Bordeaux culture
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BORD<br />
EaU x<br />
<strong>culture</strong><br />
Une nouvelle<br />
géographie<br />
humaine
BORD<br />
EaU x<br />
<strong>culture</strong><br />
Une nouvelle<br />
géographie<br />
humaine
édito<br />
4
On peut disserter à l’infini sur la définition<br />
du concept de <strong>culture</strong>, sur les objectifs<br />
ou les contenus d’une politique <strong>culture</strong>lle.<br />
Ce que nous voulons faire à <strong>Bordeaux</strong>, dans<br />
l’action, est sans aucun doute ambitieux :<br />
il s’agit de proposer une politique <strong>culture</strong>lle<br />
qui soit le fil d’Ariane de notre projet de ville<br />
et partant du projet de vie dont il est porteur.<br />
C’est pourquoi la politique <strong>culture</strong>lle n’est pas<br />
à nos yeux, une politique sectorielle parmi<br />
d’autres. Elle fédère et transcende. Elle donne<br />
du sens à l’aventure collective. Elle est le terrain<br />
de l’identité bordelaise.<br />
Elle se développe donc dans toutes les<br />
dimensions de l’action publique :<br />
— Urbaine : elle accompagne la naissance<br />
des nouveaux quartiers, la renaissance des<br />
quartiers anciens où les lieux qui lui sont dédiés<br />
créent la vraie mixité, celle des connaissances<br />
et des émotions.<br />
— Sociale : elle s’adresse à tous les publics,<br />
elle cherche à donner à chacun la chance de<br />
s’exprimer, de cultiver ses dons, de construire<br />
une belle image de soi.<br />
— Educative : elle a un rôle déterminant<br />
dans l’épanouissement de l’intelligence et de<br />
la sensibilité dès le premier âge.<br />
— Economique : elle est source de création,<br />
d’innovation et donc d’activité économique<br />
dans une ville qui doit accompagner sa croissance<br />
démographique par l’élargissement de son<br />
bassin d’emploi.<br />
C’est dire qu’une politique <strong>culture</strong>lle réussie doit<br />
être foisonnante – inspirée par des valeurs que<br />
lui donnent sa cohérence : l’humanisme, l’ouverture<br />
d’esprit, le respect de l’autre – mais riche de mille<br />
initiatives et d’engagements quotidiens.<br />
Ce document <strong>Bordeaux</strong>-Culture tente d’illustrer<br />
la richesse de l’offre <strong>culture</strong>lle de notre ville et<br />
d’appeler tous les Bordelais à en prendre leur part.<br />
Alain Juppé<br />
5<br />
Ancien Premier ministre<br />
—<br />
Maire de <strong>Bordeaux</strong><br />
—<br />
Premier vice-président de la communauté urbaine de <strong>Bordeaux</strong>
introdu-<br />
ction<br />
Place de la Comédie<br />
Grosse Cloche, cours Victor Hugo<br />
6
Ville de <strong>culture</strong>, <strong>Bordeaux</strong> est une terre d’accueil,<br />
le berceau de projets et de lieux artistiques<br />
novateurs et foisonnants qui constituent,<br />
de par leur diversité, un ferment de dynamisme<br />
et de développement pour tout son territoire.<br />
Elle est un laboratoire d’expérimentations<br />
mais aussi un creuset de désirs et de vitalité<br />
<strong>culture</strong>lle porteuse d’ouverture, de connaissance<br />
et de tolérance pour tous ses habitants.<br />
La politique <strong>culture</strong>lle de <strong>Bordeaux</strong> place la création<br />
au cœur de la Cité, organisant son action autour<br />
de quatre grands principes :<br />
/ une vision prospective du développement<br />
<strong>culture</strong>l du territoire, qui conjugue projet <strong>culture</strong>l<br />
avec projet urbain et citoyen, dans la durée,<br />
/ une valorisation de tous nos patrimoines<br />
qui nourrissent la conquête artistique de l’espace<br />
public et s’en nourrissent,<br />
/ la stimulation et l’accompagnement<br />
de l’effervescence artistique, en encourageant<br />
et structurant la rencontre avec l’art et la formation<br />
dès le plus jeune âge,<br />
/ l’incitation à alimenter les synergies<br />
entre acteurs de la <strong>culture</strong> et ceux de l’éducation,<br />
du social, de l’économie, de l’urbanisme, en favorisant<br />
l’accès aux lieux de travail et de production,<br />
en développant la diffusion aussi bien pour les<br />
artistes que pour les publics.<br />
Les démarches et actions menées dans ce sens<br />
sont ici présentées. Elles constituent une invite<br />
à prolonger l’échange et renforcer encore<br />
l’élan vers la ville de demain, dans le partage,<br />
le plaisir et l’émotion.<br />
7
chapitre 1<br />
S’AFFRANCHIR DES FRONTIERES<br />
UNE APPROCHE PROSPECTIVE,<br />
DE LA MIXITE DES PUBLICS<br />
AU DECLOISONNEMENT<br />
DES PRATIQUES<br />
10 / La carte et le territoire :<br />
l’enjeu <strong>culture</strong>l<br />
de <strong>Bordeaux</strong> 2030<br />
21 / Penser autrement le<br />
développement <strong>culture</strong>l : le PACT<br />
23 / Une mutation en marche…<br />
24 / … à échelle humaine<br />
28 / Le Plan d’Aménagement Culturel<br />
Territorial (pact) : une méthode innovante<br />
32 / Stimuler les mutations<br />
artistiques, ouvrir<br />
pratiques et espaces<br />
de création<br />
32 / Pour des « in »-disciplines<br />
qui décloisonnent les genres<br />
39 / Inventer les musées de demain<br />
Une approche exigeante<br />
et décomplexée des publics<br />
40 / Bibliothèques, cultiver ses désirs<br />
chapitre 2<br />
GOUTER LES PLAISIRS DE LA CITE :<br />
POUR UNE EXPERIENCE<br />
PERSONNELLE ET COLLECTIVE DU<br />
PATRIMOINE ET DE LA VILLE<br />
71 / Un héritage universel<br />
en commun<br />
71 / Assumer l’héritage<br />
75 / Interroger son patrimoine<br />
et ses symboles<br />
76 / Faire vivre un patrimoine<br />
polymorphe<br />
82 / Musée d’Aquitaine : la mémoire en route<br />
86 / Faire de l’espace public<br />
un lieu de partage,<br />
de plaisirs<br />
et d’innovations<br />
86 / La ville comme laboratoire<br />
d’urbanités<br />
89 / La <strong>culture</strong> sans cimaise<br />
et sans plateau<br />
90 / Base sous marine : le lieu réconcilié<br />
96 / Les archives voguent rive droite<br />
44 / Ouvrir les frontières mentales<br />
44 / Médiations et propositions<br />
inventives<br />
6 / Quand l’art déplace la réalité<br />
52 / Stimuler, relayer et valoriser<br />
8<br />
55 / Culture, social et socio<strong>culture</strong>l<br />
dynamiser les réseaux interactifs<br />
6 / Vers un campus<br />
d’enseignement artistique
chapitre 3<br />
LES LABORATOIRES DE LA<br />
CONNAISSANCE : LE PLUS VASTE<br />
DES CHANTIERS BORDELAIS<br />
chapitre 4<br />
LA CRÉATION AU CŒUR<br />
D’UN DEVELOPPEMENT<br />
CULTUREL DURABLE<br />
102 / Pour une construction<br />
<strong>culture</strong>lle<br />
de la citoyenneté<br />
111 / Favoriser le réflexe <strong>culture</strong>l :<br />
un choix à la carte<br />
115 / Priorité aux jeunes publics<br />
116 / Monumérique, archimérique<br />
un véhicule de mémoire<br />
120 / Multiplier et consolider<br />
les passerelles entre éducation<br />
et <strong>culture</strong><br />
124 / Museum d’histoire naturelle :<br />
creuser de nouveaux sillons<br />
129 / L’enseignement artistique<br />
en question<br />
129 / L’enjeu de l’expérience pratique<br />
133 / … tout au long de la vie<br />
134 / Le Conservatoire Jacques Thibaud<br />
un laboratoire d’apprentissages<br />
149 / Investir dans les lieux<br />
artistiques: un impératif<br />
pour demain<br />
151 / Accompagner les artistes<br />
dans leur parcours, ici et ailleurs<br />
152 / Défricher, expertiser et relier<br />
les réseaux transversaux<br />
155 / Développer les lieux de résidence<br />
et de professionnalisation<br />
156 / Rêvolution à l’opéra<br />
160 / S’inscrire dans une nouvelle<br />
économie de la <strong>culture</strong><br />
167 / L’art pour ambassadeur<br />
169 / L’enjeu de l’innovation<br />
<strong>culture</strong>lle<br />
169 / L’accessibilité, un impératif ;<br />
l’e-<strong>culture</strong>, un nouveau sésame<br />
170 / Evento : un pari gagné<br />
176 / L’ évènementiel en question<br />
182 / <strong>Bordeaux</strong> réveillée par l’art<br />
189 / BORDEAUX : LA CULTURE EN CHIFFRES<br />
9
S’Affran<br />
des<br />
frontiè<br />
une approche<br />
prospective,<br />
de la mixité des publics<br />
au décloisonnement<br />
des pratiques
chir<br />
res<br />
Graffiti, Caserne Niel<br />
Evento 2009, «Footpath»<br />
de Tadashi Kawamata
Evento 2009, «Tease, tease, tease» par Anri Sala,<br />
Salle des Fêtes du Grand Parc
«Lieux possibles 3»,<br />
Institut du point de vue par le Bruit du Frigo, 2012<br />
Evento 2009, «Travelling Music»<br />
par Diller& Scofidio,<br />
Conservatoire Jacques Thibaud<br />
Boîte exposition, Service des publics, CAPC<br />
Evento 2009, «Travelling Music»<br />
par Diller& Scofidio,<br />
Conservatoire Jacques Thibaud
Place de la Bourse, Miroir d’Eau<br />
David Prudhomme, le miroir d'eau<br />
«Maison aux Personnages»<br />
par Ilya et Emilia Kabakov
Evento 2009, exposition «Insiders»,<br />
CAPC arc-en-rêve centre d’architecture
La Nuit de la création,<br />
par le Conservatoire Jacques Thibaud,<br />
au CAPC, 2011<br />
Biblio.bato, Bassins à flot<br />
La Nuit de la création,<br />
par le Conservatoire Jacques Thibaud,<br />
au CAPC, 2011<br />
Biblio.sport, Quai des Sports
Elève du Conservatoire-Miroir d’Eau<br />
Grand Théâtre et Cours du Chapeau rouge<br />
Novart 2012, I Boat
Soirée de cloture de l’exposition Majerus,<br />
par La 58e et Darwin au CAPC<br />
Evento 2009, "Respublica" par Nicolas Milhé
Moment de répit- POLA<br />
Exposition des élèves de l’Ecole d’Enseignement<br />
Supérieur d’Art de <strong>Bordeaux</strong>.<br />
Evento 2009, Marché des Capucins
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
La <strong>culture</strong> est aussi concrète que<br />
diffuse, aussi visible que souterraine.<br />
Historique, elle rassure. Active,<br />
elle stimule. Féconde, elle rassemble.<br />
L’énergie qu’elle engendre repousse<br />
les limites, ouvre les horizons<br />
et rend l’avenir tangible. Génératrice<br />
d’impulsions et d’innovation, elle<br />
est la source, le moteur et l’outil de<br />
croissance d’une ville.<br />
Musée des Beaux Arts,<br />
collections permanentes<br />
20
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
La carte et le territoire<br />
l’enjeu <strong>culture</strong>l<br />
de <strong>Bordeaux</strong> 2030<br />
Une ville se construit de ses mélanges. Cosmopolite, elle<br />
se nourrit de la mémoire et de l’envie plurielle de ceux qui<br />
l’ont choisie pour s’y établir. Multiple, elle brasse, dans sa<br />
réalité quotidienne, ses besoins concrets et ses aspirations.<br />
Ses chances sont souvent ses défis. <strong>Bordeaux</strong> n’y fait pas<br />
exception. Car, grandir est une course d’endurance, une<br />
conquête permanente, physique et mentale.<br />
Aujourd’hui, la ville de <strong>Bordeaux</strong> comprend le plus vaste<br />
ensemble urbain inscrit dans son intégralité au patrimoine<br />
mondial de l’Unesco, en 2007, mais aussi 500 hectares<br />
de friches et d’espaces disponibles, qui font de <strong>Bordeaux</strong><br />
la seule ville française à disposer d’un tel potentiel de<br />
développement urbain. Répartis sur un tissu territorial<br />
hétérogène, d’une rive à l’autre de la Garonne, ses nombreux<br />
vestiges portuaires et industriels sont autant d’îlots, de<br />
cloisons ou d’obstacles érigés au fil du temps, dans l’espace<br />
comme dans les consciences. Le Grand <strong>Bordeaux</strong> comptera<br />
un million d’habitants en 2030. Cette densité nouvelle<br />
appelle une réponse à la mesure des enjeux écologiques<br />
et sociaux qu’elle implique. La gageure est de taille : la ville<br />
doit ouvrir ses horizons en préservant son art de vivre et son<br />
unité, pour offrir, chaque année, à quelques 12 000 nouveaux<br />
foyers, une cité en pleine croissance qui garde taille<br />
humaine. D’ores et déjà, <strong>Bordeaux</strong> connaît une progression<br />
démographique soutenue, depuis 15 ans, composée pour<br />
90% de familles. Pour orchestrer cette mutation sans<br />
précédent, <strong>Bordeaux</strong> s’attache à conjuguer urbanisme et<br />
urbanité, repousse les limites propres et figurées, pour que<br />
vivre ensemble soit une source d’essor et d’épanouissement.<br />
Penser autrement le développement<br />
<strong>culture</strong>l : le PACT [1]<br />
21<br />
1. voir focus :<br />
« Le PACT : une<br />
méthode innovante »<br />
« Connais-toi toi-même », conseillait le philosophe.<br />
<strong>Bordeaux</strong> se plie à l’exercice. Le récent diagnostic que la<br />
Ville a commandé à l’Institut d’études démographiques de<br />
l’Université <strong>Bordeaux</strong> IV, recense et analyse les habitudes<br />
<strong>culture</strong>lles des Bordelais. A partir d’un minutieux travail<br />
de traitement des données de plus de 150 lieux et<br />
manifestations organisées sur l’aire urbaine, il en envisage
{ <strong>Bordeaux</strong><br />
s’attache<br />
à conjuguer<br />
urbanisme<br />
et urbanité }
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
l’avenir, appréhende les publics de demain, imagine<br />
l’offre <strong>culture</strong>lle qu’en attendront les habitants d’une cité<br />
millionnaire. Si, pour la première fois en France, l’étude<br />
croise les points de vue – sociologique, démographique et<br />
urbain – elle démontre combien la proximité <strong>culture</strong>lle est<br />
une dynamique urbaine et sociale, un levier de bien-être<br />
pour la ville mais aussi pour son économie. Cet état des<br />
lieux, pragmatique et prospectif, ainsi que les questions<br />
qu’il soulève, alimente le plan d’aménagement <strong>culture</strong>l<br />
territorial (PACT) porté par la Direction générale des affaires<br />
<strong>culture</strong>lles. Il constitue un terreau de réflexion pour en<br />
nourrir la réalisation.<br />
A partir de cette projection réaliste des enjeux et des<br />
inconnues qu’elle révèle, la Ville a pu dessiner, au fil du<br />
fleuve, un arc de développement <strong>culture</strong>l (des Berges<br />
du Lac au secteur Euratlantique [2] en passant par les<br />
quartiers Brazza ou Benauge) qui anticipe la métamorphose<br />
de la cité. Il surgit comme une épissure, qui raffermit, en<br />
les imbriquant, les liens, les échanges et les projets des<br />
quartiers entre eux. Ce tracé renforce le rapprochement des<br />
vies des deux rives et gomme, au passage, les ancestrales<br />
césures que la mise en place du tramway en 2003 avait<br />
commencé à recoudre. Il a pour vocation de raccorder les<br />
territoires de <strong>Bordeaux</strong>, autour des gens eux-mêmes, de<br />
leurs pratiques et de leurs besoins.<br />
Car du Sud au Nord, la <strong>culture</strong> contribue à tisser la ville.<br />
De proche en proche, <strong>Bordeaux</strong> se doit de vivifier son<br />
territoire, d’accompagner habitats et équipements, anciens<br />
ou nouveaux, d’un espace d’expressions <strong>culture</strong>lles qui fera<br />
battre plus fort le cœur de chacun de ses quartiers, existant<br />
ou à naître. La <strong>culture</strong> sert ainsi une lecture urbaine continue.<br />
Une mutation en marche…<br />
23<br />
2.<br />
Opération d’Intérêt<br />
National<br />
3. voir focus :<br />
« Les archives voguent<br />
rive droite »<br />
Un vent de renouveau traverse déjà toute la ville. Partant<br />
du sud avec la création d’une médiathèque multimédia au<br />
sein du nouveau quartier Armagnac (2013) et la création en<br />
2015 de la MECA (Maison de l’Economie Créative et de la<br />
Culture d’Aquitaine), la <strong>culture</strong> rejoint la rive droite, quartier<br />
Bastide Niel, imprégnant le chantier Darwin, espace d’une<br />
nouvelle écologie urbaine et créative (2013), et baignant le<br />
projet des nouvelles Archives municipales (2015) [3], pour<br />
traverser le Jardin botanique. Les quartiers urbanisés de<br />
La Benauge sont également embrassés, avec le futur Pôle<br />
Joliot Curie (2017) actif trait d’union entre le Conservatoire<br />
et la bibliothèque de quartier. Quant aux territoires les<br />
moins denses, ils accueilleront, au parc des Angéliques, un
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
pôle cirque (2013), et, dans le secteur Brazza, une nouvelle<br />
bibliothèque de quartier et un centre de conservation des<br />
collections (2017).<br />
Poursuivant son mouvement, l’arc de développement<br />
repasse rive gauche, atteint la Cité des Civilisations du<br />
Vin (ouverture en 2016) grâce au nouveau Pont Chaban<br />
Delmas (2013) qui en accroît la proximité. Il s’achemine<br />
vers le Lac, plus au Nord, et son éco-quartier Ginko où la<br />
Maison des danses mêlera pratiques professionnelles et<br />
amateurs (2015), en passant par la Base sous-marine, dont<br />
la réhabilitation inaugurera une nouvelle vie dans un quartier<br />
portuaire, lui aussi en pleine mutation.<br />
Dans l’intervalle, au cœur de la cité historique, s’est<br />
immiscé en douceur, dans le paysage urbain, un auditorium<br />
de 1 440 places (2013), dont les qualités acoustiques<br />
sont déjà saluées, tandis que la complète rénovation du<br />
Muséum d’Histoire Naturelle (réouverture en 2016), au cœur<br />
du Jardin Public, associera valorisation d’un patrimoine<br />
naturel et architectural et lieu d’échange sur les enjeux de<br />
l’environnement.<br />
Ainsi, aux télescopages disgracieux, aux incohérences<br />
amenées, dans le passé, par une croissance parfois<br />
désordonnée, <strong>Bordeaux</strong> mobilise ses forces d’invention<br />
dans l’obsession et la défense d’une cohérence globale.<br />
Son éthique : une attention constante à cette individualité<br />
collective qui fait la ville et son atmosphère.<br />
… à échelle humaine<br />
24<br />
Ce foisonnement de chantiers traduit le choix d’un<br />
maillage méticuleux du territoire qui se construit, avant tout<br />
avec l’ensemble de ses acteurs artistiques, éducatifs et<br />
sociaux. Artistes, opérateurs, compagnies et associations,<br />
notamment, portent en amont, par leur travail de terrain, la<br />
<strong>culture</strong> dans des quartiers où elle serait moins visible. Cette<br />
sensibilisation est nourrie du dialogue avec les services de<br />
la Ville et les élus, autour de projets communs. L’itinérance<br />
naturelle des compagnies complète ce processus<br />
arborescent. Interviennent conjointement les acteurs<br />
éducatifs et sociaux, sur lesquels s’appuient les services<br />
<strong>culture</strong>ls, pour mutualiser les lieux, organiser les parcours,<br />
favoriser la rencontre autour de l’art de publics différents<br />
dans leurs usages quotidiens de la ville.<br />
Ainsi, quartier par quartier, la Ville fédère-t-elle un<br />
mouvement d’ensemble concerté qui ancre chaque<br />
établissement, comme chaque intention ponctuelle, dans<br />
une volonté de proximité et de mixité. Mais également,
{ Raccorder<br />
les territoires<br />
de <strong>Bordeaux</strong>,<br />
autour des<br />
gens eux-mêmes,<br />
de leurs<br />
pratiques et de<br />
leurs besoins }
{ Du Sud au<br />
Nord, la <strong>culture</strong><br />
contribue à<br />
tisser la ville }
{ une volonté<br />
de proximité<br />
et de mixité, une<br />
responsabilité<br />
commune<br />
et partagée }
FOCUS<br />
Le Plan d’Aménagement<br />
Culturel Territorial<br />
(pact) <br />
une méthode<br />
innovante<br />
Plan de <strong>Bordeaux</strong> à l’époque romaine<br />
(Fond Delpit),<br />
Bibliothèque Centrale Mériadeck<br />
Journées du Patrimoine 2012, Ballade<br />
urbaine au Grand Parc<br />
28
Vue des Quais de <strong>Bordeaux</strong> depuis<br />
la rive droite de la Garonne<br />
Journées du Patrimoine 2012,<br />
Ballade urbaine à Mériadeck<br />
Chantier de la Bibliothèque Armagnac<br />
Vue du Quartier Saint michel, Pont de Pierre<br />
29
FOCUS<br />
peuplement<br />
Inventorier, collecter,<br />
Pour définir et mettre en œuvre sa politique <strong>culture</strong>lle, la Ville s’est dotée<br />
défricher<br />
d’une équipe de professionnels et de spécialistes. Acteurs et observateurs<br />
de terrain, ils sont en prise directe et en concertation constante avec tous les<br />
Mené par le professeur Christophe<br />
Bergouignan, ce programme<br />
opérateurs, les artistes, institutions et associations. Ce choix qui privilégie<br />
l’expertise est une marque de fabrique à <strong>Bordeaux</strong>. C’est pourquoi, dans la<br />
de recherche, lancé en 2011, a permis<br />
perspective de son évolution démographique, la Ville a confié à l’Institut<br />
d’analyser précisément les services<br />
d’études démographiques de l’Université <strong>Bordeaux</strong> IV, une étude de l’offre<br />
<strong>culture</strong>ls que propose aujourd’hui<br />
<strong>culture</strong>lle bordelaise afin d’en imaginer le développement et les tendances<br />
la ville, ainsi que les besoins qui en<br />
futures.<br />
découlent. Collectées auprès de 120<br />
acteurs et opérateurs <strong>culture</strong>ls, les<br />
informations réunies, alimentent<br />
le plan et la stratégie de l’aménagement<br />
<strong>culture</strong>l du territoire. C’est<br />
un portrait polaroïd sociologique,<br />
urbain et démographique de <strong>Bordeaux</strong><br />
qui en dégage les enjeux pour<br />
l’avenir. Il dépeint les comportements<br />
<strong>culture</strong>ls, étudie la fréquentation<br />
des bibliothèques aux théâtres,<br />
et en imagine les futurs publics<br />
potentiels.<br />
Le caractère original de cette<br />
démarche tient à la mise en perspective<br />
de données habituellement<br />
pratiques<br />
<strong>culture</strong>lles<br />
Evento 2009, « Travelling Music»<br />
par Diller &Scofidio et le Conservatoire<br />
Jacques Thibaud<br />
segmentées. Généralement, le sociologue<br />
étudie les pratiques <strong>culture</strong>lles.<br />
Le démographe s’attache au<br />
peuplement. Le projet urbain est<br />
quant à lui réservé aux architectes<br />
et urbanistes. Le principe de l’étude<br />
a été de réunir, de juxtaposer et faire<br />
se recouper les trois aspects. Les informations<br />
récoltées ont permis de<br />
mettre en perspective les tendances<br />
démographiques de chaque quartier<br />
avec les pratiques <strong>culture</strong>lles qui<br />
y ont cours. A partir de l’existant,<br />
du réel et du vivant, l’étude révèle<br />
non seulement les enjeux de l’ère<br />
urbaine mais elle indique aussi<br />
les ajouts nécessaires et mesures<br />
à mettre en place, en regard des<br />
besoins futurs et des habitudes à<br />
naître des Bordelais.<br />
30
FOCUS<br />
Evaluer, analyser,<br />
projeter<br />
Cette cartographie sensible de la<br />
Ville assoie les certitudes et révèle<br />
les inconnues. On sait depuis<br />
longtemps que le cœur de la ville<br />
attire les étudiants poursuivant leur<br />
cursus à <strong>Bordeaux</strong>, ainsi que de<br />
jeunes diplômés de l’enseignement<br />
supérieur venus y débuter leur vie<br />
professionnelle. On sait également<br />
que les familles, au niveau d’étude<br />
et aux revenus élevés, souvent originaires<br />
d’Île de France, attendent des<br />
quartiers bien dotés en équipements<br />
<strong>culture</strong>ls. On constate aussi<br />
que les familles avec enfants sont<br />
plus largement répandues dans la<br />
périphérie sud. Afin d’harmoniser<br />
pratiques, habitudes, attentes et<br />
désir d’habiter la ville, <strong>Bordeaux</strong><br />
prend en compte l’ensemble de ces<br />
paramètres. Toutefois, il reste à<br />
évaluer les « non-publics », encore<br />
méconnus. A l’exemple du cinéma<br />
à domicile ou mobile, sur écran<br />
d’ordinateur, téléphone ou tablette<br />
numérique, de nouvelles pratiques<br />
sont difficilement identifiables.<br />
projet<br />
urbain<br />
Aucune statistique n’en permet<br />
aujourd'hui de mesure fiable. A partir<br />
d’analyses, l’étude préconise la<br />
mise en place de nouveaux moyens<br />
pour rendre compte d’un ensemble<br />
de pratiques pour l’instant non<br />
quantifiables. En complément, elle<br />
propose également, d’établir le lien<br />
entre déplacements quotidiens et<br />
établissements <strong>culture</strong>ls, en observant<br />
notamment s’ils s’effectuent<br />
à partir du lieu d’habitation ou de<br />
travail.<br />
Projetées dans l’avenir, ses<br />
conclusions confortent la politique<br />
bordelaise dans l’intensification de<br />
la vie <strong>culture</strong>lle au plus près de chacun.<br />
A terme, cette coopération active,<br />
entre l’université, la Ville et ses<br />
équipes, pourrait s’accentuer dans<br />
une perspective plus opérationnelle,<br />
dans une relation de conseil et de<br />
d’échange autour des projets <strong>culture</strong>ls<br />
des quartiers eux-mêmes. Une<br />
conception novatrice pour toujours<br />
rapprocher les habitants.<br />
31
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
elle invite à une responsabilité commune et partagée,<br />
entre citoyens, institutions, associations, artistes, acteurs<br />
et animateurs <strong>culture</strong>ls de tous terrains. En filigrane, cette<br />
logique traduit une stratégie toute bordelaise d’asseoir un<br />
modèle de territoire ouvert à l’économie de la connaissance.<br />
Cette perspective préside non seulement à l’ensemble des<br />
actions menées mais également, bien en amont, à une<br />
réflexion approfondie de la vie <strong>culture</strong>lle et des possibles<br />
qu’elle porte en elle.<br />
Stimuler les mutations<br />
artistiques, ouvrir<br />
pratiques et espaces<br />
de création<br />
Pour des « in »-disciplines<br />
qui décloisonnent les genres<br />
32<br />
Si le foisonnement des échanges est le reflet d’une<br />
approche productive et prospective de la création, il traduit<br />
également une réflexion menée, sur le caractère transversal<br />
de l’art, appelant des aptitudes, des savoir-faire et des<br />
aspirations conjuguées. De l’écrit aux arts plastiques et<br />
visuels, de la scène, sous toutes ses formes, au patrimoine,<br />
la notion de discipline s’érode. A contrario, leur croisement<br />
est un ferment. C’est donc sur ce constat, que la Ville<br />
s’appuie, dans l’ensemble de ses actions – pédagogiques,<br />
artistiques, <strong>culture</strong>lles.<br />
Ainsi, l’Escale du livre, salon littéraire devenu festival,<br />
cultive dans sa programmation un rapport des plus ouverts<br />
à l’écriture. L’événement convoque performances, création<br />
théâtrale et musicale, pour offrir un autre regard sur la<br />
création littéraire, ainsi qu’en témoigne par exemple, Die<br />
Dichte œuvre écrite et interprétée par Marie N’Diaye et le<br />
musicien Denis Cointe. La manifestation suscite la rencontre<br />
conviviale, des auteurs, des artistes et de leurs publics tout<br />
en favorisant de nouvelles opportunités à la diffusion du<br />
livre.<br />
Ces transversalités se manifestent entre bande dessinée et<br />
musique à travers des concerts dessinés, des performances<br />
littéraires dans des galeries d’art, les collaborations inédites
{ Le croisement<br />
des disciplines<br />
est un ferment }
{ Les<br />
enseignements<br />
opèrent<br />
leur mue }
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
35<br />
4. voir focus :<br />
« le conservatoire<br />
Jacques Thibaud,<br />
un laboratoire<br />
d’apprentissage »<br />
entre conservatoire et architectes de renommée mondiale<br />
donnant corps le temps d’une proposition aux croisements<br />
des inspirations et des pratiques [4].<br />
Le rendez-vous Evento, carte blanche à l’échelle de la<br />
ville périodiquement proposée à un artiste contemporain<br />
de renom, en est un prolongement cohérent. Tel un appel<br />
à réactions, la manifestation confronte visions urbaines<br />
et propositions esthétiques. Lors de ses deux premières<br />
éditions, en 2009 avec Didier Faustino pour directeur<br />
artistique, puis Michelangelo Pistoletto en 2011, artistes<br />
et Bordelais, chacun et ensemble, ont pu appréhender<br />
l’espace polymorphe de la ville comme « matière première ».<br />
<strong>Bordeaux</strong> s’y révèle en laboratoire d’invention ne se voulant<br />
ni raisonnable, ni consensuel, porté par une réflexion<br />
introspective.<br />
L’esprit d’émulation trouve aussi dans la biennale Novart<br />
une résonnance et un impact à sa mesure. Devenu, en une<br />
dizaine d’années, un tremplin des arts de la scène, des lieux<br />
eux-mêmes aux artistes émergents qui s’y produisent, le<br />
festival, successivement orchestré par Dominique Pitoiset<br />
(2010) et Frédéric Maragnani (2012), a suscité découvertes<br />
et échanges tant publics que professionnels. S’immisçant<br />
dans les réseaux européens tels que Next step et l’ONDA<br />
(Office National de Diffusion Artistique), le festival provoque<br />
le rapprochement d’univers au demeurant plus éloignés<br />
comme l’Université, à l’exemple du philosophe Bruce<br />
Bégout, enseignant à <strong>Bordeaux</strong> III, participant au spectacle<br />
du Bordelais Michel Schweitzer. Défricheuse et découvreuse,<br />
l’édition 2012, axée sur l’invention de nouveaux langages<br />
artistiques toutes disciplines confondues, a mêlé des<br />
talents locaux tels la chorégraphe Carole Vergne et son<br />
collectif Aao, des émergences internationales telles que<br />
la compagnie grecque Blitz Theatre ou le chorégraphe et<br />
danseur new yorkais Daniel Linehan ainsi que des notoriétés<br />
internationales, comme la compagnie L.A. Dance project du<br />
danseur étoile Benjamin Millepied ou le performeur Sudafricain<br />
Steven Cohen.<br />
Ces disciplines dont les contours s’érodent, rendant<br />
leur transversalité toujours plus visible, doivent pouvoir<br />
s’appréhender au plus tôt : dès les premières années de<br />
formation des artistes. Pour que plasticiens, musiciens,<br />
danseurs, acteurs parlent un langage commun ; pour que<br />
chacun, sans compromis ni concession à son exigence<br />
artistique, poursuive sa démarche et sa recherche en phase<br />
avec un monde évolutif, les enseignements dispensés<br />
dans les établissements du quartier Sainte Croix opèrent<br />
leur mue. Repenser, adapter, harmoniser les contenus<br />
pédagogiques de l’enseignement artistique à l’aune de cette
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
mutation, est le défi que dès maintenant <strong>Bordeaux</strong> entend<br />
relever. [5]<br />
Inventer les musées de demain<br />
36<br />
5. voir focus :<br />
« Pour un campus<br />
d’enseignement artistique »<br />
6. voir focus :<br />
« Le Muséum d’Histoire<br />
Naturelle creuse<br />
de nouveaux sillons »<br />
7. voir focus :<br />
« Le Musée d’Aquitaine,<br />
la mémoire en route »<br />
Dans le prolongement des enseignements, le musée est<br />
une étape décisive. Les établissements bordelais se sont<br />
d’ores et déjà redéfinis. La ville propose une offre muséale<br />
abondante (11 musées dont 7 municipaux, recouvrant<br />
l’ensemble de l’histoire humaine et de la création artistique,<br />
de la préhistoire à nos jours), tant destinée au visiteur<br />
aguerri qu’au promeneur, venu par hasard (plus de 500 000<br />
entrées par an). Elle favorise un éclairage nouveau de ses<br />
urbanités. Les établissements croisent les disciplines, les<br />
spectacles investissent des espaces publics inhabituels. Une<br />
approche inventive et active de ses biens <strong>culture</strong>ls nourrit sa<br />
politique d’animation patrimoniale.<br />
Le premier établissement bordelais à avoir fait sien ce<br />
crédo fut le CAPC. Dès sa création, en 1973, le centre d’art<br />
devenu musée cultivera l’ambition « d’élargir les frontières<br />
du regard ». Dans son espace, la nef des anciens entrepôts<br />
Lainé, scène interactive d’expositions et de spectacles,<br />
affirmait déjà un esprit multidisciplinaire et transversal, ainsi<br />
qu’une attention volontariste de mélanges, de générations et<br />
de publics, que le CAPC continue de perpétuer.<br />
Ouvert à l’avenir, le musée embrasse de multiples enjeux.<br />
Il devra être un lieu de vie et de rassemblement, convivial,<br />
décontracté tout en restant un repère sociétal.<br />
La volonté d’ajuster le discours scientifique aux<br />
préoccupations et aux progrès de la recherche a présidé<br />
à la métamorphose du Muséum d’Histoire Naturelle, d’un<br />
musée de la connaissance vers un centre de ressources<br />
favorisant la prise de conscience du développement<br />
durable et de la biodiversité [6]. Elle a également conduit<br />
le Musée d’Aquitaine à engager une démarche historique,<br />
ethnographique et sociologique, la refonte de ses salles<br />
permanentes dédiées aux XVIII e , et bientôt XIX e et XX e<br />
siècles [7].<br />
Par ailleurs, la renaissance du Musée des Beaux-arts,<br />
l’un des plus riche musée de France, programmée en<br />
plusieurs étapes, sera visible dès 2013 avec la réouverture<br />
de l’aile nord dédiée à l’art des XIXe et XXe siècles. Puis, il<br />
se déploiera sur des espaces agrandis qui permettront de<br />
donner à voir l’éventail complet de toutes ses richesses,<br />
convoquant l’art ancien et l’art moderne, mais aussi la<br />
musique, le théâtre et la littérature dans un dialogue<br />
renouvelé. La galerie des Beaux-arts qui lui fait face, donnera
{ Les lieux<br />
de <strong>culture</strong> sont<br />
les forums<br />
de demain, où<br />
connaissance<br />
et vie se<br />
conjuguent<br />
au pluriel }
{ <strong>Bordeaux</strong><br />
produit, nourrit<br />
et promeut<br />
l’esprit d’une<br />
<strong>culture</strong> invitante<br />
et incitante }
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
toute sa mesure dans ce dispositif en continuant d’accueillir<br />
des expositions d’envergure internationale. Elle trouvera<br />
très bientôt une nouvelle place dans un quartier restructuré<br />
autour de la future cité municipale ouverte en 2014, osant<br />
ainsi un pont entre la ville historique et la ville moderne<br />
(Meriadeck), à l’image de ses ambitions <strong>culture</strong>lles.<br />
Enfin, le Musée des Arts Décoratifs et désormais du<br />
Design, entretiendra le dialogue avec la nouvelle garde des<br />
créateurs tout en continuant d’inscrire le goût de l’objet dans<br />
une approche historique et artistique.<br />
Il s’agit enfin de créer dans chacun des musées, des lieux<br />
de détente, de partage qui invitent le visiteur à pénétrer en<br />
promeneur sans complexe dans leurs murs ; de permettre<br />
à l’aide des technologies numériques de proposer une<br />
relation nouvelle aux œuvres; de susciter des rencontres<br />
toujours plus nombreuses et originales avec d’autres<br />
formes d’expression artistique et enfin d’instituer des<br />
horaires d’ouverture parfaitement adaptés aux rythmes de<br />
vies des habitants. Les lieux de <strong>culture</strong>, aux antipodes des<br />
sanctuaires d’antan, sont les forums de demain, au sens<br />
originel, où connaissance et vie se conjuguent au pluriel.<br />
Une approche exigeante<br />
et décomplexée des publics<br />
39<br />
8. voir focus :<br />
« Un nouveau rapport<br />
au « spectateur »<br />
C’est vers l’autre, avec, par et pour lui, que se structure et<br />
se bâtit la métropole d’Aquitaine.<br />
L’élan engagé s’appuie donc sur un principe moteur : le<br />
partage. S’il est un levier ostensible, déclencheur d’actions<br />
et d’innovations, il revêt également une dimension inclusive,<br />
englobant toutes les diversités, offrant à chacun sa chance<br />
et l’attention particulière qu’elle appelle.[8]<br />
A la manière d’une réaction en chaîne, le soin apporté<br />
à l’accueil et à l’accompagnement des publics conforte<br />
les institutions dans leur dynamique. Aussi, une volonté<br />
d’écoute et d’attente, dicte la recherche et la mise en place<br />
d’outils adaptés à l’évolution de leurs besoins et de leurs<br />
appétences.<br />
Sur le terrain, au cas par cas, <strong>Bordeaux</strong> produit, nourrit et<br />
promeut l’esprit d’une <strong>culture</strong> invitante et incitante. Dès lors,<br />
urbanisme et urbanités, humanisme et humanités, projet<br />
social et projet <strong>culture</strong>l se conjuguent et s’harmonisent dans<br />
une proximité affermie : une concorde d’esprits. Ainsi chaque<br />
année, à l’automne, dans le cadre de l’opération « bon baiser<br />
de… », le Musée d’Aquitaine ouvre ses portes aux différentes<br />
communautés bordelaises qui viennent présenter leur<br />
<strong>culture</strong> d’origine.
