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Dossier - Till R. Kuhnle

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<strong>Dossier</strong><br />

<strong>Till</strong> R. <strong>Kuhnle</strong> (ed.)<br />

Benjamin Fondane – Écrire devant l’Histoire<br />

<strong>Till</strong> R. <strong>Kuhnle</strong><br />

Tu es réservé pour un grand Lundi!<br />

(Introduction)<br />

Tu es réservé pour un grand Lundi! -<br />

Bien parlé! Mais le Dimanche ne finira jamais /<br />

Du bist aufgehoben für einen großen Montag<br />

Wohl gesprochen, aber Sonntag endet nie 1<br />

Cette citation de Kafka se trouve en exergue de l’essai Le Lundi existentiel et le<br />

dimanche de l’Histoire qui, publié en 1944, dresse un premier bilan de cette „nouvelle<br />

génération existentielle“ autour de Camus et de Sartre qui finira par dominer<br />

sous l’étiquette d’existentialisme le discours philosophico-politique de l’aprèsguerre.<br />

L’auteur de cet essai entreprend ici une analyse de la philosophie de l’existence<br />

(Existenzphilosophie) et notamment de l’existentialisme naissant à travers<br />

une relecture critique de quelques passages de Hegel. 2 Il s’acharne contre toute<br />

forme de philosophia perennis, contre la soumission du singulier à l’universel,<br />

contre le règne de l’Esprit au moyen de l’Idée – bref, contre toutes les tentations<br />

auxquelles la „nouvelle génération existentielle“ s’empresse de céder, trahissant<br />

ainsi la révolution de la pensée préparée par les philosophes Kierkegaard, Nietzsche,<br />

Jules de Gaultier et Chestov, par l’ethnologue Lévy-Bruhl ou par le théoricien<br />

des sciences Stéphane Lupasco.<br />

*<br />

Ces réflexions sont sorties de la plume de Benjamin Fondane, né Benjamin Wechsler<br />

d’une famille juive en 1898 à Jassy (Iaşi) en Roumanie. Très jeune, il faisait<br />

déjà preuve d’un éminent talent littéraire: poèmes, essais, drames et critiques littéraires<br />

qu’il signe, s’il n’utilise pas un autre de ses nombreux pseudonymes, de son<br />

nom de plume: B(enjamin) Fundoïanu. De plus en plus tourné vers la culture française<br />

et confronté à l’antisémitisme croissant en Roumanie qui avait contribué à<br />

l’échec de son petit théâtre d’avant-garde, il décida en 1923 de s’installer à Paris<br />

et de changer son nom de plume en Benjamin Fondane. Ses œuvres, rédigées<br />

d’abord en roumain et à partir de 1928 (cf. la contribution de M. Jutrin) principalement<br />

en français, allaient désormais témoigner d’un talent inouï dans plusieurs<br />

118


<strong>Dossier</strong><br />

domaines – il était non seulement poète, philosophe et dramaturge, mais aussi<br />

réalisateur de cinéma. A Paris, il participait aux grands débats philosophiques et<br />

littéraires, notamment dans les milieux d’avant-garde sans pour autant adhérer à<br />

l’un de ces mouvements. Or, sous l’Occupation, la menace pour sa personne devenait<br />

jour après jour plus grande, malgré sa notoriété naissante et ses nombreux<br />

amis. En 1944, il fut arrêté par la police française, puis déporté à Auschwitz-Birkenau<br />

où il mourut, assassiné dans une chambre à gaz. 3<br />

Fondane a laissé une œuvre importante, une œuvre interrompue par la mort<br />

brutale de son auteur dans la force de l’âge: une grande partie de ses écrits a été<br />

publiée à titre posthume, et le travail sur ses manuscrits promet encore des révélations.<br />

4 Depuis ses premières tentatives littéraires en roumain (cf. la contribution de<br />

C. Oszi), 5 il s’avère à la fois poète et philosophe, 6 ce qui signifie que toute son<br />

écriture se développe entre ces deux pôles: sa poésie cherche cette vérité que le<br />

philosophe défend, une vérité inaccessible à la raison, à une pensée fidèle au principe<br />

de contradiction, une vérité qu’il ne faut pas seulement vivre, mais à laquelle il<br />

faut participer. Oscillant ainsi entre ces deux pôles extrêmes, il cherche différentes<br />

formes d’expression: le théâtre, le poème en prose, l’essai philosophico-théologique,<br />

le reportage, la critique littéraire et artistique, le cinéma… – sans pour autant<br />

abandonner la poésie et ses travaux sur une œuvre philosophique qui ne sera jamais<br />

achevée. Selon Fondane, il n’est point de contradiction entre ces deux formes<br />

d’appréhender la vie et ainsi l’art. Par conséquent, on peut constater un fil<br />

conducteur qui traverse son œuvre. Celle-ci n’est en rien le produit d’un touche-àtout<br />

superficiel, d’un homme-orchestre, mais elle est emplie d’une expérience et<br />

d’une volonté qui culminent dans l’éthique du refus d’un irrésigné. Il s’est approprié<br />

Kierkegaard, de Gaultier et Nietzsche, puis Chestov et Lévy-Bruhl, sans pour autant<br />

fondre leurs approches philosophiques et leurs terminologies à la manière de<br />

cet éclecticisme menant aux nombreux „existentialismes“; il s’est approprié Rimbaud<br />

et Baudelaire, mais aussi certaines approches avant-gardistes, sans pour<br />

autant s’éloigner d’une recherche poétique originale renonçant à faire éclater le<br />

langage poétique à la manière du futurisme ou de dada; la richesse de ses images<br />

poétiques évoque le surréalisme avec lequel il est pourtant aux prises car les mandarins<br />

de ce mouvement cherchent à les régir par leur discursivité nourrie de la<br />

psychanalyse freudienne et de l’orthodoxie marxiste. Pour sa poésie, il revendique<br />

un lyrisme „sismographique“ tourné vers le vécu (cf. la contribution d’I. Pop). Bien<br />

que souvent inspirées par la Bible et la Kabbale, ses images poétiques sont riches<br />

en métaphores originales qui ne resteront pas sans écho – c’est l’œuvre de<br />

Claude Vigée qui en témoigne (cf. la contribution d’A. Mounic).<br />

La pensée de Fondane est profondément marquée par son judaïsme et la Bible,<br />

pour lui source intarissable de „philosophie vivante“. Toutefois, il n’adhère ni à<br />

l’orthodoxie religieuse, ni au sionisme pour lequel il montre pourtant un vif intérêt<br />

dans sa version culturelle. 7 Sa quête philosophique est celle d’une issue pour<br />

l’individu; c’est une quête qui le jette dans une vive polémique avec la tradition philosophique<br />

occidentale et dans un débat avec la phénoménologie et avec la philo-<br />

119


<strong>Dossier</strong><br />

sophie de l’existence; c’est une quête entre la foi et la métaphysique, ces deux<br />

pôles irréconciliables de la pensée représentés par les noms de Jérusalem et<br />

d’Athènes (cf. la contribution de M. Jutrin); 8 c’est une quête qui, par ailleurs, cherche<br />

