Les grandes batailles navales de l'histoire - Marines-editions.
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<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong><br />
<strong>batailles</strong> <strong>navales</strong><br />
<strong>de</strong> l’histoire
Guy LE MOING<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong><br />
<strong>batailles</strong> <strong>navales</strong><br />
<strong>de</strong> l’histoire<br />
© Infomer, 2011<br />
13 Rue du Breil<br />
CS 46305<br />
35063 RENNES Ce<strong>de</strong>x, France<br />
www.marines-edition.com<br />
Toute reproduction ou traduction, même partielle,<br />
<strong>de</strong> cet ouvrage est soumise à l’autorisation écrite <strong>de</strong> l’éditeur.
Du même auteur<br />
La bataille navale <strong>de</strong>s « Cardinaux » (20 novembre 1759). Éditions<br />
ECONOMICA. Paris, 2003.<br />
Et l’océan fut leur tombe – Naufrages et catastrophes maritimes du XX e siècle.<br />
<strong>Marines</strong>-Éditions. Rennes, 2005.<br />
Grognes et colères <strong>de</strong> marins – Cinq siècles <strong>de</strong> mutineries maritimes. <strong>Marines</strong>-<br />
Editions. Rennes, 2006.<br />
<strong>Les</strong> fortunes <strong>de</strong> mer en images. <strong>Marines</strong>-Editions. Rennes, 2007.<br />
À Michelle<br />
e-docs<br />
Quand Philippe Auguste rêvait <strong>de</strong> conquérir l’Angleterre (1213, 1216)<br />
Le Lambda rouge, www.histoire-bataille.fr. 2008<br />
Trois expéditions norman<strong>de</strong>s en Angleterre : 1030, 1066, 1101<br />
Le Lambda rouge, www.histoire-bataille.fr. 2008<br />
La bataille navale <strong>de</strong> Poulo Aura – 15 février 1804<br />
Le Lambda rouge, www.histoire-bataille.fr. 2008<br />
Une expédition française au Mexique (1838-1839)<br />
Le Lambda rouge, www.histoire-bataille.fr. 2008<br />
L’auteur remercie son fils Arnaud<br />
pour l’ai<strong>de</strong> constante qu’il lui a apportée<br />
lors <strong>de</strong> la rédaction <strong>de</strong> cet ouvrage,<br />
tant dans la recherche documentaire que dans<br />
la relecture et le contrôle du manuscrit.
SOMMAIRE<br />
Voir table <strong>de</strong>s matières détaillée in fine<br />
Avant-propos<br />
Remarques préliminaires sur la guerre sur mer et les <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> 11<br />
Chapitre préliminaire<br />
Quelques jalons dans l’histoire <strong>de</strong> la guerre sur mer . . . . . . . . . . . . . . . . 21<br />
1 ère partie<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> l’Antiquité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35<br />
2 ème partie<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> du Moyen Âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93<br />
3 ème partie<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> la Renaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143<br />
4 ème partie<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> du XVII e siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189<br />
5 ème partie<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> du XVIII e siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277<br />
6 ème partie<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> du XIX e siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395<br />
7 ème partie<br />
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> du XX e siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505<br />
Annexes<br />
1 – Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 599<br />
2 – Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 605<br />
3 – In<strong>de</strong>x <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> <strong>batailles</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 611<br />
9
AVANT-PROPOS<br />
– oOo –<br />
Remarques préliminaires<br />
sur la guerre sur mer et les <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong><br />
Cet ouvrage est une rétrospective <strong>de</strong>s <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> l’histoire.<br />
Il en recense plus <strong>de</strong> six cents, <strong>de</strong>puis l’Antiquité jusqu’à une époque<br />
récente. Avant d’entrer dans le détail <strong>de</strong> ces actions, et pour mieux les<br />
comprendre, quelques définitions et quelques remarques préliminaires<br />
s’imposent.<br />
1 – Quelques définitions<br />
La bataille navale<br />
Une BATAILLE NAVALE est un affrontement armé <strong>de</strong> navires <strong>de</strong> guerre, se<br />
déroulant généralement sur la mer, et parfois sur un fleuve ou sur un lac. Le<br />
nombre <strong>de</strong> navires mis en jeu est très variable. Il peut se réduire à <strong>de</strong>ux : un<br />
navire contre un navire, luttant en combat singulier.<br />
On réserve souvent le mot BATAILLE aux affrontements importants, mettant<br />
en action <strong>de</strong>s armées <strong>navales</strong> ou <strong>de</strong>s escadres, et le mot COMBAT à <strong>de</strong>s affrontements<br />
plus limités mettant en action <strong>de</strong>s navires isolés ou <strong>de</strong>s divisions <strong>de</strong><br />
faible importance. Cette subtilité, toutefois, reste subjective et très souple.<br />
<strong>Les</strong> forces en présence<br />
Une bataille navale oppose généralement <strong>de</strong>s ensembles <strong>de</strong> navires : <strong>de</strong>s<br />
armées <strong>navales</strong>, <strong>de</strong>s escadres, <strong>de</strong>s divisions. La terminologie française<br />
usuelle, dans ce domaine, est la suivante :<br />
— Une ARMÉE NAVALE (ou FLOTTE) est une réunion, sous les ordres d’un<br />
même chef, d’un ensemble cohérent <strong>de</strong> navires, chargés d’une mission stratégique<br />
donnée. Elle peut regrouper plusieurs dizaines <strong>de</strong> bâtiments, voire<br />
plusieurs centaines.<br />
— Une ESCADRE est une subdivision <strong>de</strong> l’armée navale, commandée par un<br />
chef d’escadre (généralement un vice-amiral ou un contre-amiral). Il y avait<br />
autrefois trois escadres dans une armée navale : l’avant-gar<strong>de</strong>, le corps <strong>de</strong><br />
11
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> l’histoire<br />
bataille et l’arrière-gar<strong>de</strong>. Dans certains cas, l’escadre est un groupe autonome<br />
