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Bordeaux culture

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BORD<br />

EaU x<br />

<strong>culture</strong><br />

Une nouvelle<br />

géographie<br />

humaine


BORD<br />

EaU x<br />

<strong>culture</strong><br />

Une nouvelle<br />

géographie<br />

humaine


édito<br />

4


On peut disserter à l’infini sur la définition<br />

du concept de <strong>culture</strong>, sur les objectifs<br />

ou les contenus d’une politique <strong>culture</strong>lle.<br />

Ce que nous voulons faire à <strong>Bordeaux</strong>, dans<br />

l’action, est sans aucun doute ambitieux :<br />

il s’agit de proposer une politique <strong>culture</strong>lle<br />

qui soit le fil d’Ariane de notre projet de ville<br />

et partant du projet de vie dont il est porteur.<br />

C’est pourquoi la politique <strong>culture</strong>lle n’est pas<br />

à nos yeux, une politique sectorielle parmi<br />

d’autres. Elle fédère et transcende. Elle donne<br />

du sens à l’aventure collective. Elle est le terrain<br />

de l’identité bordelaise.<br />

Elle se développe donc dans toutes les<br />

dimensions de l’action publique :<br />

— Urbaine : elle accompagne la naissance<br />

des nouveaux quartiers, la renaissance des<br />

quartiers anciens où les lieux qui lui sont dédiés<br />

créent la vraie mixité, celle des connaissances<br />

et des émotions.<br />

— Sociale : elle s’adresse à tous les publics,<br />

elle cherche à donner à chacun la chance de<br />

s’exprimer, de cultiver ses dons, de construire<br />

une belle image de soi.<br />

— Educative : elle a un rôle déterminant<br />

dans l’épanouissement de l’intelligence et de<br />

la sensibilité dès le premier âge.<br />

— Economique : elle est source de création,<br />

d’innovation et donc d’activité économique<br />

dans une ville qui doit accompagner sa croissance<br />

démographique par l’élargissement de son<br />

bassin d’emploi.<br />

C’est dire qu’une politique <strong>culture</strong>lle réussie doit<br />

être foisonnante – inspirée par des valeurs que<br />

lui donnent sa cohérence : l’humanisme, l’ouverture<br />

d’esprit, le respect de l’autre – mais riche de mille<br />

initiatives et d’engagements quotidiens.<br />

Ce document <strong>Bordeaux</strong>-Culture tente d’illustrer<br />

la richesse de l’offre <strong>culture</strong>lle de notre ville et<br />

d’appeler tous les Bordelais à en prendre leur part.<br />

Alain Juppé<br />

5<br />

Ancien Premier ministre<br />

—<br />

Maire de <strong>Bordeaux</strong><br />

—<br />

Premier vice-président de la communauté urbaine de <strong>Bordeaux</strong>


introdu-<br />

ction<br />

Place de la Comédie<br />

Grosse Cloche, cours Victor Hugo<br />

6


Ville de <strong>culture</strong>, <strong>Bordeaux</strong> est une terre d’accueil,<br />

le berceau de projets et de lieux artistiques<br />

novateurs et foisonnants qui constituent,<br />

de par leur diversité, un ferment de dynamisme<br />

et de développement pour tout son territoire.<br />

Elle est un laboratoire d’expérimentations<br />

mais aussi un creuset de désirs et de vitalité<br />

<strong>culture</strong>lle porteuse d’ouverture, de connaissance<br />

et de tolérance pour tous ses habitants.<br />

La politique <strong>culture</strong>lle de <strong>Bordeaux</strong> place la création<br />

au cœur de la Cité, organisant son action autour<br />

de quatre grands principes :<br />

/ une vision prospective du développement<br />

<strong>culture</strong>l du territoire, qui conjugue projet <strong>culture</strong>l<br />

avec projet urbain et citoyen, dans la durée,<br />

/ une valorisation de tous nos patrimoines<br />

qui nourrissent la conquête artistique de l’espace<br />

public et s’en nourrissent,<br />

/ la stimulation et l’accompagnement<br />

de l’effervescence artistique, en encourageant<br />

et structurant la rencontre avec l’art et la formation<br />

dès le plus jeune âge,<br />

/ l’incitation à alimenter les synergies<br />

entre acteurs de la <strong>culture</strong> et ceux de l’éducation,<br />

du social, de l’économie, de l’urbanisme, en favorisant<br />

l’accès aux lieux de travail et de production,<br />

en développant la diffusion aussi bien pour les<br />

artistes que pour les publics.<br />

Les démarches et actions menées dans ce sens<br />

sont ici présentées. Elles constituent une invite<br />

à prolonger l’échange et renforcer encore<br />

l’élan vers la ville de demain, dans le partage,<br />

le plaisir et l’émotion.<br />

7


chapitre 1<br />

S’AFFRANCHIR DES FRONTIERES<br />

UNE APPROCHE PROSPECTIVE,<br />

DE LA MIXITE DES PUBLICS<br />

AU DECLOISONNEMENT<br />

DES PRATIQUES<br />

10 / La carte et le territoire :<br />

l’enjeu <strong>culture</strong>l<br />

de <strong>Bordeaux</strong> 2030<br />

21 / Penser autrement le<br />

développement <strong>culture</strong>l : le PACT<br />

23 / Une mutation en marche…<br />

24 / … à échelle humaine<br />

28 / Le Plan d’Aménagement Culturel<br />

Territorial (pact) : une méthode innovante<br />

32 / Stimuler les mutations<br />

artistiques, ouvrir<br />

pratiques et espaces<br />

de création<br />

32 / Pour des « in »-disciplines<br />

qui décloisonnent les genres<br />

39 / Inventer les musées de demain<br />

Une approche exigeante<br />

et décomplexée des publics<br />

40 / Bibliothèques, cultiver ses désirs<br />

chapitre 2<br />

GOUTER LES PLAISIRS DE LA CITE :<br />

POUR UNE EXPERIENCE<br />

PERSONNELLE ET COLLECTIVE DU<br />

PATRIMOINE ET DE LA VILLE<br />

71 / Un héritage universel<br />

en commun<br />

71 / Assumer l’héritage<br />

75 / Interroger son patrimoine<br />

et ses symboles<br />

76 / Faire vivre un patrimoine<br />

polymorphe<br />

82 / Musée d’Aquitaine : la mémoire en route<br />

86 / Faire de l’espace public<br />

un lieu de partage,<br />

de plaisirs<br />

et d’innovations<br />

86 / La ville comme laboratoire<br />

d’urbanités<br />

89 / La <strong>culture</strong> sans cimaise<br />

et sans plateau<br />

90 / Base sous marine : le lieu réconcilié<br />

96 / Les archives voguent rive droite<br />

44 / Ouvrir les frontières mentales<br />

44 / Médiations et propositions<br />

inventives<br />

6 / Quand l’art déplace la réalité<br />

52 / Stimuler, relayer et valoriser<br />

8<br />

55 / Culture, social et socio<strong>culture</strong>l<br />

dynamiser les réseaux interactifs<br />

6 / Vers un campus<br />

d’enseignement artistique


chapitre 3<br />

LES LABORATOIRES DE LA<br />

CONNAISSANCE : LE PLUS VASTE<br />

DES CHANTIERS BORDELAIS<br />

chapitre 4<br />

LA CRÉATION AU CŒUR<br />

D’UN DEVELOPPEMENT<br />

CULTUREL DURABLE<br />

102 / Pour une construction<br />

<strong>culture</strong>lle<br />

de la citoyenneté<br />

111 / Favoriser le réflexe <strong>culture</strong>l :<br />

un choix à la carte<br />

115 / Priorité aux jeunes publics<br />

116 / Monumérique, archimérique<br />

un véhicule de mémoire<br />

120 / Multiplier et consolider<br />

les passerelles entre éducation<br />

et <strong>culture</strong><br />

124 / Museum d’histoire naturelle :<br />

creuser de nouveaux sillons<br />

129 / L’enseignement artistique<br />

en question<br />

129 / L’enjeu de l’expérience pratique<br />

133 / … tout au long de la vie<br />

134 / Le Conservatoire Jacques Thibaud<br />

un laboratoire d’apprentissages<br />

149 / Investir dans les lieux<br />

artistiques: un impératif<br />

pour demain<br />

151 / Accompagner les artistes<br />

dans leur parcours, ici et ailleurs<br />

152 / Défricher, expertiser et relier<br />

les réseaux transversaux<br />

155 / Développer les lieux de résidence<br />

et de professionnalisation<br />

156 / Rêvolution à l’opéra<br />

160 / S’inscrire dans une nouvelle<br />

économie de la <strong>culture</strong><br />

167 / L’art pour ambassadeur<br />

169 / L’enjeu de l’innovation<br />

<strong>culture</strong>lle<br />

169 / L’accessibilité, un impératif ;<br />

l’e-<strong>culture</strong>, un nouveau sésame<br />

170 / Evento : un pari gagné<br />

176 / L’ évènementiel en question<br />

182 / <strong>Bordeaux</strong> réveillée par l’art<br />

189 / BORDEAUX : LA CULTURE EN CHIFFRES<br />

9


S’Affran<br />

des<br />

frontiè<br />

une approche<br />

prospective,<br />

de la mixité des publics<br />

au décloisonnement<br />

des pratiques


chir<br />

res<br />

Graffiti, Caserne Niel<br />

Evento 2009, «Footpath»<br />

de Tadashi Kawamata


Evento 2009, «Tease, tease, tease» par Anri Sala,<br />

Salle des Fêtes du Grand Parc


«Lieux possibles 3»,<br />

Institut du point de vue par le Bruit du Frigo, 2012<br />

Evento 2009, «Travelling Music»<br />

par Diller& Scofidio,<br />

Conservatoire Jacques Thibaud<br />

Boîte exposition, Service des publics, CAPC<br />

Evento 2009, «Travelling Music»<br />

par Diller& Scofidio,<br />

Conservatoire Jacques Thibaud


Place de la Bourse, Miroir d’Eau<br />

David Prudhomme, le miroir d'eau<br />

«Maison aux Personnages»<br />

par Ilya et Emilia Kabakov


Evento 2009, exposition «Insiders»,<br />

CAPC arc-en-rêve centre d’architecture


La Nuit de la création,<br />

par le Conservatoire Jacques Thibaud,<br />

au CAPC, 2011<br />

Biblio.bato, Bassins à flot<br />

La Nuit de la création,<br />

par le Conservatoire Jacques Thibaud,<br />

au CAPC, 2011<br />

Biblio.sport, Quai des Sports


Elève du Conservatoire-Miroir d’Eau<br />

Grand Théâtre et Cours du Chapeau rouge<br />

Novart 2012, I Boat


Soirée de cloture de l’exposition Majerus,<br />

par La 58e et Darwin au CAPC<br />

Evento 2009, "Respublica" par Nicolas Milhé


Moment de répit- POLA<br />

Exposition des élèves de l’Ecole d’Enseignement<br />

Supérieur d’Art de <strong>Bordeaux</strong>.<br />

Evento 2009, Marché des Capucins


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

La <strong>culture</strong> est aussi concrète que<br />

diffuse, aussi visible que souterraine.<br />

Historique, elle rassure. Active,<br />

elle stimule. Féconde, elle rassemble.<br />

L’énergie qu’elle engendre repousse<br />

les limites, ouvre les horizons<br />

et rend l’avenir tangible. Génératrice<br />

d’impulsions et d’innovation, elle<br />

est la source, le moteur et l’outil de<br />

croissance d’une ville.<br />

Musée des Beaux Arts,<br />

collections permanentes<br />

20


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

La carte et le territoire<br />

l’enjeu <strong>culture</strong>l<br />

de <strong>Bordeaux</strong> 2030<br />

Une ville se construit de ses mélanges. Cosmopolite, elle<br />

se nourrit de la mémoire et de l’envie plurielle de ceux qui<br />

l’ont choisie pour s’y établir. Multiple, elle brasse, dans sa<br />

réalité quotidienne, ses besoins concrets et ses aspirations.<br />

Ses chances sont souvent ses défis. <strong>Bordeaux</strong> n’y fait pas<br />

exception. Car, grandir est une course d’endurance, une<br />

conquête permanente, physique et mentale.<br />

Aujourd’hui, la ville de <strong>Bordeaux</strong> comprend le plus vaste<br />

ensemble urbain inscrit dans son intégralité au patrimoine<br />

mondial de l’Unesco, en 2007, mais aussi 500 hectares<br />

de friches et d’espaces disponibles, qui font de <strong>Bordeaux</strong><br />

la seule ville française à disposer d’un tel potentiel de<br />

développement urbain. Répartis sur un tissu territorial<br />

hétérogène, d’une rive à l’autre de la Garonne, ses nombreux<br />

vestiges portuaires et industriels sont autant d’îlots, de<br />

cloisons ou d’obstacles érigés au fil du temps, dans l’espace<br />

comme dans les consciences. Le Grand <strong>Bordeaux</strong> comptera<br />

un million d’habitants en 2030. Cette densité nouvelle<br />

appelle une réponse à la mesure des enjeux écologiques<br />

et sociaux qu’elle implique. La gageure est de taille : la ville<br />

doit ouvrir ses horizons en préservant son art de vivre et son<br />

unité, pour offrir, chaque année, à quelques 12 000 nouveaux<br />

foyers, une cité en pleine croissance qui garde taille<br />

humaine. D’ores et déjà, <strong>Bordeaux</strong> connaît une progression<br />

démographique soutenue, depuis 15 ans, composée pour<br />

90% de familles. Pour orchestrer cette mutation sans<br />

précédent, <strong>Bordeaux</strong> s’attache à conjuguer urbanisme et<br />

urbanité, repousse les limites propres et figurées, pour que<br />

vivre ensemble soit une source d’essor et d’épanouissement.<br />

Penser autrement le développement<br />

<strong>culture</strong>l : le PACT [1]<br />

21<br />

1. voir focus :<br />

« Le PACT : une<br />

méthode innovante »<br />

« Connais-toi toi-même », conseillait le philosophe.<br />

<strong>Bordeaux</strong> se plie à l’exercice. Le récent diagnostic que la<br />

Ville a commandé à l’Institut d’études démographiques de<br />

l’Université <strong>Bordeaux</strong> IV, recense et analyse les habitudes<br />

<strong>culture</strong>lles des Bordelais. A partir d’un minutieux travail<br />

de traitement des données de plus de 150 lieux et<br />

manifestations organisées sur l’aire urbaine, il en envisage


{ <strong>Bordeaux</strong><br />

s’attache<br />

à conjuguer<br />

urbanisme<br />

et urbanité }


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

l’avenir, appréhende les publics de demain, imagine<br />

l’offre <strong>culture</strong>lle qu’en attendront les habitants d’une cité<br />

millionnaire. Si, pour la première fois en France, l’étude<br />

croise les points de vue – sociologique, démographique et<br />

urbain – elle démontre combien la proximité <strong>culture</strong>lle est<br />

une dynamique urbaine et sociale, un levier de bien-être<br />

pour la ville mais aussi pour son économie. Cet état des<br />

lieux, pragmatique et prospectif, ainsi que les questions<br />

qu’il soulève, alimente le plan d’aménagement <strong>culture</strong>l<br />

territorial (PACT) porté par la Direction générale des affaires<br />

<strong>culture</strong>lles. Il constitue un terreau de réflexion pour en<br />

nourrir la réalisation.<br />

A partir de cette projection réaliste des enjeux et des<br />

inconnues qu’elle révèle, la Ville a pu dessiner, au fil du<br />

fleuve, un arc de développement <strong>culture</strong>l (des Berges<br />

du Lac au secteur Euratlantique [2] en passant par les<br />

quartiers Brazza ou Benauge) qui anticipe la métamorphose<br />

de la cité. Il surgit comme une épissure, qui raffermit, en<br />

les imbriquant, les liens, les échanges et les projets des<br />

quartiers entre eux. Ce tracé renforce le rapprochement des<br />

vies des deux rives et gomme, au passage, les ancestrales<br />

césures que la mise en place du tramway en 2003 avait<br />

commencé à recoudre. Il a pour vocation de raccorder les<br />

territoires de <strong>Bordeaux</strong>, autour des gens eux-mêmes, de<br />

leurs pratiques et de leurs besoins.<br />

Car du Sud au Nord, la <strong>culture</strong> contribue à tisser la ville.<br />

De proche en proche, <strong>Bordeaux</strong> se doit de vivifier son<br />

territoire, d’accompagner habitats et équipements, anciens<br />

ou nouveaux, d’un espace d’expressions <strong>culture</strong>lles qui fera<br />

battre plus fort le cœur de chacun de ses quartiers, existant<br />

ou à naître. La <strong>culture</strong> sert ainsi une lecture urbaine continue.<br />

Une mutation en marche…<br />

23<br />

2.<br />

Opération d’Intérêt<br />

National<br />

3. voir focus :<br />

« Les archives voguent<br />

rive droite »<br />

Un vent de renouveau traverse déjà toute la ville. Partant<br />

du sud avec la création d’une médiathèque multimédia au<br />

sein du nouveau quartier Armagnac (2013) et la création en<br />

2015 de la MECA (Maison de l’Economie Créative et de la<br />

Culture d’Aquitaine), la <strong>culture</strong> rejoint la rive droite, quartier<br />

Bastide Niel, imprégnant le chantier Darwin, espace d’une<br />

nouvelle écologie urbaine et créative (2013), et baignant le<br />

projet des nouvelles Archives municipales (2015) [3], pour<br />

traverser le Jardin botanique. Les quartiers urbanisés de<br />

La Benauge sont également embrassés, avec le futur Pôle<br />

Joliot Curie (2017) actif trait d’union entre le Conservatoire<br />

et la bibliothèque de quartier. Quant aux territoires les<br />

moins denses, ils accueilleront, au parc des Angéliques, un


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

pôle cirque (2013), et, dans le secteur Brazza, une nouvelle<br />

bibliothèque de quartier et un centre de conservation des<br />

collections (2017).<br />

Poursuivant son mouvement, l’arc de développement<br />

repasse rive gauche, atteint la Cité des Civilisations du<br />

Vin (ouverture en 2016) grâce au nouveau Pont Chaban<br />

Delmas (2013) qui en accroît la proximité. Il s’achemine<br />

vers le Lac, plus au Nord, et son éco-quartier Ginko où la<br />

Maison des danses mêlera pratiques professionnelles et<br />

amateurs (2015), en passant par la Base sous-marine, dont<br />

la réhabilitation inaugurera une nouvelle vie dans un quartier<br />

portuaire, lui aussi en pleine mutation.<br />

Dans l’intervalle, au cœur de la cité historique, s’est<br />

immiscé en douceur, dans le paysage urbain, un auditorium<br />

de 1 440 places (2013), dont les qualités acoustiques<br />

sont déjà saluées, tandis que la complète rénovation du<br />

Muséum d’Histoire Naturelle (réouverture en 2016), au cœur<br />

du Jardin Public, associera valorisation d’un patrimoine<br />

naturel et architectural et lieu d’échange sur les enjeux de<br />

l’environnement.<br />

Ainsi, aux télescopages disgracieux, aux incohérences<br />

amenées, dans le passé, par une croissance parfois<br />

désordonnée, <strong>Bordeaux</strong> mobilise ses forces d’invention<br />

dans l’obsession et la défense d’une cohérence globale.<br />

Son éthique : une attention constante à cette individualité<br />

collective qui fait la ville et son atmosphère.<br />

… à échelle humaine<br />

24<br />

Ce foisonnement de chantiers traduit le choix d’un<br />

maillage méticuleux du territoire qui se construit, avant tout<br />

avec l’ensemble de ses acteurs artistiques, éducatifs et<br />

sociaux. Artistes, opérateurs, compagnies et associations,<br />

notamment, portent en amont, par leur travail de terrain, la<br />

<strong>culture</strong> dans des quartiers où elle serait moins visible. Cette<br />

sensibilisation est nourrie du dialogue avec les services de<br />

la Ville et les élus, autour de projets communs. L’itinérance<br />

naturelle des compagnies complète ce processus<br />

arborescent. Interviennent conjointement les acteurs<br />

éducatifs et sociaux, sur lesquels s’appuient les services<br />

<strong>culture</strong>ls, pour mutualiser les lieux, organiser les parcours,<br />

favoriser la rencontre autour de l’art de publics différents<br />

dans leurs usages quotidiens de la ville.<br />

Ainsi, quartier par quartier, la Ville fédère-t-elle un<br />

mouvement d’ensemble concerté qui ancre chaque<br />

établissement, comme chaque intention ponctuelle, dans<br />

une volonté de proximité et de mixité. Mais également,


{ Raccorder<br />

les territoires<br />

de <strong>Bordeaux</strong>,<br />

autour des<br />

gens eux-mêmes,<br />

de leurs<br />

pratiques et de<br />

leurs besoins }


{ Du Sud au<br />

Nord, la <strong>culture</strong><br />

contribue à<br />

tisser la ville }


{ une volonté<br />

de proximité<br />

et de mixité, une<br />

responsabilité<br />

commune<br />

et partagée }


FOCUS<br />

Le Plan d’Aménagement<br />

Culturel Territorial<br />

(pact) <br />

une méthode<br />

innovante<br />

Plan de <strong>Bordeaux</strong> à l’époque romaine<br />

(Fond Delpit),<br />

Bibliothèque Centrale Mériadeck<br />

Journées du Patrimoine 2012, Ballade<br />

urbaine au Grand Parc<br />

28


Vue des Quais de <strong>Bordeaux</strong> depuis<br />

la rive droite de la Garonne<br />

Journées du Patrimoine 2012,<br />

Ballade urbaine à Mériadeck<br />

Chantier de la Bibliothèque Armagnac<br />

Vue du Quartier Saint michel, Pont de Pierre<br />

29


FOCUS<br />

peuplement<br />

Inventorier, collecter,<br />

Pour définir et mettre en œuvre sa politique <strong>culture</strong>lle, la Ville s’est dotée<br />

défricher<br />

d’une équipe de professionnels et de spécialistes. Acteurs et observateurs<br />

de terrain, ils sont en prise directe et en concertation constante avec tous les<br />

Mené par le professeur Christophe<br />

Bergouignan, ce programme<br />

opérateurs, les artistes, institutions et associations. Ce choix qui privilégie<br />

l’expertise est une marque de fabrique à <strong>Bordeaux</strong>. C’est pourquoi, dans la<br />

de recherche, lancé en 2011, a permis<br />

perspective de son évolution démographique, la Ville a confié à l’Institut<br />

d’analyser précisément les services<br />

d’études démographiques de l’Université <strong>Bordeaux</strong> IV, une étude de l’offre<br />

<strong>culture</strong>ls que propose aujourd’hui<br />

<strong>culture</strong>lle bordelaise afin d’en imaginer le développement et les tendances<br />

la ville, ainsi que les besoins qui en<br />

futures.<br />

découlent. Collectées auprès de 120<br />

acteurs et opérateurs <strong>culture</strong>ls, les<br />

informations réunies, alimentent<br />

le plan et la stratégie de l’aménagement<br />

<strong>culture</strong>l du territoire. C’est<br />

un portrait polaroïd sociologique,<br />

urbain et démographique de <strong>Bordeaux</strong><br />

qui en dégage les enjeux pour<br />

l’avenir. Il dépeint les comportements<br />

<strong>culture</strong>ls, étudie la fréquentation<br />

des bibliothèques aux théâtres,<br />

et en imagine les futurs publics<br />

potentiels.<br />

Le caractère original de cette<br />

démarche tient à la mise en perspective<br />

de données habituellement<br />

pratiques<br />

<strong>culture</strong>lles<br />

Evento 2009, « Travelling Music»<br />

par Diller &Scofidio et le Conservatoire<br />

Jacques Thibaud<br />

segmentées. Généralement, le sociologue<br />

étudie les pratiques <strong>culture</strong>lles.<br />

Le démographe s’attache au<br />

peuplement. Le projet urbain est<br />

quant à lui réservé aux architectes<br />

et urbanistes. Le principe de l’étude<br />

a été de réunir, de juxtaposer et faire<br />

se recouper les trois aspects. Les informations<br />

récoltées ont permis de<br />

mettre en perspective les tendances<br />

démographiques de chaque quartier<br />

avec les pratiques <strong>culture</strong>lles qui<br />

y ont cours. A partir de l’existant,<br />

du réel et du vivant, l’étude révèle<br />

non seulement les enjeux de l’ère<br />

urbaine mais elle indique aussi<br />

les ajouts nécessaires et mesures<br />

à mettre en place, en regard des<br />

besoins futurs et des habitudes à<br />

naître des Bordelais.<br />

30


FOCUS<br />

Evaluer, analyser,<br />

projeter<br />

Cette cartographie sensible de la<br />

Ville assoie les certitudes et révèle<br />

les inconnues. On sait depuis<br />

longtemps que le cœur de la ville<br />

attire les étudiants poursuivant leur<br />

cursus à <strong>Bordeaux</strong>, ainsi que de<br />

jeunes diplômés de l’enseignement<br />

supérieur venus y débuter leur vie<br />

professionnelle. On sait également<br />

que les familles, au niveau d’étude<br />

et aux revenus élevés, souvent originaires<br />

d’Île de France, attendent des<br />

quartiers bien dotés en équipements<br />

<strong>culture</strong>ls. On constate aussi<br />

que les familles avec enfants sont<br />

plus largement répandues dans la<br />

périphérie sud. Afin d’harmoniser<br />

pratiques, habitudes, attentes et<br />

désir d’habiter la ville, <strong>Bordeaux</strong><br />

prend en compte l’ensemble de ces<br />

paramètres. Toutefois, il reste à<br />

évaluer les « non-publics », encore<br />

méconnus. A l’exemple du cinéma<br />

à domicile ou mobile, sur écran<br />

d’ordinateur, téléphone ou tablette<br />

numérique, de nouvelles pratiques<br />

sont difficilement identifiables.<br />

projet<br />

urbain<br />

Aucune statistique n’en permet<br />

aujourd'hui de mesure fiable. A partir<br />

d’analyses, l’étude préconise la<br />

mise en place de nouveaux moyens<br />

pour rendre compte d’un ensemble<br />

de pratiques pour l’instant non<br />

quantifiables. En complément, elle<br />

propose également, d’établir le lien<br />

entre déplacements quotidiens et<br />

établissements <strong>culture</strong>ls, en observant<br />

notamment s’ils s’effectuent<br />

à partir du lieu d’habitation ou de<br />

travail.<br />

Projetées dans l’avenir, ses<br />

conclusions confortent la politique<br />

bordelaise dans l’intensification de<br />

la vie <strong>culture</strong>lle au plus près de chacun.<br />

A terme, cette coopération active,<br />

entre l’université, la Ville et ses<br />

équipes, pourrait s’accentuer dans<br />

une perspective plus opérationnelle,<br />

dans une relation de conseil et de<br />

d’échange autour des projets <strong>culture</strong>ls<br />

des quartiers eux-mêmes. Une<br />

conception novatrice pour toujours<br />

rapprocher les habitants.<br />

31


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

elle invite à une responsabilité commune et partagée,<br />

entre citoyens, institutions, associations, artistes, acteurs<br />

et animateurs <strong>culture</strong>ls de tous terrains. En filigrane, cette<br />

logique traduit une stratégie toute bordelaise d’asseoir un<br />

modèle de territoire ouvert à l’économie de la connaissance.<br />

Cette perspective préside non seulement à l’ensemble des<br />

actions menées mais également, bien en amont, à une<br />

réflexion approfondie de la vie <strong>culture</strong>lle et des possibles<br />

qu’elle porte en elle.<br />

Stimuler les mutations<br />

artistiques, ouvrir<br />

pratiques et espaces<br />

de création<br />

Pour des « in »-disciplines<br />

qui décloisonnent les genres<br />

32<br />

Si le foisonnement des échanges est le reflet d’une<br />

approche productive et prospective de la création, il traduit<br />

également une réflexion menée, sur le caractère transversal<br />

de l’art, appelant des aptitudes, des savoir-faire et des<br />

aspirations conjuguées. De l’écrit aux arts plastiques et<br />

visuels, de la scène, sous toutes ses formes, au patrimoine,<br />

la notion de discipline s’érode. A contrario, leur croisement<br />

est un ferment. C’est donc sur ce constat, que la Ville<br />

s’appuie, dans l’ensemble de ses actions – pédagogiques,<br />

artistiques, <strong>culture</strong>lles.<br />

Ainsi, l’Escale du livre, salon littéraire devenu festival,<br />

cultive dans sa programmation un rapport des plus ouverts<br />

à l’écriture. L’événement convoque performances, création<br />

théâtrale et musicale, pour offrir un autre regard sur la<br />

création littéraire, ainsi qu’en témoigne par exemple, Die<br />

Dichte œuvre écrite et interprétée par Marie N’Diaye et le<br />

musicien Denis Cointe. La manifestation suscite la rencontre<br />

conviviale, des auteurs, des artistes et de leurs publics tout<br />

en favorisant de nouvelles opportunités à la diffusion du<br />

livre.<br />

Ces transversalités se manifestent entre bande dessinée et<br />

musique à travers des concerts dessinés, des performances<br />

littéraires dans des galeries d’art, les collaborations inédites


{ Le croisement<br />

des disciplines<br />

est un ferment }


{ Les<br />

enseignements<br />

opèrent<br />

leur mue }


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

35<br />

4. voir focus :<br />

« le conservatoire<br />

Jacques Thibaud,<br />

un laboratoire<br />

d’apprentissage »<br />

entre conservatoire et architectes de renommée mondiale<br />

donnant corps le temps d’une proposition aux croisements<br />

des inspirations et des pratiques [4].<br />

Le rendez-vous Evento, carte blanche à l’échelle de la<br />

ville périodiquement proposée à un artiste contemporain<br />

de renom, en est un prolongement cohérent. Tel un appel<br />

à réactions, la manifestation confronte visions urbaines<br />

et propositions esthétiques. Lors de ses deux premières<br />

éditions, en 2009 avec Didier Faustino pour directeur<br />

artistique, puis Michelangelo Pistoletto en 2011, artistes<br />

et Bordelais, chacun et ensemble, ont pu appréhender<br />

l’espace polymorphe de la ville comme « matière première ».<br />

<strong>Bordeaux</strong> s’y révèle en laboratoire d’invention ne se voulant<br />

ni raisonnable, ni consensuel, porté par une réflexion<br />

introspective.<br />

L’esprit d’émulation trouve aussi dans la biennale Novart<br />

une résonnance et un impact à sa mesure. Devenu, en une<br />

dizaine d’années, un tremplin des arts de la scène, des lieux<br />

eux-mêmes aux artistes émergents qui s’y produisent, le<br />

festival, successivement orchestré par Dominique Pitoiset<br />

(2010) et Frédéric Maragnani (2012), a suscité découvertes<br />

et échanges tant publics que professionnels. S’immisçant<br />

dans les réseaux européens tels que Next step et l’ONDA<br />

(Office National de Diffusion Artistique), le festival provoque<br />

le rapprochement d’univers au demeurant plus éloignés<br />

comme l’Université, à l’exemple du philosophe Bruce<br />

Bégout, enseignant à <strong>Bordeaux</strong> III, participant au spectacle<br />

du Bordelais Michel Schweitzer. Défricheuse et découvreuse,<br />

l’édition 2012, axée sur l’invention de nouveaux langages<br />

artistiques toutes disciplines confondues, a mêlé des<br />

talents locaux tels la chorégraphe Carole Vergne et son<br />

collectif Aao, des émergences internationales telles que<br />

la compagnie grecque Blitz Theatre ou le chorégraphe et<br />

danseur new yorkais Daniel Linehan ainsi que des notoriétés<br />

internationales, comme la compagnie L.A. Dance project du<br />

danseur étoile Benjamin Millepied ou le performeur Sudafricain<br />

Steven Cohen.<br />

Ces disciplines dont les contours s’érodent, rendant<br />

leur transversalité toujours plus visible, doivent pouvoir<br />

s’appréhender au plus tôt : dès les premières années de<br />

formation des artistes. Pour que plasticiens, musiciens,<br />

danseurs, acteurs parlent un langage commun ; pour que<br />

chacun, sans compromis ni concession à son exigence<br />

artistique, poursuive sa démarche et sa recherche en phase<br />

avec un monde évolutif, les enseignements dispensés<br />

dans les établissements du quartier Sainte Croix opèrent<br />

leur mue. Repenser, adapter, harmoniser les contenus<br />

pédagogiques de l’enseignement artistique à l’aune de cette


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

mutation, est le défi que dès maintenant <strong>Bordeaux</strong> entend<br />

relever. [5]<br />

Inventer les musées de demain<br />

36<br />

5. voir focus :<br />

« Pour un campus<br />

d’enseignement artistique »<br />

6. voir focus :<br />

« Le Muséum d’Histoire<br />

Naturelle creuse<br />

de nouveaux sillons »<br />

7. voir focus :<br />

« Le Musée d’Aquitaine,<br />

la mémoire en route »<br />

Dans le prolongement des enseignements, le musée est<br />

une étape décisive. Les établissements bordelais se sont<br />

d’ores et déjà redéfinis. La ville propose une offre muséale<br />

abondante (11 musées dont 7 municipaux, recouvrant<br />

l’ensemble de l’histoire humaine et de la création artistique,<br />

de la préhistoire à nos jours), tant destinée au visiteur<br />

aguerri qu’au promeneur, venu par hasard (plus de 500 000<br />

entrées par an). Elle favorise un éclairage nouveau de ses<br />

urbanités. Les établissements croisent les disciplines, les<br />

spectacles investissent des espaces publics inhabituels. Une<br />

approche inventive et active de ses biens <strong>culture</strong>ls nourrit sa<br />

politique d’animation patrimoniale.<br />

Le premier établissement bordelais à avoir fait sien ce<br />

crédo fut le CAPC. Dès sa création, en 1973, le centre d’art<br />

devenu musée cultivera l’ambition « d’élargir les frontières<br />

du regard ». Dans son espace, la nef des anciens entrepôts<br />

Lainé, scène interactive d’expositions et de spectacles,<br />

affirmait déjà un esprit multidisciplinaire et transversal, ainsi<br />

qu’une attention volontariste de mélanges, de générations et<br />

de publics, que le CAPC continue de perpétuer.<br />

Ouvert à l’avenir, le musée embrasse de multiples enjeux.<br />

Il devra être un lieu de vie et de rassemblement, convivial,<br />

décontracté tout en restant un repère sociétal.<br />

La volonté d’ajuster le discours scientifique aux<br />

préoccupations et aux progrès de la recherche a présidé<br />

à la métamorphose du Muséum d’Histoire Naturelle, d’un<br />

musée de la connaissance vers un centre de ressources<br />

favorisant la prise de conscience du développement<br />

durable et de la biodiversité [6]. Elle a également conduit<br />

le Musée d’Aquitaine à engager une démarche historique,<br />

ethnographique et sociologique, la refonte de ses salles<br />

permanentes dédiées aux XVIII e , et bientôt XIX e et XX e<br />

siècles [7].<br />

Par ailleurs, la renaissance du Musée des Beaux-arts,<br />

l’un des plus riche musée de France, programmée en<br />

plusieurs étapes, sera visible dès 2013 avec la réouverture<br />

de l’aile nord dédiée à l’art des XIXe et XXe siècles. Puis, il<br />

se déploiera sur des espaces agrandis qui permettront de<br />

donner à voir l’éventail complet de toutes ses richesses,<br />

convoquant l’art ancien et l’art moderne, mais aussi la<br />

musique, le théâtre et la littérature dans un dialogue<br />

renouvelé. La galerie des Beaux-arts qui lui fait face, donnera


{ Les lieux<br />

de <strong>culture</strong> sont<br />

les forums<br />

de demain, où<br />

connaissance<br />

et vie se<br />

conjuguent<br />

au pluriel }


{ <strong>Bordeaux</strong><br />

produit, nourrit<br />

et promeut<br />

l’esprit d’une<br />

<strong>culture</strong> invitante<br />

et incitante }


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

toute sa mesure dans ce dispositif en continuant d’accueillir<br />

des expositions d’envergure internationale. Elle trouvera<br />

très bientôt une nouvelle place dans un quartier restructuré<br />

autour de la future cité municipale ouverte en 2014, osant<br />

ainsi un pont entre la ville historique et la ville moderne<br />

(Meriadeck), à l’image de ses ambitions <strong>culture</strong>lles.<br />

Enfin, le Musée des Arts Décoratifs et désormais du<br />

Design, entretiendra le dialogue avec la nouvelle garde des<br />

créateurs tout en continuant d’inscrire le goût de l’objet dans<br />

une approche historique et artistique.<br />

Il s’agit enfin de créer dans chacun des musées, des lieux<br />

de détente, de partage qui invitent le visiteur à pénétrer en<br />

promeneur sans complexe dans leurs murs ; de permettre<br />

à l’aide des technologies numériques de proposer une<br />

relation nouvelle aux œuvres; de susciter des rencontres<br />

toujours plus nombreuses et originales avec d’autres<br />

formes d’expression artistique et enfin d’instituer des<br />

horaires d’ouverture parfaitement adaptés aux rythmes de<br />

vies des habitants. Les lieux de <strong>culture</strong>, aux antipodes des<br />

sanctuaires d’antan, sont les forums de demain, au sens<br />

originel, où connaissance et vie se conjuguent au pluriel.<br />

Une approche exigeante<br />

et décomplexée des publics<br />

39<br />

8. voir focus :<br />

« Un nouveau rapport<br />

au « spectateur »<br />

C’est vers l’autre, avec, par et pour lui, que se structure et<br />

se bâtit la métropole d’Aquitaine.<br />

L’élan engagé s’appuie donc sur un principe moteur : le<br />

partage. S’il est un levier ostensible, déclencheur d’actions<br />

et d’innovations, il revêt également une dimension inclusive,<br />

englobant toutes les diversités, offrant à chacun sa chance<br />

et l’attention particulière qu’elle appelle.[8]<br />

A la manière d’une réaction en chaîne, le soin apporté<br />

à l’accueil et à l’accompagnement des publics conforte<br />

les institutions dans leur dynamique. Aussi, une volonté<br />

d’écoute et d’attente, dicte la recherche et la mise en place<br />

d’outils adaptés à l’évolution de leurs besoins et de leurs<br />

appétences.<br />

Sur le terrain, au cas par cas, <strong>Bordeaux</strong> produit, nourrit et<br />

promeut l’esprit d’une <strong>culture</strong> invitante et incitante. Dès lors,<br />

urbanisme et urbanités, humanisme et humanités, projet<br />

social et projet <strong>culture</strong>l se conjuguent et s’harmonisent dans<br />

une proximité affermie : une concorde d’esprits. Ainsi chaque<br />

année, à l’automne, dans le cadre de l’opération « bon baiser<br />

de… », le Musée d’Aquitaine ouvre ses portes aux différentes<br />

communautés bordelaises qui viennent présenter leur<br />

<strong>culture</strong> d’origine.


