisent leur institution, les <strong>de</strong>ux directeurs successifs doivent faire face à <strong>de</strong>s problèmes<br />

conjoncturels <strong>et</strong> structurels liés à la spécificité <strong>de</strong> l’école. En tant que structure artistique,<br />

celle-ci est en proie à l’arbitraire <strong>de</strong>s services nazis <strong>de</strong> Goebbels. <strong>Le</strong> combat mené pour le<br />

respect <strong>de</strong> la légalité porte, dans un premier temps, ses fruits. <strong>Le</strong>s fonctionnaires français<br />

font, pour un moment, reculer l’occupant. Mais la radicalisation <strong>de</strong> la législation alleman<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

française rem<strong>et</strong> tout en question. Il n’est alors plus question <strong>de</strong> s’appuyer sur le légalisme<br />

français face aux exigences <strong>de</strong> l’envahisseur. Désormais c’est le droit lui-même qui, au-<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> ses premiers textes discriminatoires, <strong>de</strong>vient l’arme <strong>de</strong> l’arbitraire <strong>et</strong> <strong>de</strong> la persécution. La<br />

direction du <strong>Conservatoire</strong> qui tente <strong>de</strong> protéger, avec les armes du droit, son personnel <strong>et</strong> ses<br />

élèves est désormais impuissante.<br />

C<strong>et</strong>te analyse, au plus près <strong>de</strong>s réalités quotidiennes, m<strong>et</strong> également en lumière non seulement<br />

l’inflation <strong>de</strong>s structures administratives <strong>de</strong> l’époque, mais surtout leur inefficacité, leur<br />

paralysie réciproque, leur rivalité, leur versatilité <strong>et</strong> leur soumission au vainqueur. <strong>Le</strong> pivot<br />

essentiel <strong>de</strong> la zone occupée est constitué par la Délégation générale, intermédiaire<br />

incontournable entre Vichy <strong>et</strong> l’occupant. Mais, en 1942, la situation se r<strong>et</strong>ourne <strong>et</strong> Vichy,<br />

par son zèle, impose à la Délégation, désormais soumise, ses propres décisions, inspirées<br />

directement par l’idéologie collaborationniste.<br />

***<br />

49 AN, F21/5168/1, <strong>Le</strong>ttre Cl. Delvincourt au Son<strong>de</strong>rführer Piersig, 18 mai 1942.<br />

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