<strong>de</strong> navires, chargé d’une mission spécifique.<br />
— Une DIVISION est une subdivision <strong>de</strong> l’escadre, commandée par un chef<br />
<strong>de</strong> division (généralement un contre-amiral, voire un capitaine <strong>de</strong> vaisseau).<br />
Elle comporte quelques navires.<br />
Stratégie et tactique<br />
Ces <strong>de</strong>ux notions ne doivent pas être confondues, bien qu’elles relèvent<br />
toutes <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> « l’art <strong>de</strong> la guerre » ; elles se situent à <strong>de</strong>s échelons <strong>de</strong> responsabilité<br />
différents.<br />
La STRATÉGIE a pour finalité <strong>de</strong> gagner les guerres et d’atteindre les objectifs<br />
définis par le pouvoir politique. C’est elle qui choisit la manière générale <strong>de</strong><br />
conduire les opérations, les forces à mettre en œuvre, les théâtres d’opérations<br />
à privilégier, etc.<br />
La TACTIQUE a pour finalité <strong>de</strong> gagner les <strong>batailles</strong> ; elle prend en compte les<br />
exigences et les contraintes liées à une situation ponctuelle « <strong>de</strong> terrain »,<br />
définit la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> combat la mieux adaptée à cette situation, et en<br />
conduit l’exécution.<br />
2 – La guerre sur mer<br />
<strong>Les</strong> spécificités <strong>de</strong> la guerre sur mer<br />
La terre ferme est un lieu <strong>de</strong> vie ; <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s femmes y rési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
manière stable, en se partageant le sol disponible et les richesses associées.<br />
Cette communauté <strong>de</strong> vie les amène à délimiter <strong>de</strong>s territoires individuels et<br />
collectifs, et à définir <strong>de</strong>s structures sociales gérant ces domaines et leurs<br />
occupants (familles, tribus, États, etc.). La mer, à l’inverse, est un lieu <strong>de</strong> passage<br />
ouvert à tous ; ce n’est pas un lieu où l’on rési<strong>de</strong>, mais une voie <strong>de</strong> communication<br />
et d’échanges entre <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> vie.<br />
Cette caractéristique fondamentale entraîne <strong>de</strong>s différences profon<strong>de</strong>s<br />
entre la guerre sur terre et la guerre sur mer. Alors que les guerres terrestres<br />
ont souvent pour objet <strong>de</strong> conquérir le territoire d’un autre et d’y imposer<br />
son pouvoir, on ne conquiert pas la mer et on ne peut y exercer qu’un pouvoir<br />
restreint. Le terme <strong>de</strong> « maîtrise <strong>de</strong> la mer », utilisé par les stratèges, ne<br />
désigne pas la « possession » d’un bout <strong>de</strong> mer, mais la capacité d’interdire<br />
les mouvements et les échanges <strong>de</strong> l’ennemi sur une zone maritime donnée,<br />
et pendant un temps limité.<br />
Bien d’autres spécificités <strong>de</strong> la guerre sur mer résultent <strong>de</strong> la nature du<br />
milieu où elle se déroule. La mer est vaste, et les armées qui s’y affrontent<br />
se déplacent sur un espace étendu et ouvert à tous. Il n’existe pas, comme<br />
dans la guerre terrestre, la notion d’un « front » bien tracé, qui avance ou<br />
qui recule selon le rapport <strong>de</strong> force <strong>de</strong>s belligérants. <strong>Les</strong> chocs se produisent<br />
en <strong>de</strong>s points erratiques <strong>de</strong> l’océan, au gré <strong>de</strong>s poursuites ou <strong>de</strong>s rencontres.<br />
La mer ne permet pas non plus <strong>de</strong> se cacher, par ruse ou par<br />
Avant-propos<br />
besoin, dans <strong>de</strong>s abris naturels ; il n’y a sur mer que <strong>de</strong>ux possibilités face<br />
à l’ennemi : se battre en comptant sur sa force, ou se dérober en comptant<br />
sur sa vitesse.<br />
À quoi sert une marine <strong>de</strong> guerre <br />
Chaque État définit les missions <strong>de</strong> sa marine <strong>de</strong> guerre en fonction <strong>de</strong> ses<br />
choix politiques, <strong>de</strong> ses spécificités géographiques, <strong>de</strong> ses traditions nationales<br />
et <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s menaces qu’il ressent ; en d’autres termes, en fonction<br />
d’une « doctrine navale » qui lui est propre. Cependant, fixer <strong>de</strong>s<br />
missions trop spécifiques à la marine <strong>de</strong>vient vite une démarche réductrice :<br />
« Il n’est pas nécessaire, écrivait l’amiral Philippon 1 , d’assigner une mission<br />
précise à une flotte pour la construire. C’est le premier comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la<br />
puissance navale. » Il exprimait, par ces phrases un peu paradoxales, qu’une<br />
marine <strong>de</strong> combat a toujours une vocation plus large que ses missions particulières.<br />
En situation <strong>de</strong> guerre, une marine <strong>de</strong> combat a généralement trois missions<br />
principales :<br />
1) Utiliser sa force contre la force navale <strong>de</strong> l’ennemi. C’est la mission la<br />
plus traditionnelle <strong>de</strong> la GUERRE NAVALE : se battre. Elle peut, suivant les spécificités<br />
du conflit, avoir un caractère plus ou moins agressif ou défensif.<br />
2) Utiliser sa force contre les intérêts économiques <strong>de</strong> l’ennemi. Cette mission<br />
<strong>de</strong> GUERRE ÉCONOMIQUE peut revêtir plusieurs formes : blocus <strong>de</strong>s côtes<br />
ennemies, guerre contre les convois, guerre <strong>de</strong> course, etc.<br />
3) Utiliser sa force contre le sol ennemi (ou contre le sol occupé par<br />
l’ennemi). Cette mission, à laquelle on donne souvent, aujourd’hui, le nom<br />
<strong>de</strong> PROJECTION DE PUISSANCE, est mise en œuvre <strong>de</strong>puis les temps les plus<br />
anciens, sous forme <strong>de</strong> raids contre les côtes ennemies, <strong>de</strong> transport et <strong>de</strong><br />
débarquement <strong>de</strong> troupes, <strong>de</strong> bombar<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s villes côtières, etc.<br />
En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> conflit international, une marine <strong>de</strong> guerre peut<br />