à puiser, notamment à travers l’œuvre de Lévy-Bruhl, dans la richesse de la<br />

pensée dite primitive 9 et de la philosophie orientale. 10 Mais avant tout, les rencontres<br />

avec Jules de Gaultier (cf. la contribution d’A. Gonzi) et Léon Chestov (cf.<br />

la contribution de M. Jutrin) l’ont aidé à exprimer sa pensée en termes philosophiques<br />

et à découvrir Nietzsche et Kierkegaard (cf. la contribution de D. Ştefănescu)<br />

dans toute leur profondeur. Avec Nietzsche, il partage le style polémique. Polemos<br />

et aphorismos – le combat et le fait de bien délimiter les choses sont les principes<br />

même de Nietzsche philosophant „à coups de marteau“. Mais „délimiter“ ou „définir“<br />

ne signifie pas „déterminer“. Il s’agit de „faire sortir“ la vérité afin d’assigner aux<br />

choses leur juste valeur – tout en faisant valoir l’ambiguïté qui en résulte. Telle est<br />

aussi la ‘méthode’ de Fondane philosophe qui s’exprime avant tout à travers des<br />

écrits critiques.<br />

Bien avant Adorno, il a ressenti dans l’œuvre de Kafka (cf. la contribution de<br />

J. David) ce choc profond qui, en faisant frémir la physis, 11 envoie à quelque<br />

chose de tout autre que notre pensée ne sait pas encore saisir. Ceci amène ce<br />

génie à la fois philosophique et poétique qu’est Fondane à s’exprimer non seulement<br />

à travers sa poésie et à travers sa polémique avec les maîtres penseurs,<br />

mais aussi à travers la lecture critique d’autres poètes. C’est dans son Rimbaud le<br />

voyou qu’il lance le crédo de sa pensée, le rejet de l’Idée, cette ancelle de l’Esprit<br />

(cf. la contribution de M. Jutrin) qui se soumet l’homme – qui nie l’individuel, le singulier,<br />

au nom de l’universel: „Si un Rimbaud ne venait pas de temps à autre jeter<br />

le trouble dans l’idée que l’esprit se fait de lui-même, l’homme pourrait enfin dormir<br />

sur ses deux oreilles“. 12 Il développe ici une première défense et illustration de la<br />

poésie en tant que quintessence de la philosophie – tout en cherchant à dépasser<br />

cette dernière. Par ailleurs, dans l’ébauche d’un chapitre qui ne figure pas dans<br />

l’édition de 1933, 13 il constate que „Rimbaud métaphysicien et philosophe“ n’a lu<br />

aucun livre de philosophie. 14<br />

Même s’il choisit Hegel comme bouc émissaire, il suit – inspiré par Jean Wahl<br />

(Malheur de la conscience dans la philosophie de Hegel, 1929) – l’exemple de<br />

l’anti-hégélien Kierkegaard en empruntant un terme forgé par le philosophe allemand:<br />

das unglückliche Bewußtsein – à savoir l’état de la conscience qui, après<br />

avoir atteint une liberté absolue par son abstraction, ne connaît ni apaisement ni<br />

repos. 15 Sous le titre La Conscience malheureuse, il publie en 1936 un recueil qui<br />

réunit une série d’essais consacrés à Nietzsche, à Gide, à Husserl, à Bergson, à<br />

Freud, à Kierkegaard, à Heidegger, et à Chestov. Au fait, il s’agit d’articles parus<br />

auparavant dans des revues, mais qui ont subi d’importantes modifications avant<br />

d’être repris en volume. Il s’ensuit que celui-ci est traversé d’un fil conducteur qui<br />

mène à une critique fondamentale de la philosophie de l’existence venue<br />

d’Allemagne. Ainsi, dans le dernier ‘chapitre’ intitulé „Chestov, Kierkegaard et le<br />

serpent“, Fondane écrit à propos de la tragédie d’une conscience qui s’avère mal-<br />

120


<strong>Dossier</strong><br />

heureuse: „Elle [la conscience] est malheureuse par sa faute assurément, mais<br />

c’est s’arrêter à mi-chemin que de poser comme Heidegger, qui cependant a suivi<br />

Kierkegaard, qu’il y a une faute dans l’être, une culpabilité, sans chercher à savoir<br />

quelle est cette faute“. 16 En fait, c’est le refus de toute théorie que Fondane apprécie<br />

dans l’œuvre d’un grand sculpteur roumain qu’il vante pour être proche de la<br />

matière: „Jamais Brancusi ne pourra prêcher, ni même proposer, l’Idéal, l’Idée,<br />

mais seulement un idéal, une idée. En ce sens foncièrement insociable, l’œuvre<br />

de Brancusi ne nous donne pas, en terme de son effort, quelque surhomme, ni<br />

même l’homme en chemise ou l’homme à poil, mais l’homme-poisson, l’hommemonstre.<br />

L’album de l’Histoire naturelle de Max Ernst se trouve dans ces parages<br />

également“. 17<br />

Dans les deux exemples cités, Fondane montre à quel point son style polémique<br />

touche au vif du sujet tout en conservant une ambiguïté qui révèle une profondeur<br />

de la pensée par le refus du Begriff. Le refus de tout concept (métaphysique)<br />

est pour lui le seul garant de la liberté de l’individu. Ce refus va de pair avec une<br />

vocation de l’art qu’il défend dans „un discours non prononcé au Congrès Internationales<br />

des Ecrivains de Paris (1935)“ intitulé L’Ecrivain devant la Révolution: „[…]<br />

l’artiste a une mission d’exploration dans l’individu; il est un créateur de valeurs<br />

psychologiques (qui tiennent du mythologique, du religieux et du sexuel) et non un<br />

détenteur de talent servile à un contenu déterminé à l’avance, ce contenu eût-il,<br />

par ailleurs, une importance sentimentale et passionnelle à laquelle il ne songe pas<br />

un seul instant à se dérober. Comme on le sait très bien l’expression de l’art diffère<br />

de l’expression des valeurs sociales, alors même qu’elle lui est éthiquement identique.<br />

