Calcul des ancres à succion par la méthode cinématique régularisée
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Fondations superficielles. Magnan et Droniuc (ed.) 2003, Presses de l’ENPC/LCPC, Paris<br />
CALCUL DES ANCRES À SUCCION PAR LA MÉTHODE CINÉMATIQUE<br />
RÉGULARISÉE<br />
REGULARISED KINEMATIC ANALYSIS OF THE PULL-OUT CAPACITY OF SUCTION<br />
CAISSONS<br />
Nicu<strong>la</strong>i DRONIUC 1 , Jean-Pierre MAGNAN 1 , Khalida DRONIUC 2 , A<strong>la</strong>in PUECH 2<br />
1 Laboratoire Central <strong>des</strong> Ponts et Chaussées, 58, bd Lefebvre, F-75732 Paris<br />
2 FUGRO-FRANCE, 26 avenue <strong>des</strong> Champs Pierreux, 92022 Nanterre cedex<br />
RÉSUMÉ – Les <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> sont un type de fondation pour ouvrages en mer, dont <strong>la</strong><br />
complexité ne permet pas un traitement aisé <strong>par</strong> les métho<strong>des</strong> c<strong>la</strong>ssiques d’équilibre limite ou<br />
d’analyse limite. La communication présente une étude de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement <strong>des</strong><br />
<strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée, com<strong>par</strong>ée aux solutions issues de<br />
calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques et à <strong>des</strong> données provenant de <strong>la</strong> littérature.<br />
ABSTRACT – The suction anchors are a type of foundation for offshore structures, the<br />
resistance of which cannot be easily assessed by the traditional limit equilibrium or limit<br />
analysis methods. This paper presents the regu<strong>la</strong>rised kinematic analysis of the pull-out<br />
capacity of suction anchors and com<strong>par</strong>es these solutions with those obtained from c<strong>la</strong>ssical<br />
e<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stic finite element analyses and with other ones from the literature.<br />
1. Introduction<br />
Depuis une vingtaine d’années, les <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> sont utilisées comme fondation fiable et<br />
économique pour les ouvrages pétroliers en mer, al<strong>la</strong>nt jusqu’à <strong>des</strong> profondeurs de 2000m.<br />
Les fondations <strong>par</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> sont composées de caissons cylindriques fermés à leur<br />
<strong>par</strong>tie supérieure (figure 1) et peuvent permettre l’évacuation de l’eau <strong>par</strong> pompage de<br />
l’intérieur du caisson pour augmenter leur résistance à l’arrachement. Elles ont fait l’objet de<br />
nombreuses publications.<br />
Les premières étu<strong>des</strong> remontent à 1961, quand Goodman et ses collègues ont déterminé <strong>la</strong><br />
résistance à l’arrachement de caissons pour <strong>des</strong> ouvrages terrestres. Les étu<strong>des</strong><br />
expérimentales faites sur modèles réduits ont comporté <strong>des</strong> essais dans différentes<br />
configurations (différents types <strong>des</strong> sols, différentes valeurs du degré de saturation, différents<br />
é<strong>la</strong>ncements <strong>des</strong> caissons, etc.) et ont montré notamment que, pour les sols argileux, <strong>la</strong><br />
résistance à l’arrachement <strong>des</strong> caissons est d’autant plus élevée que les argiles sont proches<br />
de l’état limite de p<strong>la</strong>sticité. Par ailleurs, Goodman et al. (1961) affirment que, pour augmenter<br />
<strong>la</strong> résistance à l’arrachement <strong>des</strong> caissons à <strong>succion</strong>, il faut adapter leur géométrie au type de<br />
sol : ils suggèrent un rapport L/D plus faible pour les sols sableux et plus important pour les<br />
sols argileux, sans donner plus <strong>des</strong> précisions.<br />
Après les travaux de Smith (1966) et ceux d’Etter et Turpin (1967), qui ont étudié ce type de<br />
fondation pour les ouvrages en site marin, les étu<strong>des</strong> systématiques de résistance à<br />
l’arrachement <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> ont débuté dans les années 1970, sur modèles réduits<br />
(Brown et al., 1971 ; Finn et Byrne, 1972 ; Wang et al., 1975), et <strong>des</strong> analyses théoriques<br />
basées sur ces essais ont établi une re<strong>la</strong>tion empirique de <strong>la</strong> forme :<br />
F max = W a + W s + F + A f (1)<br />
où F max désigne <strong>la</strong> force d’arrachement, W a désigne le poids déjaugé du caisson, W s désigne<br />
le poids du sol déjaugé contenu dans le volume défini <strong>par</strong> les surfaces de rupture imposées, F<br />
désigne <strong>la</strong> résultante <strong>des</strong> forces de frottement à l’interface sol/caisson et A f désigne <strong>la</strong><br />
201
ésultante <strong>des</strong> forces internes de cohésion lors de <strong>la</strong> rupture du sol suivant <strong>la</strong> surface de<br />
rupture considérée.<br />
Sans donner une liste exhaustive <strong>des</strong> travaux consacrés à l’étude de <strong>la</strong> résistance à<br />
l’arrachement <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong>, nous citerons quelques étu<strong>des</strong> récentes, réalisées en<br />
centrifugeuse (Randolph et al., 1998) ou en vraie grandeur (Andersen et al., 1993 ; Keaveny et<br />
al., 1994 ; Clukey et al., 1995). De nombreuses étu<strong>des</strong> numériques, mettant en œuvre <strong>la</strong><br />
méthode de l’équilibre limite ou <strong>la</strong> méthode de l’analyse limite (notamment l’approche<br />
cinématique), et dont les équations sont résolues <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode <strong>des</strong> éléments finis,<br />
complètent ces étu<strong>des</strong> expérimentales, afin de disposer de métho<strong>des</strong> fiables pour<br />
dimensionner les <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> (Randolph et al., 1998 ; Deng et Carter, 1999a ; Deng et<br />
Carter, 1999b ; Watson et Randolph, 2000 ; Zdravkovic et al., 2001 ; Randolph et House,<br />