utiliser ses moyens, et éventuellement sa force, pour <strong>de</strong>s missions d’assistance<br />
et <strong>de</strong> secours, <strong>de</strong>s missions humanitaires, <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong> police (lutte<br />
contre les trafics interdits, lutte contre la piraterie, lutte contre la pollution,<br />
protection <strong>de</strong> la pêche et <strong>de</strong>s installations off-shore).<br />
En toutes situations (paix, crise, guerre), l’une <strong>de</strong>s missions traditionnelles<br />
d’une marine <strong>de</strong> guerre est <strong>de</strong> montrer sa force pour éviter d’avoir à<br />
s’en servir. Cette fonction d’intimidation revêt <strong>de</strong>s formes et <strong>de</strong>s applications<br />
multiples : soutien à la diplomatie, présence militaire aux points sensibles<br />
<strong>de</strong> la planète, immobilisation <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> l’adversaire par la seule<br />
menace exercée, maintien <strong>de</strong> la paix par différentes stratégies <strong>de</strong> dissuasion,<br />
etc.<br />
1. PHILIPPON, Hilarion : La Royale et le Roi. Paris, France-Empire, 1982.<br />
12<br />
13
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> l’histoire<br />
<strong>Les</strong> mo<strong>de</strong>s d’action <strong>de</strong> la force navale<br />
Pour atteindre les grands objectifs assignés à une marine <strong>de</strong> guerre, les<br />
stratèges ont mis au point et codifié <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s générales <strong>de</strong> conduite <strong>de</strong>s<br />
opérations <strong>navales</strong>. Nous en citerons ici quelques-unes, parmi les plus courantes.<br />
La GUERRE D’ESCADRES est la forme la plus traditionnelle <strong>de</strong> la stratégie<br />
navale. C’est l’affrontement direct, par la force, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux flottes organisées <strong>de</strong><br />
navires. La guerre d’escadres a été considérée <strong>de</strong> tous temps comme le<br />
moyen le plus radical d’acquérir la « maîtrise <strong>de</strong> la mer », par la <strong>de</strong>struction<br />
<strong>de</strong>s forces vives <strong>de</strong> l’ennemi. Encore faut-il disposer d’un rapport <strong>de</strong> forces<br />
suffisamment avantageux, pour espérer atteindre cet objectif sans s’exposer<br />
au risque d’une défaite. Faute d’une telle supériorité, il est nécessaire d’avoir<br />
recours à d’autres stratégies.<br />
La PROJECTION DE PUISSANCE MARITIME a pour but d’apporter par la mer <strong>de</strong>s<br />
moyens militaires <strong>de</strong>stinés à soutenir les forces combattantes terrestres. Elle<br />
peut prendre la forme <strong>de</strong> débarquements <strong>de</strong> forces amphibies, <strong>de</strong> forces spéciales,<br />
<strong>de</strong> troupes terrestres ou <strong>de</strong> matériel <strong>de</strong> guerre ; elle comprend également<br />
les bombar<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s zones côtières <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s navires en mer, par<br />
projectiles traditionnels ou par missiles. La gran<strong>de</strong> mobilité et la gran<strong>de</strong><br />
autonomie <strong>de</strong>s forces <strong>navales</strong> actuelles permettent <strong>de</strong> mettre cette stratégie<br />
en œuvre dès les premières phases d’une crise internationale ; elle entraîne<br />
alors une forte pression, qui peut favoriser la recherche <strong>de</strong> solutions pacifiques.<br />
La GUERRE DE COURSE est une stratégie d’usure qui vise les intérêts économiques<br />
<strong>de</strong> l’ennemi par un harcèlement continuel <strong>de</strong> ses navires marchands.<br />
Son originalité est <strong>de</strong> ne pas être à la charge <strong>de</strong> l’État, mais confiée à<br />
<strong>de</strong>s entrepreneurs privés (armateurs et corsaires), qui fournissent les navires,<br />
les équipages et les armes nécessaires, et qui se rémunèrent sur les prises<br />
effectuées. Pour ne pas se transformer en piraterie sauvage, la guerre <strong>de</strong><br />
course doit s’inscrire dans un cadre réglementaire (lettres <strong>de</strong> marque délivrées<br />
par le représentant <strong>de</strong> l’État, contrôle <strong>de</strong> la validité <strong>de</strong>s prises, etc.).<br />
Stratégie très appréciée <strong>de</strong>s rois au XVII e et au XVIII e siècle (car peu coûteuse<br />
pour le budget <strong>de</strong> l’État), la guerre <strong>de</strong> course a eu <strong>de</strong>s résurgences au<br />
XX e siècle, en particulier lors <strong>de</strong> la Première Guerre mondiale.<br />
Le BLOCUS DES FORCES NAVALES consiste à empêcher les forces <strong>navales</strong> ennemies<br />
<strong>de</strong> sortir du port où elles sont enfermées. Suivant que les navires assurant<br />
ce blocus se trouvent plus ou moins loin du littoral, on parle <strong>de</strong> « blocus<br />
éloigné » ou <strong>de</strong> « blocus rapproché ». Lorsque le blocus se prolonge dans le<br />
temps, la flotte immobilisée finit par perdre une partie <strong>de</strong> son potentiel militaire<br />
(en raison <strong>de</strong> l’inactivité, du manque d’entraînement, <strong>de</strong> la démotivation<br />
<strong>de</strong>s équipages, etc.). Lorsque cet effet est obtenu, la force <strong>de</strong> blocus peut<br />
simuler un relâchement <strong>de</strong> la surveillance, afin d’inciter les captifs à sortir et<br />
Avant-propos<br />
<strong>de</strong> les faire tomber dans un piège tendu un peu plus loin. La stratégie du blocus<br />
a été largement utilisée contre la flotte française par les amiraux anglais<br />
du XVIII e siècle (Hawke, Jervis, Nelson).<br />
La FLOTTE EN PUISSANCE 1 (fleet in being) est un concept qui repose sur une<br />
idée <strong>de</strong> base très simple : une flotte n’a pas besoin <strong>de</strong> se battre pour exercer<br />
une influence sur l’ennemi ; même inactive et abritée dans un port, elle<br />
constitue une menace potentielle et donc mobilise <strong>de</strong>s forces ennemies, qui<br />
seraient utilisées ailleurs si elle n’existait pas. Une flotte est toujours plus<br />