L’esthétique une fois admise comme un mode d’action et de connaissance, il<br />

saute aux yeux les moins avertis qu’elle ne saurait parler le langage de l’éthique<br />

sans compromettre sa propre partie“. 18<br />

Or, à travers ces textes, commence à se dessiner le fondement philosophique<br />

de la vue fondanienne sur la poésie et sur les arts. Selon lui, „La naissance du<br />

concept de l’art fut un événement historique malheureux, un témoignage de décadence,<br />

le signe premier d’une rupture fondamentale, d’une ‘aliénation’ sensible de<br />

la réalité primitive“. 19 Tel est le constat principal de son Faux Traité d’esthétique<br />

paru en 1938. 20 Cette aliénation devient manifeste à travers une esthétique de<br />

l’imitation, fruit d’une pensée qui éloigne l’homme d’une expérience originelle de<br />

l’art. Etant donné que Fondane fit sa première rencontre avec Nietzsche à travers<br />

la lecture de La Naissance de la tragédie, on n’a certainement pas tort de penser<br />

au „dionysien“. L’esthétique dite idéaliste signifie donc le triomphe de l’Esprit sur<br />

l’art. Chez le jeune Nietzsche, on peut trouver la critique d’une dépravation de<br />

l’apollonien dans une civilisation qui s’éloigne de la grandeur de l’homme hellénique<br />

assumant le choc du dionysien, une dépravation de l’apollonien qui finit par<br />

confiner l’homme ‘civilisé’ dans une fausse ontologie où domine la Raison – et qui,<br />

en esthétique, s’exprime par le principe d’imitation. Ceci dit, il faut constater avec<br />

Fondane un tournant décisif dans le développement des arts au moment de<br />

l’avènement d’un nouveau moyen de reproduction: „Or, il nous le faut avouer, la<br />

121


<strong>Dossier</strong><br />

stricte servile copie de la réalité intelligible, outre qu’elle ne sévit que dans une<br />

stricte petite mesure (la photographie elle-même, qui servait presque exclusivement<br />

à désigner cet art-imitation, s’en est, en cinquante ans d’existence, progressivement<br />

délivrée) ne tient qu’une minime place dans notre histoire de l’art et ne<br />

jouit que d’une piètre estime“. 21<br />

En parlant de „la réalité primitive“, il s’appuie sur l’ethnologue Lévy-Bruhl dont la<br />

pensée ne fut pas seulement la source d’inspiration pour le Faux Traité d’esthétique,<br />

mais aussi pour une nouvelle théorie de la connaissance qui cherche à<br />

s’affranchir du principe de contradiction en tant que fondement de la pensée occidentale.<br />

Dans son article Lévy-Bruhl et la métaphysique de la connaissance de<br />

1940, Fondane apprécie en Lévy-Bruhl d’avoir su surmonter les „sombres limites“<br />

de sa science et, sans le vouloir vraiment, „modifier profondément la conception<br />

que la philosophie, tant antique que moderne, se faisait des rapports qui existent<br />

entre la connaissance et l’être“. 22 En renversant, par sa découverte du monde<br />

mental des primitifs, l’apriori de la „théorie des connaissances“, l’ethnologue rejoint<br />

dans la radicalité de sa démarche Rimbaud, cet autre philosophe-métaphysicien<br />

malgré lui: „Nul [en parlant de Lévy-Bruhl] n’aurait osé mettre en doute l’axiome<br />

fondamental qui veut qu’à la raison seule (c’est-à-dire l’intelligente, astreinte par<br />

elle-même à un certain nombre de lois immuables dont le principe de contradiction)<br />

appartiennent exclusivement, et de plein droit, non seulement la vérité mais<br />

aussi l’être: ordo et connexio idearum, idem est, ac ordo et connexio rerum. Ou<br />

bien, dans la traduction hégélienne: Was wirklich ist, ist vernüftig“. 23<br />

Ainsi, Fondane découvre, grâce à Lévy-Bruhl, la loi de participation que ce dernier,<br />

dans son étude Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, décrit<br />

comme la structure même de la pensée dite prélogique des ‘primitifs’: „En l’appelant<br />

prélogique, je veux dire qu’elle ne s’astreint pas avant tout, comme notre pensée,<br />

à s’abstenir de la contradiction. Elle obéit d’abord à la loi de participation.<br />

Ainsi orientée, elle ne se complaît pas gratuitement dans la contradiction (ce qui la<br />

rendrait régulièrement absurde pour nous) mais elle ne songe pas non plus à<br />

l’éviter. Elle y est, le plus souvent, indifférente“. 24 Ce passage est cité par Fondane<br />

qui en souligne la conséquence radicale pour une pensée qui doit faire face au<br />

mislogos puisque la pensée de participation des primitifs dévoile une forme de<br />

connaissance qu’il faut désormais assumer: „Jamais les droits de la connaissance,<br />

jamais ceux de l’éthique n’ont été plus radicalement affirmés, sans égard pour les<br />

conséquences, que par un Nietzsche, un Kierkegaard ou un Plotin; mais jamais<br />

aussi personne n’a osé aller plus loin qu’eux dans la proclamation des pouvoirs de<br />

l’Absurde. Mais il arrive aussi, et c’est le cas de Lévy-Bruhl – comme c’était en partie<br />

le cas de Freud, qui était rationaliste sans être un philosophe – qu’une conscience<br />

claire ne se saisisse pas de l’événement“. 25<br />

Fondane poursuivra jusqu’à la fin cette quête d’une philosophie tournée vers<br />

l’irrationnel et vers l’affectivité; au cours de sa quête il y aura encore des rendezvous<br />

intellectuels manqués. Avec Stéphane Lupasco, par exemple, qui cherche<br />

une logique de la contradiction. Négligeant l’affectivité, ce physicien philosophe ne<br />