2002 ; Templeton, 2002).<br />
(A)<br />
F a<br />
h >><br />
L<br />
D<br />
α<br />
F a<br />
α<br />
(A)<br />
d<br />
Figure 1. Ancres à <strong>succion</strong> : géométrie et chargement.<br />
On aborde ici le calcul de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> sous l'angle de<br />
<strong>la</strong> modélisation numérique <strong>par</strong> éléments finis, qui combine deux approches : une approche<br />
cinématique développée au LCPC (Magnan et Droniuc, 2000 ; Droniuc, 2001 ; Droniuc et al.<br />
2003) qui donne <strong>des</strong> bornes supérieures <strong>des</strong> charges limites d’arrachement et les mécanismes<br />
de rupture correspondants, et une autre approche <strong>par</strong> <strong>des</strong> calculs directs en é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>sticité, à<br />
<strong>par</strong>tir de l’état initial de contraintes dans le sol, qui donne <strong>des</strong> bornes inférieures approchées<br />
(sous réserve d’assurer <strong>la</strong> continuité <strong>des</strong> contraintes entre les éléments finis).<br />
Plus précisément, cette communication présente l’étude du comportement à <strong>la</strong> rupture<br />
d’<strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à <strong>des</strong> chargements complexes (charges verticales, inclinées ou<br />
horizontales), ce qui sollicite le comportement tridimensionnel de ce type de fondations. Les<br />
résultats sont com<strong>par</strong>és à ceux d’autres étu<strong>des</strong> présentées dans <strong>la</strong> littérature (<strong>par</strong> éléments<br />
finis, <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique de l’analyse limite, en centrifugeuse ou sur modèles réduits),<br />
en s’intéressant plus <strong>par</strong>ticulièrement à <strong>la</strong> construction du domaine <strong>des</strong> charges supportables<br />
<strong>par</strong> ce type de fondations.<br />
202
2. <strong>Calcul</strong>s <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée<br />
2.1. Présentation de <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée<br />
L’analyse limite se p<strong>la</strong>ce dans le cadre d’un système mécanique constitué d’un matériau<br />
é<strong>la</strong>stique et <strong>par</strong>faitement p<strong>la</strong>stique, avec règle d’écoulement p<strong>la</strong>stique associée <strong>par</strong> le principe<br />
du travail p<strong>la</strong>stique maximal de Hill, dans l’hypothèse de changements de géométrie<br />
négligeables (Salençon, 1983) et s’intéresse uniquement à <strong>la</strong> détermination et à l’étude <strong>des</strong><br />
propriétés de ces chargements limites de rupture. Le développement de <strong>la</strong> méthode de<br />
l’analyse limite est étroitement lié au développement de <strong>la</strong> théorie de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>sticité, <strong>des</strong><br />
métho<strong>des</strong> mathématiques d’analyse convexe et d’optimisation et de <strong>la</strong> méthode <strong>des</strong> éléments<br />
finis pour <strong>la</strong> résolution de ses équations. Les premiers travaux concernant <strong>la</strong> méthode de<br />
l’analyse limite sont attribués à Kazinski (1914) et Kist (1917), qui ont formulé le principe de<br />
l’approche statique, mais <strong>la</strong> formu<strong>la</strong>tion mathématique rigoureuse <strong>des</strong> théorèmes de l’analyse<br />
limite (le théorème statique et le théorème cinématique) est attribuée à Gvozdev en 1938. À<br />
ses débuts, <strong>la</strong> théorie de l’analyse limite a été développée pour étudier <strong>la</strong> rupture <strong>des</strong> métaux<br />
et ce n’est qu’à <strong>par</strong>tir <strong>des</strong> années 1950, <strong>la</strong> référence étant les travaux de Drucker et Prager<br />
(1952), que <strong>la</strong> méthode de l’analyse limite commence à être appliquée en mécanique <strong>des</strong> sols.<br />
L’approche cinématique de l’analyse limite permet de trouver <strong>la</strong> borne supérieure de <strong>la</strong><br />
charge limite de rupture d’un ouvrage, qui occupe un domaine Ω dans l’espace R 3 (si l’analyse<br />
se fait en conditions tridimensionnelles) et de frontière Γ, <strong>par</strong> <strong>la</strong> construction d’une suite de<br />
champs de vitesses de dép<strong>la</strong>cement cinématiquement admissibles v minimisant une<br />
fonctionnelle J(v) qui n’est autre que <strong>la</strong> différence entre <strong>la</strong> puissance résistante maximale<br />
P rm (v) et <strong>la</strong> puissance <strong>des</strong> efforts extérieurs L(v) :<br />
J(v) = P rm (v) – L(v) (2)<br />
La puissance résistante maximale est donnée <strong>par</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion :<br />
∫<br />
Ω<br />
P rm (v) = ( d)<br />
π dΩ<br />
(3)<br />
et <strong>la</strong> puissance <strong>des</strong> efforts extérieurs <strong>par</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion :<br />
L(v) = ∫ f ⋅vdΩ<br />
+ ∫F ⋅v dΓF<br />
(4)<br />
Ω<br />
Γ<br />
F<br />
où d désigne le tenseur <strong>des</strong> vitesses de déformation, π(d) désigne le taux de dissipation<br />
p<strong>la</strong>stique (calculé en supposant un critère de rupture tel que Tresca , Mohr-Coulomb, Drucker-<br />
Prager, etc.), f désigne les forces volumiques et F désigne les forces surfaciques appliquées<br />
sur une <strong>par</strong>tie Γ F de Γ.<br />
Lorsque <strong>la</strong> p<strong>la</strong>stification (ou bien l’écoulement p<strong>la</strong>stique) intervient sur <strong>la</strong> <strong>par</strong>tie Γ v de <strong>la</strong><br />
frontière Γ de Ω (Γ v ∪Γ F = Γ) ou à l’intérieur de Ω (surface de glissement), on est dans le cas<br />
d’un champ de vitesses de dép<strong>la</strong>cement présentant <strong>des</strong> discontinuités. Pour éviter d’avoir à<br />
traiter <strong>des</strong> discontinuités <strong>des</strong> champs de vitesses de dép<strong>la</strong>cement, autrement dit de faire <strong>des</strong><br />