utile lorsqu’elle est en vie que lorsqu’elle est coulée. Il est donc préférable,<br />
quand on n’est pas sûr <strong>de</strong> vaincre, <strong>de</strong> la mettre à l’abri plutôt que <strong>de</strong> l’exposer<br />
à la <strong>de</strong>struction. Un exemple illustre cette stratégie : le cuirassé allemand<br />
Tirpitz, pendant la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale, a passé toute son existence<br />
dans un fjord norvégien sans tirer un coup <strong>de</strong> canon ; il s’agissait là d’une<br />
volonté <strong>de</strong>s autorités alleman<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ne pas lui faire courir <strong>de</strong> risques,<br />
sachant que sa seule présence obligeait la Royal Navy à utiliser <strong>de</strong>s forces<br />
importantes pour escorter les convois <strong>de</strong> l’Arctique.<br />
Le BLOCUS COMMERCIAL a pour but <strong>de</strong> paralyser le trafic maritime commercial<br />
<strong>de</strong> la nation ennemie, <strong>de</strong> manière à interdire ses exportations (et donc à<br />
la priver <strong>de</strong> ressources financières extérieures), ainsi que ses importations (et<br />
donc à la priver <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nrées <strong>de</strong> base qu’elle ne peut trouver sur son sol).<br />
Pour être efficace, le blocus commercial nécessite la mise en œuvre d’une<br />
force navale souvent très importante, car les ports à surveiller sont généralement<br />
nombreux et répartis le long du littoral.<br />
La PROTECTION DES CONVOIS est une réponse à la guerre économique livrée<br />
par l’ennemi. Elle consiste à assurer l’escorte et la protection <strong>de</strong>s navires <strong>de</strong><br />
commerce transportant les <strong>de</strong>nrées <strong>de</strong> première nécessité ou le matériel <strong>de</strong><br />
guerre. Pour être efficace, l’escorte doit être en mesure <strong>de</strong> faire face à la plus<br />
forte <strong>de</strong>s menaces ennemies présentes sur l’itinéraire du convoi ; ceci a souvent<br />
conduit à constituer <strong>de</strong>s convois immenses <strong>de</strong> navires marchands, et à<br />
les escorter par une flotte elle-même considérable.<br />
La DÉFENSE CÔTIÈRE. Tous les pays ayant une frontière maritime doivent se<br />
protéger contre le risque d’invasion venant <strong>de</strong> la mer. <strong>Les</strong> nations insulaires<br />
sont naturellement les plus exposées ; la crainte historique <strong>de</strong>s Anglais, face<br />
à cette menace, en est l’illustration. La défense du littoral est généralement<br />
assurée par la combinaison <strong>de</strong> moyens terrestres (fortifications, artillerie<br />
côtière) et <strong>de</strong> moyens navals (flotte spécialisée). Cette dualité <strong>de</strong> moyens,<br />
lorsqu’elle relève <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux comman<strong>de</strong>ments différents, peut présenter <strong>de</strong>s<br />
problèmes <strong>de</strong> coordination. Pour éviter ces difficultés, <strong>de</strong> nombreux pays ont<br />
opté pour une autorité unique.<br />
1. L’expression anglaise fleet in being est difficile à traduire en français ; elle exprime le fait<br />
que la flotte joue un rôle « par le simple fait qu’elle existe » plus que par ses actions.<br />
14<br />
15
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> l’histoire<br />
La participation <strong>de</strong> la force navale à la dissuasion nucléaire<br />
La dissuasion nucléaire est la stratégie visant à empêcher un adversaire ou<br />
un ennemi potentiel d’accomplir un acte hostile par crainte <strong>de</strong>s conséquences,<br />
en particulier <strong>de</strong>s représailles par arme nucléaire. Trois familles <strong>de</strong><br />
moyens permettent généralement d’exercer cette dissuasion :<br />
— <strong>de</strong>s moyens terrestres (engins balistiques équipés <strong>de</strong> têtes nucléaires,<br />
pouvant être lancés <strong>de</strong>puis un site terrestre) ;<br />
— <strong>de</strong>s moyens aériens (missiles à tête nucléaire pouvant être lancés d’un<br />
avion) ;<br />
— <strong>de</strong>s moyens sous-marins (engins balistiques équipés <strong>de</strong> têtes<br />
nucléaires, pouvant être lancés <strong>de</strong>puis un sous-marin en plongée).<br />
<strong>Les</strong> sous-marins <strong>de</strong> la force navale constituent donc une composante<br />
essentielle <strong>de</strong> la dissuasion nucléaire, grâce à la mobilité <strong>de</strong>s plates-formes<br />
<strong>de</strong> lancement, à leur grand rayon d’action et, surtout, à leur discrétion et à<br />
leur furtivité vis-à-vis <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> détection ennemis.<br />
3 – <strong>Les</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong><br />
Typologie <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> combat<br />
Depuis que les navires <strong>de</strong> combat s’affrontent sur la mer, les moyens<br />
offensifs dont ils disposent peuvent se rattacher à un nombre limité <strong>de</strong><br />
familles : l’éperonnage, l’abordage, le brûlot, le canon, le missile.<br />
L’EPERONNAGE consiste à défoncer la coque du navire adverse, au moyen<br />
d’une étrave pointue, afin <strong>de</strong> le faire couler. Il nécessite que le navire éperonneur<br />
présente une énergie cinétique importante, et donc qu’il soit rapi<strong>de</strong>.<br />
Pour cette raison, ce fut la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> combat favorite <strong>de</strong>s galères antiques.<br />
Il revint à la mo<strong>de</strong> au début <strong>de</strong> la vapeur.<br />
L’ABORDAGE consiste à se coller au navire adverse pour le prendre d’assaut,<br />
maîtriser son équipage et s’emparer du navire. C’était la métho<strong>de</strong> favorite<br />
<strong>de</strong>s corsaires.<br />
Le BRÛLOT est une embarcation chargée <strong>de</strong> matières inflammables que l’on<br />
dirige vers les navires ennemis pour y propager le feu. Il est souvent difficile<br />
à contrôler et peut se retourner contre les navires <strong>de</strong> son camp.<br />
Le CANON permet <strong>de</strong> lancer <strong>de</strong>s projectiles inertes ou explosifs contre les<br />
navires ennemis. À l’époque <strong>de</strong> la voile, il était utilisé soit pour perforer la<br />