122


<strong>Dossier</strong><br />

va pas jusqu’au bout de sa pensée mais tombe dans le même piège que la „nouvelle<br />

génération existentielle“ autour de Sartre et de Camus. Ainsi, Fondane<br />

conclut dans son fragment sur Lupasco (L’Etre et la connaissance): „[…] l’Etre<br />

s’est, hélas encore une fois évanoui car l’esprit humain ne fait précisément que la<br />

seule chose qui lui est révélée infailliblement“. 26<br />

Fondane part donc d’un dualisme irréductible entre la pensée discursive et la<br />

pensée de participation. Seule à travers cette dernière, l’homme retrouve le chemin<br />

du sacré. En revanche, Fondane ne cherche pas un retour à un état antérieur,<br />

à savoir primitif, mais les affinités électives entre les primitifs et „ce non-être, que<br />

chantent les modernes“. 27 Ces affinités se font tout d’abord ressentir à travers<br />

l’art. Ainsi, on peut lire dans le Faux Traité d’esthétique: „Le courant esthétique<br />

passe de la réalité des primitifs dans la non-réalité des modernes, sans solution de<br />

continuité, sans brisure; le réalisme des primitifs et la ‘fiction’ des modernes ont un<br />

point de commun: ils fraternisent; une sculpture nègre se situe dans le même ordre<br />

de qualité qu’une toile, je ne dis pas même de Picasso, mais de Brueghel ou<br />

de Jérôme Bosch. Nul point de contact, par contre, entre les deux ‘réalismes’; le<br />

courant tourne court“. 28<br />

Son esthétique de participation tient donc compte du fait que l’art est entré dans<br />

– pour le dire avec Walter Benjamin – „l’époque de sa reproduction mécanisée“,<br />

mais les œuvres doivent désormais, à travers les innovations technologique, développer<br />

leurs propres langages, comme c’est le cas pour la photographie et notamment<br />

pour le cinéma vers lequel se tournera Fondane – tout en s’affranchissant du<br />

principe d’imitation. Par ailleurs, le premier livre de Fondane publié en langue française<br />

– accompagné de deux photos de Man Ray – porte le titre Trois Scenarii:<br />

ciné-poèmes (1928). 29 Or, la dualité irrémissible de la pensée de participation et<br />

de la Raison constatée par Fondane rappelle encore les deux pulsions agissant<br />

selon Nietzsche dans l’art: le dionysien et l’apollonien, avec cette différence pourtant<br />

que, pour Fondane, la participation est le but ultime de l’art – et d’une vie tournée,<br />

dans sa singularité, vers le sacré, et que la Raison doit être ‘appliquée’ exclusivement<br />

au domaine du pratique et point à celui de la métaphysique qui la transforme<br />

en idéologie.<br />

Deux années après la publication des Trois Scénarii, il aura ses premiers<br />

contacts avec la pratique de l’art cinématographique: au printemps 1930, Fondane<br />

– qui, en Roumanie, a commencé comme homme de théâtre 30 – entre aux studios<br />

Paramount à Joinville-le-Pont comme assistant-metteur en scène et scénariste.<br />

Son entrée définitive dans le monde du cinéma aura lieu en 1934 en Suisse avec<br />

la production de Rapt, une adaptation du roman La Séparation des races de Ramuz<br />

réalisée par Dimitri Kirsanoff et pour laquelle il rédigera le scénario. Ce film<br />

accompagné de la musique d’Arthur Honegger et d’Arthur Hoérée compte aujourd’hui<br />

parmi les chefs-d’œuvre du cinéma suisse. Introuvable, en revanche,<br />

reste Tararira, ce film musical d’inspiration Dada que Fondane réalisera deux années<br />

plus tard en Argentine et qui sera sa dernière œuvre cinématographique. En<br />

outre, il est l’auteur de plusieurs essais importants sur le cinéma. 31 L’esthétique de<br />

123


<strong>Dossier</strong><br />

participation n’est point en contradiction avec son intérêt pour le cinéma, notamment<br />

pour un cinéma défini à partir des principes qui lui sont propres. Et il aurait<br />

certainement souscrit à Elie Faure constatant cette étonnante coïncidence que le<br />

cinématographe et la découverte des arts dits primitifs venaient en même temps<br />

„bouleverser nos notions esthétiques les plus arrêtées, et par suite éveiller le doute<br />

dans nos âmes et l’angoisse dans nos cœurs“. 32<br />

124<br />

*<br />

Face à une situation „qui semble nous situer au plein milieu de l’Apocalypse de<br />

Jean“, 33 Fondane s’en prend à une philosophie de l’Histoire cherchant à sceller le<br />

triomphe de la Raison: „Une telle vue, écrit-il dans son article L’Homme devant<br />

l’histoire de 1939, est à l’origine des maux les plus importants qui affligent le<br />

monde moderne“, 34 Par ce constat, il anticipe, en quelque sorte, La Dialectique de<br />

la Raison de Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, texte fondateur de l’Ecole<br />

de Francfort qu’il dépasse pourtant en lucidité: „Vous voyez bien que, aussi ‘barbare’<br />

qu’il soit, M. Hitler est non seulement raisonnable, mais qu’il est la Raison<br />

même enfin sincère, cette raison qui, bien avant le dictateur allemand, avait été<br />

gênée que le Christ fût mort ‘en pleurnichant’ et qui fut si heureuse lorsque Jean<br />

[19, 16-30] s’avisa de le faire mourir noblement, en le faisant crier à l’instar de Planetta:<br />

‘Heil Jéhova! Tout est accompli!’“. 35 Face à cette situation, il faut se révolter,<br />

il faut se défendre, mais point au nom d’une idée puisque l’Idée a engendré<br />

l’abjection du national-socialisme. Ainsi, L’Homme devant l’Histoire finit sur la critique<br />

d’une modernité tournée exclusivement vers le progrès scientifique où<br />

l’homme demande à la physique de répondre aux questions existentielles: „Celui<br />

qui a besoin de ces réponses, et coûte que coûte (ne s’inclinant pas devant<br />

l’inévitable), continuera à les exiger et dût-on les lui donner sous des espèces auxquelles<br />

sa raison d’homme répugne; mais quand il a échoué partout, ce n’est plus<br />

à l’homme de poser des conditions“. 36 Ce sont les paroles d’un irrésigné face au<br />

gouffre que la modernité ne cesse de creuser!<br />

A la manière de Walter Benjamin, Fondane se sert de Charles Baudelaire afin<br />

d’illustrer cette modernité dévastatrice (cf. la contribution d’I. Pop-Curşeu). En<br />