hypothèses sur <strong>la</strong> forme et l’étendue <strong>des</strong> mécanismes de rupture, il est possible d’utiliser <strong>des</strong><br />
techniques dites de régu<strong>la</strong>risation, et une telle méthode a été développée au LCPC dans les<br />
années 1970. Ainsi, sur <strong>la</strong> base <strong>des</strong> travaux de Moreau (1966 et 1968), Nayroles (1970),<br />
Frémond et Salençon (1973) et Salençon (1974), une méthode cinématique basée sur une<br />
technique de régu<strong>la</strong>risation viscop<strong>la</strong>stique de Norton-Hoff a été développée au Laboratoire<br />
Central <strong>des</strong> Ponts et Chaussées à <strong>par</strong>tir <strong>des</strong> années 1970. Cette méthode est fondée sur un<br />
ensemble de théorèmes (Friâa, 1978 ; Frémond et Friâa,1982) qui prouvent que « l’on peut<br />
trouver une série de solutions viscop<strong>la</strong>stiques qui convergent vers <strong>la</strong> solution cinématique du<br />
problème étudié pour un matériau <strong>par</strong>faitement p<strong>la</strong>stique ». La forme du modèle viscop<strong>la</strong>stique<br />
de Norton Hoff est prédéterminée <strong>par</strong> les théorèmes fondateurs et <strong>la</strong> puissance résistante<br />
maximale donnée <strong>par</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion (3) peut être calculée <strong>par</strong> :<br />
203
1 p<br />
P rm (v) = ∫ [ ( d)<br />
]<br />
p<br />
Ω<br />
π dΩ<br />
(5)<br />
où p désigne un <strong>par</strong>amètre viscop<strong>la</strong>stique spécifique à <strong>la</strong> loi de Norton-Hoff. La fonctionnelle<br />
J(v) donnée <strong>par</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion (2) devient alors :<br />
1 p<br />
J p (v) = ∫ [ ( d)<br />
]<br />
p<br />
Ω<br />
π dΩ - L(v) (6)<br />
Les résultats d’un calcul <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée du LCPC sont constitués<br />
<strong>par</strong> <strong>la</strong> valeur de <strong>la</strong> borne supérieure de <strong>la</strong> charge (<strong>des</strong> charges) de rupture et <strong>par</strong> <strong>des</strong><br />
représentations du champ <strong>des</strong> valeurs principales <strong>des</strong> vitesses de déformation, qui matérialise<br />
le mécanisme de rupture. Cette dernière information est très utile pour <strong>la</strong> compréhension de <strong>la</strong><br />
cinématique de <strong>la</strong> rupture et sa com<strong>par</strong>aison avec les mouvements réels du sol et <strong>des</strong><br />
structures.<br />
Des travaux plus récents (Jiang, 1992 ; Antao, 1997 ; Droniuc, 2001 ; Droniuc et al., 2003)<br />
ont été consacrés au développement de <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée et ont abouti à un<br />
programme de calcul <strong>par</strong> éléments finis appelé LIMI, dans le code de calcul CESAR-LCPC.<br />
L’application de cette approche à l’étude de <strong>la</strong> stabilité <strong>des</strong> différents ouvrages géotechniques<br />
(Sassi, 1996 ; Antao, 1997 ; Magnan et Sassi, 1998 ; Magnan et Droniuc, 2000 ; Magnan et al.,<br />
2001 ; Droniuc, 2001 ; Droniuc et al., 2002a, Droniuc et al., 2002b ; Droniuc et Magnan, 2002 ;<br />
Droniuc et Bourgeois, 2003 ; Droniuc et Magnan, 2003) montrent que les résultats obtenus<br />
sont en concordance avec les solutions analytiques ou celles issues de l’expérience : les<br />
charges limites (analytiques ou expérimentales) sont toujours comprises entre les charges<br />
limites <strong>par</strong> excès obtenues avec LIMI et les valeurs <strong>par</strong> défaut obtenues <strong>par</strong> <strong>des</strong> calculs<br />
é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques (programme MCNL de CESAR-LCPC), et <strong>la</strong> dimension et <strong>la</strong> forme <strong>des</strong><br />
mécanismes de rupture déterminés <strong>par</strong> LIMI sont com<strong>par</strong>ables à <strong>la</strong> rupture du sol observée<br />
lors <strong>des</strong> différentes expérimentations.<br />
Comme les mécanismes de rupture obtenus <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée sont<br />
déterminés de façon automatique, cette approche s’avère très utile dans le cas <strong>des</strong> ouvrages<br />
complexes : l’ingénieur n’a plus besoin de faire <strong>des</strong> hypothèses sur <strong>la</strong> forme et l’étendue du<br />
mécanisme de rupture pour l’étude de <strong>la</strong> stabilité. Les calculs <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique<br />
régu<strong>la</strong>risée, associés aux calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques (à <strong>par</strong>tir d’un état de contraintes initial)<br />
permettent dans ce cas de disposer d’une analyse complète de <strong>la</strong> rupture d’un ouvrage<br />
(Droniuc et Magnan, 2002).<br />
2.2. <strong>Calcul</strong> <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à <strong>des</strong> efforts d’arrachement verticaux centrés<br />
Lorsque les <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> sont soumises à <strong>des</strong> forces d’arrachement verticales et centrées,<br />
on distingue c<strong>la</strong>ssiquement trois types de mécanismes de rupture, qui sont souvent associés à<br />
<strong>des</strong> conditions non drainées, <strong>par</strong>tiellement drainées ou drainées (figures 2a, 2b, et 2c) (Deng et<br />
Carter, 1999a et 1999b ; S<strong>par</strong>revik, 2002). Dans les trois cas, <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion (1) peut être appliquée<br />
et, en plus <strong>des</strong> termes décrits au premier <strong>par</strong>agraphe, il peut ap<strong>par</strong>aître un terme<br />
supplémentaire qui tient compte de <strong>la</strong> <strong>succion</strong> créée à l’intérieur du caisson pour augmenter sa<br />
résistance à l’arrachement. Notre analyse ne tient pas compte de ce terme. Notons que ces<br />