FOCUS<br />

Bibliothèques <br />

Cultiver<br />

ses désirs<br />

Bibliothèque Mériadeck<br />

Espace Musique Bibliothèque Mériadeck<br />

Comité de lecture, Bibliothèque de la Bastide<br />

Projet de la Bibliothèque Armagnac<br />

Biblio.Sport, Quai des Sports<br />

40


FOCUS<br />

Silence ! La règle qui prévaut à<br />

l’église ou à l’hôpital a longtemps<br />

fait autorité dans les bibliothèques.<br />

Mais, depuis une dizaine d’années,<br />

l’image, le son et un patrimoine<br />

numérique exponentiel sont venus<br />

chahuter les anciennes cathédrales<br />

sans voix et les dispensaires de<br />

savoirs. Les sensations ont franchi<br />

le seuil des vénérables institutions<br />

amenant une approche, des<br />

pratiques et des comportements<br />

nouveaux. Attentives, les bibliothèques<br />

de <strong>Bordeaux</strong> s’y adaptent,<br />

s’assouplissent, se réinventent pour<br />

nourrir une complicité plus directe,<br />

une plus grande liberté d’échanges<br />

et de contacts. Au vieil adage<br />

« Sois savante et tais-toi ! » elles en<br />

suggèrent un autre « Sois vivante<br />

et parle-moi ! ». Et préviennent<br />

attentes et besoins par l’attrait<br />

d’incitations nouvelles, mobiles,<br />

éphémères… épicuriennes.<br />

Chacun cherche<br />

son chat<br />

Une ville, quelle qu’elle soit, est<br />

l’espace d’une quête personnelle,<br />

collective, spirituelle et pragmatique.<br />

La démarcation entre l’espace<br />

public et privé s’y estompe. Comme<br />

dans une vaste bibliothèque, chacun<br />

y cherche un « coin » - ou son chat,<br />

suggère le cinéaste Cédric Klapisch<br />

- pour se glisser parmi les<br />

autres, s’isoler en restant connecté<br />

au monde, sans rupture crue. Le<br />

lecteur du XXIe siècle, étudie,<br />

lit, écoute, joue de la musique,<br />

cherche des images, télécharge des<br />

documents visuels ou assiste à des<br />

lectures, des spectacles, joue à des<br />

jeux vidéo… Il n’a pas seulement des<br />

yeux, mais aussi des oreilles, une<br />

bouche, des doigts et des jambes. Il<br />

entend goûter au-dehors l’ambiance<br />

« cocoon » qu’il apprécie chez lui. La<br />

nécessité d’un lieu intermédiaire,<br />

permettant une activité personnelle,<br />

dans le respect de l’autre,<br />

émane d’une aspiration profonde.<br />

Elle motive la restructuration de la<br />

Bibliothèque de Mériadeck. Mais<br />

elle implique également de repenser<br />

la dynamique de l’ensemble des<br />

bibliothèques de la Ville.<br />

Un élan vital<br />

Pour s’ouvrir à chacun, les<br />

bibliothèques s’ouvrent sur la ville.<br />

Les lourdes portes des temples<br />

de la connaissance, pour impressionnantes<br />

qu’elles étaient, n’ont<br />

favorisé ni accès ni proximité. Or,<br />

c’est dans la rue-même, rythmée<br />

par son passage et sa vie ordinaire,<br />

qu’une bibliothèque peut<br />

transformer une appréhension en<br />

invitation. Celle ou celui qui hésite<br />

à en franchir l’entrée, se figure le<br />

parcours du combattant qu’il va<br />

devoir accomplir. Gravir les étages,<br />

chercher, choisir, puis attendre pour<br />

consulter ou emprunter un document,<br />

sont autant de freins à l’envie.<br />

Pour y remédier, la bibliothèque de<br />

Mériadeck opère sa mue en informatisant<br />

ses prêts, en leur dédiant<br />

des bornes dès le rez-de-chaussée et<br />

en créant une cafétéria de plainpied,<br />

en prise directe avec la rue.<br />

Mieux insérée dans les flux citadins,<br />

la Bibliothèque entend ainsi devenir<br />

un appel à la visite, qu’elle soit<br />

planifiée ou improvisée.<br />

Effacer les écarts<br />

L’imposante bibliothèque municipale,<br />

la deuxième de France qui<br />

conserve les prestigieux fonds Montaigne,<br />

Montesquieu et Mauriac,<br />

concentre sur 27 000 m², de multiples<br />

supports de connaissances<br />

destinés aux abonnés, étudiants ou<br />

chercheurs. Aujourd’hui la population<br />

estudiantine, qui constitue 25 %<br />

de la population de la ville, entre<br />

pour 60 % dans sa fréquentation<br />

annuelle de 700 000 visiteurs.<br />

Destinés au service plus spécifique<br />

des publics, deux espaces<br />

pionniers y ont vu le jour. L’Espace<br />

Diderot, accueille, depuis les années<br />

1990, les mal et non-voyants étendant<br />

aujourd’hui ses compétences<br />

à d’autres types de handicaps. De<br />

même, un service d’autoformation,<br />

créé en 2008, propose 34 postes informatiques<br />

offrant des ressources<br />

numériques d’apprentissage du<br />

français aux langues étrangères, de<br />

la bureautique au code de la route.<br />

De taille plus modeste, neuf<br />

bibliothèques de quartier (d’environ<br />

400 m² en moyenne) composent un<br />

réseau inégal dans la ville. Assurant<br />

leur mission de lecture publique,<br />

elles peinent cependant à irriguer<br />

l’ensemble du territoire urbain.<br />

Dans un premier temps, ce constat<br />

lucide a conduit à la mise en place<br />

d’un bibliobus puis, récemment, a<br />

fait naître le projet de la Ville de refondre<br />

et de rééquilibrer l’intégralité<br />

de ce patrimoine bâti, en l’adaptant<br />

à ses perspectives de croissance.<br />

Son remodelage profond tend à<br />

diversifier les publics et stimuler<br />

les bibliothèques dans leur habitat<br />

naturel : la ville entière. Deux nouveaux<br />

bâtiments vont voir le jour<br />

en 2013 dans les quartiers Euratlantique<br />

et Saint-Augustin. Trois<br />

autres formeront un arc, rive droite.<br />

Un lieu hybride, compilant les outils<br />

de la Bibliothèque et du Conservatoire<br />

Jacques Thibaud, accueillera,<br />

entre autres, sur 2 400 m², une<br />

salle de diffusion et un café situé en<br />

regard d’un centre sportif. D’ici à<br />

2020, la superficie des bibliothèques<br />

de quartier de <strong>Bordeaux</strong> devrait<br />

avoir doublé, passant de 3 000 à<br />

6 000 m². Au fur et à mesure de ces<br />

aménagements d’envergure, la ville<br />

engage un travail intercommunal<br />

avec Lormont, Cenon, Floirac pour<br />

favoriser les connexions entre rives<br />

droite et gauche.<br />

41


FOCUS<br />

Sésame ouvre-toi<br />

Dans leurs murs, dans leur<br />

fonctionnement quotidien, toujours<br />

plus automatisé et dématérialisé,<br />

les bibliothèques sont appelées à se<br />

libérer, leurs métiers, à se réinventer.<br />

La diversité des espaces et des<br />

activités proposées vont rassembler<br />

amateurs, curieux et spécialistes,<br />

de toutes générations. Le bibliothécaire,<br />

lui-même, ne sera plus seulement<br />

opérateur ou agent : à l’instar<br />

d’un libraire, il deviendra conseiller,<br />

s’investissant davantage dans la<br />

mise en espace de ses collections et<br />

de leur médiation envers le public.<br />

Ecouté et à l’écoute, il va s’impliquer<br />

dans un contact et un échange<br />

tangible avec le visiteur en face à<br />

face ou à distance, via Facebook,<br />

des blogs ou le portail documentaire<br />

sur Internet, véritable bibliothèque<br />

bis, accessible de jour comme de<br />

nuit. Le bibliothécaire instaure<br />

ainsi un dialogue sur l’œuvre, incite<br />

aux commentaires, sans finalité<br />

marchande, se remet en question.<br />

Quant au document et à l’œuvre,<br />

rendus plus accessibles, ils seront<br />

désacralisés, accoutumant chacun<br />

à une nouvelle proximité devenue<br />

indispensable.<br />

Cette ouverture induit une implication<br />

des bibliothèques dans leur<br />

force d’incitation et de proposition<br />

<strong>culture</strong>lle. Par une plus grande<br />

souplesse des modes de consultation<br />

et de prêts, par la création<br />

d’atmosphères propres à chaque<br />

type d’activité, par l’ouverture<br />

d’espaces éphémères au plus près<br />

des Bordelais, les bibliothèques<br />

offriront à chacun le choix de son<br />

plaisir et de sa découverte. Ouvertes<br />

à des activités nouvelles, dotées<br />

d’une programmation vivante, avec<br />

ses récurrences et ses impromptus,<br />

elles seront un rendez-vous où<br />

l’inattendu sert une approche dynamique<br />

des outils de connaissances<br />

qu’elles portent en elles.<br />

Une légèreté de l’être<br />

Aussi, dans la rue et sur les quais,<br />

les bibliothèques bordelaises ont<br />

déjà commencé à lancer un message<br />

ludique, festif et souvent espiègle<br />

au travers des opérations Bibliobato<br />

ou Biblio-sport. Dernière née,<br />

Bi.Bo (Bibliothèque de <strong>Bordeaux</strong>)<br />

est un blog interactif auquel on<br />

peut accéder directement de son<br />

profil Facebook. En clin d’œil à la<br />

presse féminine, il s’inspire des<br />

psycho-tests proposés l’été dans<br />

les magazines, à consommer de<br />

préférence sur un transat, lunettes<br />

noires sur le front. Ici les questions<br />

renvoient, sur le mode du jeu et de<br />

la découverte de soi, à des connaissances<br />

partagées. Détournement du<br />

langage et titillement de curiosité<br />

tracent un chemin de traverse vers<br />

les livres et les œuvres. Cette<br />

proposition, qui joue du superficiel<br />

à contre-emploi, vise, comme<br />

toutes les initiatives ponctuelles<br />

ou impromptues menées par les<br />

bibliothèques municipales à réduire<br />

la distance entre lecture et lecteurs,<br />

effectifs ou potentiels, à favoriser<br />

une approche spontanée, inscrite<br />

dans une mission, en profondeur,<br />

de sensibilisation, une relation<br />

de confiance et d’échange. Cette<br />

souplesse renforcée n’abroge en<br />

aucun cas l’application et le respect<br />

d’un règlement nécessaire. Mais elle<br />

souligne l’évolution voulue par la<br />

ville dans la qualité des liens entre<br />

bibliothèques et usagers.<br />

In fine, au travers du vaste<br />

programme engagé, c’est bien par<br />

l’imagination et la surprise, que la<br />

Ville cherche à solliciter les appétits<br />

de connaissance, instruments<br />

souverains de cohésion. Ne perdant<br />

jamais de vue la valeur sociale de<br />

cette entreprise, elle apporte les<br />

livres là où ils ne sont pas. Pour<br />

divertir, informer et former, elle<br />

multiplie leurs portages à domicile,<br />

auprès notamment des personnes<br />

âgées. <strong>Bordeaux</strong>, avec l’appui d’associations,<br />

a également constitué<br />

un réseau de « boîtes à livres », dans<br />

son espace urbain, sans règlement<br />

ni pré-usage, utilisant pour cela des<br />

ouvrages déclassifiés et ceux que<br />

déposent les lecteurs.<br />

Ainsi, du Nord au Sud et d’une<br />

rive à l’autre, la ville émaille son<br />

réseau de bibliothèques, pallie ici<br />

une carence, invente là une nouvelle<br />

forme pour un nouvel usage. Plus<br />

visibles, ces établissements viendront<br />

insuffler, au cœur de quartiers<br />

en mutation, une proposition <strong>culture</strong>lle<br />

active et permanente, hors des<br />

anciennes frontières de voisinage.<br />

Par cette restructuration coordonnée,<br />

<strong>Bordeaux</strong> fait vibrer sa<br />

fibre <strong>culture</strong>lle. Elle souligne ainsi,<br />

sur l’ensemble de son territoire, sa<br />

volonté civique de faire du bien-être<br />

et des plaisirs <strong>culture</strong>ls des moteurs<br />

de la vie bordelaise. Embrassant<br />

les attitudes, les comportements<br />

et accompagnant les appétences<br />

de chacun, elle dessine pour tous,<br />

à mesure humaine, une carte<br />

citoyenne de la curiosité, des savoirs<br />

et de l’imagination, qui n’a rien<br />

d’imaginaire.<br />

42


FOCUS<br />

Biblio.Bato, Bassins à flot<br />

Fonds Patrimoniaux, Bibliothèque Mériadeck<br />

Espace de lecture, Bibliothèque Mériadeck<br />

Prêt et retour des documents,<br />

Bibliothèque Mériadeck<br />

43


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

Ouvrir les frontières mentales<br />

Accompagner en amont la création est une question<br />

d’attention aux pratiques existantes et à celles qui<br />

s’inventent au gré d’initiatives et d’aspirations. Mais c’est<br />

aussi l’affaire de ceux, qui entre l’art et les publics, testent,<br />

éprouvent, innovent de nouvelles méthodes pour transmettre<br />

et partager la curiosité et le goût de la connaissance.<br />

Précurseur en matière de sensibilisation et de médiation,<br />

l’art bus sillonnait jadis <strong>Bordeaux</strong> et ses écoles primaires<br />

dès 1975, à la manière d’un bibliobus, bien avant la création<br />

à Paris de l’atelier des enfants au centre Pompidou. Son<br />

héritier, le BAC (Bus de l’Art Contemporain) compose une<br />

visite de la ville au travers de ses institutions, galeries<br />

privées et lieux alternatifs, à la rencontre des artistes.<br />

Emmenée par un historien de l’art qui commente et anime ce<br />

parcours, cette découverte suscite débats et commentaires.<br />

« Je n’aurais pas pensé que… », confient certains passagers<br />

du bus. Cette remarque, à la fois question et conclusion,<br />

illustre une prise de conscience et constitue un pas nouveau<br />

rapprochant tout-un-chacun de l’art contemporain.<br />

Car, appréhender l’autre dans sa propre <strong>culture</strong> pour<br />

l’accompagner dans sa découverte, fomenter en lui une<br />

surprise parfois rebelle qui stimule l’esprit et le plaisir,<br />

sont les finalités de ces initiatives d’ouverture. L’expérience<br />

récente du Biblio.bato est de cet acabit. Ephémère, amarrée<br />

au quai de la Garonne, cette bibliothèque décalée a modifié<br />

l’image traditionnelle d’une institution en attirant ceux qui ne<br />

seraient pas rentrés dans une bibliothèque plus classique.<br />

Lieu de divertissement et de détente le Biblio.bato proposait<br />

une expérience à vivre et à partager, relayée sur le net.<br />

Tout aussi réjouissant, Biblio.sport a brisé le cliché du<br />

lecteur chétif et du sportif sans cervelle. A la manière d’un<br />

étal temporaire, il proposait, sous une tente de 50 m², un<br />

programme <strong>culture</strong>l, des projections de films, des lectures<br />

à la demande mais aussi des psycho-tests littéraires et des<br />

jeux vidéo à plusieurs…[9]<br />

Médiations et propositions inventives<br />

44<br />

9. voir focus :<br />

« Bibliothèques : cultiver<br />

ses désirs »<br />

Autant de spots dans la ville, d’espaces détournés<br />

ou éphémères, rendent plus mobiles les lieux <strong>culture</strong>ls,<br />

s’accordant aux mouvements des gens. La <strong>culture</strong> s’y<br />

désacralise. S’y dématérialise. Pionnier de ce type de<br />

médiation, le CAPC imagine aujourd’hui un prolongement


{ Le CAPC ouvre<br />

la création<br />

contemporaine<br />

à tous }


{ La relation<br />

humaine est<br />

toujours le<br />

point de départ<br />

et d’arrivée }


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

47<br />

numérique aux boîtes-exposition conçues en 1974, support<br />

pédagogique grâce auquel il a pu mener à bien une<br />

sensibilisation à l’art en profondeur. Car, le musée, comme<br />

toutes les instances <strong>culture</strong>lles, artistiques et éducatives<br />

de la Ville a tôt fait de mesurer l’enjeu des perspectives de<br />

ce nouveau médium démocratique, ludique, participatif et<br />

source infinie de connaissance.<br />

S’inspirant d’une expérience américaine, le Muséum<br />

d’Histoire Naturelle invente, dès 1998, « la Nuit au musée »<br />

près de dix ans avant la généralisation de cette pratique<br />

en Europe. Elle est d’abord réservée aux enfants qui y sont<br />

accueillis toute la nuit, pour des activités en soirée, puis<br />

invités à dormir au pied de leur animal préféré, avant de<br />

devenir au petit matin les guides privilégiés de leurs parents.<br />

Depuis son origine, le CAPC, affirme son leadership dans<br />

un paysage artistique international en perpétuel changement.<br />

Carrefour et lieu de rencontre, le centre d’art-musée,<br />

désormais quadragénaire, a su tirer profit de la confrontation<br />

de son architecture pure et austère en formalisant<br />

des propositions artistiques innovantes, éclairant les<br />

problématiques contemporaines. Il se propose aujourd’hui<br />

de relire la mémoire dont il est dépositaire à la lumière<br />

des mutations en marche. Espace public, loin du temple<br />

sacré, le CAPC part, comme il en a toujours eu l’initiative,<br />

au-devant de ses publics, composés à plus de 50% par<br />

des jeunes de moins de 30 ans. Soulignant l’art dans sa<br />

contemporanéité, il chahute ses espaces, dynamise sa<br />

convivialité entretenant sa vocation expérimentale. Il alterne<br />

expositions d’artistes confirmés et projets de jeunes artistes<br />

en devenir, accompagnés d’activités <strong>culture</strong>lles (rencontres,<br />

conférences, performances, concerts, projections…). En<br />

2012, l’exposition dédiée à Michel Majerus dont l’œuvre,<br />

une rampe de Skateboard de 43 mètres de longueur a<br />

investi le cœur du musée, illustre puissamment l’orientation<br />

poursuivie vers un renouvellement des publics. Pop, directe,<br />

décalée et embrassant les codes de la <strong>culture</strong> urbaine, If you<br />

are dead, so it is élargit le champ de l’art. L’œuvre partage<br />

un langage. C’est en présentant des formes artistiques à la<br />

fois exigeantes et généreuses que le CAPC ouvre la création<br />

contemporaine à tous.<br />

Symboles tangibles, outils usuels, actions ponctuelles ou<br />

éphémères, manifestations d’ampleur locale ou d’envergure<br />

nationale contribuent à <strong>Bordeaux</strong> à nourrir la volonté<br />

profonde d’abolir toutes sortes de frontières. Le pari est<br />

relevé par Evento qui, par exemple, associe le collectif<br />

madrilène Democracia et les Girondins de <strong>Bordeaux</strong> pour<br />

proposer aux supporters du club de football des produits<br />

dérivés arborant des aphorismes philosophiques en lieu


FOCUS<br />

Quand l’art<br />

déplace<br />

la réalité<br />

L’équipe nationale de la république<br />

d’Ingouchie / Vieux Condé<br />

Opéra Pagaï<br />

L’appartement cultivable / Saint-Gaudens<br />

48


Festival Chahuts,<br />

Place Saint Michel, 2012<br />

Festival Chahuts 2012,<br />

Battle de Hip Hop par Animaniaxxx<br />

Festival Chahuts 2012,<br />

« We can be heroes», Place Saint Projet<br />

Festival Chahuts 2010,<br />

le Septième étage et demie<br />

49


Les propositions artistiques de la<br />

compagnie Opéra Pagaï et de l’association<br />

Chahuts offrent un regard<br />

neuf sur la ville et les mondes qu’elle<br />

recèle. Caroline Melon, directrice de<br />

Chahuts, et Cyril Jaubert, fondateur<br />

du collectif Opéra Pagaï expliquent<br />

leur démarche et portent un regard<br />

croisé sur leurs expériences.<br />

De structure et d’origine différente,<br />

Chahuts et Opéra Pagaï sont-elles<br />

animées d’une même intention <br />

Caroline Melon : Notre<br />

association, Chahuts, fondée en 1991<br />

sur la pratique des arts de la parole,<br />

s’implique notamment dans une<br />

réflexion sur les mutations du quartier<br />

Saint-Michel. L’art et les gens<br />

sont au cœur de notre approche :<br />

la création permettant d’effectuer<br />

un pas de côté pour explorer notre<br />

environnement urbain ; l’échange<br />

urbain et humain étant une base<br />

pour co-fabriquer nos projets, vivre<br />

des temps collectifs et partager<br />

des aventures qui décalent notre<br />

perception du quotidien.<br />

Cyril Jaubert : De notre<br />

côté, le propos sous-jacent d’Opéra<br />

Pagaï, créé en 1998, est de déflorer<br />

des mondes inconnus que nous<br />

traversons tous les jours. En marge<br />

de représentations traditionnelles<br />

en salle, notre compagnie pratique<br />

un théâtre de la réalité. Elle vient<br />

s’immiscer dans la vie quotidienne,<br />

interpeler chacun et déjouer des<br />

certitudes intimes. Aussi, en perturbant<br />

un tant soit peu le quotidien,<br />

en y portant un regard différent<br />

et souvent décalé, on peut vivre sa<br />

ville différemment. Et lorsque l’on<br />

déplace un peu la réalité, jaillissent<br />

autour de nous des ressources<br />

insoupçonnées.<br />

Quelles formes prennent vos propositions<br />

artistiques <br />

C. M. : L’association Chahuts<br />

est active tout au long de l’année.<br />

Nous menons de nombreuses<br />

actions de sensibilisation, d’ateliers<br />

de pratique artistique, de<br />

parcours <strong>culture</strong>ls, en collaboration<br />

avec des centres d’animation<br />

et de formation, des associations<br />

socio<strong>culture</strong>lles, des structures<br />

d’insertion professionnelle et<br />

sociale, des bibliothèques, des<br />

collèges, etc. En écho à ce travail,<br />

en tant qu’opérateurs et organisateurs,<br />

nous construisons également<br />

le festival Chahuts à partir de<br />

spectacles préexistants, comme<br />

des programmateurs classiques.<br />

Par exemple, les GreetChahuteurs<br />

(de « greeter » en anglais, l’hôte),<br />

inventés pendant le festival et adaptés<br />

aux Journées européennes du<br />

patrimoine, proposent des balades<br />

personnelles, sensibles et poétiques<br />

du quartier Saint-Michel pour en<br />

faire découvrir ou redécouvrir<br />

des recoins méconnus ou oubliés.<br />

Les habitants deviennent alors les<br />

guides éphémères de leur propre<br />

quartier selon un tracé qui n’est<br />

ni patrimonial ni historique mais<br />

sensible, sentimental, lié au plaisir<br />

de chacun, au cœur de leur environnement<br />

immédiat. C’est la rue d’un<br />

premier baiser, la boulangerie de<br />

la meilleure chocolatine… Par cette<br />

approche inhabituelle nous mettons<br />

en lumière des instants fragiles, des<br />

espaces délicats, des atmosphères<br />

singulières porteuses d’imaginaire<br />

et d’invention qui se greffent et<br />

prennent vie, autour de chacun. Car,<br />

il ne s’agit pas pour nous de changer<br />

le regard des gens mais, tout au<br />

plus, en multipliant les points de<br />

vue, de remodeler le sien.<br />

C. J. : Les interventions d’Opéra<br />

Pagaï, sont elles aussi multiples et<br />

protéiformes. De la Maison sur l’eau -<br />

une famille vivant son ordinaire sur<br />

la Garonne - à Safari intime - pièce<br />

jouée et vécue chez l’habitant - nous<br />

proposons aux citadins comme<br />

aux ruraux, toujours à partir d’une<br />

perturbation du quotidien, une<br />

réflexion sur leur propre territoire,<br />

leur quartier. Cette « mise en scène »<br />

appelle la collaboration des gens qui<br />

vivent là et participent à l’écriture<br />

et la réalisation de ces projets. Ces<br />

propositions sont autant d’intrusions<br />

artistiques dans l’espace<br />

public – c’est-à-dire un espace plein,<br />

aux dimensions variées, chargé de<br />

vies et de gens. Par cette intrusion<br />

nous tentons de comprendre les<br />

enjeux sociaux et <strong>culture</strong>ls du territoire<br />

sur lequel nous travaillons. La<br />

question n’est donc pas uniquement<br />

spatiale. Ainsi, les résidences qui<br />

nous permettent de nous immerger<br />

dans un territoire constituent un<br />

travail in situ, sur mesure, pour<br />

que chaque projet colle à l’échelle<br />

humaine et à l’histoire qu’on y<br />

amène ou que l’on en dégage.<br />

L’espace urbain est donc une « matière<br />

première » de recherche, de création et<br />

d’échange <br />

C. M. : Notre propos n’est pas de<br />

savoir où l’on veut intervenir. Nous<br />

ne sommes pas face à un choix :<br />

nous prenons en compte tous les<br />

espaces quels qu’ils soient. C’est en<br />

ce qu’il a de signifiant que l’espace<br />

nous intéresse. C’est une base de<br />

travail. Chahuts, par exemple,<br />

est totalement lié au quartier où<br />

l’association intervient, ce qui ne<br />

l’empêche pas d’intervenir ailleurs<br />

comme actuellement dans le Lot<br />

et Garonne. L’important pour<br />

nous est de mener des projets<br />

50


en adéquation avec des gens, de<br />

proposer un projet artistique, de<br />

co-fabriquer et d’échanger avec des<br />

artistes, commerçants, collectivités<br />

ou associations socio<strong>culture</strong>lles…<br />

Chaque rencontre est essentielle,<br />

on se raconte qui on est, on échange<br />

sur nos valeurs et après seulement<br />

nous voyons si nous pouvons<br />

ou non travailler ensemble. La<br />

ville est une matière première en<br />

tant qu’espace de prise de parole,<br />

d’écoute, d’expression créative dans<br />

une optique d’ouverture, d’enrichissement,<br />

d’épanouissement.<br />

C. J. : Nos géographies sont semblables.<br />

Nous concevons l’espace<br />

urbain comme un contexte. Jamais<br />

vide. Notre matière première c’est<br />

d’abord l’humain. C’est autour de<br />

lui – acteur spectateur, passant.. que<br />

s’organise réflexion, création et mise<br />

en scène.<br />

Menez-vous des projets en commun <br />

C. J. : Nos collaborations ont<br />

toujours pour socle l’échange de<br />

nos savoir-faire. Comme les gens<br />

d’un même quartier nous sommes<br />

complémentaires.<br />

C. M. : Nous accueillons des<br />

spectacles qu’Opéra Pagaï a pensé<br />

et officions en tant que programmateur,<br />

relais et trait d’union sur<br />

le territoire. Dans le cadre de notre<br />

travail sur la mutation de Saint-Michel<br />

nous avons invité Opéra Pagaï<br />

à réagir vis-à-vis du projet que nous<br />

allons mener pendant trois ans<br />

dans le quartier.<br />

Quels publics imaginez-vous pour<br />

demain <br />

C. M : Le mot public a une connotation<br />

passive et tend à assimiler<br />

le spectateur à un consommateur.<br />

La diversité des personnes qui<br />

d’une manière ou d’une autre nous<br />

suivent, en assistant aux spectacles,<br />

en intervenant avec nous ou simplement<br />

en se donnant rendez-vous au<br />

bar de l’association Chahuts pour<br />

échanger composent un ensemble<br />

que nous ne cherchons ni à quantifier<br />

ni à définir. Le mot public est un<br />

mot-valise.<br />

C. J. : Avec Opéra Pagaï, le<br />

passant devient soudain spectateur.<br />

Parfois on le sollicite. Pourquoi<br />

chercher à définir des contours Au<br />

risque de segmenter et réduire notre<br />

démarche et l’ouverture de notre<br />

intention. Alors comment se poser<br />

pour demain une question que l’on<br />

ne se pose pas aujourd’hui <br />

Après plus de dix ans d’expérience,<br />

l’association Chahuts et la compagnie<br />

Opéra Pagaï constituent-elles une<br />

nouvelle approche du spectacle <br />

C. J. : Notre propos est de mettre<br />

en scène un paysage humain par<br />

des moyens que nous inventons, des<br />

mises en situation, des spectacles,<br />

des interventions « perturbatrices »,<br />

des surprises… C’est peut-être<br />

l’insupportable du réel qui nous<br />

pousse à jouer avec, pour le rendre<br />

beau, intéressant, vivable et nourrissant.<br />

Si le spectacle est un moyen,<br />

nous ne cherchons pas à tout prix<br />

le spectaculaire. Notre finalité<br />

tient davantage d’un état d’esprit,<br />

d’une conscience affirmée et d’une<br />

volonté pour mettre en lumière<br />

des contextes et des enjeux. Tout<br />

cela est induit dans nos propositions.<br />

Effectivement, nous ne nous<br />

enfermons pas dans une catégorie<br />

et ne souhaitons pas l’être. Car nous<br />

ne cherchons pas à nous définir par<br />

rapport à ce que nous faisons, mais<br />

à permettre à ceux qui s’embarquent<br />

dans notre aventure d’y trouver<br />

plaisir et conscience.<br />

C. M. : Nos projets ne sont pas des<br />

propositions événementielles mais<br />

plutôt un rassemblement, à l’image<br />

d’une fête de famille. C’est une posture<br />

au monde. C’est une approche<br />

au cas par cas basée sur l’écoute,<br />

qui n’a rien de systématique et se<br />

module, se transforme au gré des<br />

rencontres.<br />

C. J. : L’important est de trouver<br />

la justesse du propos et la place de<br />

chacun, pour nous y compris. Et<br />

d’agir dans le quotidien de la ville,<br />

les festivals ou rassemblements<br />

populaires…<br />

C. M. : Nous abordons la <strong>culture</strong><br />

dans son sens le plus large, sans<br />

élitisme, pour conjuguer des valeurs<br />

humaines de courage, d’audace, de<br />

délicatesse, de fragilité toujours<br />

centrées sur la vie des gens.<br />

Festival Chahuts, 2011<br />

51


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

et place des habituels slogans. Pari relevé également par<br />

l’Opéra National de <strong>Bordeaux</strong>, qui a fait de la question de<br />

la mixité des publics son fer de lance, en mettant en œuvre<br />

des parcours éducatifs d’initiation au chant lyrique. Ainsi le<br />

programme « Ma voix et toi » se construit avec les enfants<br />

des centres d’animation des quartiers durant toute une<br />

année scolaire. Sous la direction d’artistes associés, il se<br />

déroule en trois temps : atelier de pratique, participations à<br />

des spectacles et création artistique puis représentation en<br />

présence des familles, au sein du Grand Théâtre.<br />

Ainsi la Ville pense-t-elle son avenir en conjuguant<br />

au présent l’innovation artistique, pédagogique et<br />

technologique. L’attention au citoyen et à son évolution<br />

en est le point focal, l’échelle et l’objet. Elle mobilise et<br />

sous-tend toutes les initiatives, interventions et projets<br />

menés afin d’ouvrir, quels qu’ils soient, tous les horizons. La<br />

programmation de la Base sous-marine en est d’ailleurs un<br />

exemple éloquent : photographie, festival jazz, danse, théâtre,<br />

si la Base présente artistes émergents ou confirmés elle met<br />

avant tout à l’honneur un public bigarré, intergénérationnel<br />

(près de 100 000 entrées par an) qui éprouve vis-à-vis de ce<br />

lieu atypique un attachement réel.<br />

Stimuler, relayer et valoriser<br />

52<br />

Tout projet n’a qu’une mesure, qu’une destination : l’homme<br />

lui-même. Ce principe fonde et façonne un message de<br />

solidarité de partage et de dialogue, dont la relation humaine<br />

est toujours le point de départ et d’arrivée. Quelque soient<br />

les champs d’intervention, cet objectif constitue une ligne<br />

directrice.<br />

Ici, les actions concertées lancées avec le Centre<br />

communal d’action social (CCAS) promeuvent une<br />

réinsertion par l’art à travers les expositions organisées<br />

dans ses murs, avec l’appui notamment de l’association C<br />

dans la boîte emmenée par le photographe Bruce Milpied.<br />

Habitants des quartiers avoisinants, usagers du CCAS<br />

impliqués dans ces projets, artistes invités trouvent, dans les<br />

rencontres provoquées par ces manifestations la voie d’une<br />

revalorisation de soi, porteuse d’estime et d’encouragement.<br />

Là, un réseau d’entraide aux personnes seules, entretenu<br />

par l’association 5 de cœur et l’école Saint Michel, propose<br />

des soirées de liberté durant lesquelles des parents isolés<br />

peuvent se rendre à un spectacle ou un événement <strong>culture</strong>l<br />

tandis que l’association garde leurs enfants.<br />

Ailleurs encore, s’appuyant, sur les réseaux sociaux, le<br />

CAPC propose aux étudiants étrangers de devenir des


{ Indice de<br />

son attractivité,<br />

les 76%<br />

de charges<br />

de centralité<br />

<strong>culture</strong>lle<br />

de <strong>Bordeaux</strong> }


{ la spécificité<br />

de <strong>Bordeaux</strong><br />

est d’embrasser<br />

toutes les<br />

spécialités<br />

de la <strong>culture</strong>,<br />

au service de<br />

toutes les<br />

formes de<br />

talents et<br />

d’expression }


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

55<br />

10.<br />

Les charges de<br />

centralité sont définies<br />

comme le budget de<br />

fonctionnement financé<br />

par les contribuables<br />

de la Ville Centre,<br />

dévolu au rayonnement<br />

dépassant les limites<br />

de la commune et non<br />

compensé par des<br />

financements publics<br />

complémentaires<br />

« ambassadeurs ». Invités en primeur aux expositions ils<br />

communiquent leurs sensations, leurs points de vue,<br />

avec leur propre langage, à leurs groupes d’amis, tels des<br />

passeurs nomades, virtuels mais efficients.<br />

Cette vocation d’établir et d’étendre des réseaux pérennes<br />

parmi tous ceux qui « font » la <strong>culture</strong> est commune à<br />

l’ensemble des établissements et s’étend bien au-delà des<br />

frontières de la métropole. Indice de son attractivité, les<br />

76% de charges de centralité [10] <strong>culture</strong>lle de <strong>Bordeaux</strong><br />

en font une des villes-centre françaises dont les dépenses<br />

de fonctionnement au service du territoire métropolitain,<br />

départemental et régional sont les plus lourdes. Derrière<br />

ce chiffre, et au-delà de l’origine des publics fréquentant<br />

les établissements, se cachent des réalités concrètes. Ainsi<br />

une part importante de l’activité de l’Opéra National de<br />

<strong>Bordeaux</strong> est-elle consacrée à irriguer le territoire régional.<br />

De même, le réseau des bibliothèques municipales, riche<br />

de la deuxième plus grande bibliothèque de France ainsi<br />

que d’un catalogue regroupant 90% des ressources de<br />

l’agglomération (catalogue commun Ville-Universités),<br />

partage, avec l’ensemble du territoire métropolitain, son<br />

expérience en matière de lecture publique et de patrimoine.<br />

D’une manière plus générale, tous les établissements<br />

<strong>culture</strong>ls sont des relais éducatifs incontournables pour les<br />

enseignants et chercheurs du territoire qu’ils contribuent à<br />

unir et renforcer dans un réseau construit et soudé.<br />

Les valeurs de partage et d’ouverture stimulent ainsi une<br />

transmission des compétences, une mise en commun des<br />

expériences que favorise l’expansion ramifiée du territoire.<br />

Leur effet immédiat se mesure concrètement dans l’aide<br />

apportée aux artistes en situation précaire : l’implantation<br />

de nouveaux espaces, la création de lieux de travail et<br />

d’appartements en collaboration avec des bailleurs sociaux.<br />

Ces valeurs de partage et d’ouverture soulignent une<br />

préoccupation majeure et fondamentale : la question des<br />

publics est l’un des fondements de la politique <strong>culture</strong>lle<br />

bordelaise. Ici encore, la Ville a fait le choix de l’expertise en<br />

fondant sa méthodologie sur le travail mutuel et concerté<br />

des milieux sociaux et <strong>culture</strong>ls.<br />

Culture, social et socio<strong>culture</strong>l :<br />

dynamiser les réseaux interactifs<br />

La spécificité de <strong>Bordeaux</strong> est d’embrasser toutes les<br />

spécialités de la <strong>culture</strong>, au service de toutes les formes de<br />

talents et d’expression. Car pourquoi imposer au citoyen un<br />

seul champ d’action quand la diversité des populations et


CHAP. 1<br />

—<br />

S’affranchir<br />

des frontières<br />

des appétences imposent transversalité et métissage De<br />

ce fait, se pose la question des voies d’accès aux publics les<br />

plus éloignés. Tel est, depuis deux ans, le sens du dialogue<br />

engagé au sein du projet social entre les professionnels de<br />

la <strong>culture</strong> et ceux des actions sociales et socio<strong>culture</strong>lles.<br />