FOCUS<br />
Bibliothèques <br />
Cultiver<br />
ses désirs<br />
Bibliothèque Mériadeck<br />
Espace Musique Bibliothèque Mériadeck<br />
Comité de lecture, Bibliothèque de la Bastide<br />
Projet de la Bibliothèque Armagnac<br />
Biblio.Sport, Quai des Sports<br />
40
FOCUS<br />
Silence ! La règle qui prévaut à<br />
l’église ou à l’hôpital a longtemps<br />
fait autorité dans les bibliothèques.<br />
Mais, depuis une dizaine d’années,<br />
l’image, le son et un patrimoine<br />
numérique exponentiel sont venus<br />
chahuter les anciennes cathédrales<br />
sans voix et les dispensaires de<br />
savoirs. Les sensations ont franchi<br />
le seuil des vénérables institutions<br />
amenant une approche, des<br />
pratiques et des comportements<br />
nouveaux. Attentives, les bibliothèques<br />
de <strong>Bordeaux</strong> s’y adaptent,<br />
s’assouplissent, se réinventent pour<br />
nourrir une complicité plus directe,<br />
une plus grande liberté d’échanges<br />
et de contacts. Au vieil adage<br />
« Sois savante et tais-toi ! » elles en<br />
suggèrent un autre « Sois vivante<br />
et parle-moi ! ». Et préviennent<br />
attentes et besoins par l’attrait<br />
d’incitations nouvelles, mobiles,<br />
éphémères… épicuriennes.<br />
Chacun cherche<br />
son chat<br />
Une ville, quelle qu’elle soit, est<br />
l’espace d’une quête personnelle,<br />
collective, spirituelle et pragmatique.<br />
La démarcation entre l’espace<br />
public et privé s’y estompe. Comme<br />
dans une vaste bibliothèque, chacun<br />
y cherche un « coin » - ou son chat,<br />
suggère le cinéaste Cédric Klapisch<br />
- pour se glisser parmi les<br />
autres, s’isoler en restant connecté<br />
au monde, sans rupture crue. Le<br />
lecteur du XXIe siècle, étudie,<br />
lit, écoute, joue de la musique,<br />
cherche des images, télécharge des<br />
documents visuels ou assiste à des<br />
lectures, des spectacles, joue à des<br />
jeux vidéo… Il n’a pas seulement des<br />
yeux, mais aussi des oreilles, une<br />
bouche, des doigts et des jambes. Il<br />
entend goûter au-dehors l’ambiance<br />
« cocoon » qu’il apprécie chez lui. La<br />
nécessité d’un lieu intermédiaire,<br />
permettant une activité personnelle,<br />
dans le respect de l’autre,<br />
émane d’une aspiration profonde.<br />
Elle motive la restructuration de la<br />
Bibliothèque de Mériadeck. Mais<br />
elle implique également de repenser<br />
la dynamique de l’ensemble des<br />
bibliothèques de la Ville.<br />
Un élan vital<br />
Pour s’ouvrir à chacun, les<br />
bibliothèques s’ouvrent sur la ville.<br />
Les lourdes portes des temples<br />
de la connaissance, pour impressionnantes<br />
qu’elles étaient, n’ont<br />
favorisé ni accès ni proximité. Or,<br />
c’est dans la rue-même, rythmée<br />
par son passage et sa vie ordinaire,<br />
qu’une bibliothèque peut<br />
transformer une appréhension en<br />
invitation. Celle ou celui qui hésite<br />
à en franchir l’entrée, se figure le<br />
parcours du combattant qu’il va<br />
devoir accomplir. Gravir les étages,<br />
chercher, choisir, puis attendre pour<br />
consulter ou emprunter un document,<br />
sont autant de freins à l’envie.<br />
Pour y remédier, la bibliothèque de<br />
Mériadeck opère sa mue en informatisant<br />
ses prêts, en leur dédiant<br />
des bornes dès le rez-de-chaussée et<br />
en créant une cafétéria de plainpied,<br />
en prise directe avec la rue.<br />
Mieux insérée dans les flux citadins,<br />
la Bibliothèque entend ainsi devenir<br />
un appel à la visite, qu’elle soit<br />
planifiée ou improvisée.<br />
Effacer les écarts<br />
L’imposante bibliothèque municipale,<br />
la deuxième de France qui<br />
conserve les prestigieux fonds Montaigne,<br />
Montesquieu et Mauriac,<br />
concentre sur 27 000 m², de multiples<br />
supports de connaissances<br />
destinés aux abonnés, étudiants ou<br />
chercheurs. Aujourd’hui la population<br />
estudiantine, qui constitue 25 %<br />
de la population de la ville, entre<br />
pour 60 % dans sa fréquentation<br />
annuelle de 700 000 visiteurs.<br />
Destinés au service plus spécifique<br />
des publics, deux espaces<br />
pionniers y ont vu le jour. L’Espace<br />
Diderot, accueille, depuis les années<br />
1990, les mal et non-voyants étendant<br />
aujourd’hui ses compétences<br />
à d’autres types de handicaps. De<br />
même, un service d’autoformation,<br />
créé en 2008, propose 34 postes informatiques<br />
offrant des ressources<br />
numériques d’apprentissage du<br />
français aux langues étrangères, de<br />
la bureautique au code de la route.<br />
De taille plus modeste, neuf<br />
bibliothèques de quartier (d’environ<br />
400 m² en moyenne) composent un<br />
réseau inégal dans la ville. Assurant<br />
leur mission de lecture publique,<br />
elles peinent cependant à irriguer<br />
l’ensemble du territoire urbain.<br />
Dans un premier temps, ce constat<br />
lucide a conduit à la mise en place<br />
d’un bibliobus puis, récemment, a<br />
fait naître le projet de la Ville de refondre<br />
et de rééquilibrer l’intégralité<br />
de ce patrimoine bâti, en l’adaptant<br />
à ses perspectives de croissance.<br />
Son remodelage profond tend à<br />
diversifier les publics et stimuler<br />
les bibliothèques dans leur habitat<br />
naturel : la ville entière. Deux nouveaux<br />
bâtiments vont voir le jour<br />
en 2013 dans les quartiers Euratlantique<br />
et Saint-Augustin. Trois<br />
autres formeront un arc, rive droite.<br />
Un lieu hybride, compilant les outils<br />
de la Bibliothèque et du Conservatoire<br />
Jacques Thibaud, accueillera,<br />
entre autres, sur 2 400 m², une<br />
salle de diffusion et un café situé en<br />
regard d’un centre sportif. D’ici à<br />
2020, la superficie des bibliothèques<br />
de quartier de <strong>Bordeaux</strong> devrait<br />
avoir doublé, passant de 3 000 à<br />
6 000 m². Au fur et à mesure de ces<br />
aménagements d’envergure, la ville<br />
engage un travail intercommunal<br />
avec Lormont, Cenon, Floirac pour<br />
favoriser les connexions entre rives<br />
droite et gauche.<br />
41
FOCUS<br />
Sésame ouvre-toi<br />
Dans leurs murs, dans leur<br />
fonctionnement quotidien, toujours<br />
plus automatisé et dématérialisé,<br />
les bibliothèques sont appelées à se<br />
libérer, leurs métiers, à se réinventer.<br />
La diversité des espaces et des<br />
activités proposées vont rassembler<br />
amateurs, curieux et spécialistes,<br />
de toutes générations. Le bibliothécaire,<br />
lui-même, ne sera plus seulement<br />
opérateur ou agent : à l’instar<br />
d’un libraire, il deviendra conseiller,<br />
s’investissant davantage dans la<br />
mise en espace de ses collections et<br />
de leur médiation envers le public.<br />
Ecouté et à l’écoute, il va s’impliquer<br />
dans un contact et un échange<br />
tangible avec le visiteur en face à<br />
face ou à distance, via Facebook,<br />
des blogs ou le portail documentaire<br />
sur Internet, véritable bibliothèque<br />
bis, accessible de jour comme de<br />
nuit. Le bibliothécaire instaure<br />
ainsi un dialogue sur l’œuvre, incite<br />
aux commentaires, sans finalité<br />
marchande, se remet en question.<br />
Quant au document et à l’œuvre,<br />
rendus plus accessibles, ils seront<br />
désacralisés, accoutumant chacun<br />
à une nouvelle proximité devenue<br />
indispensable.<br />
Cette ouverture induit une implication<br />
des bibliothèques dans leur<br />
force d’incitation et de proposition<br />
<strong>culture</strong>lle. Par une plus grande<br />
souplesse des modes de consultation<br />
et de prêts, par la création<br />
d’atmosphères propres à chaque<br />
type d’activité, par l’ouverture<br />
d’espaces éphémères au plus près<br />
des Bordelais, les bibliothèques<br />
offriront à chacun le choix de son<br />
plaisir et de sa découverte. Ouvertes<br />
à des activités nouvelles, dotées<br />
d’une programmation vivante, avec<br />
ses récurrences et ses impromptus,<br />
elles seront un rendez-vous où<br />
l’inattendu sert une approche dynamique<br />
des outils de connaissances<br />
qu’elles portent en elles.<br />
Une légèreté de l’être<br />
Aussi, dans la rue et sur les quais,<br />
les bibliothèques bordelaises ont<br />
déjà commencé à lancer un message<br />
ludique, festif et souvent espiègle<br />
au travers des opérations Bibliobato<br />
ou Biblio-sport. Dernière née,<br />
Bi.Bo (Bibliothèque de <strong>Bordeaux</strong>)<br />
est un blog interactif auquel on<br />
peut accéder directement de son<br />
profil Facebook. En clin d’œil à la<br />
presse féminine, il s’inspire des<br />
psycho-tests proposés l’été dans<br />
les magazines, à consommer de<br />
préférence sur un transat, lunettes<br />
noires sur le front. Ici les questions<br />
renvoient, sur le mode du jeu et de<br />
la découverte de soi, à des connaissances<br />
partagées. Détournement du<br />
langage et titillement de curiosité<br />
tracent un chemin de traverse vers<br />
les livres et les œuvres. Cette<br />
proposition, qui joue du superficiel<br />
à contre-emploi, vise, comme<br />
toutes les initiatives ponctuelles<br />
ou impromptues menées par les<br />
bibliothèques municipales à réduire<br />
la distance entre lecture et lecteurs,<br />
effectifs ou potentiels, à favoriser<br />
une approche spontanée, inscrite<br />
dans une mission, en profondeur,<br />
de sensibilisation, une relation<br />
de confiance et d’échange. Cette<br />
souplesse renforcée n’abroge en<br />
aucun cas l’application et le respect<br />
d’un règlement nécessaire. Mais elle<br />
souligne l’évolution voulue par la<br />
ville dans la qualité des liens entre<br />
bibliothèques et usagers.<br />
In fine, au travers du vaste<br />
programme engagé, c’est bien par<br />
l’imagination et la surprise, que la<br />
Ville cherche à solliciter les appétits<br />
de connaissance, instruments<br />
souverains de cohésion. Ne perdant<br />
jamais de vue la valeur sociale de<br />
cette entreprise, elle apporte les<br />
livres là où ils ne sont pas. Pour<br />
divertir, informer et former, elle<br />
multiplie leurs portages à domicile,<br />
auprès notamment des personnes<br />
âgées. <strong>Bordeaux</strong>, avec l’appui d’associations,<br />
a également constitué<br />
un réseau de « boîtes à livres », dans<br />
son espace urbain, sans règlement<br />
ni pré-usage, utilisant pour cela des<br />
ouvrages déclassifiés et ceux que<br />
déposent les lecteurs.<br />
Ainsi, du Nord au Sud et d’une<br />
rive à l’autre, la ville émaille son<br />
réseau de bibliothèques, pallie ici<br />
une carence, invente là une nouvelle<br />
forme pour un nouvel usage. Plus<br />
visibles, ces établissements viendront<br />
insuffler, au cœur de quartiers<br />
en mutation, une proposition <strong>culture</strong>lle<br />
active et permanente, hors des<br />
anciennes frontières de voisinage.<br />
Par cette restructuration coordonnée,<br />
<strong>Bordeaux</strong> fait vibrer sa<br />
fibre <strong>culture</strong>lle. Elle souligne ainsi,<br />
sur l’ensemble de son territoire, sa<br />
volonté civique de faire du bien-être<br />
et des plaisirs <strong>culture</strong>ls des moteurs<br />
de la vie bordelaise. Embrassant<br />
les attitudes, les comportements<br />
et accompagnant les appétences<br />
de chacun, elle dessine pour tous,<br />
à mesure humaine, une carte<br />
citoyenne de la curiosité, des savoirs<br />
et de l’imagination, qui n’a rien<br />
d’imaginaire.<br />
42
FOCUS<br />
Biblio.Bato, Bassins à flot<br />
Fonds Patrimoniaux, Bibliothèque Mériadeck<br />
Espace de lecture, Bibliothèque Mériadeck<br />
Prêt et retour des documents,<br />
Bibliothèque Mériadeck<br />
43
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
Ouvrir les frontières mentales<br />
Accompagner en amont la création est une question<br />
d’attention aux pratiques existantes et à celles qui<br />
s’inventent au gré d’initiatives et d’aspirations. Mais c’est<br />
aussi l’affaire de ceux, qui entre l’art et les publics, testent,<br />
éprouvent, innovent de nouvelles méthodes pour transmettre<br />
et partager la curiosité et le goût de la connaissance.<br />
Précurseur en matière de sensibilisation et de médiation,<br />
l’art bus sillonnait jadis <strong>Bordeaux</strong> et ses écoles primaires<br />
dès 1975, à la manière d’un bibliobus, bien avant la création<br />
à Paris de l’atelier des enfants au centre Pompidou. Son<br />
héritier, le BAC (Bus de l’Art Contemporain) compose une<br />
visite de la ville au travers de ses institutions, galeries<br />
privées et lieux alternatifs, à la rencontre des artistes.<br />
Emmenée par un historien de l’art qui commente et anime ce<br />
parcours, cette découverte suscite débats et commentaires.<br />
« Je n’aurais pas pensé que… », confient certains passagers<br />
du bus. Cette remarque, à la fois question et conclusion,<br />
illustre une prise de conscience et constitue un pas nouveau<br />
rapprochant tout-un-chacun de l’art contemporain.<br />
Car, appréhender l’autre dans sa propre <strong>culture</strong> pour<br />
l’accompagner dans sa découverte, fomenter en lui une<br />
surprise parfois rebelle qui stimule l’esprit et le plaisir,<br />
sont les finalités de ces initiatives d’ouverture. L’expérience<br />
récente du Biblio.bato est de cet acabit. Ephémère, amarrée<br />
au quai de la Garonne, cette bibliothèque décalée a modifié<br />
l’image traditionnelle d’une institution en attirant ceux qui ne<br />
seraient pas rentrés dans une bibliothèque plus classique.<br />
Lieu de divertissement et de détente le Biblio.bato proposait<br />
une expérience à vivre et à partager, relayée sur le net.<br />
Tout aussi réjouissant, Biblio.sport a brisé le cliché du<br />
lecteur chétif et du sportif sans cervelle. A la manière d’un<br />
étal temporaire, il proposait, sous une tente de 50 m², un<br />
programme <strong>culture</strong>l, des projections de films, des lectures<br />
à la demande mais aussi des psycho-tests littéraires et des<br />
jeux vidéo à plusieurs…[9]<br />
Médiations et propositions inventives<br />
44<br />
9. voir focus :<br />
« Bibliothèques : cultiver<br />
ses désirs »<br />
Autant de spots dans la ville, d’espaces détournés<br />
ou éphémères, rendent plus mobiles les lieux <strong>culture</strong>ls,<br />
s’accordant aux mouvements des gens. La <strong>culture</strong> s’y<br />
désacralise. S’y dématérialise. Pionnier de ce type de<br />
médiation, le CAPC imagine aujourd’hui un prolongement
{ Le CAPC ouvre<br />
la création<br />
contemporaine<br />
à tous }
{ La relation<br />
humaine est<br />
toujours le<br />
point de départ<br />
et d’arrivée }
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
47<br />
numérique aux boîtes-exposition conçues en 1974, support<br />
pédagogique grâce auquel il a pu mener à bien une<br />
sensibilisation à l’art en profondeur. Car, le musée, comme<br />
toutes les instances <strong>culture</strong>lles, artistiques et éducatives<br />
de la Ville a tôt fait de mesurer l’enjeu des perspectives de<br />
ce nouveau médium démocratique, ludique, participatif et<br />
source infinie de connaissance.<br />
S’inspirant d’une expérience américaine, le Muséum<br />
d’Histoire Naturelle invente, dès 1998, « la Nuit au musée »<br />
près de dix ans avant la généralisation de cette pratique<br />
en Europe. Elle est d’abord réservée aux enfants qui y sont<br />
accueillis toute la nuit, pour des activités en soirée, puis<br />
invités à dormir au pied de leur animal préféré, avant de<br />
devenir au petit matin les guides privilégiés de leurs parents.<br />
Depuis son origine, le CAPC, affirme son leadership dans<br />
un paysage artistique international en perpétuel changement.<br />
Carrefour et lieu de rencontre, le centre d’art-musée,<br />
désormais quadragénaire, a su tirer profit de la confrontation<br />
de son architecture pure et austère en formalisant<br />
des propositions artistiques innovantes, éclairant les<br />
problématiques contemporaines. Il se propose aujourd’hui<br />
de relire la mémoire dont il est dépositaire à la lumière<br />
des mutations en marche. Espace public, loin du temple<br />
sacré, le CAPC part, comme il en a toujours eu l’initiative,<br />
au-devant de ses publics, composés à plus de 50% par<br />
des jeunes de moins de 30 ans. Soulignant l’art dans sa<br />
contemporanéité, il chahute ses espaces, dynamise sa<br />
convivialité entretenant sa vocation expérimentale. Il alterne<br />
expositions d’artistes confirmés et projets de jeunes artistes<br />
en devenir, accompagnés d’activités <strong>culture</strong>lles (rencontres,<br />
conférences, performances, concerts, projections…). En<br />
2012, l’exposition dédiée à Michel Majerus dont l’œuvre,<br />
une rampe de Skateboard de 43 mètres de longueur a<br />
investi le cœur du musée, illustre puissamment l’orientation<br />
poursuivie vers un renouvellement des publics. Pop, directe,<br />
décalée et embrassant les codes de la <strong>culture</strong> urbaine, If you<br />
are dead, so it is élargit le champ de l’art. L’œuvre partage<br />
un langage. C’est en présentant des formes artistiques à la<br />
fois exigeantes et généreuses que le CAPC ouvre la création<br />
contemporaine à tous.<br />
Symboles tangibles, outils usuels, actions ponctuelles ou<br />
éphémères, manifestations d’ampleur locale ou d’envergure<br />
nationale contribuent à <strong>Bordeaux</strong> à nourrir la volonté<br />
profonde d’abolir toutes sortes de frontières. Le pari est<br />
relevé par Evento qui, par exemple, associe le collectif<br />
madrilène Democracia et les Girondins de <strong>Bordeaux</strong> pour<br />
proposer aux supporters du club de football des produits<br />
dérivés arborant des aphorismes philosophiques en lieu
FOCUS<br />
Quand l’art<br />
déplace<br />
la réalité<br />
L’équipe nationale de la république<br />
d’Ingouchie / Vieux Condé<br />
Opéra Pagaï<br />
L’appartement cultivable / Saint-Gaudens<br />
48
Festival Chahuts,<br />
Place Saint Michel, 2012<br />
Festival Chahuts 2012,<br />
Battle de Hip Hop par Animaniaxxx<br />
Festival Chahuts 2012,<br />
« We can be heroes», Place Saint Projet<br />
Festival Chahuts 2010,<br />
le Septième étage et demie<br />
49
Les propositions artistiques de la<br />
compagnie Opéra Pagaï et de l’association<br />
Chahuts offrent un regard<br />
neuf sur la ville et les mondes qu’elle<br />
recèle. Caroline Melon, directrice de<br />
Chahuts, et Cyril Jaubert, fondateur<br />
du collectif Opéra Pagaï expliquent<br />
leur démarche et portent un regard<br />
croisé sur leurs expériences.<br />
De structure et d’origine différente,<br />
Chahuts et Opéra Pagaï sont-elles<br />
animées d’une même intention <br />
Caroline Melon : Notre<br />
association, Chahuts, fondée en 1991<br />
sur la pratique des arts de la parole,<br />
s’implique notamment dans une<br />
réflexion sur les mutations du quartier<br />
Saint-Michel. L’art et les gens<br />
sont au cœur de notre approche :<br />
la création permettant d’effectuer<br />
un pas de côté pour explorer notre<br />
environnement urbain ; l’échange<br />
urbain et humain étant une base<br />
pour co-fabriquer nos projets, vivre<br />
des temps collectifs et partager<br />
des aventures qui décalent notre<br />
perception du quotidien.<br />
Cyril Jaubert : De notre<br />
côté, le propos sous-jacent d’Opéra<br />
Pagaï, créé en 1998, est de déflorer<br />
des mondes inconnus que nous<br />
traversons tous les jours. En marge<br />
de représentations traditionnelles<br />
en salle, notre compagnie pratique<br />
un théâtre de la réalité. Elle vient<br />
s’immiscer dans la vie quotidienne,<br />
interpeler chacun et déjouer des<br />
certitudes intimes. Aussi, en perturbant<br />
un tant soit peu le quotidien,<br />
en y portant un regard différent<br />
et souvent décalé, on peut vivre sa<br />
ville différemment. Et lorsque l’on<br />
déplace un peu la réalité, jaillissent<br />
autour de nous des ressources<br />
insoupçonnées.<br />
Quelles formes prennent vos propositions<br />
artistiques <br />
C. M. : L’association Chahuts<br />
est active tout au long de l’année.<br />
Nous menons de nombreuses<br />
actions de sensibilisation, d’ateliers<br />
de pratique artistique, de<br />
parcours <strong>culture</strong>ls, en collaboration<br />
avec des centres d’animation<br />
et de formation, des associations<br />
socio<strong>culture</strong>lles, des structures<br />
d’insertion professionnelle et<br />
sociale, des bibliothèques, des<br />
collèges, etc. En écho à ce travail,<br />
en tant qu’opérateurs et organisateurs,<br />
nous construisons également<br />
le festival Chahuts à partir de<br />
spectacles préexistants, comme<br />
des programmateurs classiques.<br />
Par exemple, les GreetChahuteurs<br />
(de « greeter » en anglais, l’hôte),<br />
inventés pendant le festival et adaptés<br />
aux Journées européennes du<br />
patrimoine, proposent des balades<br />
personnelles, sensibles et poétiques<br />
du quartier Saint-Michel pour en<br />
faire découvrir ou redécouvrir<br />
des recoins méconnus ou oubliés.<br />
Les habitants deviennent alors les<br />
guides éphémères de leur propre<br />
quartier selon un tracé qui n’est<br />
ni patrimonial ni historique mais<br />
sensible, sentimental, lié au plaisir<br />
de chacun, au cœur de leur environnement<br />
immédiat. C’est la rue d’un<br />
premier baiser, la boulangerie de<br />
la meilleure chocolatine… Par cette<br />
approche inhabituelle nous mettons<br />
en lumière des instants fragiles, des<br />
espaces délicats, des atmosphères<br />
singulières porteuses d’imaginaire<br />
et d’invention qui se greffent et<br />
prennent vie, autour de chacun. Car,<br />
il ne s’agit pas pour nous de changer<br />
le regard des gens mais, tout au<br />
plus, en multipliant les points de<br />
vue, de remodeler le sien.<br />
C. J. : Les interventions d’Opéra<br />
Pagaï, sont elles aussi multiples et<br />
protéiformes. De la Maison sur l’eau -<br />
une famille vivant son ordinaire sur<br />
la Garonne - à Safari intime - pièce<br />
jouée et vécue chez l’habitant - nous<br />
proposons aux citadins comme<br />
aux ruraux, toujours à partir d’une<br />
perturbation du quotidien, une<br />
réflexion sur leur propre territoire,<br />
leur quartier. Cette « mise en scène »<br />
appelle la collaboration des gens qui<br />
vivent là et participent à l’écriture<br />
et la réalisation de ces projets. Ces<br />
propositions sont autant d’intrusions<br />
artistiques dans l’espace<br />
public – c’est-à-dire un espace plein,<br />
aux dimensions variées, chargé de<br />
vies et de gens. Par cette intrusion<br />
nous tentons de comprendre les<br />
enjeux sociaux et <strong>culture</strong>ls du territoire<br />
sur lequel nous travaillons. La<br />
question n’est donc pas uniquement<br />
spatiale. Ainsi, les résidences qui<br />
nous permettent de nous immerger<br />
dans un territoire constituent un<br />
travail in situ, sur mesure, pour<br />
que chaque projet colle à l’échelle<br />
humaine et à l’histoire qu’on y<br />
amène ou que l’on en dégage.<br />
L’espace urbain est donc une « matière<br />
première » de recherche, de création et<br />
d’échange <br />
C. M. : Notre propos n’est pas de<br />
savoir où l’on veut intervenir. Nous<br />
ne sommes pas face à un choix :<br />
nous prenons en compte tous les<br />
espaces quels qu’ils soient. C’est en<br />
ce qu’il a de signifiant que l’espace<br />
nous intéresse. C’est une base de<br />
travail. Chahuts, par exemple,<br />
est totalement lié au quartier où<br />
l’association intervient, ce qui ne<br />
l’empêche pas d’intervenir ailleurs<br />
comme actuellement dans le Lot<br />
et Garonne. L’important pour<br />
nous est de mener des projets<br />
50
en adéquation avec des gens, de<br />
proposer un projet artistique, de<br />
co-fabriquer et d’échanger avec des<br />
artistes, commerçants, collectivités<br />
ou associations socio<strong>culture</strong>lles…<br />
Chaque rencontre est essentielle,<br />
on se raconte qui on est, on échange<br />
sur nos valeurs et après seulement<br />
nous voyons si nous pouvons<br />
ou non travailler ensemble. La<br />
ville est une matière première en<br />
tant qu’espace de prise de parole,<br />
d’écoute, d’expression créative dans<br />
une optique d’ouverture, d’enrichissement,<br />
d’épanouissement.<br />
C. J. : Nos géographies sont semblables.<br />
Nous concevons l’espace<br />
urbain comme un contexte. Jamais<br />
vide. Notre matière première c’est<br />
d’abord l’humain. C’est autour de<br />
lui – acteur spectateur, passant.. que<br />
s’organise réflexion, création et mise<br />
en scène.<br />
Menez-vous des projets en commun <br />
C. J. : Nos collaborations ont<br />
toujours pour socle l’échange de<br />
nos savoir-faire. Comme les gens<br />
d’un même quartier nous sommes<br />
complémentaires.<br />
C. M. : Nous accueillons des<br />
spectacles qu’Opéra Pagaï a pensé<br />
et officions en tant que programmateur,<br />
relais et trait d’union sur<br />
le territoire. Dans le cadre de notre<br />
travail sur la mutation de Saint-Michel<br />
nous avons invité Opéra Pagaï<br />
à réagir vis-à-vis du projet que nous<br />
allons mener pendant trois ans<br />
dans le quartier.<br />
Quels publics imaginez-vous pour<br />
demain <br />
C. M : Le mot public a une connotation<br />
passive et tend à assimiler<br />
le spectateur à un consommateur.<br />
La diversité des personnes qui<br />
d’une manière ou d’une autre nous<br />
suivent, en assistant aux spectacles,<br />
en intervenant avec nous ou simplement<br />
en se donnant rendez-vous au<br />
bar de l’association Chahuts pour<br />
échanger composent un ensemble<br />
que nous ne cherchons ni à quantifier<br />
ni à définir. Le mot public est un<br />
mot-valise.<br />
C. J. : Avec Opéra Pagaï, le<br />
passant devient soudain spectateur.<br />
Parfois on le sollicite. Pourquoi<br />
chercher à définir des contours Au<br />
risque de segmenter et réduire notre<br />
démarche et l’ouverture de notre<br />
intention. Alors comment se poser<br />
pour demain une question que l’on<br />
ne se pose pas aujourd’hui <br />
Après plus de dix ans d’expérience,<br />
l’association Chahuts et la compagnie<br />
Opéra Pagaï constituent-elles une<br />
nouvelle approche du spectacle <br />
C. J. : Notre propos est de mettre<br />
en scène un paysage humain par<br />
des moyens que nous inventons, des<br />
mises en situation, des spectacles,<br />
des interventions « perturbatrices »,<br />
des surprises… C’est peut-être<br />
l’insupportable du réel qui nous<br />
pousse à jouer avec, pour le rendre<br />
beau, intéressant, vivable et nourrissant.<br />
Si le spectacle est un moyen,<br />
nous ne cherchons pas à tout prix<br />
le spectaculaire. Notre finalité<br />
tient davantage d’un état d’esprit,<br />
d’une conscience affirmée et d’une<br />
volonté pour mettre en lumière<br />
des contextes et des enjeux. Tout<br />
cela est induit dans nos propositions.<br />
Effectivement, nous ne nous<br />
enfermons pas dans une catégorie<br />
et ne souhaitons pas l’être. Car nous<br />
ne cherchons pas à nous définir par<br />
rapport à ce que nous faisons, mais<br />
à permettre à ceux qui s’embarquent<br />
dans notre aventure d’y trouver<br />
plaisir et conscience.<br />
C. M. : Nos projets ne sont pas des<br />
propositions événementielles mais<br />
plutôt un rassemblement, à l’image<br />
d’une fête de famille. C’est une posture<br />
au monde. C’est une approche<br />
au cas par cas basée sur l’écoute,<br />
qui n’a rien de systématique et se<br />
module, se transforme au gré des<br />
rencontres.<br />
C. J. : L’important est de trouver<br />
la justesse du propos et la place de<br />
chacun, pour nous y compris. Et<br />
d’agir dans le quotidien de la ville,<br />
les festivals ou rassemblements<br />
populaires…<br />
C. M. : Nous abordons la <strong>culture</strong><br />
dans son sens le plus large, sans<br />
élitisme, pour conjuguer des valeurs<br />
humaines de courage, d’audace, de<br />
délicatesse, de fragilité toujours<br />
centrées sur la vie des gens.<br />
Festival Chahuts, 2011<br />
51
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
et place des habituels slogans. Pari relevé également par<br />
l’Opéra National de <strong>Bordeaux</strong>, qui a fait de la question de<br />
la mixité des publics son fer de lance, en mettant en œuvre<br />
des parcours éducatifs d’initiation au chant lyrique. Ainsi le<br />
programme « Ma voix et toi » se construit avec les enfants<br />
des centres d’animation des quartiers durant toute une<br />
année scolaire. Sous la direction d’artistes associés, il se<br />
déroule en trois temps : atelier de pratique, participations à<br />
des spectacles et création artistique puis représentation en<br />
présence des familles, au sein du Grand Théâtre.<br />
Ainsi la Ville pense-t-elle son avenir en conjuguant<br />
au présent l’innovation artistique, pédagogique et<br />
technologique. L’attention au citoyen et à son évolution<br />
en est le point focal, l’échelle et l’objet. Elle mobilise et<br />
sous-tend toutes les initiatives, interventions et projets<br />
menés afin d’ouvrir, quels qu’ils soient, tous les horizons. La<br />
programmation de la Base sous-marine en est d’ailleurs un<br />
exemple éloquent : photographie, festival jazz, danse, théâtre,<br />
si la Base présente artistes émergents ou confirmés elle met<br />
avant tout à l’honneur un public bigarré, intergénérationnel<br />
(près de 100 000 entrées par an) qui éprouve vis-à-vis de ce<br />
lieu atypique un attachement réel.<br />
Stimuler, relayer et valoriser<br />
52<br />
Tout projet n’a qu’une mesure, qu’une destination : l’homme<br />
lui-même. Ce principe fonde et façonne un message de<br />
solidarité de partage et de dialogue, dont la relation humaine<br />
est toujours le point de départ et d’arrivée. Quelque soient<br />
les champs d’intervention, cet objectif constitue une ligne<br />
directrice.<br />
Ici, les actions concertées lancées avec le Centre<br />
communal d’action social (CCAS) promeuvent une<br />
réinsertion par l’art à travers les expositions organisées<br />
dans ses murs, avec l’appui notamment de l’association C<br />
dans la boîte emmenée par le photographe Bruce Milpied.<br />
Habitants des quartiers avoisinants, usagers du CCAS<br />
impliqués dans ces projets, artistes invités trouvent, dans les<br />
rencontres provoquées par ces manifestations la voie d’une<br />
revalorisation de soi, porteuse d’estime et d’encouragement.<br />
Là, un réseau d’entraide aux personnes seules, entretenu<br />
par l’association 5 de cœur et l’école Saint Michel, propose<br />
des soirées de liberté durant lesquelles des parents isolés<br />
peuvent se rendre à un spectacle ou un événement <strong>culture</strong>l<br />
tandis que l’association garde leurs enfants.<br />
Ailleurs encore, s’appuyant, sur les réseaux sociaux, le<br />
CAPC propose aux étudiants étrangers de devenir des
{ Indice de<br />
son attractivité,<br />
les 76%<br />
de charges<br />
de centralité<br />
<strong>culture</strong>lle<br />
de <strong>Bordeaux</strong> }