trois types de mécanismes de rupture ne peuvent pas être définis du seul point de vue <strong>des</strong><br />
conditions drainées et que d’autres facteurs peuvent influencer <strong>la</strong> rupture (conditions<br />
d’interface, remaniement du sol à l’intérieur du caisson, notamment en présence de raidisseurs<br />
internes, etc.). Nous avons gardé cette c<strong>la</strong>ssification <strong>par</strong> référence aux configurations données<br />
dans <strong>la</strong> littérature, pour lesquelles on dispose de résultats.<br />
Dans le cas <strong>des</strong> conditions non drainées (lorsque l’ancre à <strong>succion</strong> est arrachée à « vitesse<br />
très élevée »), le mécanisme de rupture considéré est un mécanisme de type Prandtl, mais<br />
inversé <strong>par</strong> rapport à celui d’une fondation superficielle qui appuie sur <strong>la</strong> surface du sol (figure<br />
2a). Ce mécanisme a été proposé <strong>par</strong> Finn et Byrne en 1972, suite à <strong>des</strong> essais réalisés en<br />
204
<strong>la</strong>boratoire sur modèles réduits. Cette configuration a été étudiée plus tard <strong>par</strong> Wang et al.<br />
(1978), Andersen et al. (1993), Watson et Randolph (1998) et Deng et Carter (1999a).<br />
Pour le cas non drainé, ces auteurs proposent d’écrire <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion (1) sous <strong>la</strong> forme :<br />
F max = s d s f c u N c A + F e (7)<br />
où s d tient compte de <strong>la</strong> profondeur d’encastrement du caisson (s d = 1 + 0,4L/d), s f tient compte<br />
de <strong>la</strong> forme du caisson (s f = 1,2), c u désigne <strong>la</strong> cohésion non drainée du sol, N c désigne le<br />
facteur de portance intervenant dans le terme de cohésion de <strong>la</strong> formule de <strong>la</strong> capacité<br />
portante d’une fondation superficielle (dans ce cas, N c = 5,14 car l’angle de frottement interne<br />
ϕ = 0 degrés), A désigne l’aire (<strong>la</strong>térale) du caisson et F e désigne <strong>la</strong> résultante <strong>des</strong> forces de<br />
frottement entre le caisson et le sol (à l’extérieur du caisson).<br />
Dans le cas <strong>des</strong> conditions <strong>par</strong>tiellement drainées, le sol contenu à l’intérieur du caisson est<br />
soulevé en même temps que l’ancre à <strong>succion</strong>, ce qui localise le mécanisme de rupture au<br />
niveau inférieur du caisson. La résultante <strong>des</strong> forces d’arrachement est notée F r (figure 2b). La<br />
résistance à l’arrachement dans ce cas est déduite de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion :<br />
F max = W a + W s + F e + F r , (8)<br />
où, en plus <strong>des</strong> notations précisées ci-<strong>des</strong>sus, W a désigne le poids déjaugé du caisson et W s<br />
désigne le poids déjaugé du sol de l’intérieur du caisson.<br />
Si l’ancre à <strong>succion</strong> est soumise à une force d’arrachement à « vitesse réduite », on se<br />
trouve dans <strong>des</strong> conditions drainées (figure 2c) et <strong>la</strong> résistance à l’arrachement est donnée <strong>par</strong><br />
<strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion :<br />
F max = W a + F e + F i , (9)<br />
où F i désigne <strong>la</strong> résultante <strong>des</strong> forces de frottement entre le caisson et le sol à l’intérieur du<br />
caisson.<br />
F max<br />
F max<br />
F max<br />
L<br />
F e<br />
W si<br />
F e<br />
F i<br />
F e<br />
F r<br />
d<br />
a) conditions non drainées b) conditions <strong>par</strong>tiellement<br />
drainées<br />
d<br />
d<br />
c) conditions drainées<br />
Figure 2. Mécanismes de rupture <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à une<br />
force d’arrachement verticale centrée.<br />
Les mêmes cas ont été étudiés <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée (résultats désignés<br />
<strong>par</strong> « LIMI » dans les représentations ci-<strong>des</strong>sous) et <strong>par</strong> <strong>des</strong> analyses é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques<br />
(résultats désignés <strong>par</strong> « MCNL »). Les calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques ont été faits au moyen du<br />
programme MCNL du code de calcul CESAR-LCPC, à <strong>par</strong>tir de l’état de contraintes initial qui<br />
règne dans le sol avant <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de l’ancre à <strong>succion</strong>.<br />
205
Le mail<strong>la</strong>ge en éléments finis est représenté sur <strong>la</strong> figure 3a. Pour prendre en compte le<br />
frottement entre le caisson et le sol dans les calculs en conditions drainées, on a matérialisé le<br />
contact <strong>par</strong> <strong>des</strong> couches minces dont les caractéristiques mécaniques (cohésion et angle de<br />
frottement interne) peuvent varier. Sur <strong>la</strong> figure 3b on peut voir le détail <strong>des</strong> couches fines<br />
disposées à l’intérieur et à l’extérieur du caisson et, sur les figures 3c et 3d, les détails du sol<br />
qui entoure le caisson, du caisson et du sol de l’intérieur du caisson.<br />
a) mail<strong>la</strong>ge global (sol et fondation) b) couches permettant de modéliser le<br />
contact entre l’ancre à <strong>succion</strong> et le sol<br />
c) mail<strong>la</strong>ge du sol d) mail<strong>la</strong>ges du sol à l’intérieur du caisson<br />
et du caisson<br />
Figure 3. Mail<strong>la</strong>ge tridimensionnel en éléments finis (cas L/D=1).<br />
Pour calculer <strong>la</strong> résistance à l’arrachement d’une ancre à <strong>succion</strong> en conditions non<br />
drainées, on a vu qu’il est possible d’utiliser <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion (7). Comme il est difficile d’estimer le<br />
terme F e de cette re<strong>la</strong>tion, plusieurs auteurs, notamment Deng et Carter (1999a), proposent<br />
d’utiliser une re<strong>la</strong>tion modifiée, qui tient compte de manière implicite du frottement entre les<br />