L’objectif poursuivi : aller au plus près des publics les plus en<br />

rupture. La méthode : s’appuyer sur ceux qui les connaissent<br />

le mieux. Au demeurant évident, ce positionnement constitue<br />

une réelle innovation, permettant de lutter efficacement<br />

contre des replis identitaires parfois extrêmement forts<br />

dans certains secteurs. Après plusieurs ateliers et forums<br />

récemment réunis, sous l’appellation « Culture inter social »,<br />

et après un long travail d’élaboration d’un champ lexical<br />

commun, se construit peu à peu un plan d’actions concrètes<br />

qui sert de feuille de route à une démarche concertée.<br />

En dessinant son territoire <strong>Bordeaux</strong> en invente l’écriture<br />

et le langage. Un pari, une évidence et une confiance pour<br />

la future métropole millionnaire en la force des énergies<br />

mobilisées autour de la <strong>culture</strong> et des <strong>culture</strong>s, reflets et<br />

vecteurs de démocratie et de cohésion sociale.<br />

56


{ aller au<br />

plus près<br />

des publics<br />

les plus<br />

en rupture }


a<br />

FOCUS<br />

Vers un campus<br />

d’enseignement<br />

artistique<br />

Novart 2005, Conservatoire Jacques Thibaud<br />

Orphéons, cours de jeunes élèves de 1er cycle<br />

«Laissez-vous guider !» Inauguration des studios<br />

de danse du département danse 2011<br />

58


FOCUS<br />

«House Of The Living Dead»<br />

par l’Ecole supérieure des beaux arts,<br />

Imaginez maintenant, 2010<br />

La Nuit de la création, au CAPC, 2011<br />

Symposium «l’art contemporain»<br />

59


FOCUS<br />

Dans la cité des Anciens, arts<br />

mécaniques et arts libéraux étaient<br />

séparés. Dans celle des Modernes,<br />

les beaux-arts étaient méticuleusement<br />

rangés par l’Académie. Depuis,<br />

à l’école comme au musée, les<br />

disciplines et leurs enseignements<br />

sont restés dissociés, compartimentés,<br />

segmentés. Mais depuis<br />

quelques années, les frontières se<br />

sont ouvertes, bouleversant à tous<br />

points de vue le modèle hérité de<br />

l’Antiquité. A la faveur de cette<br />

mutation, <strong>Bordeaux</strong> a opté pour<br />

une attitude visionnaire : anticiper<br />

dès aujourd’hui l’avenir d’un<br />

enseignement artistique, adapté aux<br />

principes d’une nouvelle ergonomie<br />

de la <strong>culture</strong>.<br />

Un angle de vue<br />

A l’aube du XXIe siècle, la profusion<br />

des médiums, l’immédiateté<br />

des communications, accentuées<br />

par les avancées technologiques,<br />

ont mis en évidence les disparités<br />

et les décalages des enseignements<br />

supérieurs en Europe. L’harmonisation<br />

des qualifications, des diplômes<br />

(licence, master, doctorat) et la<br />

nécessaire mobilité des étudiants,<br />

enseignants et chercheurs ont été<br />

les fondements d’une vaste réforme<br />

lancée en 1999 depuis Bologne,<br />

par les ministres européens de la<br />

<strong>culture</strong>. Désormais, à niveau de<br />

diplôme équivalent, les étudiants<br />

peuvent enjamber les frontières<br />

sans interrompre leur cursus. Ils<br />

viennent chercher là ce qu’ils ne<br />

trouvent pas ici, pouvant compléter<br />

leur formation par une immersion<br />

salutaire en pays étranger. Dès lors,<br />

de l’université aux écoles d’art, les<br />

établissements s’internationalisent,<br />

deviennent autonomes et, pour<br />

certains, se regroupent. Mais, si<br />

les murs extérieurs tombent, les<br />

cloisons intérieures subsistent. La<br />

question de la pluridisciplinarité<br />

ou de la transversalité des enseignements<br />

artistiques reste à la<br />

discrétion des pédagogues. C’est<br />

pourquoi, prenant du champ pour<br />

envisager dès maintenant une suite<br />

logique au processus de Bologne,<br />

<strong>Bordeaux</strong> œuvre pour la création de<br />

son pôle d’enseignement artistique<br />

pluridisciplinaire.<br />

Un projet à longue<br />

portée<br />

Renforcer la synergie entre établissements,<br />

abolir le cloisonnement<br />

des enseignements des arts visuels<br />

aux arts de la scène, proposer aux<br />

étudiants des passerelles que les<br />

instances nationales ne peuvent<br />

encore offrir… l’idée semble tenir<br />

de la simple logique. Pourtant, au<br />

demeurant, peu de villes d’Europe<br />

s’y sont encore engagées.<br />

L’idée est de créer une communauté<br />

d’écoles, un pôle attractif au<br />

service de l’excellence. Mutualisant<br />

les compétences des établissements<br />

d’art de <strong>Bordeaux</strong> et l’ensemble<br />

des enseignements artistiques,<br />

il prendra en compte l’insertion<br />

professionnelle des étudiants, trop<br />

souvent délaissée par les écoles<br />

d’enseignement artistique en<br />

France. A moyen terme, l’accompagnement<br />

des carrières doit devenir<br />

l’une de ses missions. La ville livre<br />

ainsi une version simple des enseignements<br />

artistiques de demain qui<br />

tient en trois objectifs : excellence,<br />

recherche et développement, projet<br />

qu’elle développe au sein du quartier<br />

Sainte-Croix.<br />

Un panorama<br />

prometteur<br />

Sainte-Croix est le quartier bordelais<br />

de la création et de l’enseignement<br />

artistique. Outre de jeunes<br />

galeries et des associations actives,<br />

il réunit sur son sol le Conservatoire<br />

Jacques Thibaud, l’Ecole Supérieure<br />

de Théâtre <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine<br />

(l’ESTBA) au cœur du Théâtre<br />

National de <strong>Bordeaux</strong> (TnBA),<br />

l’Ecole Supérieure des Beaux-arts,<br />

mais aussi l’Institut de Journalisme<br />

<strong>Bordeaux</strong> Aquitaine. La présence<br />

des étudiants, la proximité du Café<br />

Pompier semblent déjà y esquisser<br />

les frémissements d’une future<br />

« cité des arts » qui bénéficiera<br />

également du voisinage de la future<br />

Maison de l’Economie Créative<br />

et de la Culture (MECA) abritant<br />

le Frac (Fonds Régional d’Art<br />

Contemporain) Aquitaine, Ecla<br />

(Agence régionale du livre et du<br />

cinéma) et l’Oara (Office Artistique<br />

de la Région Aquitaine) voire celui<br />

de l’Ecole Nationale d’Architecture<br />

et du Paysage de <strong>Bordeaux</strong> dont le<br />

déménagement est également en<br />

projet.<br />

Ces établissements cultivent<br />

l’excellence. Les cycles à orientation<br />

professionnelle du Conservatoire<br />

permettent à leurs élèves d’intégrer<br />

des établissements d’enseignement<br />

supérieur en musique(s) et arts de<br />

la scène, en France et à l’étranger<br />

(Montréal, Québec, Paris ou Lyon<br />

notamment). De son côté, l’ESTBA<br />

délivre un diplôme de comédien<br />

niveau bac+3. Issus de sa première<br />

promotion en 2010, deux élèves ont<br />

notamment rejoint l’atelier de la<br />

Comédie Française. Quant à l’Ecole<br />

Supérieure des Beaux-arts, membre<br />

du Pôle de recherche et d’enseignement<br />

Supérieur de <strong>Bordeaux</strong>, elle<br />

affirme d’ores et déjà sa polyvalence<br />

et sa place dans le champ de la<br />

recherche après son habilitation<br />

Master délivrée en 2011.<br />

60


FOCUS<br />

Le partenariat étroit liant<br />

Conservatoire, Cefedem Aquitaine<br />

et Université <strong>Bordeaux</strong> III a permis<br />

l’émergence d’un Pôle Supérieur<br />

Musique et Danse. Le rapprochement<br />

avec l’ESTBA est désormais<br />

questionné pour imaginer à moyen<br />

terme un pôle des arts de la scène<br />

avant que des passerelles ne soient<br />

scellées avec l’Ecole Supérieure des<br />

Beaux-arts, à plus long terme.<br />

Hormis ces prédispositions, la<br />

Ville et ses établissements <strong>culture</strong>ls<br />

participent pleinement de l’enseignement<br />

supérieur. Le CAPC, en<br />

partenariat avec 18 classes universitaires,<br />

héberge depuis 2008, l’Unité<br />

d’Enseignement d’expérimentationcréation<br />

et accueille en résidence les<br />

étudiants de l’UFR d’arts plastiques<br />

de l’université Michel de Montaigne<br />

<strong>Bordeaux</strong> III. En Histoire de l’art,<br />

c’est au Musée des Arts Décoratifs<br />

et du Design et au Musée des Beauxarts<br />

qu’ils viennent parfaire leur<br />

formation théorique. Les étudiants<br />

entrent pour 60% dans le nombre<br />

des lecteurs de sa bibliothèque. Ce<br />

taux de fréquentation estudiantine<br />

est identique à celui de la bibliothèque<br />

Mériadeck, qui quant à elle,<br />

assure la formation au patrimoine<br />

des étudiants de l’IUT Métiers du<br />

livre de <strong>Bordeaux</strong> III.<br />

L’objectif est donc aussi simple<br />

qu’ambitieux : <strong>Bordeaux</strong> entend<br />

favoriser et garantir l’excellence<br />

de professionnels et d’artistes<br />

bordelais dans les champs de la<br />

musique, du théâtre et des arts<br />

visuels. Voué à la transdisciplinarité<br />

des enseignements artistiques, son<br />

projet est d’accompagner dans leur<br />

insertion et leur formation continue<br />

les artistes de demain. Et au-delà,<br />

à l’image de l’Ecole Supérieure des<br />

Beaux-arts qui nourrit l’intention<br />

d’intégrer un réseau européen de<br />

formation post-master, au sein d’un<br />

pôle d’excellence comprenant le<br />

Royal College de Londres, l’école<br />

d’art de Bruxelles, l’école d’architecture<br />

et d’art graphique de Venise…<br />

la Ville entend, dès ses premiers<br />

pas, donner à son pôle d’enseignement<br />

artistique le pouvoir attractif,<br />

tant européen qu’international,<br />

d’une fabrique <strong>culture</strong>lle, innovante,<br />

ouverte et adaptée aux arts<br />

de demain, à leurs concepts, leurs<br />

formes et leur économie.<br />

Petite harmonie, Fête de la musique des enfants au Jardin Public, 2012<br />

61


Goûter<br />

plaisirs<br />

de la Cit<br />

pour une expérience<br />

personnelle et collective<br />

du patrimoine et de la ville<br />

«Dancing in the street», Place Saint-Michel,<br />

par Allez les Filles,2011


les<br />

é<br />

Evento 2011, «Palace» par Exyzt, Marché des Capucins<br />

Evento 2011, «Palace»: Boum VIK (Very Important Kid)<br />

au Marché des Capucins


Evento 2011, «La Maison sur l’eau»,par Opéra Pagaï, 2012


Evento 2011, «3*8=24», Partie Commune, EBABx, 2011<br />

Espace d’exposition Crystal Palace, par Zébra 3, Place du Parlement


Lieux Possibles 3, «l’Institut du Point de vue» par Bruit du Frigo, la Benauge<br />

Ballade urbaine en vélo<br />

aux Bassins à Flots<br />

Evento 2011, EXODO<br />

par l’Agence Créative,<br />

Place de la Victoire


Orchestre d’Harmonie de <strong>Bordeaux</strong>, concert Jardin Public<br />

Boxe & Soul, par Allez les Filles et le Boxing Club Bordelais, Saint Michel, 2011


La cathédrale Saint André depuis la Tour Pey Berland<br />

Dancing in the streets,<br />

Place Saint-Michel, par Allez les Filles, 2011<br />

Evento 2009, concert de Bassekou Kouyaté sur les quais


Evento 2011,» <strong>Bordeaux</strong> Rosso»<br />

par Pippo Delbono, Place de la Comédie<br />

Evento 2009, «Travelling Music» par Diller&<br />

Scofidio, Conservatoire Jacques Thibaud<br />

Evento 2011, séance photo<br />

au Marché des Capucins


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

Epicurienne, <strong>Bordeaux</strong> cultive sa terre,<br />

son vin, sa table, comme elle soigne son<br />

esprit et sa physionomie. Séductrice et<br />

attentive elle porte autant de soin à ses<br />

racines historiques qu’aux forces créatives<br />

de ses avant-gardes. Car ici, chacun, à<br />

soi-seul, est un public à la fois unique et<br />

métissé, témoin et acteur d’un contexte<br />

urbain polymorphe. Pour en orchestrer<br />

l’habile brassage, <strong>Bordeaux</strong> bouscule<br />

les habitudes, surprend les regards.<br />

Arc‐boutée sur une proximité renforcée,<br />

géographique et humaine, des lieux de<br />

<strong>culture</strong>s, la ville offre en partage ses<br />

patrimoines anciens et contemporains,<br />

peaufine ses futurs quartiers pour en<br />

proposer des saveurs et des sensations<br />

nouvelles.<br />

Evento 2009<br />

70


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

Un héritage universel<br />

en commun<br />

Assumer l’héritage<br />

71<br />

Harmonie, symétrie et lumière frappent l’œil du visiteur qui<br />

longe les façades embellies des quais de <strong>Bordeaux</strong> avant de<br />

s’engager dans les ruelles médiévales et romanesques pour<br />

passer tour à tour de créations des années 1920-1930 en<br />

propositions contemporaines.<br />

Cet environnement qui rythme et nourrit, au quotidien, le<br />

regard des Bordelais représente un héritage considérable<br />

particulièrement visible: pas moins de 358 sites protégés (le<br />

nombre le plus important en France après Paris) dont 150<br />

classés au titre de Monuments Historiques et quelque 20<br />

édifices cultuels. A ces bâtiments s’ajoutent un abondant<br />

patrimoine mobilier (fontaines, statues … qui totalise plus<br />

de 368 objets protégés) et une quarantaine d’orgues. S’y<br />

adjoignent bien sûr les collections des musées municipaux,<br />

ainsi que les fonds précieux des Archives municipales*<br />

et ceux de la Bibliothèque de <strong>Bordeaux</strong> qui, outre un<br />

ensemble impressionnant de manuscrits conserve les fonds<br />

de trois illustres auteurs d’origine aquitaine – Montaigne,<br />

Montesquieu, Mauriac –donnant à <strong>Bordeaux</strong> son surnom de<br />

« ville des 3 M ».<br />

Afin de préserver et transmettre ce patrimoine aux<br />

générations futures, l’ensemble des établissements <strong>culture</strong>ls<br />

consacre, avec l’aide de l’Etat, près de 250 000 euros<br />

annuels à la restauration des collections. La préservation<br />

du bâti, constitue, quant à elle, une enveloppe avoisinant 2<br />

millions d’euros par an.<br />

Depuis 2004, la Ville opère d’ailleurs un recensement<br />

minutieux de son paysage urbain et architectural dont la<br />

sauvegarde et la mise en valeur ont été inscrites à son Plan<br />

local d’urbanisme (PLU). Accompagné dans sa réalisation<br />

par le service régional de l’Inventaire, il bénéficie du soutien<br />

financier de la DRAC.<br />

L’expertise menée par la Mission de recensement<br />

du paysage architectural et urbain, sur l’ensemble des<br />

40 000 parcelles qui forment le centre ville – et débordent<br />

largement du secteur protégé – permet de déterminer<br />

consciencieusement les espaces, verts ou bâtis à<br />

sauvegarder, restaurer ou maintenir en l’état, de ceux qui<br />

pourront accueillir des constructions nouvelles, parfaitement<br />

intégrées à leur environnement.


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

72<br />

11. voir focus :<br />

« Le Musée d’Aquitaine, la<br />

mémoire en route »<br />

Ce recensement concerne le territoire de la ville de pierre<br />

– 1 400 hectares – et s’étend géographiquement jusqu’à<br />

la ceinture des boulevards et au-delà, à Caudéran, Saint-<br />

Augustin et La Bastide. Mais, dans les consciences, la<br />

Ville mène en parallèle des actions de sensibilisation pour<br />

la protection du patrimoine et la promotion de la qualité<br />

urbaine, auprès du plus large public possible. De multiples<br />

éditions – Carnets d’une ville en héritage, Parcours de la<br />

ville de pierre, livrets ville d’art et d’histoire… – exposent,<br />

expliquent et illustrent les qualités du patrimoine bordelais<br />

ainsi que les règles qui régissent son urbanisme et son<br />

architecture.<br />

En 2011, la Ville a également lancé un ambitieux plan<br />

d’inventaire et d’étude du mobilier auprès des lieux cultuels<br />

dont seules les œuvres peintes avaient fait l’objet d’un<br />

recollement récent. Planifiée sur plusieurs années, cette<br />

démarche aboutira à une meilleure conservation des objets<br />

mais aussi à un partage public des informations récoltées,<br />

grâce à une base de données alimentée de documents<br />

historiques, bibliographiques et photographiques.<br />

Mieux connaitre son patrimoine c’est d’abord en faciliter<br />

l’accès. C’est pourquoi, la Ville développe un programme<br />

de travaux d’accessibilité physique pour l’ensemble des<br />

bâtiments accueillant le public, en apportant un soin attentif<br />

à la préservation de leur intégrité et de leurs spécificités<br />

architecturales.<br />

Car assumer un héritage est une affaire commune, une<br />

question de partage. L’invitation et l’intégration mutuelle<br />

des habitants dans l’histoire collective y tiennent un rôle<br />

aussi essentiel que la connaissance sans concession et<br />

la conscience, pour chacun, des épisodes sombres du<br />

passé. Une promenade dans le cœur historique, allant du<br />

Grand Théâtre au Musée d’Aquitaine en passant par le<br />

Musée des Arts Décoratifs et du Design, verre grossissant<br />

d’un art de vivre riche, procure la découverte des facettes<br />

contrastées d’un <strong>Bordeaux</strong> des Lumières : période d’intense<br />

créativité esthétique, technique, comme en attestent par<br />

exemple les instruments de mesure ou encore les objets<br />

de vie quotidienne des derniers parlementaires de l’Ancien<br />

Régime, exposés dans l’Hôtel de Lalande, elle est également<br />

synonyme d’un commerce en droiture qui contribua à<br />

alimenter grandement la prospérité de la ville portuaire. La<br />

part de <strong>Bordeaux</strong> dans l’histoire de l’esclavage est abordée<br />

en profondeur dans les salles permanentes dédiées au<br />

XVIII e siècle du musée d’Aquitaine, faisant de l’établissement<br />

l’un des premiers en Europe, avec Nantes et Liverpool, à<br />

traiter cet aspect. [11]<br />

La question de la mémoire collective a également présidé


{ Assumer un<br />

héritage est une<br />

affaire commune,<br />

une question<br />

de partage }


{ La part de<br />

<strong>Bordeaux</strong> dans<br />

l’histoire de<br />

l’esclavage est<br />

abordée sans<br />

détour }


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

à la création dès 1967, du Centre national Jean Moulin,<br />

musée et centre de documentation de la Seconde Guerre<br />

Mondiale. Installé dans les locaux de l’ancienne Caisse<br />

d’Epargne de <strong>Bordeaux</strong>, ce lieu, présentant des documents<br />

d’époques ainsi que de nombreuses expositions, permet<br />

d’appréhender l’histoire de la Résistance, de la Déportation,<br />

le rôle des Forces Françaises Libres. Il apporte, en se<br />

tournant vers l’avenir, sa contribution à l’enseignement et à la<br />

recherche.<br />

Ville d’Histoire, <strong>Bordeaux</strong> choisit d’inciter le visiteur<br />

à penser demain de manière responsable, à travers<br />

la compréhension profonde de son patrimoine dans<br />

une approche sans fard tant scientifique, pédagogique<br />

qu’esthétique. Car les strates du temps s’imbriquent dans les<br />

murs de la ville, de façon parfois brutale comme à la Base<br />

sous-marine. [12] De rues en quartiers, passé et présent se<br />

toisent, offrant une lecture urbaine pour laquelle chacun doit<br />

pouvoir disposer des codes et des clés.<br />

Interroger son patrimoine et ses symboles<br />

75<br />

12. voir focus :<br />

« La Base sous-marine :<br />

le lieu réconcilié »<br />

Le militantisme bordelais pour la reconnaissance de<br />

patrimoines multiples qui donnent à la ville son visage actuel<br />

appelle, de fait une attention permanente à son architecture<br />

et son urbanisme contemporain. Tout au long de l’année,<br />

l’association Arc en rêve mène, depuis sa création en 1981,<br />

une active sensibilisation <strong>culture</strong>lle dans les domaines de<br />

l’architecture, de la ville, du paysage et du design auprès de<br />

tous les publics. En promoteur de la qualité du cadre de vie,<br />

ce centre d’architecture de dimension internationale organise<br />

expositions, conférences, débats, éditions, animations pour<br />

enfants, séminaires pour adultes et visites. Tel un bilan<br />

d’étape, la biennale d’architecture Agora est devenue un<br />

rendez-vous d’échanges entre architectes et urbanistes du<br />

monde entier tels que Rem Koolhaas, Bernard Reichen, Rudy<br />

Ricciotti, Eduardo Souto de Moura ou encore Djamel Klouche<br />

et Marc Barani – qui ont respectivement dirigé ses deux<br />

dernières éditions. Chaque biennale est aussi l’occasion de<br />

questionner dans ses symboles le patrimoine contemporain<br />

bordelais, ses échoppes, ses cœurs d’îlots, ses paysages<br />

urbains en devenir, ses chais rendus habitables. L’événement<br />

est aussi un appel à idées, lancé auprès de jeunes designers<br />

invités à revisiter la petite tasse à café, sous l’égide d’un jury<br />

de personnalités tel que Tobia Scarpa – récemment exposé<br />

au musée des arts décoratifs – ou encore Andrea Branzi,<br />

jury du Prix design en 2010. Les propositions parviennent<br />

par centaines. A cette occasion, les liens entre savoir-faire


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

artisanal et édition de mobilier, entre design et industrie<br />

sont mis en relief, offrant, en complément des expositions<br />

thématiques du Musée des Arts Décoratifs et du Design, leur<br />

application directe dans un dialogue public.<br />

Du design à l’urbanisme, <strong>Bordeaux</strong> démontre, affirme et<br />

revendique sa volonté de partager et de transmettre au plus<br />

grand nombre un patrimoine diversifié.<br />

Faire vivre un patrimoine polymorphe<br />

76<br />

Refusant avec force l’idée qu’un ensemble classé puisse<br />

devenir un décor figé dans son éternité fragile, la Ville<br />

livre sa version personnelle des Journées européennes du<br />

patrimoine, auxquelles elle ajoute – en filigrane – l’adjectif<br />

« vivant ». La manifestation a depuis longtemps transgressé<br />

les frontières du centre ancien et du secteur sauvegardé<br />

pour essaimer sur l’ensemble du territoire, en relevant<br />

le défi de promouvoir des richesses d’un autre type :<br />

celles des quartiers eux-mêmes, de l’identité portuaire et<br />

industrielle mais aussi celles de l’humain et de l’immatériel.<br />

La découverte des sites – ici par un spectacle de théâtre<br />

ou une lecture, là grâce à un concert ou un atelier de bande<br />

dessinée – suggère et souligne la proximité et la diversité<br />

d’appropriations possibles. A <strong>Bordeaux</strong>, la manifestation,<br />

par son approche décalée, met en lumière les qualités et les<br />

possibilités transversales des lieux et des espaces, dans les<br />

moindres recoins de la ville. En signe d’une sensibilisation<br />

active et réussie, les Journées européennes du patrimoine<br />

ont attiré pour leur dernière édition, 130 000 visiteurs pour<br />

130 manifestations sur 98 sites. Ce bilan consacre la formule<br />

bordelaise au rang des plus remarquées en Europe.<br />

Implicitement, <strong>Bordeaux</strong> pose à chacun une question grave<br />

en termes légers : comment habiter une ville classée, la faire<br />

grandir, dans ses marges et dans son centre Telle est l’une<br />

des préoccupations qui fonde le dialogue entre la ville, ses<br />

équipes et ses habitants. Saisir son évolution architecturale,<br />

urbaine et paysagère jusqu’à nos jours en regard de l’avenir,<br />

sont notamment les motifs de la création de <strong>Bordeaux</strong><br />

Patrimoine Mondial, nom choisi pour le nouveau Centre<br />

d’interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, situé place<br />

de la Bourse, qui ouvrira ses portes en 2014. Son parcours<br />

interactif oriente les publics vers les hauts lieux de la Ville<br />

unis dans une même visite, réunit un espace d’exposition<br />

permanent qui livre les clefs d’une lecture récréative du<br />

paysage urbain bordelais ainsi qu’un espace pédagogique.<br />

C’est également le lieu d’information sur l’actualité des<br />

grands chantiers patrimoniaux en cours.


{ <strong>Bordeaux</strong><br />

revendique<br />

sa volonté<br />

de transmettre<br />

au plus grand<br />

nombre<br />

un patrimoine<br />

diversifié }


{ 130 000 visiteurs<br />

pour 130 manifestations<br />

sur 98<br />

sites : la formule<br />

bordelaise<br />

des Journées<br />

Européennes<br />

du Patrimoine<br />

est au rang des<br />

plus remarquées<br />

en Europe }


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

79<br />

Sur le terrain, la Ville propose à ses habitants des « balades<br />

urbaines » permettant de porter un nouveau regard sur<br />

un patrimoine familier (notamment celui plus récent des<br />

quartiers situés en dehors du secteur ancien sauvegardé).<br />

Conçues avec l’Office de Tourisme, réalisées par des jeunes<br />

médiateurs des Villes D’art et d’Histoire, elles permettent<br />

l’accès de tous, grâce à une offre tarifaire avantageuse et<br />

des visites gratuites pour les moins de 18 ans. Ce dispositif<br />

vient compléter une offre abondante nourrie par l’Office de<br />

Tourisme mais également par les associations – à l’instar de<br />

Pétronille, Histoire de Voir, ou encore Tout Art Faire – dont<br />

la vocation est une découverte atypique des lieux, de leur<br />

histoire et de leurs personnages.<br />

Toute l’année, le patrimoine devient le théâtre d’instants<br />

de partage avec les publics, du croisement des disciplines.<br />

Ainsi, la présence dans la ville d’un patrimoine important<br />

d’orgues, dont beaucoup sont classés au titre de Monument<br />

Historique, a permis d’ouvrir la voie, grâce à la concordance<br />

d’une campagne ambitieuse de restauration et de<br />

maintenance, à l’organisation régulière de concerts et d’une<br />

saison estivale exceptionnelle. Outre le festival international<br />

d’orgues porté par Musica in Cathedra, les associations<br />

de valorisation d’instruments anciens offrent nombre<br />

d’occasions pour découvrir richesse sonore et ampleur des<br />

répertoires tant sacrés que profanes, de la musique baroque<br />

à la création contemporaine.<br />

Dans le respect d’un passé vivifié, les vestiges<br />

archéologiques, notamment les fouilles du Palais Gallien,<br />

se présentent sous un angle original. Rare vestige visible du<br />

<strong>Bordeaux</strong> antique, ce lieu constitue à la fois une énigme et<br />

un plaisir pour les yeux du flâneur qui en découvre la haute<br />

silhouette en plein cœur d’un quartier élégant du centre. Le<br />

relevé en 3D des résultats, ainsi que leur actualisation et<br />

leur analyse ont fait l’objet d’expositions et de commentaires<br />

destinés aux visiteurs, voisins et touristes. Sa redécouverte<br />

par un plus large public est l’œuvre de l’association<br />

bordelaise Jean Vigo Evénements, pionnière en France des<br />

Ciné sites, qui y projeta l’épopée cinématographique d’un<br />

Spartacus à la conquête de sa liberté, retrouvant ainsi un<br />

cadre historique. De découvertes en fouilles, <strong>Bordeaux</strong><br />

instille un décalage poétique et didactique, provoque un<br />

rapport et un regard différent au patrimoine, pourfendant<br />

toute idée d’élitisme.<br />

Omniprésent dans la ville, ce patrimoine bordelais<br />

polymorphe constitue également, pour les artistes, une<br />

source d’inspiration, une matière brute de création, un<br />

environnement à explorer et interroger pour mieux le<br />

partager au quotidien.


{ Comment<br />

habiter une<br />

ville classée,<br />

la faire grandir,<br />

dans ses marges<br />

et dans son<br />

centre }


{ ce patrimoine<br />

bordelais<br />

polymorphe<br />

constitue<br />

une source<br />

d’inspiration,<br />

une matière brute<br />

de création }


FOCUS<br />

Le musée<br />

d’Aquitaine <br />

la mémoire<br />

en route<br />

Figure de reliquaire, Gabon (Kota),<br />

Musée d’Aquitaine<br />

Atelier Masques des Pays Lointains,<br />

Musée d’Aquitaine<br />

Musique et danse « Kinta »,<br />

Nuit des Musées 2011, Musée d’Aquitaine<br />

Arts d’Afrique. Voir l’Invisible,<br />

Exposition temporaire, Musée d’Aquitaine<br />

Les Armes de <strong>Bordeaux</strong>,<br />

vitrail XVeme siècle,<br />

Musée d’Aquitaine<br />

82


FOCUS<br />

Rosace de l’église des Grands Carmes<br />

de <strong>Bordeaux</strong>, Musée d’Aquitaine<br />

« Je suis homme et crois que rien<br />

d’humain ne m’est étranger » avait<br />

inscrit Michel de Montaigne au plafond<br />

de son cabinet de travail. Ces<br />

mots, empruntés au poète Térence,<br />

semblent guider le Musée d’Aquitaine<br />

dans sa course. Dédié à la<br />

civilisation, il a choisi une approche<br />

humaniste pour faire vivre et valoriser<br />

sa mémoire et son patrimoine.<br />

Telle une balise sur un chemin qui<br />

mène à l’autre, elle construit un dialogue,<br />

offre les repères tangibles de<br />

la diversité des <strong>culture</strong>s et des sociétés.<br />

Par la rencontre des regards et<br />

de la conscience, le Musée d’Aquitaine<br />

accompagne le visiteur dans<br />

l’histoire bordelaise et de sa région,<br />

l’éclaire des relations que la ville a<br />

tissées à travers le monde, au fil du<br />

temps, parmi des peuples des cinq<br />

continents.<br />

Statue d’Hercule,<br />

fin IIème siècle,<br />

Musée d’Aquitaine<br />

83


FOCUS<br />

Esprit es-tu là <br />

Certains musées possèdent un<br />

souffle invisible, diffus mais perceptible.<br />

Comme si les hauts murs qui<br />

les soutiennent, les innombrables<br />

objets qui les habitent, invitaient la<br />

curiosité, l’intérêt et l’interrogation<br />

à mener leur enquête. Au cœur<br />

d’un monde contemporain rythmé<br />

d’images, omniprésentes, souvent<br />

virtuelles et désincarnées, on vient<br />

y humer une réalité sans filtre, voir<br />

de ses propres yeux, appréhender<br />

l’authentique, trouver une réponse<br />

aux questions en suspens. Alors,<br />

l’inconnu devient moins étranger.<br />

L’air humaniste et introspectif que<br />

respirait Montaigne semble imprégner<br />

les salles du Musée d’Aquitaine,<br />

sous lesquelles d’ailleurs il<br />

repose.<br />

Dans sa traversée du temps, de<br />

la préhistoire à nos jours, le musée<br />

offre une pause rationnelle, un recul<br />

au présent, un éclairage scientifique<br />

mais propose surtout un échange.<br />

Sa mémoire est vaste car son édifice<br />

comme ses collections font corps à<br />

l’histoire de la ville dans un mouvement<br />

d’assemblage constant. Son sol<br />

tour à tour occupé dès le XIIIe siècle<br />

par un hôpital, la Commanderie<br />

Saint Antoine, un couvent des Feuillants,<br />

a vu s’édifier, au XIXe siècle la<br />

faculté des Lettres et des sciences.<br />

En 1987, le Musée d’Aquitaine d’histoire<br />

régionale s’y établit. Il réunira<br />

lui-même plusieurs institutions :<br />

un cabinet des Antiques, un musée<br />

lapidaire et un musée de l’Homme,<br />

augmentés de collections textiles,<br />

de costumes, d’accessoires, d’armes<br />

et d’objets anciens, et de fonds<br />

iconographiques comme l’imagerie<br />

industrielle de la Maison Goupil,<br />

éditeur d’art parisien du XIXe<br />

siècle. L’ensemble encyclopédique<br />

qu’il conserve comprend près d’1,3<br />

million de pièces (archéologiques,<br />

historiques et ethnographiques),<br />

dont un grand nombre provenant<br />

d’Afrique et d’Océanie, une<br />

précieuse bibliothèque de livres<br />

anciens, manuscrits et imprimés,<br />

assortie de 27 000 ouvrages,<br />

de travaux universitaires et de<br />

périodiques… La richesse de ses collections,<br />

révèle une à une les strates<br />

d’une évolution de la ville, héritière<br />

de ses savoirs.<br />

Le parfum des autres<br />

L’histoire, l’archéologie, l’anthropologie<br />

et les sciences sociales sont<br />

autant de chemins d’accès pour un<br />

très large éventail de centres d’intérêt<br />

et de publics. C’est pourquoi, à<br />

l’écoute de populations différentes<br />

- historique, humaine et scientifique<br />

- le Musée d’Aquitaine s’adresse à<br />

chacun. Des collégiens aux actifs,<br />

des universitaires aux communautés<br />

étrangères, des publics<br />

« empêchés » aux retraités, le Musée<br />

d’Aquitaine renforce et alimente les<br />

débats contemporains. L’entrée gratuite<br />

des salles permanentes depuis<br />

2005, une programmation <strong>culture</strong>lle<br />

dynamique de conférences,<br />

concerts, spectacles, colloques,<br />

projections de films qui accompagnent<br />

tout au long de l’année les<br />

expositions, en font un lieu de vie<br />

dynamique. Volontairement proposées<br />

à 18 heures et le week-end, les<br />

rencontres publiques ont à cœur de<br />

s’ouvrir tant aux étudiants qu’aux<br />

personnes actives, indisponibles<br />

dans la journée. De même, le musée<br />

se rapproche de publics isolés avec<br />

le concours d’associations sociales,<br />

lance ateliers et conférences du pôle<br />

senior à la Maison éco-citoyenne.<br />

Solliciter le dialogue est un<br />

principe permanent. Aussi, le<br />

patrimoine du musée est-il mis en<br />

regard d’autres esthétiques. Evento<br />

2011, fut l’occasion de proposer à<br />

six artistes contemporains dont<br />

William Kentridge et Pascale Marthine<br />

Tayou, une création en écho<br />

aux pièces présentées au musée<br />

sur le thème de l’esclavage et de la<br />

mondialisation. Se faisant euxmêmes,<br />

au travers de leurs œuvres,<br />

des médiateurs entre l’histoire et le<br />

regard public, ils ont investi les nouvelles<br />

salles consacrées à l’esclavage<br />

et à la traite négrière.<br />

Depuis leur ouverture, en 2009, le<br />

Musée d’Aquitaine a connu chaque<br />

année une augmentation variable<br />

de 46 à 66 % de nouveaux visiteurs,<br />

passant d’une fréquentation de<br />

80 000 visiteurs en 2004 à 142 000,<br />

en 2011. Il est aujourd’hui l’un des<br />

premiers musées d’histoire les plus<br />

visités en France. Cette progression<br />

participe non seulement de<br />

l’opportunité d’une réflexion sur le<br />

passé de la ville au XVIIIe siècle,<br />

dans le commerce triangulaire, mais<br />

également de son approche. Les<br />

nouvelles salles ne s’arrêtent pas à<br />

cette période sensible de l’histoire.<br />

Elles explorent et observent, dans<br />

le monde occidental, les effets du<br />

racisme jusqu’aujourd’hui. Elles<br />

soulignent les apports du métissage<br />

des populations dans des <strong>culture</strong>s<br />

à valeur universelle comme le jazz<br />

ou la littérature créole. Autrefois<br />

le Musée d’Aquitaine était surtout<br />

centré sur son histoire locale et territoriale,<br />

il rend compte désormais<br />

de son contexte global et contribue à<br />

une reconnaissance identitaire.<br />

Alizés voyageurs<br />

Pour mieux le comprendre il<br />

en explore les multiples facettes.<br />

Initiateur du programme Bor-<br />

84


FOCUS<br />

Rosace de l’église des Grands Carmes de<br />

<strong>Bordeaux</strong>, Musée d’Aquitaine<br />

deaux Terre d’Accueil, le Musée<br />

d’Aquitaine donne la parole aux<br />

différentes communautés présentes<br />

dans la ville. Depuis une dizaine<br />

d’années, en coproduction avec<br />

les associations communautaires,<br />

l’institution ouvre ses portes aux<br />

communautés coréenne, vietnamienne,<br />

portugaise, africaines…<br />

Conférences, spectacles ou soirées<br />

festives permettent de découvrir des<br />

terres et des <strong>culture</strong>s à partager. En<br />

2011, plusieurs invitations du Musée<br />

ont emmené le public par le son,<br />

l’image et la rencontre, en Corée,<br />

dans le Mékong ou en Outre-mer.<br />

Dans le flux de ces événements, une<br />

collaboration étroite s’est instaurée<br />

avec des associations telles que Lien<br />

<strong>culture</strong>l familial et social (ALIFS)<br />

ou le réseau aquitain pour l’histoire<br />

et la mémoire de l’immigration<br />

(RAHMI).<br />

De la vitalité des échanges<br />

naissent de nouveaux projets.<br />

Dans les champs historiques et<br />

scientifiques le musée entretient<br />

une longue tradition avec les<br />

sociétés savantes et l’université.<br />

La première collection du Musée<br />

d’Aquitaine, constituée au XVIIe<br />

siècle, provient de l’Académie des<br />

sciences. Colloques et conférences,<br />

accueil d’universités étrangères ont<br />

pour point de ralliement le Musée<br />

d’Aquitaine. Dans la préparation<br />

d’une grande exposition, un programme<br />

de recherche en collaboration<br />

avec l’université de <strong>Bordeaux</strong><br />

III et l’Institut National de l’Histoire<br />

de l’art est en cours. Il a pour but<br />

l’étude, à partir des collections, de<br />

l’histoire des mondes lointains et de<br />

leur découverte depuis Montaigne<br />

jusqu’à Victor Ségalen (1878-1919)<br />

romancier, poète, ethnographe<br />

archéologue et médecin à <strong>Bordeaux</strong><br />

affecté en Polynésie. Valorisant les<br />

« objets connectés » - qui ont pu être<br />

produits dans une civilisation et<br />

réutilisés ailleurs dans un rôle décoratif<br />

ou utilitaire - ce programme<br />

mesurera les influences qui peuvent<br />

exister entre civilisations dans la<br />

création de nouveaux objets. Au travers<br />

de cette recherche à caractère<br />

scientifique et de ses expositions<br />

grand public, le Musée d’Aquitaine<br />

tend à souligner le rayonnement<br />

bordelais à travers toutes les mers<br />

du monde.<br />

L’air du large<br />

Animé d’un élan marin, le Musée<br />

d’Aquitaine prépare plusieurs projets<br />

avec les musées de l’Atlantique.<br />

Dans un axe Nord Sud, <strong>Bordeaux</strong><br />

figure, là encore, au cœur d’un<br />

réseau d’échanges ininterrompus<br />

qui remontent à la conquête des<br />

océans. Depuis 2007, le musée<br />

organise tous les deux ans les<br />

Rencontres atlantiques, un colloque<br />

visant à mettre en lumière, dans<br />

une approche scientifique, la place<br />

de <strong>Bordeaux</strong> dans l’évolution <strong>culture</strong>lle<br />

et économique de l’Occident<br />

grâce à ses liaisons maritimes.<br />

Au Sud, à l’instar de la capitale<br />

Aquitaine, la ville de San Sebastian,<br />

capitale <strong>culture</strong>lle européenne en<br />

2016, défend dans la <strong>culture</strong> son<br />

pouvoir de « convivencia », cette<br />

force pacifique de la vie en commun.<br />

Les musées des deux villes viennent<br />

de sceller leur accord pour mettre<br />

en partage des deux côtés des<br />

Pyrénées un ensemble d’expositions<br />

et d’événements qui émailleront la<br />

région au cours de l’année 2016.<br />

Au Nord, le domaine colonial<br />

fera l’objet d’un projet commun avec<br />

les musées de la ville de Nantes.<br />

Anvers, Liverpool et Bristol font<br />

également partie de ce réseau<br />

historique, qui projet après projet,<br />

révèle la carte maritime des musées<br />

européens.<br />

D’une année à l’autre, le Musée<br />

d’Aquitaine alterne ses expositions<br />

temporaires présentant une thématique<br />

bordelaise dans la dimension<br />

originelle de la ville en Aquitaine<br />

puis une exposition situant <strong>Bordeaux</strong><br />

dans ses relations avec le<br />

reste du monde.<br />

Enfin, dans l’Hexagone, le long<br />

de la future ligne LGV Tours-Poitiers-Angoulême-<strong>Bordeaux</strong><br />

une<br />

grande exposition collective à étapes<br />

mettra en valeur les patrimoines<br />

de chaque musée. Dans l’intervalle,<br />

après la rénovation des salles du<br />

XVIIIe siècle, le musée s’attèle à la<br />

métamorphose de son parcours permanent<br />

engagé pour les cinq années<br />

à venir. Au programme en 2013 : la<br />

rénovation des salles XIXe, celles<br />

consacrées aux XXe et XXIe étant<br />

programmées pour 2015-2016.<br />

Le poète se demandait si les<br />

objets inanimés avaient une âme.<br />

Par un curieux zéphyr qui prend<br />

son envol depuis les temps lointains<br />

jusqu’aux confins du monde connu,<br />

il semble en tout cas qu’humanisme<br />

et humanité se conjuguent à<br />

<strong>Bordeaux</strong> dans un même souffle. Le<br />

Musée d’Aquitaine en est le témoin,<br />

le messager et peut-être l’une de ses<br />

sources.<br />

85


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

Faire de l’espace public<br />

un lieu de partage,<br />

de plaisirs<br />

et d’innovations<br />

Lieu de nombreux possibles et d’une spontanéité<br />

naturelle, l’espace public n’est jamais neutre, pas plus que<br />

les réactions qu’il engendre. S’il est parfois un réceptacle<br />

d’émotions il peut en être également le générateur. Il devient<br />

alors propice à la rencontre de l’art et de publics éloignés<br />

des pratiques <strong>culture</strong>lles. Dans cette perspective, l’art dans<br />