{ la spécificité<br />
de <strong>Bordeaux</strong><br />
est d’embrasser<br />
toutes les<br />
spécialités<br />
de la <strong>culture</strong>,<br />
au service de<br />
toutes les<br />
formes de<br />
talents et<br />
d’expression }
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
55<br />
10.<br />
Les charges de<br />
centralité sont définies<br />
comme le budget de<br />
fonctionnement financé<br />
par les contribuables<br />
de la Ville Centre,<br />
dévolu au rayonnement<br />
dépassant les limites<br />
de la commune et non<br />
compensé par des<br />
financements publics<br />
complémentaires<br />
« ambassadeurs ». Invités en primeur aux expositions ils<br />
communiquent leurs sensations, leurs points de vue,<br />
avec leur propre langage, à leurs groupes d’amis, tels des<br />
passeurs nomades, virtuels mais efficients.<br />
Cette vocation d’établir et d’étendre des réseaux pérennes<br />
parmi tous ceux qui « font » la <strong>culture</strong> est commune à<br />
l’ensemble des établissements et s’étend bien au-delà des<br />
frontières de la métropole. Indice de son attractivité, les<br />
76% de charges de centralité [10] <strong>culture</strong>lle de <strong>Bordeaux</strong><br />
en font une des villes-centre françaises dont les dépenses<br />
de fonctionnement au service du territoire métropolitain,<br />
départemental et régional sont les plus lourdes. Derrière<br />
ce chiffre, et au-delà de l’origine des publics fréquentant<br />
les établissements, se cachent des réalités concrètes. Ainsi<br />
une part importante de l’activité de l’Opéra National de<br />
<strong>Bordeaux</strong> est-elle consacrée à irriguer le territoire régional.<br />
De même, le réseau des bibliothèques municipales, riche<br />
de la deuxième plus grande bibliothèque de France ainsi<br />
que d’un catalogue regroupant 90% des ressources de<br />
l’agglomération (catalogue commun Ville-Universités),<br />
partage, avec l’ensemble du territoire métropolitain, son<br />
expérience en matière de lecture publique et de patrimoine.<br />
D’une manière plus générale, tous les établissements<br />
<strong>culture</strong>ls sont des relais éducatifs incontournables pour les<br />
enseignants et chercheurs du territoire qu’ils contribuent à<br />
unir et renforcer dans un réseau construit et soudé.<br />
Les valeurs de partage et d’ouverture stimulent ainsi une<br />
transmission des compétences, une mise en commun des<br />
expériences que favorise l’expansion ramifiée du territoire.<br />
Leur effet immédiat se mesure concrètement dans l’aide<br />
apportée aux artistes en situation précaire : l’implantation<br />
de nouveaux espaces, la création de lieux de travail et<br />
d’appartements en collaboration avec des bailleurs sociaux.<br />
Ces valeurs de partage et d’ouverture soulignent une<br />
préoccupation majeure et fondamentale : la question des<br />
publics est l’un des fondements de la politique <strong>culture</strong>lle<br />
bordelaise. Ici encore, la Ville a fait le choix de l’expertise en<br />
fondant sa méthodologie sur le travail mutuel et concerté<br />
des milieux sociaux et <strong>culture</strong>ls.<br />
Culture, social et socio<strong>culture</strong>l :<br />
dynamiser les réseaux interactifs<br />
La spécificité de <strong>Bordeaux</strong> est d’embrasser toutes les<br />
spécialités de la <strong>culture</strong>, au service de toutes les formes de<br />
talents et d’expression. Car pourquoi imposer au citoyen un<br />
seul champ d’action quand la diversité des populations et
CHAP. 1<br />
—<br />
S’affranchir<br />
des frontières<br />
des appétences imposent transversalité et métissage De<br />
ce fait, se pose la question des voies d’accès aux publics les<br />
plus éloignés. Tel est, depuis deux ans, le sens du dialogue<br />
engagé au sein du projet social entre les professionnels de<br />
la <strong>culture</strong> et ceux des actions sociales et socio<strong>culture</strong>lles.<br />
L’objectif poursuivi : aller au plus près des publics les plus en<br />
rupture. La méthode : s’appuyer sur ceux qui les connaissent<br />
le mieux. Au demeurant évident, ce positionnement constitue<br />
une réelle innovation, permettant de lutter efficacement<br />
contre des replis identitaires parfois extrêmement forts<br />
dans certains secteurs. Après plusieurs ateliers et forums<br />
récemment réunis, sous l’appellation « Culture inter social »,<br />
et après un long travail d’élaboration d’un champ lexical<br />
commun, se construit peu à peu un plan d’actions concrètes<br />
qui sert de feuille de route à une démarche concertée.<br />
En dessinant son territoire <strong>Bordeaux</strong> en invente l’écriture<br />
et le langage. Un pari, une évidence et une confiance pour<br />
la future métropole millionnaire en la force des énergies<br />
mobilisées autour de la <strong>culture</strong> et des <strong>culture</strong>s, reflets et<br />
vecteurs de démocratie et de cohésion sociale.<br />
56
{ aller au<br />
plus près<br />
des publics<br />
les plus<br />
en rupture }
a<br />
FOCUS<br />
Vers un campus<br />
d’enseignement<br />
artistique<br />
Novart 2005, Conservatoire Jacques Thibaud<br />
Orphéons, cours de jeunes élèves de 1er cycle<br />
«Laissez-vous guider !» Inauguration des studios<br />
de danse du département danse 2011<br />
58
FOCUS<br />
«House Of The Living Dead»<br />
par l’Ecole supérieure des beaux arts,<br />
Imaginez maintenant, 2010<br />
La Nuit de la création, au CAPC, 2011<br />
Symposium «l’art contemporain»<br />
59
FOCUS<br />
Dans la cité des Anciens, arts<br />
mécaniques et arts libéraux étaient<br />
séparés. Dans celle des Modernes,<br />
les beaux-arts étaient méticuleusement<br />
rangés par l’Académie. Depuis,<br />
à l’école comme au musée, les<br />
disciplines et leurs enseignements<br />
sont restés dissociés, compartimentés,<br />
segmentés. Mais depuis<br />
quelques années, les frontières se<br />
sont ouvertes, bouleversant à tous<br />
points de vue le modèle hérité de<br />
l’Antiquité. A la faveur de cette<br />
mutation, <strong>Bordeaux</strong> a opté pour<br />
une attitude visionnaire : anticiper<br />
dès aujourd’hui l’avenir d’un<br />
enseignement artistique, adapté aux<br />
principes d’une nouvelle ergonomie<br />
de la <strong>culture</strong>.<br />
Un angle de vue<br />
A l’aube du XXIe siècle, la profusion<br />
des médiums, l’immédiateté<br />
des communications, accentuées<br />
par les avancées technologiques,<br />
ont mis en évidence les disparités<br />
et les décalages des enseignements<br />
supérieurs en Europe. L’harmonisation<br />
des qualifications, des diplômes<br />
(licence, master, doctorat) et la<br />
nécessaire mobilité des étudiants,<br />
enseignants et chercheurs ont été<br />
les fondements d’une vaste réforme<br />
lancée en 1999 depuis Bologne,<br />
par les ministres européens de la<br />
<strong>culture</strong>. Désormais, à niveau de<br />
diplôme équivalent, les étudiants<br />
peuvent enjamber les frontières<br />
sans interrompre leur cursus. Ils<br />
viennent chercher là ce qu’ils ne<br />
trouvent pas ici, pouvant compléter<br />
leur formation par une immersion<br />
salutaire en pays étranger. Dès lors,<br />
de l’université aux écoles d’art, les<br />
établissements s’internationalisent,<br />
deviennent autonomes et, pour<br />
certains, se regroupent. Mais, si<br />
les murs extérieurs tombent, les<br />
cloisons intérieures subsistent. La<br />
question de la pluridisciplinarité<br />
ou de la transversalité des enseignements<br />
artistiques reste à la<br />
discrétion des pédagogues. C’est<br />
pourquoi, prenant du champ pour<br />
envisager dès maintenant une suite<br />
logique au processus de Bologne,<br />
<strong>Bordeaux</strong> œuvre pour la création de<br />
son pôle d’enseignement artistique<br />
pluridisciplinaire.<br />
Un projet à longue<br />
portée<br />
Renforcer la synergie entre établissements,<br />
abolir le cloisonnement<br />
des enseignements des arts visuels<br />
aux arts de la scène, proposer aux<br />
étudiants des passerelles que les<br />
instances nationales ne peuvent<br />
encore offrir… l’idée semble tenir<br />
de la simple logique. Pourtant, au<br />
demeurant, peu de villes d’Europe<br />
s’y sont encore engagées.<br />
L’idée est de créer une communauté<br />
d’écoles, un pôle attractif au<br />
service de l’excellence. Mutualisant<br />
les compétences des établissements<br />
d’art de <strong>Bordeaux</strong> et l’ensemble<br />
des enseignements artistiques,<br />
il prendra en compte l’insertion<br />
professionnelle des étudiants, trop<br />
souvent délaissée par les écoles<br />
d’enseignement artistique en<br />
France. A moyen terme, l’accompagnement<br />
des carrières doit devenir<br />
l’une de ses missions. La ville livre<br />
ainsi une version simple des enseignements<br />
artistiques de demain qui<br />
tient en trois objectifs : excellence,<br />
recherche et développement, projet<br />
qu’elle développe au sein du quartier<br />
Sainte-Croix.<br />
Un panorama<br />
prometteur<br />
Sainte-Croix est le quartier bordelais<br />
de la création et de l’enseignement<br />
artistique. Outre de jeunes<br />
galeries et des associations actives,<br />
il réunit sur son sol le Conservatoire<br />
Jacques Thibaud, l’Ecole Supérieure<br />
de Théâtre <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine<br />
(l’ESTBA) au cœur du Théâtre<br />
National de <strong>Bordeaux</strong> (TnBA),<br />
l’Ecole Supérieure des Beaux-arts,<br />
mais aussi l’Institut de Journalisme<br />
<strong>Bordeaux</strong> Aquitaine. La présence<br />
des étudiants, la proximité du Café<br />
Pompier semblent déjà y esquisser<br />
les frémissements d’une future<br />
« cité des arts » qui bénéficiera<br />
également du voisinage de la future<br />
Maison de l’Economie Créative<br />
et de la Culture (MECA) abritant<br />
le Frac (Fonds Régional d’Art<br />
Contemporain) Aquitaine, Ecla<br />
(Agence régionale du livre et du<br />
cinéma) et l’Oara (Office Artistique<br />
de la Région Aquitaine) voire celui<br />
de l’Ecole Nationale d’Architecture<br />
et du Paysage de <strong>Bordeaux</strong> dont le<br />
déménagement est également en<br />
projet.<br />
Ces établissements cultivent<br />
l’excellence. Les cycles à orientation<br />
professionnelle du Conservatoire<br />
permettent à leurs élèves d’intégrer<br />
des établissements d’enseignement<br />
supérieur en musique(s) et arts de<br />
la scène, en France et à l’étranger<br />
(Montréal, Québec, Paris ou Lyon<br />
notamment). De son côté, l’ESTBA<br />
délivre un diplôme de comédien<br />
niveau bac+3. Issus de sa première<br />
promotion en 2010, deux élèves ont<br />
notamment rejoint l’atelier de la<br />
Comédie Française. Quant à l’Ecole<br />
Supérieure des Beaux-arts, membre<br />
du Pôle de recherche et d’enseignement<br />
Supérieur de <strong>Bordeaux</strong>, elle<br />
affirme d’ores et déjà sa polyvalence<br />
et sa place dans le champ de la<br />
recherche après son habilitation<br />
Master délivrée en 2011.<br />
60
FOCUS<br />
Le partenariat étroit liant<br />
Conservatoire, Cefedem Aquitaine<br />
et Université <strong>Bordeaux</strong> III a permis<br />
l’émergence d’un Pôle Supérieur<br />
Musique et Danse. Le rapprochement<br />
avec l’ESTBA est désormais<br />
questionné pour imaginer à moyen<br />
terme un pôle des arts de la scène<br />
avant que des passerelles ne soient<br />
scellées avec l’Ecole Supérieure des<br />
Beaux-arts, à plus long terme.<br />
Hormis ces prédispositions, la<br />
Ville et ses établissements <strong>culture</strong>ls<br />
participent pleinement de l’enseignement<br />
supérieur. Le CAPC, en<br />
partenariat avec 18 classes universitaires,<br />
héberge depuis 2008, l’Unité<br />
d’Enseignement d’expérimentationcréation<br />
et accueille en résidence les<br />
étudiants de l’UFR d’arts plastiques<br />
de l’université Michel de Montaigne<br />
<strong>Bordeaux</strong> III. En Histoire de l’art,<br />
c’est au Musée des Arts Décoratifs<br />
et du Design et au Musée des Beauxarts<br />
qu’ils viennent parfaire leur<br />
formation théorique. Les étudiants<br />
entrent pour 60% dans le nombre<br />
des lecteurs de sa bibliothèque. Ce<br />
taux de fréquentation estudiantine<br />
est identique à celui de la bibliothèque<br />
Mériadeck, qui quant à elle,<br />
assure la formation au patrimoine<br />
des étudiants de l’IUT Métiers du<br />
livre de <strong>Bordeaux</strong> III.<br />
L’objectif est donc aussi simple<br />
qu’ambitieux : <strong>Bordeaux</strong> entend<br />
favoriser et garantir l’excellence<br />
de professionnels et d’artistes<br />
bordelais dans les champs de la<br />
musique, du théâtre et des arts<br />
visuels. Voué à la transdisciplinarité<br />
des enseignements artistiques, son<br />
projet est d’accompagner dans leur<br />
insertion et leur formation continue<br />
les artistes de demain. Et au-delà,<br />
à l’image de l’Ecole Supérieure des<br />
Beaux-arts qui nourrit l’intention<br />
d’intégrer un réseau européen de<br />
formation post-master, au sein d’un<br />
pôle d’excellence comprenant le<br />
Royal College de Londres, l’école<br />
d’art de Bruxelles, l’école d’architecture<br />
et d’art graphique de Venise…<br />
la Ville entend, dès ses premiers<br />
pas, donner à son pôle d’enseignement<br />
artistique le pouvoir attractif,<br />
tant européen qu’international,<br />
d’une fabrique <strong>culture</strong>lle, innovante,<br />
ouverte et adaptée aux arts<br />
de demain, à leurs concepts, leurs<br />
formes et leur économie.<br />
Petite harmonie, Fête de la musique des enfants au Jardin Public, 2012<br />
61
Goûter<br />
plaisirs<br />
de la Cit<br />
pour une expérience<br />
personnelle et collective<br />
du patrimoine et de la ville<br />
«Dancing in the street», Place Saint-Michel,<br />
par Allez les Filles,2011
les<br />
é<br />
Evento 2011, «Palace» par Exyzt, Marché des Capucins<br />
Evento 2011, «Palace»: Boum VIK (Very Important Kid)<br />
au Marché des Capucins
Evento 2011, «La Maison sur l’eau»,par Opéra Pagaï, 2012
Evento 2011, «3*8=24», Partie Commune, EBABx, 2011<br />
Espace d’exposition Crystal Palace, par Zébra 3, Place du Parlement
Lieux Possibles 3, «l’Institut du Point de vue» par Bruit du Frigo, la Benauge<br />
Ballade urbaine en vélo<br />
aux Bassins à Flots<br />
Evento 2011, EXODO<br />
par l’Agence Créative,<br />
Place de la Victoire
Orchestre d’Harmonie de <strong>Bordeaux</strong>, concert Jardin Public<br />
Boxe & Soul, par Allez les Filles et le Boxing Club Bordelais, Saint Michel, 2011
La cathédrale Saint André depuis la Tour Pey Berland<br />
Dancing in the streets,<br />
Place Saint-Michel, par Allez les Filles, 2011<br />
Evento 2009, concert de Bassekou Kouyaté sur les quais
Evento 2011,» <strong>Bordeaux</strong> Rosso»<br />
par Pippo Delbono, Place de la Comédie<br />
Evento 2009, «Travelling Music» par Diller&<br />
Scofidio, Conservatoire Jacques Thibaud<br />
Evento 2011, séance photo<br />
au Marché des Capucins
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
Epicurienne, <strong>Bordeaux</strong> cultive sa terre,<br />
son vin, sa table, comme elle soigne son<br />
esprit et sa physionomie. Séductrice et<br />
attentive elle porte autant de soin à ses<br />
racines historiques qu’aux forces créatives<br />
de ses avant-gardes. Car ici, chacun, à<br />
soi-seul, est un public à la fois unique et<br />
métissé, témoin et acteur d’un contexte<br />
urbain polymorphe. Pour en orchestrer<br />
l’habile brassage, <strong>Bordeaux</strong> bouscule<br />
les habitudes, surprend les regards.<br />
Arc‐boutée sur une proximité renforcée,<br />
géographique et humaine, des lieux de<br />
<strong>culture</strong>s, la ville offre en partage ses<br />
patrimoines anciens et contemporains,<br />
peaufine ses futurs quartiers pour en<br />
proposer des saveurs et des sensations<br />
nouvelles.<br />
Evento 2009<br />
70
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
Un héritage universel<br />
en commun<br />
Assumer l’héritage<br />
71<br />
Harmonie, symétrie et lumière frappent l’œil du visiteur qui<br />
longe les façades embellies des quais de <strong>Bordeaux</strong> avant de<br />
s’engager dans les ruelles médiévales et romanesques pour<br />
passer tour à tour de créations des années 1920-1930 en<br />
propositions contemporaines.<br />
Cet environnement qui rythme et nourrit, au quotidien, le<br />
regard des Bordelais représente un héritage considérable<br />
particulièrement visible: pas moins de 358 sites protégés (le<br />
nombre le plus important en France après Paris) dont 150<br />
classés au titre de Monuments Historiques et quelque 20<br />
édifices cultuels. A ces bâtiments s’ajoutent un abondant<br />
patrimoine mobilier (fontaines, statues … qui totalise plus<br />
de 368 objets protégés) et une quarantaine d’orgues. S’y<br />
adjoignent bien sûr les collections des musées municipaux,<br />
ainsi que les fonds précieux des Archives municipales*<br />
et ceux de la Bibliothèque de <strong>Bordeaux</strong> qui, outre un<br />
ensemble impressionnant de manuscrits conserve les fonds<br />
de trois illustres auteurs d’origine aquitaine – Montaigne,<br />
Montesquieu, Mauriac –donnant à <strong>Bordeaux</strong> son surnom de<br />
« ville des 3 M ».<br />
Afin de préserver et transmettre ce patrimoine aux<br />
générations futures, l’ensemble des établissements <strong>culture</strong>ls<br />
consacre, avec l’aide de l’Etat, près de 250 000 euros<br />
annuels à la restauration des collections. La préservation<br />
du bâti, constitue, quant à elle, une enveloppe avoisinant 2<br />
millions d’euros par an.<br />
Depuis 2004, la Ville opère d’ailleurs un recensement<br />
minutieux de son paysage urbain et architectural dont la<br />
sauvegarde et la mise en valeur ont été inscrites à son Plan<br />
local d’urbanisme (PLU). Accompagné dans sa réalisation<br />
par le service régional de l’Inventaire, il bénéficie du soutien<br />
financier de la DRAC.<br />
L’expertise menée par la Mission de recensement<br />
du paysage architectural et urbain, sur l’ensemble des<br />
40 000 parcelles qui forment le centre ville – et débordent<br />
largement du secteur protégé – permet de déterminer<br />
consciencieusement les espaces, verts ou bâtis à<br />
sauvegarder, restaurer ou maintenir en l’état, de ceux qui<br />
pourront accueillir des constructions nouvelles, parfaitement<br />
intégrées à leur environnement.
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
72<br />
11. voir focus :<br />
« Le Musée d’Aquitaine, la<br />
mémoire en route »<br />
Ce recensement concerne le territoire de la ville de pierre<br />
– 1 400 hectares – et s’étend géographiquement jusqu’à<br />
la ceinture des boulevards et au-delà, à Caudéran, Saint-<br />
Augustin et La Bastide. Mais, dans les consciences, la<br />
Ville mène en parallèle des actions de sensibilisation pour<br />
la protection du patrimoine et la promotion de la qualité<br />
urbaine, auprès du plus large public possible. De multiples<br />
éditions – Carnets d’une ville en héritage, Parcours de la<br />
ville de pierre, livrets ville d’art et d’histoire… – exposent,<br />
expliquent et illustrent les qualités du patrimoine bordelais<br />
ainsi que les règles qui régissent son urbanisme et son<br />
architecture.<br />
En 2011, la Ville a également lancé un ambitieux plan<br />
d’inventaire et d’étude du mobilier auprès des lieux cultuels<br />
dont seules les œuvres peintes avaient fait l’objet d’un<br />
recollement récent. Planifiée sur plusieurs années, cette<br />
démarche aboutira à une meilleure conservation des objets<br />
mais aussi à un partage public des informations récoltées,<br />
grâce à une base de données alimentée de documents<br />
historiques, bibliographiques et photographiques.<br />
Mieux connaitre son patrimoine c’est d’abord en faciliter<br />
l’accès. C’est pourquoi, la Ville développe un programme<br />
de travaux d’accessibilité physique pour l’ensemble des<br />
bâtiments accueillant le public, en apportant un soin attentif<br />
à la préservation de leur intégrité et de leurs spécificités<br />
architecturales.<br />
Car assumer un héritage est une affaire commune, une<br />
question de partage. L’invitation et l’intégration mutuelle<br />
des habitants dans l’histoire collective y tiennent un rôle<br />
aussi essentiel que la connaissance sans concession et<br />
la conscience, pour chacun, des épisodes sombres du<br />
passé. Une promenade dans le cœur historique, allant du<br />
Grand Théâtre au Musée d’Aquitaine en passant par le<br />
Musée des Arts Décoratifs et du Design, verre grossissant<br />
d’un art de vivre riche, procure la découverte des facettes<br />
contrastées d’un <strong>Bordeaux</strong> des Lumières : période d’intense<br />
créativité esthétique, technique, comme en attestent par<br />
exemple les instruments de mesure ou encore les objets<br />
de vie quotidienne des derniers parlementaires de l’Ancien<br />
Régime, exposés dans l’Hôtel de Lalande, elle est également<br />
synonyme d’un commerce en droiture qui contribua à<br />
alimenter grandement la prospérité de la ville portuaire. La<br />
part de <strong>Bordeaux</strong> dans l’histoire de l’esclavage est abordée<br />
en profondeur dans les salles permanentes dédiées au<br />
XVIII e siècle du musée d’Aquitaine, faisant de l’établissement<br />
l’un des premiers en Europe, avec Nantes et Liverpool, à<br />
traiter cet aspect. [11]<br />
La question de la mémoire collective a également présidé
{ Assumer un<br />
héritage est une<br />
affaire commune,<br />
une question<br />
de partage }
{ La part de<br />
<strong>Bordeaux</strong> dans<br />
l’histoire de<br />
l’esclavage est<br />
abordée sans<br />
détour }
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
à la création dès 1967, du Centre national Jean Moulin,<br />
musée et centre de documentation de la Seconde Guerre<br />
Mondiale. Installé dans les locaux de l’ancienne Caisse<br />
d’Epargne de <strong>Bordeaux</strong>, ce lieu, présentant des documents<br />
d’époques ainsi que de nombreuses expositions, permet<br />
d’appréhender l’histoire de la Résistance, de la Déportation,<br />
le rôle des Forces Françaises Libres. Il apporte, en se<br />
tournant vers l’avenir, sa contribution à l’enseignement et à la<br />
recherche.<br />
Ville d’Histoire, <strong>Bordeaux</strong> choisit d’inciter le visiteur<br />
à penser demain de manière responsable, à travers<br />
la compréhension profonde de son patrimoine dans<br />
une approche sans fard tant scientifique, pédagogique<br />
qu’esthétique. Car les strates du temps s’imbriquent dans les<br />
murs de la ville, de façon parfois brutale comme à la Base<br />
sous-marine. [12] De rues en quartiers, passé et présent se<br />
toisent, offrant une lecture urbaine pour laquelle chacun doit<br />
pouvoir disposer des codes et des clés.<br />
Interroger son patrimoine et ses symboles<br />
75<br />
12. voir focus :<br />
« La Base sous-marine :<br />
le lieu réconcilié »<br />
Le militantisme bordelais pour la reconnaissance de<br />
patrimoines multiples qui donnent à la ville son visage actuel<br />
appelle, de fait une attention permanente à son architecture<br />
et son urbanisme contemporain. Tout au long de l’année,<br />
l’association Arc en rêve mène, depuis sa création en 1981,<br />
une active sensibilisation <strong>culture</strong>lle dans les domaines de<br />
l’architecture, de la ville, du paysage et du design auprès de<br />
tous les publics. En promoteur de la qualité du cadre de vie,<br />
ce centre d’architecture de dimension internationale organise<br />
expositions, conférences, débats, éditions, animations pour<br />
enfants, séminaires pour adultes et visites. Tel un bilan<br />
d’étape, la biennale d’architecture Agora est devenue un<br />
rendez-vous d’échanges entre architectes et urbanistes du<br />
monde entier tels que Rem Koolhaas, Bernard Reichen, Rudy<br />
Ricciotti, Eduardo Souto de Moura ou encore Djamel Klouche<br />
et Marc Barani – qui ont respectivement dirigé ses deux<br />
dernières éditions. Chaque biennale est aussi l’occasion de<br />
questionner dans ses symboles le patrimoine contemporain<br />
bordelais, ses échoppes, ses cœurs d’îlots, ses paysages<br />
urbains en devenir, ses chais rendus habitables. L’événement<br />
est aussi un appel à idées, lancé auprès de jeunes designers<br />
invités à revisiter la petite tasse à café, sous l’égide d’un jury<br />
de personnalités tel que Tobia Scarpa – récemment exposé<br />
au musée des arts décoratifs – ou encore Andrea Branzi,<br />
jury du Prix design en 2010. Les propositions parviennent<br />
par centaines. A cette occasion, les liens entre savoir-faire
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
artisanal et édition de mobilier, entre design et industrie<br />
sont mis en relief, offrant, en complément des expositions<br />
thématiques du Musée des Arts Décoratifs et du Design, leur<br />
application directe dans un dialogue public.<br />
Du design à l’urbanisme, <strong>Bordeaux</strong> démontre, affirme et<br />
revendique sa volonté de partager et de transmettre au plus<br />
grand nombre un patrimoine diversifié.<br />
Faire vivre un patrimoine polymorphe<br />
76<br />
Refusant avec force l’idée qu’un ensemble classé puisse<br />
devenir un décor figé dans son éternité fragile, la Ville<br />
livre sa version personnelle des Journées européennes du<br />
patrimoine, auxquelles elle ajoute – en filigrane – l’adjectif<br />
« vivant ». La manifestation a depuis longtemps transgressé<br />
les frontières du centre ancien et du secteur sauvegardé<br />
pour essaimer sur l’ensemble du territoire, en relevant<br />
le défi de promouvoir des richesses d’un autre type :<br />
celles des quartiers eux-mêmes, de l’identité portuaire et<br />
industrielle mais aussi celles de l’humain et de l’immatériel.<br />
La découverte des sites – ici par un spectacle de théâtre<br />
ou une lecture, là grâce à un concert ou un atelier de bande<br />
dessinée – suggère et souligne la proximité et la diversité<br />
d’appropriations possibles. A <strong>Bordeaux</strong>, la manifestation,<br />
par son approche décalée, met en lumière les qualités et les<br />
possibilités transversales des lieux et des espaces, dans les<br />
moindres recoins de la ville. En signe d’une sensibilisation<br />
active et réussie, les Journées européennes du patrimoine<br />
ont attiré pour leur dernière édition, 130 000 visiteurs pour<br />
130 manifestations sur 98 sites. Ce bilan consacre la formule<br />
bordelaise au rang des plus remarquées en Europe.<br />
Implicitement, <strong>Bordeaux</strong> pose à chacun une question grave<br />
en termes légers : comment habiter une ville classée, la faire<br />
grandir, dans ses marges et dans son centre Telle est l’une<br />
des préoccupations qui fonde le dialogue entre la ville, ses<br />
équipes et ses habitants. Saisir son évolution architecturale,<br />
urbaine et paysagère jusqu’à nos jours en regard de l’avenir,<br />
sont notamment les motifs de la création de <strong>Bordeaux</strong><br />
Patrimoine Mondial, nom choisi pour le nouveau Centre<br />
d’interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, situé place<br />
de la Bourse, qui ouvrira ses portes en 2014. Son parcours<br />
interactif oriente les publics vers les hauts lieux de la Ville<br />
unis dans une même visite, réunit un espace d’exposition<br />
permanent qui livre les clefs d’une lecture récréative du<br />
paysage urbain bordelais ainsi qu’un espace pédagogique.<br />
C’est également le lieu d’information sur l’actualité des<br />
grands chantiers patrimoniaux en cours.
{ <strong>Bordeaux</strong><br />
revendique<br />
sa volonté<br />
de transmettre<br />
au plus grand<br />
nombre<br />
un patrimoine<br />
diversifié }
{ 130 000 visiteurs<br />
pour 130 manifestations<br />
sur 98<br />
sites : la formule<br />
bordelaise<br />
des Journées<br />
Européennes<br />
du Patrimoine<br />
est au rang des<br />
plus remarquées<br />
en Europe }
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
79<br />
Sur le terrain, la Ville propose à ses habitants des « balades<br />
urbaines » permettant de porter un nouveau regard sur<br />
un patrimoine familier (notamment celui plus récent des<br />
quartiers situés en dehors du secteur ancien sauvegardé).<br />
Conçues avec l’Office de Tourisme, réalisées par des jeunes<br />
médiateurs des Villes D’art et d’Histoire, elles permettent<br />
l’accès de tous, grâce à une offre tarifaire avantageuse et<br />
des visites gratuites pour les moins de 18 ans. Ce dispositif<br />
vient compléter une offre abondante nourrie par l’Office de<br />
Tourisme mais également par les associations – à l’instar de<br />
Pétronille, Histoire de Voir, ou encore Tout Art Faire – dont<br />
la vocation est une découverte atypique des lieux, de leur<br />
histoire et de leurs personnages.<br />
Toute l’année, le patrimoine devient le théâtre d’instants<br />
de partage avec les publics, du croisement des disciplines.<br />
Ainsi, la présence dans la ville d’un patrimoine important<br />
d’orgues, dont beaucoup sont classés au titre de Monument<br />
Historique, a permis d’ouvrir la voie, grâce à la concordance<br />
d’une campagne ambitieuse de restauration et de<br />
maintenance, à l’organisation régulière de concerts et d’une<br />
saison estivale exceptionnelle. Outre le festival international<br />
d’orgues porté par Musica in Cathedra, les associations<br />
de valorisation d’instruments anciens offrent nombre<br />
d’occasions pour découvrir richesse sonore et ampleur des<br />
répertoires tant sacrés que profanes, de la musique baroque<br />
à la création contemporaine.<br />
Dans le respect d’un passé vivifié, les vestiges<br />
archéologiques, notamment les fouilles du Palais Gallien,<br />
se présentent sous un angle original. Rare vestige visible du<br />
<strong>Bordeaux</strong> antique, ce lieu constitue à la fois une énigme et<br />
un plaisir pour les yeux du flâneur qui en découvre la haute<br />
silhouette en plein cœur d’un quartier élégant du centre. Le<br />
relevé en 3D des résultats, ainsi que leur actualisation et<br />
leur analyse ont fait l’objet d’expositions et de commentaires<br />
destinés aux visiteurs, voisins et touristes. Sa redécouverte<br />
par un plus large public est l’œuvre de l’association<br />
bordelaise Jean Vigo Evénements, pionnière en France des<br />
Ciné sites, qui y projeta l’épopée cinématographique d’un<br />
Spartacus à la conquête de sa liberté, retrouvant ainsi un<br />
cadre historique. De découvertes en fouilles, <strong>Bordeaux</strong><br />
instille un décalage poétique et didactique, provoque un<br />
rapport et un regard différent au patrimoine, pourfendant<br />
toute idée d’élitisme.<br />
Omniprésent dans la ville, ce patrimoine bordelais<br />
polymorphe constitue également, pour les artistes, une<br />
source d’inspiration, une matière brute de création, un<br />
environnement à explorer et interroger pour mieux le<br />
partager au quotidien.