coque <strong>de</strong>s navires ennemis et espérer déclencher une explosion ou une voie<br />
d’eau fatale, soit pour démâter le navire ennemi et l’immobiliser.<br />
À une époque plus récente, la TORPILLE, l’AVION, le MISSILE ont permis <strong>de</strong><br />
porter les charges offensives avec une gran<strong>de</strong> précision, sur <strong>de</strong>s points parfois<br />
très éloignés.<br />
Il est intéressant d’observer que l’évolution <strong>de</strong> l’armement a eu pour effet<br />
constant d’augmenter la distance séparant les combattants. L’éperonnage et<br />
l’abordage nécessitaient le contact physique <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux navires adverses ; le<br />
Avant-propos<br />
brûlot et le canon permettaient <strong>de</strong> combattre sans se toucher, à condition <strong>de</strong><br />
rester relativement proches ; le missile rend possible un combat hors <strong>de</strong> portée<br />
visuelle.<br />
La tactique navale<br />
Si chaque navire mettait en œuvre isolément les moyens offensifs dont il<br />
dispose, le résultat serait incertain : une bataille n’est pas une somme <strong>de</strong><br />
combats individuels, c’est une action d’ensemble. Depuis l’Antiquité, les<br />
hommes ont cherché à codifier cette action collective ; il en est résulté une<br />
science spécifique, la TACTIQUE NAVALE. Elle traite <strong>de</strong> la manière <strong>de</strong> placer et<br />
<strong>de</strong> faire évoluer un ensemble <strong>de</strong> navires, face à une force ennemie, afin <strong>de</strong><br />
tirer le meilleur parti <strong>de</strong> la capacité offensive et <strong>de</strong>structrice <strong>de</strong> cet ensemble.<br />
La tactique joue un rôle important dans l’issue d’une bataille navale, mais<br />
elle ne constitue pas la clé unique <strong>de</strong> la victoire ou <strong>de</strong> la défaite. Quand on<br />
analyse après coup le déroulement d’une bataille navale, il est souvent simpliste<br />
et injuste d’expliquer le résultat par la prétendue supériorité tactique<br />
<strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux amiraux et par l’incompétence relative <strong>de</strong> l’autre. La réalité<br />
est généralement plus subtile. Réduire une bataille à un affrontement <strong>de</strong> tacticiens<br />
revient à ignorer <strong>de</strong>s facteurs très importants du succès et <strong>de</strong> l’échec :<br />
les facteurs logistiques (l’état du matériel, la formation du personnel, la qualité<br />
et la quantité <strong>de</strong>s munitions disponibles, etc.), <strong>de</strong>s facteurs humains (la<br />
motivation, la discipline, la peur, etc.) et bien d’autres encore.<br />
<strong>Les</strong> critères <strong>de</strong> la victoire et <strong>de</strong> la défaite<br />
Certaines <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> aboutissent à un résultat indiscutable : la victoire<br />
absolue d’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux camps et la défaite totale <strong>de</strong> l’autre. La plupart,<br />
néanmoins, conduisent à <strong>de</strong>s conclusions beaucoup moins nettes. On parle<br />
alors <strong>de</strong> BATAILLES INDÉCISES ; on dit qu’elles n’ont eu « ni vainqueur ni<br />
vaincu » ; parfois même, les <strong>de</strong>ux protagonistes revendiquent la victoire, ce<br />
qui est le signe d’une indécision totale (ou <strong>de</strong> la mauvaise foi <strong>de</strong> l’un d’entre<br />
eux).<br />
Le résultat d’une bataille navale ne se mesure pas selon <strong>de</strong>s critères quantifiables<br />
définis à l’avance ; la notion <strong>de</strong> victoire ou <strong>de</strong> défaite est parfois<br />
assez subjective. On peut dire, <strong>de</strong> façon générale – et sans que cela résolve<br />
tous les cas – que le vainqueur d’une bataille est celui :<br />
— qui inflige <strong>de</strong>s pertes capitales à son adversaire (en nombre <strong>de</strong> navires<br />
capturés, détruits ou gravement endommagés),<br />
— qui provoque la dispersion <strong>de</strong> l’armée navale adverse, dans <strong>de</strong>s conditions<br />
matérielles ou psychologiques qui nuiront gravement à son regroupement<br />
ultérieur.<br />
Pour compliquer un peu les choses, une victoire « tactique » est parfois un<br />
échec « stratégique », et vice-versa. En 1704, par exemple, la flotte française<br />
remporta la bataille <strong>de</strong> Velez-Malaga ; cette victoire tactique ne lui permit<br />
pas, toutefois, <strong>de</strong> reprendre Gibraltar aux Anglais ; il en résulta donc un<br />
échec stratégique. À l’inverse, la bataille <strong>de</strong> « Prairial », le 1 er juin 1794, fut<br />
16<br />
17
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> l’histoire<br />
une défaite française sur le plan tactique, mais une victoire stratégique car<br />
elle permit le passage vers Brest d’un important convoi <strong>de</strong> ravitaillement. La<br />
notion <strong>de</strong> victoire ou <strong>de</strong> défaite doit donc être relativisée en fonction <strong>de</strong>s<br />
objectifs stratégiques recherchés.<br />
On parle <strong>de</strong> VICTOIRE DECISIVE quand le succès tactique s’accompagne d’un<br />
succès stratégique susceptible <strong>de</strong> faire évoluer le cours <strong>de</strong> la guerre. Des<br />
<strong>batailles</strong> comme Salamine, Actium ou Lépante ont été décisives pour les<br />
conflits qui leur avaient donné naissance, et aussi pour le cours <strong>de</strong> l’histoire<br />
du mon<strong>de</strong>. Elles sont cependant tout à fait exceptionnelles, ce qui faisait dire<br />
à Bigot <strong>de</strong> Morogues : « Il n’y a pas d’affaires décisives à la mer, c’est-à-dire<br />
d’où dépen<strong>de</strong> entièrement la fin <strong>de</strong> la guerre ». 1 Ce constat est à l’origine <strong>de</strong>s<br />
propos désabusés du ministre Maurepas : « Savez-vous ce qu’est une bataille<br />
sur mer, messieurs On se rencontre, on se canonne, on se sépare, et la mer<br />
n’en est pas moins salée. »<br />
<strong>Les</strong> règles non écrites <strong>de</strong> la bataille<br />
Si certains « rituels » <strong>de</strong> la bataille sont clairement codifiés par <strong>de</strong>s règlements,<br />