l’espace public est bel et bien une nécessité première. Le<br />

confronter, en lui rendant sa place, au cœur de la réalité<br />

sociale, demande un engagement exceptionnel des artistes<br />

et des porteurs de projets. Il exige une écoute spécifique,<br />

une créativité et une pertinence toujours plus aiguisées afin<br />

de créer les bonnes conditions d’un échange singulier et<br />

véritable. Les effets d’interventions artistiques sur l’espace<br />

public sont rarement minimes et c’est précisément parce<br />

qu’elles peuvent devenir l’occasion de créer de nouveaux<br />

élans, d’ouvrir de nouvelles perspectives que <strong>Bordeaux</strong><br />

accorde une importance particulière à celles et ceux qui<br />

dispensent leur énergie créatrice dans la ville.<br />

La ville comme laboratoire d’urbanités<br />

86<br />

Réinventer des usages, susciter des rencontres entre<br />

habitants d’ici et d’ailleurs, faire vivre ou revivre des lieux<br />

autrement, stimuler l’imagination… sont autant de portes<br />

que la ville maintient tout grand ouvertes. La synergie des<br />

acteurs de terrain et leur investissement, à la hauteur de<br />

l’ambition bordelaise, est le ressort indispensable pour coconstruire<br />

des espaces publics qui soient avant tout, des<br />

lieux de vie où fonctionnalité se conjugue avec plaisir et lien<br />

social.<br />

Ainsi, la transformation de l’ancien Marché des Douves,<br />

bâtiment remarquable de type Baltard datant de 1886,<br />

illustre une volonté de travail de construction commune<br />

et de valeurs solidaires partagées. Durant Evento 2011,<br />

l’artiste néerlandaise Jeanne van Heeswijk, experte dans<br />

l’exercice du remodelage urbain par la solidarité, l’implication<br />

humaine et citoyenne de ses semblables, a été invitée<br />

pour rencontrer le collectif Halle des Douves, réunissant


{ l’art dans<br />

l’espace public<br />

est bel<br />

et bien une<br />

nécessité<br />

première }


88<br />

13. voir focus :<br />

« Evento, un pari gagné »<br />

une soixantaine d’associations et d’acteurs du quartier afin<br />

d’imaginer une production mutuelle. Son intervention a servi<br />

de test pour nourrir le projet et l’ouverture prochaine d’une<br />

Maison des associations fourmillante d’idées et d’initiatives.<br />

Les très nombreuses réunions de concertation tenues<br />

depuis la manifestation entre les associations, la Ville et<br />

les architectes, ont conduit à revoir le projet initial pour<br />

mieux répondre à l’attente des habitants d’une structure aux<br />

usages spécifiques favorisant la souplesse et le métissage<br />

de son emploi. Le Marché des Douves abritera donc une<br />

cinquantaine d’associations sportives, politiques, sociales et<br />

<strong>culture</strong>lles des quartiers du Marché des Capucins, de Saint-<br />

Michel et de Sainte-Croix.<br />

Autre illustration d’une conception nouvelle de la cité,<br />

Evento [13] résume l’ambition bordelaise profonde de lier,<br />

échanger, partager et innover. La manifestation, alternative<br />

et pluridisciplinaire, qui s’éprend dans toute la ville a ouvert<br />

de nombreux lieux de <strong>culture</strong> à des expériences inédites,<br />

réveillant par exemple la Salle des fêtes du Grand Parc, au<br />

son de l’orgue de barbarie du plasticien Anri Sala. Chaque<br />

fin d’après midi, la chanson Should I stay or should I go , des<br />

Clash, jouée en douceur, semblait interpeller les fantômes<br />

de la salle mythique, fermée depuis vingt ans, que, Ramones,<br />

Taxi Girl, Iggy Pop, The Cure, Iron Maiden, Chris de Burgh…<br />

avaient consacrée en temple rock des années 1980. Par<br />

cette intervention ponctuelle et stimulante, artistique et<br />

poétique, la Salle des fêtes, soudain de retour dans les<br />

mémoires, a connu une résurrection. Le collectif SDF (Salle<br />

des fêtes) formé à l’occasion d’Evento 2011, au cœur d’un<br />

dialogue fertile entre acteurs et habitants du quartier,<br />

soutient la réhabilitation menée par la Ville de l’œuvre de<br />

l’architecte et urbaniste bordelais Claude Ferret, également<br />

auteur de la caserne Benauge des pompiers.<br />

Dans un esprit plus espiègle, l’association Le Bruit du<br />

frigo contredit sans cesse les pronostics que déclenchent<br />

ses laboratoires utopiques, du Jardin de ta sœur à celui<br />

des Remparts, en passant par leur Institut du point de<br />

vue – Bien-être et prospectives qui réactive l’usage des<br />

toits terrasse des immeubles collectifs du quartier de la<br />

Benauge. Leurs opérations Lieux possibles donnent corps à<br />

des réflexions menées avec habitants et artistes, offrant une<br />

expérimentation neuve sur la ville et les usages possibles de<br />

son urbanité.<br />

Parmi les questions soulevées par la fabrique des<br />

urbanités de demain se pose inévitablement celle des<br />

cohabitations entre tranquillité et manifestations nocturnes<br />

en centre ville. A cet égard, la <strong>culture</strong> est pleinement intégrée<br />

dans les commissions de vie nocturne. Des préoccupations


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

communes font émerger la nécessité de créer des espaces<br />

de dialogue et de médiation entre les acteurs concernés,<br />

afin d’élaborer des dispositifs visant à limiter les nuisances<br />

de voisinage. Aussi, la Ville, tout en continuant de soutenir<br />

une offre musicale de qualité, saisit l’occasion pour<br />

promouvoir les campagnes de prévention des risques liés<br />

à l’alcoolisation et la drogue menées envers les jeunes par<br />

les acteurs <strong>culture</strong>ls. Ensemble, sont également lancées des<br />

actions visant à favoriser lien intergénérationnel et mixité.<br />

Aux « silent discos » (soirées électroniques où les publics<br />

sont équipés de casques sans fil) et concerts chez l’habitant,<br />

viennent s’ajouter des initiatives inédites menées par<br />

l’association Allez les Filles telles que le « Soul Tram » (un DJ<br />

officie les jeudis soirs dans les rames du tramway avec des<br />

acteurs de la prévention) ou bien « Dancing in the Street » qui<br />

réinvente les bals populaires, ou encore les « Boxe and soul »<br />

qui permet, au son de musiques des années 60 et 70, aux<br />

jeunes et moins jeunes d’être initiés en plein air à la boxe.<br />

En habitant la ville, l’art et la créativité la transforment. Si<br />

les œuvres présentées dans une institution, peuvent sembler<br />

impressionnantes voire « sacralisées », exposées à l’air libre<br />

elles s’apprivoisent et le rapport change totalement. Elles<br />

parlent à chacun le langage de tous les jours, créent une<br />

connivence. Dégagée de toute pompe, s’installant même<br />

temporairement dans un espace familier, l’œuvre – et par<br />

extension l’artiste qui l’a conçue – invente un dialogue avec<br />

son public, sciemment ou par hasard.<br />

La <strong>culture</strong> sans cimaise et sans plateau<br />

89<br />

La multiplication des manifestations artistiques dans<br />

l’espace urbain atteste d’une appétence mutuelle : celle<br />

des artistes pour des rencontres d’un nouveau type, celle<br />

des publics qui s’inventent de nouveaux parcours, de<br />

nouvelles circulations et se laissent porter par l’évidence de<br />

propositions inédites.<br />

Susciter et accompagner toujours plus la création de telles<br />

rencontres dans le quotidien constitue une priorité dans<br />

l’idée que se fait la ville d’une <strong>culture</strong> partagée.<br />

C’est bien dans cette perspective que le CAPC, en<br />

collaboration avec MC2A et la Bibliothèque du Grand<br />

Parc, a choisi de déménager provisoirement des œuvres<br />

de sa collection, à l’occasion d’une exposition intitulée Le<br />

temps des cerises dans le quartier du Grand Parc, ou que<br />

l’Orchestre National de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine, à l’initiative de<br />

son chef Kwamé Ryan, s’est produit un samedi après-midi<br />

dans les rayons d’Ikéa.


FOCUS<br />

La Base<br />

sous-marine <br />

le lieu<br />

réconcilié<br />

Evento 2009, «Traces» par Amos Gitaï, Base sous-marine<br />

Exposition de Jean-Michel Fauquet,<br />

Base sous marine, 2010<br />

90


Nulla lorem risus, porta id convallis<br />

Vivamus accumsan blandit<br />

«6 milliards d’autres», exposition de Yann Arthus Bertrand,<br />

Base sous marine, 2010<br />

Jazz à la Base 2011, Concert de Martial Solal<br />

et Eric Le Lann, Base sous marine<br />

91


FOCUS<br />

A <strong>Bordeaux</strong>, elle est un fantôme<br />

des années noires. Elle est une mémoire<br />

meurtrie que 6500 ouvriers,<br />

ont pendant près de deux ans coulée<br />

dans 600 000 m³ de ciment. Pour<br />

elle, contre elle, des hommes ont<br />

donné leur vie. Conçue en 1941,<br />

sous un IIIe Reich qui la voyait<br />

durer mille ans à ses côtés, la Base<br />

sous-marine fut très rapidement<br />

confrontée à l’épreuve du temps,<br />

adversaire impitoyable, malgré son<br />

indestructible structure de béton<br />

armé de 4, 5 hectares.<br />

Pourtant, dès les années 1960,<br />

cette cicatrice de l’histoire, continuera<br />

à nourrir fantasmes et imaginaires.<br />

Par touches successives,<br />

plusieurs tentatives ont eu pour but<br />

de réconcilier ses murs à la ville, de<br />

l’ouvrir à la vie comme on surmonte<br />

un souvenir douloureux. Elle sera<br />

le décor, en 1964, du tournage du<br />

Coup de grâce du cinéaste bordelais<br />

Jean Cayrol, puis se convertira en<br />

scène de théâtre éphémère lors de<br />

la quatorzième édition du festival<br />

SIGMA, emmené par Roger Lafosse<br />

en 1978, avant d’être magnifiée<br />

par l’exposition du plasticien turc<br />

Sarkis, en 1980.<br />

Reconvertie en conservatoire<br />

international de plaisance en 1990,<br />

ce n’est qu’en 1999 que la Base sousmarine<br />

entame sa mutation, assumant<br />

sa mémoire et les inspirations<br />

contradictoires qu’elle génère, en<br />

devenant l’un des lieux <strong>culture</strong>ls les<br />

plus fréquentés de la ville. Dès lors,<br />

attenant au bâtiment, un espace<br />

constituant 5% de sa surface, proposera<br />

une programmation <strong>culture</strong>lle<br />

alternant artistes internationaux et<br />

créateurs émergents.<br />

Photographie, vidéo, sculptures<br />

et installations ou design chargent<br />

les lieux de nouvelles énergies, des<br />

images de Bernard Plossu ou de<br />

Robert Capa aux containers de Yann<br />

Arthus Bertrand, des productions<br />

du collectif Ici Design aux Traces du<br />

cinéaste israélien Amos Gitaï.<br />

Régulièrement 12 000 m² du site<br />

s’ouvrent au public, affichant une<br />

volonté pluridisciplinaire. Concerts,<br />

art lyrique, jazz, théâtre, danse<br />

s’offrent une confrontation atypique<br />

à l’espace et à son symbole. Deux<br />

des onze alvéoles – initialement<br />

destinées à la réparation des sousmarins<br />

- ont abrité les spectacles<br />

de la compagnie Royal de Luxe<br />

puis l’exposition 6 milliards d’autres<br />

de Yann Arthus Bertrand - panorama<br />

vivant de citoyens du monde.<br />

Chaque année elles sont le théâtre<br />

de la manifestation Jazz à la base.<br />

Les artistes peuvent y jouer d’une<br />

acoustique unique en son genre,<br />

vivifiant des volumes d’ordinaire<br />

lugubres, des lignes de fuites<br />

énigmatiques, par de nouvelles<br />

sonorités.<br />

De la même manière, des expositions<br />

ponctuelles font écho à cette<br />

architecture fonctionnelle. Parmi<br />

les artistes qui s’y sont confrontés<br />

Amos Gitaï, invité par Didier<br />

Faustino dans le cadre d’Evento<br />

2009 est probablement celui qui est<br />

allé le plus loin dans ce dialogue.<br />

Son œuvre, composée d’extraits de<br />

ses documentaires et fictions, a mis<br />

en regard la force d’une vie et d’un<br />

artiste face à face avec l’Histoire. La<br />

charge émotionnelle et symbolique<br />

de l’exposition qu’il y a produite,<br />

semble encore résonner dans les<br />

lieux.<br />

Ainsi, dans un propos volontairement<br />

accessible à tous et une<br />

approche - toujours transversale<br />

- mêlant émotion, création<br />

et mémoire la Base sous-marine<br />

incarne aujourd’hui une offre<br />

multidisciplinaire. L’état d’esprit<br />

des artistes y intervenant en a fait<br />

un lieu <strong>culture</strong>l actif et interactif qui<br />

explique probablement son retour<br />

en grâce et sa popularité croissante<br />

auprès des Bordelais et particulièrement<br />

des jeunes.<br />

Malgré l’intérêt d’un tel espace<br />

d’expérimentation <strong>culture</strong>lle, son<br />

avenir, sa sécurité et sa viabilité<br />

demeurent depuis 50 ans pour la<br />

Ville un sujet de préoccupation.<br />

On sait notamment, grâce aux<br />

travaux de réhabilitation engagés<br />

en Europe pour d’autres sites de ce<br />

type, qu’une rénovation totale serait<br />

un rocher de Sysiphe. Le combat<br />

à livrer contre les épaufrures de<br />

bétons qui menacent la sécurité des<br />

publics est une histoire sans fin.<br />

Aujourd’hui, cependant, le<br />

plan d’aménagement d’ensemble<br />

des Bassins à flots offre un nouvel<br />

avenir à ce mastodonte. En effet, les<br />

douze hectares des Bassins à flots<br />

vont être réhabilités, afin de laisser<br />

toute sa place à une promenade<br />

autour du port de plaisance. La<br />

Base sous-marine deviendrait alors<br />

promontoire, grâce à l’accessibilité à<br />

un toit végétalisé via à un ascenseur<br />

panoramique sur sa partie nord.<br />

Abritant déjà une flore abondante,<br />

sa végétalisation maîtrisée<br />

ferait un jardin suspendu autant<br />

qu’un point d’observation sur la<br />

ville. Ce projet harmoniserait ainsi<br />

une dense vie <strong>culture</strong>lle nocturne à<br />

une promenade écologique diurne<br />

dans un environnement réconcilié.<br />

Il est ici d’autant plus clair que la<br />

transversalité patente que la Ville<br />

entend souligner dans l’ensemble<br />

de ses actions, revêt à la Base sousmarine,<br />

un sens profond et un relief<br />

particulier. Depuis une quinzaine<br />

d’années, la Base sous-marine s’est<br />

92


FOCUS<br />

imposée d’elle-même, en révélant<br />

sa personnalité, malgré des abords<br />

inhospitaliers. En stimulant les<br />

pratiques artistiques qui y élisent<br />

domicile tout en réinvestissant son<br />

environnement immédiat, <strong>Bordeaux</strong><br />

lui offre, dans le respect de sa<br />

mémoire, la charge de vie, d’âme et<br />

de plaisir d’un lieu rendu public et<br />

accueillant.<br />

La Base sous marine,<br />

extérieur nuit<br />

Toit de la Base sous marine (détail)<br />

Elève du Conservatoire à la Base sous marine<br />

«Imaginaire des ruines, Piranèse,<br />

Ferranti, Alexandre», exposition,<br />

Base sous marine, 2008<br />

93


{ En habitant<br />

la ville, l’art et<br />

la créativité la<br />

transforment }


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

95<br />

14. voir focus :<br />

« Un nouveau rapport<br />

au spectateur »<br />

Certaines interventions artistiques pérennes contribuent<br />

également à redessiner le paysage quotidien. On en voudra<br />

pour preuve les commandes publiques du Lion de Xavier<br />

Veilhan place Stalingrad ou la Maison aux Personnages<br />

d’Ilya et Emilia Kabakov place Amélie Raba-Léon, œuvres qui<br />

provoquent un face à face entre art contemporain et le tracé<br />

du tramway. D’autres, telles des rencontres inopinées, sont<br />

offertes à travers l’invitation d’investir le territoire de manière<br />

éphémère faite à des artistes comme Bernar Venet (2007) ou<br />

Jaume Plensa (2013).<br />

L’installation d’œuvres éphémères ouvre aussi des<br />

regards différents sur la ville. L’interrogeant ici, lui trouvant<br />

là de nouveaux usages, ces œuvres tiennent compte de<br />

l’effacement ou de la disparition et anticipent de possibles<br />

mutations. Elles suggèrent, ainsi, de nouvelles possibilités<br />

d’appropriation de l’espace public.<br />

Dans cette démarche, la compagnie Opéra Pagaï, [14]<br />

experte dans les détournements ludiques et poétiques<br />

du quotidien, a proposé, lors de l’édition 2011 d’Evento,<br />

de sonder la place et la nature de la création, dans un<br />

panorama partagé. Installée dans une maisonnette flottante<br />

au milieu de la Garonne, près du Pont de Pierre, une famille<br />

y a vécu pendant 10 jours son quotidien ordinaire, comme<br />

si de rien n’était. D’une rive à l’autre, elle a fait naître avec<br />

humour et douceur l’interrogation des passants ainsi qu’une<br />

vision possible et amusée de modes de vie alternatifs,<br />

empreints de rêves d’enfants et faisant de la ville un territoire<br />

d’exploration renouvelé.<br />

La venue des beaux jours est l’occasion particulière<br />

de diversifier ses découvertes artistiques – souvent<br />

gratuites – dans la ville. Ces invites à l’initiative des acteurs<br />

<strong>culture</strong>ls sont nombreuses. Elles offrent la possibilité de<br />

se laisser guider dans l’expérience unique d’un « sophroépluchage<br />

» sur le marché (festival Chahuts) d’assister à la<br />

représentation du ballet en plein air (retransmise par l’Opéra<br />

National de <strong>Bordeaux</strong>), de s’initier au mambo au crépuscule<br />

avec la Garonne comme décor (Dansons sur les quais), de<br />

découvrir en concert des propositions inédites telles que des<br />

groupes de funk japonais ou les connections du blues de la<br />

Nouvelle Orléans avec <strong>Bordeaux</strong> (Relâche), de pique niquer<br />

et revivre West Side Story sur écran géant dans le cadre<br />

unique des Bassins à flots (Ciné sites), de participer à une<br />

brocante musicale et de danser dans une ancienne caserne<br />

militaire (festival Echo à Venir), d’enfourcher son vélo vers<br />

l’Entre-deux-mers pour une balade ponctuée de concerts<br />

et de haltes gastronomiques (Festival ouvre la Voix), ou<br />

encore de participer à des stages de théâtre, de cirque,<br />

ou simplement de s’allonger sur l’herbe pour écouter une


focus<br />

Les Archives<br />

voguent<br />

rive droite <br />

Salle de lecture et magasins en surplomb,<br />

intérieur du futur bâtiment<br />

Quincaillerie Béjottes, Place des Grands Hommes,<br />

carte postale, AMBx<br />

Salle de lecture vue depuis l’extérieur,<br />

futur bâtiment<br />

96


FOCUS<br />

Registre négrier,<br />

détail, AMBx<br />

Extérieur du futur bâtiment, dessin<br />

Chantier de préparation matérielle<br />

des fonds, AMBx<br />

Livre des Bouillons, détail, AMBx<br />

97


FOCUS<br />

Les Archives municipales vont<br />

traverser la Garonne pour s’arrimer<br />

au cœur de Bastide Niel, là où <strong>Bordeaux</strong>,<br />

au siècle dernier, résonnait<br />

de cornes de brume et de sirènes<br />

d’usines. En gardien et passeur<br />

d’une mémoire collective, héritières<br />

du Moyen Âge, les Archives<br />

viennent y partager l’histoire et<br />

faire vivre des sources communes.<br />

Vaisseau amiral d’une terre à<br />

conquérir, le bâtiment viendra<br />

en éclaireur nourrir et vivifier un<br />

quartier en devenir, susciter les rencontres,<br />

les échanges et les plaisirs<br />

d’un nouveau port d’attache.<br />

Cap sur le XXIe siècle<br />

Navire au long cours, l’hôtel de<br />

Ragueneau arbore les emblèmes de<br />

siècles audacieux, fiers et conquérants.<br />

Depuis 1939, ancré dans le<br />

cœur du centre historique de la<br />

ville, il détient dans ses soutes un<br />

inestimable trésor, le troisième<br />

de France après Lyon et Marseille<br />

: 250 fonds privés et 150 000<br />

documents iconographiques, sur<br />

11 km linéaires. Ses registres de<br />

commerce, liasses et documents<br />

graphiques, plans et gravures, photographies<br />

et données numériques…<br />

sont autant de socles d’hier pour<br />

aborder la réalité d’aujourd’hui. Le<br />

riche passé de <strong>Bordeaux</strong> fait des<br />

Archives municipales de <strong>Bordeaux</strong>,<br />

un gisement d’informations sur la<br />

vie locale mais également sur l’histoire<br />

mondiale. Elles campent, ici, la<br />

quotidien aquitain, dévoilent, là, des<br />

secrets enfouis, éclairent tantôt les<br />

hauts faits de l’histoire mais aussi<br />

ses zones d’ombre.<br />

Sur cet océan documentaire qui<br />

embrasse des vies entières, ses navigateurs,<br />

habitants curieux de leur<br />

passé ou généalogistes, scolaires<br />

ou chercheurs, viennent explorer<br />

l’architecture sociale, <strong>culture</strong>lle et<br />

urbaine de la ville. Ils sont environ<br />

5000 chaque année, pour un quart<br />

Bordelais, pour moitié Girondins, et<br />

quelque 25% provenant du reste de<br />

la France et de pays étrangers.<br />

Mais, l’esquif est arrivé en fin<br />

de course. Ses visiteurs y sont tout<br />

autant à l’étroit que ses réserves. Au<br />

fil du temps, son charme est devenu<br />

son ennemi. En 2007, une enquête<br />

sociologique souligne son inconfort,<br />

son exiguïté et ses carences vis-à-vis<br />

des réglementations en vigueur.<br />

Elle conduit la ville à lui trouver une<br />

autre coque.<br />

Muter en ricochets<br />

A la faveur de leur migration, les<br />

Archives Municipales prennent un<br />

nouveau départ. Telle une caravelle<br />

lancée à la découverte d’un nouveau<br />

monde, elles perfectionnent leurs<br />

équipements, peaufinent leur identité<br />

et leurs missions, en profitant,<br />

au passage, pour combler, certains<br />

cruels trous de mémoire.<br />

En effet, enorgueillie de la ferveur<br />

rayonnante que lui a procurée<br />

le XVIIIe siècle, <strong>Bordeaux</strong> a eu<br />

tendance, à minorer son passé<br />

portuaire et industriel. Comme si<br />

les Lumières éclipsaient d’autres<br />

réalités, on a vite perdu de vue les<br />

dizaines de cheminées fumantes qui<br />

hérissaient la rive droite jusqu’aux<br />

années 1960. En explorateur mais<br />

aussi en témoin, les Archives<br />

municipales arpentent toute l’histoire,<br />

rapiéçant impartialement ses<br />

accrocs. Aussi, pour rééquilibrer<br />

avec justesse la mémoire portuaire<br />

et industrielle de <strong>Bordeaux</strong>, elles ont<br />

choisi pour nouvel ancrage, la Halle<br />

aux farines, ancien entrepôt ferroviaire<br />

du Second Empire, conser-<br />

vant sa façade, ses rails de desserte<br />

et son parvis. Les architectes belges<br />

Robbrecht et Daem, rompus à la<br />

réhabilitation de bâtiments industriels,<br />

en ont imaginé l’enveloppe.<br />

Loin de tout geste architectural<br />

grandiloquent, conçu comme une<br />

plateforme <strong>culture</strong>lle de vie et<br />

d’échanges, le bâtiment sera une<br />

tête de proue et de réseau, pionnier<br />

stimulant intégré en son milieu.<br />

Déployé sur plus de 1000 m², ses<br />

salles de lecture, d’exposition, de<br />

conférence ainsi que ses locaux dédiés<br />

aux associations partenaires et<br />

aux ateliers pour enfants et adultes,<br />

accueilleront tous les publics. Ses<br />

magasins de stockage s’étendront<br />

quant à eux sur 3 300 m².<br />

Sans grille ni balustrade, ouvert<br />

à la promenade, en contrepoint du<br />

jardin botanique, l’établissement,<br />

mieux qu’un nouvel équipement<br />

<strong>culture</strong>l, sera, à part entière, un<br />

acteur du quartier Bastide Niel. Par<br />

exemple, chaque année, son théâtre<br />

de verdure, fera vivre au grand jour<br />

le patrimoine écrit. En complices,<br />

des comédiens - lecteurs interprètes<br />

privilégiés de documents d’archives<br />

- y prolongeront l’expérience<br />

d’Archives en voix, menée avec<br />

succès depuis 2009, notamment<br />

au Grand Théâtre, où elles étaient<br />

accompagnées de concerts. Sur le<br />

même mode transversal, liant cette<br />

fois, écrit et bâti, les Journées Européennes<br />

du patrimoine sont l’occasion<br />

d’une ouverture exceptionnelle<br />

de la Halle aux farines, dans l’état<br />

actuel de leur avancement, dans<br />

l’impatience de se partager entre<br />

tous.<br />

Dès leur ouverture, en 2015, les<br />

Archives Municipales rythmeront<br />

leur programmation <strong>culture</strong>lle de<br />

conférences, rencontres, lectures,<br />

projections de films et d’expositions.<br />

Car pour qu’une archive<br />

98


FOCUS<br />

ne devienne jamais lettre morte,<br />

elle doit être transmise, partagée,<br />

proposée au regard contemporain.<br />

Qu’elle soit incarnée ou mise en<br />

scène, elle est une lecture du passé<br />

qui, par des faits anodins ou spectaculaires,<br />

montre d’où l’on vient.<br />

A son échelle, elle est un outil de<br />

cohésion et d’ouverture.<br />

Une navigation<br />

patrimoniale et<br />

virtuelle<br />

En milieu scolaire aquitain (collèges,<br />

lycées, centres de formations<br />

des apprentis) les Archives ont<br />

inauguré à <strong>Bordeaux</strong> un voyage<br />

d’un nouveau type, en proposant<br />

différentes thématiques pédagogiques<br />

qui permettent à la fois<br />

d’explorer le patrimoine et l’univers<br />

numérique. Lancé par le rectorat<br />

et l’agence Ecla, le programme<br />

Monumérique-Archimérique<br />

s’attèle à transformer les gisements<br />

numériques en sources pédagogiques.<br />

Cette double approche<br />

permet aux établissements, d’une<br />

capacité d’accueil réduite, de toucher<br />

un public scolaire plus vaste.<br />

Aussi, chaque année les Archives<br />

bordelaises collaborent avec des établissements<br />

scolaires de la région.<br />

Deux thèmes sont proposés : la<br />

traite négrière, en partenariat avec<br />

le musée d’Aquitaine, et la représentation<br />

de <strong>Bordeaux</strong> au travers de<br />

plans et vues cavalières anciennes,<br />

en collaboration avec l’institut de<br />

recherche Ausonius, qui a conçu<br />

récemment l’atlas historique de<br />

<strong>Bordeaux</strong>. Ces relations privilégiées<br />

sont prétextes aux visites des écoles<br />

au musée comme dans un centre de<br />

recherche, où les élèves rencontrent<br />

les scientifiques.<br />

En classe, l’enseignant dispose<br />

d’un CDrom comprenant une<br />

centaine de documents numérisés,<br />

issus des fonds publics ou<br />

privés, conservés aux Archives.<br />

Il développe au fil de l’année une<br />

œuvre dématérialisée mêlant,<br />

textes, images, sons, vidéos, à son<br />

terme, mise en ligne et accessibles<br />

sur le site de la ville. Entre temps,<br />

les scolaires s’initient au monde des<br />

archives, en interprètent les textes,<br />

s’en approprient la teneur. Accompagnés<br />

de professionnels ils se<br />

familiarisent en parallèle au maniement<br />

informatique des données.<br />

Dernièrement, une classe du<br />

lycée hôtelier Biarritz Atlantique a<br />

réalisé des personnages en chocolat<br />

et écrit des saynètes à partir des<br />

documents fournis. Sa production<br />

numérique est aujourd’hui en ligne<br />

sur le site de la ville au côté de neuf<br />

autres.<br />

Entre 120 et 150 collégiens<br />

et lycéens sont, chaque année,<br />

embarqués dans cette aventure<br />

qui les motive s’ils se trouvent en<br />

décrochage scolaire, leur fait croiser<br />

savoirs et disciplines ou découvrir<br />

des aptitudes insoupçonnées tel<br />

que le déchiffrage paléographique.<br />

Mais plus durablement, l’opération<br />

éveille les consciences par des<br />

thèmes de portée universelle et<br />

sensibilise les jeunes à la conservation<br />

préventive et à la préservation<br />

du patrimoine.<br />

Une vigie sur l’horizon<br />

D’une aura qui dépasse les limites<br />

de la ville, les Archives ont noué des<br />

liens avec l’ensemble des sociétés<br />

savantes de <strong>Bordeaux</strong>, l’Université<br />

ou La Mémoire de <strong>Bordeaux</strong> ainsi<br />

qu’au cœur du quartier Bastide avec<br />

les écoles du quartier et les associations<br />

Histoire(s) de la Bastide, les<br />

Amis du Vieux Lormont, le Comite<br />

de liaison de l’Entre-Deux-Mers…<br />

<strong>Bordeaux</strong> invente ainsi de nouvelles<br />

centralités ou plutôt des points<br />

d’amarrage, tangibles et vivants,<br />

dans la ville. Est-ce une goutte<br />

d’eau dans l’océan Des projets de<br />

collaboration avec les Archives de<br />

villes étrangères telles que Québec,<br />

Casablanca ou Ramallah tendent<br />

à prouver le contraire. D’échanges<br />

de connaissance et d’expérience en<br />

aide professionnelle, de sensibilisation<br />

en éveil démocratique, toute<br />

action de longue haleine détient le<br />

pouvoir d’un vent migrateur.<br />

Manuscrit de la Confrérie Saint-Jacques,<br />

1526 - 1602, AMBx<br />

99


{ La curiosité<br />

et le désir des<br />

publics d’être<br />

surpris, émus,<br />

dérangés sont<br />

de précieux<br />

appuis pour<br />

nourrir<br />

l’effervescence<br />

artistique }


CHAP. 2<br />

—<br />

Goûter les plaisirs<br />

de la cité<br />

lecture de poésie contemporaine (Littérature en jardin).<br />

Les rendez-vous populaires et festifs tels que la Fête du<br />

Vin, en alternance avec la Fête du fleuve, en juin viennent<br />

ponctuer ces propositions disséminées dans la ville qui,<br />

offrent chaque jour, à tout âge, à (presque) toute heure une<br />

fenêtre hors du quotidien.<br />

La curiosité et le désir des publics d’être surpris,<br />

émus, dérangés sont de précieux appuis pour nourrir<br />

l’effervescence artistique en donnant la tonalité et l’ambiance<br />

<strong>culture</strong>lle volontairement bigarrées de la ville. En soutenant<br />

les initiatives qui favorisent les rapports interactifs dans<br />

l’art ainsi que la participation des habitants dans le<br />

développement <strong>culture</strong>l, <strong>Bordeaux</strong> souhaite s’affranchir des<br />

frontières en faisant tomber les barrières des indifférences.<br />

Le dialogue fondé sur la responsabilité, l’inventivité, la<br />

fantaisie et la tolérance en est l’outil majeur. Il embrasse la<br />

diversité pour esquisser des plaisirs sans cesse renouvelés.<br />

101


Les labo<br />

ratoires<br />

de la<br />

connais<br />

le plus vaste<br />

des chantiers<br />

bordelais<br />

«Le premier fugueur», exposition Johan<br />

Furaker, CAPC, 2011


-<br />

«Plissures», atelier du mercredi,<br />

CAPC, 2006<br />

sance<br />

Visite de l’exposition»<strong>Bordeaux</strong>,<br />

années 20-30», Musée d’Aquitaine<br />

Ateliers Bô, CAPC, 2006


Atelier Gravure, public adulte,<br />

Musée d’Aquitaine<br />

Workshop : Im/mobile, CAPC, 2006


Workshop « Atelier du Regard»,<br />

CAPC<br />

Espace de lecture,<br />

Bibliothèque Centrale Mériadeck<br />

Nuit des Musées 2012,<br />

collectif Dispersion au CAPC<br />

Atelier Bô «papa alose mambo»,<br />

CAPC, 2012


Réunion annuelle des enseignants,<br />

Exposition Majerus, CAPC 2012<br />

Animation «Natura Naturata»,<br />

Musée d’Aquitaine, 2011<br />

«Le Muséum chez vous»<br />

à la rencontre des seniors


Atelier Ma Voix et Toi, par Alexander Martin,<br />

directeur du ChSur de l’Opéra national de <strong>Bordeaux</strong><br />

Exposition «le Château», collection CAPC,<br />

visite Jeune Public, 2011<br />

Symposium» l’art contemporain»,<br />

Ecole Supérieure des beaux arts


Exposition «Présence Panchounette», CAPC et Hors les Murs, 2008<br />

Ateliers Bô «Noël, c’est trop pas ce que<br />

je préfère», CAPC, 2009<br />

Atelier Mosaïque,<br />

Musée d’Aquitaine, 2010<br />

Atelier découverte de la danse par<br />

l’Opéra national de <strong>Bordeaux</strong>, 2009


Journée européenne du Patrimoine,<br />

Atelier «mandala», CAPC, 2011<br />

Ateliers Bô «Les garagistes du corps :<br />

quand l’intérieur devient visible», CAPC, 2008<br />

Installation de l’exposition»Etrange<br />

et Proche», CAPC, 2011


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

De la cité antique à la métropole du<br />

3 e millénaire, une ville demeure le reflet<br />

d’une <strong>culture</strong>, ce condensé de civilisations<br />

qu’elle accompagne, entretient, enrichit.<br />

Chacun peut y puiser autant qu’il apporte,<br />

acteur et usufruitier d’un espace commun.<br />

Son apprentissage ne se limite pas aux<br />

années de formations, mais s’étend tout<br />

au long de l’existence. L’éducation, dans<br />

son sens le plus large, investit donc la ville<br />

d’une mission sociale qui trouve à l’école<br />

son point de départ. D’ici à 2030, quelque<br />

15 nouveaux établissements et groupes<br />

scolaires vont s’insérer dans le territoire<br />

bordelais. Mais déjà, pour penser et<br />

préparer les formations de demain, dans<br />

un mouvement sans frontière, les services<br />

prennent appui sur l’ensemble des sites<br />

de la ville qui dynamisent la transmission<br />

des aptitudes, des savoirs et des<br />

pratiques. Ils étendent leur champ d’action<br />

en décloisonnant les enseignements.<br />

Interconnectés, ils cultivent, dans leurs<br />

usages, polyvalence et mixité.<br />

Atelier Masques des Pays Lointains,<br />

Musée d’Aquitaine<br />

110


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

Pour une construction<br />

<strong>culture</strong>lle<br />

de la citoyenneté<br />

Favoriser le réflexe <strong>culture</strong>l<br />

un choix à la carte<br />

111<br />

<strong>Bordeaux</strong> a fait le choix, en 2006, bien avant l’Etat, de<br />

généraliser l’accès gratuit et quotidien aux collections<br />

permanentes de ses musées alors que parallèlement la Ville<br />

augmentait l’amplitude d’ouverture de ses établissements,<br />

notamment des bibliothèques pour un service toujours plus<br />

large.<br />

Mais, pour être véritablement efficace, ouverture et<br />

gratuité nécessitent une dynamique d’accompagnement.<br />

Une étude des pratiques <strong>culture</strong>lles, menée en France par<br />

le Ministère de la Culture, démontre qu’hélas, depuis 30 ans,<br />

ni la fréquentation ni sa composition socio<strong>culture</strong>lle n’ont<br />

été considérablement modifiées. Or, s’adresser à ceux qui,<br />

souvent par méconnaissance de l’offre qui leur est proposée,<br />

ne manifestent ni envie ni réflexes <strong>culture</strong>ls est une ambition<br />

prioritaire bordelaise. C’est pourquoi, depuis 2009, la « Carte<br />

Jeunes » est venue, en renfort, favoriser dans la ville l’accès<br />

de l’ensemble de ses établissements <strong>culture</strong>ls ainsi que des<br />

lieux privés – de la gratuité des expositions temporaires des<br />

musées aux réductions tarifaires dans de nombreuses salles<br />

de spectacles ou de cinéma. Proposée dès la naissance<br />

et jusqu’à l’âge de 25 ans, elle n’est pas seulement un<br />

lien entre habitants et institutions mais aussi une « clé de<br />

contact » pour chacun. Conçue pour faciliter les démarches,<br />

elle enclenche également des habitudes, au rythme et au gré<br />

de chacun, dès l’enfance.<br />

Dans une période de crise qui principalement touche<br />

jeunes, familles, étudiants et jeunes actifs, appliquée<br />

également, depuis peu, aux activités sportives, elle permet,<br />

par exemple, aux jeunes de plus de 16 ans, d’assister plus<br />

facilement aux compétitions nationales. A ce jour, 15 000<br />

bénéficiaires l’utilisent et 37 partenaires et lieux l’accueillent,<br />

du Glob théâtre à Cap Sciences, des matchs de rugby de<br />

l’Union Bègles <strong>Bordeaux</strong> au Musée des Beaux-arts.<br />

Grâce à ce dispositif interactif, chacun peut concevoir<br />

son usage personnel de la ville, comme par exemple,<br />

visiter les coulisses du TnBA, habituellement inaccessibles,<br />

pour dialoguer avec les équipes artistiques et techniques.