{ Comment<br />
habiter une<br />
ville classée,<br />
la faire grandir,<br />
dans ses marges<br />
et dans son<br />
centre }
{ ce patrimoine<br />
bordelais<br />
polymorphe<br />
constitue<br />
une source<br />
d’inspiration,<br />
une matière brute<br />
de création }
FOCUS<br />
Le musée<br />
d’Aquitaine <br />
la mémoire<br />
en route<br />
Figure de reliquaire, Gabon (Kota),<br />
Musée d’Aquitaine<br />
Atelier Masques des Pays Lointains,<br />
Musée d’Aquitaine<br />
Musique et danse « Kinta »,<br />
Nuit des Musées 2011, Musée d’Aquitaine<br />
Arts d’Afrique. Voir l’Invisible,<br />
Exposition temporaire, Musée d’Aquitaine<br />
Les Armes de <strong>Bordeaux</strong>,<br />
vitrail XVeme siècle,<br />
Musée d’Aquitaine<br />
82
FOCUS<br />
Rosace de l’église des Grands Carmes<br />
de <strong>Bordeaux</strong>, Musée d’Aquitaine<br />
« Je suis homme et crois que rien<br />
d’humain ne m’est étranger » avait<br />
inscrit Michel de Montaigne au plafond<br />
de son cabinet de travail. Ces<br />
mots, empruntés au poète Térence,<br />
semblent guider le Musée d’Aquitaine<br />
dans sa course. Dédié à la<br />
civilisation, il a choisi une approche<br />
humaniste pour faire vivre et valoriser<br />
sa mémoire et son patrimoine.<br />
Telle une balise sur un chemin qui<br />
mène à l’autre, elle construit un dialogue,<br />
offre les repères tangibles de<br />
la diversité des <strong>culture</strong>s et des sociétés.<br />
Par la rencontre des regards et<br />
de la conscience, le Musée d’Aquitaine<br />
accompagne le visiteur dans<br />
l’histoire bordelaise et de sa région,<br />
l’éclaire des relations que la ville a<br />
tissées à travers le monde, au fil du<br />
temps, parmi des peuples des cinq<br />
continents.<br />
Statue d’Hercule,<br />
fin IIème siècle,<br />
Musée d’Aquitaine<br />
83
FOCUS<br />
Esprit es-tu là <br />
Certains musées possèdent un<br />
souffle invisible, diffus mais perceptible.<br />
Comme si les hauts murs qui<br />
les soutiennent, les innombrables<br />
objets qui les habitent, invitaient la<br />
curiosité, l’intérêt et l’interrogation<br />
à mener leur enquête. Au cœur<br />
d’un monde contemporain rythmé<br />
d’images, omniprésentes, souvent<br />
virtuelles et désincarnées, on vient<br />
y humer une réalité sans filtre, voir<br />
de ses propres yeux, appréhender<br />
l’authentique, trouver une réponse<br />
aux questions en suspens. Alors,<br />
l’inconnu devient moins étranger.<br />
L’air humaniste et introspectif que<br />
respirait Montaigne semble imprégner<br />
les salles du Musée d’Aquitaine,<br />
sous lesquelles d’ailleurs il<br />
repose.<br />
Dans sa traversée du temps, de<br />
la préhistoire à nos jours, le musée<br />
offre une pause rationnelle, un recul<br />
au présent, un éclairage scientifique<br />
mais propose surtout un échange.<br />
Sa mémoire est vaste car son édifice<br />
comme ses collections font corps à<br />
l’histoire de la ville dans un mouvement<br />
d’assemblage constant. Son sol<br />
tour à tour occupé dès le XIIIe siècle<br />
par un hôpital, la Commanderie<br />
Saint Antoine, un couvent des Feuillants,<br />
a vu s’édifier, au XIXe siècle la<br />
faculté des Lettres et des sciences.<br />
En 1987, le Musée d’Aquitaine d’histoire<br />
régionale s’y établit. Il réunira<br />
lui-même plusieurs institutions :<br />
un cabinet des Antiques, un musée<br />
lapidaire et un musée de l’Homme,<br />
augmentés de collections textiles,<br />
de costumes, d’accessoires, d’armes<br />
et d’objets anciens, et de fonds<br />
iconographiques comme l’imagerie<br />
industrielle de la Maison Goupil,<br />
éditeur d’art parisien du XIXe<br />
siècle. L’ensemble encyclopédique<br />
qu’il conserve comprend près d’1,3<br />
million de pièces (archéologiques,<br />
historiques et ethnographiques),<br />
dont un grand nombre provenant<br />
d’Afrique et d’Océanie, une<br />
précieuse bibliothèque de livres<br />
anciens, manuscrits et imprimés,<br />
assortie de 27 000 ouvrages,<br />
de travaux universitaires et de<br />
périodiques… La richesse de ses collections,<br />
révèle une à une les strates<br />
d’une évolution de la ville, héritière<br />
de ses savoirs.<br />
Le parfum des autres<br />
L’histoire, l’archéologie, l’anthropologie<br />
et les sciences sociales sont<br />
autant de chemins d’accès pour un<br />
très large éventail de centres d’intérêt<br />
et de publics. C’est pourquoi, à<br />
l’écoute de populations différentes<br />
- historique, humaine et scientifique<br />
- le Musée d’Aquitaine s’adresse à<br />
chacun. Des collégiens aux actifs,<br />
des universitaires aux communautés<br />
étrangères, des publics<br />
« empêchés » aux retraités, le Musée<br />
d’Aquitaine renforce et alimente les<br />
débats contemporains. L’entrée gratuite<br />
des salles permanentes depuis<br />
2005, une programmation <strong>culture</strong>lle<br />
dynamique de conférences,<br />
concerts, spectacles, colloques,<br />
projections de films qui accompagnent<br />
tout au long de l’année les<br />
expositions, en font un lieu de vie<br />
dynamique. Volontairement proposées<br />
à 18 heures et le week-end, les<br />
rencontres publiques ont à cœur de<br />
s’ouvrir tant aux étudiants qu’aux<br />
personnes actives, indisponibles<br />
dans la journée. De même, le musée<br />
se rapproche de publics isolés avec<br />
le concours d’associations sociales,<br />
lance ateliers et conférences du pôle<br />
senior à la Maison éco-citoyenne.<br />
Solliciter le dialogue est un<br />
principe permanent. Aussi, le<br />
patrimoine du musée est-il mis en<br />
regard d’autres esthétiques. Evento<br />
2011, fut l’occasion de proposer à<br />
six artistes contemporains dont<br />
William Kentridge et Pascale Marthine<br />
Tayou, une création en écho<br />
aux pièces présentées au musée<br />
sur le thème de l’esclavage et de la<br />
mondialisation. Se faisant euxmêmes,<br />
au travers de leurs œuvres,<br />
des médiateurs entre l’histoire et le<br />
regard public, ils ont investi les nouvelles<br />
salles consacrées à l’esclavage<br />
et à la traite négrière.<br />
Depuis leur ouverture, en 2009, le<br />
Musée d’Aquitaine a connu chaque<br />
année une augmentation variable<br />
de 46 à 66 % de nouveaux visiteurs,<br />
passant d’une fréquentation de<br />
80 000 visiteurs en 2004 à 142 000,<br />
en 2011. Il est aujourd’hui l’un des<br />
premiers musées d’histoire les plus<br />
visités en France. Cette progression<br />
participe non seulement de<br />
l’opportunité d’une réflexion sur le<br />
passé de la ville au XVIIIe siècle,<br />
dans le commerce triangulaire, mais<br />
également de son approche. Les<br />
nouvelles salles ne s’arrêtent pas à<br />
cette période sensible de l’histoire.<br />
Elles explorent et observent, dans<br />
le monde occidental, les effets du<br />
racisme jusqu’aujourd’hui. Elles<br />
soulignent les apports du métissage<br />
des populations dans des <strong>culture</strong>s<br />
à valeur universelle comme le jazz<br />
ou la littérature créole. Autrefois<br />
le Musée d’Aquitaine était surtout<br />
centré sur son histoire locale et territoriale,<br />
il rend compte désormais<br />
de son contexte global et contribue à<br />
une reconnaissance identitaire.<br />
Alizés voyageurs<br />
Pour mieux le comprendre il<br />
en explore les multiples facettes.<br />
Initiateur du programme Bor-<br />
84
FOCUS<br />
Rosace de l’église des Grands Carmes de<br />
<strong>Bordeaux</strong>, Musée d’Aquitaine<br />
deaux Terre d’Accueil, le Musée<br />
d’Aquitaine donne la parole aux<br />
différentes communautés présentes<br />
dans la ville. Depuis une dizaine<br />
d’années, en coproduction avec<br />
les associations communautaires,<br />
l’institution ouvre ses portes aux<br />
communautés coréenne, vietnamienne,<br />
portugaise, africaines…<br />
Conférences, spectacles ou soirées<br />
festives permettent de découvrir des<br />
terres et des <strong>culture</strong>s à partager. En<br />
2011, plusieurs invitations du Musée<br />
ont emmené le public par le son,<br />
l’image et la rencontre, en Corée,<br />
dans le Mékong ou en Outre-mer.<br />
Dans le flux de ces événements, une<br />
collaboration étroite s’est instaurée<br />
avec des associations telles que Lien<br />
<strong>culture</strong>l familial et social (ALIFS)<br />
ou le réseau aquitain pour l’histoire<br />
et la mémoire de l’immigration<br />
(RAHMI).<br />
De la vitalité des échanges<br />
naissent de nouveaux projets.<br />
Dans les champs historiques et<br />
scientifiques le musée entretient<br />
une longue tradition avec les<br />
sociétés savantes et l’université.<br />
La première collection du Musée<br />
d’Aquitaine, constituée au XVIIe<br />
siècle, provient de l’Académie des<br />
sciences. Colloques et conférences,<br />
accueil d’universités étrangères ont<br />
pour point de ralliement le Musée<br />
d’Aquitaine. Dans la préparation<br />
d’une grande exposition, un programme<br />
de recherche en collaboration<br />
avec l’université de <strong>Bordeaux</strong><br />
III et l’Institut National de l’Histoire<br />
de l’art est en cours. Il a pour but<br />
l’étude, à partir des collections, de<br />
l’histoire des mondes lointains et de<br />
leur découverte depuis Montaigne<br />
jusqu’à Victor Ségalen (1878-1919)<br />
romancier, poète, ethnographe<br />
archéologue et médecin à <strong>Bordeaux</strong><br />
affecté en Polynésie. Valorisant les<br />
« objets connectés » - qui ont pu être<br />
produits dans une civilisation et<br />
réutilisés ailleurs dans un rôle décoratif<br />
ou utilitaire - ce programme<br />
mesurera les influences qui peuvent<br />
exister entre civilisations dans la<br />
création de nouveaux objets. Au travers<br />
de cette recherche à caractère<br />
scientifique et de ses expositions<br />
grand public, le Musée d’Aquitaine<br />
tend à souligner le rayonnement<br />
bordelais à travers toutes les mers<br />
du monde.<br />
L’air du large<br />
Animé d’un élan marin, le Musée<br />
d’Aquitaine prépare plusieurs projets<br />
avec les musées de l’Atlantique.<br />
Dans un axe Nord Sud, <strong>Bordeaux</strong><br />
figure, là encore, au cœur d’un<br />
réseau d’échanges ininterrompus<br />
qui remontent à la conquête des<br />
océans. Depuis 2007, le musée<br />
organise tous les deux ans les<br />
Rencontres atlantiques, un colloque<br />
visant à mettre en lumière, dans<br />
une approche scientifique, la place<br />
de <strong>Bordeaux</strong> dans l’évolution <strong>culture</strong>lle<br />
et économique de l’Occident<br />
grâce à ses liaisons maritimes.<br />
Au Sud, à l’instar de la capitale<br />
Aquitaine, la ville de San Sebastian,<br />
capitale <strong>culture</strong>lle européenne en<br />
2016, défend dans la <strong>culture</strong> son<br />
pouvoir de « convivencia », cette<br />
force pacifique de la vie en commun.<br />
Les musées des deux villes viennent<br />
de sceller leur accord pour mettre<br />
en partage des deux côtés des<br />
Pyrénées un ensemble d’expositions<br />
et d’événements qui émailleront la<br />
région au cours de l’année 2016.<br />
Au Nord, le domaine colonial<br />
fera l’objet d’un projet commun avec<br />
les musées de la ville de Nantes.<br />
Anvers, Liverpool et Bristol font<br />
également partie de ce réseau<br />
historique, qui projet après projet,<br />
révèle la carte maritime des musées<br />
européens.<br />
D’une année à l’autre, le Musée<br />
d’Aquitaine alterne ses expositions<br />
temporaires présentant une thématique<br />
bordelaise dans la dimension<br />
originelle de la ville en Aquitaine<br />
puis une exposition situant <strong>Bordeaux</strong><br />
dans ses relations avec le<br />
reste du monde.<br />
Enfin, dans l’Hexagone, le long<br />
de la future ligne LGV Tours-Poitiers-Angoulême-<strong>Bordeaux</strong><br />
une<br />
grande exposition collective à étapes<br />
mettra en valeur les patrimoines<br />
de chaque musée. Dans l’intervalle,<br />
après la rénovation des salles du<br />
XVIIIe siècle, le musée s’attèle à la<br />
métamorphose de son parcours permanent<br />
engagé pour les cinq années<br />
à venir. Au programme en 2013 : la<br />
rénovation des salles XIXe, celles<br />
consacrées aux XXe et XXIe étant<br />
programmées pour 2015-2016.<br />
Le poète se demandait si les<br />
objets inanimés avaient une âme.<br />
Par un curieux zéphyr qui prend<br />
son envol depuis les temps lointains<br />
jusqu’aux confins du monde connu,<br />
il semble en tout cas qu’humanisme<br />
et humanité se conjuguent à<br />
<strong>Bordeaux</strong> dans un même souffle. Le<br />
Musée d’Aquitaine en est le témoin,<br />
le messager et peut-être l’une de ses<br />
sources.<br />
85
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
Faire de l’espace public<br />
un lieu de partage,<br />
de plaisirs<br />
et d’innovations<br />
Lieu de nombreux possibles et d’une spontanéité<br />
naturelle, l’espace public n’est jamais neutre, pas plus que<br />
les réactions qu’il engendre. S’il est parfois un réceptacle<br />
d’émotions il peut en être également le générateur. Il devient<br />
alors propice à la rencontre de l’art et de publics éloignés<br />
des pratiques <strong>culture</strong>lles. Dans cette perspective, l’art dans<br />
l’espace public est bel et bien une nécessité première. Le<br />
confronter, en lui rendant sa place, au cœur de la réalité<br />
sociale, demande un engagement exceptionnel des artistes<br />
et des porteurs de projets. Il exige une écoute spécifique,<br />
une créativité et une pertinence toujours plus aiguisées afin<br />
de créer les bonnes conditions d’un échange singulier et<br />
véritable. Les effets d’interventions artistiques sur l’espace<br />
public sont rarement minimes et c’est précisément parce<br />
qu’elles peuvent devenir l’occasion de créer de nouveaux<br />
élans, d’ouvrir de nouvelles perspectives que <strong>Bordeaux</strong><br />
accorde une importance particulière à celles et ceux qui<br />
dispensent leur énergie créatrice dans la ville.<br />
La ville comme laboratoire d’urbanités<br />
86<br />
Réinventer des usages, susciter des rencontres entre<br />
habitants d’ici et d’ailleurs, faire vivre ou revivre des lieux<br />
autrement, stimuler l’imagination… sont autant de portes<br />
que la ville maintient tout grand ouvertes. La synergie des<br />
acteurs de terrain et leur investissement, à la hauteur de<br />
l’ambition bordelaise, est le ressort indispensable pour coconstruire<br />
des espaces publics qui soient avant tout, des<br />
lieux de vie où fonctionnalité se conjugue avec plaisir et lien<br />
social.<br />
Ainsi, la transformation de l’ancien Marché des Douves,<br />
bâtiment remarquable de type Baltard datant de 1886,<br />
illustre une volonté de travail de construction commune<br />
et de valeurs solidaires partagées. Durant Evento 2011,<br />
l’artiste néerlandaise Jeanne van Heeswijk, experte dans<br />
l’exercice du remodelage urbain par la solidarité, l’implication<br />
humaine et citoyenne de ses semblables, a été invitée<br />
pour rencontrer le collectif Halle des Douves, réunissant
{ l’art dans<br />
l’espace public<br />
est bel<br />
et bien une<br />
nécessité<br />
première }
88<br />
13. voir focus :<br />
« Evento, un pari gagné »<br />
une soixantaine d’associations et d’acteurs du quartier afin<br />
d’imaginer une production mutuelle. Son intervention a servi<br />
de test pour nourrir le projet et l’ouverture prochaine d’une<br />
Maison des associations fourmillante d’idées et d’initiatives.<br />
Les très nombreuses réunions de concertation tenues<br />
depuis la manifestation entre les associations, la Ville et<br />
les architectes, ont conduit à revoir le projet initial pour<br />
mieux répondre à l’attente des habitants d’une structure aux<br />
usages spécifiques favorisant la souplesse et le métissage<br />
de son emploi. Le Marché des Douves abritera donc une<br />
cinquantaine d’associations sportives, politiques, sociales et<br />
<strong>culture</strong>lles des quartiers du Marché des Capucins, de Saint-<br />
Michel et de Sainte-Croix.<br />
Autre illustration d’une conception nouvelle de la cité,<br />
Evento [13] résume l’ambition bordelaise profonde de lier,<br />
échanger, partager et innover. La manifestation, alternative<br />
et pluridisciplinaire, qui s’éprend dans toute la ville a ouvert<br />
de nombreux lieux de <strong>culture</strong> à des expériences inédites,<br />
réveillant par exemple la Salle des fêtes du Grand Parc, au<br />
son de l’orgue de barbarie du plasticien Anri Sala. Chaque<br />
fin d’après midi, la chanson Should I stay or should I go , des<br />
Clash, jouée en douceur, semblait interpeller les fantômes<br />
de la salle mythique, fermée depuis vingt ans, que, Ramones,<br />
Taxi Girl, Iggy Pop, The Cure, Iron Maiden, Chris de Burgh…<br />
avaient consacrée en temple rock des années 1980. Par<br />
cette intervention ponctuelle et stimulante, artistique et<br />
poétique, la Salle des fêtes, soudain de retour dans les<br />
mémoires, a connu une résurrection. Le collectif SDF (Salle<br />
des fêtes) formé à l’occasion d’Evento 2011, au cœur d’un<br />
dialogue fertile entre acteurs et habitants du quartier,<br />
soutient la réhabilitation menée par la Ville de l’œuvre de<br />
l’architecte et urbaniste bordelais Claude Ferret, également<br />
auteur de la caserne Benauge des pompiers.<br />
Dans un esprit plus espiègle, l’association Le Bruit du<br />
frigo contredit sans cesse les pronostics que déclenchent<br />
ses laboratoires utopiques, du Jardin de ta sœur à celui<br />
des Remparts, en passant par leur Institut du point de<br />
vue – Bien-être et prospectives qui réactive l’usage des<br />
toits terrasse des immeubles collectifs du quartier de la<br />
Benauge. Leurs opérations Lieux possibles donnent corps à<br />
des réflexions menées avec habitants et artistes, offrant une<br />
expérimentation neuve sur la ville et les usages possibles de<br />
son urbanité.<br />
Parmi les questions soulevées par la fabrique des<br />
urbanités de demain se pose inévitablement celle des<br />
cohabitations entre tranquillité et manifestations nocturnes<br />
en centre ville. A cet égard, la <strong>culture</strong> est pleinement intégrée<br />
dans les commissions de vie nocturne. Des préoccupations
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
communes font émerger la nécessité de créer des espaces<br />
de dialogue et de médiation entre les acteurs concernés,<br />
afin d’élaborer des dispositifs visant à limiter les nuisances<br />
de voisinage. Aussi, la Ville, tout en continuant de soutenir<br />
une offre musicale de qualité, saisit l’occasion pour<br />
promouvoir les campagnes de prévention des risques liés<br />
à l’alcoolisation et la drogue menées envers les jeunes par<br />
les acteurs <strong>culture</strong>ls. Ensemble, sont également lancées des<br />
actions visant à favoriser lien intergénérationnel et mixité.<br />
Aux « silent discos » (soirées électroniques où les publics<br />
sont équipés de casques sans fil) et concerts chez l’habitant,<br />
viennent s’ajouter des initiatives inédites menées par<br />
l’association Allez les Filles telles que le « Soul Tram » (un DJ<br />
officie les jeudis soirs dans les rames du tramway avec des<br />
acteurs de la prévention) ou bien « Dancing in the Street » qui<br />
réinvente les bals populaires, ou encore les « Boxe and soul »<br />
qui permet, au son de musiques des années 60 et 70, aux<br />
jeunes et moins jeunes d’être initiés en plein air à la boxe.<br />
En habitant la ville, l’art et la créativité la transforment. Si<br />
les œuvres présentées dans une institution, peuvent sembler<br />
impressionnantes voire « sacralisées », exposées à l’air libre<br />
elles s’apprivoisent et le rapport change totalement. Elles<br />
parlent à chacun le langage de tous les jours, créent une<br />
connivence. Dégagée de toute pompe, s’installant même<br />
temporairement dans un espace familier, l’œuvre – et par<br />
extension l’artiste qui l’a conçue – invente un dialogue avec<br />
son public, sciemment ou par hasard.<br />
La <strong>culture</strong> sans cimaise et sans plateau<br />
89<br />
La multiplication des manifestations artistiques dans<br />
l’espace urbain atteste d’une appétence mutuelle : celle<br />
des artistes pour des rencontres d’un nouveau type, celle<br />
des publics qui s’inventent de nouveaux parcours, de<br />
nouvelles circulations et se laissent porter par l’évidence de<br />
propositions inédites.<br />
Susciter et accompagner toujours plus la création de telles<br />
rencontres dans le quotidien constitue une priorité dans<br />
l’idée que se fait la ville d’une <strong>culture</strong> partagée.<br />
C’est bien dans cette perspective que le CAPC, en<br />
collaboration avec MC2A et la Bibliothèque du Grand<br />
Parc, a choisi de déménager provisoirement des œuvres<br />
de sa collection, à l’occasion d’une exposition intitulée Le<br />
temps des cerises dans le quartier du Grand Parc, ou que<br />
l’Orchestre National de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine, à l’initiative de<br />
son chef Kwamé Ryan, s’est produit un samedi après-midi<br />
dans les rayons d’Ikéa.
FOCUS<br />
La Base<br />
sous-marine <br />
le lieu<br />
réconcilié<br />
Evento 2009, «Traces» par Amos Gitaï, Base sous-marine<br />
Exposition de Jean-Michel Fauquet,<br />
Base sous marine, 2010<br />
90
Nulla lorem risus, porta id convallis<br />
Vivamus accumsan blandit<br />
«6 milliards d’autres», exposition de Yann Arthus Bertrand,<br />
Base sous marine, 2010<br />
Jazz à la Base 2011, Concert de Martial Solal<br />
et Eric Le Lann, Base sous marine<br />
91
FOCUS<br />
A <strong>Bordeaux</strong>, elle est un fantôme<br />
des années noires. Elle est une mémoire<br />
meurtrie que 6500 ouvriers,<br />
ont pendant près de deux ans coulée<br />
dans 600 000 m³ de ciment. Pour<br />
elle, contre elle, des hommes ont<br />
donné leur vie. Conçue en 1941,<br />
sous un IIIe Reich qui la voyait<br />
durer mille ans à ses côtés, la Base<br />
sous-marine fut très rapidement<br />
confrontée à l’épreuve du temps,<br />
adversaire impitoyable, malgré son<br />
indestructible structure de béton<br />
armé de 4, 5 hectares.<br />
Pourtant, dès les années 1960,<br />
cette cicatrice de l’histoire, continuera<br />
à nourrir fantasmes et imaginaires.<br />
Par touches successives,<br />
plusieurs tentatives ont eu pour but<br />
de réconcilier ses murs à la ville, de<br />
l’ouvrir à la vie comme on surmonte<br />
un souvenir douloureux. Elle sera<br />
le décor, en 1964, du tournage du<br />
Coup de grâce du cinéaste bordelais<br />
Jean Cayrol, puis se convertira en<br />
scène de théâtre éphémère lors de<br />
la quatorzième édition du festival<br />
SIGMA, emmené par Roger Lafosse<br />
en 1978, avant d’être magnifiée<br />
par l’exposition du plasticien turc<br />
Sarkis, en 1980.<br />
Reconvertie en conservatoire<br />
international de plaisance en 1990,<br />
ce n’est qu’en 1999 que la Base sousmarine<br />
entame sa mutation, assumant<br />
sa mémoire et les inspirations<br />
contradictoires qu’elle génère, en<br />
devenant l’un des lieux <strong>culture</strong>ls les<br />
plus fréquentés de la ville. Dès lors,<br />
attenant au bâtiment, un espace<br />
constituant 5% de sa surface, proposera<br />
une programmation <strong>culture</strong>lle<br />
alternant artistes internationaux et<br />
créateurs émergents.<br />
Photographie, vidéo, sculptures<br />
et installations ou design chargent<br />
les lieux de nouvelles énergies, des<br />
images de Bernard Plossu ou de<br />
Robert Capa aux containers de Yann<br />
Arthus Bertrand, des productions<br />
du collectif Ici Design aux Traces du<br />
cinéaste israélien Amos Gitaï.<br />
Régulièrement 12 000 m² du site<br />
s’ouvrent au public, affichant une<br />
volonté pluridisciplinaire. Concerts,<br />
art lyrique, jazz, théâtre, danse<br />
s’offrent une confrontation atypique<br />
à l’espace et à son symbole. Deux<br />
des onze alvéoles – initialement<br />
destinées à la réparation des sousmarins<br />
- ont abrité les spectacles<br />
de la compagnie Royal de Luxe<br />
puis l’exposition 6 milliards d’autres<br />
de Yann Arthus Bertrand - panorama<br />
vivant de citoyens du monde.<br />
Chaque année elles sont le théâtre<br />
de la manifestation Jazz à la base.<br />
Les artistes peuvent y jouer d’une<br />
acoustique unique en son genre,<br />
vivifiant des volumes d’ordinaire<br />
lugubres, des lignes de fuites<br />
énigmatiques, par de nouvelles<br />
sonorités.<br />
De la même manière, des expositions<br />
ponctuelles font écho à cette<br />
architecture fonctionnelle. Parmi<br />
les artistes qui s’y sont confrontés<br />
Amos Gitaï, invité par Didier<br />
Faustino dans le cadre d’Evento<br />
2009 est probablement celui qui est<br />
allé le plus loin dans ce dialogue.<br />
Son œuvre, composée d’extraits de<br />
ses documentaires et fictions, a mis<br />
en regard la force d’une vie et d’un<br />
artiste face à face avec l’Histoire. La<br />
charge émotionnelle et symbolique<br />
de l’exposition qu’il y a produite,<br />
semble encore résonner dans les<br />
lieux.<br />
Ainsi, dans un propos volontairement<br />
accessible à tous et une<br />
approche - toujours transversale<br />
- mêlant émotion, création<br />
et mémoire la Base sous-marine<br />
incarne aujourd’hui une offre<br />
multidisciplinaire. L’état d’esprit<br />
des artistes y intervenant en a fait<br />
un lieu <strong>culture</strong>l actif et interactif qui<br />
explique probablement son retour<br />
en grâce et sa popularité croissante<br />
auprès des Bordelais et particulièrement<br />
des jeunes.<br />
Malgré l’intérêt d’un tel espace<br />
d’expérimentation <strong>culture</strong>lle, son<br />
avenir, sa sécurité et sa viabilité<br />
demeurent depuis 50 ans pour la<br />
Ville un sujet de préoccupation.<br />
On sait notamment, grâce aux<br />
travaux de réhabilitation engagés<br />
en Europe pour d’autres sites de ce<br />
type, qu’une rénovation totale serait<br />
un rocher de Sysiphe. Le combat<br />
à livrer contre les épaufrures de<br />
bétons qui menacent la sécurité des<br />
publics est une histoire sans fin.<br />
Aujourd’hui, cependant, le<br />
plan d’aménagement d’ensemble<br />
des Bassins à flots offre un nouvel<br />
avenir à ce mastodonte. En effet, les<br />
douze hectares des Bassins à flots<br />
vont être réhabilités, afin de laisser<br />
toute sa place à une promenade<br />
autour du port de plaisance. La<br />
Base sous-marine deviendrait alors<br />
promontoire, grâce à l’accessibilité à<br />
un toit végétalisé via à un ascenseur<br />
panoramique sur sa partie nord.<br />
Abritant déjà une flore abondante,<br />
sa végétalisation maîtrisée<br />
ferait un jardin suspendu autant<br />
qu’un point d’observation sur la<br />
ville. Ce projet harmoniserait ainsi<br />
une dense vie <strong>culture</strong>lle nocturne à<br />
une promenade écologique diurne<br />
dans un environnement réconcilié.<br />
Il est ici d’autant plus clair que la<br />
transversalité patente que la Ville<br />
entend souligner dans l’ensemble<br />
de ses actions, revêt à la Base sousmarine,<br />
un sens profond et un relief<br />
particulier. Depuis une quinzaine<br />
d’années, la Base sous-marine s’est<br />
92
FOCUS<br />
imposée d’elle-même, en révélant<br />
sa personnalité, malgré des abords<br />
inhospitaliers. En stimulant les<br />
pratiques artistiques qui y élisent<br />
domicile tout en réinvestissant son<br />
environnement immédiat, <strong>Bordeaux</strong><br />
lui offre, dans le respect de sa<br />
mémoire, la charge de vie, d’âme et<br />
de plaisir d’un lieu rendu public et<br />
accueillant.<br />
La Base sous marine,<br />
extérieur nuit<br />
Toit de la Base sous marine (détail)<br />
Elève du Conservatoire à la Base sous marine<br />
«Imaginaire des ruines, Piranèse,<br />
Ferranti, Alexandre», exposition,<br />
Base sous marine, 2008<br />
93
{ En habitant<br />
la ville, l’art et<br />
la créativité la<br />
transforment }
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
95<br />
14. voir focus :<br />
« Un nouveau rapport<br />
au spectateur »<br />
Certaines interventions artistiques pérennes contribuent<br />
également à redessiner le paysage quotidien. On en voudra<br />
pour preuve les commandes publiques du Lion de Xavier<br />
Veilhan place Stalingrad ou la Maison aux Personnages<br />
d’Ilya et Emilia Kabakov place Amélie Raba-Léon, œuvres qui<br />
provoquent un face à face entre art contemporain et le tracé<br />
du tramway. D’autres, telles des rencontres inopinées, sont<br />
offertes à travers l’invitation d’investir le territoire de manière<br />
éphémère faite à des artistes comme Bernar Venet (2007) ou<br />
Jaume Plensa (2013).<br />
L’installation d’œuvres éphémères ouvre aussi des<br />
regards différents sur la ville. L’interrogeant ici, lui trouvant<br />
là de nouveaux usages, ces œuvres tiennent compte de<br />
l’effacement ou de la disparition et anticipent de possibles<br />
mutations. Elles suggèrent, ainsi, de nouvelles possibilités<br />
d’appropriation de l’espace public.<br />
Dans cette démarche, la compagnie Opéra Pagaï, [14]<br />
experte dans les détournements ludiques et poétiques<br />
du quotidien, a proposé, lors de l’édition 2011 d’Evento,<br />
de sonder la place et la nature de la création, dans un<br />
panorama partagé. Installée dans une maisonnette flottante<br />
au milieu de la Garonne, près du Pont de Pierre, une famille<br />
y a vécu pendant 10 jours son quotidien ordinaire, comme<br />
si de rien n’était. D’une rive à l’autre, elle a fait naître avec<br />
humour et douceur l’interrogation des passants ainsi qu’une<br />
vision possible et amusée de modes de vie alternatifs,<br />
empreints de rêves d’enfants et faisant de la ville un territoire<br />
d’exploration renouvelé.<br />
La venue des beaux jours est l’occasion particulière<br />
de diversifier ses découvertes artistiques – souvent<br />
gratuites – dans la ville. Ces invites à l’initiative des acteurs<br />
<strong>culture</strong>ls sont nombreuses. Elles offrent la possibilité de<br />
se laisser guider dans l’expérience unique d’un « sophroépluchage<br />
» sur le marché (festival Chahuts) d’assister à la<br />
représentation du ballet en plein air (retransmise par l’Opéra<br />
National de <strong>Bordeaux</strong>), de s’initier au mambo au crépuscule<br />
avec la Garonne comme décor (Dansons sur les quais), de<br />
découvrir en concert des propositions inédites telles que des<br />
groupes de funk japonais ou les connections du blues de la<br />
Nouvelle Orléans avec <strong>Bordeaux</strong> (Relâche), de pique niquer<br />
et revivre West Side Story sur écran géant dans le cadre<br />
unique des Bassins à flots (Ciné sites), de participer à une<br />
brocante musicale et de danser dans une ancienne caserne<br />
militaire (festival Echo à Venir), d’enfourcher son vélo vers<br />
l’Entre-deux-mers pour une balade ponctuée de concerts<br />
et de haltes gastronomiques (Festival ouvre la Voix), ou<br />
encore de participer à des stages de théâtre, de cirque,<br />
ou simplement de s’allonger sur l’herbe pour écouter une
focus<br />
Les Archives<br />
voguent<br />
rive droite <br />
Salle de lecture et magasins en surplomb,<br />
intérieur du futur bâtiment<br />
Quincaillerie Béjottes, Place des Grands Hommes,<br />
carte postale, AMBx<br />
Salle de lecture vue depuis l’extérieur,<br />
futur bâtiment<br />
96
FOCUS<br />
Registre négrier,<br />
détail, AMBx<br />
Extérieur du futur bâtiment, dessin<br />
Chantier de préparation matérielle<br />
des fonds, AMBx<br />
Livre des Bouillons, détail, AMBx<br />
97
FOCUS<br />
Les Archives municipales vont<br />
traverser la Garonne pour s’arrimer<br />
au cœur de Bastide Niel, là où <strong>Bordeaux</strong>,<br />
au siècle dernier, résonnait<br />
de cornes de brume et de sirènes<br />
d’usines. En gardien et passeur<br />
d’une mémoire collective, héritières<br />
du Moyen Âge, les Archives<br />
viennent y partager l’histoire et<br />
faire vivre des sources communes.<br />
Vaisseau amiral d’une terre à<br />
conquérir, le bâtiment viendra<br />
en éclaireur nourrir et vivifier un<br />
quartier en devenir, susciter les rencontres,<br />
les échanges et les plaisirs<br />
d’un nouveau port d’attache.<br />
Cap sur le XXIe siècle<br />
Navire au long cours, l’hôtel de<br />
Ragueneau arbore les emblèmes de<br />
siècles audacieux, fiers et conquérants.<br />
Depuis 1939, ancré dans le<br />
cœur du centre historique de la<br />
ville, il détient dans ses soutes un<br />
inestimable trésor, le troisième<br />
de France après Lyon et Marseille<br />
: 250 fonds privés et 150 000<br />
documents iconographiques, sur<br />
11 km linéaires. Ses registres de<br />
commerce, liasses et documents<br />
graphiques, plans et gravures, photographies<br />
et données numériques…<br />
sont autant de socles d’hier pour<br />
aborder la réalité d’aujourd’hui. Le<br />
riche passé de <strong>Bordeaux</strong> fait des<br />
Archives municipales de <strong>Bordeaux</strong>,<br />
un gisement d’informations sur la<br />
vie locale mais également sur l’histoire<br />
mondiale. Elles campent, ici, la<br />
quotidien aquitain, dévoilent, là, des<br />
secrets enfouis, éclairent tantôt les<br />
hauts faits de l’histoire mais aussi<br />
ses zones d’ombre.<br />
Sur cet océan documentaire qui<br />
embrasse des vies entières, ses navigateurs,<br />
habitants curieux de leur<br />
passé ou généalogistes, scolaires<br />
ou chercheurs, viennent explorer<br />
l’architecture sociale, <strong>culture</strong>lle et<br />
urbaine de la ville. Ils sont environ<br />
5000 chaque année, pour un quart<br />
Bordelais, pour moitié Girondins, et<br />
quelque 25% provenant du reste de<br />
la France et de pays étrangers.<br />
Mais, l’esquif est arrivé en fin<br />
de course. Ses visiteurs y sont tout<br />
autant à l’étroit que ses réserves. Au<br />
fil du temps, son charme est devenu<br />
son ennemi. En 2007, une enquête<br />
sociologique souligne son inconfort,<br />
son exiguïté et ses carences vis-à-vis<br />
des réglementations en vigueur.<br />
Elle conduit la ville à lui trouver une<br />
autre coque.<br />
Muter en ricochets<br />
A la faveur de leur migration, les<br />
Archives Municipales prennent un<br />
nouveau départ. Telle une caravelle<br />
lancée à la découverte d’un nouveau<br />
monde, elles perfectionnent leurs<br />
équipements, peaufinent leur identité<br />
et leurs missions, en profitant,<br />
au passage, pour combler, certains<br />
cruels trous de mémoire.<br />
En effet, enorgueillie de la ferveur<br />
rayonnante que lui a procurée<br />
le XVIIIe siècle, <strong>Bordeaux</strong> a eu<br />
tendance, à minorer son passé<br />
portuaire et industriel. Comme si<br />
les Lumières éclipsaient d’autres<br />
réalités, on a vite perdu de vue les<br />
dizaines de cheminées fumantes qui<br />
hérissaient la rive droite jusqu’aux<br />
années 1960. En explorateur mais<br />
aussi en témoin, les Archives<br />
municipales arpentent toute l’histoire,<br />
rapiéçant impartialement ses<br />
accrocs. Aussi, pour rééquilibrer<br />
avec justesse la mémoire portuaire<br />
et industrielle de <strong>Bordeaux</strong>, elles ont<br />
choisi pour nouvel ancrage, la Halle<br />
aux farines, ancien entrepôt ferroviaire<br />
du Second Empire, conser-<br />
vant sa façade, ses rails de desserte<br />
et son parvis. Les architectes belges<br />
Robbrecht et Daem, rompus à la<br />
réhabilitation de bâtiments industriels,<br />
en ont imaginé l’enveloppe.<br />
Loin de tout geste architectural<br />
grandiloquent, conçu comme une<br />
plateforme <strong>culture</strong>lle de vie et<br />
d’échanges, le bâtiment sera une<br />
tête de proue et de réseau, pionnier<br />
stimulant intégré en son milieu.<br />
Déployé sur plus de 1000 m², ses<br />
salles de lecture, d’exposition, de<br />
conférence ainsi que ses locaux dédiés<br />
aux associations partenaires et<br />
aux ateliers pour enfants et adultes,<br />
accueilleront tous les publics. Ses<br />
magasins de stockage s’étendront<br />
quant à eux sur 3 300 m².<br />
Sans grille ni balustrade, ouvert<br />
à la promenade, en contrepoint du<br />
jardin botanique, l’établissement,<br />
mieux qu’un nouvel équipement<br />
<strong>culture</strong>l, sera, à part entière, un<br />
acteur du quartier Bastide Niel. Par<br />
exemple, chaque année, son théâtre<br />
de verdure, fera vivre au grand jour<br />
le patrimoine écrit. En complices,<br />
des comédiens - lecteurs interprètes<br />
privilégiés de documents d’archives<br />
- y prolongeront l’expérience<br />
d’Archives en voix, menée avec<br />
succès depuis 2009, notamment<br />
au Grand Théâtre, où elles étaient<br />
accompagnées de concerts. Sur le<br />
même mode transversal, liant cette<br />
fois, écrit et bâti, les Journées Européennes<br />
du patrimoine sont l’occasion<br />
d’une ouverture exceptionnelle<br />
de la Halle aux farines, dans l’état<br />
actuel de leur avancement, dans<br />
l’impatience de se partager entre<br />
tous.<br />
Dès leur ouverture, en 2015, les<br />
Archives Municipales rythmeront<br />
leur programmation <strong>culture</strong>lle de<br />
conférences, rencontres, lectures,<br />
projections de films et d’expositions.<br />
Car pour qu’une archive<br />
98
FOCUS<br />
ne devienne jamais lettre morte,<br />
elle doit être transmise, partagée,<br />
proposée au regard contemporain.<br />
Qu’elle soit incarnée ou mise en<br />
scène, elle est une lecture du passé<br />
qui, par des faits anodins ou spectaculaires,<br />
montre d’où l’on vient.<br />
A son échelle, elle est un outil de<br />
cohésion et d’ouverture.<br />
Une navigation<br />
patrimoniale et<br />
virtuelle<br />
En milieu scolaire aquitain (collèges,<br />
lycées, centres de formations<br />
des apprentis) les Archives ont<br />
inauguré à <strong>Bordeaux</strong> un voyage<br />
d’un nouveau type, en proposant<br />
différentes thématiques pédagogiques<br />
qui permettent à la fois<br />
d’explorer le patrimoine et l’univers<br />
numérique. Lancé par le rectorat<br />
et l’agence Ecla, le programme<br />
Monumérique-Archimérique<br />
s’attèle à transformer les gisements<br />
numériques en sources pédagogiques.<br />
Cette double approche<br />
permet aux établissements, d’une<br />
capacité d’accueil réduite, de toucher<br />
un public scolaire plus vaste.<br />
Aussi, chaque année les Archives<br />
bordelaises collaborent avec des établissements<br />
scolaires de la région.<br />
Deux thèmes sont proposés : la<br />
traite négrière, en partenariat avec<br />
le musée d’Aquitaine, et la représentation<br />
de <strong>Bordeaux</strong> au travers de<br />
plans et vues cavalières anciennes,<br />
en collaboration avec l’institut de<br />
recherche Ausonius, qui a conçu<br />
récemment l’atlas historique de<br />
<strong>Bordeaux</strong>. Ces relations privilégiées<br />
sont prétextes aux visites des écoles<br />
au musée comme dans un centre de<br />
recherche, où les élèves rencontrent<br />
les scientifiques.<br />
En classe, l’enseignant dispose<br />
d’un CDrom comprenant une<br />
centaine de documents numérisés,<br />
issus des fonds publics ou<br />
privés, conservés aux Archives.<br />
Il développe au fil de l’année une<br />
œuvre dématérialisée mêlant,<br />
textes, images, sons, vidéos, à son<br />
terme, mise en ligne et accessibles<br />
sur le site de la ville. Entre temps,<br />
les scolaires s’initient au monde des<br />
archives, en interprètent les textes,<br />
s’en approprient la teneur. Accompagnés<br />
de professionnels ils se<br />
familiarisent en parallèle au maniement<br />
informatique des données.<br />
Dernièrement, une classe du<br />
lycée hôtelier Biarritz Atlantique a<br />
réalisé des personnages en chocolat<br />
et écrit des saynètes à partir des<br />
documents fournis. Sa production<br />
numérique est aujourd’hui en ligne<br />
sur le site de la ville au côté de neuf<br />
autres.<br />
Entre 120 et 150 collégiens<br />
et lycéens sont, chaque année,<br />
embarqués dans cette aventure<br />
qui les motive s’ils se trouvent en<br />
décrochage scolaire, leur fait croiser<br />
savoirs et disciplines ou découvrir<br />
des aptitudes insoupçonnées tel<br />
que le déchiffrage paléographique.<br />
Mais plus durablement, l’opération<br />
éveille les consciences par des<br />
thèmes de portée universelle et<br />
sensibilise les jeunes à la conservation<br />
préventive et à la préservation<br />
du patrimoine.<br />
Une vigie sur l’horizon<br />
D’une aura qui dépasse les limites<br />
de la ville, les Archives ont noué des<br />
liens avec l’ensemble des sociétés<br />
savantes de <strong>Bordeaux</strong>, l’Université<br />
ou La Mémoire de <strong>Bordeaux</strong> ainsi<br />
qu’au cœur du quartier Bastide avec<br />
les écoles du quartier et les associations<br />
Histoire(s) de la Bastide, les<br />
Amis du Vieux Lormont, le Comite<br />
de liaison de l’Entre-Deux-Mers…<br />
<strong>Bordeaux</strong> invente ainsi de nouvelles<br />
centralités ou plutôt des points<br />
d’amarrage, tangibles et vivants,<br />
dans la ville. Est-ce une goutte<br />
d’eau dans l’océan Des projets de<br />
collaboration avec les Archives de<br />
villes étrangères telles que Québec,<br />
Casablanca ou Ramallah tendent<br />
à prouver le contraire. D’échanges<br />
de connaissance et d’expérience en<br />
aide professionnelle, de sensibilisation<br />
en éveil démocratique, toute<br />
action de longue haleine détient le<br />
pouvoir d’un vent migrateur.<br />
Manuscrit de la Confrérie Saint-Jacques,<br />
1526 - 1602, AMBx<br />
99
{ La curiosité<br />
et le désir des<br />
publics d’être<br />
surpris, émus,<br />
dérangés sont<br />
de précieux<br />
appuis pour<br />
nourrir<br />
l’effervescence<br />
artistique }
CHAP. 2<br />
—<br />
Goûter les plaisirs<br />
de la cité<br />
lecture de poésie contemporaine (Littérature en jardin).<br />
Les rendez-vous populaires et festifs tels que la Fête du<br />
Vin, en alternance avec la Fête du fleuve, en juin viennent<br />
ponctuer ces propositions disséminées dans la ville qui,<br />
offrent chaque jour, à tout âge, à (presque) toute heure une<br />
fenêtre hors du quotidien.<br />
La curiosité et le désir des publics d’être surpris,<br />
émus, dérangés sont de précieux appuis pour nourrir<br />
l’effervescence artistique en donnant la tonalité et l’ambiance<br />
<strong>culture</strong>lle volontairement bigarrées de la ville. En soutenant<br />
les initiatives qui favorisent les rapports interactifs dans<br />
l’art ainsi que la participation des habitants dans le<br />
développement <strong>culture</strong>l, <strong>Bordeaux</strong> souhaite s’affranchir des<br />
frontières en faisant tomber les barrières des indifférences.<br />
Le dialogue fondé sur la responsabilité, l’inventivité, la<br />
fantaisie et la tolérance en est l’outil majeur. Il embrasse la<br />
diversité pour esquisser des plaisirs sans cesse renouvelés.<br />
101
Les labo<br />
ratoires<br />
de la<br />
connais<br />
le plus vaste<br />
des chantiers<br />
bordelais<br />
«Le premier fugueur», exposition Johan<br />
Furaker, CAPC, 2011
-<br />
«Plissures», atelier du mercredi,<br />
CAPC, 2006<br />
sance<br />
Visite de l’exposition»<strong>Bordeaux</strong>,<br />
années 20-30», Musée d’Aquitaine<br />
Ateliers Bô, CAPC, 2006
Atelier Gravure, public adulte,<br />
Musée d’Aquitaine<br />
Workshop : Im/mobile, CAPC, 2006
Workshop « Atelier du Regard»,<br />
CAPC<br />
Espace de lecture,<br />
Bibliothèque Centrale Mériadeck<br />
Nuit des Musées 2012,<br />
collectif Dispersion au CAPC<br />
Atelier Bô «papa alose mambo»,<br />
CAPC, 2012
Réunion annuelle des enseignants,<br />
Exposition Majerus, CAPC 2012<br />
Animation «Natura Naturata»,<br />
Musée d’Aquitaine, 2011<br />
«Le Muséum chez vous»<br />
à la rencontre des seniors
Atelier Ma Voix et Toi, par Alexander Martin,<br />
directeur du ChSur de l’Opéra national de <strong>Bordeaux</strong><br />
Exposition «le Château», collection CAPC,<br />
visite Jeune Public, 2011<br />
Symposium» l’art contemporain»,<br />
Ecole Supérieure des beaux arts
Exposition «Présence Panchounette», CAPC et Hors les Murs, 2008<br />
Ateliers Bô «Noël, c’est trop pas ce que<br />
je préfère», CAPC, 2009<br />
Atelier Mosaïque,<br />
Musée d’Aquitaine, 2010<br />
Atelier découverte de la danse par<br />
l’Opéra national de <strong>Bordeaux</strong>, 2009
Journée européenne du Patrimoine,<br />
Atelier «mandala», CAPC, 2011<br />
Ateliers Bô «Les garagistes du corps :<br />
quand l’intérieur devient visible», CAPC, 2008<br />
Installation de l’exposition»Etrange<br />
et Proche», CAPC, 2011
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
De la cité antique à la métropole du<br />
3 e millénaire, une ville demeure le reflet<br />
d’une <strong>culture</strong>, ce condensé de civilisations<br />
qu’elle accompagne, entretient, enrichit.<br />
Chacun peut y puiser autant qu’il apporte,<br />
acteur et usufruitier d’un espace commun.<br />
Son apprentissage ne se limite pas aux<br />
années de formations, mais s’étend tout<br />
au long de l’existence. L’éducation, dans<br />
son sens le plus large, investit donc la ville<br />
d’une mission sociale qui trouve à l’école<br />
son point de départ. D’ici à 2030, quelque<br />
15 nouveaux établissements et groupes<br />
scolaires vont s’insérer dans le territoire<br />
bordelais. Mais déjà, pour penser et<br />
préparer les formations de demain, dans<br />
un mouvement sans frontière, les services<br />
prennent appui sur l’ensemble des sites<br />
de la ville qui dynamisent la transmission<br />
des aptitudes, des savoirs et des<br />
pratiques. Ils étendent leur champ d’action<br />
en décloisonnant les enseignements.<br />
Interconnectés, ils cultivent, dans leurs<br />
usages, polyvalence et mixité.<br />
Atelier Masques des Pays Lointains,<br />
Musée d’Aquitaine<br />
110
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
Pour une construction<br />
<strong>culture</strong>lle<br />
de la citoyenneté<br />
Favoriser le réflexe <strong>culture</strong>l<br />
un choix à la carte<br />
111<br />
<strong>Bordeaux</strong> a fait le choix, en 2006, bien avant l’Etat, de<br />
généraliser l’accès gratuit et quotidien aux collections<br />
permanentes de ses musées alors que parallèlement la Ville<br />
augmentait l’amplitude d’ouverture de ses établissements,<br />
notamment des bibliothèques pour un service toujours plus<br />
large.<br />
Mais, pour être véritablement efficace, ouverture et<br />
gratuité nécessitent une dynamique d’accompagnement.<br />
Une étude des pratiques <strong>culture</strong>lles, menée en France par<br />
le Ministère de la Culture, démontre qu’hélas, depuis 30 ans,<br />
ni la fréquentation ni sa composition socio<strong>culture</strong>lle n’ont<br />
été considérablement modifiées. Or, s’adresser à ceux qui,<br />
souvent par méconnaissance de l’offre qui leur est proposée,<br />
ne manifestent ni envie ni réflexes <strong>culture</strong>ls est une ambition<br />
prioritaire bordelaise. C’est pourquoi, depuis 2009, la « Carte<br />
Jeunes » est venue, en renfort, favoriser dans la ville l’accès<br />
de l’ensemble de ses établissements <strong>culture</strong>ls ainsi que des<br />
lieux privés – de la gratuité des expositions temporaires des<br />
musées aux réductions tarifaires dans de nombreuses salles<br />
de spectacles ou de cinéma. Proposée dès la naissance<br />
et jusqu’à l’âge de 25 ans, elle n’est pas seulement un<br />
lien entre habitants et institutions mais aussi une « clé de<br />
contact » pour chacun. Conçue pour faciliter les démarches,<br />
elle enclenche également des habitudes, au rythme et au gré<br />
de chacun, dès l’enfance.<br />
Dans une période de crise qui principalement touche<br />
jeunes, familles, étudiants et jeunes actifs, appliquée<br />
également, depuis peu, aux activités sportives, elle permet,<br />
par exemple, aux jeunes de plus de 16 ans, d’assister plus<br />
facilement aux compétitions nationales. A ce jour, 15 000<br />
bénéficiaires l’utilisent et 37 partenaires et lieux l’accueillent,<br />
du Glob théâtre à Cap Sciences, des matchs de rugby de<br />
l’Union Bègles <strong>Bordeaux</strong> au Musée des Beaux-arts.<br />
Grâce à ce dispositif interactif, chacun peut concevoir<br />
son usage personnel de la ville, comme par exemple,<br />
visiter les coulisses du TnBA, habituellement inaccessibles,<br />
pour dialoguer avec les équipes artistiques et techniques.