revanche, il ne partage pas le matérialisme dialectique du philosophe allemand –<br />

tout en partageant le même espoir. Dans son livre Baudelaire et l’expérience du<br />

gouffre, 37 c’est à travers Kafka que devient sensible l’unique espoir de l’irrésigné:<br />

l’espoir messianique (Cf. la contribution de J. David). 38 Et c’est à Kafka que Fondane<br />

empruntera la devise – citée au début de cette introduction – pour Le Lundi<br />

existentiel et le Dimanche de l’Histoire.<br />

Malgré la reprise des thèmes récurrents d’une pensée profondément ancrée<br />

dans le judaïsme, ce texte surprenant n’est point le testament philosophique d’une<br />

victime de la Shoah, mais il propose une défense et illustration de la pensée existentielle<br />

contre toute philosophia perennis et universalis. Or, l’homme cherche – tel<br />

est son paradoxe – à se soumettre à ce qui est non seulement fait pour lui, mais


<strong>Dossier</strong><br />

aussi créé ou établi par lui-même. C’est par la bouche de l’évangéliste Marc – cité<br />

également par Fondane – que Jésus nous a mis en garde: Sabbatum propter<br />

hominem factum est et non homo propter Sabbatum (Marc, II. 27). 39 Il devrait en<br />

être de même pour ce Dimanche appelé chez Fondane „Histoire“, mais l’Histoire<br />

impose son ‘sens’ à l’espèce humaine – qui, au nom de la Raison, ne cesse de<br />

tisser son propre linceul.<br />

Selon Fondane, la pensée dans la tradition hégélienne cherche à soumettre le<br />

particulier au général ou à l’universel que l’Esprit est censé incarner. Par conséquent,<br />

l’idéalisme arrive à calmer cette insécurité qui émane du particulier et de sa<br />

finitude pour aboutir à une „apologie de la guerre“. Ainsi parlait Hegel:<br />

Dans les chaires, on entend souvent parler de l’insécurité, de la vanité, de<br />

l’inconstance des choses temporelles: mais chacun pense, si ému soit-il, qu’il conservera<br />

ce qui est le sien. Que cette insécurité apparaisse réellement sous la forme des<br />

hussards sabre au clair et que tout cela cesse d’être une plaisanterie, alors ces même<br />

gens édifiés et émus, qui avaient tout prédit, se mettent à maudire les conquérants.<br />

Néanmoins, les guerres ont lieu quand elles sont nécessaires; puis les récoltes poussent<br />

à nouveau et les bavardages se taisent devant le sérieux de l’Histoire. 40<br />

La philosophie de l’existence dans le sillon de Heidegger affirme le pouvoir magique,<br />

la Zauberkraft (terme repris en allemand par Fondane), 41 du néant assurant<br />

le sérieux de l’Histoire par le fait de constater „qu’il y a une faute dans l’être“ (cf. cidessus)<br />

– tout en renonçant à questionner cette faute: sous la plume de la „nouvelle<br />

génération existentielle“, l’angoisse et le néant ne sont que des ‘mythes’, des<br />

concepts. Il en est de même avec l’absurde puisque, constate Fondane, „l’Absurde<br />

[à savoir l’Absurde de Kierkegaard et de Chestov] n’est pas en deçà, mais au-delà<br />

de la Raison“ (cf. la contribution de D. Ştefănescu). En revanche, dans l’angoisse<br />

– telle qu’elle a été démontrée par Kierkegaard – la Zauberkraft a perdu sa puissance.<br />

Il s’ensuit le constat de Fondane que „si l’angoisse en effet précède la logique,<br />

l’existant précède donc l’existence et le singulier le général“. 42 Il ne reste<br />

donc que la voix que le poète lève devant l’Histoire (cf. la contribution de G. Vanhese):<br />

Ulysse exprime l’errance de l’espèce humaine (cf. la contribution d’I. Pop) et<br />

Titanic forge le symbole de l’échec de l’humanisme (cf. la contribution de C.<br />

Oszi). 43<br />

La philosophie existentielle en tant que philosophie ou pensée de participation<br />

signifie le refus de toute expérience au second degré afin de faire valoir le singulier<br />

et ainsi l’homme. Tournée vers l’expérience du sacré faite à travers l’art, cette philosophie<br />

se révèle comme une philosophie de l’exception dès qu’elle s’ouvre entièrement<br />

au réel. L’évènement ultime vers lequel elle aspire est désigné par la<br />

phrase énigmatique de Kafka: „Tu es réservé pour un grand Lundi!“. C’est la voix<br />

étrange du grand Lundi qui se lève en nous et qui menace le Dimanche d’une Histoire<br />

anxieuse de voir s’effondrer son sérieux. Partout où se lève cette voix, partout<br />

où l’on l’écoute pour se révolter, le Dimanche fait appel aux „hussards sabre au<br />

clair“ pour éviter la rupture du pouvoir magique: „Bien parlé! Mais le Dimanche ne<br />

finira jamais“. La parabole du grand Lundi et du Dimanche de l’Histoire renvoie au<br />

125


<strong>Dossier</strong><br />

moment messianique qui, en revanche, est situé en dehors de l’Histoire – pour<br />

abolir cette douloureuse séparation exprimée par le décalage du dernier vers de la<br />

„Préface en prose“ (Exode. Super Flumina Babylonis) par rapport au ‘corps’ du<br />

texte – évoquant une fois de plus ce Mal des fantômes (titre d’un autre cycle de<br />

poèmes) qui règne sur la poésie de Fondane:<br />

Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu<br />

se trouvera devant vos yeux. Il ne demande<br />

rien! Oubliez-le, oubliez-le! Ce n’est<br />

qu’un cri, qu’on ne peut pas mettre dans un poème<br />

parfait, avais-je donc le temps de le finir<br />

Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties<br />

qui avait été moi, dans un autre siècle,<br />

en une histoire qui vous sera périmée,<br />

souvenez-vous seulement que j’étais innocent<br />

et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,<br />

j’avais eu, moi aussi, un visage marqué<br />

par la colère, par la pitié et la joie,<br />

un visage d’homme, tout simplement! 44<br />

Postscriptum<br />

La Société d’étude Benjamin Fondane (SEBF) est une association (loi 1901) fondée en 1997.<br />

Depuis sa création, elle publie d’abord à Jérusalem, puis à Tel Aviv (Israël), sous la direction de<br />