{ <strong>Bordeaux</strong><br />

a fait le choix<br />

de généraliser<br />

l’accès gratuit<br />

et quotidien aux<br />

collections<br />

permanentes de<br />

ses musées }


{ la Carte Jeunes<br />

permet aux<br />

enfants et<br />

adolescents de<br />

devenir puissance<br />

invitante }


{ les bébés<br />

pourront<br />

se familiariser,<br />

grâce à des<br />

artistes pluridisciplinaires,<br />

au théâtre<br />

et à l’écriture<br />

musicale<br />

contemporaine }


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

<strong>Bordeaux</strong> favorise ainsi la rencontre de ceux qui font la<br />

<strong>culture</strong> et de ceux qui la vivent. Dans un même croisement<br />

social et <strong>culture</strong>l, la Carte Jeunes permet aux enfants et<br />

adolescents de devenir puissance invitante, jusque l’âge de<br />

16 ans, en faisant bénéficier l’adulte qui les accompagne<br />

de leurs propres avantages. Ici s’exprime à nouveau une<br />

vocation d’incitation et d’ouverture qui, destinée en premier<br />

lieu aux jeunes, atteint en ricochet, leur famille et leurs<br />

proches. En suscitant ainsi l’accès des familles aux lieux de<br />

la création et de la connaissance, <strong>Bordeaux</strong> ancre toujours<br />

davantage ses actions <strong>culture</strong>lles dans sa politique sociale.<br />

Priorité aux jeunes publics<br />

115<br />

15. voir focus :<br />

« Le Muséum d’Histoire<br />

Naturelle creuse<br />

de nouveaux sillons »<br />

L’action <strong>culture</strong>lle de la Ville prend appui sur un<br />

objectif constant : permettre aux plus jeunes d’amorcer<br />

et d’entretenir un contact régulier à l’ensemble de l’offre<br />

artistique et scientifique de <strong>Bordeaux</strong>. Cette proposition, qui<br />

englobe une palette très large d’esthétiques et de modes<br />

de sensibilisation, balise et structure de nombreux parcours<br />

accessibles à tout type de public. Familles, enfants, en<br />

groupe ou individuellement, peuvent goûter à des plaisirs<br />

<strong>culture</strong>ls qui forgent l’esprit critique de chacun. Les parents<br />

peuvent, dans leur bibliothèque de quartier, trouver un<br />

espace d’éveil récréatif pour leur enfant. « BB bouquine »,<br />

ouvert aux poupons, les accompagne dans leurs premières<br />

découvertes. Jeux de doigts, conseil de comptines et<br />

d’histoires aux parents, peuvent ainsi devenir un rendezvous<br />

ludique des jeunes familles, qui change leur regard sur<br />

l’univers des bibliothèques et installe de nouveaux usages<br />

comme de nouvelles habitudes.<br />

Dès 6 mois, sous l’impulsion de l’association Eclats,<br />

les bébés pourront se familiariser, grâce à des artistes<br />

pluridisciplinaires, au théâtre et à l’écriture musicale<br />

contemporaine lors de représentations de petit format qui<br />

contribueront à leur éveil sonore. De même, l’Opéra National<br />

de <strong>Bordeaux</strong> offre à travers « les petites fabriques » en<br />

collaboration avec de nombreux centres d’animation une<br />

approche interactive et technique du monde du spectacle à<br />

travers la manipulation de mini jeux de lumière, de décors<br />

mais aussi de matières et de costumes.<br />

Enfin, avec le futur « Musée des tout-petits », le Muséum<br />

d’Histoire Naturelle [15] disposera d’un espace d’exposition<br />

exclusivement destiné aux moins de six ans, en famille<br />

ou en groupe; des expositions aux thématiques choisies,<br />

telles « Tous les bébés », préfigurée en 2006, ou « Qui mange<br />

quoi », y seront renouvelées tous les deux à trois ans.


focus<br />

Monumérique<br />

archimérique <br />

un véhicule<br />

de mémoire<br />

Ateliers Archimérique Monumérique,<br />

déambulation urbaine, AMBx, 2010 - 2011<br />

Ateliers Archimérique Monumérique,<br />

AMBx, 2010 - 2011<br />

Ateliers Archimérique Monumérique,<br />

visite classe, AMBx<br />

Ateliers Archimérique Monumérique,<br />

Restitution du projet, AMBx, 2011<br />

116<br />

Personnages en chocolat, Projet Archinumérique<br />

Monumérique, Lycée de Biarritz et AMBx, 2011


focus<br />

Destinée aux élèves du second<br />

degré, l’offre d’exploration thématique<br />

Monumérique permet un<br />

travail approfondi sur des documents<br />

d’archives numérisés débouchant<br />

sur la création en groupe<br />

d’une œuvre numérique. Au lycée<br />

professionnel Beau de Rochas de<br />

<strong>Bordeaux</strong>, ce programme novateur<br />

d’éducation artistique et <strong>culture</strong>lle<br />

a donné lieu à l’initiative originale<br />

d’une classe de seconde professionnelle<br />

spécialisée en carrosserie,<br />

menée et encadrée de concert, par<br />

leur professeur, les Archives municipales,<br />

le musée d’Aquitaine et les<br />

associations <strong>culture</strong>lles opérateurs<br />

du dispositif.<br />

Echange autour de cette expérience<br />

entre Agnès Vatican, directrice<br />

des Archives, François Hubert,<br />

directeur du musée d’Aquitaine et<br />

Jean-François Callède, professeur<br />

d’histoire au lycée Beau de Rochas.<br />

Qu’est-ce que Monumérique <br />

Agnès Vatican : A l’échelle<br />

régionale, Monumérique-Archimérique<br />

est un programme novateur<br />

en direction des collèges, des lycées<br />

et des centres de formation et<br />

d’apprentissage. Il est conçu comme<br />

le volet pédagogique de la Banque<br />

numérique du savoir en Aquitaine<br />

et offre d’autre part aux élèves une<br />

approche interactive du patrimoine<br />

et de l’outil informatique. Les<br />

établissements patrimoniaux de<br />

la région (archives et bibliothèque<br />

essentiellement) composent et<br />

proposent leur parcours thématique<br />

à partir de leurs fonds documentaires<br />

et d’un patrimoine urbain,<br />

historique, artistique, matériel ou<br />

immatériel. A <strong>Bordeaux</strong>, plusieurs<br />

axes ont été retenus. D’un point<br />

de vue historique, les Archives<br />

municipales ont développé deux<br />

thèmes « Représenter <strong>Bordeaux</strong> »<br />

depuis le XVIe siècle, en plans et<br />

vues cavalières et «Traite, esclavage<br />

et abolitions».<br />

François Hubert : Précisons<br />

qu’à l’origine au niveau national, la<br />

constitution du Guide des sources<br />

de la traite négrière, de l’esclavage et<br />

de leurs abolitions puis la création<br />

du Comité pour la mémoire<br />

de l’esclavage ont mobilisé toutes<br />

les archives françaises, dont la<br />

participation active de <strong>Bordeaux</strong>. A<br />

la faveur de ce mouvement général,<br />

un travail de recherche en amont a<br />

été réalisé conjointement entre les<br />

Archives municipales et le musée<br />

d’Aquitaine, posant ainsi les bases<br />

de la thématique.<br />

A. V. : Les parcours Monumérique-Archimérique<br />

sont bâtis sur<br />

toute l’année scolaire. Ils immergent<br />

les élèves dans l’univers des<br />

archives et du musée, les initient au<br />

fonctionnement, à la finalité de la<br />

conservation et à l’exploitation des<br />

documents. Une déambulation urbaine<br />

sous l’angle de la thématique<br />

de l’esclavage est organisée à <strong>Bordeaux</strong><br />

par l’association Pétronille.<br />

L’accompagnement des élèves dans<br />

leur production est assurée par des<br />

professionnels du numérique qui<br />

interviennent en classe au cours de<br />

plusieurs séances de travail pour<br />

élaborer la production multimédia,<br />

finalement mise en ligne.<br />

Comment amener une classe de lycée<br />

professionnel au projet Monumérique <br />

Jean-François Callède :<br />

L’esclavage étant au programme de<br />

seconde, cette stratégie pédagogique<br />

permet aux élèves d’assimiler le<br />

sujet de façon ludique en débouchant<br />

sur une production numérique.<br />

C’est une mise en situation<br />

qui retrace étape par étape le travail<br />

d’un documentaliste. Ils apprennent<br />

à sélectionner les documents, à<br />

les lire, les interpréter et trouver<br />

une méthode pour les présenter.<br />

Mais relier cet atelier à celui de<br />

la carrosserie, une spécialité du<br />

lycée où j’enseigne, n’était pas<br />

d’une évidence flagrante. L’idée est<br />

venue d’un élève qui a imaginé un<br />

voyage virtuel, à la manière d’un<br />

jeu vidéo. Au volant d’une voiture<br />

le joueur pénètre dans un garage à<br />

étages. Là commence pour lui un<br />

parcours initiatique dans l’histoire<br />

de l’esclavage. Au rez-de-chaussée,<br />

il entre dans le port de <strong>Bordeaux</strong> où<br />

sont affrétés les navires. Au premier<br />

étage il s’aventure en Afrique et<br />

découvre la traite négrière. Au<br />

second, il arrive aux Antilles, dans<br />

les plantations. Et sur la terrasse du<br />

garage, tel un paradis symbolique,<br />

il parvient aux documents évoquant<br />

l’abolition de l’esclavage. Mais si le<br />

voyage est virtuel, le véhicule est<br />

concret. A partir d’une épave, les<br />

élèves ont transformé le tableau de<br />

bord afin que chaque commande<br />

permette une navigation dans cette<br />

réalité virtuelle.<br />

Comment avez-vous organisé leurs<br />

travaux <br />

J-F. C. : J’ai divisé ma classe de 20<br />

élèves en deux groupes. Le premier<br />

a fait la visite des Archives et le<br />

second du musée d’Aquitaine. Puis<br />

nous avons croisé en classe les informations<br />

récoltées dans les deux<br />

institutions. Le festival des lycéens<br />

organisé cette année-là à Villeneuve-sur-Lot<br />

nous a servi d’aiguillon.<br />

Depuis une dizaine d’années<br />

le conseil régional d’Aquitaine met<br />

l’accent sur la créativité des lycéens<br />

117


focus<br />

dans tous les domaines. Il a servi<br />

d’accélérateur et nous a procuré<br />

une échéance pour présenter cette<br />

production numérique avant la fin<br />

de l’année scolaire.<br />

Quelles ont été les répercussions immédiates<br />

de cette expérience <br />

et la virtualité. Il y a un passage de<br />

l’image au concret, y compris dans<br />

la redécouverte de la ville.<br />

J-F. C. : Après cette expérience un<br />

élève sensibilisé à la démarche des<br />

Archives m’a apporté un document<br />

des années 1930 trouvé chez<br />

ses grands parents. Le bilan est<br />

particulièrement positif. Les élèves<br />

entrent plus spontanément dans<br />

le programme et bénéficient d’une<br />

ouverture <strong>culture</strong>lle, ils découvrent<br />

la ville sous un aspect qu’ils ne<br />

connaissaient pas, ils comprennent<br />

mieux la ville. Bien que les apports<br />

de l’éducation ne soient jamais<br />

J-F. C. : Nous avons pu faire<br />

partager aux autres classes du<br />

10101<br />

lycée le fruit de notre approche et la<br />

teneur des connaissances acquises.<br />

Malheureusement la nature des<br />

applications utilisées pour cette<br />

production n’a pas permis d’héberger<br />

en ligne ce travail des élèves. classe qui a participé à l’opération<br />

mesurables dans l’immédiateté, la<br />

Toutefois, toutes les péripéties techniques<br />

et notamment les problèmes réussite élevé : 18 reçus sur 20 élèves<br />

Monumérique a eu un taux de<br />

liés aux virus informatiques les ont en bac professionnel des métiers<br />

aguerri aux aléas professionnels de de la carrosserie. En moyenne, les<br />

la réalité virtuelle. Ils ont compris résultats du lycée oscillent entre 60<br />

qu’au-delà de son aspect ludique à et 85 % de réussite.<br />

l’écran il s’agissait d’un métier. Les A. V. : Les lycées professionnels<br />

élèves ont compris le fonctionnement<br />

d’un musée et des Archives, la thématique à leur spécificité.<br />

parviennent toujours à croiser<br />

leur rôle et leur importance. Plus Chaque établissement, chaque<br />

en amont, ils ont été confrontés à classe a son appropriation personnelle<br />

du thème et des ressources<br />

la mémoire publique et privée de<br />

la ville, se sont familiarisés avec proposés. Par exemple, une classe<br />

ses instances <strong>culture</strong>lles dans une de bac professionnel secrétariatcomptabilité<br />

du lycée La Morlette de<br />

dimension civique et citoyenne.<br />

Ils ont également assisté à une Cenon s’est particulièrement intéressée<br />

aux registres de comptabilité<br />

séance du conseil municipal. En<br />

matière d’identité également ils se et à la correspondance. A l’échelle<br />

sont éveillés à une compréhension de la région, 15 classes suivent ce<br />

de l’autre. Dans ma classe il y a parcours chaque année auprès<br />

des élèves originaires du Bénin ou de l’ensemble des établissements<br />

d’Afrique du Nord, leur implication patrimoniaux, 4 ou 5 auprès des<br />

au sujet et leur dialogue leur a procuré<br />

d’autres bases d’entente.<br />

Ce dispositif qui met à disposition<br />

Archives municipales de <strong>Bordeaux</strong>.<br />

A. V. : Lorsque nous faisons<br />

des documents numérisés pourrait<br />

découvrir les documents originaux essaimer dans le milieu éducatif<br />

aux Archives, il y a souvent un choc, et associatif. Il est une source de<br />

une émotion liée à la découverte de rayonnement supplémentaire.<br />

traces tangibles d’une réalité passée.<br />

Cette expérience permet aux élèves<br />

de créer la distance entre la réalité<br />

Votre démarche pédagogique en a-t-elle<br />

été nourrie <br />

J-F. C. : Cette expérience permet à<br />

chacun une ouverture d’esprit dans<br />

un rapport au concret. Aujourd’hui,<br />

chaque sortie pédagogique en ville<br />

ou au musée d’Aquitaine est désormais<br />

photographiée, archivée et<br />

mise en ligne sur le site internet du<br />

lycée. En nous inspirant de l’expérience<br />

Monumérique nous avons<br />

élaboré des thématiques propres<br />

à la carrosserie à <strong>Bordeaux</strong>, avec<br />

la visite du Central garage, le plus<br />

ancien de la ville qui date du XIXe<br />

siècle, ou le Garage moderne, site<br />

alternatif et coopératif et les Vivres<br />

de l’art où, à partir de récupération<br />

de ferraille sont créées des œuvres<br />

d’art.<br />

A. V. : Nous réfléchissons actuellement<br />

à de nouvelles propositions<br />

thématiques comme la Première<br />

Guerre mondiale. Chaque proposition<br />

nécessite une élaboration d’un<br />

an avant de pouvoir être présentée.<br />

Pour le projet sur la traite et<br />

l’esclavage, un enseignant a été mis<br />

à notre disposition par le Rectorat.<br />

F. H. : Au musée d’Aquitaine, nous<br />

développons dans le même esprit<br />

des colloques pour enfants, dont le<br />

thème en 2011 a été l’esclavage et en<br />

2012, la Shoah, en collaboration avec<br />

le centre Jean Moulin.<br />

Quelles perspectives <br />

A. V. : En amont, Monumérique,<br />

porté par les Archives et les bibliothèques,<br />

suscite des partenariats<br />

entre institutions et associations<br />

de médiation. Pour le thème de la<br />

traite, sont impliqués en premier<br />

lieu le Musée d’Aquitaine, avec un<br />

médiateur, les Archives - dont un<br />

représentant se déplace dans les<br />

118


focus<br />

classes pour présenter le corpus des<br />

documents - et le documentaliste et<br />

l’équipe enseignante du lycée. Pour<br />

des établissements d’enseignement<br />

général ce sont 4 à 5 personnes.<br />

A ces intervenants s’ajoutent les<br />

associations telles que Pétronille qui<br />

encadre la déambulation urbaine,<br />

et les professionnels du numérique<br />

(Médiacité, D’Asques et d’ailleurs<br />

ou les Petits débrouillards) recrutés<br />

par l’agence régionale ECLA qui se<br />

charge ensuite de la mise en ligne de<br />

la production numérique. Au total<br />

ce projet mobilise nombre d’intervenants.<br />

La demande des collèges et<br />

des lycées ne cesse de croître si bien<br />

que des Monumérique « sauvages »<br />

se mettent en place. Nous avons été<br />

surpris que les établissements ne<br />

se tournent pas systématiquement<br />

vers d’offre des établissements<br />

patrimoniaux de proximité. Si<br />

bien que l’offre régionale franchit<br />

les frontières administratives : les<br />

élèves font alors un voyage de deux<br />

jours à <strong>Bordeaux</strong> et concentrent<br />

sur place déambulation, visites et<br />

initiations. L’implantation nouvelle<br />

des archives dans le quartier<br />

Bastide-Niel facilitera d’autant nos<br />

projets pédagogiques et permettra<br />

notamment de passer d’un modèle<br />

pilote à une action plus généralisée<br />

notamment adaptée aux tableaux<br />

numériques interactifs en place<br />

dans l’ensemble des écoles primaires<br />

de <strong>Bordeaux</strong>.<br />

Ateliers Archimérique Monumérique,<br />

Restitution du projet, AMBx, 2011<br />

Ateliers Archimérique Monumérique,<br />

visite en classe, AMBx<br />

119


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

La liberté de regard des enfants permet aussi aux<br />

musées de proposer de nombreux ateliers dans lesquels<br />

leur créativité devient un moteur d’apprentissage de<br />

nouvelles pratiques. En transformant un atelier et une<br />

activité manuelle, en voyage dans la création, les artistes<br />

– intervenant au CAPC lors des ateliers du mercredi et des<br />

ateliers Bô ainsi qu’au Musée d’Aquitaine – deviennent des<br />

passeurs d’imaginaire. Ils initient une relation nouvelle et<br />

directe à l’art.<br />

Et lorsque le musée – des Arts Décoratifs et du Design,<br />

des Beaux-arts ou d’Aquitaine – devient le décor d’un<br />

anniversaire, il résonne alors des rires d’enfants et embaume<br />

de l’odeur sucrée des gâteaux.<br />

Quand les familles n’ont ni la possibilité de se déplacer ni<br />

celle d’utiliser les livrets jeux délivrés gratuitement dans les<br />

musées de la Ville, les institutions <strong>culture</strong>lles bordelaises<br />

viennent à elles. Telle est la démarche de l’Opéra qui a<br />

mis en place avec une dizaine de centres d’animation<br />

un programme appelé « Ma voix et toi » permettant une<br />

découverte inédite de l’univers lyrique.<br />

Ces activités hors temps scolaire ont connu un succès<br />

immédiat et grandissant, au-delà même des espérances de<br />

la ville. Pour compléter cette offre, éviter son engorgement<br />

prévisible, <strong>Bordeaux</strong> en imagine les relais futurs permettant<br />

de compléter cette offre en milieu scolaire. Cette priorité<br />

aura également pour but d’intensifier à l’école une présence<br />

artistique et <strong>culture</strong>lle.<br />

Multiplier et consolider les passerelles<br />

entre éducation et <strong>culture</strong><br />

120<br />

A l’instar d’un humaniste, <strong>Bordeaux</strong> déploie son projet<br />

<strong>culture</strong>l dans la construction méthodique de son avenir.<br />

Comme lui, la ville emprunte des voies nouvelles, explore<br />

fourches, branchements et ramifications inattendus. Comme<br />

lui, elle s’enrichit dans sa course, engrange savoirs et<br />

expériences, scelle ses socles d’intégration et d’insertion.<br />

A <strong>Bordeaux</strong>, projet <strong>culture</strong>l et projet social se fondent en<br />

une même volonté qui anime et sous-tend l’ensemble des<br />

actions menées. L’itinéraire que la ville dessine en traversant<br />

toutes ses institutions est une conception nouvelle de l’Ecole<br />

républicaine.<br />

Espace de <strong>culture</strong> vivace et proactif, l’Ecole est pour tous<br />

un lien souverain où les éducations se croisent, les identités<br />

s’affirment et les projets de vie s’amorcent. La nécessité<br />

impérieuse d’y conjuguer mixité sociale et diversité<br />

<strong>culture</strong>lle est une évidence. Pour autant, l’infrastructure


{ Conjuguer<br />

mixité sociale<br />

et diversité<br />

<strong>culture</strong>lle est<br />

une évidence }


{ L’art dans<br />

une école aux<br />

usages pluriels,<br />

assoiT les<br />

échanges, attise<br />

créativité<br />

et imagination }


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

123<br />

16. voir focus :<br />

« Le conservatoire<br />

Jacques Thibaud fait sa<br />

révolution pédagogique »<br />

17. voir focus :<br />

« Monumérique,<br />

archimérique, un véhicule<br />

de mémoire »<br />

scolaire est vue trop souvent comme une microsociété<br />

autarcique, construite sur un modèle décliné à l’envi, et<br />

plaqué à la topographie urbaine, suivant les règles d’un<br />

jeu de Lego. Aujourd’hui, les équipes professionnelles de<br />

la Ville, notamment celles de la <strong>culture</strong>, dont les missions<br />

embrassent les champs de l’éducation, dans son sens le<br />

plus large, se penchent collectivement sur ses implantations,<br />

en imaginent l’évolution dans sa forme comme dans ses<br />

usages. Elles en optimisent les activités, en suscitent<br />

l’interactivité, en stimulent la fertilité. Ainsi, fort de la réussite<br />

des classes à horaires aménagées (CHAM) mises en place<br />

dans plusieurs établissements des quartiers Sainte-Croix<br />

et Saint Michel, le Conservatoire a-t-il souhaité, depuis<br />

2005, être partenaire du collège Jacques Ellul, à la pointe<br />

du réseau de réussite scolaire de la rive droite. Petit à petit<br />

la pratique musicale a nourri considérablement le projet<br />

d’établissement et s’est traduit par une amélioration notable<br />

des résultats scolaires. Incluses au programme architectural<br />

du nouveau bâtiment qui abritera le collège, de futures salles<br />

de classes dites « salles à option » ont été prévues. Elles<br />

sont bien entendu le fruit du partenariat entretenu avec le<br />

Conservatoire [16]. De plus, couplée à ce futur équipement,<br />

la bibliothèque du quartier Benauge, elle aussi reconstruite,<br />

sera largement ouverte aux fonds musicaux, assurant ainsi<br />

le prolongement d’un parcours lisible tant citadin qu’éducatif.<br />

Ces affinités électives engendrent, le long du tracé<br />

du tramway, l’implantation d’une quinzaine de nouveaux<br />

établissements scolaires qui auront à cœur de cultiver<br />

leur polyvalence. Aux Bassins à flot, où théâtre et arts<br />

plastiques colorent déjà la vie quotidienne, un futur groupe<br />

scolaire bénéficiera de son voisinage actif. La Ville projette<br />

d’y implanter des espaces d’exposition et de médiation où<br />

artistes et institutions pourront accompagner des rencontres<br />

et ateliers artistiques, pendant ou hors temps scolaire.<br />

Ils présenteront, par exemple, certaines pièces issues<br />

des collections des musées en amplifiant de ce fait leur<br />

approche et leur rayonnement.<br />

Dans une réalité qui n’a rien de virtuel, les ateliers<br />

Monumérique [17], ou plus récemment la résidence<br />

pédagogique sur la flèche Saint Michel, proposée aux<br />

élèves du lycée Saintonge, mêlent formation initiale ou<br />

professionnelle, création artistique et mise en valeur du<br />

patrimoine. Dans ce dernier cas, les futurs ouvriers cordistes<br />

contribuent à la maintenance du patrimoine de pierre de la<br />

Ville tout en s’initiant à la danse verticale, avec le soutien<br />

d’un actif mécénat.<br />

De l’enseignement primaire au secondaire, arts de la<br />

scène et arts plastiques s’attachent à investir les moindres


focus<br />

Muséum d’Histoire<br />

naturelle <br />

Creuser de<br />

nouveaux sillons<br />

Muséum, transfert de Miss Fanny, l’éléphante,<br />

vers le Centre de Conservation des Collections<br />

124


Muséum d’Histoire naturelle,<br />

Jardin public<br />

Muséum, nouvelles acquisitions au Centre<br />

de Conservation des Collections<br />

Muséum, atelier «Oiseaux»<br />

à destination des scolaires<br />

Muséum, ancienne exposition<br />

permanente<br />

125


focus<br />

Voir, comparer, s’interroger,<br />

comprendre. Les gens curieux ont<br />

toujours raison. Leurs questions sur<br />

la planète, leurs inquiétudes sur son<br />

avenir, leur font pousser la porte<br />

du muséum d’histoire naturelle.<br />

Ici nous attendent des réponses<br />

concrètes, scientifiques, historiques<br />

et rationnelles. Pourtant, au fil des<br />

collections, s’engage une expérience<br />

particulière. En observant le monde<br />

vivant, dans ses diversités et ses<br />

évolutions, chacun des visiteurs<br />

porte son regard sur une espèce<br />

parmi les autres : la sienne. Comme<br />

un boomerang dans sa course, on<br />

revient alors à soi-même et on questionne<br />

sa conscience. Tel est l’esprit<br />

dans lequel le futur muséum bordelais<br />

va recevoir et accompagner les<br />

gens curieux. Rénové et étendu en<br />

2016, ce reflet des mondes vivants<br />

sera le lieu d’expression d’une<br />

science en mouvement et d’une<br />

rencontre dynamique. L’archétype<br />

d’un musée responsable.<br />

Montrer moins pour<br />

montrer mieux<br />

Les Encyclopédistes désiraient<br />

tout connaître. Les savants du XIXe<br />

siècle souhaitaient tout exposer.<br />

Au fil du temps, les collections ont<br />

grandi, les avancées scientifiques<br />

ont modifié les approches du monde<br />

vivant. Aujourd’hui, le muséum<br />

conserve environ 800 000 spécimens,<br />

comprenant près de 7 000<br />

animaux naturalisés dont un quart<br />

récemment restaurés. Mais ses<br />

fossiles millénaires, ses squelettes<br />

d’un autre âge ou ses impassibles<br />

félins ne font pas de lui un lieu en<br />

sommeil.<br />

Car l’Histoire naturelle se<br />

conjugue dans la science et le temps.<br />

A mesure que les connaissances<br />

progressent, des dogmes s’érodent,<br />

des certitudes se déplacent. Les<br />

principes de classification ont<br />

évolué. Les modèles qui donnaient<br />

une origine divine à toute vie, ont<br />

fait place à ceux issus de la théorie<br />

darwinienne de l’évolution. Une<br />

nouvelle approche fondée sur<br />

l’étude du degré de parenté des<br />

espèces, la classification phylogénétique,<br />

a alors vu le jour. Mais<br />

demain, hasard et nécessité apporteront-ils<br />

de nouvelles théories,<br />

d’autres principes Aussi, pour<br />

décrypter les diverses facettes de<br />

la vie, intégrer la place de l’homme<br />

dans l’écosystème, pour appréhender<br />

l’évolution des connaissances, le<br />

muséum de demain doit-il épouser<br />

le mouvement et le rythme du<br />

monde tel qu’il va.<br />

Un nouveau concept de<br />

muséum est né.<br />

Evolutif, il s’attache davantage à<br />

l’exploration d’un riche échantillonnage<br />

qu’à une volonté exhaustive :<br />

autour d’un même sujet, le muséum<br />

montre « beaucoup d’un peu, plutôt<br />

qu’un peu de tout ».<br />

En phase avec les avancées de<br />

la recherche, il rend compte du<br />

présent, restant ouvert aux découvertes<br />

qui, peut-être, marqueront<br />

l’avenir. C’est pourquoi, à <strong>Bordeaux</strong>,<br />

il disposera, par exemple,<br />

de supports aimantés, évitant les<br />

socles scellés, lui permettant de<br />

faire évoluer l’exposition permanente<br />

des collections, sans jamais<br />

en figer la présentation. Il pourra<br />

aisément intégrer à son parcours les<br />

dernières découvertes et l’évolution<br />

des concepts scientifiques.<br />

A la lecture des différents points<br />

de vue présentés, chacun, toutes<br />

générations confondues, pourra<br />

ainsi avoir accès à ce qu’il n’a pas<br />

appris, sans se sentir dépassé. Cette<br />

histoire des idées sera mise en scène<br />

dans la galerie XIXe restaurées et<br />

réinterprétée comme un véritable<br />

décor où prendra place un spectacle<br />

multimédia servant d’introduction<br />

à la visite et attirant l’attention sur<br />

les moments forts et les spécimens<br />

emblématiques.<br />

Ses expositions semi-permanentes<br />

renouvelées à un rythme de<br />

3 à 5 ans et ancrées dans leur réalité<br />

aquitaine et dans le temps des idées,<br />

feront alterner thématiques régionales<br />

et transversales, s’apppuyant<br />

sur un dense réseau de partenaires<br />

universitaires et associatifs. Un<br />

espace sera dédié à la petite enfance<br />

avec le « Musée des tout petits ».<br />

Ses expositions temporaires,<br />

ouvriront sur d’autres mondes,<br />

celui des artistes naturalistes<br />

contemporains qui offrent un autre<br />

regards sur la nature, celui d’autres<br />

muséums offrant d’autres thématiques<br />

ou d’autres collections pour<br />

surprendre.<br />

Ces différents rythmes seront<br />

traduit dans le bâtiment par<br />

Basalt architecture, jeune équipe<br />

parisienne associée au cabinet<br />

franco-allemand Die Werft pour la<br />

scénographie : au nouveau sous-sol<br />

qui permet de gagner en surface, les<br />

expositions temporaires, au rez-de<br />

chaussée l’accueil et l’animation,<br />

tandis que le premier et le second<br />

étages accueillent les présentations<br />

de longue durée et le parcours<br />

permanent.<br />

Enfin, les fonds spécifiques<br />

du muséum, dont l’accès direct<br />

est réservé aux étudiants et aux<br />

chercheurs dans le nouveau et très<br />

fonctionnel Centre de Conservation<br />

des Collections seront mis en ligne<br />

sur le net et ainsi ouverts à tous.<br />

126


focus<br />

L’autre comme but<br />

Ce vaste chantier, s’il s’appuie sur<br />

une approche de l’homme vis-à-vis<br />

de son environnement, s’articule en<br />

grande part sur le travail de fond,<br />

mené par le muséum à l’égard de ses<br />

publics. De 2003 à 2007, la fréquentation<br />

est ainsi passée de 35000 à<br />

70 000 visiteurs par an. Pendant la<br />

durée des travaux entrainant sa fermeture<br />

de 2008 à 2016, le muséum<br />

a gardé le contact dans la ville, en<br />

s’élançant au-devant de ses publics.<br />

Ainsi, plus de 12 000 personnes<br />

peuvent chaque année continuer de<br />

découvrir ses collections.<br />

Hors les murs, les expositions<br />

investissent régulièrement la<br />

Maison éco-citoyenne, la halle des<br />

Chartrons, la nouvelle salle du marché<br />

de Lerme et la cour Mably.<br />

De septembre à juillet, le<br />

Muséum se rend chez vous, dans<br />

l’ensemble des établissements<br />

scolaires du département, centres<br />

de loisir, bibliothèques et médiathèques,<br />

maisons de retraites et<br />

établissements spécialisés pour<br />

personnes dépendantes. Dotés d’un<br />

échantillonnage des collections et<br />

d’un kit pédagogique créé spécialement,<br />

ses animateurs y déclinent<br />

une douzaine de thématiques. Tels<br />

des colporteurs d’un nouveau genre,<br />

ils apportent en plus d’un contenu<br />

<strong>culture</strong>l à domicile, avec pour support<br />

les collections du musée, une<br />

présence humaine enrichissante,<br />

luttant du même coup contre l’isolement.<br />

Parfois 4 animations sont<br />

présentées dans la même journée.<br />

In fine, elles peuvent préparer, chez<br />

ceux qui jusqu’alors s’en privaient,<br />

une éventuelle visite au musée.<br />

A sa réouverture, le muséum<br />

provoquera l’inattendu. S’inspirant<br />

des « médiateurs maraudeurs »<br />

canadiens, des étudiants vacataires<br />

déambuleront dans le musée. Poussant<br />

leur chariot empli de pièces<br />

manipulables issues des collections,<br />

ils susciteront curiosité, dialogue,<br />

échange avec les visiteurs. Par ces<br />

« performances », ils instilleront un<br />

rapport détendu et actif au musée,<br />

une médiation directe.<br />

Ces nouveaux gardiens, rompus<br />

à une fréquentation quotidienne<br />

pourront informer les visiteurs sur<br />

l’histoire d’une pièce qui a retenu<br />

leur attention, son origine, ses<br />

pérégrinations pour rejoindre les<br />

collections, mais aussi délivrer des<br />

information sur l’espèce à laquelle<br />

elle se rapporte, sa répartition, l’état<br />

de sa population les menaces qui<br />

pèsent sur elle ou les mesures de<br />

protection mises en place par les<br />

gouvernements … De leur rapport<br />

personnel au musée, ils offriront<br />

un regard, un éclairage différent et<br />

nourriront peut-être cette dimension<br />

de rêve que chacun peut entretenir<br />

avec une pièce d’exception,<br />

fascinante ou modeste.<br />

Pas moins de six salles d’animation,<br />

associées à chacun des espaces<br />

d’exposition, permettront d’accueillir<br />

scolaires ou familles pour un<br />

moment de contact privilégié à<br />

l’occasion d’un atelier permettant<br />

d’approfondir une thématique en<br />

manipulant des collections, réalisant<br />

une expérience ou créant une<br />

production originale.<br />

Cette vision conviviale appartient,<br />

toute entière, à une volonté<br />

militante du muséum, de la ville<br />

et de ses équipes. Humaniste, son<br />

objectif est de se rapprocher, par la<br />

connaissance, de ceux qui, pour des<br />

raisons géographiques ou sociales,<br />

ne poussent pas volontiers la porte<br />

des musées. Altruiste, elle s’avance<br />

auprès de ceux qui ne peuvent plus<br />

venir à lui. Scientifique, elle renforce<br />

ou interroge les connaissances<br />

de chacun sur sa propre place dans<br />

la nature et sa biodiversité. Réaliste,<br />

elle tend à interroger aujourd’hui<br />

les consciences, solliciter l’esprit<br />

critique de ceux qui, en 2030, auront<br />

entre leurs mains, la ville et la<br />

planète de demain. Une conception<br />

de l’homme et de l’esprit qui court<br />

à <strong>Bordeaux</strong> depuis l’époque des<br />

Lumières.<br />

La camionnette du<br />

«Muséum chez vous»<br />

127


{ Des<br />

enseignements<br />

qui « pensent<br />

pendant et<br />

après » }


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

anfractuosités éducatives de la ville. Cette intention vise<br />

à densifier visiblement la présence de la <strong>culture</strong> dans la<br />

construction de consciences éclairées. L’art, ainsi proposé au<br />

regard collectif, dans une école aux usages pluriels, assoit<br />

les échanges, attise créativité et imagination, générant plus<br />

spontanément les transferts de connaissance. Il en tonifie la<br />

vie et la force d’attraction.<br />

L’enseignement artistique<br />

en question<br />

L’enjeu de l’expérience pratique<br />

129<br />

18. voir focus :<br />

« Le conservatoire<br />

Jacques Thibaud<br />

fait sa révolution<br />

pédagogique »<br />

A l’instar des écoles primaires et secondaires, les<br />

opérateurs de la politique <strong>culture</strong>lle bordelaise épousent<br />

la même direction. De l’Ecole Supérieure des Beauxarts<br />

au CAPC, du Conservatoire Jacques Thibaud aux<br />

bibliothèques, du Musée des Beaux-arts au Musée des<br />

Arts Décoratifs et du Design, des structures comme la<br />

Maison des enfants aux centres d’animation de quartiers,<br />

tous s’imprègnent mutuellement, étendent leur mission<br />

civique d’éveil aux pratiques artistiques. Cette ambition se<br />

concrétise à <strong>Bordeaux</strong> par nombre d’ateliers d’un nouveau<br />

genre qui, dès la petite enfance, contribuent à gommer le<br />

cloisonnement des savoirs et à régénérer les pédagogies.<br />

Des enseignements qui « pensent pendant et après »,<br />

stimulent avec pragmatisme la préparation indispensable<br />

à l’entrée dans la vie active dans un esprit d’ouverture, de<br />

synthèse et de sens critique. Le Conservatoire Jacques<br />

Thibaud, conjuguant l’expérience collective avec la<br />

fréquence de représentations dans l’espace public, est<br />

devenu un véritable pôle de ressources pour l’innovation<br />

pédagogique. Chaque année, le succès de ses « scènes<br />

publiques » – spectacles donnés par les jeunes artistes en<br />

formation, dans des conditions techniques professionnelles<br />

– confirme l’institution dans sa démarche et son postulat :<br />

l’expérimentation publique de la pratique construit une vie<br />

<strong>culture</strong>lle adulte. [18]<br />

Les programmes d’éducation populaire et d’insertion<br />

prioritaire, alliés au développement de la pratique musicale<br />

sont à l’origine de spectacles ou festivals de proximité<br />

enclins à se pérenniser. Tel est, depuis sa création, l’un des<br />

périmètres d’action de la Rock School Barbey qui anime<br />

« Les Quartiers Musiques » (intégrés au Carnaval des 2 rives),


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

130<br />

ou encore « Musiques et Quartiers » (accompagnement<br />

artistique de jeunes issus de quartiers prioritaires), et<br />

plus récemment les « Tremplins musicaux » dans les<br />

quartiers (concours ouvert à tous qui vise à débusquer et<br />

professionnaliser de jeunes talents).<br />

Forts d’une fréquentation de 15 000 personnes chaque<br />

année, certains centres d’animation ont fait le choix de<br />

se spécialiser dans le perfectionnement d’une pratique<br />

artistique : le Centre d’Animation de Saint-Pierre se consacre<br />

à l’écriture et au numérique, celui d’Argonne aux <strong>culture</strong>s<br />