{ <strong>Bordeaux</strong><br />
a fait le choix<br />
de généraliser<br />
l’accès gratuit<br />
et quotidien aux<br />
collections<br />
permanentes de<br />
ses musées }
{ la Carte Jeunes<br />
permet aux<br />
enfants et<br />
adolescents de<br />
devenir puissance<br />
invitante }
{ les bébés<br />
pourront<br />
se familiariser,<br />
grâce à des<br />
artistes pluridisciplinaires,<br />
au théâtre<br />
et à l’écriture<br />
musicale<br />
contemporaine }
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
<strong>Bordeaux</strong> favorise ainsi la rencontre de ceux qui font la<br />
<strong>culture</strong> et de ceux qui la vivent. Dans un même croisement<br />
social et <strong>culture</strong>l, la Carte Jeunes permet aux enfants et<br />
adolescents de devenir puissance invitante, jusque l’âge de<br />
16 ans, en faisant bénéficier l’adulte qui les accompagne<br />
de leurs propres avantages. Ici s’exprime à nouveau une<br />
vocation d’incitation et d’ouverture qui, destinée en premier<br />
lieu aux jeunes, atteint en ricochet, leur famille et leurs<br />
proches. En suscitant ainsi l’accès des familles aux lieux de<br />
la création et de la connaissance, <strong>Bordeaux</strong> ancre toujours<br />
davantage ses actions <strong>culture</strong>lles dans sa politique sociale.<br />
Priorité aux jeunes publics<br />
115<br />
15. voir focus :<br />
« Le Muséum d’Histoire<br />
Naturelle creuse<br />
de nouveaux sillons »<br />
L’action <strong>culture</strong>lle de la Ville prend appui sur un<br />
objectif constant : permettre aux plus jeunes d’amorcer<br />
et d’entretenir un contact régulier à l’ensemble de l’offre<br />
artistique et scientifique de <strong>Bordeaux</strong>. Cette proposition, qui<br />
englobe une palette très large d’esthétiques et de modes<br />
de sensibilisation, balise et structure de nombreux parcours<br />
accessibles à tout type de public. Familles, enfants, en<br />
groupe ou individuellement, peuvent goûter à des plaisirs<br />
<strong>culture</strong>ls qui forgent l’esprit critique de chacun. Les parents<br />
peuvent, dans leur bibliothèque de quartier, trouver un<br />
espace d’éveil récréatif pour leur enfant. « BB bouquine »,<br />
ouvert aux poupons, les accompagne dans leurs premières<br />
découvertes. Jeux de doigts, conseil de comptines et<br />
d’histoires aux parents, peuvent ainsi devenir un rendezvous<br />
ludique des jeunes familles, qui change leur regard sur<br />
l’univers des bibliothèques et installe de nouveaux usages<br />
comme de nouvelles habitudes.<br />
Dès 6 mois, sous l’impulsion de l’association Eclats,<br />
les bébés pourront se familiariser, grâce à des artistes<br />
pluridisciplinaires, au théâtre et à l’écriture musicale<br />
contemporaine lors de représentations de petit format qui<br />
contribueront à leur éveil sonore. De même, l’Opéra National<br />
de <strong>Bordeaux</strong> offre à travers « les petites fabriques » en<br />
collaboration avec de nombreux centres d’animation une<br />
approche interactive et technique du monde du spectacle à<br />
travers la manipulation de mini jeux de lumière, de décors<br />
mais aussi de matières et de costumes.<br />
Enfin, avec le futur « Musée des tout-petits », le Muséum<br />
d’Histoire Naturelle [15] disposera d’un espace d’exposition<br />
exclusivement destiné aux moins de six ans, en famille<br />
ou en groupe; des expositions aux thématiques choisies,<br />
telles « Tous les bébés », préfigurée en 2006, ou « Qui mange<br />
quoi », y seront renouvelées tous les deux à trois ans.
focus<br />
Monumérique<br />
archimérique <br />
un véhicule<br />
de mémoire<br />
Ateliers Archimérique Monumérique,<br />
déambulation urbaine, AMBx, 2010 - 2011<br />
Ateliers Archimérique Monumérique,<br />
AMBx, 2010 - 2011<br />
Ateliers Archimérique Monumérique,<br />
visite classe, AMBx<br />
Ateliers Archimérique Monumérique,<br />
Restitution du projet, AMBx, 2011<br />
116<br />
Personnages en chocolat, Projet Archinumérique<br />
Monumérique, Lycée de Biarritz et AMBx, 2011
focus<br />
Destinée aux élèves du second<br />
degré, l’offre d’exploration thématique<br />
Monumérique permet un<br />
travail approfondi sur des documents<br />
d’archives numérisés débouchant<br />
sur la création en groupe<br />
d’une œuvre numérique. Au lycée<br />
professionnel Beau de Rochas de<br />
<strong>Bordeaux</strong>, ce programme novateur<br />
d’éducation artistique et <strong>culture</strong>lle<br />
a donné lieu à l’initiative originale<br />
d’une classe de seconde professionnelle<br />
spécialisée en carrosserie,<br />
menée et encadrée de concert, par<br />
leur professeur, les Archives municipales,<br />
le musée d’Aquitaine et les<br />
associations <strong>culture</strong>lles opérateurs<br />
du dispositif.<br />
Echange autour de cette expérience<br />
entre Agnès Vatican, directrice<br />
des Archives, François Hubert,<br />
directeur du musée d’Aquitaine et<br />
Jean-François Callède, professeur<br />
d’histoire au lycée Beau de Rochas.<br />
Qu’est-ce que Monumérique <br />
Agnès Vatican : A l’échelle<br />
régionale, Monumérique-Archimérique<br />
est un programme novateur<br />
en direction des collèges, des lycées<br />
et des centres de formation et<br />
d’apprentissage. Il est conçu comme<br />
le volet pédagogique de la Banque<br />
numérique du savoir en Aquitaine<br />
et offre d’autre part aux élèves une<br />
approche interactive du patrimoine<br />
et de l’outil informatique. Les<br />
établissements patrimoniaux de<br />
la région (archives et bibliothèque<br />
essentiellement) composent et<br />
proposent leur parcours thématique<br />
à partir de leurs fonds documentaires<br />
et d’un patrimoine urbain,<br />
historique, artistique, matériel ou<br />
immatériel. A <strong>Bordeaux</strong>, plusieurs<br />
axes ont été retenus. D’un point<br />
de vue historique, les Archives<br />
municipales ont développé deux<br />
thèmes « Représenter <strong>Bordeaux</strong> »<br />
depuis le XVIe siècle, en plans et<br />
vues cavalières et «Traite, esclavage<br />
et abolitions».<br />
François Hubert : Précisons<br />
qu’à l’origine au niveau national, la<br />
constitution du Guide des sources<br />
de la traite négrière, de l’esclavage et<br />
de leurs abolitions puis la création<br />
du Comité pour la mémoire<br />
de l’esclavage ont mobilisé toutes<br />
les archives françaises, dont la<br />
participation active de <strong>Bordeaux</strong>. A<br />
la faveur de ce mouvement général,<br />
un travail de recherche en amont a<br />
été réalisé conjointement entre les<br />
Archives municipales et le musée<br />
d’Aquitaine, posant ainsi les bases<br />
de la thématique.<br />
A. V. : Les parcours Monumérique-Archimérique<br />
sont bâtis sur<br />
toute l’année scolaire. Ils immergent<br />
les élèves dans l’univers des<br />
archives et du musée, les initient au<br />
fonctionnement, à la finalité de la<br />
conservation et à l’exploitation des<br />
documents. Une déambulation urbaine<br />
sous l’angle de la thématique<br />
de l’esclavage est organisée à <strong>Bordeaux</strong><br />
par l’association Pétronille.<br />
L’accompagnement des élèves dans<br />
leur production est assurée par des<br />
professionnels du numérique qui<br />
interviennent en classe au cours de<br />
plusieurs séances de travail pour<br />
élaborer la production multimédia,<br />
finalement mise en ligne.<br />
Comment amener une classe de lycée<br />
professionnel au projet Monumérique <br />
Jean-François Callède :<br />
L’esclavage étant au programme de<br />
seconde, cette stratégie pédagogique<br />
permet aux élèves d’assimiler le<br />
sujet de façon ludique en débouchant<br />
sur une production numérique.<br />
C’est une mise en situation<br />
qui retrace étape par étape le travail<br />
d’un documentaliste. Ils apprennent<br />
à sélectionner les documents, à<br />
les lire, les interpréter et trouver<br />
une méthode pour les présenter.<br />
Mais relier cet atelier à celui de<br />
la carrosserie, une spécialité du<br />
lycée où j’enseigne, n’était pas<br />
d’une évidence flagrante. L’idée est<br />
venue d’un élève qui a imaginé un<br />
voyage virtuel, à la manière d’un<br />
jeu vidéo. Au volant d’une voiture<br />
le joueur pénètre dans un garage à<br />
étages. Là commence pour lui un<br />
parcours initiatique dans l’histoire<br />
de l’esclavage. Au rez-de-chaussée,<br />
il entre dans le port de <strong>Bordeaux</strong> où<br />
sont affrétés les navires. Au premier<br />
étage il s’aventure en Afrique et<br />
découvre la traite négrière. Au<br />
second, il arrive aux Antilles, dans<br />
les plantations. Et sur la terrasse du<br />
garage, tel un paradis symbolique,<br />
il parvient aux documents évoquant<br />
l’abolition de l’esclavage. Mais si le<br />
voyage est virtuel, le véhicule est<br />
concret. A partir d’une épave, les<br />
élèves ont transformé le tableau de<br />
bord afin que chaque commande<br />
permette une navigation dans cette<br />
réalité virtuelle.<br />
Comment avez-vous organisé leurs<br />
travaux <br />
J-F. C. : J’ai divisé ma classe de 20<br />
élèves en deux groupes. Le premier<br />
a fait la visite des Archives et le<br />
second du musée d’Aquitaine. Puis<br />
nous avons croisé en classe les informations<br />
récoltées dans les deux<br />
institutions. Le festival des lycéens<br />
organisé cette année-là à Villeneuve-sur-Lot<br />
nous a servi d’aiguillon.<br />
Depuis une dizaine d’années<br />
le conseil régional d’Aquitaine met<br />
l’accent sur la créativité des lycéens<br />
117
focus<br />
dans tous les domaines. Il a servi<br />
d’accélérateur et nous a procuré<br />
une échéance pour présenter cette<br />
production numérique avant la fin<br />
de l’année scolaire.<br />
Quelles ont été les répercussions immédiates<br />
de cette expérience <br />
et la virtualité. Il y a un passage de<br />
l’image au concret, y compris dans<br />
la redécouverte de la ville.<br />
J-F. C. : Après cette expérience un<br />
élève sensibilisé à la démarche des<br />
Archives m’a apporté un document<br />
des années 1930 trouvé chez<br />
ses grands parents. Le bilan est<br />
particulièrement positif. Les élèves<br />
entrent plus spontanément dans<br />
le programme et bénéficient d’une<br />
ouverture <strong>culture</strong>lle, ils découvrent<br />
la ville sous un aspect qu’ils ne<br />
connaissaient pas, ils comprennent<br />
mieux la ville. Bien que les apports<br />
de l’éducation ne soient jamais<br />
J-F. C. : Nous avons pu faire<br />
partager aux autres classes du<br />
10101<br />
lycée le fruit de notre approche et la<br />
teneur des connaissances acquises.<br />
Malheureusement la nature des<br />
applications utilisées pour cette<br />
production n’a pas permis d’héberger<br />
en ligne ce travail des élèves. classe qui a participé à l’opération<br />
mesurables dans l’immédiateté, la<br />
Toutefois, toutes les péripéties techniques<br />
et notamment les problèmes réussite élevé : 18 reçus sur 20 élèves<br />
Monumérique a eu un taux de<br />
liés aux virus informatiques les ont en bac professionnel des métiers<br />
aguerri aux aléas professionnels de de la carrosserie. En moyenne, les<br />
la réalité virtuelle. Ils ont compris résultats du lycée oscillent entre 60<br />
qu’au-delà de son aspect ludique à et 85 % de réussite.<br />
l’écran il s’agissait d’un métier. Les A. V. : Les lycées professionnels<br />
élèves ont compris le fonctionnement<br />
d’un musée et des Archives, la thématique à leur spécificité.<br />
parviennent toujours à croiser<br />
leur rôle et leur importance. Plus Chaque établissement, chaque<br />
en amont, ils ont été confrontés à classe a son appropriation personnelle<br />
du thème et des ressources<br />
la mémoire publique et privée de<br />
la ville, se sont familiarisés avec proposés. Par exemple, une classe<br />
ses instances <strong>culture</strong>lles dans une de bac professionnel secrétariatcomptabilité<br />
du lycée La Morlette de<br />
dimension civique et citoyenne.<br />
Ils ont également assisté à une Cenon s’est particulièrement intéressée<br />
aux registres de comptabilité<br />
séance du conseil municipal. En<br />
matière d’identité également ils se et à la correspondance. A l’échelle<br />
sont éveillés à une compréhension de la région, 15 classes suivent ce<br />
de l’autre. Dans ma classe il y a parcours chaque année auprès<br />
des élèves originaires du Bénin ou de l’ensemble des établissements<br />
d’Afrique du Nord, leur implication patrimoniaux, 4 ou 5 auprès des<br />
au sujet et leur dialogue leur a procuré<br />
d’autres bases d’entente.<br />
Ce dispositif qui met à disposition<br />
Archives municipales de <strong>Bordeaux</strong>.<br />
A. V. : Lorsque nous faisons<br />
des documents numérisés pourrait<br />
découvrir les documents originaux essaimer dans le milieu éducatif<br />
aux Archives, il y a souvent un choc, et associatif. Il est une source de<br />
une émotion liée à la découverte de rayonnement supplémentaire.<br />
traces tangibles d’une réalité passée.<br />
Cette expérience permet aux élèves<br />
de créer la distance entre la réalité<br />
Votre démarche pédagogique en a-t-elle<br />
été nourrie <br />
J-F. C. : Cette expérience permet à<br />
chacun une ouverture d’esprit dans<br />
un rapport au concret. Aujourd’hui,<br />
chaque sortie pédagogique en ville<br />
ou au musée d’Aquitaine est désormais<br />
photographiée, archivée et<br />
mise en ligne sur le site internet du<br />
lycée. En nous inspirant de l’expérience<br />
Monumérique nous avons<br />
élaboré des thématiques propres<br />
à la carrosserie à <strong>Bordeaux</strong>, avec<br />
la visite du Central garage, le plus<br />
ancien de la ville qui date du XIXe<br />
siècle, ou le Garage moderne, site<br />
alternatif et coopératif et les Vivres<br />
de l’art où, à partir de récupération<br />
de ferraille sont créées des œuvres<br />
d’art.<br />
A. V. : Nous réfléchissons actuellement<br />
à de nouvelles propositions<br />
thématiques comme la Première<br />
Guerre mondiale. Chaque proposition<br />
nécessite une élaboration d’un<br />
an avant de pouvoir être présentée.<br />
Pour le projet sur la traite et<br />
l’esclavage, un enseignant a été mis<br />
à notre disposition par le Rectorat.<br />
F. H. : Au musée d’Aquitaine, nous<br />
développons dans le même esprit<br />
des colloques pour enfants, dont le<br />
thème en 2011 a été l’esclavage et en<br />
2012, la Shoah, en collaboration avec<br />
le centre Jean Moulin.<br />
Quelles perspectives <br />
A. V. : En amont, Monumérique,<br />
porté par les Archives et les bibliothèques,<br />
suscite des partenariats<br />
entre institutions et associations<br />
de médiation. Pour le thème de la<br />
traite, sont impliqués en premier<br />
lieu le Musée d’Aquitaine, avec un<br />
médiateur, les Archives - dont un<br />
représentant se déplace dans les<br />
118
focus<br />
classes pour présenter le corpus des<br />
documents - et le documentaliste et<br />
l’équipe enseignante du lycée. Pour<br />
des établissements d’enseignement<br />
général ce sont 4 à 5 personnes.<br />
A ces intervenants s’ajoutent les<br />
associations telles que Pétronille qui<br />
encadre la déambulation urbaine,<br />
et les professionnels du numérique<br />
(Médiacité, D’Asques et d’ailleurs<br />
ou les Petits débrouillards) recrutés<br />
par l’agence régionale ECLA qui se<br />
charge ensuite de la mise en ligne de<br />
la production numérique. Au total<br />
ce projet mobilise nombre d’intervenants.<br />
La demande des collèges et<br />
des lycées ne cesse de croître si bien<br />
que des Monumérique « sauvages »<br />
se mettent en place. Nous avons été<br />
surpris que les établissements ne<br />
se tournent pas systématiquement<br />
vers d’offre des établissements<br />
patrimoniaux de proximité. Si<br />
bien que l’offre régionale franchit<br />
les frontières administratives : les<br />
élèves font alors un voyage de deux<br />
jours à <strong>Bordeaux</strong> et concentrent<br />
sur place déambulation, visites et<br />
initiations. L’implantation nouvelle<br />
des archives dans le quartier<br />
Bastide-Niel facilitera d’autant nos<br />
projets pédagogiques et permettra<br />
notamment de passer d’un modèle<br />
pilote à une action plus généralisée<br />
notamment adaptée aux tableaux<br />
numériques interactifs en place<br />
dans l’ensemble des écoles primaires<br />
de <strong>Bordeaux</strong>.<br />
Ateliers Archimérique Monumérique,<br />
Restitution du projet, AMBx, 2011<br />
Ateliers Archimérique Monumérique,<br />
visite en classe, AMBx<br />
119
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
La liberté de regard des enfants permet aussi aux<br />
musées de proposer de nombreux ateliers dans lesquels<br />
leur créativité devient un moteur d’apprentissage de<br />
nouvelles pratiques. En transformant un atelier et une<br />
activité manuelle, en voyage dans la création, les artistes<br />
– intervenant au CAPC lors des ateliers du mercredi et des<br />
ateliers Bô ainsi qu’au Musée d’Aquitaine – deviennent des<br />
passeurs d’imaginaire. Ils initient une relation nouvelle et<br />
directe à l’art.<br />
Et lorsque le musée – des Arts Décoratifs et du Design,<br />
des Beaux-arts ou d’Aquitaine – devient le décor d’un<br />
anniversaire, il résonne alors des rires d’enfants et embaume<br />
de l’odeur sucrée des gâteaux.<br />
Quand les familles n’ont ni la possibilité de se déplacer ni<br />
celle d’utiliser les livrets jeux délivrés gratuitement dans les<br />
musées de la Ville, les institutions <strong>culture</strong>lles bordelaises<br />
viennent à elles. Telle est la démarche de l’Opéra qui a<br />
mis en place avec une dizaine de centres d’animation<br />
un programme appelé « Ma voix et toi » permettant une<br />
découverte inédite de l’univers lyrique.<br />
Ces activités hors temps scolaire ont connu un succès<br />
immédiat et grandissant, au-delà même des espérances de<br />
la ville. Pour compléter cette offre, éviter son engorgement<br />
prévisible, <strong>Bordeaux</strong> en imagine les relais futurs permettant<br />
de compléter cette offre en milieu scolaire. Cette priorité<br />
aura également pour but d’intensifier à l’école une présence<br />
artistique et <strong>culture</strong>lle.<br />
Multiplier et consolider les passerelles<br />
entre éducation et <strong>culture</strong><br />
120<br />
A l’instar d’un humaniste, <strong>Bordeaux</strong> déploie son projet<br />
<strong>culture</strong>l dans la construction méthodique de son avenir.<br />
Comme lui, la ville emprunte des voies nouvelles, explore<br />
fourches, branchements et ramifications inattendus. Comme<br />
lui, elle s’enrichit dans sa course, engrange savoirs et<br />
expériences, scelle ses socles d’intégration et d’insertion.<br />
A <strong>Bordeaux</strong>, projet <strong>culture</strong>l et projet social se fondent en<br />
une même volonté qui anime et sous-tend l’ensemble des<br />
actions menées. L’itinéraire que la ville dessine en traversant<br />
toutes ses institutions est une conception nouvelle de l’Ecole<br />
républicaine.<br />
Espace de <strong>culture</strong> vivace et proactif, l’Ecole est pour tous<br />
un lien souverain où les éducations se croisent, les identités<br />
s’affirment et les projets de vie s’amorcent. La nécessité<br />
impérieuse d’y conjuguer mixité sociale et diversité<br />
<strong>culture</strong>lle est une évidence. Pour autant, l’infrastructure
{ Conjuguer<br />
mixité sociale<br />
et diversité<br />
<strong>culture</strong>lle est<br />
une évidence }
{ L’art dans<br />
une école aux<br />
usages pluriels,<br />
assoiT les<br />
échanges, attise<br />
créativité<br />
et imagination }
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
123<br />
16. voir focus :<br />
« Le conservatoire<br />
Jacques Thibaud fait sa<br />
révolution pédagogique »<br />
17. voir focus :<br />
« Monumérique,<br />
archimérique, un véhicule<br />
de mémoire »<br />
scolaire est vue trop souvent comme une microsociété<br />
autarcique, construite sur un modèle décliné à l’envi, et<br />
plaqué à la topographie urbaine, suivant les règles d’un<br />
jeu de Lego. Aujourd’hui, les équipes professionnelles de<br />
la Ville, notamment celles de la <strong>culture</strong>, dont les missions<br />
embrassent les champs de l’éducation, dans son sens le<br />
plus large, se penchent collectivement sur ses implantations,<br />
en imaginent l’évolution dans sa forme comme dans ses<br />
usages. Elles en optimisent les activités, en suscitent<br />
l’interactivité, en stimulent la fertilité. Ainsi, fort de la réussite<br />
des classes à horaires aménagées (CHAM) mises en place<br />
dans plusieurs établissements des quartiers Sainte-Croix<br />
et Saint Michel, le Conservatoire a-t-il souhaité, depuis<br />
2005, être partenaire du collège Jacques Ellul, à la pointe<br />
du réseau de réussite scolaire de la rive droite. Petit à petit<br />
la pratique musicale a nourri considérablement le projet<br />
d’établissement et s’est traduit par une amélioration notable<br />
des résultats scolaires. Incluses au programme architectural<br />
du nouveau bâtiment qui abritera le collège, de futures salles<br />
de classes dites « salles à option » ont été prévues. Elles<br />
sont bien entendu le fruit du partenariat entretenu avec le<br />
Conservatoire [16]. De plus, couplée à ce futur équipement,<br />
la bibliothèque du quartier Benauge, elle aussi reconstruite,<br />
sera largement ouverte aux fonds musicaux, assurant ainsi<br />
le prolongement d’un parcours lisible tant citadin qu’éducatif.<br />
Ces affinités électives engendrent, le long du tracé<br />
du tramway, l’implantation d’une quinzaine de nouveaux<br />
établissements scolaires qui auront à cœur de cultiver<br />
leur polyvalence. Aux Bassins à flot, où théâtre et arts<br />
plastiques colorent déjà la vie quotidienne, un futur groupe<br />
scolaire bénéficiera de son voisinage actif. La Ville projette<br />
d’y implanter des espaces d’exposition et de médiation où<br />
artistes et institutions pourront accompagner des rencontres<br />
et ateliers artistiques, pendant ou hors temps scolaire.<br />
Ils présenteront, par exemple, certaines pièces issues<br />
des collections des musées en amplifiant de ce fait leur<br />
approche et leur rayonnement.<br />
Dans une réalité qui n’a rien de virtuel, les ateliers<br />
Monumérique [17], ou plus récemment la résidence<br />
pédagogique sur la flèche Saint Michel, proposée aux<br />
élèves du lycée Saintonge, mêlent formation initiale ou<br />
professionnelle, création artistique et mise en valeur du<br />
patrimoine. Dans ce dernier cas, les futurs ouvriers cordistes<br />
contribuent à la maintenance du patrimoine de pierre de la<br />
Ville tout en s’initiant à la danse verticale, avec le soutien<br />
d’un actif mécénat.<br />
De l’enseignement primaire au secondaire, arts de la<br />
scène et arts plastiques s’attachent à investir les moindres
focus<br />
Muséum d’Histoire<br />
naturelle <br />
Creuser de<br />
nouveaux sillons<br />
Muséum, transfert de Miss Fanny, l’éléphante,<br />
vers le Centre de Conservation des Collections<br />
124
Muséum d’Histoire naturelle,<br />
Jardin public<br />
Muséum, nouvelles acquisitions au Centre<br />
de Conservation des Collections<br />
Muséum, atelier «Oiseaux»<br />
à destination des scolaires<br />
Muséum, ancienne exposition<br />
permanente<br />
125
focus<br />
Voir, comparer, s’interroger,<br />
comprendre. Les gens curieux ont<br />
toujours raison. Leurs questions sur<br />
la planète, leurs inquiétudes sur son<br />
avenir, leur font pousser la porte<br />
du muséum d’histoire naturelle.<br />
Ici nous attendent des réponses<br />
concrètes, scientifiques, historiques<br />
et rationnelles. Pourtant, au fil des<br />
collections, s’engage une expérience<br />
particulière. En observant le monde<br />
vivant, dans ses diversités et ses<br />
évolutions, chacun des visiteurs<br />
porte son regard sur une espèce<br />
parmi les autres : la sienne. Comme<br />
un boomerang dans sa course, on<br />
revient alors à soi-même et on questionne<br />
sa conscience. Tel est l’esprit<br />
dans lequel le futur muséum bordelais<br />
va recevoir et accompagner les<br />
gens curieux. Rénové et étendu en<br />
2016, ce reflet des mondes vivants<br />
sera le lieu d’expression d’une<br />
science en mouvement et d’une<br />
rencontre dynamique. L’archétype<br />
d’un musée responsable.<br />
Montrer moins pour<br />
montrer mieux<br />
Les Encyclopédistes désiraient<br />
tout connaître. Les savants du XIXe<br />
siècle souhaitaient tout exposer.<br />
Au fil du temps, les collections ont<br />
grandi, les avancées scientifiques<br />
ont modifié les approches du monde<br />
vivant. Aujourd’hui, le muséum<br />
conserve environ 800 000 spécimens,<br />
comprenant près de 7 000<br />
animaux naturalisés dont un quart<br />
récemment restaurés. Mais ses<br />
fossiles millénaires, ses squelettes<br />
d’un autre âge ou ses impassibles<br />
félins ne font pas de lui un lieu en<br />
sommeil.<br />
Car l’Histoire naturelle se<br />
conjugue dans la science et le temps.<br />
A mesure que les connaissances<br />
progressent, des dogmes s’érodent,<br />
des certitudes se déplacent. Les<br />
principes de classification ont<br />
évolué. Les modèles qui donnaient<br />
une origine divine à toute vie, ont<br />
fait place à ceux issus de la théorie<br />
darwinienne de l’évolution. Une<br />
nouvelle approche fondée sur<br />
l’étude du degré de parenté des<br />
espèces, la classification phylogénétique,<br />
a alors vu le jour. Mais<br />
demain, hasard et nécessité apporteront-ils<br />
de nouvelles théories,<br />
d’autres principes Aussi, pour<br />
décrypter les diverses facettes de<br />
la vie, intégrer la place de l’homme<br />
dans l’écosystème, pour appréhender<br />
l’évolution des connaissances, le<br />
muséum de demain doit-il épouser<br />
le mouvement et le rythme du<br />
monde tel qu’il va.<br />
Un nouveau concept de<br />
muséum est né.<br />
Evolutif, il s’attache davantage à<br />
l’exploration d’un riche échantillonnage<br />
qu’à une volonté exhaustive :<br />
autour d’un même sujet, le muséum<br />
montre « beaucoup d’un peu, plutôt<br />
qu’un peu de tout ».<br />
En phase avec les avancées de<br />
la recherche, il rend compte du<br />
présent, restant ouvert aux découvertes<br />
qui, peut-être, marqueront<br />
l’avenir. C’est pourquoi, à <strong>Bordeaux</strong>,<br />
il disposera, par exemple,<br />
de supports aimantés, évitant les<br />
socles scellés, lui permettant de<br />
faire évoluer l’exposition permanente<br />
des collections, sans jamais<br />
en figer la présentation. Il pourra<br />
aisément intégrer à son parcours les<br />
dernières découvertes et l’évolution<br />
des concepts scientifiques.<br />
A la lecture des différents points<br />
de vue présentés, chacun, toutes<br />
générations confondues, pourra<br />
ainsi avoir accès à ce qu’il n’a pas<br />
appris, sans se sentir dépassé. Cette<br />
histoire des idées sera mise en scène<br />
dans la galerie XIXe restaurées et<br />
réinterprétée comme un véritable<br />
décor où prendra place un spectacle<br />
multimédia servant d’introduction<br />
à la visite et attirant l’attention sur<br />
les moments forts et les spécimens<br />
emblématiques.<br />
Ses expositions semi-permanentes<br />
renouvelées à un rythme de<br />
3 à 5 ans et ancrées dans leur réalité<br />
aquitaine et dans le temps des idées,<br />
feront alterner thématiques régionales<br />
et transversales, s’apppuyant<br />
sur un dense réseau de partenaires<br />
universitaires et associatifs. Un<br />
espace sera dédié à la petite enfance<br />
avec le « Musée des tout petits ».<br />
Ses expositions temporaires,<br />
ouvriront sur d’autres mondes,<br />
celui des artistes naturalistes<br />
contemporains qui offrent un autre<br />
regards sur la nature, celui d’autres<br />
muséums offrant d’autres thématiques<br />
ou d’autres collections pour<br />
surprendre.<br />
Ces différents rythmes seront<br />
traduit dans le bâtiment par<br />
Basalt architecture, jeune équipe<br />
parisienne associée au cabinet<br />
franco-allemand Die Werft pour la<br />
scénographie : au nouveau sous-sol<br />
qui permet de gagner en surface, les<br />
expositions temporaires, au rez-de<br />
chaussée l’accueil et l’animation,<br />
tandis que le premier et le second<br />
étages accueillent les présentations<br />
de longue durée et le parcours<br />
permanent.<br />
Enfin, les fonds spécifiques<br />
du muséum, dont l’accès direct<br />
est réservé aux étudiants et aux<br />
chercheurs dans le nouveau et très<br />
fonctionnel Centre de Conservation<br />
des Collections seront mis en ligne<br />
sur le net et ainsi ouverts à tous.<br />
126
focus<br />
L’autre comme but<br />
Ce vaste chantier, s’il s’appuie sur<br />
une approche de l’homme vis-à-vis<br />
de son environnement, s’articule en<br />
grande part sur le travail de fond,<br />
mené par le muséum à l’égard de ses<br />
publics. De 2003 à 2007, la fréquentation<br />
est ainsi passée de 35000 à<br />
70 000 visiteurs par an. Pendant la<br />
durée des travaux entrainant sa fermeture<br />
de 2008 à 2016, le muséum<br />
a gardé le contact dans la ville, en<br />
s’élançant au-devant de ses publics.<br />
Ainsi, plus de 12 000 personnes<br />
peuvent chaque année continuer de<br />
découvrir ses collections.<br />
Hors les murs, les expositions<br />
investissent régulièrement la<br />
Maison éco-citoyenne, la halle des<br />
Chartrons, la nouvelle salle du marché<br />
de Lerme et la cour Mably.<br />
De septembre à juillet, le<br />
Muséum se rend chez vous, dans<br />
l’ensemble des établissements<br />
scolaires du département, centres<br />
de loisir, bibliothèques et médiathèques,<br />
maisons de retraites et<br />
établissements spécialisés pour<br />
personnes dépendantes. Dotés d’un<br />
échantillonnage des collections et<br />
d’un kit pédagogique créé spécialement,<br />
ses animateurs y déclinent<br />
une douzaine de thématiques. Tels<br />
des colporteurs d’un nouveau genre,<br />
ils apportent en plus d’un contenu<br />
<strong>culture</strong>l à domicile, avec pour support<br />
les collections du musée, une<br />
présence humaine enrichissante,<br />
luttant du même coup contre l’isolement.<br />
Parfois 4 animations sont<br />
présentées dans la même journée.<br />
In fine, elles peuvent préparer, chez<br />
ceux qui jusqu’alors s’en privaient,<br />
une éventuelle visite au musée.<br />
A sa réouverture, le muséum<br />
provoquera l’inattendu. S’inspirant<br />
des « médiateurs maraudeurs »<br />
canadiens, des étudiants vacataires<br />
déambuleront dans le musée. Poussant<br />
leur chariot empli de pièces<br />
manipulables issues des collections,<br />
ils susciteront curiosité, dialogue,<br />
échange avec les visiteurs. Par ces<br />
« performances », ils instilleront un<br />
rapport détendu et actif au musée,<br />
une médiation directe.<br />
Ces nouveaux gardiens, rompus<br />
à une fréquentation quotidienne<br />
pourront informer les visiteurs sur<br />
l’histoire d’une pièce qui a retenu<br />
leur attention, son origine, ses<br />
pérégrinations pour rejoindre les<br />
collections, mais aussi délivrer des<br />
information sur l’espèce à laquelle<br />
elle se rapporte, sa répartition, l’état<br />
de sa population les menaces qui<br />
pèsent sur elle ou les mesures de<br />
protection mises en place par les<br />
gouvernements … De leur rapport<br />
personnel au musée, ils offriront<br />
un regard, un éclairage différent et<br />
nourriront peut-être cette dimension<br />
de rêve que chacun peut entretenir<br />
avec une pièce d’exception,<br />
fascinante ou modeste.<br />
Pas moins de six salles d’animation,<br />
associées à chacun des espaces<br />
d’exposition, permettront d’accueillir<br />
scolaires ou familles pour un<br />
moment de contact privilégié à<br />
l’occasion d’un atelier permettant<br />
d’approfondir une thématique en<br />
manipulant des collections, réalisant<br />
une expérience ou créant une<br />
production originale.<br />
Cette vision conviviale appartient,<br />
toute entière, à une volonté<br />
militante du muséum, de la ville<br />
et de ses équipes. Humaniste, son<br />
objectif est de se rapprocher, par la<br />
connaissance, de ceux qui, pour des<br />
raisons géographiques ou sociales,<br />
ne poussent pas volontiers la porte<br />
des musées. Altruiste, elle s’avance<br />
auprès de ceux qui ne peuvent plus<br />
venir à lui. Scientifique, elle renforce<br />
ou interroge les connaissances<br />
de chacun sur sa propre place dans<br />
la nature et sa biodiversité. Réaliste,<br />
elle tend à interroger aujourd’hui<br />
les consciences, solliciter l’esprit<br />
critique de ceux qui, en 2030, auront<br />
entre leurs mains, la ville et la<br />
planète de demain. Une conception<br />
de l’homme et de l’esprit qui court<br />
à <strong>Bordeaux</strong> depuis l’époque des<br />
Lumières.<br />
La camionnette du<br />
«Muséum chez vous»<br />
127
{ Des<br />
enseignements<br />
qui « pensent<br />
pendant et<br />
après » }
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
anfractuosités éducatives de la ville. Cette intention vise<br />
à densifier visiblement la présence de la <strong>culture</strong> dans la<br />
construction de consciences éclairées. L’art, ainsi proposé au<br />
regard collectif, dans une école aux usages pluriels, assoit<br />
les échanges, attise créativité et imagination, générant plus<br />
spontanément les transferts de connaissance. Il en tonifie la<br />
vie et la force d’attraction.<br />
L’enseignement artistique<br />
en question<br />
L’enjeu de l’expérience pratique<br />
129<br />
18. voir focus :<br />
« Le conservatoire<br />
Jacques Thibaud<br />
fait sa révolution<br />
pédagogique »<br />
A l’instar des écoles primaires et secondaires, les<br />
opérateurs de la politique <strong>culture</strong>lle bordelaise épousent<br />
la même direction. De l’Ecole Supérieure des Beauxarts<br />
au CAPC, du Conservatoire Jacques Thibaud aux<br />
bibliothèques, du Musée des Beaux-arts au Musée des<br />
Arts Décoratifs et du Design, des structures comme la<br />
Maison des enfants aux centres d’animation de quartiers,<br />
tous s’imprègnent mutuellement, étendent leur mission<br />
civique d’éveil aux pratiques artistiques. Cette ambition se<br />
concrétise à <strong>Bordeaux</strong> par nombre d’ateliers d’un nouveau<br />
genre qui, dès la petite enfance, contribuent à gommer le<br />
cloisonnement des savoirs et à régénérer les pédagogies.<br />
Des enseignements qui « pensent pendant et après »,<br />
stimulent avec pragmatisme la préparation indispensable<br />
à l’entrée dans la vie active dans un esprit d’ouverture, de<br />
synthèse et de sens critique. Le Conservatoire Jacques<br />
Thibaud, conjuguant l’expérience collective avec la<br />
fréquence de représentations dans l’espace public, est<br />
devenu un véritable pôle de ressources pour l’innovation<br />
pédagogique. Chaque année, le succès de ses « scènes<br />
publiques » – spectacles donnés par les jeunes artistes en<br />
formation, dans des conditions techniques professionnelles<br />
– confirme l’institution dans sa démarche et son postulat :<br />
l’expérimentation publique de la pratique construit une vie<br />
<strong>culture</strong>lle adulte. [18]<br />
Les programmes d’éducation populaire et d’insertion<br />
prioritaire, alliés au développement de la pratique musicale<br />
sont à l’origine de spectacles ou festivals de proximité<br />
enclins à se pérenniser. Tel est, depuis sa création, l’un des<br />
périmètres d’action de la Rock School Barbey qui anime<br />
« Les Quartiers Musiques » (intégrés au Carnaval des 2 rives),
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
130<br />
ou encore « Musiques et Quartiers » (accompagnement<br />
artistique de jeunes issus de quartiers prioritaires), et<br />
plus récemment les « Tremplins musicaux » dans les<br />
quartiers (concours ouvert à tous qui vise à débusquer et<br />
professionnaliser de jeunes talents).<br />
Forts d’une fréquentation de 15 000 personnes chaque<br />
année, certains centres d’animation ont fait le choix de<br />
se spécialiser dans le perfectionnement d’une pratique<br />
artistique : le Centre d’Animation de Saint-Pierre se consacre<br />
à l’écriture et au numérique, celui d’Argonne aux <strong>culture</strong>s<br />
urbaines, celui de la Bastide aux Arts du Cirque, celui de<br />
Monséjour aux Arts Plastiques et à l’artisanat d’art etc.…<br />
Plus généralement, à l’instar d’un internaute qui télécharge<br />
ses applications, l’étudiant de l’Ebabx trouve, dans les<br />
initiatives de l’Ecole, les clés de son indépendance.<br />
Ses projets sont encouragés à chaque étape de leur<br />
développement. Récemment, l’Ecole a simulé, sous un<br />
chapiteau, la création d’un centre d’art miniature, une<br />
salle d’exposition accompagnée de ses ressources<br />
documentaires. L’expérience a posé de manière critique, les<br />
problématiques d’une institution <strong>culture</strong>lle, son identité, son<br />
fonctionnement et son rayonnement. Elle a permis à chacun,<br />
étudiant et visiteur, de s’interroger concrètement sur les<br />
enjeux d’une programmation, la dynamique à lui donner afin<br />
que publics et œuvres se rencontrent.<br />
A plus grande échelle, le projet éditorial de l’Ecole,<br />
Publication studio <strong>Bordeaux</strong>, créée dans le cadre d’Evento,<br />
a produit des ouvrages, comme une boulangerie cuit son<br />
pain. Sortis « tout chauds » du four, ils étaient consommés<br />
sur place tout au long de la journée. Cette mise en parallèle<br />
entre production artistique et artisanale contribua de<br />
manière festive et décalée, à l’autofinancement du projet.<br />
L’Ecole projette d’ailleurs de lui procurer une dimension<br />
internationale grâce à un partenariat avec d’autres écoles<br />
d’art au Mexique et aux Etats Unis. Enfin, dans le champ<br />
numérique, son webmagazine semestriel, rosa b (clin d’œil<br />
à l’artiste bordelaise Rosa Bonheur) coproduit par le CAPC,<br />
croise textes et contributions théoriques à des propositions<br />
visuelles et sonores. Autour des étudiants, la revue convoque<br />
dans son élaboration, les personnels artistiques de l’Ecole,<br />
du CAPC, ainsi que des artistes invités.<br />
L’arrivée en 2011 de l’Ecole Supérieure des Beaux-arts<br />
dans le processus d’homologation européenne et son<br />
intégration dans le PRES de <strong>Bordeaux</strong> (Pôle de Recherche et<br />
d’Enseignement Supérieur) renforce à la fois son exigence<br />
scientifique et son objectif de formation professionnelle<br />
continue en faveur des artistes de son territoire.