Monique Jutrin, les Cahiers Benjamin Fondane (précédés par Les Bulletins de la Société d’études<br />

Benjamin Fondane, de 1994 à 1996; l’association étant encore informelle). Il s’agit d’une revue<br />

annuelle dont chaque numéro est conçu comme cahier thématique autour de l’œuvre de<br />

Benjamin Fondane. Les différents numéros des Cahiers Benjamin Fondane sont présentés sur le<br />

site de la SEFB qui offre également une chronologie détaillée ainsi qu’une bibliographie<br />

commentée des œuvres de Benjamin Fondane et des ouvrages qui lui sont consacrés. Aux<br />

monographies et aux nombreux ouvrages collectifs, dont les plus importants sont cités par les<br />

contributeurs au présent numéro de la revue Lendemains, s’ajoutent des numéros thématiques ou<br />

dossiers de plusieurs revues littéraires ou culturelles (liste non exhaustive): Cahiers du Sud, N°<br />

283, 1947; Non Lieu, N° 2-3 1979 (dir.: Michel Carassou, Paris); Europe, no 827, mars 1998 (dir.:<br />

Monique Jutrin, Tel Aviv); Cardozo Studies in Law and Literature, vol.6 no1, 1994 (dir.: Eric<br />

Freedman, Orléans / New York); Euresis, 1999-2000 (dir.: Mircea Martin, Bucarest); Acanthe (dir.:<br />

Jad Hatem. Beyrouth, Université de Saint-Joseph), 2002; Seine et Danube, 2004 (dir.: Mircea<br />

Martin, Bucarest); Altermed. La Méditerranée autrement 3, décembre 2009, 134-152 (Paris, Editions<br />

Non Lieu); Euresis, 2009 (dir.: Mircea Martin, Bucarest); Humanitas. Rivista di cultura, 2012<br />

(dir.: Alice Gonzi, Brescia). Pour les écrits de Fondane, Eric Freedman a établi une Bibliographie<br />

des œuvres publiées de Benjamin Fondane: 1912-2008, Paris, Non Lieu / SEBF, 2009. Par<br />

ailleurs, le site de la SEBF permet de consulter un choix d’articles des Cahiers Benjamin Fondane<br />

et des nombreux documents, souvent inédits.<br />

Adresse du site de la Société d’Etudes Benjamin Fondane: benjaminfondane.com<br />

Je remercie Monique et Isi Jutrin ainsi que Tania Bontems-Gabaude pour avoir parcouru d’un<br />

œil attentif les manuscrits.<br />

126


<strong>Dossier</strong><br />

1 Franz Kafka, Tagebücher 1910-1923 (= Gesammelte Werke 3), éd. par Max Brod, Frankfurt,<br />

Suhrkamp 1967, Tagebuch 12, 30 octobre 1921.<br />

2 Benjamin Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, in: Jean Grenier<br />

(dir.): L’Existence, Paris: Gallimard 1945, 25-54. Repr. in: Le Lundi existentiel et le dimanche<br />

de l’histoire suivi de La Philosophie vivante, textes réunis et introduits par Michel<br />

Carassou, Paris: Editions du Rocher 1990, 7-68. Les citations par la suite se réfèrent à<br />

l’édition de 1990. Cf. <strong>Till</strong> R. <strong>Kuhnle</strong>, „L’insoutenable fardeau de l’être: Benjamin Fondane<br />

devant Sartre et la ‘nouvelle génération existentielle’“, in: Monique Jutrin (dir.), Europe N°<br />

972 – <strong>Dossier</strong>: Penseurs existentiels des années trente, Paris: avril 2010, 233-254.<br />

3 Pour la biographie (intellectuelle) de Benjamin Fondane, cf. Monique Jutrin, Benjamin<br />

Fondane ou Le Périple d’Ulysse, Paris, Nizet 1989; Olivier Salazar-Ferrer, Benjamin<br />

Fondane, Paris, Oxus (Les Etrangers de Paris), 2004; Monique Jutrin, Avec Benjamin<br />

Fondane au-delà de l’Histoire, Paris, Parole et Silence, 2011; avec photos et documents:<br />

Patrice Beray et Michel Carassou (éd.), Benjamin Fondane: le voyageur n’a pas fini de<br />

voyager, Paris, Méditerranée 1996; Sophie Nagiscarde (éd.) et Société d’études Benjamin<br />

Fondane (réd.), Benjamin Fondane, poète, essayiste, cinéaste et philosophe [Catalogue<br />

réalisé à l’occasion de l’exposition „Benjamin Fondane, poète, essayiste, cinéaste et<br />

philosophe. Roumanie, Paris, Auschwitz. 1898-1944“, conçue et réalisée par le Mémorial<br />

de la Shoah et la Société d’études Benjamin Fondane, et présentée à Paris du 14 octobre<br />

2009 au 31 janvier 2010], Paris, Mémorial de la Shoah, 2010.<br />

4 Pour les lieux où sont conservés des manuscrits de Fondane, cf. la bibliographie dans<br />

Jutrin, Avec Benjamin Fondane au-delà de l’Histoire, op. cit.<br />

5 Outre sa collaboration à de nombreuses revues, il publie en 1918 Tagaduinta lui Petru<br />

(texte repris dans: Benjamin Fondane, Poèmes d’autrefois. Le reniement de Pierre, traduits<br />

du roumain par Odile Serre, Paris, Le temps qu’il fait, 2010 – avec une préface de<br />

Monique Jutrin); en 1922 Imagini și cărți din Franța (Benjamin Fondane, Images et livres<br />

de France, traduits du roumain par Odile Serre, Paris, Paris-Méditerranée, 2001); en<br />

1923 Priveliști (Paysages, recueil de poèmes). Cf. aussi B. Fundoianu, Opere I. Poezia<br />

antumă, édition critique de Paul Daniel, George Zarafu et Mircea Martin – avec une introduction<br />

de Mircea Martin et une postface d’Ion Pop, Bucarest, Art, 2011 (il s’agit du premier<br />

volume d’un grand projet d’édition des œuvres complètes de Benjamin Fondane en<br />

roumain; le second volume en voie de parution est une traduction et édition critique de<br />

Baudelaire et l’expérience du gouffre par Ion Pop et Ioan Pop-Curşeu, éditeur: Mircea<br />