<strong>par</strong>ois du caisson et le sol. Cette re<strong>la</strong>tion modifiée s’écrit de <strong>la</strong> façon suivante :<br />
F max = f max /A = (s d s f N c + ζs d s f )c u = N p s d s f c u (10)<br />
où ζ est une constante dont les auteurs ne précisent pas c<strong>la</strong>irement <strong>la</strong> nature. De plus, dans le<br />
schéma du mécanisme de rupture en conditions non drainées, il n’y a pas d’indications sur<br />
206
l’étendue du mécanisme de rupture, et notamment on ne sait s’il remonte en surface et de<br />
quelle manière.<br />
En d’autres termes, on peut dire que le facteur N c est modifié <strong>par</strong> l’addition du terme ζ, et le<br />
nouveau facteur N p est donné <strong>par</strong> <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions empiriques (Houlsby et Wroth, 1983 ; Deng et<br />
Carter, 1999a) ou <strong>par</strong> <strong>des</strong> analyses en éléments finis (Deng et Carter, 1999a), qui contiennent<br />
donc implicitement le terme ζ.<br />
Pour éviter les confusions liées à l’interprétation de facteurs <strong>par</strong>tiels intervenant dans <strong>la</strong><br />
re<strong>la</strong>tion (10) pour le calcul de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement vertical <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> en<br />
conditions non drainées, on a com<strong>par</strong>é <strong>la</strong> variation du rapport f max /c u en fonction de<br />
l’é<strong>la</strong>ncement de l’ancre L/d (figure 4), ce qui élimine les incertitu<strong>des</strong> qui peuvent ap<strong>par</strong>aître lors<br />
de l’interprétation du facteur ζ.<br />
On remarque que les bornes inférieures approchées obtenues <strong>par</strong> <strong>des</strong> calculs<br />
é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques à <strong>par</strong>tir d’un état de contraintes initiales dans le sol, désignées <strong>par</strong> « MCNL »<br />
sur <strong>la</strong> figure 4, sont en bonne concordance avec les résultats de Deng et Carter (1999a) issus<br />
aussi de calculs en déformations. Pour les calculs <strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée (<strong>la</strong><br />
courbe désignée <strong>par</strong> « LIMI » sur <strong>la</strong> figure 4) les solutions sont en bonne concordance avec les<br />
résultats issus <strong>des</strong> calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques, et l’on remarque que l’approche LIMI-MCNL donne<br />
un intervalle dans lequel se trouve <strong>la</strong> force limite d’arrachement.<br />
On remarque aussi que, lorsque le rapport L/d augmente, <strong>la</strong> divergence entre <strong>la</strong> solution<br />
« LIMI » et <strong>la</strong> solution « MCNL » devient plus importante. Ceci s’explique <strong>par</strong> le fait que, pour<br />
<strong>des</strong> valeurs importantes du rapport L/d, il faut discrétiser une zone du massif de sol plus<br />
importante et donc <strong>la</strong> taille du système d’équations à résoudre augmente sensiblement. On<br />
remarque aussi une divergence sensible entre nos calculs et <strong>la</strong> solution donnée <strong>par</strong> Deng et<br />
Carter (1999a) : pour <strong>la</strong> zone <strong>des</strong> valeurs importantes du rapport L/d, l’approche LIMI-MCNL<br />
définit une résistance à l’arrachement plus importante.<br />
22<br />
20<br />
18<br />
fmax/cu<br />
16<br />
14<br />
12<br />
10<br />
8<br />
Deng et Carter (1999a)<br />
LIMI<br />
MCNL<br />
0 1 2 3 4<br />
rapport L/d<br />
Figure 4. Résistance à l’arrachement <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong><br />
en fonction du rapport L/d en conditions non drainées.<br />
La figure 5 représente <strong>la</strong> déformée (figure 5a) et les limites du mécanisme de rupture dans<br />
l’analyse cinématique (LIMI) com<strong>par</strong>ées à l’étendue de <strong>la</strong> zone en déformation obtenue <strong>par</strong> les<br />
calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques (MCNL) pour une ancre à <strong>succion</strong> de rapport L/d = 1, en conditions<br />
non drainées. Sur <strong>la</strong> déformée (figure 5a), on remarque le dép<strong>la</strong>cement purement vertical de<br />
l’ancre à <strong>succion</strong>. La représentation de <strong>la</strong> figure 5b nous donne <strong>des</strong> informations sur l’étendue<br />
du mécanisme de rupture autour de l’ancre à <strong>succion</strong> et nous montre que les deux approches,<br />
207
analyse cinématique régu<strong>la</strong>risée (LIMI) et analyse é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stique (MCNL), sont<br />
complémentaires : en d’autres termes, elles permettent de borner supérieurement et<br />
inférieurement <strong>la</strong> force qui produit <strong>la</strong> rupture.<br />
Pour l’analyse de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> en conditions drainées,<br />
les auteurs <strong>par</strong>tent de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion (9), mais en tenant compte de certains <strong>par</strong>amètres empiriques<br />
(Deng et Carter, 1999a) :<br />
f max = 9,1(L/d) -0,54 (1-sinϕ’)(R oc ) sinϕ ’(tanϕ’)σ’ v (11)<br />
où (1-sinϕ’)(R oc ) sinϕ ’ désigne <strong>la</strong> valeur du coefficient de pression <strong>des</strong> terres au repos K 0<br />
proposée <strong>par</strong> Mayne et Kulhawy (1982).<br />
limite du champ <strong>des</strong> dép<strong>la</strong>cements dans le<br />
calcul é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stique (MCNL)<br />
limite du champ <strong>des</strong> vitesses de dép<strong>la</strong>cements<br />
dans le calcul cinématique (LIMI)<br />
a) déformée b) dép<strong>la</strong>cements et vitesses de dép<strong>la</strong>cement<br />
Figure 5. Résultats de l’analyse <strong>par</strong> éléments finis : approche LIMI-MCNL.<br />
(effort d’arrachement vertical centrée)<br />