{ L’expérimentation<br />
publique<br />
de la pratique<br />
construit une<br />
vie <strong>culture</strong>lle<br />
adulte }
{ Atelier<br />
« Poulet rôti »,<br />
un dimanche<br />
par mois }
CHAP. 3<br />
—<br />
Les laboratoires<br />
de la connaissance<br />
133<br />
… tout au long de la vie<br />
Initialement destiné aux jeunes et très jeunes publics,<br />
l’accompagnement dans l’ensemble des pratiques artistiques<br />
s’applique de plus en plus aux adultes en mêlant les<br />
générations. Depuis plusieurs années, les musées de la Ville,<br />
tout comme les équipes artistiques de l’Opéra, ont largement<br />
encouragé cette approche en proposant des animations<br />
d’ateliers directement menées par les services des publics.<br />
Chacun en est un relais indispensable : l’artiste invité anime<br />
une session, comme au Grand Atelier du CAPC, tandis<br />
que, de son côté, le musée permet aux enseignants et aux<br />
centres de formations d’acquérir les outils pédagogiques qui<br />
leur sont nécessaires. Le Musée d’Aquitaine propose, quant<br />
à lui, un enseignement artistique au public adulte. Chaque<br />
année environ 200 artistes amateurs suivent des cours<br />
hebdomadaires. Récemment, le CAPC a imaginé des ateliers<br />
familiaux ludiques, décontractés et exigeants. L’atelier<br />
« Poulet rôti » un dimanche par mois, propose un décor conçu<br />
par un artiste invité. Ensemble, les familles s’improvisent<br />
chef décorateur et inventent, en s’initiant aux techniques<br />
du dessin et de l’illustration, une histoire, un conte… Tous<br />
entrent ainsi de plain-pied dans l’esthétique de l’artiste tout<br />
en partageant un moment commun, intergénérationnel.<br />
Les associations des amis des Musées jouent aussi un<br />
rôle essentiel dans l’apprentissage des savoirs, en animant<br />
cycles de conférences et colloques conçus en résonnance<br />
des programmes d’exposition des établissements. Dans un<br />
même esprit, les bibliothèques de quartiers, en s’appuyant<br />
sur des associations d’entraide implantées dans les<br />
quartiers, ont peu à peu développé un service de portage de<br />
livres à domicile pour les personnes dans l’incapacité de se<br />
déplacer. Après Grand Parc et Saint-Michel, le quartier de la<br />
Bastide bénéficie de cette prestation solidaire.<br />
L’Ecole Supérieure des Beaux-arts, elle aussi, a souhaité<br />
créer une dynamique de pratique artistique à l’échelle de<br />
son quartier d’implantation, Sainte-Croix. Outre son Café<br />
pompier autogéré par ses étudiants, sa galerie éphémère,<br />
Le Sentiment océanique, animée chaque semaine par<br />
l’un de ses professeurs, ouvre les portes aux habitants<br />
qui l’entourent. L’école tisse, jour après jour, les liens de<br />
proximité qui facilitent à celui qui le souhaite un accès à la<br />
diffusion et aux pratiques de l’art.<br />
Sollicité dès l’enfance et accompagné tout au long de sa<br />
vie, dans son approche de la <strong>culture</strong> et sa pratique créative,<br />
tout Bordelais est l’ambassadeur potentiel d’un état d’esprit.<br />
Un passeur de <strong>culture</strong> pour demain
FOCUS<br />
Le Conservatoire<br />
Jacques Thibaud <br />
un laboratoire<br />
d’apprentissages<br />
«Trombone» photographie de Richard Nourry,<br />
exposée au Conservatoire en 2010<br />
Performance, Festival Clair de Bastide,<br />
Centre social Bastide-Benauge, Juin 2012<br />
«Piano» photographie de Richard Nourry,<br />
exposée au Conservatoire en 2010<br />
134
Jeune violoniste d’Orphéons, 2010<br />
«Danse jazz» photographie de Richard Noury,<br />
exposée au Conservatoire en 2010<br />
«Composition» photographie de Richard Nourry,<br />
exposée au Conservatoire en 2010<br />
135
focus<br />
Carrefour où les frontières<br />
deviennent des lieux d’échanges,<br />
où chacun dispose et partage, les<br />
arts de la scène nourrissent le désir<br />
d’être ensemble. Ils fertilisent un<br />
terrain d’entente, entre l’intime<br />
et le collectif, entre pratiques et<br />
savoir-faire dans toutes les formes<br />
d’expression et de création. De cette<br />
réalité, le Conservatoire Jacques<br />
Thibaud à rayonnement régional<br />
a tiré son projet. Innovants et<br />
transversaux, ses enseignements<br />
embrassent l’ensemble des pratiques<br />
artistiques, des musiques<br />
aux arts de la scène. Plus encore,<br />
il les stimule en s’en faisant le lieu<br />
d’expérimentation mais aussi le<br />
porte-voix.<br />
Au-delà d’une<br />
pédagogie, une mise<br />
en situation<br />
Entrer au Conservatoire Jacques<br />
Thibaud c’est s’intégrer à un groupe<br />
d’artistes en formation. Tel un<br />
postulat, cette approche de l’enseignement<br />
artistique préside à une<br />
pédagogie qui, depuis 2001, ne se<br />
fonde plus uniquement sur l’objectif<br />
de l’épreuve finale mais sur une pratique<br />
régulière et un esprit d’équipe,<br />
au service d’un projet artistique.<br />
Car, si chaque élève vient découvrir<br />
ou perfectionner une spécialité,<br />
son apprentissage s’inscrit dans un<br />
horizon plus vaste. Aussi, pour que<br />
chacun puisse cultiver au mieux<br />
ses aptitudes, le Conservatoire abat<br />
les cloisons entre chant, théâtre et<br />
danse, entre musiques actuelles et<br />
instruments anciens… Et s’investit<br />
dans une refonte qui touche, au<br />
quotidien, l’ensemble de sa pédagogie.<br />
Engagées dans une concertation<br />
constante avec les artistes/ensei-<br />
gnants qui favorise l’émergence<br />
d’un projet artistique commun, la<br />
direction et l’équipe du Conservatoire<br />
instillent une dynamique de<br />
recherche à tous les cycles, ouvrant<br />
et diversifiant les filières.<br />
Les élèves expérimentent de nouvelles<br />
pratiques. Ils acquièrent une<br />
plus grande autonomie de travail,<br />
renforcent liens et motivations -<br />
entre eux, avec leurs professeurs<br />
y compris au sein de leur environnement<br />
familial. Les effets en<br />
sont plus que révélateurs : le taux<br />
d’abandon en cours de cursus de<br />
cycle 1 en musique qui accusait<br />
naguère 65%, avoisine aujourd’hui<br />
seulement 10%.<br />
Chez les plus jeunes (6-7 ans), les<br />
Premiers Pas, préalable, dès l’enfance,<br />
à un apprentissage musical,<br />
initient à la découverte du son et du<br />
mouvement. Ce programme associe<br />
musiciens en herbe et très jeunes<br />
danseurs. Par le toucher, le rythme,<br />
le jeu et la voix, l’enfant approche<br />
la musique de manière sensitive et<br />
sensible. Cette mise en pratique suscite<br />
sa curiosité et nourrit sa créativité.<br />
Plus tard, Orphéon l’incite à<br />
écrire, lire, transcrire son imagination<br />
musicale, tout en favorisant son<br />
apprentissage instrumental.<br />
Mais ces deux programmes ne<br />
sont pas nés ex-nihilo. S’ils brisent<br />
les inhibitions voire les réticences<br />
fréquentes liées à l’image habituelle<br />
d’un conservatoire, ils participent<br />
d’une réflexion pédagogique menée<br />
depuis plus d’une dizaine d’années<br />
et entrent aujourd’hui dans le travail<br />
quotidien de l’institution.<br />
Plus largement, la mise en commun<br />
des enjeux et des pratiques a<br />
défini depuis 10 ans des objectifs<br />
pédagogiques prioritaires des<br />
projets d’établissements successifs,<br />
tous fondés sur des pratiques collectives<br />
(danse, musiques actuelles,<br />
136
focus<br />
musiques anciennes, théâtre…). En<br />
sont issus les programmes Premiers<br />
pas et Orphéons, la Cellule Chorégraphique<br />
ou les classes d’écriture<br />
en musique, danse et théâtre, ou<br />
encore les ateliers transversaux<br />
pour la voix et les pratiques corporelles…<br />
A <strong>Bordeaux</strong>, l’évaluation prend<br />
en compte la production artistique<br />
au sein d’un groupe, place chacun<br />
dans une dynamique de recherche<br />
en l’accompagnant sur la voie<br />
qu’il s’est choisie. Le traditionnel<br />
binôme professeur-élève s’estompe<br />
au bénéfice d’une conception plus<br />
collective, évolutive et adaptée. Les<br />
enseignements préparent ainsi tous<br />
les élèves, au-delà du diplôme, aux<br />
conditions d’une pratique artistique<br />
active qui, de plus, donnera aux<br />
postulants une orientation professionnelle<br />
une bonne expérience des<br />
exigences qu’impose le monde du<br />
spectacle.<br />
Par l’observation et l’accompagnement<br />
concerté, cette expérience<br />
crée une porosité bénéfique,<br />
nécessaire et formatrice pour élèves<br />
et enseignants dans l’ensemble des<br />
domaines, du chant à la danse, du<br />
théâtre à la pratique instrumentale.<br />
«Trans’Formes», biennale du Conservatoire, 2011<br />
Le spectacle pour enjeu<br />
Cette approche transversale des<br />
pratiques fait du Conservatoire<br />
Jacques Thibaud un acteur et un<br />
partenaire privilégié des opérateurs<br />
<strong>culture</strong>ls professionnels. Elle renforce<br />
sa double mission d’enseignement<br />
et d’action <strong>culture</strong>lle. De<br />
la formation initiale à l’orientation<br />
professionnelle, elle plonge les<br />
élèves, dans les mêmes conditions,<br />
le même enjeu : la scène. Pour<br />
danser, chanter, interpréter un texte<br />
ou une œuvre du répertoire, chacun<br />
137
focus<br />
appréhende le mouvement, qui n’est<br />
plus l’unique apanage du danseur.<br />
Cette exigence artistique, vécue<br />
dans une expérience collective,<br />
permet à tous de s’engager dans une<br />
démarche responsable.<br />
Dans la ville-même, tout au long<br />
de l’année, cet atout pédagogique<br />
est source de création. Quelque 150<br />
spectacles, les Scènes Publiques,<br />
fréquentées par plus de 15 000<br />
spectateurs font de <strong>Bordeaux</strong> un<br />
espace de représentation, singulier<br />
et foisonnant.<br />
Des projets dans les quartiers,<br />
notamment, rive droite, ont vu le<br />
jour. Ils traduisent l’élan déployé<br />
par le Conservatoire pour sensibiliser,<br />
unir et amplifier les publics.<br />
Un terrain d’expérience<br />
Dans cet esprit, le rendez-vous<br />
Trans’formes investit, depuis 2008,<br />
lieux et publics, en offrant à chacun<br />
sa place. Artistes « résidents » (les<br />
enseignants), en formation (les<br />
élèves) et artistes invités (chorégraphes,<br />
compositeurs, musiciens…)<br />
croisent les disciplines et<br />
bousculent les repères habituels.<br />
L’écoute se fait dynamique et l’instant<br />
présent devient un moment à<br />
vivre en commun.<br />
Le Conservatoire, les studios de<br />
son département danse, le CAPC,<br />
l'Institut Cervantès, la Bibliothèque<br />
Mériadeck se métamorphosent<br />
en théâtres éphémères de performances,<br />
d’ateliers et d’improvisations.<br />
Un public très diversifié<br />
et curieux s’y presse, témoin de<br />
nouvelles tentatives esthétiques, qui<br />
s’inventent en direct.<br />
Croiser et multiplier regards et<br />
oreilles est également le propos de<br />
Traveling Music, créé pour Evento en<br />
2009. A pied, à vélo ou en triporteur,<br />
300 élèves danseurs, comédiens<br />
et musiciens, instruments en<br />
bouche (bois et cuivres), ont effectué<br />
un parcours citadin. Sur les notes<br />
contemporaines de Julia Wolfe,<br />
ils ont suivi différents itinéraires,<br />
circulant en écho, se croisant dans<br />
la ville, avec <strong>Bordeaux</strong> pour partition.<br />
Harnachés d’écouteurs, les<br />
élèves interprétaient une musique<br />
improvisée à partir de celle que<br />
diffusait leur Mp3. Cette fanfare du<br />
XXIe siècle, imaginée par le célèbre<br />
cabinet d’architectes américains<br />
Diller Scofidio + Renfro, a investi les<br />
différents points névralgiques de<br />
la ville, achevant sa déambulation<br />
musicale et chorégraphique place de<br />
la Victoire. Au-delà de l’événement<br />
et de la création, la performance<br />
a concrétisé une appropriation<br />
ludique de l’environnement urbain.<br />
Elle a modifié l’approche de son<br />
architecture et suscité, par son<br />
mouvement inattendu, par ses flux<br />
festifs, un autre plaisir de la ville.<br />
Jouant tout autant du rapprochement<br />
des disciplines que du<br />
détournement des lieux, la Nuit de<br />
la création met en scène des œuvres<br />
chorégraphiques, musicales, instrumentales<br />
et électroacoustiques,<br />
composées et interprétées par les<br />
jeunes artistes du Conservatoire.<br />
Au CAPC ou à la piscine Galin, elle<br />
entre, au fil de créations musicales<br />
et chorégraphiques, en résonance<br />
avec un établissement, inaugurant<br />
de nouveaux espaces d’écoute en<br />
même temps qu’un rapport scénique<br />
inédit.<br />
Son écho porte jusqu’à Montréal,<br />
où en 2010, la Nuit de la création<br />
investit la Fonderie Darling, centre<br />
d’arts visuels. Emblématique de la<br />
138
focus<br />
coopération soutenue du Conservatoire<br />
Jacques Thibaud avec la<br />
faculté de musique de l’université et<br />
l’Ecole de danse contemporaine de<br />
Montréal, la manifestation donne<br />
corps à une collaboration menée<br />
depuis des années entre <strong>Bordeaux</strong><br />
et le Québec. En amont, les conventions<br />
passées avec les partenaires de<br />
Montréal, favorisent chaque année<br />
l’accueil d’une douzaine d’étudiants<br />
bordelais.<br />
Partenaire de plusieurs villes<br />
dans le monde, le Conservatoire<br />
Jacques Thibaud agit pour préfigurer<br />
une réponse internationale à la<br />
demande de ses futurs professionnels.<br />
Performance des élèves du Conservatoire<br />
au Festival Clair de Bastide,<br />
Centre social Bastide-Benauge, Juin 2012<br />
Un vivier de ressources<br />
Le Conservatoire Jacques<br />
Thibaud ouvre les horizons, mesure<br />
son potentiel et envisage son orientation<br />
future. Car la perspective<br />
de croissance de la ville, suscitera<br />
mécaniquement l’augmentation<br />
constante d’une demande à satisfaire.<br />
Laboratoire d’innovation pédagogique,<br />
terrain d’expérimentation<br />
pour une relation novatrice à<br />
l’espace, au public et à une création<br />
contemporaine transdisciplinaire,<br />
le Conservatoire Jacques Thibaud<br />
cultive sa capacité à devenir un<br />
pôle de ressources au rayonnement<br />
régional et national.<br />
Au service du projet artistique<br />
des élèves, il canalise et innerve les<br />
énergies dans la ville en rapprochant<br />
les publics. A sa manière il<br />
s’affranchit lui aussi des frontières.<br />
«Valse(s)», Création danse classique<br />
des élèves du Conservatoire,<br />
TnBA, Mars 2012<br />
139
la créat<br />
au cœur<br />
d’un<br />
dévelop<br />
<strong>culture</strong>l<br />
durable
ion<br />
Musiciens de l’Orchestre National<br />
<strong>Bordeaux</strong> Aquitaine<br />
pement<br />
Ecole du cirque<br />
de <strong>Bordeaux</strong>
l’Auditorium de <strong>Bordeaux</strong><br />
«Micro-climats 0.0», conçu par le Glob Théâtre,<br />
avec Marion Aubert, Virginie Barreteau et Fabrice Melquiot<br />
Orchestre National de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine
«Mater Dolorosa», Jean-Baptiste Carpeaux,<br />
Collection MBA<br />
«La Grèce sur les ruines de<br />
Missolonghi», Eugène Delacroix,<br />
Collection MBA<br />
Affiche de la Nuit des musées<br />
à <strong>Bordeaux</strong> 2012<br />
la Zumba revisitée par le collectif<br />
Dispersion, Nuit des musées 2012,<br />
CAPC
Novart 2010: «Fauves»<br />
création de Michel Schweizer/<br />
Cie La Coma avec Clément Chelbi<br />
Mention Prix du Design,<br />
Agora 2012, EBABx<br />
Imaginez maintenant - les 4 jours<br />
de la jeune création, 2010<br />
Grand Parc en Fête avec<br />
l’association MC2A
Maison des Danses, quartier Ginko<br />
Nuit des Musées, 2010,<br />
Musée des Arts décoratifs<br />
Visite exposition<br />
permanente, Musée<br />
d’Aquitaine
«House Of The Living Dead»,<br />
Imaginez Maintenant, 2010<br />
Musée des Beaux-Arts<br />
Imaginez maintenant - les 4 jours<br />
de la jeune création, 2010
"Le Lion" de Xavier Veilhan, Place Stalingrad<br />
Visite exposition permanente, Espace<br />
Design, Musée des Arts décoratifs<br />
Visite exposition temporaire,<br />
Galerie des Beaux-Arts
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
Parce que l’ambition de la Ville de<br />
<strong>Bordeaux</strong> est de développer durablement<br />
la vitalité artistique et la vie <strong>culture</strong>lle de<br />
son territoire, elle se doit d’agir selon<br />
plusieurs approches concomitantes.<br />
Non seulement en accompagnant les<br />
artistes dans leur expression et leur<br />
professionnalisation mais également en<br />
favorisant l’innovation et la créativité.<br />
148
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
149<br />
Investir dans les lieux<br />
artistiques : un impératif<br />
pour demain<br />
D’ici à 2015, plus d’une dizaine de sites <strong>culture</strong>ls nouveaux<br />
vont sortir de terre, tandis que de hauts lieux, hérités du<br />
XIXe siècle, feront peau neuve. Le Musée des Beaux-arts<br />
et le Muséum d’Histoire Naturelle en cours de rénovation,<br />
s’étendent, se rationnalisent et se restructurent, pour<br />
améliorer leur confort d’accès et le déploiement de leurs<br />
collections. Les espaces d’accueil et salles d’exposition<br />
s’ouvriront plus en douceur aux handicapés, aux enfants et<br />
aux personnes âgées. L’extension des surfaces ouvertes au<br />
public, l’installation de mobiliers plus adaptés à la diversité<br />
des usages, harmoniseront la convivialité des visites,<br />
annuleront toute entrave au plaisir et à la qualité de la<br />
découverte.<br />
D’ores et déjà, les bibliothèques municipales sont au<br />
service de la formation continue et de la réorientation<br />
professionnelle. Ouvertes à tous, dans des espaces<br />
spécifiques, elles portent une attention particulière aux<br />
minorités linguistiques, aux personnes hospitalisées,<br />
incarcérées ou en situation de handicap. Un portail<br />
numérique qui permet l’accès aux catalogues de la<br />
bibliothèque et de l’université ouvre en 2013. Il instaure,<br />
parallèlement, un lien plus direct entre bibliothécaires<br />
et usagers, notamment par l’utilisation des blogs et des<br />
réseaux sociaux. Cette même année, une médiathèque<br />
tournée vers les <strong>culture</strong>s digitales voit le jour au quartier<br />
Armagnac tandis que la Bibliothèque Saint-Augustin est<br />
entièrement modernisée. Simultanément la bibliothèque de<br />
Mériadeck se métamorphose dans une nouvelle esthétique,<br />
de nouveaux services, en instaurant un nouveau rapport aux<br />
médias <strong>culture</strong>ls.<br />
Enfin, ni musée ni parc à thème, la Cité des Civilisations<br />
du Vin ouvrira ses portes en 2015. Elle fera partager une<br />
<strong>culture</strong> millénaire en contribuant à transmettre un patrimoine<br />
universel.<br />
Soutenir la diffusion d’une <strong>culture</strong> invitante, construire, par<br />
tous les moyens dont elle dispose, la dynamisation de la<br />
vie des quartiers, sont à <strong>Bordeaux</strong> des outils essentiels au<br />
développement <strong>culture</strong>l du territoire.<br />
Inauguré début 2013, l’Auditorium de <strong>Bordeaux</strong> illustre<br />
cette volonté : installée en plein cœur historique, cette<br />
nouvelle maison de l’Orchestre National <strong>Bordeaux</strong>
{ D’ici à 2015,<br />
plus d’une<br />
dizaine de sites<br />
<strong>culture</strong>ls<br />
nouveaux vont<br />
sortir de terre }
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
Aquitaine constitue à la fois le lieu d’accueil d’ensembles et<br />
d’artistes prestigieux pour les mélomanes, mais également<br />
l’instrument d’une découverte plus large de publics<br />
diversifiés. Pour ce faire, une programmation étendue aux<br />
musiques du monde et au jazz, l’instauration de moments<br />
plus récréatifs tels que les « after » ou de concerts donnés<br />
par des amateurs contribueront à ouvrir et renouveler les<br />
publics de l’institution.<br />
L’accent, au cœur de la vaste réforme urbaine et <strong>culture</strong>lle<br />
engagée, est porté sur la réflexion, la reconstruction et<br />
la réaffectation d’espaces, souvent réinventés dans leur<br />
fonctionnalité et dans la relation qui les lie aux Bordelais.<br />
L’usage renouvelé de sites comme les Vivres de l’Art, le<br />
Glob théâtre ou la Manufacture Atlantique, incitent les<br />
artistes à s’investir dans une logique de travail durable et<br />
prospective. A cette enseigne, le Glob théâtre, qui a conduit<br />
depuis 1998 sa mutation d’atelier industriel en fabrique<br />
artistique et <strong>culture</strong>lle, s’il diffuse spectacle et création,<br />
entretient également avec les artistes et leurs équipes une<br />
connivence à long terme. Accueillis en résidence pour une<br />
durée moyenne d’une à deux semaines, compagnies d’art<br />
dramatique, musiciens et propositions expérimentales<br />
participent à son projet artistique et pédagogique. Sa<br />
programmation multidisciplinaire est le reflet de ce carrefour<br />
des arts de la scène ouvert aux rencontres, aux offres de<br />
stages et d’ateliers ainsi qu’aux jeunes publics dans une<br />
relation de proximité avec le quartier.<br />
C’est aussi dans une résonnance avec le monde et les<br />
nouvelles écritures que la Manufacture Atlantique, ancien<br />
TNT Manufacture de chaussures, modifie le processusmême<br />
d’élaboration du projet de vie du lieu. En faisant<br />
appel à l’intervention conjointe d’auteurs, de paysagistes,<br />
de chorégraphes et de performeurs, chaque parcelle du lieu<br />
devient un enjeu de complémentarité entre usages durables,<br />
espaces de créations et de partage.<br />
Lieux de fabrication, de rencontres et de diffusion,<br />
dans une approche transversale des activités artistiques,<br />
ces espaces réunissent les conditions nécessaires de<br />
développement et accompagnent des filières en plein essor.<br />
Accompagner les artistes dans leur<br />
parcours, ici et ailleurs<br />
151<br />
Par ses usages quotidiens et multiples, par les innovations<br />
éducatives et sociales qu’elle induit, les impulsions créatives<br />
et créatrices qu’elle suscite, la <strong>culture</strong> est une clé de la<br />
dynamique locale et de son aura. Au cœur de ce crédo,
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
artistes, associations et opérateurs occupent un rôle de<br />
moteur que la Ville soutient au quotidien.<br />
La crise, venant fragiliser davantage une économie<br />
<strong>culture</strong>lle souvent précaire – qui pourtant incarne une voie<br />
de développement – elle impose plus que jamais une écoute<br />
attentive et une mobilisation rapide.<br />
Tel est l’engagement de la Ville de <strong>Bordeaux</strong>, concrétisé en<br />
2013 par l’augmentation de subventions au secteur <strong>culture</strong>l,<br />
au moment où ce dernier est particulièrement touché par les<br />
désengagements publics divers.<br />
Précisément, <strong>Bordeaux</strong> consacre 22 millions d’euros par<br />
an aux subventions du secteur <strong>culture</strong>l, sans compter les<br />
aides en nature et en ingénierie qui, cumulées, révèlent<br />
une implication encore plus importante. Plus globalement,<br />
c’est 18% de son budget que la Ville consacre à la <strong>culture</strong>.<br />
Cette intervention publique s’établit en fonction d’une<br />
attention minutieuse de ses potentiels <strong>culture</strong>ls et de leur<br />
développement durable.<br />
Défricher, expertiser et relier les réseaux<br />
transversaux<br />
152<br />
19. voir focus :<br />
« <strong>Bordeaux</strong> réveillée<br />
par l’art »<br />
20. voir focus :<br />
« Rêvolution à l’Opéra »<br />
Dans un prolongement indispensable à son élan, la<br />
Ville dynamise tant la création que la diffusion d’une<br />
effervescence artistique. [19] Par un soutien original de<br />
coproduction, de co-création, de diffusion croisée, <strong>Bordeaux</strong><br />
favorise et accompagne non seulement l’inscription des<br />
artistes dans de nouveaux réseaux mais aussi celle<br />
d’opérateurs <strong>culture</strong>ls, compagnies, labels, salles de<br />
spectacles, collectifs d’associations…<br />
Chacun peut ainsi développer son champ d’action,<br />
accentuer sa proximité aux publics et accroître sa notoriété<br />
dans une logique constructive. La teneur artistique des<br />
festivals bordelais tels Novart, 30’30’’ rencontres du court,<br />
Regard 9 ou <strong>Bordeaux</strong> Rock souligne une volonté de<br />
mettre en lumière la scène locale, tout comme d’ailleurs<br />
l’appropriation bordelaise de manifestations nationales –<br />
la Fête de la musique ou la Nuit des musées – favorise<br />
l’émergence de nouveaux talents en contrepoint de « têtes<br />
d’affiches ».<br />
La Direction générale des affaires <strong>culture</strong>lles de la Ville<br />
opère un suivi attentif de l’ensemble des forces vives. Elle<br />
promeut et encourage rencontres et dialogues avec les<br />
artistes [20] les collectifs, les associations, les opérateurs<br />
privés.<br />
Concrètement, chaque projet artistique appelle une<br />
réponse spécifique, et demande un accompagnement
{ Chaque parcelle<br />
du lieu devient<br />
un enjeu de<br />
complémentarité<br />
entre usages<br />
durables, espaces<br />
de créations<br />
et de partage }
{ <strong>Bordeaux</strong><br />
consacre<br />
22 millions<br />
d’euros par an<br />
aux subventions<br />
du secteur<br />
<strong>culture</strong>l }
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
adapté. En partenaires actifs, les équipes de la Ville, formées<br />
à l’ingénierie et au conseil <strong>culture</strong>l, soutiennent la création,<br />
cherchant l’aide la plus adéquate, la solution la plus efficace<br />
à court et long terme. Car, contribuer à la révélation de<br />
scènes émergentes, favoriser l’écho d’une renommée<br />
naissante ou faciliter la venue de créateurs étrangers,<br />
participent des compétences de la Ville et d’orientations<br />
affirmées, qui viennent compléter les missions des<br />
institutions régionales et nationales. L’ensemble des services<br />
municipaux est conjointement mobilisé dans la même<br />
perspective et offre son expertise aux acteurs <strong>culture</strong>ls que<br />
ce soit en matière de gestion comptable, juridique ou de<br />
réalisation technique. C’est cette émulation au sein de<br />
projets partagés qui inscrit le développement artistique dans<br />
un cercle vertueux.<br />
Développer les lieux de résidence<br />
et de professionnalisation<br />
155<br />
Pour répondre une demande dense et polymorphe, la Ville<br />
se doit d’évaluer et d’entendre les besoins des artistes.<br />
Interrogés sur leurs attentes compagnies et chorégraphes<br />
ont pointé la nécessité de nouveaux lieux de travail. C’est<br />
pourquoi, la future Maison des danses qui verra le jour à<br />
l’automne 2015 au sein du quartier Ginko, propose un lieu<br />
de fabrique professionnelle. Elle se veut un catalyseur pour<br />
faciliter les conditions de production et de création des<br />
compagnies locales tout en leur permettant d’inviter et de<br />
collaborer avec des artistes venus d’ailleurs. Elle complète<br />
l’offre de pratique chorégraphique en partenaire des scènes<br />
existantes, telles que le Cuvier de Feydeau-CDC d’Aquitaine<br />
d’Artigues ou Le Carré – Les Colonnes de Saint-Médard-en-<br />
Jalles et de Blanquefort.<br />
Ce dispositif dont la gouvernance fait l’objet d’échanges<br />
entre professionnels, viendra s’ajouter à celui de résidences<br />
d’ores et déjà mises en place : par la Ville qui accueille<br />
gracieusement toute l’année, pour une durée définie, des<br />
artistes sur l’invitation de structures locales. Par ailleurs, la<br />
reconversion de l’élégante maison à l’architecture second<br />
Empire reçue en legs de la veuve du Professeur Demons<br />
a donné naissance à une résidence de travail pour les<br />
associations dédiées à l’écrit (Escale du Livre), au patrimoine<br />
(Pétronille) et des auteurs bédéistes sélectionnés chaque<br />
année selon leur projet. Enfin, la Ville vient d’aménager un<br />
nouveau lieu de résidence au 79 rue Bourbon. Cet espace,<br />
conçu comme une pépinière pour des artistes et des<br />
opérateurs du monde de l’image, sélectionne ses résidents
FOCUS<br />
Rêvolution<br />
à l’Opéra<br />
Novart 2012: Création mondiale de l’opéra «Slutchaï-faits divers»,<br />
de Oscar Strachnoy, m.e.s. Christine Dormoy, Cie Le Grain,<br />
Opéra National de <strong>Bordeaux</strong><br />
«Tétris» chorégraphié par Anthony Egéa<br />
Répétition du Ballet<br />
de l’Opéra National de <strong>Bordeaux</strong><br />
«Tétris», duo<br />
«Tétris» par le Ballet de l’Opéra<br />
National de <strong>Bordeaux</strong>, 2010<br />
156
«Tétris» par le ballet de l’Opéra<br />
national de <strong>Bordeaux</strong>, 2010<br />
OConcert inaugural sous la direction de<br />
Kwamé Ryan, Auditorium de <strong>Bordeaux</strong>,<br />
Evento 2009, « Luanda, Smooth & Rave»<br />
au Grand Théatre<br />
157
focus<br />
Quand la ville communique<br />
avec ses créateurs, les accueille,<br />
les aide et les soutient, la <strong>culture</strong><br />
s’enrichit, bouscule les habitudes<br />
et surprend les publics. En 2010, le<br />
hip-hop monte sur les planches du<br />
Grand Théâtre. Invité par Thierry<br />
Fouquet, son directeur général, le<br />
chorégraphe bordelais Anthony<br />
Egéa crée Tétris pour 20 danseurs<br />
du corps de ballet. Retour sur la<br />
genèse de cette aventure.<br />
Quelles ont été les conditions dans<br />
lesquelles Tétris a vu le jour <br />
Thierry Fouquet : J’ai<br />
rencontré Athony Egéa, à la fin des<br />
années 1990, par l’intermédiaire de<br />
Joël Brouch, alors chargé de l’action<br />
<strong>culture</strong>lle, aujourd’hui Directeur<br />
de l’OARA, l’Office Artistique de la<br />
Région Aquitaine. A l’époque nous<br />
préparions une programmation de<br />
spectacles de danse contemporaine<br />
et de projets expérimentaux. Rêvolution,<br />
a été l’une des premières<br />
compagnies, de la région, à venir se<br />
produire sur la scène de l’opéra. Tétris,<br />
créé en 2010, est donc née d’une<br />
collaboration de longue haleine.<br />
Quels ont été vos premiers contacts<br />
avec la danse classique <br />
A. E. : C’est un souvenir très<br />
fort. C’est d’abord la rencontre de<br />
Charles Jude. Le directeur du ballet<br />
de l’Opéra préparait Danses de Salon,<br />
un florilège historique des danses<br />
au XXe siècle dont le hip hop était<br />
le dernier tableau. J’ai participé<br />
à l’écriture de plusieurs pièces et<br />
proposé un travail plus spécifique<br />
avec les danseurs de ma compagnie.<br />
A l’issue de la représentation,<br />
Thierry Fouquet est monté sur<br />
scène et nous a invités à présenter<br />
notre prochaine création à l’Opéra<br />
de <strong>Bordeaux</strong>. Du hip hop sous la<br />
rampe du Grand Théâtre !<br />
Danses classique et contemporaine<br />
sont-elles antinomiques à <strong>Bordeaux</strong> <br />
T. F. : Chaque année, dans le<br />
cadre de la saison de la danse, nous<br />
présentons à la fois les pièces du<br />
répertoire et 4 œuvres contemporaines<br />
interprétées par les danseurs<br />
de l’opéra. En 2008, 4 tendances a<br />
accueilli Urban Ballet d’Anthony<br />
Egéa, venu mélanger les genres et<br />
proposer une gestuelle hybride où<br />
s’harmonisent danse urbaine et<br />
technique classique. Déjà, il proposait<br />
une vision du corps et de ses<br />
respirations, en mêlant l’élan aérien<br />
de la danse classique aux appuis<br />
terriens du hip hop. Car le principe<br />
de 4 tendances est de présenter les<br />
orientations de la danse contemporaine,<br />
tous horizons confondus, de<br />
Carolyn Carlson à Claude Brumachon,<br />
d’Itzik Galili à Jirí Kylián.<br />
Quelles contraintes se sont imposées<br />
dans la création de Tétris <br />
Anthony Egéa : C’était une<br />
carte blanche ! Je souhaitais travailler<br />
avec un groupe de 10 danseurs.<br />
Le directeur du ballet voyait plus<br />
grand : 20 à 25 danseurs. Alors les<br />
challenges se sont conjugués : écrire<br />
pour la première fois pour des<br />
danseurs de formation classique,<br />
travailler dans une grande maison<br />
avec des moyens nouveaux mis à<br />
ma disposition pour les répétitions<br />
et la création musicale, parler un<br />
même langage avec des interprètes<br />
étrangers à l’univers du hip-hop. Je<br />
me suis appuyé sur mes connaissances<br />
classiques, j’ai essayé de<br />
leur transmettre des techniques. Le<br />
timing constituait le plus grand défi.<br />
En général j’écris une pièce en trois<br />
mois. Pour Tétris je n’en avais qu’un.<br />
Rétrospectivement quelle impression ou<br />
quel regret vous laisse cette expérience <br />
Anthony Egéa et Thierry<br />
Fouquet : Un peu sage ! Mais<br />
bien que la pièce soit restée très<br />
respectueuse de la Maison, le public<br />
bordelais a été emballé. Cette année<br />
là, un choix de deux pièces était au<br />
programme, l’une classique l’autre<br />
contemporaine. Le succès de Tétris<br />
a emmené le corps de ballet sur l’ensemble<br />
des scènes de la région, puis<br />
à Paris et récemment à Hong-Kong<br />
où la pièce, entrée au répertoire de<br />
l’Opéra tourne avec la troupe.<br />
Qu’a-t-elle modifié dans votre<br />
approche <br />
T. F. : Travailler avec la danse<br />
hip hop à l’opéra, c’est faire entrer<br />
un pan de la danse contemporaine<br />