urbaines, celui de la Bastide aux Arts du Cirque, celui de<br />

Monséjour aux Arts Plastiques et à l’artisanat d’art etc.…<br />

Plus généralement, à l’instar d’un internaute qui télécharge<br />

ses applications, l’étudiant de l’Ebabx trouve, dans les<br />

initiatives de l’Ecole, les clés de son indépendance.<br />

Ses projets sont encouragés à chaque étape de leur<br />

développement. Récemment, l’Ecole a simulé, sous un<br />

chapiteau, la création d’un centre d’art miniature, une<br />

salle d’exposition accompagnée de ses ressources<br />

documentaires. L’expérience a posé de manière critique, les<br />

problématiques d’une institution <strong>culture</strong>lle, son identité, son<br />

fonctionnement et son rayonnement. Elle a permis à chacun,<br />

étudiant et visiteur, de s’interroger concrètement sur les<br />

enjeux d’une programmation, la dynamique à lui donner afin<br />

que publics et œuvres se rencontrent.<br />

A plus grande échelle, le projet éditorial de l’Ecole,<br />

Publication studio <strong>Bordeaux</strong>, créée dans le cadre d’Evento,<br />

a produit des ouvrages, comme une boulangerie cuit son<br />

pain. Sortis « tout chauds » du four, ils étaient consommés<br />

sur place tout au long de la journée. Cette mise en parallèle<br />

entre production artistique et artisanale contribua de<br />

manière festive et décalée, à l’autofinancement du projet.<br />

L’Ecole projette d’ailleurs de lui procurer une dimension<br />

internationale grâce à un partenariat avec d’autres écoles<br />

d’art au Mexique et aux Etats Unis. Enfin, dans le champ<br />

numérique, son webmagazine semestriel, rosa b (clin d’œil<br />

à l’artiste bordelaise Rosa Bonheur) coproduit par le CAPC,<br />

croise textes et contributions théoriques à des propositions<br />

visuelles et sonores. Autour des étudiants, la revue convoque<br />

dans son élaboration, les personnels artistiques de l’Ecole,<br />

du CAPC, ainsi que des artistes invités.<br />

L’arrivée en 2011 de l’Ecole Supérieure des Beaux-arts<br />

dans le processus d’homologation européenne et son<br />

intégration dans le PRES de <strong>Bordeaux</strong> (Pôle de Recherche et<br />

d’Enseignement Supérieur) renforce à la fois son exigence<br />

scientifique et son objectif de formation professionnelle<br />

continue en faveur des artistes de son territoire.


{ L’expérimentation<br />

publique<br />

de la pratique<br />

construit une<br />

vie <strong>culture</strong>lle<br />

adulte }


{ Atelier<br />

« Poulet rôti »,<br />

un dimanche<br />

par mois }


CHAP. 3<br />

—<br />

Les laboratoires<br />

de la connaissance<br />

133<br />

… tout au long de la vie<br />

Initialement destiné aux jeunes et très jeunes publics,<br />

l’accompagnement dans l’ensemble des pratiques artistiques<br />

s’applique de plus en plus aux adultes en mêlant les<br />

générations. Depuis plusieurs années, les musées de la Ville,<br />

tout comme les équipes artistiques de l’Opéra, ont largement<br />

encouragé cette approche en proposant des animations<br />

d’ateliers directement menées par les services des publics.<br />

Chacun en est un relais indispensable : l’artiste invité anime<br />

une session, comme au Grand Atelier du CAPC, tandis<br />

que, de son côté, le musée permet aux enseignants et aux<br />

centres de formations d’acquérir les outils pédagogiques qui<br />

leur sont nécessaires. Le Musée d’Aquitaine propose, quant<br />

à lui, un enseignement artistique au public adulte. Chaque<br />

année environ 200 artistes amateurs suivent des cours<br />

hebdomadaires. Récemment, le CAPC a imaginé des ateliers<br />

familiaux ludiques, décontractés et exigeants. L’atelier<br />

« Poulet rôti » un dimanche par mois, propose un décor conçu<br />

par un artiste invité. Ensemble, les familles s’improvisent<br />

chef décorateur et inventent, en s’initiant aux techniques<br />

du dessin et de l’illustration, une histoire, un conte… Tous<br />

entrent ainsi de plain-pied dans l’esthétique de l’artiste tout<br />

en partageant un moment commun, intergénérationnel.<br />

Les associations des amis des Musées jouent aussi un<br />

rôle essentiel dans l’apprentissage des savoirs, en animant<br />

cycles de conférences et colloques conçus en résonnance<br />

des programmes d’exposition des établissements. Dans un<br />

même esprit, les bibliothèques de quartiers, en s’appuyant<br />

sur des associations d’entraide implantées dans les<br />

quartiers, ont peu à peu développé un service de portage de<br />

livres à domicile pour les personnes dans l’incapacité de se<br />

déplacer. Après Grand Parc et Saint-Michel, le quartier de la<br />

Bastide bénéficie de cette prestation solidaire.<br />

L’Ecole Supérieure des Beaux-arts, elle aussi, a souhaité<br />

créer une dynamique de pratique artistique à l’échelle de<br />

son quartier d’implantation, Sainte-Croix. Outre son Café<br />

pompier autogéré par ses étudiants, sa galerie éphémère,<br />

Le Sentiment océanique, animée chaque semaine par<br />

l’un de ses professeurs, ouvre les portes aux habitants<br />

qui l’entourent. L’école tisse, jour après jour, les liens de<br />

proximité qui facilitent à celui qui le souhaite un accès à la<br />

diffusion et aux pratiques de l’art.<br />

Sollicité dès l’enfance et accompagné tout au long de sa<br />

vie, dans son approche de la <strong>culture</strong> et sa pratique créative,<br />

tout Bordelais est l’ambassadeur potentiel d’un état d’esprit.<br />

Un passeur de <strong>culture</strong> pour demain


FOCUS<br />

Le Conservatoire<br />

Jacques Thibaud <br />

un laboratoire<br />

d’apprentissages<br />

«Trombone» photographie de Richard Nourry,<br />

exposée au Conservatoire en 2010<br />

Performance, Festival Clair de Bastide,<br />

Centre social Bastide-Benauge, Juin 2012<br />

«Piano» photographie de Richard Nourry,<br />

exposée au Conservatoire en 2010<br />

134


Jeune violoniste d’Orphéons, 2010<br />

«Danse jazz» photographie de Richard Noury,<br />

exposée au Conservatoire en 2010<br />

«Composition» photographie de Richard Nourry,<br />

exposée au Conservatoire en 2010<br />

135


focus<br />

Carrefour où les frontières<br />

deviennent des lieux d’échanges,<br />

où chacun dispose et partage, les<br />

arts de la scène nourrissent le désir<br />

d’être ensemble. Ils fertilisent un<br />

terrain d’entente, entre l’intime<br />

et le collectif, entre pratiques et<br />

savoir-faire dans toutes les formes<br />

d’expression et de création. De cette<br />

réalité, le Conservatoire Jacques<br />

Thibaud à rayonnement régional<br />

a tiré son projet. Innovants et<br />

transversaux, ses enseignements<br />

embrassent l’ensemble des pratiques<br />

artistiques, des musiques<br />

aux arts de la scène. Plus encore,<br />

il les stimule en s’en faisant le lieu<br />

d’expérimentation mais aussi le<br />

porte-voix.<br />

Au-delà d’une<br />

pédagogie, une mise<br />

en situation<br />

Entrer au Conservatoire Jacques<br />

Thibaud c’est s’intégrer à un groupe<br />

d’artistes en formation. Tel un<br />

postulat, cette approche de l’enseignement<br />

artistique préside à une<br />

pédagogie qui, depuis 2001, ne se<br />

fonde plus uniquement sur l’objectif<br />

de l’épreuve finale mais sur une pratique<br />

régulière et un esprit d’équipe,<br />

au service d’un projet artistique.<br />

Car, si chaque élève vient découvrir<br />

ou perfectionner une spécialité,<br />

son apprentissage s’inscrit dans un<br />

horizon plus vaste. Aussi, pour que<br />

chacun puisse cultiver au mieux<br />

ses aptitudes, le Conservatoire abat<br />

les cloisons entre chant, théâtre et<br />

danse, entre musiques actuelles et<br />

instruments anciens… Et s’investit<br />

dans une refonte qui touche, au<br />

quotidien, l’ensemble de sa pédagogie.<br />

Engagées dans une concertation<br />

constante avec les artistes/ensei-<br />

gnants qui favorise l’émergence<br />

d’un projet artistique commun, la<br />

direction et l’équipe du Conservatoire<br />

instillent une dynamique de<br />

recherche à tous les cycles, ouvrant<br />

et diversifiant les filières.<br />

Les élèves expérimentent de nouvelles<br />

pratiques. Ils acquièrent une<br />

plus grande autonomie de travail,<br />

renforcent liens et motivations -<br />

entre eux, avec leurs professeurs<br />

y compris au sein de leur environnement<br />

familial. Les effets en<br />

sont plus que révélateurs : le taux<br />

d’abandon en cours de cursus de<br />

cycle 1 en musique qui accusait<br />

naguère 65%, avoisine aujourd’hui<br />

seulement 10%.<br />

Chez les plus jeunes (6-7 ans), les<br />

Premiers Pas, préalable, dès l’enfance,<br />

à un apprentissage musical,<br />

initient à la découverte du son et du<br />

mouvement. Ce programme associe<br />

musiciens en herbe et très jeunes<br />

danseurs. Par le toucher, le rythme,<br />

le jeu et la voix, l’enfant approche<br />

la musique de manière sensitive et<br />

sensible. Cette mise en pratique suscite<br />

sa curiosité et nourrit sa créativité.<br />

Plus tard, Orphéon l’incite à<br />

écrire, lire, transcrire son imagination<br />

musicale, tout en favorisant son<br />

apprentissage instrumental.<br />

Mais ces deux programmes ne<br />

sont pas nés ex-nihilo. S’ils brisent<br />

les inhibitions voire les réticences<br />

fréquentes liées à l’image habituelle<br />

d’un conservatoire, ils participent<br />

d’une réflexion pédagogique menée<br />

depuis plus d’une dizaine d’années<br />

et entrent aujourd’hui dans le travail<br />

quotidien de l’institution.<br />

Plus largement, la mise en commun<br />

des enjeux et des pratiques a<br />

défini depuis 10 ans des objectifs<br />

pédagogiques prioritaires des<br />

projets d’établissements successifs,<br />

tous fondés sur des pratiques collectives<br />

(danse, musiques actuelles,<br />

136


focus<br />

musiques anciennes, théâtre…). En<br />

sont issus les programmes Premiers<br />

pas et Orphéons, la Cellule Chorégraphique<br />

ou les classes d’écriture<br />

en musique, danse et théâtre, ou<br />

encore les ateliers transversaux<br />

pour la voix et les pratiques corporelles…<br />

A <strong>Bordeaux</strong>, l’évaluation prend<br />

en compte la production artistique<br />

au sein d’un groupe, place chacun<br />

dans une dynamique de recherche<br />

en l’accompagnant sur la voie<br />

qu’il s’est choisie. Le traditionnel<br />

binôme professeur-élève s’estompe<br />

au bénéfice d’une conception plus<br />

collective, évolutive et adaptée. Les<br />

enseignements préparent ainsi tous<br />

les élèves, au-delà du diplôme, aux<br />

conditions d’une pratique artistique<br />

active qui, de plus, donnera aux<br />

postulants une orientation professionnelle<br />

une bonne expérience des<br />

exigences qu’impose le monde du<br />

spectacle.<br />

Par l’observation et l’accompagnement<br />

concerté, cette expérience<br />

crée une porosité bénéfique,<br />

nécessaire et formatrice pour élèves<br />

et enseignants dans l’ensemble des<br />

domaines, du chant à la danse, du<br />

théâtre à la pratique instrumentale.<br />

«Trans’Formes», biennale du Conservatoire, 2011<br />

Le spectacle pour enjeu<br />

Cette approche transversale des<br />

pratiques fait du Conservatoire<br />

Jacques Thibaud un acteur et un<br />

partenaire privilégié des opérateurs<br />

<strong>culture</strong>ls professionnels. Elle renforce<br />

sa double mission d’enseignement<br />

et d’action <strong>culture</strong>lle. De<br />

la formation initiale à l’orientation<br />

professionnelle, elle plonge les<br />

élèves, dans les mêmes conditions,<br />

le même enjeu : la scène. Pour<br />

danser, chanter, interpréter un texte<br />

ou une œuvre du répertoire, chacun<br />

137


focus<br />

appréhende le mouvement, qui n’est<br />

plus l’unique apanage du danseur.<br />

Cette exigence artistique, vécue<br />

dans une expérience collective,<br />

permet à tous de s’engager dans une<br />

démarche responsable.<br />

Dans la ville-même, tout au long<br />

de l’année, cet atout pédagogique<br />

est source de création. Quelque 150<br />

spectacles, les Scènes Publiques,<br />

fréquentées par plus de 15 000<br />

spectateurs font de <strong>Bordeaux</strong> un<br />

espace de représentation, singulier<br />

et foisonnant.<br />

Des projets dans les quartiers,<br />

notamment, rive droite, ont vu le<br />

jour. Ils traduisent l’élan déployé<br />

par le Conservatoire pour sensibiliser,<br />

unir et amplifier les publics.<br />

Un terrain d’expérience<br />

Dans cet esprit, le rendez-vous<br />

Trans’formes investit, depuis 2008,<br />

lieux et publics, en offrant à chacun<br />

sa place. Artistes « résidents » (les<br />

enseignants), en formation (les<br />

élèves) et artistes invités (chorégraphes,<br />

compositeurs, musiciens…)<br />

croisent les disciplines et<br />

bousculent les repères habituels.<br />

L’écoute se fait dynamique et l’instant<br />

présent devient un moment à<br />

vivre en commun.<br />

Le Conservatoire, les studios de<br />

son département danse, le CAPC,<br />

l'Institut Cervantès, la Bibliothèque<br />

Mériadeck se métamorphosent<br />

en théâtres éphémères de performances,<br />

d’ateliers et d’improvisations.<br />

Un public très diversifié<br />

et curieux s’y presse, témoin de<br />

nouvelles tentatives esthétiques, qui<br />

s’inventent en direct.<br />

Croiser et multiplier regards et<br />

oreilles est également le propos de<br />

Traveling Music, créé pour Evento en<br />

2009. A pied, à vélo ou en triporteur,<br />

300 élèves danseurs, comédiens<br />

et musiciens, instruments en<br />

bouche (bois et cuivres), ont effectué<br />

un parcours citadin. Sur les notes<br />

contemporaines de Julia Wolfe,<br />

ils ont suivi différents itinéraires,<br />

circulant en écho, se croisant dans<br />

la ville, avec <strong>Bordeaux</strong> pour partition.<br />

Harnachés d’écouteurs, les<br />

élèves interprétaient une musique<br />

improvisée à partir de celle que<br />

diffusait leur Mp3. Cette fanfare du<br />

XXIe siècle, imaginée par le célèbre<br />

cabinet d’architectes américains<br />

Diller Scofidio + Renfro, a investi les<br />

différents points névralgiques de<br />

la ville, achevant sa déambulation<br />

musicale et chorégraphique place de<br />

la Victoire. Au-delà de l’événement<br />

et de la création, la performance<br />

a concrétisé une appropriation<br />

ludique de l’environnement urbain.<br />

Elle a modifié l’approche de son<br />

architecture et suscité, par son<br />

mouvement inattendu, par ses flux<br />

festifs, un autre plaisir de la ville.<br />

Jouant tout autant du rapprochement<br />

des disciplines que du<br />

détournement des lieux, la Nuit de<br />

la création met en scène des œuvres<br />

chorégraphiques, musicales, instrumentales<br />

et électroacoustiques,<br />

composées et interprétées par les<br />

jeunes artistes du Conservatoire.<br />

Au CAPC ou à la piscine Galin, elle<br />

entre, au fil de créations musicales<br />

et chorégraphiques, en résonance<br />

avec un établissement, inaugurant<br />

de nouveaux espaces d’écoute en<br />

même temps qu’un rapport scénique<br />

inédit.<br />

Son écho porte jusqu’à Montréal,<br />

où en 2010, la Nuit de la création<br />

investit la Fonderie Darling, centre<br />

d’arts visuels. Emblématique de la<br />

138


focus<br />

coopération soutenue du Conservatoire<br />

Jacques Thibaud avec la<br />

faculté de musique de l’université et<br />

l’Ecole de danse contemporaine de<br />

Montréal, la manifestation donne<br />

corps à une collaboration menée<br />

depuis des années entre <strong>Bordeaux</strong><br />

et le Québec. En amont, les conventions<br />

passées avec les partenaires de<br />

Montréal, favorisent chaque année<br />

l’accueil d’une douzaine d’étudiants<br />

bordelais.<br />

Partenaire de plusieurs villes<br />

dans le monde, le Conservatoire<br />

Jacques Thibaud agit pour préfigurer<br />

une réponse internationale à la<br />

demande de ses futurs professionnels.<br />

Performance des élèves du Conservatoire<br />

au Festival Clair de Bastide,<br />

Centre social Bastide-Benauge, Juin 2012<br />

Un vivier de ressources<br />

Le Conservatoire Jacques<br />

Thibaud ouvre les horizons, mesure<br />

son potentiel et envisage son orientation<br />

future. Car la perspective<br />

de croissance de la ville, suscitera<br />

mécaniquement l’augmentation<br />

constante d’une demande à satisfaire.<br />

Laboratoire d’innovation pédagogique,<br />

terrain d’expérimentation<br />

pour une relation novatrice à<br />

l’espace, au public et à une création<br />

contemporaine transdisciplinaire,<br />

le Conservatoire Jacques Thibaud<br />

cultive sa capacité à devenir un<br />

pôle de ressources au rayonnement<br />

régional et national.<br />

Au service du projet artistique<br />

des élèves, il canalise et innerve les<br />

énergies dans la ville en rapprochant<br />

les publics. A sa manière il<br />

s’affranchit lui aussi des frontières.<br />

«Valse(s)», Création danse classique<br />

des élèves du Conservatoire,<br />

TnBA, Mars 2012<br />

139


la créat<br />

au cœur<br />

d’un<br />

dévelop<br />

<strong>culture</strong>l<br />

durable


ion<br />

Musiciens de l’Orchestre National<br />

<strong>Bordeaux</strong> Aquitaine<br />

pement<br />

Ecole du cirque<br />

de <strong>Bordeaux</strong>


l’Auditorium de <strong>Bordeaux</strong><br />

«Micro-climats 0.0», conçu par le Glob Théâtre,<br />

avec Marion Aubert, Virginie Barreteau et Fabrice Melquiot<br />

Orchestre National de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine


«Mater Dolorosa», Jean-Baptiste Carpeaux,<br />

Collection MBA<br />

«La Grèce sur les ruines de<br />

Missolonghi», Eugène Delacroix,<br />

Collection MBA<br />

Affiche de la Nuit des musées<br />

à <strong>Bordeaux</strong> 2012<br />

la Zumba revisitée par le collectif<br />

Dispersion, Nuit des musées 2012,<br />

CAPC


Novart 2010: «Fauves»<br />

création de Michel Schweizer/<br />

Cie La Coma avec Clément Chelbi<br />

Mention Prix du Design,<br />

Agora 2012, EBABx<br />

Imaginez maintenant - les 4 jours<br />

de la jeune création, 2010<br />

Grand Parc en Fête avec<br />

l’association MC2A


Maison des Danses, quartier Ginko<br />

Nuit des Musées, 2010,<br />

Musée des Arts décoratifs<br />

Visite exposition<br />

permanente, Musée<br />

d’Aquitaine


«House Of The Living Dead»,<br />

Imaginez Maintenant, 2010<br />

Musée des Beaux-Arts<br />

Imaginez maintenant - les 4 jours<br />

de la jeune création, 2010


"Le Lion" de Xavier Veilhan, Place Stalingrad<br />

Visite exposition permanente, Espace<br />

Design, Musée des Arts décoratifs<br />

Visite exposition temporaire,<br />

Galerie des Beaux-Arts


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

Parce que l’ambition de la Ville de<br />

<strong>Bordeaux</strong> est de développer durablement<br />

la vitalité artistique et la vie <strong>culture</strong>lle de<br />

son territoire, elle se doit d’agir selon<br />

plusieurs approches concomitantes.<br />

Non seulement en accompagnant les<br />

artistes dans leur expression et leur<br />

professionnalisation mais également en<br />

favorisant l’innovation et la créativité.<br />

148


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

149<br />

Investir dans les lieux<br />

artistiques : un impératif<br />

pour demain<br />

D’ici à 2015, plus d’une dizaine de sites <strong>culture</strong>ls nouveaux<br />

vont sortir de terre, tandis que de hauts lieux, hérités du<br />

XIXe siècle, feront peau neuve. Le Musée des Beaux-arts<br />

et le Muséum d’Histoire Naturelle en cours de rénovation,<br />

s’étendent, se rationnalisent et se restructurent, pour<br />

améliorer leur confort d’accès et le déploiement de leurs<br />

collections. Les espaces d’accueil et salles d’exposition<br />

s’ouvriront plus en douceur aux handicapés, aux enfants et<br />

aux personnes âgées. L’extension des surfaces ouvertes au<br />

public, l’installation de mobiliers plus adaptés à la diversité<br />

des usages, harmoniseront la convivialité des visites,<br />

annuleront toute entrave au plaisir et à la qualité de la<br />

découverte.<br />

D’ores et déjà, les bibliothèques municipales sont au<br />

service de la formation continue et de la réorientation<br />

professionnelle. Ouvertes à tous, dans des espaces<br />

spécifiques, elles portent une attention particulière aux<br />

minorités linguistiques, aux personnes hospitalisées,<br />

incarcérées ou en situation de handicap. Un portail<br />

numérique qui permet l’accès aux catalogues de la<br />

bibliothèque et de l’université ouvre en 2013. Il instaure,<br />

parallèlement, un lien plus direct entre bibliothécaires<br />

et usagers, notamment par l’utilisation des blogs et des<br />

réseaux sociaux. Cette même année, une médiathèque<br />

tournée vers les <strong>culture</strong>s digitales voit le jour au quartier<br />

Armagnac tandis que la Bibliothèque Saint-Augustin est<br />

entièrement modernisée. Simultanément la bibliothèque de<br />

Mériadeck se métamorphose dans une nouvelle esthétique,<br />

de nouveaux services, en instaurant un nouveau rapport aux<br />

médias <strong>culture</strong>ls.<br />

Enfin, ni musée ni parc à thème, la Cité des Civilisations<br />

du Vin ouvrira ses portes en 2015. Elle fera partager une<br />

<strong>culture</strong> millénaire en contribuant à transmettre un patrimoine<br />

universel.<br />

Soutenir la diffusion d’une <strong>culture</strong> invitante, construire, par<br />

tous les moyens dont elle dispose, la dynamisation de la<br />

vie des quartiers, sont à <strong>Bordeaux</strong> des outils essentiels au<br />

développement <strong>culture</strong>l du territoire.<br />

Inauguré début 2013, l’Auditorium de <strong>Bordeaux</strong> illustre<br />

cette volonté : installée en plein cœur historique, cette<br />

nouvelle maison de l’Orchestre National <strong>Bordeaux</strong>


{ D’ici à 2015,<br />

plus d’une<br />

dizaine de sites<br />

<strong>culture</strong>ls<br />

nouveaux vont<br />

sortir de terre }


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

Aquitaine constitue à la fois le lieu d’accueil d’ensembles et<br />

d’artistes prestigieux pour les mélomanes, mais également<br />

l’instrument d’une découverte plus large de publics<br />

diversifiés. Pour ce faire, une programmation étendue aux<br />

musiques du monde et au jazz, l’instauration de moments<br />

plus récréatifs tels que les « after » ou de concerts donnés<br />

par des amateurs contribueront à ouvrir et renouveler les<br />

publics de l’institution.<br />

L’accent, au cœur de la vaste réforme urbaine et <strong>culture</strong>lle<br />

engagée, est porté sur la réflexion, la reconstruction et<br />

la réaffectation d’espaces, souvent réinventés dans leur<br />

fonctionnalité et dans la relation qui les lie aux Bordelais.<br />

L’usage renouvelé de sites comme les Vivres de l’Art, le<br />

Glob théâtre ou la Manufacture Atlantique, incitent les<br />

artistes à s’investir dans une logique de travail durable et<br />

prospective. A cette enseigne, le Glob théâtre, qui a conduit<br />

depuis 1998 sa mutation d’atelier industriel en fabrique<br />

artistique et <strong>culture</strong>lle, s’il diffuse spectacle et création,<br />

entretient également avec les artistes et leurs équipes une<br />

connivence à long terme. Accueillis en résidence pour une<br />

durée moyenne d’une à deux semaines, compagnies d’art<br />

dramatique, musiciens et propositions expérimentales<br />

participent à son projet artistique et pédagogique. Sa<br />

programmation multidisciplinaire est le reflet de ce carrefour<br />

des arts de la scène ouvert aux rencontres, aux offres de<br />

stages et d’ateliers ainsi qu’aux jeunes publics dans une<br />

relation de proximité avec le quartier.<br />

C’est aussi dans une résonnance avec le monde et les<br />

nouvelles écritures que la Manufacture Atlantique, ancien<br />

TNT Manufacture de chaussures, modifie le processusmême<br />

d’élaboration du projet de vie du lieu. En faisant<br />

appel à l’intervention conjointe d’auteurs, de paysagistes,<br />

de chorégraphes et de performeurs, chaque parcelle du lieu<br />

devient un enjeu de complémentarité entre usages durables,<br />

espaces de créations et de partage.<br />

Lieux de fabrication, de rencontres et de diffusion,<br />

dans une approche transversale des activités artistiques,<br />

ces espaces réunissent les conditions nécessaires de<br />

développement et accompagnent des filières en plein essor.<br />

Accompagner les artistes dans leur<br />

parcours, ici et ailleurs<br />

151<br />

Par ses usages quotidiens et multiples, par les innovations<br />

éducatives et sociales qu’elle induit, les impulsions créatives<br />

et créatrices qu’elle suscite, la <strong>culture</strong> est une clé de la<br />

dynamique locale et de son aura. Au cœur de ce crédo,


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

artistes, associations et opérateurs occupent un rôle de<br />

moteur que la Ville soutient au quotidien.<br />

La crise, venant fragiliser davantage une économie<br />

<strong>culture</strong>lle souvent précaire – qui pourtant incarne une voie<br />

de développement – elle impose plus que jamais une écoute<br />

attentive et une mobilisation rapide.<br />

Tel est l’engagement de la Ville de <strong>Bordeaux</strong>, concrétisé en<br />

2013 par l’augmentation de subventions au secteur <strong>culture</strong>l,<br />

au moment où ce dernier est particulièrement touché par les<br />

désengagements publics divers.<br />

Précisément, <strong>Bordeaux</strong> consacre 22 millions d’euros par<br />

an aux subventions du secteur <strong>culture</strong>l, sans compter les<br />

aides en nature et en ingénierie qui, cumulées, révèlent<br />

une implication encore plus importante. Plus globalement,<br />

c’est 18% de son budget que la Ville consacre à la <strong>culture</strong>.<br />

Cette intervention publique s’établit en fonction d’une<br />

attention minutieuse de ses potentiels <strong>culture</strong>ls et de leur<br />

développement durable.<br />

Défricher, expertiser et relier les réseaux<br />

transversaux<br />

152<br />

19. voir focus :<br />

« <strong>Bordeaux</strong> réveillée<br />

par l’art »<br />

20. voir focus :<br />

« Rêvolution à l’Opéra »<br />

Dans un prolongement indispensable à son élan, la<br />

Ville dynamise tant la création que la diffusion d’une<br />

effervescence artistique. [19] Par un soutien original de<br />

coproduction, de co-création, de diffusion croisée, <strong>Bordeaux</strong><br />

favorise et accompagne non seulement l’inscription des<br />

artistes dans de nouveaux réseaux mais aussi celle<br />

d’opérateurs <strong>culture</strong>ls, compagnies, labels, salles de<br />

spectacles, collectifs d’associations…<br />

Chacun peut ainsi développer son champ d’action,<br />

accentuer sa proximité aux publics et accroître sa notoriété<br />

dans une logique constructive. La teneur artistique des<br />

festivals bordelais tels Novart, 30’30’’ rencontres du court,<br />

Regard 9 ou <strong>Bordeaux</strong> Rock souligne une volonté de<br />

mettre en lumière la scène locale, tout comme d’ailleurs<br />

l’appropriation bordelaise de manifestations nationales –<br />

la Fête de la musique ou la Nuit des musées – favorise<br />

l’émergence de nouveaux talents en contrepoint de « têtes<br />

d’affiches ».<br />

La Direction générale des affaires <strong>culture</strong>lles de la Ville<br />

opère un suivi attentif de l’ensemble des forces vives. Elle<br />

promeut et encourage rencontres et dialogues avec les<br />

artistes [20] les collectifs, les associations, les opérateurs<br />

privés.<br />

Concrètement, chaque projet artistique appelle une<br />

réponse spécifique, et demande un accompagnement


{ Chaque parcelle<br />

du lieu devient<br />

un enjeu de<br />

complémentarité<br />

entre usages<br />

durables, espaces<br />

de créations<br />

et de partage }


{ <strong>Bordeaux</strong><br />

consacre<br />

22 millions<br />

d’euros par an<br />

aux subventions<br />

du secteur<br />

<strong>culture</strong>l }


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

adapté. En partenaires actifs, les équipes de la Ville, formées<br />

à l’ingénierie et au conseil <strong>culture</strong>l, soutiennent la création,<br />

cherchant l’aide la plus adéquate, la solution la plus efficace<br />

à court et long terme. Car, contribuer à la révélation de<br />

scènes émergentes, favoriser l’écho d’une renommée<br />

naissante ou faciliter la venue de créateurs étrangers,<br />

participent des compétences de la Ville et d’orientations<br />

affirmées, qui viennent compléter les missions des<br />

institutions régionales et nationales. L’ensemble des services<br />

municipaux est conjointement mobilisé dans la même<br />

perspective et offre son expertise aux acteurs <strong>culture</strong>ls que<br />