Pour les <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à <strong>des</strong> forces d’arrachement à vitesse assez lente pour<br />
que l’on puisse considérer le comportement comme drainé, il est nécessaire de faire <strong>des</strong><br />
analyses avec <strong>des</strong> caractéristiques mécaniques drainées : cohésion c’ et angle de frottement<br />
interne ϕ’. Par ailleurs, le traitement de l’interface sol-caisson s’impose.<br />
Sur <strong>la</strong> figure 6, on a représenté quelques résultats issus de l’approche LIMI-MCNL et on les<br />
a com<strong>par</strong>és avec les solutions proposées <strong>par</strong> Deng et Carter (1999a), pour les caractéristiques<br />
mécaniques suivantes : poids volumique du sol (déjaugé) γ’ = 7 kN/m 3 , cohésion c’ < 3 kPa et<br />
angle de frottement interne ϕ’ = 34 degrés. On précise que les solutions de Deng et Carter<br />
(1999a) correspondent à <strong>des</strong> calculs en déformations qui modélisent différents essais réalisés<br />
<strong>par</strong> Singh et al. (1996) et prennent en compte une loi é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stique de type Cam-C<strong>la</strong>y pour le<br />
comportement à long terme du sol.<br />
On remarque une bonne concordance entre les bornes inférieures approchées données <strong>par</strong><br />
les calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques (MCNL) et les résultats de Deng et Carter (1999a), d’une <strong>par</strong>t, et,<br />
d’autre <strong>par</strong>t, une bonne estimation de <strong>la</strong> charge limite d’arrachement <strong>par</strong> <strong>la</strong> représentation <strong>des</strong><br />
bornes inférieures approchées (MCNL) et <strong>des</strong> bornes supérieures (LIMI).<br />
L’ensemble <strong>des</strong> résultats représentés sur les figures 4 et 6 montre une différence plus<br />
accentuée entre LIMI et MCNL et entre l’approche LIMI-MCNL et Deng et Carter pour <strong>des</strong><br />
valeurs du rapport L/d supérieures à 2,5. Ce<strong>la</strong> peut s’expliquer <strong>par</strong> le fait que, pour <strong>des</strong><br />
rapports L/d importants, il faut mailler <strong>des</strong> zones de plus en plus étendues, ce qui nécessite<br />
208
<strong>des</strong> capacités de calcul importantes. La résolution devient de ce fait moins précise (résultats<br />
plus éloignés de l’optimum).<br />
Par ailleurs, on n’a pas présenté ici d’étu<strong>des</strong> correspondant aux conditions <strong>par</strong>tiellement<br />
drainées. Ce<strong>la</strong> dépasse le but de cette communication : l’analyse en conditions <strong>par</strong>tiellement<br />
drainées doit faire l’objet d’étu<strong>des</strong> systématiques <strong>par</strong> <strong>des</strong> outils qui sont en développement au<br />
LCPC et qui permettront <strong>des</strong> calculs couplés hydro-mécanique, permettant d’obtenir <strong>des</strong><br />
résultats en fonction de <strong>la</strong> consolidation <strong>des</strong> sols sous-marins.<br />
22<br />
20<br />
18<br />
fmax/cu<br />
16<br />
14<br />
12<br />
10<br />
8<br />
0 1 2 3 4<br />
rapport L/d<br />
Deng et Carter (1999a)<br />
LIMI<br />
MCNL<br />
Figure 6. Résistance à l’arrachement d’une ancre à <strong>succion</strong> en fonction du rapport L/d,<br />
dans le cas drainé.<br />
2.3. <strong>Calcul</strong>s <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à <strong>des</strong> efforts d’arrachement <strong>la</strong>téraux<br />
Pour le calcul <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à <strong>des</strong> forces d’arrachement appliquées<br />
<strong>la</strong>téralement sur les <strong>par</strong>ois du caisson, on se p<strong>la</strong>ce dans <strong>des</strong> conditions non drainées. On<br />
considère que <strong>la</strong> force d’arrachement est appliquée à une profondeur D <strong>par</strong> rapport à <strong>la</strong> <strong>par</strong>tie<br />
supérieure du caisson et qu’elle fait un angle α avec l’horizontale. En fonction de <strong>la</strong> position du<br />
point d’application de <strong>la</strong> charge et de l’inclinaison α, plusieurs mécanismes de rupture peuvent<br />
se développer. Différentes étu<strong>des</strong> (Deng et Carter, 1999b ; Sukumaran et al., 1999 ; Deng et<br />
Carter, 2002 ; S<strong>par</strong>revik, 2002) montrent que, lorsque l’ancre à <strong>succion</strong> se dép<strong>la</strong>ce seulement<br />
<strong>par</strong> trans<strong>la</strong>tion (suivant les directions horizontale et verticale) <strong>la</strong> résistance à l’arrachement est<br />
maximale et que, quand il y a <strong>des</strong> rotations <strong>par</strong> rapport à l’axe vertical du caisson, <strong>la</strong> résistance<br />
à l’arrachement diminue.<br />
Les analyses actuelles de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à<br />
<strong>des</strong> forces appliquées <strong>la</strong>téralement sont basées notamment sur <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> expérimentales et<br />
numériques (<strong>par</strong> <strong>la</strong> méthode cinématique de l’analyse limite) réalisées <strong>par</strong> Randolph et al.<br />
(1998). Ses étu<strong>des</strong> numériques s’appuient sur les mécanismes de rupture <strong>des</strong> pieux chargés<br />
<strong>la</strong>téralement proposés <strong>par</strong> Murff et Hamilton (1993), mais qui ont dû être adaptés pour les<br />
<strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong>, qui peuvent être soumises à <strong>des</strong> forces à forte composante verticale.<br />
Ainsi, le calcul de <strong>la</strong> capacité maximale d’une ancre à <strong>succion</strong> à l’arrachement revient à<br />
étudier <strong>des</strong> mécanismes de rupture qui ont <strong>des</strong> formes semb<strong>la</strong>bles à celles de <strong>la</strong> figure 7 et qui<br />
tiennent compte du point d’application et de l’inclinaison de <strong>la</strong> force d’arrachement, mais aussi<br />