certains autres semblent relever <strong>de</strong> règles non écrites, laissées à<br />
l’appréciation <strong>de</strong>s officiers responsables.<br />
Il n’était pas déshonorant pour un amiral ou un capitaine <strong>de</strong> refuser le<br />
combat quand il estimait n’avoir aucune chance <strong>de</strong> gagner. Il était toujours<br />
préférable pour lui <strong>de</strong> se dérober que d’exposer inutilement les navires <strong>de</strong><br />
son pays dans une bataille perdue d’avance. La pertinence d’une telle décision<br />
est souvent difficile à apprécier après coup : entre le manque <strong>de</strong> combativité<br />
et la pru<strong>de</strong>nce, la différence est parfois ténue !<br />
Malgré leur sens atavique <strong>de</strong> l’honneur, les marins recouraient parfois à<br />
certaines pratiques douteuses, considérées comme <strong>de</strong>s « ruses <strong>de</strong> guerre ».<br />
Par exemple, arborer un pavillon étranger pour tromper la méfiance <strong>de</strong><br />
l’ennemi n’était pas interdit par le co<strong>de</strong> d’honneur. L’usage voulait néanmoins<br />
que l’on hisse ses véritables couleurs avant d’ouvrir le feu.<br />
Amener son pavillon, en signe <strong>de</strong> reddition, n’était acceptable qu’en <strong>de</strong>rnière<br />
extrémité, lorsqu’il n’y avait plus aucune chance <strong>de</strong> gagner, et que l’on<br />
voulait épargner <strong>de</strong>s vies humaines. « Couler pavillon haut » signifiait couler<br />
sous les coups <strong>de</strong> l’ennemi, sans s’être rendu. Quand un navire avait amené<br />
son pavillon, il ne pouvait plus changer d’avis et le re-hisser, même si le<br />
contexte <strong>de</strong> la bataille lui <strong>de</strong>venait à nouveau favorable ; un navire ayant<br />
« amené » était définitivement considéré par l’adversaire comme une « prise<br />
<strong>de</strong> guerre ». À titre d’exemple, un inci<strong>de</strong>nt diplomatique sérieux eut lieu<br />
après la <strong>batailles</strong> <strong>de</strong>s « Cardinaux » en 1759 : les Anglais reprochaient au<br />
capitaine du Héros d’avoir amené son pavillon, puis <strong>de</strong> l’avoir re-hissé un<br />
peu plus tard et d’avoir repris le combat. Ils considéraient donc le vaisseau<br />
comme leur propriété et exigeaient qu’on leur remette. <strong>Les</strong> discussions<br />
furent très vives durant plusieurs semaines et montèrent jusqu’à Londres et<br />
jusqu’à Versailles.<br />
L’horreur <strong>de</strong>s <strong>batailles</strong><br />
Avant-propos<br />
Un <strong>de</strong>rnier mot, avant <strong>de</strong> finir, pour évoquer un aspect <strong>de</strong>s combats sur<br />
mer que les historiens occultent généralement : leur sauvagerie meurtrière.<br />
Une bataille navale – quelles que soient son issue et sa portée – est, avant<br />
tout, une tragédie humaine. C’est le ren<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong> centaines, <strong>de</strong> milliers<br />
d’hommes avec la mort, avec une mort affreuse. Il faut lire les récits <strong>de</strong> ceux<br />
qui ont survécu à un combat naval, pour se faire une idée <strong>de</strong> l’horreur <strong>de</strong><br />
l’événement. Pas seulement du temps <strong>de</strong>s galères ou <strong>de</strong>s vaisseaux à voile,<br />
mais aussi sur <strong>de</strong>s navires mo<strong>de</strong>rnes, à <strong>de</strong>s époques récentes.<br />
Pour s’en convaincre, laissons la parole à quelques témoins <strong>de</strong> ces horreurs.<br />
Personne, mieux qu’eux, ne saurait apporter au lecteur cet éclairage<br />
indispensable sur les conditions réelles d’une bataille navale :<br />
« Vers 6 heures et <strong>de</strong>mie du soir, après le fin <strong>de</strong> la canonna<strong>de</strong>, je montais sur<br />
le pont et y découvris un spectacle dont il est difficile <strong>de</strong> rendre compte : tous<br />
les mâts s’étaient abattus, et la Guerriere roulait comme une bûche dans le<br />
creux <strong>de</strong>s lames. Un grand nombre <strong>de</strong> ses hommes étaient occupés à faire basculer<br />
les morts par-<strong>de</strong>ssus bord. <strong>Les</strong> ponts, couverts <strong>de</strong> sang, avaient toute<br />
l’apparence d’un abattoir <strong>de</strong> boucher ; les palans <strong>de</strong>s canons n’étaient pas raidis<br />
et plusieurs pièces s’étant libérées, roulaient librement d’un bord sur<br />
l’autre. Quelques hommes et <strong>de</strong>s maîtres, après le combat, avaient trouvé <strong>de</strong><br />
l’alcool et s’étaient saoulés ; et, avec les plaintes <strong>de</strong>s blessés, le vacarme et la<br />
confusion <strong>de</strong>s survivants faisaient <strong>de</strong> cette scène un enfer absolu. » (Capitaine<br />
américain William Orne, prisonnier à bord <strong>de</strong> la frégate anglaise La Guerriere,<br />
lors <strong>de</strong> la guerre anglo-américaine <strong>de</strong> 1812).<br />
« De temps en temps, j’entendais [les boulets] frapper les flancs <strong>de</strong> notre<br />
navire ; toute la scène <strong>de</strong>venait in<strong>de</strong>scriptible <strong>de</strong> confusion et d’horreur,<br />
comme un terrible orage dont le vacarme assourdissant est accompagné<br />
d’éclairs incessants, portant la mort dans chaque lueur et parsemant le sol <strong>de</strong>s<br />
victimes <strong>de</strong> son courroux. Mais dans notre cas, la scène était rendue plus horrible<br />
encore par les torrents <strong>de</strong> sang qui teintaient nos ponts… Si terribles<br />
avaient été les ravages autour <strong>de</strong> nous, que j’entendais parler d’abattoir… Je<br />
vis passer près <strong>de</strong> moi un camara<strong>de</strong> blessé, nommé John, que l’on emportait.<br />
J’entendais distinctement les grosses gouttes <strong>de</strong> sang tomber, toc – toc – toc, sur<br />
le pont. Ses blessures étaient mortelles. » (Un matelot <strong>de</strong> la frégate anglaise<br />
Macedonian, durant le même conflit).<br />
1. BIGOT DE MOROGUES : Tactique navale. 1765.<br />
18
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE<br />
– oOo –<br />
Quelques jalons dans l’histoire<br />
<strong>de</strong> la guerre sur mer<br />