ce soit en matière de gestion comptable, juridique ou de<br />

réalisation technique. C’est cette émulation au sein de<br />

projets partagés qui inscrit le développement artistique dans<br />

un cercle vertueux.<br />

Développer les lieux de résidence<br />

et de professionnalisation<br />

155<br />

Pour répondre une demande dense et polymorphe, la Ville<br />

se doit d’évaluer et d’entendre les besoins des artistes.<br />

Interrogés sur leurs attentes compagnies et chorégraphes<br />

ont pointé la nécessité de nouveaux lieux de travail. C’est<br />

pourquoi, la future Maison des danses qui verra le jour à<br />

l’automne 2015 au sein du quartier Ginko, propose un lieu<br />

de fabrique professionnelle. Elle se veut un catalyseur pour<br />

faciliter les conditions de production et de création des<br />

compagnies locales tout en leur permettant d’inviter et de<br />

collaborer avec des artistes venus d’ailleurs. Elle complète<br />

l’offre de pratique chorégraphique en partenaire des scènes<br />

existantes, telles que le Cuvier de Feydeau-CDC d’Aquitaine<br />

d’Artigues ou Le Carré – Les Colonnes de Saint-Médard-en-<br />

Jalles et de Blanquefort.<br />

Ce dispositif dont la gouvernance fait l’objet d’échanges<br />

entre professionnels, viendra s’ajouter à celui de résidences<br />

d’ores et déjà mises en place : par la Ville qui accueille<br />

gracieusement toute l’année, pour une durée définie, des<br />

artistes sur l’invitation de structures locales. Par ailleurs, la<br />

reconversion de l’élégante maison à l’architecture second<br />

Empire reçue en legs de la veuve du Professeur Demons<br />

a donné naissance à une résidence de travail pour les<br />

associations dédiées à l’écrit (Escale du Livre), au patrimoine<br />

(Pétronille) et des auteurs bédéistes sélectionnés chaque<br />

année selon leur projet. Enfin, la Ville vient d’aménager un<br />

nouveau lieu de résidence au 79 rue Bourbon. Cet espace,<br />

conçu comme une pépinière pour des artistes et des<br />

opérateurs du monde de l’image, sélectionne ses résidents


FOCUS<br />

Rêvolution<br />

à l’Opéra<br />

Novart 2012: Création mondiale de l’opéra «Slutchaï-faits divers»,<br />

de Oscar Strachnoy, m.e.s. Christine Dormoy, Cie Le Grain,<br />

Opéra National de <strong>Bordeaux</strong><br />

«Tétris» chorégraphié par Anthony Egéa<br />

Répétition du Ballet<br />

de l’Opéra National de <strong>Bordeaux</strong><br />

«Tétris», duo<br />

«Tétris» par le Ballet de l’Opéra<br />

National de <strong>Bordeaux</strong>, 2010<br />

156


«Tétris» par le ballet de l’Opéra<br />

national de <strong>Bordeaux</strong>, 2010<br />

OConcert inaugural sous la direction de<br />

Kwamé Ryan, Auditorium de <strong>Bordeaux</strong>,<br />

Evento 2009, « Luanda, Smooth & Rave»<br />

au Grand Théatre<br />

157


focus<br />

Quand la ville communique<br />

avec ses créateurs, les accueille,<br />

les aide et les soutient, la <strong>culture</strong><br />

s’enrichit, bouscule les habitudes<br />

et surprend les publics. En 2010, le<br />

hip-hop monte sur les planches du<br />

Grand Théâtre. Invité par Thierry<br />

Fouquet, son directeur général, le<br />

chorégraphe bordelais Anthony<br />

Egéa crée Tétris pour 20 danseurs<br />

du corps de ballet. Retour sur la<br />

genèse de cette aventure.<br />

Quelles ont été les conditions dans<br />

lesquelles Tétris a vu le jour <br />

Thierry Fouquet : J’ai<br />

rencontré Athony Egéa, à la fin des<br />

années 1990, par l’intermédiaire de<br />

Joël Brouch, alors chargé de l’action<br />

<strong>culture</strong>lle, aujourd’hui Directeur<br />

de l’OARA, l’Office Artistique de la<br />

Région Aquitaine. A l’époque nous<br />

préparions une programmation de<br />

spectacles de danse contemporaine<br />

et de projets expérimentaux. Rêvolution,<br />

a été l’une des premières<br />

compagnies, de la région, à venir se<br />

produire sur la scène de l’opéra. Tétris,<br />

créé en 2010, est donc née d’une<br />

collaboration de longue haleine.<br />

Quels ont été vos premiers contacts<br />

avec la danse classique <br />

A. E. : C’est un souvenir très<br />

fort. C’est d’abord la rencontre de<br />

Charles Jude. Le directeur du ballet<br />

de l’Opéra préparait Danses de Salon,<br />

un florilège historique des danses<br />

au XXe siècle dont le hip hop était<br />

le dernier tableau. J’ai participé<br />

à l’écriture de plusieurs pièces et<br />

proposé un travail plus spécifique<br />

avec les danseurs de ma compagnie.<br />

A l’issue de la représentation,<br />

Thierry Fouquet est monté sur<br />

scène et nous a invités à présenter<br />

notre prochaine création à l’Opéra<br />

de <strong>Bordeaux</strong>. Du hip hop sous la<br />

rampe du Grand Théâtre !<br />

Danses classique et contemporaine<br />

sont-elles antinomiques à <strong>Bordeaux</strong> <br />

T. F. : Chaque année, dans le<br />

cadre de la saison de la danse, nous<br />

présentons à la fois les pièces du<br />

répertoire et 4 œuvres contemporaines<br />

interprétées par les danseurs<br />

de l’opéra. En 2008, 4 tendances a<br />

accueilli Urban Ballet d’Anthony<br />

Egéa, venu mélanger les genres et<br />

proposer une gestuelle hybride où<br />

s’harmonisent danse urbaine et<br />

technique classique. Déjà, il proposait<br />

une vision du corps et de ses<br />

respirations, en mêlant l’élan aérien<br />

de la danse classique aux appuis<br />

terriens du hip hop. Car le principe<br />

de 4 tendances est de présenter les<br />

orientations de la danse contemporaine,<br />

tous horizons confondus, de<br />

Carolyn Carlson à Claude Brumachon,<br />

d’Itzik Galili à Jirí Kylián.<br />

Quelles contraintes se sont imposées<br />

dans la création de Tétris <br />

Anthony Egéa : C’était une<br />

carte blanche ! Je souhaitais travailler<br />

avec un groupe de 10 danseurs.<br />

Le directeur du ballet voyait plus<br />

grand : 20 à 25 danseurs. Alors les<br />

challenges se sont conjugués : écrire<br />

pour la première fois pour des<br />

danseurs de formation classique,<br />

travailler dans une grande maison<br />

avec des moyens nouveaux mis à<br />

ma disposition pour les répétitions<br />

et la création musicale, parler un<br />

même langage avec des interprètes<br />

étrangers à l’univers du hip-hop. Je<br />

me suis appuyé sur mes connaissances<br />

classiques, j’ai essayé de<br />

leur transmettre des techniques. Le<br />

timing constituait le plus grand défi.<br />

En général j’écris une pièce en trois<br />

mois. Pour Tétris je n’en avais qu’un.<br />

Rétrospectivement quelle impression ou<br />

quel regret vous laisse cette expérience <br />

Anthony Egéa et Thierry<br />

Fouquet : Un peu sage ! Mais<br />

bien que la pièce soit restée très<br />

respectueuse de la Maison, le public<br />

bordelais a été emballé. Cette année<br />

là, un choix de deux pièces était au<br />

programme, l’une classique l’autre<br />

contemporaine. Le succès de Tétris<br />

a emmené le corps de ballet sur l’ensemble<br />

des scènes de la région, puis<br />

à Paris et récemment à Hong-Kong<br />

où la pièce, entrée au répertoire de<br />

l’Opéra tourne avec la troupe.<br />

Qu’a-t-elle modifié dans votre<br />

approche <br />

T. F. : Travailler avec la danse<br />

hip hop à l’opéra, c’est faire entrer<br />

un pan de la danse contemporaine<br />

encore peu et mal assimilé par les<br />

grandes compagnies. Sortie de la<br />

rue, on la laisse encore à l’extérieur<br />

des grandes institutions. A<br />

<strong>Bordeaux</strong>, lui ouvrir les portes du<br />

Grand Théâtre génère un échange<br />

fructueux pour les danseurs mais<br />

aussi pour les danses elles-mêmes.<br />

Anthony Egéa : Le hip hop est<br />

une appropriation du sol alors que<br />

la danse classique est une conquête<br />

aérienne. Tétris, ce jeu électronique<br />

où des formes géométriques<br />

s’imbriquent, mixe les techniques,<br />

noue les mouvements, rapproche<br />

les humeurs. C’est la combinaison<br />

d’une énergie saccadée, impulsive<br />

et d’une esthétique classique. Travailler<br />

le hip hop avec les danseuses<br />

158


focus<br />

de l’opéra c’est par exemple, leur<br />

apprendre la technique du célèbre<br />

moon-walk de Michael Jackson et le<br />

break dance… sur des pointes. J’ai<br />

appris à préparer mes chorégraphies<br />

en fonction de la technique<br />

des danseurs. Dans le hip-hop<br />

l’improvisation tient une place<br />

importante. Or les interprètes classiques<br />

basent leur travail sur des<br />

œuvres très écrites. Après Tétris,<br />

j’ai créé une pièce pour le Beijing<br />

danse Theater, première compagnie<br />

contemporaine de Chine dont la formation<br />

et la démarche sont essentiellement<br />

classiques. Les langages<br />

s’ouvrent d’une danse à l’autre.<br />

jour avec l'Orchestre National<br />

de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine, d’inviter un<br />

artiste électronique avec 86 musiciens<br />

classiques.<br />

T. F. : Nous pourrons imaginer<br />

des expériences de ce type, dans<br />

l’auditorium, qui dispose d’une très<br />

vaste fausse d’orchestre, en croisant<br />

non seulement les disciplines avec<br />

l’orchestre, le chœur, le ballet et un<br />

artiste ou une compagnie invitée,<br />

mais en jouant aussi avec le lieu,<br />

les ambiances et les publics. Des<br />

propositions d’hybridation !<br />

Quel impact la pièce a-t-elle eu sur le<br />

corps de ballet <br />

Anthony Egéa : Certains ont<br />

finalement trouvé qu’il n’y avait pas<br />

assez de hip-hop et voulaient aller<br />

plus loin dans l’expérience, comme<br />

pratiquer des ateliers au sol, chose<br />

rare à l’opéra. Ici on leur apprend à<br />

s’envoler dans les airs, avec Tétris,<br />

ils ont pris un réel plaisir à se rouler<br />

par terre.<br />

Franck II Louise, auteur de la musique<br />

du spectacle, a-t-il vécu la même<br />

expérience <br />

Anthony Egéa : Je travaille<br />

depuis longtemps avec ce compositeur<br />

qui vient lui aussi du hip hop.<br />

Il a fait ses armes dans la musique<br />

électronique. Lui aussi a eu à cœur<br />

d’imbriquer, de nouer et de faire<br />

dialoguer entre eux des rythmes hip<br />

hop et des envolées lyriques d’écriture<br />

plus classique, dans les canons<br />

de la musique contemporaine. Il<br />

s’est inspiré de l’énergie des danses.<br />

Je rêve d’ailleurs de collaborer un<br />

Charles Jude et le Ballet de l'Opéra National de <strong>Bordeaux</strong><br />

159


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

via un comité ad hoc.<br />

La volonté de procurer aux, créateurs et acteurs de la vie<br />

<strong>culture</strong>lle des lieux de travail adaptés a mené la Direction<br />

générale des Affaires <strong>culture</strong>lles à assurer une veille<br />

foncière et plus encore à négocier avec les bailleurs sociaux<br />

afin de permettre l’ouverture d’ateliers ou l’attribution<br />

d’appartements notamment dans le bâti de ses futurs<br />

quartiers.<br />

La même dynamique fera naître la future zone cirque<br />

conçue pour et avec ses futurs usagers. Ce nouvel espace<br />

ne se contentera pas d’être l’hôte de chapiteaux de passage.<br />

La collaboration accrue des opérateurs <strong>culture</strong>ls locaux,<br />

régionaux et nationaux, soutiendra le tissu associatif du<br />

quartier. Du centre de formation professionnelle de l’école du<br />

cirque de <strong>Bordeaux</strong>, à la Smart Compagnie, des ateliers du<br />

centre d’animations des Queyries à la Compagnie Bivouac,<br />

toutes les habiletés circassiennes seront réunies au service<br />

des professionnels des arts du cirque autant que des publics<br />

aquitains.<br />

Nouveaux lieux, subventions, accueils en résidence, mise<br />

en réseau, les différentes modalités de soutien aux acteurs<br />

artistiques se veulent autant d’encouragements à l’émulation<br />

entre les créateurs, les lieux <strong>culture</strong>ls eux-mêmes. Ils<br />

participent d’une attention et d’une ouverture à l’éclectisme<br />

des genres et des disciplines ainsi qu’à la diversité des<br />

publics auxquels ils s’adressent. Mais ils signalent aussi<br />

combien toute politique <strong>culture</strong>lle comprend désormais la<br />

nécessité de nouveaux modèles économiques.<br />

S’inscrire dans une nouvelle<br />

économie de la <strong>culture</strong><br />

160<br />

Accélérateur et catalyseur d’énergies, la <strong>culture</strong> marie les<br />

affinités, faisant naître de nouveaux réflexes économiques.<br />

A ce titre, la Fabrique Pola contribue à cette évolution. Au<br />

sein d’un espace collectif mis à disposition par la Ville,<br />

artistes, graphistes, architectes et associations, transmettent<br />

leurs savoir-faire et sensibilisent les publics par le biais de<br />

séminaires de formation liés aux problématiques spécifiques<br />

et pratiques de leurs activités. Ils embrassent, d’un même<br />

mouvement, tous les champs de la création tout en menant<br />

une action sociale et solidaire d’insertion dans la vie<br />

professionnelle.<br />

Autre exemple bordelais, les nombreuses initiatives<br />

menées en faveur du développement des arts plastiques<br />

ne sont pas étrangères au développement des galeries<br />

autour du CAPC. En contrepoint immédiat, un incubateur de


{ Chaque projet<br />

artistique<br />

appelle une<br />

réponse<br />

spécifique }


{ Nouveaux lieux,<br />

subventions,<br />

accueils en<br />

résidence, mise en<br />

réseau : autant<br />

d’encouragements<br />

à l’émulation<br />

entre les<br />

créateurs }


{ Toute politique<br />

<strong>culture</strong>lle<br />

comprend<br />

désormais<br />

la nécessité<br />

de nouveaux<br />

modèles<br />

économiques }


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

164<br />

21.<br />

Mécénat participatif<br />

galeries a vu le jour, 1 rue des Etables. Pendant deux ans,<br />

la Ville fournit à de jeunes galeristes (Cortex Athletico en<br />

2006–2008, ACDC en 2009–2012, Super Window project en<br />

2013) une aide au démarrage. Au cœur du quartier Sainte-<br />

Croix, à deux pas de l’Ecole Supérieure des Beaux-arts,<br />

les jeunes structures disposent, d’un espace privilégié et<br />

du temps nécessaire pour faire leurs armes, amorcer une<br />

clientèle et s’aguerrir professionnellement au monde de l’art.<br />

En parallèle, dans une véritable synergie, l’Ecole Supérieure<br />

des Beaux-arts, le CAPC et la Fabrique Pola, offrent à de<br />

jeunes artistes un tremplin à leur carrière artistique, tout<br />

en accueillant à titre d’échanges et de résidences des<br />

plasticiens de renommée internationale.<br />

De même, la présence active du design au Musée des<br />

Arts Décoratifs et du Design semble avoir également<br />

stimulé nombre d’établissements s’y dédiant. L’évolution<br />

sociologique de la ville et de ses habitants, celle des<br />

pratiques tout comme les mutations dans l’édition de<br />

mobilier génèrent à cet égard une nouvelle physionomie<br />

du centre-ville. Si la ville comptait deux uniques enseignes<br />

de design, implantées au cœur historique de <strong>Bordeaux</strong> en<br />

1980 elle en dénombre aujourd’hui quarante. Cette situation<br />

constitue un contexte favorable au développement et à la<br />

valorisation de la jeune garde locale, formée notamment<br />

à l’Ecole Supérieure des Beaux Arts engagée dans le<br />

renforcement de l’enseignement du design.<br />

Plus généralement, le soutien à la créativité et à<br />

l’innovation, condition essentielle de développement,<br />

encourage la Ville à chercher, inventorier, rassembler et<br />

mettre en place de nouvelles formes d’économie. Mais<br />

également, sa démarche se poursuit dans la recherche<br />

de mécénat que les établissements <strong>culture</strong>ls comme les<br />

associations peuvent développer.<br />

Ainsi, l’initiative lancée par le CAPC au printemps 2013<br />

du « ticket mécène » intègre pleinement les nouveaux<br />

réflexes du crowd funding [21] dans la sphère artistique<br />

et vient s’ajouter aux processus habituels d’acquisition et<br />

d’enrichissement des collections. Ce dispositif novateur<br />

permet à chaque visiteur de devenir contributeur dans<br />

l’acquisition d’une nouvelle œuvre. Maillon actif dans<br />

l’enrichissement de la collection du musée il s’en approprie<br />

une part à l’aune de son apport – à partir de 3 euros – et se<br />

voit remettre l’élément d’un puzzle, en magnets, représentant<br />

à la fois l’œuvre et l’avancée de la collecte. A chaque euro<br />

récolté, les Amis du CAPC doublent les sommes collectées.<br />

Cette initiative, qui renforce le lien avec le grand public,<br />

prend corps lors de la cérémonie organisée avec l’ensemble<br />

des donateurs à l’arrivée de l’œuvre au musée et rend


{ Anticiper<br />

les mutations<br />

<strong>culture</strong>lles et<br />

y répondre dès<br />

aujourd’hui }


{ les échanges<br />

entre <strong>Bordeaux</strong><br />

et le monde<br />

sont autant de<br />

tremplins vers<br />

de nouveaux<br />

horizons }


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

chacun un peu plus collectionneur et un peu plus citoyen.<br />

C’est dans le mouvement d’émulations inédites qu’est né,<br />

dans les anciens magasins généraux de la caserne Niel,<br />

un écosystème d’un type nouveau. Le projet Darwin, qui<br />

revendique sa participation au bouleversement de la société,<br />

propose une alternative à la crise écologique, économique et<br />

sociale qui sous-tendraient une crise de civilisation.<br />

En réunissant sur des espaces paysagés de 10 000 m²<br />

quelque 200 personnes et plus de 37 entreprises, Darwin<br />

cultive une cohabitation d’esprit, de partage et d’entraide<br />

solidaire. Son principe : la mutualisation et la rationalisation<br />

des services, conjuguée à des projets communs de<br />

développement durable.<br />

Plaçant la question de la <strong>culture</strong> au cœur de la réflexion<br />

de l’entreprise, le projet, tant philosophique qu’économique,<br />

embarque la notion d’économie créative où commerce<br />

équitable, <strong>culture</strong>s urbaines, activités artistiques et écologie<br />

s’imbriquent pour inventer leur cadre de vie et leur futur<br />

quotidien. Laboratoire de propositions et réservoir tangible<br />

de solutions, il sera demain voisin de la Fabrique Pola avec<br />

laquelle des initiatives croisées sont engagées depuis<br />

longtemps. Pour les « Darwiniens », la <strong>culture</strong> relève aussi de<br />

la responsabilité entrepreneuriale. C’est pourquoi Darwin,<br />

qui vient de créer son fonds de dotation, a l’ambition de<br />

développer des projets d’intérêt général. Séduit par la<br />

démarche, sa pertinence et sa persévérance, Bob Scott, qui<br />

avait découvert ce projet d’écosystème en 2008, alors qu’il<br />

examinait en tant que président du jury, la candidature de<br />

<strong>Bordeaux</strong> à l’élection de Capitale Européenne de la <strong>culture</strong><br />

pour 2013, conduira désormais la destinée du fonds Darwin<br />

de dotation en en assumant la présidence.<br />

Dans sa philosophie, dans ses soutiens directs et indirects,<br />

dans sa recherche permanente d’idées, de solutions<br />

collectées et concertées, <strong>Bordeaux</strong> se donne ainsi les<br />

moyens et la latitude d’anticiper les mutations <strong>culture</strong>lles et<br />

d’y répondre dès aujourd’hui avec justesse et cohérence.<br />

L’art pour ambassadeur<br />

167<br />

Une telle interactivité n’aurait de sens ni d’efficacité si<br />

elle n’enjambait les frontières. Nés avant tout d’affinités et<br />

de désirs artistiques, les échanges entre <strong>Bordeaux</strong> et le<br />

monde, a fortiori au sein du dense réseau de villes jumelées<br />

auquel elle appartient, sont autant de points d’appui voire de<br />

tremplin vers de nouveaux horizons.<br />

Jumelée à 18 métropoles à travers le monde, dont Los<br />

Angeles, Fukuoka, et Québec, <strong>Bordeaux</strong> soutient artistes et


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

168<br />

créateurs dans leur épanouissement et leur reconnaissance<br />

à l’étranger. Ainsi, depuis 2011, une résidence croisée entre<br />

Los Angeles et <strong>Bordeaux</strong> a été mise en place. Elle a permis<br />

d’accueillir chaque année en alternance les plasticiens<br />

américains Richard Hawkins puis Patricia Fernandez tandis<br />

que les artistes français Benoît Maire et Laurent Le Deunff<br />

œuvraient outre-Atlantique. Travail in situ, interventions<br />

auprès des étudiants, les échanges ont impliqué la galerie<br />

d’art contemporain Laxart’s (Los Angeles), l’Ecole Supérieure<br />

des Beaux Arts, le CAPC, l’Institut français et le Service de<br />

Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de L.A.<br />

Tissant, au travers de ses échanges <strong>culture</strong>ls, des liens<br />

toujours plus fermes dans les domaines artistiques,<br />

universitaires mais également économiques, la Ville envoie<br />

en émissaire au Canada, ses événements <strong>culture</strong>ls ou<br />

populaires, telle la Nuit de la Création ou la Fête du vin. La<br />

Ville soutient également en partenariat avec l’Institut français<br />

le programme de résidence croisée entre le Centre Clarck à<br />

Montréal et la Fabrique artistique Pola.<br />

A travers le monde, elle se trouve au cœur d’un système<br />

fécond de diffusion et de production. Certains de ses<br />

modèles s’exportent. Ainsi, la structure et le fonctionnement<br />

de la Rock School Barbey, scène et académie de musiques<br />

actuelles, ont notamment inspiré, à Québec la création<br />

de L’Ampli, devenue scène « jumelle », qui chaque année<br />

s’investit dans l’accueil réciproque de quatre artistes en<br />

résidence de création. Dans le champ du patrimoine, les<br />

équipes bordelaises sont régulièrement sollicitées pour<br />

transmettre leur compétence en matière d’animation à<br />

l’occasion de colloques internationaux come récemment en<br />

Croatie et au Maroc.<br />

Une même complicité unit <strong>Bordeaux</strong> à la capitale de<br />

l’île japonaise de Kyushu, Fukuoka, dans les domaines<br />

de la musique, des échanges universitaires et de la<br />

bande dessinée, permettant par exemple à l’auteur David<br />

Prudhomme de suivre, carnet de croquis en main, les<br />

coulisses du tournoi national de Sumo du Kyushu. Le Bureau<br />

Baroque a, par ailleurs, réalisé une installation artistique à la<br />

galerie Artium à l’occasion du 30 e anniversaire du jumelage<br />

<strong>Bordeaux</strong> / Fukuoka, qui a notamment permis l’organisation<br />

des « cafés éphémères » de la designer bordelaise Anne<br />

Xiradakis.<br />

Sous l’égide conjointe de <strong>Bordeaux</strong> et de l’Institut français,<br />

résidences croisées et échanges <strong>culture</strong>ls sont appelés à<br />

s’intensifier notamment à Saint-Pétersbourg puis Bristol,<br />

Munich, Bamako et Ouagadougou. D’Afrique aux Etats-Unis,<br />

d’Allemagne au Japon, arts de la scène, arts plastiques, BD,<br />

littérature et musique sont devenus les « curseurs » d’une


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

coopération artistique concrète et durable entre artistes<br />

émergents ou reconnus, au sein d’un réseau international<br />

d’un réseau actif et soudé de villes partenaires.<br />

Mais le rayonnement à l’international du territoire est<br />

également porté par la mobilité des collections des musées,<br />

comme l’illustre le cas du musée des Beaux-arts. Héritier du<br />

siècle des Lumières, il a consacré au XIXe siècle <strong>Bordeaux</strong><br />

comme capitale artistique de premier plan, souvent rivale<br />

de Paris. C’est dans son sillage qu’une société éclairée<br />

d’artistes, d’amateurs et de collectionneurs a eu à cœur, au<br />

début du XXe siècle, de renouveler l’image de leur ville en<br />

lui assurant une notoriété universelle : Odilon Redon, Albert<br />

Marquet, André Lhote. Ce rôle d’ambassadeur est aujourd’hui<br />

poursuivi par un mouvement intensif des œuvres du musée<br />

qui s’appuie notamment sur son appartenance au réseau<br />

FRAME [22], fédération de 26 musées français et américains.<br />

Penser le développement <strong>culture</strong>l durable c’est imaginer la<br />

ville de demain et ses usages à naître. Mais, cette projection<br />

ne peut être cohérente sans une équité dans l’accès à l’offre.<br />

Cette priorité est pour <strong>Bordeaux</strong> une évidence.<br />

169<br />

22.<br />

French and American<br />

Museum exchange<br />

23. voir focus :<br />

« Bibliothèques : cultiver<br />

ses désirs »<br />

L’enjeu de l’innovation<br />

<strong>culture</strong>lle<br />

L’accessibilité, un impératif ;<br />

l’e-<strong>culture</strong>, un nouveau sésame<br />

L’abord et l’usage pour tous d’un patrimoine ancien, riche<br />

et rayonnant, comme la mise en conformité d’équipements,<br />

conçus aux siècles passés, ont induit une réflexion globale<br />

prenant l’accueil des publics, pour point de départ et d’appui.<br />

Si, à l’instar de la Bibliothèque Mériadeck, l’ensemble des<br />

handicaps – cécité, surdité, mobilité réduite ou empêchée<br />

– ont été attentivement pris en compte dans la restauration<br />

et la rénovation des sites existants, [23] les institutions<br />

ont souhaité aller beaucoup plus loin dans leur approche.<br />

Toute réhabilitation, comme au Musée des Beaux-arts, est<br />

en premier lieu conditionnée par l’harmonisation de ses<br />

abords et de ses accès en concertation avec les usagers.<br />

Autres exemples, le Musée d’Aquitaine, dont l’équipe de<br />

médiateurs compte un agent non-voyant a conçu avec sa<br />

participation, les dispositifs d’aide à la visite à l’attention des<br />

malvoyants ; le Musée des Beaux-arts a mis en place des<br />

visites en langage des signes ; ou bien l’Opéra qui propose<br />

des maquettes tactiles et un système d’audio-description.


FOCUS<br />

Evento /<br />

un pari gagné<br />

Evento 2009, Foire aux plaisirs,<br />

Place des Quinconces<br />

Affichage sur le tramway, Evento 2011<br />

Evento 2011, Chantier mobile au Grand Parc<br />

Evento 2011, «Eventail» par le<br />

collectif Eventail, Gare Saint Jean<br />

Evento 2009, concert sur les quais<br />

Evento 2011, Michelangelo Pistoletto<br />

170


eEvento 2009 «Personne»<br />

par Jean-Luc Moulène<br />

Evento 2011, «Palace» par Exyzt, Marché des Capucins<br />

Evento 2009, «IDO» par Seulgi Lee<br />

Evento 2011, «Tous à Central Parc»<br />

Evento 2009, exposition «Insiders»,<br />

CAPC- arc en rêve centre<br />

d’architecture<br />

171


focus<br />

Deux premières éditions auront<br />

suffi à Evento pour marquer les<br />

mémoires et susciter les envies.<br />

Véritable laboratoire de la création<br />

à ciel ouvert, la Ville s’est affirmée<br />

comme un trait d’union légitime des<br />

artistes et des publics. <strong>Bordeaux</strong><br />

compte aujourd’hui parmi les rares<br />

métropoles françaises reconnues<br />

pour leur politique <strong>culture</strong>lle forte<br />

et identifiable.<br />

Sa spécialité Les avoir toutes !<br />

Sans privilégier aucune discipline,<br />

la création in situ, foisonnante<br />

et transversale s’épanouit<br />

pendant dix jours dans la capitale<br />

girondine. La déambulation introspective<br />

de Dennis Adams en est l’un<br />

des nombreux exemples. Son film<br />

Spill livre une perception intime de<br />

la Ville, porte un regard onirique<br />

et grave sur les rues, les espaces<br />

publics et l’histoire de <strong>Bordeaux</strong>.<br />

Artistes, associations, institutions,<br />

professionnels de la<br />

<strong>culture</strong>, du territoire et d’ailleurs<br />

se rejoignent dans une même<br />

dynamique festive et créative,<br />

faisant de l’espace public le point<br />

de rencontre de toutes les formes<br />

d’art. Célébrant cette union, Evento,<br />

apparaît comme le verre grossissant<br />

d’une action moins visible menée<br />

jour après jour, sur le territoire et<br />

au travers des échanges <strong>culture</strong>ls<br />

internationaux que <strong>Bordeaux</strong><br />

entretient dans de nombreux points<br />

du monde.<br />

Un principe<br />

aux spécificités uniques<br />

Evento offre à un artiste<br />

international les clés de <strong>Bordeaux</strong>.<br />

En immersion dans la Ville, il la<br />

réinvente, par son regard neuf et<br />

son approche artistique, la dessine,<br />

l’interroge, l’apostrophe, la pense.<br />

La carte blanche qui lui est confiée<br />

met en lumière la création contemporaine<br />

dans un esprit à la fois<br />

populaire et exigeant. Ses propositions,<br />

épaulées par l’ensemble des<br />

professionnels de la <strong>culture</strong> et les<br />

institutions de la Ville offrent des<br />

circulations nouvelles ainsi qu’une<br />

appropriation différente des lieux,<br />

des rues, des places. Alternative,<br />

transdisciplinaire et inédite - par les<br />

itinérances urbaines proposées et<br />

les œuvres éphémères installées- la<br />

manifestation s’ouvre ostensiblement<br />

à tous les publics, dont elle<br />

souligne sa volonté par une gratuité<br />

totale d’accès.<br />

En choisissant un directeur artistique<br />

plutôt qu’un programmateur,<br />

<strong>Bordeaux</strong> fait le choix audacieux<br />

de mettre à disposition le territoire<br />

urbain comme matière première de<br />

création artistique. La Ville prend<br />

également le risque d’un processus<br />

créatif déroutant, générant de la<br />

curiosité, de l’attente ou parfois<br />

de l’irritation face à la nouveauté<br />

d’une démarche expérimentale.<br />

Son maître d’œuvre s’appuie sur<br />

toutes les composantes humaines,<br />

<strong>culture</strong>lles, historiques, architecturales,<br />

sociales de <strong>Bordeaux</strong> et s’en<br />

inspire. Les deux premières éditions<br />

d’Evento ont laissé leur empreinte<br />

dans la Ville. Elles ont également<br />

créé un mouvement qui se poursuit<br />

bien au-delà du temps de la manifestation<br />

grâce notamment aux deux<br />

artistes qui ont orchestré ces expériences<br />

et les portent aujourd’hui à<br />

travers le monde, Didier Faustino et<br />

Michelangelo Pistoletto.<br />

Pour les nommer, la Ville, fidèle<br />

à une consultation systématique<br />

d’experts, a convoqué les personnalités<br />

et les entités les plus<br />

représentatives de la vie <strong>culture</strong>lle<br />

bordelaise (de la musique classique<br />

aux arts visuels, des musiques<br />

du monde à l’architecture ou aux<br />

arts de la scène). Partant ainsi de<br />

l’existant, calant le projet sur la<br />

diversité des disciplines pratiquées,<br />

comme sur les réalités sociales<br />

du territoire, Evento a dépassé le<br />

cadre d’un simple festival offrant<br />

des programmations transposables<br />

d’une ville à l’autre et proposant à<br />

un artiste, dans le cadre d’une carte<br />

blanche, d’inviter d’autres créateurs<br />

à investir le territoire. Cette offre<br />

généreuse autant que rationnelle<br />

se traduit ici par l’intervention<br />

sensible Tease, tease, tease, d’Anri<br />

Sala, à la Salle des Fêtes du Grand<br />

Parc, là par la passerelle Footpath de<br />

Tadashi Kawamata s’élançant sur le<br />

fleuve de la place des Quinconces.<br />

Les publics mal ou non-voyants<br />

pouvant en découvrir la maquette<br />

poétique du bout des doigts. C’est<br />

aussi le spectacle-performance<br />

<strong>Bordeaux</strong>-Rosso de l’acteur et metteur<br />

en scène italien Pippo Delbono<br />

n’hésitant pas à choquer et diviser<br />

les publics Place de la Comédie.<br />

C’est encore au Grand-Théâtre la<br />

jeune scène angolaise en émergence<br />

présentée avec ses aînés musiciens<br />

et acteurs de renoms qui livrent<br />

avec « Luanda Smooth and Rave »<br />

un éclairage exclusif de l’Angola.<br />

Une évolution<br />

mesurable, une ligne de<br />

perspective<br />

En deux éditions, ce sont près<br />

de 41 créations originales, 160<br />

artistes de 34 pays différents qui<br />

ont convergé vers <strong>Bordeaux</strong> et ont<br />

pu développer et partager leurs<br />

visions personnelles appliquées à la<br />

ville, des thèmes « Intime collectif »<br />

et « l’Art pour une ré-évolution<br />

urbaine». Près de 300 structures<br />

associatives et institutionnelles<br />

172


focus<br />

Evento 2009, «Auto érosion»<br />

par Olivier Peyricot, devant<br />

IKEA <strong>Bordeaux</strong> Lac<br />

ont participé à leur élaboration,<br />

en amont ou à la réalisation des<br />

œuvres et la mise en scène des spectacles<br />

et performances. Quelque 85<br />

sociétés locales prestataires et 28<br />

entreprises nationales ont contribué<br />

au mécénat de l’opération.<br />

Entreprise citoyenne avant tout,<br />

Evento ne se mesure pas seulement<br />

en regard de ses scores ou d’une<br />

fréquentation ayant dépassé toutes<br />

prévisions mais également à sa capacité<br />

à provoquer des rencontres,<br />

à mobiliser (le public, les citoyens,<br />

les institutions, le secteur économique<br />

et social…) autour d’un projet<br />

artistique. Elle s’évalue donc à ses<br />

effets dans le temps, pour la ville et<br />

ses habitants. Et ils sont nombreux.<br />

Ses deux dernières aventures ont<br />

permis d’envisager l’accès à des<br />

manifestations exigeantes artistiquement,<br />

en ouvrant autrement la<br />

ville, ponctuée par la création, à ses<br />

habitants, en inspirant de nouvelles<br />

pratiques pédagogiques, socio<strong>culture</strong>lles,<br />

grâce aux échanges suscités.<br />

Ainsi les Bordelais sont à la fois<br />

source d’inspiration, contributeurs,<br />

spectateurs et acteurs de la<br />

création artistique. Ce faisant, ils<br />

participent au développement de<br />

leur rôle de citoyen et à l’évolution<br />

de la relation de l’artiste au public,<br />

à l’espace public et social. Aussi, le<br />

Musée d’Aquitaine en complice de<br />

Michelangelo Pistoletto s’est fait<br />

l’écho de Voltaire : l’exposition C’est<br />

à ce prix que nous mangeons du sucre a<br />

confronté aux collections ethnographiques<br />

et aux salles dédiées au<br />

commerce triangulaire le regard<br />

de six artistes internationaux sur<br />

l’esclavage. L’Indienne Shilpa Gupta<br />

y diffusa le discours de Nehru sur<br />

l’indépendance de l’Inde, en 1947,<br />

en résonnance des désillusions de<br />

la décolonisation, l’Égyptien Wael<br />

Shawky s’est penché sur les croisements<br />

des <strong>culture</strong>s et le film de<br />

l’Israélien Michael Blum a exploré<br />

les esclaves modernes dans les<br />

usines Nike en Indonésie.<br />

Avec Evento, dans une réflexion<br />

approfondie de l’urbanité, chacun<br />

apporte sa pierre à l’édifice : Insiders,<br />

l’exposition d’architecture alternative<br />

du CAPC et d’Arc-en-Rêve<br />

offre une vision globale tandis de<br />

les extensions skatables de Raphaël<br />

Zarka et les associations de skateurs<br />

amènent des propositions locales,<br />

directes et quotidiennes. Le corps et<br />

la voix y tiennent bien sûr une place<br />

de choix, comme l’a montré l’école<br />

du rythme de Claudia Castellucci.<br />

Inédite, intense et éphémère, son<br />

œuvre en « travail continu » a proposé<br />

de vivre le temps autrement,<br />

en l’interrogeant, en l’encadrant.<br />

Ces innovations sont toutes au<br />

service d’une nouvelle économie<br />

de la <strong>culture</strong>. Près de 85 % des dépenses<br />

de production artistique ont<br />

été réalisées auprès de prestataires<br />

bordelais et de la région aquitaine<br />

prouvant, si besoin était, combien<br />

l’invention <strong>culture</strong>lle est une source<br />

développement économique. Dès<br />

2009 Evento avait ainsi généré plus<br />

de 340 emplois directs (hors personnels<br />

municipaux).<br />

Pour les artistes, la manifestation<br />

implique également une<br />

nouvelle approche de la commande<br />

publique. Sensibles à ce nouveau<br />

format, sur mesure et éphémère<br />

de la commande artistique, ils<br />

apprécient la latitude et la liberté<br />

qui leur est offerte pour formaliser<br />

leur proposition créative et souvent<br />

audacieuse.<br />

Et dans la ville transfigurée les<br />

lieux se transforment. Le Conservatoire<br />

Jacques Thibaud devient la<br />

résidence de création musicale de<br />

Sound Res, où tous les musiciens<br />

invités proposent ateliers de création<br />

sonore et workshops ouverts<br />

au public. Concerts et de parades<br />

sonores font vibrer la ville au<br />

rythme exigeant et au son virtuose<br />

de Iva Bittova ou Bang on a Can All<br />

Stars…<br />

Les quais deviennent le théâtre<br />

de performance et de concerts-évènements<br />

avec des affiches hétéroclites<br />

mêlant Oumou Sangaré, et<br />

Peaches.<br />

Au-delà, Evento met en œuvre<br />

des collaborations avec certains<br />

quartiers, expérimente une<br />

approche nomade dans les villes de<br />

l’agglomération bordelaise. Dès lors,<br />

dans le mouvement d’une construction<br />

de la ville de demain, cette<br />

rencontre d’un type nouveau est<br />

aussi une loupe idoine qui souligne<br />

la place du citoyen dans la création<br />

artistique, met en exergue un faisceau<br />

d’approches diversifiées depuis<br />

l’élaboration des projets jusqu’aux<br />

nouvelles formes de médiations.<br />

Et construit pas à pas, avec la<br />

<strong>culture</strong> pour socle, une conscience<br />

citoyenne, responsable et durable.<br />

173


{ L’accueil<br />

des publics,<br />

pour point<br />

de départ<br />

et d’appui }


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

Parce que la maîtrise des avancées technologiques est<br />

aussi une clef d’accès et d’ouverture à de nouveaux publics,<br />

les établissements bordelais se lancent dans le déploiement<br />

de parcours numériques dans la ville.<br />

Monumérique, mis en place par les Archives<br />

municipales [24] en est l’une des applications comme le<br />

projet « Imayana » d’initiative privée proposant un voyage<br />

dans le temps, au moyen d’une tablette numérique, qui<br />

placée devant un site historique en présente sa configuration<br />

originale au XVIII e siècle. L’usage plus général de tablettes<br />

et d’audio-guides dans les musées est également un objet<br />

d’études destinés, à une découverte et une appropriation<br />

différente des collections des musées. Le numérique n’est<br />

plus ici un simple outil modernisé, mais bel bien un moyen<br />

supplémentaire pour que l’usager citoyen devienne un<br />

praticien de la <strong>culture</strong>.<br />

Toutes les manières de relier directement les habitants<br />

à leur histoire passée et contemporaine dans un contact<br />

nouveau et vivant sont envisagées. Au musée, l’usage<br />

systématique des réseaux sociaux y crée une connivence<br />

inédite avec les publics. Dans cette optique, les institutions<br />

repensent leur muséographie et préparent les outils de<br />

l’avenir adaptés à tous les individus possibles. Ainsi,<br />

le « compagnon de visite » de la Cité des Civilisations du<br />

Vin sera-t-il la clé de transmission des contenus. Fourni<br />

à chacun des visiteurs, cette mini-tablette tactile reliée à<br />

un casque ouvert inédit permettra d’écouter chacun des<br />

multimédias dans la langue de son choix (8 au total). Elle<br />

adaptera le contenu en fonction de critères d’accessibilité<br />

(audio-description, sous-titrage) ou de compréhension avec<br />

un parcours spécifique pour les enfants. Cap Sciences, et<br />

son living lab qui permet aux chercheurs et aux utilisateurs<br />

de s’associer et de participer à des projets scientifiques<br />

innovants, est également une illustration éloquente de la<br />

place prise désormais par les nouveaux outils de médiation.<br />

Mobilité, proximité, acculturation fructueuse et élan<br />

vers l’autre nourrissent ainsi le projet bordelais. L’art<br />

et la créativité en sont des clés, leur diffusion active et<br />

coordonnée, un déclencheur de son développement.<br />

L’innovation étant un ferment de <strong>culture</strong>, l’émergence de<br />

pratiques nouvelles et en devenir reste à <strong>Bordeaux</strong> un<br />

axe fondamental de sa politique <strong>culture</strong>lle qui se lit aussi,<br />

fondamentalement, dans les choix opérés par la Ville en<br />

matière de politique évènementielle.<br />

175<br />

24. voir focus :<br />

« Monumérique,<br />

archimérique, un<br />

véhicule de mémoire »