<strong>des</strong> conditions d’interface. Dans une analyse c<strong>la</strong>ssique, on étudie donc plusieurs mécanismes<br />
de rupture afin de trouver celui qui correspond à <strong>la</strong> résistance <strong>la</strong> plus faible de l’ancre à<br />
<strong>succion</strong>, pour un mode d’arrachement donné. Dans ces conditions, l’approche cinématique<br />
209
égu<strong>la</strong>risée s’avère de grande utilité car les mécanismes sont déterminés automatiquement et<br />
<strong>la</strong> recherche de l’optimum est simplifiée.<br />
D<br />
F a<br />
D<br />
F a<br />
L<br />
α<br />
α<br />
d<br />
a) force d’arrachement dont <strong>la</strong> composante horizontale est prédominante<br />
d<br />
D<br />
F a<br />
L<br />
α<br />
b) force d’arrachement dont <strong>la</strong> composante verticale est prédominante<br />
Figure 7. Formes <strong>des</strong> mécanismes de rupture d’<strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong><br />
soumises à <strong>des</strong> forces d’arrachement <strong>la</strong>térales.<br />
Les résultats présentés dans <strong>la</strong> suite de cette communication correspondent à un sol de<br />
poids volumique γ’ = 7 kN/m 3 . Plusieurs valeurs de cohésion non drainée c u de 5 à 15 kPa ont<br />
été testées, mais seulement <strong>des</strong> valeurs constantes avec <strong>la</strong> profondeur.<br />
Les figures 8a et 8b donnent <strong>la</strong> variation de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement d’une ancre à<br />
<strong>succion</strong> en fonction de l’inclinaison α de <strong>la</strong> force d’arrachement, calculée <strong>par</strong> l’approche LIMI-<br />
MCNL pour une valeur du rapport D/L = 0,65. On a représenté aussi les solutions proposées<br />
<strong>par</strong> Deng et Carter (1999b) et obtenues <strong>par</strong> <strong>des</strong> calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques en éléments finis,<br />
pour trois valeurs du rapport D/L (0,53, 0,67 et 0,73) qui donnent <strong>la</strong> résistance à l’arrachement<br />
<strong>la</strong> plus élevée (figure 8a) et <strong>la</strong> plus faible (figure 8b). Les solutions obtenues <strong>par</strong> l’approche<br />
LIMI-MCNL suivent, de manière générale, les mêmes variations que celles données <strong>par</strong> Deng<br />
et Carter (1999b) et donnent <strong>des</strong> intervalles tout à fait acceptables pour <strong>la</strong> charge limite.<br />
On peut faire plusieurs remarques. Pour <strong>la</strong> géométrie du caisson considérée (L/d = 2,5) et<br />
pour le cas d’un sol dont <strong>la</strong> cohésion reste constante avec <strong>la</strong> profondeur, il semble que, pour<br />
<strong>des</strong> valeurs du rapport D/L comprise entre 0,6 et 0,7, <strong>la</strong> résistance à l’arrachement soit <strong>la</strong> plus<br />
élevée pour <strong>des</strong> valeurs de l’angle d’inclinaison α compris entre 0 et 30 degrés (figure 8a).<br />
Lorsque <strong>la</strong> force d’arrachement est appliquée en tête du caisson (rapport D/L = 0) <strong>la</strong> résistance<br />
à l’arrachement est <strong>la</strong> plus faible lorsque l’angle d’inclinaison de <strong>la</strong> force d’arrachement est<br />
compris entre 0 et 40 degrés. Lorsque <strong>la</strong> valeur de l’angle d’inclinaison de <strong>la</strong> force<br />
d’arrachement augmente (α tend vers 90 degrés), <strong>la</strong> position du point d’application de <strong>la</strong> force<br />
d’arrachement devient de moins en moins importante.<br />
Sur <strong>la</strong> figure 9a on a représenté le mail<strong>la</strong>ge déformé et, sur <strong>la</strong> figure 9b, on peut voir les<br />
zones d’isovaleurs <strong>des</strong> vitesses de dép<strong>la</strong>cement pour une ancre à <strong>succion</strong> soumise à une force<br />
d’arrachement appliquée <strong>la</strong>téralement sur <strong>la</strong> <strong>par</strong>oi du caisson, pour un rapport L/d = 1 et pour<br />
D/L = 0,8. On peut observer une rotation de l’ancre <strong>par</strong> rapport à son axe vertical et aussi <strong>la</strong><br />
forme du mécanisme de rupture qui se développe.<br />
d<br />
210
a)<br />
rapport fmax/Ldcu<br />
16<br />
14<br />
12<br />
10<br />
8<br />
6<br />
4<br />
2<br />
0<br />
D/L=0,53<br />
D/L=0,67<br />
D/L=0,73<br />
LIMI : D/L=0,65<br />
MCNL : D/L=0,65<br />
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90<br />
angle d'inclinaison de <strong>la</strong> force d'arrachement α (degrés)<br />
8<br />
7<br />
b)<br />
rapport fmax/Ldcu<br />
6<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
D/L=0<br />
D/L=0,13<br />
D/L=1<br />
LIMI : D/L=0<br />
MCNL : D/L=0<br />
1<br />
0<br />
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90<br />
angle d'inclinaison de <strong>la</strong> force d'arrachement α (degrés)<br />
Figure 8. Variation de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement d’une ancre à <strong>succion</strong>, en fonction de<br />
l’angle d’inclinaison de <strong>la</strong> force d’arrachement appliquée (rapport L/d = 2,5).<br />
2.4. Construction du domaine <strong>des</strong> charges supportables<br />
Dans le calcul à <strong>la</strong> rupture, <strong>la</strong> résistance mécanique d’un ouvrage est caractérisée <strong>par</strong> <strong>la</strong><br />
donnée, en chaque point de l’ouvrage, d’un domaine admissible pour les contraintes σ qu’on<br />
peut désigner <strong>par</strong> C. Pour être plus précis, les valeurs <strong>des</strong> contraintes σ constituent un<br />
domaine convexe et invariable dans le temps C, associé au comportement <strong>par</strong>faitement<br />
p<strong>la</strong>stique, qui constitue l’une <strong>des</strong> hypothèses de base du calcul à <strong>la</strong> rupture. On associe à<br />
l’ensemble convexe C une fonction f(σ), appelée critère de rupture (<strong>par</strong> exemple, le critère de<br />
Tresca pour les sols fins à court terme, le critère de Mohr-Coulomb pour les sols à long terme,<br />
etc.).<br />