Entre les premiers navires <strong>de</strong> guerre, à rames et à éperons, et les bâtiments<br />
actuels, remplis d’électronique et d’armes sophistiquées, plus <strong>de</strong> trois millénaires<br />
se sont écoulés. Pendant ces milliers d’années, l’ingéniosité humaine<br />
a fait évoluer en permanence les instruments et les métho<strong>de</strong>s du combat<br />
naval, c’est-à-dire les navires, les armes et la tactique. Sans entrer dans le<br />
détail <strong>de</strong> cette évolution, il est utile d’en présenter quelques jalons, afin <strong>de</strong><br />
mieux comprendre les possibilités et les limites <strong>de</strong> la guerre sur mer, aux différentes<br />
pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’histoire.<br />
L’apparition du navire <strong>de</strong> guerre (II e millénaire av. J.-C.). <strong>Les</strong> premières<br />
<strong>gran<strong>de</strong>s</strong> civilisations sont nées durant le quatrième et le troisième millénaires<br />
<strong>de</strong> l’ère préchrétienne, le long <strong>de</strong>s fleuves du Proche et du Moyen-<br />
Orient : le Tigre et l’Euphrate pour la civilisation mésopotamienne, le Nil<br />
pour la civilisation égyptienne et, un peu plus tard, l’Indus pour la civilisation<br />
qui porte son nom. Le rôle joué par ces cours d’eau dans la prospérité<br />
économique et commerciale <strong>de</strong>s peuples riverains a été déterminant. Très<br />
vite, en particulier, une batellerie fluviale s’y est développée pour le transport<br />
<strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s marchandises. Le passage <strong>de</strong> la navigation fluviale à la<br />
navigation maritime posait <strong>de</strong>s problèmes plus difficiles. Il se fit néanmoins<br />
à une pério<strong>de</strong> très ancienne. Dès le troisième millénaire, par exemple, <strong>de</strong>s<br />
navires égyptiens commerçaient régulièrement avec la Syrie, via les eaux <strong>de</strong><br />
la Méditerranée.<br />
Il n’y avait à l’origine qu’un type <strong>de</strong> navires, servant à tous les besoins du<br />
transport nautique : transport <strong>de</strong>s hommes comme celui <strong>de</strong>s marchandises.<br />
Très tôt, les chefs <strong>de</strong> guerre pensèrent à utiliser les navires pour transporter<br />
les soldats vers le sol ennemi. Bien entendu, les chefs adverses eurent la<br />
même idée, et l’objectif <strong>de</strong>vint rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> s’opposer aux déplacements<br />
<strong>de</strong> l’autre. La fonction <strong>de</strong>s « transports <strong>de</strong> troupes » évoluait : ils allaient<br />
désormais <strong>de</strong>voir s’intercepter, s’affronter, se poursuivre entre eux, d’où la<br />
nécessité d’être plus agiles et plus rapi<strong>de</strong>s. Petit à petit, le navire militaire se<br />
spécialisa donc et se différencia du navire marchand. C’est au cours du<br />
II e millénaire que la distinction <strong>de</strong>vint nette entre les <strong>de</strong>ux familles <strong>de</strong> bâtiments.<br />
<strong>Les</strong> navires marchands – les navires « ronds » – avaient une forme<br />
21
<strong>Les</strong> <strong>gran<strong>de</strong>s</strong> <strong>batailles</strong> <strong>navales</strong> <strong>de</strong> l’histoire<br />
large, adaptée à leur fonction <strong>de</strong> transport : le volume disponible pour la cargaison<br />
était la caractéristique essentielle ; la vitesse n’étant pas prioritaire, on<br />
adopta la propulsion à voiles, moins rapi<strong>de</strong> que l’aviron, mais aussi moins<br />
gourman<strong>de</strong> en hommes d’équipage. <strong>Les</strong> plus anciennes représentations <strong>de</strong><br />
navires <strong>de</strong> guerre que l’on possè<strong>de</strong> remontent au début du II e millénaire<br />
avant notre ère. Elles sont reconnaissables à la forme effilée <strong>de</strong>s bâtiments –<br />
les navires « longs » – et à la présence <strong>de</strong> rames. Leur forme et leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
propulsion leur assuraient la vitesse et la manœuvrabilité nécessaires au<br />
combat.<br />
La généralisation <strong>de</strong> l’éperon <strong>de</strong> proue (début du premier millénaire<br />
av. J.-C.). À l’origine, les navires <strong>de</strong> combat ne disposaient pas<br />
d’armement propre, hormis l’équipement individuel <strong>de</strong>s soldats embarqués.<br />
L’éperon <strong>de</strong> proue est la plus ancienne <strong>de</strong>s armes <strong>navales</strong>. Son<br />
usage remonte sans doute au début du premier millénaire av. J.-C., bien<br />
qu’à une époque plus ancienne (vers 1200-1100 av. J.-C.), certaines<br />
représentations <strong>de</strong> navires montrent une protubérance très nette à<br />
l’avant, sans qu’on soit sûr <strong>de</strong> son rôle. La présence <strong>de</strong> l’éperon sur les<br />
représentations <strong>de</strong> navires <strong>de</strong> guerre <strong>de</strong>vint à peu près systématique à<br />
partir du VIII e siècle. L’éperon primitif, en bois, avaient la forme un cône<br />
dont la pointe était légèrement déviée vers le haut par rapport à l’axe <strong>de</strong><br />
la quille. Il servait à éventrer les navires ennemis. Il était parfois doublé<br />
d’une secon<strong>de</strong> protubérance située au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong> flottaison,<br />
<strong>de</strong>stinée à endommager les œuvres mortes <strong>de</strong> l’adversaire, voire à le faire<br />
chavirer. Au cours du VII e siècle av. J.-C., l’éperon conique évolua vers la<br />
forme « en hure <strong>de</strong> sanglier ». Au V e siècle, le combat à l’éperon était la<br />
manière normale <strong>de</strong> se battre sur mer ; lorsqu’il évoque le corps à corps<br />
<strong>de</strong>s soldats embarqués, Thucydi<strong>de</strong> parle <strong>de</strong> « combat à l’ancienne<br />
mo<strong>de</strong> ».<br />
La naissance <strong>de</strong> la trière (VII e ou VI e siècle av. J.-C.). Pour fracasser efficacement<br />
la coque <strong>de</strong> l’ennemi, le bâtiment éperonneur <strong>de</strong>vait être animé <strong>de</strong><br />
la plus gran<strong>de</strong> vitesse possible. Il en résultait la nécessité d’augmenter le<br />