encore peu et mal assimilé par les<br />
grandes compagnies. Sortie de la<br />
rue, on la laisse encore à l’extérieur<br />
des grandes institutions. A<br />
<strong>Bordeaux</strong>, lui ouvrir les portes du<br />
Grand Théâtre génère un échange<br />
fructueux pour les danseurs mais<br />
aussi pour les danses elles-mêmes.<br />
Anthony Egéa : Le hip hop est<br />
une appropriation du sol alors que<br />
la danse classique est une conquête<br />
aérienne. Tétris, ce jeu électronique<br />
où des formes géométriques<br />
s’imbriquent, mixe les techniques,<br />
noue les mouvements, rapproche<br />
les humeurs. C’est la combinaison<br />
d’une énergie saccadée, impulsive<br />
et d’une esthétique classique. Travailler<br />
le hip hop avec les danseuses<br />
158
focus<br />
de l’opéra c’est par exemple, leur<br />
apprendre la technique du célèbre<br />
moon-walk de Michael Jackson et le<br />
break dance… sur des pointes. J’ai<br />
appris à préparer mes chorégraphies<br />
en fonction de la technique<br />
des danseurs. Dans le hip-hop<br />
l’improvisation tient une place<br />
importante. Or les interprètes classiques<br />
basent leur travail sur des<br />
œuvres très écrites. Après Tétris,<br />
j’ai créé une pièce pour le Beijing<br />
danse Theater, première compagnie<br />
contemporaine de Chine dont la formation<br />
et la démarche sont essentiellement<br />
classiques. Les langages<br />
s’ouvrent d’une danse à l’autre.<br />
jour avec l'Orchestre National<br />
de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine, d’inviter un<br />
artiste électronique avec 86 musiciens<br />
classiques.<br />
T. F. : Nous pourrons imaginer<br />
des expériences de ce type, dans<br />
l’auditorium, qui dispose d’une très<br />
vaste fausse d’orchestre, en croisant<br />
non seulement les disciplines avec<br />
l’orchestre, le chœur, le ballet et un<br />
artiste ou une compagnie invitée,<br />
mais en jouant aussi avec le lieu,<br />
les ambiances et les publics. Des<br />
propositions d’hybridation !<br />
Quel impact la pièce a-t-elle eu sur le<br />
corps de ballet <br />
Anthony Egéa : Certains ont<br />
finalement trouvé qu’il n’y avait pas<br />
assez de hip-hop et voulaient aller<br />
plus loin dans l’expérience, comme<br />
pratiquer des ateliers au sol, chose<br />
rare à l’opéra. Ici on leur apprend à<br />
s’envoler dans les airs, avec Tétris,<br />
ils ont pris un réel plaisir à se rouler<br />
par terre.<br />
Franck II Louise, auteur de la musique<br />
du spectacle, a-t-il vécu la même<br />
expérience <br />
Anthony Egéa : Je travaille<br />
depuis longtemps avec ce compositeur<br />
qui vient lui aussi du hip hop.<br />
Il a fait ses armes dans la musique<br />
électronique. Lui aussi a eu à cœur<br />
d’imbriquer, de nouer et de faire<br />
dialoguer entre eux des rythmes hip<br />
hop et des envolées lyriques d’écriture<br />
plus classique, dans les canons<br />
de la musique contemporaine. Il<br />
s’est inspiré de l’énergie des danses.<br />
Je rêve d’ailleurs de collaborer un<br />
Charles Jude et le Ballet de l'Opéra National de <strong>Bordeaux</strong><br />
159
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
via un comité ad hoc.<br />
La volonté de procurer aux, créateurs et acteurs de la vie<br />
<strong>culture</strong>lle des lieux de travail adaptés a mené la Direction<br />
générale des Affaires <strong>culture</strong>lles à assurer une veille<br />
foncière et plus encore à négocier avec les bailleurs sociaux<br />
afin de permettre l’ouverture d’ateliers ou l’attribution<br />
d’appartements notamment dans le bâti de ses futurs<br />
quartiers.<br />
La même dynamique fera naître la future zone cirque<br />
conçue pour et avec ses futurs usagers. Ce nouvel espace<br />
ne se contentera pas d’être l’hôte de chapiteaux de passage.<br />
La collaboration accrue des opérateurs <strong>culture</strong>ls locaux,<br />
régionaux et nationaux, soutiendra le tissu associatif du<br />
quartier. Du centre de formation professionnelle de l’école du<br />
cirque de <strong>Bordeaux</strong>, à la Smart Compagnie, des ateliers du<br />
centre d’animations des Queyries à la Compagnie Bivouac,<br />
toutes les habiletés circassiennes seront réunies au service<br />
des professionnels des arts du cirque autant que des publics<br />
aquitains.<br />
Nouveaux lieux, subventions, accueils en résidence, mise<br />
en réseau, les différentes modalités de soutien aux acteurs<br />
artistiques se veulent autant d’encouragements à l’émulation<br />
entre les créateurs, les lieux <strong>culture</strong>ls eux-mêmes. Ils<br />
participent d’une attention et d’une ouverture à l’éclectisme<br />
des genres et des disciplines ainsi qu’à la diversité des<br />
publics auxquels ils s’adressent. Mais ils signalent aussi<br />
combien toute politique <strong>culture</strong>lle comprend désormais la<br />
nécessité de nouveaux modèles économiques.<br />
S’inscrire dans une nouvelle<br />
économie de la <strong>culture</strong><br />
160<br />
Accélérateur et catalyseur d’énergies, la <strong>culture</strong> marie les<br />
affinités, faisant naître de nouveaux réflexes économiques.<br />
A ce titre, la Fabrique Pola contribue à cette évolution. Au<br />
sein d’un espace collectif mis à disposition par la Ville,<br />
artistes, graphistes, architectes et associations, transmettent<br />
leurs savoir-faire et sensibilisent les publics par le biais de<br />
séminaires de formation liés aux problématiques spécifiques<br />
et pratiques de leurs activités. Ils embrassent, d’un même<br />
mouvement, tous les champs de la création tout en menant<br />
une action sociale et solidaire d’insertion dans la vie<br />
professionnelle.<br />
Autre exemple bordelais, les nombreuses initiatives<br />
menées en faveur du développement des arts plastiques<br />
ne sont pas étrangères au développement des galeries<br />
autour du CAPC. En contrepoint immédiat, un incubateur de
{ Chaque projet<br />
artistique<br />
appelle une<br />
réponse<br />
spécifique }
{ Nouveaux lieux,<br />
subventions,<br />
accueils en<br />
résidence, mise en<br />
réseau : autant<br />
d’encouragements<br />
à l’émulation<br />
entre les<br />
créateurs }
{ Toute politique<br />
<strong>culture</strong>lle<br />
comprend<br />
désormais<br />
la nécessité<br />
de nouveaux<br />
modèles<br />
économiques }
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
164<br />
21.<br />
Mécénat participatif<br />
galeries a vu le jour, 1 rue des Etables. Pendant deux ans,<br />
la Ville fournit à de jeunes galeristes (Cortex Athletico en<br />
2006–2008, ACDC en 2009–2012, Super Window project en<br />
2013) une aide au démarrage. Au cœur du quartier Sainte-<br />
Croix, à deux pas de l’Ecole Supérieure des Beaux-arts,<br />
les jeunes structures disposent, d’un espace privilégié et<br />
du temps nécessaire pour faire leurs armes, amorcer une<br />
clientèle et s’aguerrir professionnellement au monde de l’art.<br />
En parallèle, dans une véritable synergie, l’Ecole Supérieure<br />
des Beaux-arts, le CAPC et la Fabrique Pola, offrent à de<br />
jeunes artistes un tremplin à leur carrière artistique, tout<br />
en accueillant à titre d’échanges et de résidences des<br />
plasticiens de renommée internationale.<br />
De même, la présence active du design au Musée des<br />
Arts Décoratifs et du Design semble avoir également<br />
stimulé nombre d’établissements s’y dédiant. L’évolution<br />
sociologique de la ville et de ses habitants, celle des<br />
pratiques tout comme les mutations dans l’édition de<br />
mobilier génèrent à cet égard une nouvelle physionomie<br />
du centre-ville. Si la ville comptait deux uniques enseignes<br />
de design, implantées au cœur historique de <strong>Bordeaux</strong> en<br />
1980 elle en dénombre aujourd’hui quarante. Cette situation<br />
constitue un contexte favorable au développement et à la<br />
valorisation de la jeune garde locale, formée notamment<br />
à l’Ecole Supérieure des Beaux Arts engagée dans le<br />
renforcement de l’enseignement du design.<br />
Plus généralement, le soutien à la créativité et à<br />
l’innovation, condition essentielle de développement,<br />
encourage la Ville à chercher, inventorier, rassembler et<br />
mettre en place de nouvelles formes d’économie. Mais<br />
également, sa démarche se poursuit dans la recherche<br />
de mécénat que les établissements <strong>culture</strong>ls comme les<br />
associations peuvent développer.<br />
Ainsi, l’initiative lancée par le CAPC au printemps 2013<br />
du « ticket mécène » intègre pleinement les nouveaux<br />
réflexes du crowd funding [21] dans la sphère artistique<br />
et vient s’ajouter aux processus habituels d’acquisition et<br />
d’enrichissement des collections. Ce dispositif novateur<br />
permet à chaque visiteur de devenir contributeur dans<br />
l’acquisition d’une nouvelle œuvre. Maillon actif dans<br />
l’enrichissement de la collection du musée il s’en approprie<br />
une part à l’aune de son apport – à partir de 3 euros – et se<br />
voit remettre l’élément d’un puzzle, en magnets, représentant<br />
à la fois l’œuvre et l’avancée de la collecte. A chaque euro<br />
récolté, les Amis du CAPC doublent les sommes collectées.<br />
Cette initiative, qui renforce le lien avec le grand public,<br />
prend corps lors de la cérémonie organisée avec l’ensemble<br />
des donateurs à l’arrivée de l’œuvre au musée et rend
{ Anticiper<br />
les mutations<br />
<strong>culture</strong>lles et<br />
y répondre dès<br />
aujourd’hui }
{ les échanges<br />
entre <strong>Bordeaux</strong><br />
et le monde<br />
sont autant de<br />
tremplins vers<br />
de nouveaux<br />
horizons }
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
chacun un peu plus collectionneur et un peu plus citoyen.<br />
C’est dans le mouvement d’émulations inédites qu’est né,<br />
dans les anciens magasins généraux de la caserne Niel,<br />
un écosystème d’un type nouveau. Le projet Darwin, qui<br />
revendique sa participation au bouleversement de la société,<br />
propose une alternative à la crise écologique, économique et<br />
sociale qui sous-tendraient une crise de civilisation.<br />
En réunissant sur des espaces paysagés de 10 000 m²<br />
quelque 200 personnes et plus de 37 entreprises, Darwin<br />
cultive une cohabitation d’esprit, de partage et d’entraide<br />
solidaire. Son principe : la mutualisation et la rationalisation<br />
des services, conjuguée à des projets communs de<br />
développement durable.<br />
Plaçant la question de la <strong>culture</strong> au cœur de la réflexion<br />
de l’entreprise, le projet, tant philosophique qu’économique,<br />
embarque la notion d’économie créative où commerce<br />
équitable, <strong>culture</strong>s urbaines, activités artistiques et écologie<br />
s’imbriquent pour inventer leur cadre de vie et leur futur<br />
quotidien. Laboratoire de propositions et réservoir tangible<br />
de solutions, il sera demain voisin de la Fabrique Pola avec<br />
laquelle des initiatives croisées sont engagées depuis<br />
longtemps. Pour les « Darwiniens », la <strong>culture</strong> relève aussi de<br />
la responsabilité entrepreneuriale. C’est pourquoi Darwin,<br />
qui vient de créer son fonds de dotation, a l’ambition de<br />
développer des projets d’intérêt général. Séduit par la<br />
démarche, sa pertinence et sa persévérance, Bob Scott, qui<br />
avait découvert ce projet d’écosystème en 2008, alors qu’il<br />
examinait en tant que président du jury, la candidature de<br />
<strong>Bordeaux</strong> à l’élection de Capitale Européenne de la <strong>culture</strong><br />
pour 2013, conduira désormais la destinée du fonds Darwin<br />
de dotation en en assumant la présidence.<br />
Dans sa philosophie, dans ses soutiens directs et indirects,<br />
dans sa recherche permanente d’idées, de solutions<br />
collectées et concertées, <strong>Bordeaux</strong> se donne ainsi les<br />
moyens et la latitude d’anticiper les mutations <strong>culture</strong>lles et<br />
d’y répondre dès aujourd’hui avec justesse et cohérence.<br />
L’art pour ambassadeur<br />
167<br />
Une telle interactivité n’aurait de sens ni d’efficacité si<br />
elle n’enjambait les frontières. Nés avant tout d’affinités et<br />
de désirs artistiques, les échanges entre <strong>Bordeaux</strong> et le<br />
monde, a fortiori au sein du dense réseau de villes jumelées<br />
auquel elle appartient, sont autant de points d’appui voire de<br />
tremplin vers de nouveaux horizons.<br />
Jumelée à 18 métropoles à travers le monde, dont Los<br />
Angeles, Fukuoka, et Québec, <strong>Bordeaux</strong> soutient artistes et
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
168<br />
créateurs dans leur épanouissement et leur reconnaissance<br />
à l’étranger. Ainsi, depuis 2011, une résidence croisée entre<br />
Los Angeles et <strong>Bordeaux</strong> a été mise en place. Elle a permis<br />
d’accueillir chaque année en alternance les plasticiens<br />
américains Richard Hawkins puis Patricia Fernandez tandis<br />
que les artistes français Benoît Maire et Laurent Le Deunff<br />
œuvraient outre-Atlantique. Travail in situ, interventions<br />
auprès des étudiants, les échanges ont impliqué la galerie<br />
d’art contemporain Laxart’s (Los Angeles), l’Ecole Supérieure<br />
des Beaux Arts, le CAPC, l’Institut français et le Service de<br />
Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de L.A.<br />
Tissant, au travers de ses échanges <strong>culture</strong>ls, des liens<br />
toujours plus fermes dans les domaines artistiques,<br />
universitaires mais également économiques, la Ville envoie<br />
en émissaire au Canada, ses événements <strong>culture</strong>ls ou<br />
populaires, telle la Nuit de la Création ou la Fête du vin. La<br />
Ville soutient également en partenariat avec l’Institut français<br />
le programme de résidence croisée entre le Centre Clarck à<br />
Montréal et la Fabrique artistique Pola.<br />
A travers le monde, elle se trouve au cœur d’un système<br />
fécond de diffusion et de production. Certains de ses<br />
modèles s’exportent. Ainsi, la structure et le fonctionnement<br />
de la Rock School Barbey, scène et académie de musiques<br />
actuelles, ont notamment inspiré, à Québec la création<br />
de L’Ampli, devenue scène « jumelle », qui chaque année<br />
s’investit dans l’accueil réciproque de quatre artistes en<br />
résidence de création. Dans le champ du patrimoine, les<br />
équipes bordelaises sont régulièrement sollicitées pour<br />
transmettre leur compétence en matière d’animation à<br />
l’occasion de colloques internationaux come récemment en<br />
Croatie et au Maroc.<br />
Une même complicité unit <strong>Bordeaux</strong> à la capitale de<br />
l’île japonaise de Kyushu, Fukuoka, dans les domaines<br />
de la musique, des échanges universitaires et de la<br />
bande dessinée, permettant par exemple à l’auteur David<br />
Prudhomme de suivre, carnet de croquis en main, les<br />
coulisses du tournoi national de Sumo du Kyushu. Le Bureau<br />
Baroque a, par ailleurs, réalisé une installation artistique à la<br />
galerie Artium à l’occasion du 30 e anniversaire du jumelage<br />
<strong>Bordeaux</strong> / Fukuoka, qui a notamment permis l’organisation<br />
des « cafés éphémères » de la designer bordelaise Anne<br />
Xiradakis.<br />
Sous l’égide conjointe de <strong>Bordeaux</strong> et de l’Institut français,<br />
résidences croisées et échanges <strong>culture</strong>ls sont appelés à<br />
s’intensifier notamment à Saint-Pétersbourg puis Bristol,<br />
Munich, Bamako et Ouagadougou. D’Afrique aux Etats-Unis,<br />
d’Allemagne au Japon, arts de la scène, arts plastiques, BD,<br />
littérature et musique sont devenus les « curseurs » d’une
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
coopération artistique concrète et durable entre artistes<br />
émergents ou reconnus, au sein d’un réseau international<br />
d’un réseau actif et soudé de villes partenaires.<br />
Mais le rayonnement à l’international du territoire est<br />
également porté par la mobilité des collections des musées,<br />
comme l’illustre le cas du musée des Beaux-arts. Héritier du<br />
siècle des Lumières, il a consacré au XIXe siècle <strong>Bordeaux</strong><br />
comme capitale artistique de premier plan, souvent rivale<br />
de Paris. C’est dans son sillage qu’une société éclairée<br />
d’artistes, d’amateurs et de collectionneurs a eu à cœur, au<br />
début du XXe siècle, de renouveler l’image de leur ville en<br />
lui assurant une notoriété universelle : Odilon Redon, Albert<br />
Marquet, André Lhote. Ce rôle d’ambassadeur est aujourd’hui<br />
poursuivi par un mouvement intensif des œuvres du musée<br />
qui s’appuie notamment sur son appartenance au réseau<br />
FRAME [22], fédération de 26 musées français et américains.<br />
Penser le développement <strong>culture</strong>l durable c’est imaginer la<br />
ville de demain et ses usages à naître. Mais, cette projection<br />
ne peut être cohérente sans une équité dans l’accès à l’offre.<br />
Cette priorité est pour <strong>Bordeaux</strong> une évidence.<br />
169<br />
22.<br />
French and American<br />
Museum exchange<br />
23. voir focus :<br />
« Bibliothèques : cultiver<br />
ses désirs »<br />
L’enjeu de l’innovation<br />
<strong>culture</strong>lle<br />
L’accessibilité, un impératif ;<br />
l’e-<strong>culture</strong>, un nouveau sésame<br />
L’abord et l’usage pour tous d’un patrimoine ancien, riche<br />
et rayonnant, comme la mise en conformité d’équipements,<br />
conçus aux siècles passés, ont induit une réflexion globale<br />
prenant l’accueil des publics, pour point de départ et d’appui.<br />
Si, à l’instar de la Bibliothèque Mériadeck, l’ensemble des<br />
handicaps – cécité, surdité, mobilité réduite ou empêchée<br />
– ont été attentivement pris en compte dans la restauration<br />
et la rénovation des sites existants, [23] les institutions<br />
ont souhaité aller beaucoup plus loin dans leur approche.<br />
Toute réhabilitation, comme au Musée des Beaux-arts, est<br />
en premier lieu conditionnée par l’harmonisation de ses<br />
abords et de ses accès en concertation avec les usagers.<br />
Autres exemples, le Musée d’Aquitaine, dont l’équipe de<br />
médiateurs compte un agent non-voyant a conçu avec sa<br />
participation, les dispositifs d’aide à la visite à l’attention des<br />
malvoyants ; le Musée des Beaux-arts a mis en place des<br />
visites en langage des signes ; ou bien l’Opéra qui propose<br />
des maquettes tactiles et un système d’audio-description.
FOCUS<br />
Evento /<br />
un pari gagné<br />
Evento 2009, Foire aux plaisirs,<br />
Place des Quinconces<br />
Affichage sur le tramway, Evento 2011<br />
Evento 2011, Chantier mobile au Grand Parc<br />
Evento 2011, «Eventail» par le<br />
collectif Eventail, Gare Saint Jean<br />
Evento 2009, concert sur les quais<br />
Evento 2011, Michelangelo Pistoletto<br />
170
eEvento 2009 «Personne»<br />
par Jean-Luc Moulène<br />
Evento 2011, «Palace» par Exyzt, Marché des Capucins<br />
Evento 2009, «IDO» par Seulgi Lee<br />
Evento 2011, «Tous à Central Parc»<br />
Evento 2009, exposition «Insiders»,<br />
CAPC- arc en rêve centre<br />
d’architecture<br />
171
focus<br />
Deux premières éditions auront<br />
suffi à Evento pour marquer les<br />
mémoires et susciter les envies.<br />
Véritable laboratoire de la création<br />
à ciel ouvert, la Ville s’est affirmée<br />
comme un trait d’union légitime des<br />
artistes et des publics. <strong>Bordeaux</strong><br />
compte aujourd’hui parmi les rares<br />
métropoles françaises reconnues<br />
pour leur politique <strong>culture</strong>lle forte<br />
et identifiable.<br />
Sa spécialité Les avoir toutes !<br />
Sans privilégier aucune discipline,<br />
la création in situ, foisonnante<br />
et transversale s’épanouit<br />
pendant dix jours dans la capitale<br />
girondine. La déambulation introspective<br />
de Dennis Adams en est l’un<br />
des nombreux exemples. Son film<br />
Spill livre une perception intime de<br />
la Ville, porte un regard onirique<br />
et grave sur les rues, les espaces<br />
publics et l’histoire de <strong>Bordeaux</strong>.<br />
Artistes, associations, institutions,<br />
professionnels de la<br />
<strong>culture</strong>, du territoire et d’ailleurs<br />
se rejoignent dans une même<br />
dynamique festive et créative,<br />
faisant de l’espace public le point<br />
de rencontre de toutes les formes<br />
d’art. Célébrant cette union, Evento,<br />
apparaît comme le verre grossissant<br />
d’une action moins visible menée<br />
jour après jour, sur le territoire et<br />
au travers des échanges <strong>culture</strong>ls<br />
internationaux que <strong>Bordeaux</strong><br />
entretient dans de nombreux points<br />
du monde.<br />
Un principe<br />
aux spécificités uniques<br />
Evento offre à un artiste<br />
international les clés de <strong>Bordeaux</strong>.<br />
En immersion dans la Ville, il la<br />
réinvente, par son regard neuf et<br />
son approche artistique, la dessine,<br />
l’interroge, l’apostrophe, la pense.<br />
La carte blanche qui lui est confiée<br />
met en lumière la création contemporaine<br />
dans un esprit à la fois<br />
populaire et exigeant. Ses propositions,<br />
épaulées par l’ensemble des<br />
professionnels de la <strong>culture</strong> et les<br />
institutions de la Ville offrent des<br />
circulations nouvelles ainsi qu’une<br />
appropriation différente des lieux,<br />
des rues, des places. Alternative,<br />
transdisciplinaire et inédite - par les<br />
itinérances urbaines proposées et<br />
les œuvres éphémères installées- la<br />
manifestation s’ouvre ostensiblement<br />
à tous les publics, dont elle<br />
souligne sa volonté par une gratuité<br />
totale d’accès.<br />
En choisissant un directeur artistique<br />
plutôt qu’un programmateur,<br />
<strong>Bordeaux</strong> fait le choix audacieux<br />
de mettre à disposition le territoire<br />
urbain comme matière première de<br />
création artistique. La Ville prend<br />
également le risque d’un processus<br />
créatif déroutant, générant de la<br />
curiosité, de l’attente ou parfois<br />
de l’irritation face à la nouveauté<br />
d’une démarche expérimentale.<br />
Son maître d’œuvre s’appuie sur<br />
toutes les composantes humaines,<br />
<strong>culture</strong>lles, historiques, architecturales,<br />
sociales de <strong>Bordeaux</strong> et s’en<br />
inspire. Les deux premières éditions<br />
d’Evento ont laissé leur empreinte<br />
dans la Ville. Elles ont également<br />
créé un mouvement qui se poursuit<br />
bien au-delà du temps de la manifestation<br />
grâce notamment aux deux<br />
artistes qui ont orchestré ces expériences<br />
et les portent aujourd’hui à<br />
travers le monde, Didier Faustino et<br />
Michelangelo Pistoletto.<br />
Pour les nommer, la Ville, fidèle<br />
à une consultation systématique<br />
d’experts, a convoqué les personnalités<br />
et les entités les plus<br />
représentatives de la vie <strong>culture</strong>lle<br />
bordelaise (de la musique classique<br />
aux arts visuels, des musiques<br />
du monde à l’architecture ou aux<br />
arts de la scène). Partant ainsi de<br />
l’existant, calant le projet sur la<br />
diversité des disciplines pratiquées,<br />
comme sur les réalités sociales<br />
du territoire, Evento a dépassé le<br />
cadre d’un simple festival offrant<br />
des programmations transposables<br />
d’une ville à l’autre et proposant à<br />
un artiste, dans le cadre d’une carte<br />
blanche, d’inviter d’autres créateurs<br />
à investir le territoire. Cette offre<br />
généreuse autant que rationnelle<br />
se traduit ici par l’intervention<br />
sensible Tease, tease, tease, d’Anri<br />
Sala, à la Salle des Fêtes du Grand<br />
Parc, là par la passerelle Footpath de<br />
Tadashi Kawamata s’élançant sur le<br />
fleuve de la place des Quinconces.<br />
Les publics mal ou non-voyants<br />
pouvant en découvrir la maquette<br />
poétique du bout des doigts. C’est<br />
aussi le spectacle-performance<br />
<strong>Bordeaux</strong>-Rosso de l’acteur et metteur<br />
en scène italien Pippo Delbono<br />
n’hésitant pas à choquer et diviser<br />
les publics Place de la Comédie.<br />
C’est encore au Grand-Théâtre la<br />
jeune scène angolaise en émergence<br />
présentée avec ses aînés musiciens<br />
et acteurs de renoms qui livrent<br />
avec « Luanda Smooth and Rave »<br />
un éclairage exclusif de l’Angola.<br />
Une évolution<br />
mesurable, une ligne de<br />
perspective<br />
En deux éditions, ce sont près<br />
de 41 créations originales, 160<br />
artistes de 34 pays différents qui<br />
ont convergé vers <strong>Bordeaux</strong> et ont<br />
pu développer et partager leurs<br />
visions personnelles appliquées à la<br />
ville, des thèmes « Intime collectif »<br />
et « l’Art pour une ré-évolution<br />
urbaine». Près de 300 structures<br />
associatives et institutionnelles<br />
172
focus<br />
Evento 2009, «Auto érosion»<br />
par Olivier Peyricot, devant<br />
IKEA <strong>Bordeaux</strong> Lac<br />
ont participé à leur élaboration,<br />
en amont ou à la réalisation des<br />
œuvres et la mise en scène des spectacles<br />
et performances. Quelque 85<br />
sociétés locales prestataires et 28<br />
entreprises nationales ont contribué<br />
au mécénat de l’opération.<br />
Entreprise citoyenne avant tout,<br />
Evento ne se mesure pas seulement<br />
en regard de ses scores ou d’une<br />
fréquentation ayant dépassé toutes<br />
prévisions mais également à sa capacité<br />
à provoquer des rencontres,<br />
à mobiliser (le public, les citoyens,<br />
les institutions, le secteur économique<br />
et social…) autour d’un projet<br />
artistique. Elle s’évalue donc à ses<br />
effets dans le temps, pour la ville et<br />
ses habitants. Et ils sont nombreux.<br />
Ses deux dernières aventures ont<br />
permis d’envisager l’accès à des<br />
manifestations exigeantes artistiquement,<br />
en ouvrant autrement la<br />
ville, ponctuée par la création, à ses<br />
habitants, en inspirant de nouvelles<br />
pratiques pédagogiques, socio<strong>culture</strong>lles,<br />
grâce aux échanges suscités.<br />
Ainsi les Bordelais sont à la fois<br />
source d’inspiration, contributeurs,<br />
spectateurs et acteurs de la<br />
création artistique. Ce faisant, ils<br />
participent au développement de<br />
leur rôle de citoyen et à l’évolution<br />
de la relation de l’artiste au public,<br />
à l’espace public et social. Aussi, le<br />
Musée d’Aquitaine en complice de<br />
Michelangelo Pistoletto s’est fait<br />
l’écho de Voltaire : l’exposition C’est<br />
à ce prix que nous mangeons du sucre a<br />
confronté aux collections ethnographiques<br />
et aux salles dédiées au<br />
commerce triangulaire le regard<br />
de six artistes internationaux sur<br />
l’esclavage. L’Indienne Shilpa Gupta<br />
y diffusa le discours de Nehru sur<br />
l’indépendance de l’Inde, en 1947,<br />
en résonnance des désillusions de<br />
la décolonisation, l’Égyptien Wael<br />
Shawky s’est penché sur les croisements<br />
des <strong>culture</strong>s et le film de<br />
l’Israélien Michael Blum a exploré<br />
les esclaves modernes dans les<br />
usines Nike en Indonésie.<br />
Avec Evento, dans une réflexion<br />
approfondie de l’urbanité, chacun<br />
apporte sa pierre à l’édifice : Insiders,<br />
l’exposition d’architecture alternative<br />
du CAPC et d’Arc-en-Rêve<br />
offre une vision globale tandis de<br />
les extensions skatables de Raphaël<br />
Zarka et les associations de skateurs<br />
amènent des propositions locales,<br />
directes et quotidiennes. Le corps et<br />
la voix y tiennent bien sûr une place<br />
de choix, comme l’a montré l’école<br />
du rythme de Claudia Castellucci.<br />
Inédite, intense et éphémère, son<br />
œuvre en « travail continu » a proposé<br />
de vivre le temps autrement,<br />
en l’interrogeant, en l’encadrant.<br />
Ces innovations sont toutes au<br />
service d’une nouvelle économie<br />
de la <strong>culture</strong>. Près de 85 % des dépenses<br />
de production artistique ont<br />
été réalisées auprès de prestataires<br />
bordelais et de la région aquitaine<br />
prouvant, si besoin était, combien<br />
l’invention <strong>culture</strong>lle est une source<br />
développement économique. Dès<br />
2009 Evento avait ainsi généré plus<br />
de 340 emplois directs (hors personnels<br />
municipaux).<br />
Pour les artistes, la manifestation<br />
implique également une<br />
nouvelle approche de la commande<br />
publique. Sensibles à ce nouveau<br />
format, sur mesure et éphémère<br />
de la commande artistique, ils<br />
apprécient la latitude et la liberté<br />
qui leur est offerte pour formaliser<br />
leur proposition créative et souvent<br />
audacieuse.<br />
Et dans la ville transfigurée les<br />
lieux se transforment. Le Conservatoire<br />
Jacques Thibaud devient la<br />
résidence de création musicale de<br />
Sound Res, où tous les musiciens<br />
invités proposent ateliers de création<br />
sonore et workshops ouverts<br />
au public. Concerts et de parades<br />
sonores font vibrer la ville au<br />
rythme exigeant et au son virtuose<br />
de Iva Bittova ou Bang on a Can All<br />
Stars…<br />
Les quais deviennent le théâtre<br />
de performance et de concerts-évènements<br />
avec des affiches hétéroclites<br />
mêlant Oumou Sangaré, et<br />
Peaches.<br />
Au-delà, Evento met en œuvre<br />
des collaborations avec certains<br />
quartiers, expérimente une<br />
approche nomade dans les villes de<br />
l’agglomération bordelaise. Dès lors,<br />
dans le mouvement d’une construction<br />
de la ville de demain, cette<br />
rencontre d’un type nouveau est<br />
aussi une loupe idoine qui souligne<br />
la place du citoyen dans la création<br />
artistique, met en exergue un faisceau<br />
d’approches diversifiées depuis<br />
l’élaboration des projets jusqu’aux<br />
nouvelles formes de médiations.<br />
Et construit pas à pas, avec la<br />
<strong>culture</strong> pour socle, une conscience<br />
citoyenne, responsable et durable.<br />
173
{ L’accueil<br />
des publics,<br />
pour point<br />
de départ<br />
et d’appui }
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
Parce que la maîtrise des avancées technologiques est<br />
aussi une clef d’accès et d’ouverture à de nouveaux publics,<br />
les établissements bordelais se lancent dans le déploiement<br />
de parcours numériques dans la ville.<br />
Monumérique, mis en place par les Archives<br />
municipales [24] en est l’une des applications comme le<br />
projet « Imayana » d’initiative privée proposant un voyage<br />
dans le temps, au moyen d’une tablette numérique, qui<br />
placée devant un site historique en présente sa configuration<br />
originale au XVIII e siècle. L’usage plus général de tablettes<br />
et d’audio-guides dans les musées est également un objet<br />
d’études destinés, à une découverte et une appropriation<br />
différente des collections des musées. Le numérique n’est<br />
plus ici un simple outil modernisé, mais bel bien un moyen<br />
supplémentaire pour que l’usager citoyen devienne un<br />
praticien de la <strong>culture</strong>.<br />
Toutes les manières de relier directement les habitants<br />
à leur histoire passée et contemporaine dans un contact<br />
nouveau et vivant sont envisagées. Au musée, l’usage<br />
systématique des réseaux sociaux y crée une connivence<br />
inédite avec les publics. Dans cette optique, les institutions<br />
repensent leur muséographie et préparent les outils de<br />
l’avenir adaptés à tous les individus possibles. Ainsi,<br />
le « compagnon de visite » de la Cité des Civilisations du<br />
Vin sera-t-il la clé de transmission des contenus. Fourni<br />
à chacun des visiteurs, cette mini-tablette tactile reliée à<br />
un casque ouvert inédit permettra d’écouter chacun des<br />
multimédias dans la langue de son choix (8 au total). Elle<br />
adaptera le contenu en fonction de critères d’accessibilité<br />
(audio-description, sous-titrage) ou de compréhension avec<br />
un parcours spécifique pour les enfants. Cap Sciences, et<br />
son living lab qui permet aux chercheurs et aux utilisateurs<br />
de s’associer et de participer à des projets scientifiques<br />
innovants, est également une illustration éloquente de la<br />
place prise désormais par les nouveaux outils de médiation.<br />
Mobilité, proximité, acculturation fructueuse et élan<br />
vers l’autre nourrissent ainsi le projet bordelais. L’art<br />
et la créativité en sont des clés, leur diffusion active et<br />
coordonnée, un déclencheur de son développement.<br />
L’innovation étant un ferment de <strong>culture</strong>, l’émergence de<br />
pratiques nouvelles et en devenir reste à <strong>Bordeaux</strong> un<br />
axe fondamental de sa politique <strong>culture</strong>lle qui se lit aussi,<br />
fondamentalement, dans les choix opérés par la Ville en<br />
matière de politique évènementielle.<br />
175<br />
24. voir focus :<br />
« Monumérique,<br />
archimérique, un<br />
véhicule de mémoire »
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
176<br />
25. voir focus :<br />
« Evento, un pari gagné »<br />
L’évènementiel en question<br />
A l’heure de la concurrence des territoires qui génère<br />
parfois des surenchères marketing, <strong>Bordeaux</strong> explore sans<br />
détour la question de l’évènementiel, de sa place et de son<br />
sens dans l’ambition <strong>culture</strong>lle de la Ville.<br />
A <strong>Bordeaux</strong>, l’année se déroule au rythme de festivals et<br />