On désigne <strong>par</strong> K l’ensemble convexe <strong>des</strong> chargements supportables <strong>par</strong> un ouvrage,<br />
appelé encore domaine de sécurité (Salençon, 1974). La signification physique de K est <strong>la</strong><br />
suivante : tous les chargements situés à l’intérieur de K sont supportés <strong>par</strong> le matériau ; les<br />
chargements situés à l’extérieur de K entraînent <strong>la</strong> rupture de l’ouvrage (Salençon, 1983). Les<br />
charges situées sur <strong>la</strong> frontière de K sont appelées charges limites.<br />
211
a) déformée b) mécanisme de rupture<br />
Figure 9. Mécanismes de rupture <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> soumises à <strong>des</strong> forces d’arrachement<br />
appliquées <strong>la</strong>téralement, à une profondeur optimale du point d’application.<br />
Sous l’action <strong>des</strong> charges appliquées, les contraintes évoluent dans le matériau constituant<br />
Ω. Si les charges appliquées sont situées à l’intérieur de K, les contraintes associées vérifient<br />
l’inégalité :<br />
f(σ ) < 0, en tout point de l’ouvrage Ω. (12)<br />
Il est donc intéressant de pouvoir construire le domaine <strong>des</strong> charges supportables pour un<br />
ouvrage mais un tel domaine ne peut pas être généralisé, pas même au même type<br />
d’ouvrages (fondations superficielles, <strong>par</strong> exemple) : on peut construire le domaine <strong>des</strong><br />
charges supportables <strong>par</strong> un ouvrage seulement si les caractéristiques mécaniques restent<br />
inchangées et pour <strong>la</strong> même géométrie.<br />
De plus, ce domaine présente un intérêt seulement s’il est approché <strong>par</strong> l’intérieur (soit <strong>par</strong><br />
l’approche statique de l’analyse limite, soit <strong>par</strong> une approche de type é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stique c<strong>la</strong>ssique)<br />
et <strong>par</strong> l’extérieur, <strong>par</strong> une approche cinématique.<br />
La figure 10 représente <strong>la</strong> construction du domaine <strong>des</strong> charges supportables <strong>par</strong> une ancre<br />
à <strong>succion</strong> (D/L = 0,65 et L/d = 2,5) dans un système de chargement à deux <strong>par</strong>amètres<br />
(Salençon, 1974) : en abscisse on a représenté <strong>la</strong> composante horizontale de <strong>la</strong> force<br />
d’arrachement et, en ordonnée, <strong>la</strong> composante verticale. On remarque <strong>la</strong> bonne concordance<br />
entre les résultats LIMI et MCNL, le domaine convexe est donc approché <strong>par</strong> l’intérieur et <strong>par</strong><br />
l’extérieur.<br />
3. Conclusions<br />
Le calcul de <strong>la</strong> résistance à l’arrachement <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> est un problème couramment<br />
rencontré dans le domaine de <strong>la</strong> géotechnique offshore. Déterminer <strong>la</strong> résistance limite à<br />
l’arrachement <strong>par</strong> <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> c<strong>la</strong>ssiques d’équilibre limite ou d’analyse limite dans<br />
lesquelles ont est amené à imposer <strong>des</strong> surface de rupture n’est pas toujours un problème<br />
aisé. La méthode cinématique régu<strong>la</strong>risée développée au LCPC et appliquée à de nombreuses<br />
étu<strong>des</strong> est un outil efficace puisqu’elle permet une recherche automatique <strong>des</strong> mécanismes de<br />
rupture. Mais <strong>des</strong> calculs en déformations s’imposent pour que les solutions cinématiques<br />
puissent être validées : les calculs cinématiques faits au moyen du programme de calcul en<br />
éléments finis LIMI et les calculs é<strong>la</strong>stop<strong>la</strong>stiques faits au moyen du programme de calcul en<br />
éléments finis MCNL du code de calcul CESAR-LCPC permettent alors de définir un intervalle<br />
où se trouve <strong>la</strong> charge de rupture.<br />
Les calculs présentés ici confirment les étu<strong>des</strong> numériques ou expérimentales analysées,<br />
mais l’application systématique <strong>des</strong> deux approches complémentaires présentées ci-<strong>des</strong>sus<br />
212
nécessite encore d’autres étu<strong>des</strong> de validation avec prise en compte de <strong>la</strong> variation de <strong>la</strong><br />
cohésion en fonction de <strong>la</strong> profondeur, prise en compte de <strong>la</strong> variation du poids volumique avec<br />
<strong>la</strong> profondeur, discrétisation <strong>des</strong> <strong>ancres</strong> à <strong>succion</strong> en éléments finis de type coque, pour mieux<br />
décrire le comportement à <strong>la</strong> rupture du sol qui entoure le caisson, prise en compte de <strong>la</strong><br />
consolidation du sol dans les calculs en déformations mais couplés (hydro-mécanique), etc. La<br />
plu<strong>par</strong>t de ces possibilités sont déjà disponibles dans le code de calcul CESAR-LCPC, mais il<br />
est nécessaire de disposer de plus de renseignements (résultats d’essais, solutions<br />
analytiques s’il est possible de les déterminer pour certains cas simples, etc.) pour les étu<strong>des</strong> à<br />
venir.<br />
16<br />
a) D/L = 0,65<br />
L/d = 2,5<br />
Composante verticale de fmax<br />
(kPa)<br />
14<br />
12<br />
10<br />
8<br />
6<br />
4<br />
2<br />
0<br />
LIMI<br />
MCNL<br />
0 2 4 6 8 10<br />
Composante horizontale de f max (kPa)<br />
b) D/L = 0<br />
L/d = 2,5<br />
Composante verticale de f max<br />
(kPa)<br />
16<br />
14<br />
12<br />
10<br />
8<br />
6<br />
4<br />
2<br />
0<br />
LIMI<br />
MCNL<br />
0 2 4 6 8 10<br />
Composante horizontale de f max (kPa)<br />
Figure 10. Domaine K <strong>des</strong> charges supportables pour une ancre à <strong>succion</strong> soumise à une<br />
force d’arrachement appliquée <strong>la</strong>téralement (D/L= 0,65 et L/d= 2,5).<br />
213
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