nombre <strong>de</strong> rameurs et donc, en pratique, la longueur du navire. On passa<br />
ainsi <strong>de</strong> vingt rameurs à trente (triacontores), puis à cinquante (pentécontores),<br />
répartis en nombre égal à bâbord et à tribord. Arrivés là, les constructeurs<br />
antiques atteignaient une limite : ils ne savaient pas rallonger les<br />
navires au-<strong>de</strong>là d’une trentaine <strong>de</strong> mètres sans compromettre gravement<br />
leur solidité. Qu’importe ! Ils trouvèrent une para<strong>de</strong> à cette contrainte : ils<br />
disposèrent les rameurs sur <strong>de</strong>ux niveaux superposés. Ainsi naquit la birème,<br />
vaisseau à <strong>de</strong>ux rangées <strong>de</strong> rames par bord, totalisant une centaine <strong>de</strong><br />
rameurs au total. Cette invention, attribuée soit aux Phéniciens, soit aux<br />
Grecs date <strong>de</strong> la fin du VIII e siècle ; elle fut vite détrônée par la trière (ou trirème).<br />
Il est difficile <strong>de</strong> dater avec certitu<strong>de</strong> le passage <strong>de</strong> la birème à la trirème<br />
: les historiens hésitent entre le VII e et le VI e siècle. L’adjonction d’un<br />
troisième niveau <strong>de</strong> rameurs ne dut pas être une chose simple, sur le plan<br />
Chapitre préliminaire<br />
technique 1 ! Toujours est-il que les trières ou trirèmes étaient largement<br />
répandues en Méditerranée à la fin du VI e siècle 2 et que, pendant tout le<br />
V e siècle, elles furent le navire <strong>de</strong> guerre idéal.<br />
<strong>Les</strong> débuts <strong>de</strong> la tactique navale (V e siècle av. J.-C.). Le progrès <strong>de</strong>s<br />
navires ne suffisait pas, à lui seul, à gagner les <strong>batailles</strong>, il fallait savoir aussi<br />
les faire évoluer en escadres et les faire manœuvrer à l’heure du combat. Au<br />
cours <strong>de</strong> ce grand V e siècle av. J.-C., les bases <strong>de</strong> la tactique navale virent le<br />
jour. <strong>Les</strong> chefs d’escadre étudièrent et codifièrent la meilleure manière <strong>de</strong> se<br />
déployer, en ligne <strong>de</strong> file, en ligne <strong>de</strong> front, en ligne concave ou convexe. Ils<br />
apprirent à se positionner avantageusement par rapport à l’ennemi, à choisir<br />
le théâtre d’opérations le plus favorable. Même si l’abordage était une technique<br />
<strong>de</strong> combat occasionnellement intéressante, l’éperon conservait, au<br />
V e siècle, la faveur <strong>de</strong>s tacticiens. Autour <strong>de</strong> lui se développèrent plusieurs<br />
métho<strong>de</strong>s d’attaque et <strong>de</strong> défense, en particulier le dickplous, le periplous et<br />
le kuklos.<br />
Le dickplous consistait à traverser la ligne adverse et à l’attaquer ensuite<br />
par <strong>de</strong>rrière. Au passage, chaque attaquant s’efforçait d’arracher les avirons<br />
du navire ennemi le plus proche afin <strong>de</strong> lui causer le maximum <strong>de</strong> dégâts ;<br />
lorsque la ligne était franchie, chacun faisait <strong>de</strong>mi-tour et venait éperonner<br />
par l’arrière les navires plus ou moins immobilisés par le premier choc.<br />
Le periplous consistait à envelopper les navires ennemis. S’il s’agissait <strong>de</strong><br />
navires isolés, l’attaquant effectuait <strong>de</strong>s cercles <strong>de</strong> plus en plus resserrés autour<br />
d’eux, afin d’exercer une pression psychologique sur leurs équipages. Ceux-ci,<br />
paralysés par la peur et la difficulté croissante <strong>de</strong> manœuvrer, étaient conduits<br />
à commettre <strong>de</strong>s erreurs que l’attaquant <strong>de</strong>vait mettre à profit. Si, au lieu <strong>de</strong><br />
navires isolés, la formation ennemie était déployée en ligne, la manœuvre<br />
consistait à débor<strong>de</strong>r cette ligne par les ailes et à l’encercler.<br />
Contrairement au dickplous et au periplous, le kuklos était une tactique<br />
défensive. Elle se pratiquait quand l’ennemi était supérieur en nombre ou en<br />
mobilité. Elle consistait à placer ses navires en cercle immobile, l’arrière<br />
tourné vers le centre et l’éperon vers l’extérieur. Ainsi disposés, les bâtiments<br />
formaient un bloc compact, difficile à percer.<br />
1. Le fonctionnement <strong>de</strong>s trières a suscité bien <strong>de</strong>s controverses parmi les spécialistes <strong>de</strong> l’histoire<br />
navale. Certains ont affirmé l’impossibilité pratique <strong>de</strong> faire évoluer en harmonie plusieurs<br />
rangées superposées <strong>de</strong> rameurs. D’autres ont prétendu le contraire, à grands renforts <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins<br />
et <strong>de</strong> maquettes. Napoléon III a même fait construire une trière en vraie gran<strong>de</strong>ur pour essayer<br />
d’en percer le secret. La démonstration eut lieu sur la Seine, et ne fut pas convaincante. Un siècle<br />
plus tard, <strong>de</strong>s chercheurs britanniques renouvelèrent l’expérience, avec le concours financier <strong>de</strong>s<br />
ministères <strong>de</strong> la culture et <strong>de</strong> la marine grecs. La trière Olympias fut lancée en 1987. Elle a permis<br />
une bien meilleure connaissance du navire antique. Se reporter à l’ouvrage <strong>de</strong> J.S MORRISSON, J.E.<br />
COATES & N.B. RANKOV : The Athenian Trireme (cf bibliographie in fine).<br />
2. Yvon GARLAN précise, dans La guerre dans l’Antiquité : « Polycrate en envoya 40 au secours du<br />
roi <strong>de</strong> Perse Cambyse en 525 ; en 494, au cours <strong>de</strong> la révolte <strong>de</strong> l’Ionie contre les Perses, Chios put<br />
en aligner 100, Milet 80, <strong>Les</strong>bos 70 et samos 60 ; la flotte envoyée contre les Grecs par Darius en 490<br />
en aurait compris 600, tandis que Gélon <strong>de</strong> Syracuse, dix ans plus tard, en proposait 200 aux Grecs<br />
en échange du comman<strong>de</strong>ment général sur mer ; sans compter les Athéniens qui, grâce aux efforts<br />
<strong>de</strong> Thémistocle, purent disposer <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 200 trières durant la secon<strong>de</strong> guerre médique. »<br />
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