Martin).<br />

6 Une première synthèse – loin d’être exhaustive – est proposée dans les actes du colloque<br />

de Royaumont de 1998: Moniqu Jutrin (dir.), Rencontres autour de Benjamin Fondane,<br />

poète et philosophe, Paris, Parole et Silence, 2002.<br />

7 A citer comme exemple, un texte écrit en 1919 à la suite d’une projection du film documentaire<br />

La vie des Juifs en Palestine, réalisé en 1913 par Noah Sokolovsky: Benjamin<br />

Fondane, „Vision de Palestine“, traduit du roumain par Carmen Oszi, in: <strong>Till</strong> R. <strong>Kuhnle</strong>,<br />

Carmen Oszi et Saskia Wiedner: Orient lointain – proche Orient. La présence d’Israël<br />

dans la littérature francophone, Tübingen, Narr (edition lendemains 15), 2011, 11-12. Cf.<br />

aussi la contribution de Carmen Oszi au présent volume.<br />

8 Monique Jutrin a réuni les textes les plus importants de Benjamin Fondane portant sur le<br />

judaïsme sous le titre Entre Jérusalem et Athènes. Benjamin Fondane à la recherche du<br />

judaïsme, Paris, Parole et Silence, 2009. Les textes de la première partie sont essentiellement<br />

des traductions des textes édités par Léon Volovici et Remus Zăstroiu : Iudaism şi<br />

elenism, Bucarest, Hasefer, 1999.<br />

127


<strong>Dossier</strong><br />

9 Cf. Dominique Guedj, „La lecture de l’œuvre de Lévy-Bruhl par Fondane: accord ou désaccord,<br />

in: Cahiers Benjamin Fondane N° 6, 2003, 56-71; pour la bibliographie commentée<br />

des textes de Fondane consacrés à Lucien Lévy-Bruhl cf. id., 59-61.<br />

10 En 1941, Fondane contribue à un numéro spécial des Cahiers du Sud intitulé Message<br />

actuel de l’Inde avec un examen comparatif de la pensée indienne (hindouiste/bouddhiste)<br />

et de la philosophie/métaphysique occidentale. Le texte a été réédité comme livre: Au<br />

seuil de l’Inde, texte édité par Michel Carassou, Paris, Fata Morgana, 1994. Cf. Dominique<br />

Guedj, „Au seuil de l’Inde: une pensée autre“, in: Cahiers Benjamin Fondane, N°<br />

14, 2011, 16-29.<br />

11 Theodor W. Adorno, Ästhetische Theorie, texte établi par Gretl Adorno et Rolf Tiedemann,<br />

Frankfurt a.M. 1973, 26.<br />

12 Benjamin Fondane, Rimbaud le voyou et l’expérience poétique, édition présentée par<br />

Michel Carassou, Paris, Non Lieu, 2010, 31.<br />

13 Pour la genèse du texte, cf. Monique Jutrin, „Sur les traces de Rimbaud le voyou“, in:<br />

Cahiers Benjamin Fondane, N° 9, 2006, 7-30.<br />

14 Id., 235.<br />

15 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Phänomenologie des Geistes (= Werke 3), Frankfurt<br />

a.M., Suhrkamp (stw), 2 e éd. 1989, 163; cf. <strong>Till</strong> R. <strong>Kuhnle</strong>, „Consciences malheureuses –<br />

ou Hegel à bâtons rompus”, in: Cahiers Benjamin Fondane, N° 13, 2010, 65-90.<br />

16 Benjamin Fondane, La Conscience malheureuse, Paris, Plasma, 1979, 255.<br />

17 Benjamin Fondane, ‘Brancusi’ suivi de ‘Marc Chagall’, avec une postface de Franck<br />

Guyon, Paris, Marguerite Waknine, 2011, 16. En automne 1929 paraît dans Les Cahiers<br />

de l’Etoile cet hommage au sculpteur qui est un ami de Fondane. La première publication<br />

de l’article sur Marc Chagall date de 1934 (Cahiers juifs en avril-mai).<br />

18 Benjamin Fondane, L’Ecrivain devant la Révolution. Discours non prononcé au Congrès<br />

des Ecrivains de Paris (1935), avec une préface de Louis Janover, Paris, Paris-Méditerranée<br />

(Les pieds dans le plat), 1997, 83sq.<br />

19 Benjamin Fondane, Faux Traité d’esthétique, présenté par Ann Van Sevenant, Paris-Méditerranée,<br />

1998, 95. C’est Fondane qui souligne.<br />

20 Le livre devait porter le sous-titre „Le poète et le schizophrène“ qui a été rayé par Fondane<br />

lui-même sur les épreuves de l’éditeur Denoël. Pour la genèse du texte, cf. Monique<br />

Jutrin, „Quelque part dans l’inachevable. Genèse du Faux Traité“, in: Cahiers Benjamin<br />

Fondane, N° 10, 2007, 19-27 et l’article de Michael Finkenthal: „Faux Traité<br />

d’esthétique: texte et contexte“, in: id., 28-34.<br />

21 Id., 97.<br />

22 Benjamin Fondane, „Lévy-Bruhl et la métaphysique de la connaissance“, in: Revue Philosophique<br />

de la France et de l’Etranger, 65 e année, 1940, 289-316, 290.<br />

23 Id., 290sq.<br />

24 Lucien Lévy-Bruhl, Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, Paris, Alcan,<br />

1910, 79. Ajoutons ici les précisions données par Lévy Bruhl au sujet de la loi de la participation:<br />

„[…] les représentations collectives des primitifs ne sont pas, comme nos<br />

concepts, le produit d’un travail intellectuel proprement dit. Elles contiennent, à titre de<br />

parties intégrantes, des éléments émotionnels et moteurs, et surtout elles impliquent, au<br />

lieu d’inclusions et exclusions conceptuelles, des participations plus ou moins nettement<br />

définies, mais en général, vivement senties. Pourquoi, par exemple, une image, un portrait<br />

sont-ils pour les primitifs une autre chose que pour nous D’où vient qu’ils leur attribuent<br />

les propriétés mystiques dont nous avons eu la preuve plus haut Evidemment que<br />

128


<strong>Dossier</strong><br />

toute image, toute reproduction ‘participe’ à la nature, aux propriétés ou de vie possédée<br />

par le modèle“ (id., 80)<br />

25 Fondane, „Lévy-Bruhl et la métaphysique de la connaissance“, op. cit., 302.<br />

26 Benjamin Fondane: L’Etre et la connaissance. Essai sur Lupasco, présenté par Michael<br />

Finkenthal, Paris, Méditerranée 1998, 94. Durant les années de guerre, Fondane travaillait<br />