d’évènements. Leur liste est impressionnante, de <strong>Bordeaux</strong><br />
Rock en janvier à Ritournelles en décembre, en passant par<br />
l’Escale du Livre, Itinéraire des Photographes Voyageurs, la<br />
Nuit de la Création, le concours international des quatuors à<br />
cordes, Regard 9, Chahuts, Queyries fait son cirque, Grand<br />
Parc en fête, Relâche, le festival international d’orgues,<br />
Cinésites, Lieux possibles, Jazz à la Base, les Scènes<br />
publiques du Conservatoire, les Grandes Traversées, Art<br />
Chartrons, le Festival international du Film indépendant<br />
de <strong>Bordeaux</strong>, Lettres du monde etc. sans parler des<br />
incontournables Journées Européennes du Patrimoine,<br />
Nuit des musées, Fête de la musique et Fête du vin (avec<br />
respectivement une fréquentation de 130 000 , 40 000, 150<br />
000 et 450 000 personnes). Au total, on estime que plus<br />
de deux millions et demi de personnes fréquentent chaque<br />
année un lieu ou un évènement <strong>culture</strong>l à <strong>Bordeaux</strong>.<br />
Exigeante, <strong>Bordeaux</strong> conforte les événements existants, en<br />
n’hésitant pas à les questionner dans leurs fondements et<br />
leurs modalités d’approche, pour mieux les encourager dans<br />
leurs spécificités et contribuer à asseoir leur qualité et leur<br />
notoriété.<br />
Dans cette dynamique, Novart, dont la programmation<br />
est désormais confiée à un artiste différent à chaque<br />
édition, a considérablement rééquilibré sa démarche<br />
en favorisant la création, la découverte et l’émergence.<br />
Par ailleurs, en créant Evento [25] <strong>Bordeaux</strong> a abordé<br />
la notion de grand évènement comme un moment de<br />
cristallisation de sa politique <strong>culture</strong>lle. Œuvre d’art pensée<br />
et conçue par un artiste à l’échelle de la Ville, laboratoire<br />
artistique, pédagogique et économique, Evento se veut la<br />
matérialisation palpable, à un moment de l’année, d’un long<br />
travail de construction de recherche et de dialogue. Ainsi,<br />
Evento vit-il au rythme du désir insufflé par la ville elle-même<br />
et de ce que cette dernière entend restituer. Avec « Enquête/<br />
En quête », performance-réflexion restituée en mars 2013<br />
aux Bordelais, la Ville interroge en même temps la nécessité<br />
et la légitimité de grands événements qui seraient, comme<br />
trop souvent en France, les seuls marqueurs d’une politique<br />
<strong>culture</strong>lle.<br />
En creusant les sillons d’une <strong>culture</strong> exigeante, ouverte
{ Le numérique,<br />
un moyen<br />
supplémentaire<br />
pour que<br />
l’usager citoyen<br />
devienne un<br />
praticien<br />
de la <strong>culture</strong> }
{ <strong>Bordeaux</strong><br />
explore sans<br />
détour la<br />
question de<br />
l’évènementiel,<br />
de sa place<br />
et de son sens }
CHAP. 4<br />
—<br />
La création au cœur<br />
d’un développement<br />
<strong>culture</strong>l durable<br />
et durable, la Ville continue d’explorer et de s’adapter<br />
aux pistes qu’offre son avenir. Ainsi, dans son détail et<br />
sa globalité, à petite ou grande échelle, le projet que<br />
<strong>Bordeaux</strong> a mis en action, lui a permis d’être identifiée<br />
dans le panorama national comme l’une des villes les plus<br />
impliquées dans sa politique <strong>culture</strong>lle.<br />
Mais elle ne quitte pas des yeux les enjeux qui régissent<br />
son évolution : sa croissance harmonieuse dépend de<br />
l’intégration réciproque et de l’implication mutuelle des<br />
hommes et des lieux. La <strong>culture</strong> y est un acteur social<br />
et éducatif incontournable. Les plaisirs, l’émulation, la<br />
rencontre, l’émotion et l’émerveillement qu’elle procure en<br />
sont à la fois les ingrédients, les fruits et un ferment d’avenir.<br />
179
{ Une croissance<br />
harmonieuse<br />
dépend de<br />
l’intégration<br />
réciproque et<br />
de l’implication<br />
mutuelle<br />
des hommes<br />
et des lieux }
{ 2,5 millions<br />
de personnes<br />
fréquentent<br />
chaque année<br />
un lieu ou<br />
un évènement<br />
<strong>culture</strong>l<br />
à <strong>Bordeaux</strong> }
FOCUS<br />
<strong>Bordeaux</strong> réveillée<br />
par l’art<br />
Amandine Pierné-collectif La<br />
Mobylette-, Galerie Ilka Bree<br />
Itinéraire des Photographes Voyageurs 2012,<br />
«trente trois cent, entre rêve et réalité»<br />
exposition de Kristine Thiemann<br />
«Médéa» par Carlotta Ikeda,<br />
texte de Pascal Quignard<br />
Chambre 360,<br />
cie Paul les Oiseaux<br />
Quelques membres de la Fabrique Pola<br />
«Merlin ou la terre dévastée»de Tankred Dorst, Mise en scène<br />
Dominique Pitoiset et Nadia Fabrizio<br />
Sortie de la première promotion de l’Ecole Supérieure de Théâtre<br />
de <strong>Bordeaux</strong> en Aquitaine (éstba), TNBA 2010<br />
182
La Bibliothèque des Livres Vivants :<br />
« Madame Bovary », m.e.s. Frédéric Maragnani,<br />
Rayon literie du magasin Habitat<br />
Œuvre de Sébastien Vonier<br />
Chahuts 2011<br />
Ecole du cirque<br />
Novart 2012: «l’Assommoir», d’après E. Zola, collectif OS’O, TNBA<br />
183
focus<br />
Ville rock, berceau de Sigma,<br />
pionnière en art contemporain, <strong>Bordeaux</strong><br />
occupe une place singulière<br />
dans les mémoires comme dans le<br />
paysage artistique national. Loin de<br />
se figer dans le souvenir de figures<br />
tutélaires, loin de chercher refuge<br />
dans une discipline plutôt qu’une<br />
autre, les énergies et les talents du<br />
territoire explorent aujourd’hui une<br />
multiplicité de possibles. Sensible<br />
à cette réalité, <strong>Bordeaux</strong> l’encourage.<br />
En cultivant un éclectisme<br />
des esthétiques, une dynamique du<br />
« collectif », de l’expérimentation et<br />
du partage, une nouvelle génération<br />
d’artistes et de créateurs s’offre et<br />
procure au territoire un horizon à<br />
l’image de ses appétits. <strong>Bordeaux</strong><br />
s’engage dans cet élan qui bouleverse<br />
les schémas rationalistes de la<br />
<strong>culture</strong> et augure dès aujourd’hui de<br />
la variété/diversité et de la densité<br />
toujours plus riche de son patrimoine<br />
artistique.<br />
Vivier d’influences, gisement<br />
foisonnant de création, la diversité<br />
contredit les esprits chagrins<br />
enclins à associer à un territoire<br />
une couleur artistique unique et<br />
dominante, comme un label ou<br />
une marque de fabrique. Dans ce<br />
champ, l’histoire de <strong>Bordeaux</strong> a<br />
prouvé combien la ville a toujours<br />
été une terre d’accueil, construite<br />
de ses mélanges et de ses imbrications.<br />
L’art sous toutes ses formes,<br />
bien plus qu’un simple reflet, en est<br />
l’expression mais aussi le catalyseur.<br />
Au cœur du monde, artistes et interprètes,<br />
de la musique classique aux<br />
musiques actuelles, des arts plastiques<br />
aux arts de la scène, de l’écrit<br />
à la bande dessinée, nourrissent et<br />
aiguillonnent, au quotidien, la vie<br />
<strong>culture</strong>lle bordelaise.<br />
Marine Thibault Aka Cat’s eyes,<br />
Fête de la musique, 2012<br />
De la musique avant<br />
toute chose<br />
Ici, la scène rock est depuis<br />
longtemps un domaine d’excellence,<br />
entretenu par un réseau de bars<br />
caves, de labels indépendants et<br />
d’opérateurs défricheurs qui ont<br />
favorisé l’éclosion de nouveaux<br />
talents. Son évolution vers un brassage<br />
plus vaste amène aujourd’hui<br />
une multitude de styles des lignes<br />
mélodiques pop de Crane Angels<br />
(collectif bordelais Iceberg) aux<br />
balades de Julien Pras (ex Calc),<br />
d’April Shower aux Kid Bombardos,<br />
de Beasty à Pendentif sans oublier le<br />
retour des Eiffel ou l’émergence de<br />
Smokey Joe and the Kid. Et, de son<br />
côté, la renaissance de la musique<br />
baroque, des années 1980, s’incarne<br />
dans des formations particulièrement<br />
présentes sur le territoire<br />
comme en témoignent l’ensemble<br />
Sagittarius, les collaborations<br />
fructueuses de l’Opéra National de<br />
<strong>Bordeaux</strong> avec l’ensemble Pygmalion,<br />
dirigé par Raphaël Pichon ou<br />
encore les propositions ambitieuses<br />
en musique contemporaine de<br />
Proxima Centauri comme celles de<br />
la compagnie Eclats.<br />
A l’instar de l’implantation d’une<br />
nouvelle génération d’artistes,<br />
de nouveaux lieux et structures<br />
voient le jour tel que l’I.boat, aux<br />
choix exigeants et pointus, version<br />
bordelaise d’un Batofar parisien,<br />
installé depuis 2011, aux Bassins<br />
à flots. Au Comptoir du Jazz et au<br />
184
focus<br />
«... Et puis j’ai demandé à Christian<br />
de jouer l’intro de Ziggy Stardust»<br />
par Renaud Cojo<br />
Caillou, chacun peut se restaurer en<br />
découvrant une programmation de<br />
groupes de jazz. Au Café pompier,<br />
lieu autogéré par les étudiants de<br />
l’Ecole Supérieure des Beaux-arts,<br />
se retrouvent depuis 2004 expositions,<br />
performances, concerts allant<br />
du rock californien au punk en<br />
passant par l’électro berlinoise et<br />
la pop suédoise. A l’ancien théâtre<br />
de l’Onyx qui rouvre ses portes<br />
en janvier 2013, sous le nom de<br />
l’Inox, la chanson et le jazz seront à<br />
l’honneur.<br />
Les lieux historiques mutent<br />
et se renforcent en misant sur<br />
le collectif, ainsi la Rock School<br />
Barbey associée aux Arema Rock et<br />
Chanson (Talence), Rocher de Palmer<br />
(Cenon), Krakatoa (Mérignac)<br />
partage objectifs et moyens, dans le<br />
cadre d’une convention de SMAC<br />
d’agglomération. Et, de proche en<br />
proche, les bars caves, fragilisés par<br />
des réglementations plus sévères, se<br />
sont inscrits dans le réseau « Bar–<br />
bars » ou « Cafés <strong>culture</strong> » - leur<br />
permettant d’assurer au mieux leur<br />
rôle essentiel de lieux de diffusion<br />
et d’émergence. Ce n’est donc pas<br />
un hasard si l’on retrouve la vivacité<br />
de la scène underground d’ici et<br />
d’ailleurs à l’Hérétic, au Saint Ex, au<br />
Wunderbar ou encore au Chicho...<br />
Les initiatives se multiplient<br />
également dans le domaine de la<br />
production et de l’édition avec la<br />
création fin 2007 de la Feppia (Fédération<br />
des Editeurs et Producteurs<br />
Phonographiques Indépendants<br />
d’Aquitaine) qui regroupe, à l’heure<br />
actuelle, 37 labels représentant<br />
toutes les esthétiques de musiques<br />
actuelles. C’est aujourd’hui la plus<br />
importante fédération régionale.<br />
Dynamisant également cette<br />
filière, la présence de tourneurs<br />
d’envergure internationale tels que<br />
Base Productions, 3C ou Zoobook,<br />
permet de faire connaître et reconnaître<br />
artistes d’ici et d’ailleurs bien<br />
au-delà des frontières.<br />
Sur le terrain, les manifestations<br />
sont autant de tremplins et de<br />
coups de projecteur pour les jeunes.<br />
<strong>Bordeaux</strong> Rock en donne le la, en<br />
révélant le renouvellement de la<br />
scène rock et électro. La Fête de<br />
la musique est aussi l’occasion de<br />
confier des scènes aux opérateurs<br />
(CIAM <strong>Bordeaux</strong>, Rock School<br />
Barbey, Allez les Filles…) ou aux labels<br />
du territoire (Banzaï Lab…). Par<br />
ailleurs, des associations comme<br />
Einstein on the beach, à travers<br />
ses soirées ponctuelles « concerts<br />
secrets » ou encore « la débauche »<br />
(deux vendredis par mois) instillent<br />
des propositions intimes et des musiques<br />
improvisées. Dans ce même<br />
mouvement, le festival Relâche,<br />
organisé par l’association Allez les<br />
Filles, attire, chaque été depuis deux<br />
ans, près de 40 000 spectateurs.<br />
Ensemble, c’est mieux !<br />
La réussite du projet du collectif<br />
Pola, fondé en 2000, en témoigne.<br />
Artistes et associations de l’agglomération<br />
bordelaise, réunis dans<br />
une même volonté de mutualiser<br />
leurs compétences, leurs moyens<br />
de production et leurs outils de<br />
communication ont constitué, sous<br />
le nom de la Fabrique Pola, une<br />
fédération artistique et <strong>culture</strong>lle<br />
qui vise à consolider les activités et<br />
l’économie de ses membres, à engager<br />
un projet de développement<br />
fondé sur une économie plurielle et<br />
solidaire dans le secteur <strong>culture</strong>l. La<br />
fédération réunit des compétences<br />
et des sensibilités artistiques issues<br />
de différentes mouvances, avec<br />
plus d’une soixantaine de membres<br />
recouvrant des activités aussi<br />
variées que la production d’œuvres<br />
(Zebra 3, initiateurs du projet),<br />
l’architecture (la Nouvelle Agence),<br />
la performance ou la photographie<br />
(Martha Jonville, Anne Cantat-<br />
Corsini), des graphistes (Docile)<br />
ainsi que des éditeurs singuliers (les<br />
Requins marteaux) et la plateforme<br />
de diffusion régionale « Documents<br />
d’Artistes Aquitaine », créée en 2010.<br />
Installée, depuis 2009, sur le site de<br />
l’ancienne gare Citram, la Fabrique<br />
devrait prochainement déménager<br />
provisoirement avant de rejoindre<br />
la Caserne Niel pour s’y implanter<br />
définitivement.<br />
Le principe du collectif, fondé<br />
sur un esprit de mobilité et<br />
d’expérimentation à plusieurs, est<br />
également le pari de De Mèche,<br />
Skinjackin ou encore La Mobylette,<br />
collectifs d’artistes bordelais,<br />
aquitains et d’ailleurs, qui organisent<br />
des événements <strong>culture</strong>ls<br />
et artistiques à teneur et à publics<br />
variés. Ils prennent aussi bien la<br />
forme de spectacles musicaux, de<br />
performances, de projections, de<br />
publications que d’expositions et<br />
investissent régulièrement des<br />
lieux nouveaux. A ce propos, dans<br />
le sillage des navires amiraux - le<br />
CAPC, le FRAC Aquitaine ou plus<br />
récemment l’Institut Culturel Bernard<br />
Magrez - quelques dizaines de<br />
galeries privées ont été attirées par<br />
ce terreau fécond. Cortex Athletico,<br />
ACDC, Eponyme, DX, Anne Laure<br />
Jalouneix, MLS, Arrêt sur l’image…<br />
ont pour la plupart ouvert leurs<br />
portes au cours des cinq dernières<br />
années.<br />
En temps de crise, la notion de<br />
troupe et l’esprit communautaire<br />
des grandes compagnies, longtemps<br />
l’apanage des arts de la scène, tend<br />
à se régénérer dans une volonté<br />
de compagnonnage à géométrie<br />
variable, propice au partage, autour<br />
185
focus<br />
d’un projet artistique, de démarches<br />
et d’initiatives qui développent de<br />
nouvelles écritures et de nouveaux<br />
rapports au public. Ainsi en va-t-il<br />
de la compagnie Opéra Pagaï, de<br />
ses créations poétiques et décalées<br />
in situ comme des recherches<br />
expérimentales de Renaud Cojo<br />
avec Ouvre le Chien. De nouvelles<br />
générations entrent en scène, avec<br />
par exemple le Collectif Os’o composé<br />
de jeunes comédiens issus de<br />
la première promotion de L’ESTBA,<br />
ou Crypsum, formation théâtrale<br />
qui axe son travail sur les écritures<br />
contemporaines, ou bien encore la<br />
Grosse situation qui défriche des<br />
sentiers inexplorés.<br />
Dans cette réflexion sur le<br />
spectacle, les compagnies Le Grain,<br />
Soleil Bleu - menée par Laurent<br />
Laffargue - et Travaux Publics - de<br />
Frédéric Maragnani - ne se laissent<br />
pas enfermer dans un registre ni un<br />
répertoire. Opéra, cirque, classiques<br />
de la littérature et compositions<br />
originales sont, pour eux, autant de<br />
terres à explorer que de langages en<br />
mutation. Tous ces talents, accueillis<br />
sur le territoire, à l’instar de deux<br />
des créations d’Anna Nozière et sa<br />
compagnie la Hurleuse au TnBA,<br />
trouvent un écho et un soutien dans<br />
un réseau théâtral servant à la fois<br />
de lieu de recherche, de travail, de<br />
pratiques et de diffusion. Ainsi, avec<br />
le Glob’ théâtre, le Pont Tournant,<br />
le théâtre de la Boîte à jouer et<br />
plus récemment, la Manufacture<br />
Atlantique, qui succède au TNT<br />
Manufacture des chaussures, le<br />
relais et le développement s’opèrent<br />
dans une logique de rencontres,<br />
d’échanges au travers de résidences,<br />
de collaborations et d’une diversité<br />
de programmations proposées par<br />
les opérateurs. Signe d’un frémissement<br />
nouveau, pour répondre<br />
à l’attente grandissante du public<br />
«Skeleton» par Frank Eon<br />
bordelais, de nombreux théâtres<br />
privés ont vu le jour, ces cinq<br />
dernières années (Trianon, Café<br />
des Arts, Théâtre des Beaux-arts).<br />
Ils viennent enrichir, en la matière,<br />
un maillage territorial initié par les<br />
Salinières, la Comédie Gallien.<br />
La scène chorégraphique, quant<br />
à elle, se livre à un grand écart<br />
entre la tradition classique du<br />
ballet national de <strong>Bordeaux</strong> et les<br />
codes de danse urbaine revisités<br />
notamment par la compagnie<br />
Rêvolution, d’Anthony Egéa, par<br />
les jeux de corps et de scène de La<br />
coma - menée par Michel Schweitzer<br />
- et Paul les Oiseaux, de Valérie<br />
Rivière. Le panorama des compagnies<br />
de danse bordelaises parle de<br />
lui-même des métissages de la ville,<br />
par la transgression orientale et<br />
contemporaine de Faizal Zeghoudi,<br />
par le prisme du Butô avec Carlotta<br />
Ikeda et sa compagnie Ariadone. A<br />
ce jeu, les collectifs Auguste Bienvenue,<br />
Fabre Senou et Perrine Fifadji<br />
excellent en faisant du corps et du<br />
rythme des navettes expressives<br />
entre les <strong>culture</strong>s et les disciplines.<br />
L’émergence de nouvelles formes de<br />
représentation devient particulièrement<br />
sensible dans les recherches,<br />
sur des thèmes de société, du<br />
collectif Aléas, formé de cinq jeunes<br />
femmes issues du Conservatoire<br />
Jacques Thibaud, tout comme dans<br />
les propositions de la Compagnie<br />
Gestuelle, de Sabine Samba et de<br />
H2nOus qui développe à travers la<br />
danse debout une discipline à part<br />
entière.<br />
L’art qui agite la ville<br />
Si <strong>Bordeaux</strong> fait partie des villes<br />
françaises offrant le plus vaste<br />
espace en centre ville - place des<br />
Quinconces - aux grands cirques<br />
populaires européens, elle est également<br />
une destination privilégiée<br />
pour les compagnies de création<br />
circassienne telle que Bivouac,<br />
la Smart compagnie qui intègre<br />
de jeunes diplômés des écoles<br />
nationales ou encore le Théâtre du<br />
chapeau qui chemine depuis 22 ans<br />
entre créations et formations autour<br />
de l’art du clown. Les arts de la piste<br />
et de la rue à <strong>Bordeaux</strong>, conjuguent<br />
la tradition pluri-centenaire d’un<br />
Guignol Guérin - dont le descendant,<br />
cinq générations plus tard,<br />
continue de proposer des spectacles<br />
quotidiens au Jardin Public - avec<br />
l’approche renouvelée de six opérateurs<br />
et compagnies. Parmi ces<br />
derniers, les Bougrelas ou Fête et<br />
Feu ont décidé de s’installer au 16<br />
rue Saint James pour mutualiser<br />
bureaux et moyens. Le succès populaire<br />
des cirques qui se succèdent<br />
sur le territoire, du cirque de Saint<br />
Petersbourg à Gruss en passant par<br />
le cirque Romanès, confirment la<br />
tendance à l’implantation durable<br />
des activités circassiennes dans la<br />
ville.<br />
Comme les arts de la piste, la<br />
danse possède auprès des compagnies<br />
et des publics un puissant<br />
pouvoir attractif.<br />
Parallèlement des formes originales,<br />
itinérantes et alternatives<br />
qui investissent espaces publics et<br />
privés se créent et se pérennisent.<br />
Elles sont porteuses d’expérimentation<br />
et de nouvelles formes de<br />
rencontres avec les publics. Ainsi<br />
Chahuts, chaque année promeut<br />
les arts de la parole, du conte, des<br />
<strong>culture</strong>s urbaines en rayonnant<br />
186
focus<br />
à partir du quartier Saint Michel.<br />
Plus intime la Chèvre Noire propose<br />
des parcours urbains et donne ses<br />
spectacles « hors lits » en appartement<br />
pour une vingtaine de<br />
convives. Les rencontres pluridisciplinaires<br />
de la forme courte, 30’30’’,<br />
conjuguent danse, marionnettes et<br />
arts visuels. Ce dynamisme amplifie<br />
sa portée grâce au travail en réseau<br />
des lieux de diffusion et de création<br />
de l’agglomération dont Novart est<br />
un exemple évocateur. Le festival<br />
fédère tous les deux ans, à partir<br />
d’un fil rouge proposé par un artiste<br />
associé, les programmateurs du<br />
territoire (du Pin Galant, au Carré<br />
- Les Colonnes en passant par le<br />
M.270 de Floirac ou le Cuvier d’Artigues),<br />
invités à donner leur vision<br />
du thème choisi, à travers leurs<br />
propositions de spectacles.<br />
En lisant, en écrivant<br />
Ville des 3 M, <strong>Bordeaux</strong> n’a donc<br />
pas à rougir de leurs héritiers. Terre<br />
féconde d’éditeurs mais également<br />
d’auteurs talentueux (Bruce Bégout,<br />
Annelise Roux, Hervé le Corre,<br />
Michel Suffran le néo bordelais<br />
Vincent Ravalec…), la ville affiche<br />
pour l’écrit et la lecture un goût<br />
assumé, que traduit à sa façon la<br />
diversité de ses établissements, de<br />
l’historique Mollat créée en1886, la<br />
plus grande librairie indépendante<br />
de France, aux plus spécialisées<br />
et éclectiques telles que N’a qu’un<br />
œil, Olympic, la Machine à Lire,<br />
BD Fugue, la Mauvaise Réputation…<br />
Sur ce terrain les littératures<br />
contemporaines ont une place de<br />
choix. Ainsi l’association Permanences<br />
de la Littérature organise<br />
chaque année, outre de nombreux<br />
ateliers d’écriture, deux manifestations,<br />
Ritournelles en décembre et<br />
Mars Red Sky<br />
Littérature en Jardin durant l’été,<br />
qui donnent lieu à des créations, des<br />
lectures de textes inédits, explorant<br />
tour à tour les liens de la littérature<br />
à l’art contemporain, au corps, au<br />
cinéma, à la psychanalyse… Le<br />
festival Lettres du Monde bâtit des<br />
ponts avec les littératures d’ailleurs.<br />
Chaque année en octobre, il<br />
propose des rencontres croisées<br />
entre auteurs, musiciens et poètes.<br />
Et, point d’orgue, tant des professionnels<br />
que des publics, l’Escale<br />
du Livre, convie, au-delà d’un salon<br />
du livre d’écrivains et d’artistes, à<br />
de nouvelles formes de métissages<br />
pluridisciplinaires sur scène.<br />
Enfin, <strong>Bordeaux</strong> cultive discrètement<br />
mais sûrement un vivier<br />
d’auteurs en bande dessinée. Ayant<br />
élu domicile et atelier dans la<br />
capitale girondine, ils en ont fait,<br />
par leur présence tout au long de<br />
l’année et le dynamisme de leur<br />
activité, la seconde ville de BD.<br />
Auteurs émergents et confirmés s’y<br />
retrouvent et s’y découvrent - David<br />
Prud’homme, Guillaume Trouillard,<br />
François Ayrolles, Hervé<br />
Bourhis, Jean-Louis Perdaux, Jung,<br />
Nicolas Witro, Laureline Matthiussi,<br />
Vincent Paronnaud alias<br />
Winschluss… - lors de manifestations<br />
telles que Regard 9, consacrée<br />
aux modes et processus de création<br />
dans la bande dessinée, mais également<br />
au sein de la Maison Demons,<br />
dont une partie de la résidence<br />
leur est dédiée. Ils bénéficient, par<br />
ailleurs, d’une aide active de la Ville,<br />
amenée à s’accroître lors de projets<br />
internationaux notamment à Saint<br />
Pétersbourg, Québec ou Fukuoka<br />
au Japon.<br />
Foisonnement, création, stimulation<br />
et rencontres sont à <strong>Bordeaux</strong><br />
parmi les ferments d’une vie artistique<br />
déjà riche, à l’avenir prometteur.<br />
La Ville se mobilise dans son<br />
accompagnement, s’implique dans<br />
son soutien qu’elle souhaite à sa<br />
mesure et à son rythme voir grandir<br />
et s’agrandir.<br />
Regard 9 , carnet de rue par<br />
David Prudhomme<br />
187
<strong>Bordeaux</strong><br />
la Culture en chiffres<br />
La ville<br />
—<br />
242 000 habitants (un tiers de la population<br />
âgé de moins de 25 ans)<br />
720 000 habitants pour l’agglomération<br />
3 millions de touristes par an<br />
4 455 hectares dont<br />
1 810 hectares sont inscrits sur la liste<br />
du Patrimoine mondial au titre de « <strong>Bordeaux</strong>,<br />
port de la Lune ». Premier ensemble urbain,<br />
sur un périmètre aussi vaste et complexe,<br />
distingué en 2007 par la Commission<br />
du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis sa<br />
création<br />
147 hectares constituant le secteur<br />
sauvegardé dans le centre ancien<br />
Ville d’art depuis 1975 et Ville d’art et<br />
d’histoire depuis 2009<br />
La Culture à <strong>Bordeaux</strong><br />
—<br />
2,5 millions de personnes fréquentent<br />
annuellement lieux ou manifestations<br />
<strong>culture</strong>lles<br />
1,5 million de personnes (en croissance<br />
de 54 % depuis 2005) visitent musées,<br />
bibliothèques et lieux d’exposition municipaux<br />
(dont 32% de moins de 18 ans)<br />
300 manifestations <strong>culture</strong>lles par an<br />
53 sites, monuments et musées bordelais<br />
ouverts à la visite<br />
609 128 visites et 3 549 000 pages vues<br />
sur les rubriques <strong>culture</strong> du site bordeaux.fr<br />
Patrimoine<br />
/<br />
358 immeubles protégés au titre des<br />
monuments historiques (2ième ville après<br />
Paris)<br />
368 objets protégés (statues, tableaux, etc..)<br />
35 orgues dont 5 protégés au titre des<br />
monuments historiques<br />
3 édifices cultuels majeurs (cathédrale Saint<br />
André, Basilique Saint Michel et église Saint<br />
Seurin) inscrits sur la liste du Patrimoine<br />
mondial au titre des « Chemins de Saint<br />
Jacques » en France.<br />
130 000 visiteurs aux Journées Européennes<br />
du patrimoine<br />
189<br />
Arts visuels, Musées<br />
/<br />
- 11 musées dont 7 municipaux (Muséum<br />
d’Histoire Naturelle, Musée d’Aquitaine,<br />
Musée Goupil, Centre Jean Moulin, Musée<br />
des Arts Décoratifs et du Design, Musée des<br />
Beaux Arts, CAPC Musée d’Art<br />
Contemporain)<br />
- 15 lieux d’expositions dont 6 municipaux
(Base sous-marine, Cours Mably, Espace<br />
Saint-Rémi, Halle des Chartrons, Pergola,<br />
Marché de Lerme)<br />
- 10 galeries d’art contemporain,<br />
- 30 lieux de diffusion d’art contemporain<br />
- 3 lieux phares de l’art contemporain : CAPC<br />
Musée d’Art contemporain, Fonds Régional<br />
d’Art Contemporain, Institut Culturel Bernard<br />
Magrez<br />
- 6 lieux de fabrique artistique<br />
- 2 lieux de diffusion de l’architecture (Arc en<br />
Rêve et 308)<br />
Arts de la scène, cinéma<br />
/<br />
- 30 compagnies de danse<br />
- 70 compagnies de théâtre dont 5<br />
conventionnées (Soleil Bleu, Marches de l’été,<br />
Ouvre le chien, Travaux Publics, Opéra Pagaï)<br />
- 17 théâtres comprenant 25 scènes dont 1<br />
Centre Dramatique National (TnBA)<br />
- 120 000 spectateurs par an dans les 4<br />
théâtres de la ville les plus fréquentés<br />
- 1 Opéra National (200 000 spectateurs par<br />
an) qui dispose d’un orchestre symphonique,<br />
d’un ballet et d’un chœur<br />
- 4 salles de musique dans l’aire urbaine<br />
bénéficiant du label « Scène de Musiques<br />
Actuelles d’agglomération »<br />
- 4 cinémas dont 1 cinéma d’Art et d’essai, 61<br />
salles accueillant environ 2 millions de<br />
spectateurs par an<br />
- 74 tournages de fiction par an<br />
- 1 agence régionale de diffusion en arts de la<br />
scène (OARA)<br />
- 1 agence <strong>culture</strong>lle régionale pour l’écrit, le<br />
cinéma, le livre et l’audiovisuel (Ecla)<br />
Littérature et médias <strong>culture</strong>ls<br />
/<br />
11 bibliothèques municipales (30 000 m2 de<br />
surface) dont Mériadeck, bibliothèque classée<br />
et 2e plus grande bibliothèque de France<br />
1 bibliobus<br />
1,2 millions de documents constituant les<br />
collections municipales<br />
700 000 visiteurs annuels dans les<br />
bibliothèques<br />
34 librairies dont la plus grande librairie<br />
indépendante de France<br />
37 labels aquitains regroupés au sein de la<br />
Feppia (Fédération des éditeurs et<br />
Producteurs Phonographiques Indépendants<br />
d’Aquitaine)<br />
Pratiques et formations artistiques<br />
/<br />
1 Conservatoire à rayonnement régional,<br />
Conservatoire Jacques Thibaud<br />
2 000 élèves)<br />
1 Ecole Supérieure des Beaux arts<br />
(400 élèves)<br />
1 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture<br />
et du Paysage<br />
1 Ecole Supérieure de Théâtre de <strong>Bordeaux</strong><br />
en Aquitaine<br />
1 pôle d’Enseignement Supérieur Musique<br />
et Danse<br />
1 Ecole du cirque de <strong>Bordeaux</strong><br />
1 Centre régional de formation aux carrières<br />
des bibliothèques (Médiaquitaine)<br />
20 ateliers d’arts plastiques dévolus<br />
aux pratiques amateurs<br />
22 structures d’enseignement musique<br />
et chant<br />
190
Les services municipaux<br />
de la <strong>culture</strong><br />
—<br />
Budget<br />
/<br />
70 millions d’euros soit 305 € par habitant<br />
et une charge de centralité estimée à 76%<br />
22 millions d’euros de subventions annuelles<br />
attribuées au secteur <strong>culture</strong>l<br />
Organisation<br />
/<br />
10 établissements <strong>culture</strong>ls en régie directe :<br />
Muséum d’Histoire Naturelle, Musée des<br />
Beaux-arts, Musée des Arts décoratifs et<br />
du design, Musée d’Aquitaine, Conservatoire<br />
Jacques Thibaud, CAPC, Bibliothèques, Base<br />
sous-marine, Archives municipales) et<br />
2 établissements rattachés (Opéra National<br />
de <strong>Bordeaux</strong> et Ecole Supérieure<br />
des Beaux -Arts)<br />
Personnels<br />
/<br />
1 550 agents (950 en régie directe, 600 pour<br />
l’Opéra et l’Ecole Supérieure des Beaux Arts)<br />
Patrimoine immobilier<br />
/<br />
130 000 m² de plancher<br />
1 théâtre dévolu au TnBA comprenant une<br />
jauge de 1 450 places<br />
1 théâtre XVIIIe classé Monument Historique,<br />
dévolu à l’Opéra comprenant une jauge<br />
de 1100 places<br />
1 Auditorium de 1440 places dévolu<br />
à l’Orchestre National de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine<br />
7 lieux de résidence artistique<br />
1 incubateur de galeries<br />
20 édifices affectés au culte (19 églises et<br />
1 temple) en gestion directe dont 10 sont<br />
protégés au titre des monuments historiques<br />
44 des 358 édifices patrimoniaux classés<br />
sont propriété de la Ville<br />
Collections<br />
/<br />
2 145 000 pièces dans les collections<br />
municipales (1 300 000 pour le Musée<br />
d’Aquitaine, 800 000 pour le Muséum<br />
d’Histoire Naturelle, 35 000 pour le Musée<br />
des Arts décoratifs, 1 400 pour le CAPC,<br />
8 000 pour le Musée des Beaux arts)<br />
111 986 documents précieux, dont 4 313<br />
manuscrits à la Bibliothèque de Mériadeck<br />
11 km linéaire de fonds d’archives (3e fonds<br />
le plus important d’archives communales en<br />
France) dont 250 fonds d’origine privée et<br />
150 000 documents iconographiques<br />
191
Directeur de publication<br />
Alain de Bouteiller<br />
Comité éditorial<br />
Dominique Ducassou, Brigitte Proucelle, Chrystelle Audoit<br />
Comité de réflexion<br />
Hervé Alexandre, Guillaume Ambroise, Serge Bouffange,<br />
Anne Sophie Brandalise, Blandine Courel, Adeline<br />
Desclaux, David Jurie, Marie Laure Habérard, François<br />
Hubert, François Guillemetaud, Charlotte Laubard, Marie le<br />
Moal Nathalie Mémoire, Jean Luc Portelli, Lilian Saly, Agnès<br />
Vatican<br />
Rédaction<br />
Christophe Averty, Chrystelle Audoit, Catherine Ounsamone<br />
Conception Graphique<br />
gr20 / www.gr20paris.com<br />
Coordination et conception générales<br />
Catherine Ounsamone<br />
Remerciements<br />
E. Audebert, C. Bergouignan, J.F. Callède, C.Cano, S.Daniel,<br />
P. Della Libéra, A.Egéa, T.Fouquet, A.Guérin, C. Jaubert, C.<br />
Melon, E.Péret, P. Planchenault, D. Prudhomme, F. Vidal.<br />
Photographies et illustrations<br />
Pierre Antoine, Eric Audebert, Agence<br />
COBE (Copenhague, Berlin), Atelier<br />
d'Architecture Baudin-Limouzin, ,<br />
Chloé Batac, Pierre Bidart, Laurent<br />
Charles, S. Colomyès, Courtesy Cortex<br />
Athletico, Valérie Daviet, Mairie de<br />
<strong>Bordeaux</strong>-Florian David, Gaëlle Deleflie,<br />
Eric Deniset & Marion Maisonnave,<br />
Frédéric Desmesure, Mairie de <strong>Bordeaux</strong>-<br />
Frédéric Deval, Didier Doustin, Bernard<br />
Fontanel, Sophie Garcia, Mairie de<br />
<strong>Bordeaux</strong>-Lysiane Gauthier, Jean Gilson,<br />
Roberto Giostra, Hana Goodall, Cécile<br />
Gras, atelier des arpètes, Gaëlle Hamalian<br />
Testud, William Hessel, Tom Lacoste,<br />
Pierre Lavesque, Christian Lesemann,<br />
Laurencine Lot, Hugo Maertens,<br />
Daniel Maurin / Sébastien Cottereau<br />
– Luckystudio, Thierry Méchain, DR-Musée<br />
des Beaux Arts, Richard Nourry, Opéra<br />
Pagaï, Atelier Michel Pétuaud-Létang,<br />
Pierre Planchenault, POLA,<br />
David Prudhomme, Bernard Rakotomanga,<br />
Robbrecht and Daem, Quentin Salinier,<br />
Mairie de <strong>Bordeaux</strong>- Thomas Sanson,<br />
Kristine Thieman.<br />
Direction générale des Affaires<br />
<strong>culture</strong>lles de la Ville de <strong>Bordeaux</strong><br />
Hôtel de Ville,<br />
Place Pey-Berland,<br />
33 077 <strong>Bordeaux</strong> cedex<br />
Tel : +33(0)5 56 10 22 40<br />
dgac.dg@mairie-bordeaux.fr<br />
192<br />
www.bordeaux.fr
ordeaux.fr