à L’Etre et la connaissance, une étude consacrée à Chestov, Lévy-Bruhl et Lupasco.<br />

Le volume compte parmi les fragments qui ont été publiés après sa mort.<br />

27 Fondane, Faux Traité d’esthétique, op. cit. 97.<br />

28 Id., 97sq. Cf. dans ce contexte la comparaison de Fondane avec l’expressionniste allemand<br />

Carl Einstein proposée par Liliane Meffre et Olivier Salazar-Ferrer (dir.): Carl Einstein<br />

et Benjamin Fondane. Avant-gardes et émigration dans le Paris des années 1920-<br />

1930, Bruxelles et al., Peter Lang (Comparatisme et société 9), 2008. Or, aucune des<br />

contributions n’entreprend une vraie confrontation des différents concepts du primitif.<br />

29 Benjamin Fondane, Trois scenarii: ciné-poèmes, Bruxelles, Documents internationaux de<br />

l’Esprit Nouveau, 1928; repris dans Benjamin Fondane, Ecrits sur le Cinéma. Le Muet et<br />

le parlant, textes réunis et présentés par Michel Carassou, Olivier Salazar-Ferrer et Ramona<br />

Fotiade., Paris: Non lieu / Verdier poche 2007, ainsi que dans Christian Janicot,<br />

Anthologie du cinéma invisible: 100 scénarios pour 100 ans de cinéma, Paris, Jean-Michel<br />

Place, 1995.<br />

30 Actuellement accessibles sont Tagaduinta lui Petru (1918) en traduction française (op.<br />

cit.) et Le Festin de Balthazar (1932), Paris, Arcane 17, 1985. Une édition de l’œuvre<br />

dramatique – avec les inédits – de Fondane est annoncée depuis longtemps. Cf. Les Cahiers<br />

Benjamin Fondane, N° 11, 2008 consacrés au théâtre de Fondane.<br />

31 Cf. Fondane, Ecrits sur le Cinéma. Le Muet et le parlant, op.cit.; <strong>Till</strong> R. <strong>Kuhnle</strong>, „Le<br />

royaume du cinéma n’est pas encore de ce monde! Réflexions sur un art industriel“, in:<br />

Dorin Ştefănescu (dir.): B. Fundoianu şi încercarea paradoxului. Pentru o hermeneutică<br />

existenţială / B. Fondane et l’épreuve du paradoxe. Pour une herméneutique existentielle,<br />

Bukarest: Eikon, 191-209.<br />

32 Elie Faure: „Cinéma [1937]“, in: Cinéma, Houilles, Manucius, 2010, 121-149, 122.<br />

33 Benjamin Fondane, “L’homme devant l’histoire ou le bruit et la fureur“, in: Fondane, Le<br />

Lundi existentiel, op. cit., 123-148, 138; paru pour la première fois dans Les Cahiers du<br />

Sud, XVIII, 1939.<br />

34 Id., 136.<br />

35 Id., 143.<br />

36 Id., 148.<br />

37 Benjamin Fondane, Baudelaire ou l’expérience du gouffre, Paris Seghers, 1947; actuellement<br />

disponible dans certaines librairies: la réédition de Patrice Beray aux éditions Complexe<br />

(1994). Malheureusement, cette édition est dépourvue de toute rigueur philologique.<br />

Avant 1944 furent publiés deux fragments du même titre dans des revues. Pour la<br />

genèse du texte, cf. Monique Jutrin, „Fondane aux prises avec Baudelaire“, in: Cahiers<br />

Benjamin Fondane, N° 15, 2012, 7-18; Ion Pop, „Les défis d’une édition critique“ [à propos<br />

de l’édition roumaine en voie de parution]“, in: id., 19-26; Eric de Lussy, „La réception<br />

de Baudelaire et l’expérience du gouffre (1947-1994)“, in: id., 36-58. Ce numéro des Cahiers<br />

Benjamin Fondane contient également les „Principaux passages supprimés par les<br />

éditeurs“ (id., 27-35); il reproduit les fruits des travaux des „Rencontres de Peyresq de<br />

2011“, second colloque entièrement consacré au Baudelaire de Fondane – après celui de<br />

Cosenza en 1999 dont les actes font toujours office d’ouvrage de référence: Monique Ju-<br />

129


<strong>Dossier</strong><br />

trin et Gisèle Vanhese, Une Poétique du gouffre, Sur Baudelaire et l’expérience du gouffre<br />

de Benjamin Fondane, Rubbettino, 2004.<br />

38 Cf. <strong>Till</strong> R. <strong>Kuhnle</strong>, „Ernst und Revolte. Ein Versuch zum ‚existentiellen Messianismus’“, in:<br />

Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte, XXII, 1998, 107-136.<br />

39 Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, op. cit., 11sq.<br />

40 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Grundlinien der Philosophie des Rechts (= Werke 7),<br />

Frankfurt a.M., Suhrkamp (stw), 2 e éd. 1989, 494. Fondane, „Le Lundi existentiel et le<br />

Dimanche de l’Histoire“, op.cit., 25, cité d’après G. W. F. Hegel, Morceaux choisis, anthologie<br />

établie par Henri Levèbre, Paris, Gallimard 1936, 278. C’est Fondane qui souligne.<br />

41 Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, op.cit., 26, citant Hegel, Phänomenologie<br />

des Geistes, op. cit. 36.<br />

42 Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, op.cit., 28.<br />

43 Ce qu’atteste Jules de Gaultier: „Lettre à Benjamin Fondane“, du 26 mars 1937, in: Cahiers<br />

Benjamin Fondane, N° 12, 2009, 33-34, 34.<br />

44 Benjamin Fondane, Le Mal des fantômes, édition établie par Patrice Beray, Michel Carassou<br />

et Monique Jutrin, avec une préface d’Henri Meschonnic, Paris, Verdier poche,<br />

2006, 153. Cette édition contient Ulysse, Le Mal des fantômes, Titanic, L’Exode, et Au<br />

temps du poème. La „Préface en prose“ de 1942 est souvent citée, comme par exemple<br />

dans Robert Ganzo, Cinq poètes assassinés, Saint-Pol-Roux – Max Jacob – Robert<br />

Desnos – Benjamin Fondane – André Chennevière, Paris, Editions de Minuit, 1947, 157-160.<br />

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