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

176<br />

25. voir focus :<br />

« Evento, un pari gagné »<br />

L’évènementiel en question<br />

A l’heure de la concurrence des territoires qui génère<br />

parfois des surenchères marketing, <strong>Bordeaux</strong> explore sans<br />

détour la question de l’évènementiel, de sa place et de son<br />

sens dans l’ambition <strong>culture</strong>lle de la Ville.<br />

A <strong>Bordeaux</strong>, l’année se déroule au rythme de festivals et<br />

d’évènements. Leur liste est impressionnante, de <strong>Bordeaux</strong><br />

Rock en janvier à Ritournelles en décembre, en passant par<br />

l’Escale du Livre, Itinéraire des Photographes Voyageurs, la<br />

Nuit de la Création, le concours international des quatuors à<br />

cordes, Regard 9, Chahuts, Queyries fait son cirque, Grand<br />

Parc en fête, Relâche, le festival international d’orgues,<br />

Cinésites, Lieux possibles, Jazz à la Base, les Scènes<br />

publiques du Conservatoire, les Grandes Traversées, Art<br />

Chartrons, le Festival international du Film indépendant<br />

de <strong>Bordeaux</strong>, Lettres du monde etc. sans parler des<br />

incontournables Journées Européennes du Patrimoine,<br />

Nuit des musées, Fête de la musique et Fête du vin (avec<br />

respectivement une fréquentation de 130 000 , 40 000, 150<br />

000 et 450 000 personnes). Au total, on estime que plus<br />

de deux millions et demi de personnes fréquentent chaque<br />

année un lieu ou un évènement <strong>culture</strong>l à <strong>Bordeaux</strong>.<br />

Exigeante, <strong>Bordeaux</strong> conforte les événements existants, en<br />

n’hésitant pas à les questionner dans leurs fondements et<br />

leurs modalités d’approche, pour mieux les encourager dans<br />

leurs spécificités et contribuer à asseoir leur qualité et leur<br />

notoriété.<br />

Dans cette dynamique, Novart, dont la programmation<br />

est désormais confiée à un artiste différent à chaque<br />

édition, a considérablement rééquilibré sa démarche<br />

en favorisant la création, la découverte et l’émergence.<br />

Par ailleurs, en créant Evento [25] <strong>Bordeaux</strong> a abordé<br />

la notion de grand évènement comme un moment de<br />

cristallisation de sa politique <strong>culture</strong>lle. Œuvre d’art pensée<br />

et conçue par un artiste à l’échelle de la Ville, laboratoire<br />

artistique, pédagogique et économique, Evento se veut la<br />

matérialisation palpable, à un moment de l’année, d’un long<br />

travail de construction de recherche et de dialogue. Ainsi,<br />

Evento vit-il au rythme du désir insufflé par la ville elle-même<br />

et de ce que cette dernière entend restituer. Avec « Enquête/<br />

En quête », performance-réflexion restituée en mars 2013<br />

aux Bordelais, la Ville interroge en même temps la nécessité<br />

et la légitimité de grands événements qui seraient, comme<br />

trop souvent en France, les seuls marqueurs d’une politique<br />

<strong>culture</strong>lle.<br />

En creusant les sillons d’une <strong>culture</strong> exigeante, ouverte


{ Le numérique,<br />

un moyen<br />

supplémentaire<br />

pour que<br />

l’usager citoyen<br />

devienne un<br />

praticien<br />

de la <strong>culture</strong> }


{ <strong>Bordeaux</strong><br />

explore sans<br />

détour la<br />

question de<br />

l’évènementiel,<br />

de sa place<br />

et de son sens }


CHAP. 4<br />

—<br />

La création au cœur<br />

d’un développement<br />

<strong>culture</strong>l durable<br />

et durable, la Ville continue d’explorer et de s’adapter<br />

aux pistes qu’offre son avenir. Ainsi, dans son détail et<br />

sa globalité, à petite ou grande échelle, le projet que<br />

<strong>Bordeaux</strong> a mis en action, lui a permis d’être identifiée<br />

dans le panorama national comme l’une des villes les plus<br />

impliquées dans sa politique <strong>culture</strong>lle.<br />

Mais elle ne quitte pas des yeux les enjeux qui régissent<br />

son évolution : sa croissance harmonieuse dépend de<br />

l’intégration réciproque et de l’implication mutuelle des<br />

hommes et des lieux. La <strong>culture</strong> y est un acteur social<br />

et éducatif incontournable. Les plaisirs, l’émulation, la<br />

rencontre, l’émotion et l’émerveillement qu’elle procure en<br />

sont à la fois les ingrédients, les fruits et un ferment d’avenir.<br />

179


{ Une croissance<br />

harmonieuse<br />

dépend de<br />

l’intégration<br />

réciproque et<br />

de l’implication<br />

mutuelle<br />

des hommes<br />

et des lieux }


{ 2,5 millions<br />

de personnes<br />

fréquentent<br />

chaque année<br />

un lieu ou<br />

un évènement<br />

<strong>culture</strong>l<br />

à <strong>Bordeaux</strong> }


FOCUS<br />

<strong>Bordeaux</strong> réveillée<br />

par l’art<br />

Amandine Pierné-collectif La<br />

Mobylette-, Galerie Ilka Bree<br />

Itinéraire des Photographes Voyageurs 2012,<br />

«trente trois cent, entre rêve et réalité»<br />

exposition de Kristine Thiemann<br />

«Médéa» par Carlotta Ikeda,<br />

texte de Pascal Quignard<br />

Chambre 360,<br />

cie Paul les Oiseaux<br />

Quelques membres de la Fabrique Pola<br />

«Merlin ou la terre dévastée»de Tankred Dorst, Mise en scène<br />

Dominique Pitoiset et Nadia Fabrizio<br />

Sortie de la première promotion de l’Ecole Supérieure de Théâtre<br />

de <strong>Bordeaux</strong> en Aquitaine (éstba), TNBA 2010<br />

182


La Bibliothèque des Livres Vivants :<br />

« Madame Bovary », m.e.s. Frédéric Maragnani,<br />

Rayon literie du magasin Habitat<br />

Œuvre de Sébastien Vonier<br />

Chahuts 2011<br />

Ecole du cirque<br />

Novart 2012: «l’Assommoir», d’après E. Zola, collectif OS’O, TNBA<br />

183


focus<br />

Ville rock, berceau de Sigma,<br />

pionnière en art contemporain, <strong>Bordeaux</strong><br />

occupe une place singulière<br />

dans les mémoires comme dans le<br />

paysage artistique national. Loin de<br />

se figer dans le souvenir de figures<br />

tutélaires, loin de chercher refuge<br />

dans une discipline plutôt qu’une<br />

autre, les énergies et les talents du<br />

territoire explorent aujourd’hui une<br />

multiplicité de possibles. Sensible<br />

à cette réalité, <strong>Bordeaux</strong> l’encourage.<br />

En cultivant un éclectisme<br />

des esthétiques, une dynamique du<br />

« collectif », de l’expérimentation et<br />

du partage, une nouvelle génération<br />

d’artistes et de créateurs s’offre et<br />

procure au territoire un horizon à<br />

l’image de ses appétits. <strong>Bordeaux</strong><br />

s’engage dans cet élan qui bouleverse<br />

les schémas rationalistes de la<br />

<strong>culture</strong> et augure dès aujourd’hui de<br />

la variété/diversité et de la densité<br />

toujours plus riche de son patrimoine<br />

artistique.<br />

Vivier d’influences, gisement<br />

foisonnant de création, la diversité<br />

contredit les esprits chagrins<br />

enclins à associer à un territoire<br />

une couleur artistique unique et<br />

dominante, comme un label ou<br />

une marque de fabrique. Dans ce<br />

champ, l’histoire de <strong>Bordeaux</strong> a<br />

prouvé combien la ville a toujours<br />

été une terre d’accueil, construite<br />

de ses mélanges et de ses imbrications.<br />

L’art sous toutes ses formes,<br />

bien plus qu’un simple reflet, en est<br />

l’expression mais aussi le catalyseur.<br />

Au cœur du monde, artistes et interprètes,<br />

de la musique classique aux<br />

musiques actuelles, des arts plastiques<br />

aux arts de la scène, de l’écrit<br />

à la bande dessinée, nourrissent et<br />

aiguillonnent, au quotidien, la vie<br />

<strong>culture</strong>lle bordelaise.<br />

Marine Thibault Aka Cat’s eyes,<br />

Fête de la musique, 2012<br />

De la musique avant<br />

toute chose<br />

Ici, la scène rock est depuis<br />

longtemps un domaine d’excellence,<br />

entretenu par un réseau de bars<br />

caves, de labels indépendants et<br />

d’opérateurs défricheurs qui ont<br />

favorisé l’éclosion de nouveaux<br />

talents. Son évolution vers un brassage<br />

plus vaste amène aujourd’hui<br />

une multitude de styles des lignes<br />

mélodiques pop de Crane Angels<br />

(collectif bordelais Iceberg) aux<br />

balades de Julien Pras (ex Calc),<br />

d’April Shower aux Kid Bombardos,<br />

de Beasty à Pendentif sans oublier le<br />

retour des Eiffel ou l’émergence de<br />

Smokey Joe and the Kid. Et, de son<br />

côté, la renaissance de la musique<br />

baroque, des années 1980, s’incarne<br />

dans des formations particulièrement<br />

présentes sur le territoire<br />

comme en témoignent l’ensemble<br />

Sagittarius, les collaborations<br />

fructueuses de l’Opéra National de<br />

<strong>Bordeaux</strong> avec l’ensemble Pygmalion,<br />

dirigé par Raphaël Pichon ou<br />

encore les propositions ambitieuses<br />

en musique contemporaine de<br />

Proxima Centauri comme celles de<br />

la compagnie Eclats.<br />

A l’instar de l’implantation d’une<br />

nouvelle génération d’artistes,<br />

de nouveaux lieux et structures<br />

voient le jour tel que l’I.boat, aux<br />

choix exigeants et pointus, version<br />

bordelaise d’un Batofar parisien,<br />

installé depuis 2011, aux Bassins<br />

à flots. Au Comptoir du Jazz et au<br />

184


focus<br />

«... Et puis j’ai demandé à Christian<br />

de jouer l’intro de Ziggy Stardust»<br />

par Renaud Cojo<br />

Caillou, chacun peut se restaurer en<br />

découvrant une programmation de<br />

groupes de jazz. Au Café pompier,<br />

lieu autogéré par les étudiants de<br />

l’Ecole Supérieure des Beaux-arts,<br />

se retrouvent depuis 2004 expositions,<br />

performances, concerts allant<br />

du rock californien au punk en<br />

passant par l’électro berlinoise et<br />

la pop suédoise. A l’ancien théâtre<br />

de l’Onyx qui rouvre ses portes<br />

en janvier 2013, sous le nom de<br />

l’Inox, la chanson et le jazz seront à<br />

l’honneur.<br />

Les lieux historiques mutent<br />

et se renforcent en misant sur<br />

le collectif, ainsi la Rock School<br />

Barbey associée aux Arema Rock et<br />

Chanson (Talence), Rocher de Palmer<br />

(Cenon), Krakatoa (Mérignac)<br />

partage objectifs et moyens, dans le<br />

cadre d’une convention de SMAC<br />

d’agglomération. Et, de proche en<br />

proche, les bars caves, fragilisés par<br />

des réglementations plus sévères, se<br />

sont inscrits dans le réseau « Bar–<br />

bars » ou « Cafés <strong>culture</strong> » - leur<br />

permettant d’assurer au mieux leur<br />

rôle essentiel de lieux de diffusion<br />

et d’émergence. Ce n’est donc pas<br />

un hasard si l’on retrouve la vivacité<br />

de la scène underground d’ici et<br />

d’ailleurs à l’Hérétic, au Saint Ex, au<br />

Wunderbar ou encore au Chicho...<br />

Les initiatives se multiplient<br />

également dans le domaine de la<br />

production et de l’édition avec la<br />

création fin 2007 de la Feppia (Fédération<br />

des Editeurs et Producteurs<br />

Phonographiques Indépendants<br />

d’Aquitaine) qui regroupe, à l’heure<br />

actuelle, 37 labels représentant<br />

toutes les esthétiques de musiques<br />

actuelles. C’est aujourd’hui la plus<br />

importante fédération régionale.<br />

Dynamisant également cette<br />

filière, la présence de tourneurs<br />

d’envergure internationale tels que<br />

Base Productions, 3C ou Zoobook,<br />

permet de faire connaître et reconnaître<br />

artistes d’ici et d’ailleurs bien<br />

au-delà des frontières.<br />

Sur le terrain, les manifestations<br />

sont autant de tremplins et de<br />

coups de projecteur pour les jeunes.<br />

<strong>Bordeaux</strong> Rock en donne le la, en<br />

révélant le renouvellement de la<br />

scène rock et électro. La Fête de<br />

la musique est aussi l’occasion de<br />

confier des scènes aux opérateurs<br />

(CIAM <strong>Bordeaux</strong>, Rock School<br />

Barbey, Allez les Filles…) ou aux labels<br />

du territoire (Banzaï Lab…). Par<br />

ailleurs, des associations comme<br />

Einstein on the beach, à travers<br />

ses soirées ponctuelles « concerts<br />

secrets » ou encore « la débauche »<br />

(deux vendredis par mois) instillent<br />

des propositions intimes et des musiques<br />

improvisées. Dans ce même<br />

mouvement, le festival Relâche,<br />

organisé par l’association Allez les<br />

Filles, attire, chaque été depuis deux<br />

ans, près de 40 000 spectateurs.<br />

Ensemble, c’est mieux !<br />

La réussite du projet du collectif<br />

Pola, fondé en 2000, en témoigne.<br />

Artistes et associations de l’agglomération<br />

bordelaise, réunis dans<br />

une même volonté de mutualiser<br />

leurs compétences, leurs moyens<br />

de production et leurs outils de<br />

communication ont constitué, sous<br />

le nom de la Fabrique Pola, une<br />

fédération artistique et <strong>culture</strong>lle<br />

qui vise à consolider les activités et<br />

l’économie de ses membres, à engager<br />

un projet de développement<br />

fondé sur une économie plurielle et<br />

solidaire dans le secteur <strong>culture</strong>l. La<br />

fédération réunit des compétences<br />

et des sensibilités artistiques issues<br />

de différentes mouvances, avec<br />

plus d’une soixantaine de membres<br />

recouvrant des activités aussi<br />

variées que la production d’œuvres<br />

(Zebra 3, initiateurs du projet),<br />

l’architecture (la Nouvelle Agence),<br />

la performance ou la photographie<br />

(Martha Jonville, Anne Cantat-<br />

Corsini), des graphistes (Docile)<br />

ainsi que des éditeurs singuliers (les<br />

Requins marteaux) et la plateforme<br />

de diffusion régionale « Documents<br />

d’Artistes Aquitaine », créée en 2010.<br />

Installée, depuis 2009, sur le site de<br />

l’ancienne gare Citram, la Fabrique<br />

devrait prochainement déménager<br />

provisoirement avant de rejoindre<br />

la Caserne Niel pour s’y implanter<br />

définitivement.<br />

Le principe du collectif, fondé<br />

sur un esprit de mobilité et<br />

d’expérimentation à plusieurs, est<br />

également le pari de De Mèche,<br />

Skinjackin ou encore La Mobylette,<br />

collectifs d’artistes bordelais,<br />

aquitains et d’ailleurs, qui organisent<br />

des événements <strong>culture</strong>ls<br />

et artistiques à teneur et à publics<br />

variés. Ils prennent aussi bien la<br />

forme de spectacles musicaux, de<br />

performances, de projections, de<br />

publications que d’expositions et<br />

investissent régulièrement des<br />

lieux nouveaux. A ce propos, dans<br />

le sillage des navires amiraux - le<br />

CAPC, le FRAC Aquitaine ou plus<br />

récemment l’Institut Culturel Bernard<br />

Magrez - quelques dizaines de<br />

galeries privées ont été attirées par<br />

ce terreau fécond. Cortex Athletico,<br />

ACDC, Eponyme, DX, Anne Laure<br />

Jalouneix, MLS, Arrêt sur l’image…<br />

ont pour la plupart ouvert leurs<br />

portes au cours des cinq dernières<br />

années.<br />

En temps de crise, la notion de<br />

troupe et l’esprit communautaire<br />

des grandes compagnies, longtemps<br />

l’apanage des arts de la scène, tend<br />

à se régénérer dans une volonté<br />

de compagnonnage à géométrie<br />

variable, propice au partage, autour<br />

185


focus<br />

d’un projet artistique, de démarches<br />

et d’initiatives qui développent de<br />

nouvelles écritures et de nouveaux<br />

rapports au public. Ainsi en va-t-il<br />

de la compagnie Opéra Pagaï, de<br />

ses créations poétiques et décalées<br />

in situ comme des recherches<br />

expérimentales de Renaud Cojo<br />

avec Ouvre le Chien. De nouvelles<br />

générations entrent en scène, avec<br />

par exemple le Collectif Os’o composé<br />

de jeunes comédiens issus de<br />

la première promotion de L’ESTBA,<br />

ou Crypsum, formation théâtrale<br />

qui axe son travail sur les écritures<br />

contemporaines, ou bien encore la<br />

Grosse situation qui défriche des<br />

sentiers inexplorés.<br />

Dans cette réflexion sur le<br />

spectacle, les compagnies Le Grain,<br />

Soleil Bleu - menée par Laurent<br />

Laffargue - et Travaux Publics - de<br />

Frédéric Maragnani - ne se laissent<br />

pas enfermer dans un registre ni un<br />

répertoire. Opéra, cirque, classiques<br />

de la littérature et compositions<br />

originales sont, pour eux, autant de<br />

terres à explorer que de langages en<br />

mutation. Tous ces talents, accueillis<br />

sur le territoire, à l’instar de deux<br />

des créations d’Anna Nozière et sa<br />

compagnie la Hurleuse au TnBA,<br />

trouvent un écho et un soutien dans<br />

un réseau théâtral servant à la fois<br />

de lieu de recherche, de travail, de<br />

pratiques et de diffusion. Ainsi, avec<br />

le Glob’ théâtre, le Pont Tournant,<br />

le théâtre de la Boîte à jouer et<br />

plus récemment, la Manufacture<br />

Atlantique, qui succède au TNT<br />

Manufacture des chaussures, le<br />

relais et le développement s’opèrent<br />

dans une logique de rencontres,<br />

d’échanges au travers de résidences,<br />

de collaborations et d’une diversité<br />

de programmations proposées par<br />

les opérateurs. Signe d’un frémissement<br />

nouveau, pour répondre<br />

à l’attente grandissante du public<br />

«Skeleton» par Frank Eon<br />

bordelais, de nombreux théâtres<br />

privés ont vu le jour, ces cinq<br />

dernières années (Trianon, Café<br />

des Arts, Théâtre des Beaux-arts).<br />

Ils viennent enrichir, en la matière,<br />

un maillage territorial initié par les<br />

Salinières, la Comédie Gallien.<br />

La scène chorégraphique, quant<br />

à elle, se livre à un grand écart<br />

entre la tradition classique du<br />

ballet national de <strong>Bordeaux</strong> et les<br />

codes de danse urbaine revisités<br />

notamment par la compagnie<br />

Rêvolution, d’Anthony Egéa, par<br />

les jeux de corps et de scène de La<br />

coma - menée par Michel Schweitzer<br />

- et Paul les Oiseaux, de Valérie<br />

Rivière. Le panorama des compagnies<br />

de danse bordelaises parle de<br />

lui-même des métissages de la ville,<br />

par la transgression orientale et<br />

contemporaine de Faizal Zeghoudi,<br />

par le prisme du Butô avec Carlotta<br />

Ikeda et sa compagnie Ariadone. A<br />

ce jeu, les collectifs Auguste Bienvenue,<br />

Fabre Senou et Perrine Fifadji<br />

excellent en faisant du corps et du<br />

rythme des navettes expressives<br />

entre les <strong>culture</strong>s et les disciplines.<br />

L’émergence de nouvelles formes de<br />

représentation devient particulièrement<br />

sensible dans les recherches,<br />

sur des thèmes de société, du<br />

collectif Aléas, formé de cinq jeunes<br />

femmes issues du Conservatoire<br />

Jacques Thibaud, tout comme dans<br />

les propositions de la Compagnie<br />

Gestuelle, de Sabine Samba et de<br />

H2nOus qui développe à travers la<br />

danse debout une discipline à part<br />

entière.<br />

L’art qui agite la ville<br />

Si <strong>Bordeaux</strong> fait partie des villes<br />

françaises offrant le plus vaste<br />

espace en centre ville - place des<br />

Quinconces - aux grands cirques<br />

populaires européens, elle est également<br />

une destination privilégiée<br />

pour les compagnies de création<br />

circassienne telle que Bivouac,<br />

la Smart compagnie qui intègre<br />

de jeunes diplômés des écoles<br />

nationales ou encore le Théâtre du<br />

chapeau qui chemine depuis 22 ans<br />

entre créations et formations autour<br />

de l’art du clown. Les arts de la piste<br />

et de la rue à <strong>Bordeaux</strong>, conjuguent<br />

la tradition pluri-centenaire d’un<br />

Guignol Guérin - dont le descendant,<br />

cinq générations plus tard,<br />

continue de proposer des spectacles<br />

quotidiens au Jardin Public - avec<br />

l’approche renouvelée de six opérateurs<br />

et compagnies. Parmi ces<br />

derniers, les Bougrelas ou Fête et<br />

Feu ont décidé de s’installer au 16<br />

rue Saint James pour mutualiser<br />

bureaux et moyens. Le succès populaire<br />

des cirques qui se succèdent<br />

sur le territoire, du cirque de Saint<br />

Petersbourg à Gruss en passant par<br />

le cirque Romanès, confirment la<br />

tendance à l’implantation durable<br />

des activités circassiennes dans la<br />

ville.<br />

Comme les arts de la piste, la<br />

danse possède auprès des compagnies<br />

et des publics un puissant<br />

pouvoir attractif.<br />

Parallèlement des formes originales,<br />

itinérantes et alternatives<br />

qui investissent espaces publics et<br />

privés se créent et se pérennisent.<br />

Elles sont porteuses d’expérimentation<br />

et de nouvelles formes de<br />

rencontres avec les publics. Ainsi<br />

Chahuts, chaque année promeut<br />

les arts de la parole, du conte, des<br />

<strong>culture</strong>s urbaines en rayonnant<br />

186


focus<br />

à partir du quartier Saint Michel.<br />

Plus intime la Chèvre Noire propose<br />

des parcours urbains et donne ses<br />

spectacles « hors lits » en appartement<br />

pour une vingtaine de<br />

convives. Les rencontres pluridisciplinaires<br />

de la forme courte, 30’30’’,<br />

conjuguent danse, marionnettes et<br />

arts visuels. Ce dynamisme amplifie<br />

sa portée grâce au travail en réseau<br />

des lieux de diffusion et de création<br />

de l’agglomération dont Novart est<br />

un exemple évocateur. Le festival<br />

fédère tous les deux ans, à partir<br />

d’un fil rouge proposé par un artiste<br />

associé, les programmateurs du<br />

territoire (du Pin Galant, au Carré<br />

- Les Colonnes en passant par le<br />

M.270 de Floirac ou le Cuvier d’Artigues),<br />

invités à donner leur vision<br />

du thème choisi, à travers leurs<br />

propositions de spectacles.<br />

En lisant, en écrivant<br />

Ville des 3 M, <strong>Bordeaux</strong> n’a donc<br />

pas à rougir de leurs héritiers. Terre<br />

féconde d’éditeurs mais également<br />

d’auteurs talentueux (Bruce Bégout,<br />

Annelise Roux, Hervé le Corre,<br />

Michel Suffran le néo bordelais<br />

Vincent Ravalec…), la ville affiche<br />

pour l’écrit et la lecture un goût<br />

assumé, que traduit à sa façon la<br />

diversité de ses établissements, de<br />

l’historique Mollat créée en1886, la<br />

plus grande librairie indépendante<br />

de France, aux plus spécialisées<br />

et éclectiques telles que N’a qu’un<br />

œil, Olympic, la Machine à Lire,<br />

BD Fugue, la Mauvaise Réputation…<br />

Sur ce terrain les littératures<br />

contemporaines ont une place de<br />

choix. Ainsi l’association Permanences<br />

de la Littérature organise<br />

chaque année, outre de nombreux<br />

ateliers d’écriture, deux manifestations,<br />

Ritournelles en décembre et<br />

Mars Red Sky<br />

Littérature en Jardin durant l’été,<br />

qui donnent lieu à des créations, des<br />

lectures de textes inédits, explorant<br />

tour à tour les liens de la littérature<br />

à l’art contemporain, au corps, au<br />

cinéma, à la psychanalyse… Le<br />

festival Lettres du Monde bâtit des<br />

ponts avec les littératures d’ailleurs.<br />

Chaque année en octobre, il<br />

propose des rencontres croisées<br />

entre auteurs, musiciens et poètes.<br />

Et, point d’orgue, tant des professionnels<br />

que des publics, l’Escale<br />

du Livre, convie, au-delà d’un salon<br />

du livre d’écrivains et d’artistes, à<br />

de nouvelles formes de métissages<br />

pluridisciplinaires sur scène.<br />

Enfin, <strong>Bordeaux</strong> cultive discrètement<br />

mais sûrement un vivier<br />

d’auteurs en bande dessinée. Ayant<br />

élu domicile et atelier dans la<br />

capitale girondine, ils en ont fait,<br />

par leur présence tout au long de<br />

l’année et le dynamisme de leur<br />

activité, la seconde ville de BD.<br />

Auteurs émergents et confirmés s’y<br />

retrouvent et s’y découvrent - David<br />

Prud’homme, Guillaume Trouillard,<br />

François Ayrolles, Hervé<br />

Bourhis, Jean-Louis Perdaux, Jung,<br />

Nicolas Witro, Laureline Matthiussi,<br />

Vincent Paronnaud alias<br />

Winschluss… - lors de manifestations<br />

telles que Regard 9, consacrée<br />

aux modes et processus de création<br />

dans la bande dessinée, mais également<br />

au sein de la Maison Demons,<br />

dont une partie de la résidence<br />

leur est dédiée. Ils bénéficient, par<br />

ailleurs, d’une aide active de la Ville,<br />

amenée à s’accroître lors de projets<br />

internationaux notamment à Saint<br />

Pétersbourg, Québec ou Fukuoka<br />

au Japon.<br />

Foisonnement, création, stimulation<br />

et rencontres sont à <strong>Bordeaux</strong><br />

parmi les ferments d’une vie artistique<br />

déjà riche, à l’avenir prometteur.<br />

La Ville se mobilise dans son<br />

accompagnement, s’implique dans<br />

son soutien qu’elle souhaite à sa<br />

mesure et à son rythme voir grandir<br />

et s’agrandir.<br />

Regard 9 , carnet de rue par<br />

David Prudhomme<br />

187


<strong>Bordeaux</strong><br />

la Culture en chiffres<br />

La ville<br />

—<br />

242 000 habitants (un tiers de la population<br />

âgé de moins de 25 ans)<br />

720 000 habitants pour l’agglomération<br />

3 millions de touristes par an<br />

4 455 hectares dont<br />

1 810 hectares sont inscrits sur la liste<br />

du Patrimoine mondial au titre de « <strong>Bordeaux</strong>,<br />

port de la Lune ». Premier ensemble urbain,<br />

sur un périmètre aussi vaste et complexe,<br />

distingué en 2007 par la Commission<br />

du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis sa<br />

création<br />

147 hectares constituant le secteur<br />

sauvegardé dans le centre ancien<br />

Ville d’art depuis 1975 et Ville d’art et<br />

d’histoire depuis 2009<br />

La Culture à <strong>Bordeaux</strong><br />

—<br />

2,5 millions de personnes fréquentent<br />

annuellement lieux ou manifestations<br />

<strong>culture</strong>lles<br />

1,5 million de personnes (en croissance<br />

de 54 % depuis 2005) visitent musées,<br />

bibliothèques et lieux d’exposition municipaux<br />

(dont 32% de moins de 18 ans)<br />

300 manifestations <strong>culture</strong>lles par an<br />

53 sites, monuments et musées bordelais<br />

ouverts à la visite<br />

609 128 visites et 3 549 000 pages vues<br />

sur les rubriques <strong>culture</strong> du site bordeaux.fr<br />

Patrimoine<br />

/<br />

358 immeubles protégés au titre des<br />

monuments historiques (2ième ville après<br />

Paris)<br />

368 objets protégés (statues, tableaux, etc..)<br />

35 orgues dont 5 protégés au titre des<br />

monuments historiques<br />

3 édifices cultuels majeurs (cathédrale Saint<br />

André, Basilique Saint Michel et église Saint<br />

Seurin) inscrits sur la liste du Patrimoine<br />

mondial au titre des « Chemins de Saint<br />

Jacques » en France.<br />

130 000 visiteurs aux Journées Européennes<br />

du patrimoine<br />

189<br />

Arts visuels, Musées<br />

/<br />

- 11 musées dont 7 municipaux (Muséum<br />

d’Histoire Naturelle, Musée d’Aquitaine,<br />

Musée Goupil, Centre Jean Moulin, Musée<br />

des Arts Décoratifs et du Design, Musée des<br />

Beaux Arts, CAPC Musée d’Art<br />

Contemporain)<br />

- 15 lieux d’expositions dont 6 municipaux


(Base sous-marine, Cours Mably, Espace<br />

Saint-Rémi, Halle des Chartrons, Pergola,<br />

Marché de Lerme)<br />

- 10 galeries d’art contemporain,<br />

- 30 lieux de diffusion d’art contemporain<br />

- 3 lieux phares de l’art contemporain : CAPC<br />

Musée d’Art contemporain, Fonds Régional<br />

d’Art Contemporain, Institut Culturel Bernard<br />

Magrez<br />

- 6 lieux de fabrique artistique<br />

- 2 lieux de diffusion de l’architecture (Arc en<br />

Rêve et 308)<br />

Arts de la scène, cinéma<br />

/<br />

- 30 compagnies de danse<br />

- 70 compagnies de théâtre dont 5<br />

conventionnées (Soleil Bleu, Marches de l’été,<br />

Ouvre le chien, Travaux Publics, Opéra Pagaï)<br />

- 17 théâtres comprenant 25 scènes dont 1<br />

Centre Dramatique National (TnBA)<br />

- 120 000 spectateurs par an dans les 4<br />

théâtres de la ville les plus fréquentés<br />

- 1 Opéra National (200 000 spectateurs par<br />

an) qui dispose d’un orchestre symphonique,<br />

d’un ballet et d’un chœur<br />

- 4 salles de musique dans l’aire urbaine<br />

bénéficiant du label « Scène de Musiques<br />

Actuelles d’agglomération »<br />

- 4 cinémas dont 1 cinéma d’Art et d’essai, 61<br />

salles accueillant environ 2 millions de<br />

spectateurs par an<br />

- 74 tournages de fiction par an<br />

- 1 agence régionale de diffusion en arts de la<br />

scène (OARA)<br />

- 1 agence <strong>culture</strong>lle régionale pour l’écrit, le<br />

cinéma, le livre et l’audiovisuel (Ecla)<br />

Littérature et médias <strong>culture</strong>ls<br />

/<br />

11 bibliothèques municipales (30 000 m2 de<br />

surface) dont Mériadeck, bibliothèque classée<br />

et 2e plus grande bibliothèque de France<br />

1 bibliobus<br />

1,2 millions de documents constituant les<br />

collections municipales<br />

700 000 visiteurs annuels dans les<br />

bibliothèques<br />

34 librairies dont la plus grande librairie<br />

indépendante de France<br />

37 labels aquitains regroupés au sein de la<br />

Feppia (Fédération des éditeurs et<br />

Producteurs Phonographiques Indépendants<br />

d’Aquitaine)<br />

Pratiques et formations artistiques<br />

/<br />

1 Conservatoire à rayonnement régional,<br />

Conservatoire Jacques Thibaud<br />

2 000 élèves)<br />

1 Ecole Supérieure des Beaux arts<br />

(400 élèves)<br />

1 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture<br />

et du Paysage<br />

1 Ecole Supérieure de Théâtre de <strong>Bordeaux</strong><br />

en Aquitaine<br />

1 pôle d’Enseignement Supérieur Musique<br />

et Danse<br />

1 Ecole du cirque de <strong>Bordeaux</strong><br />

1 Centre régional de formation aux carrières<br />

des bibliothèques (Médiaquitaine)<br />

20 ateliers d’arts plastiques dévolus<br />

aux pratiques amateurs<br />

22 structures d’enseignement musique<br />

et chant<br />

190


Les services municipaux<br />

de la <strong>culture</strong><br />

—<br />

Budget<br />

/<br />

70 millions d’euros soit 305 € par habitant<br />

et une charge de centralité estimée à 76%<br />

22 millions d’euros de subventions annuelles<br />

attribuées au secteur <strong>culture</strong>l<br />

Organisation<br />

/<br />

10 établissements <strong>culture</strong>ls en régie directe :<br />

Muséum d’Histoire Naturelle, Musée des<br />

Beaux-arts, Musée des Arts décoratifs et<br />

du design, Musée d’Aquitaine, Conservatoire<br />

Jacques Thibaud, CAPC, Bibliothèques, Base<br />

sous-marine, Archives municipales) et<br />

2 établissements rattachés (Opéra National<br />

de <strong>Bordeaux</strong> et Ecole Supérieure<br />

des Beaux -Arts)<br />

Personnels<br />

/<br />

1 550 agents (950 en régie directe, 600 pour<br />

l’Opéra et l’Ecole Supérieure des Beaux Arts)<br />

Patrimoine immobilier<br />

/<br />

130 000 m² de plancher<br />

1 théâtre dévolu au TnBA comprenant une<br />

jauge de 1 450 places<br />

1 théâtre XVIIIe classé Monument Historique,<br />

dévolu à l’Opéra comprenant une jauge<br />

de 1100 places<br />

1 Auditorium de 1440 places dévolu<br />

à l’Orchestre National de <strong>Bordeaux</strong> Aquitaine<br />

7 lieux de résidence artistique<br />

1 incubateur de galeries<br />

20 édifices affectés au culte (19 églises et<br />

1 temple) en gestion directe dont 10 sont<br />

protégés au titre des monuments historiques<br />

44 des 358 édifices patrimoniaux classés<br />

sont propriété de la Ville<br />

Collections<br />

/<br />

2 145 000 pièces dans les collections<br />

municipales (1 300 000 pour le Musée<br />

d’Aquitaine, 800 000 pour le Muséum<br />

d’Histoire Naturelle, 35 000 pour le Musée<br />

des Arts décoratifs, 1 400 pour le CAPC,<br />

8 000 pour le Musée des Beaux arts)<br />

111 986 documents précieux, dont 4 313<br />

manuscrits à la Bibliothèque de Mériadeck<br />

11 km linéaire de fonds d’archives (3e fonds<br />

le plus important d’archives communales en<br />

France) dont 250 fonds d’origine privée et<br />

150 000 documents iconographiques<br />

191


Directeur de publication<br />

Alain de Bouteiller<br />

Comité éditorial<br />

Dominique Ducassou, Brigitte Proucelle, Chrystelle Audoit<br />

Comité de réflexion<br />

Hervé Alexandre, Guillaume Ambroise, Serge Bouffange,<br />

Anne Sophie Brandalise, Blandine Courel, Adeline<br />

Desclaux, David Jurie, Marie Laure Habérard, François<br />

Hubert, François Guillemetaud, Charlotte Laubard, Marie le<br />

Moal Nathalie Mémoire, Jean Luc Portelli, Lilian Saly, Agnès<br />

Vatican<br />

Rédaction<br />

Christophe Averty, Chrystelle Audoit, Catherine Ounsamone<br />

Conception Graphique<br />

gr20 / www.gr20paris.com<br />

Coordination et conception générales<br />

Catherine Ounsamone<br />

Remerciements<br />

E. Audebert, C. Bergouignan, J.F. Callède, C.Cano, S.Daniel,<br />

P. Della Libéra, A.Egéa, T.Fouquet, A.Guérin, C. Jaubert, C.<br />

Melon, E.Péret, P. Planchenault, D. Prudhomme, F. Vidal.<br />

Photographies et illustrations<br />

Pierre Antoine, Eric Audebert, Agence<br />

COBE (Copenhague, Berlin), Atelier<br />

d'Architecture Baudin-Limouzin, ,<br />

Chloé Batac, Pierre Bidart, Laurent<br />

Charles, S. Colomyès, Courtesy Cortex<br />

Athletico, Valérie Daviet, Mairie de<br />

<strong>Bordeaux</strong>-Florian David, Gaëlle Deleflie,<br />

Eric Deniset & Marion Maisonnave,<br />

Frédéric Desmesure, Mairie de <strong>Bordeaux</strong>-<br />

Frédéric Deval, Didier Doustin, Bernard<br />

Fontanel, Sophie Garcia, Mairie de<br />

<strong>Bordeaux</strong>-Lysiane Gauthier, Jean Gilson,<br />

Roberto Giostra, Hana Goodall, Cécile<br />

Gras, atelier des arpètes, Gaëlle Hamalian<br />

Testud, William Hessel, Tom Lacoste,<br />

Pierre Lavesque, Christian Lesemann,<br />

Laurencine Lot, Hugo Maertens,<br />

Daniel Maurin / Sébastien Cottereau<br />

– Luckystudio, Thierry Méchain, DR-Musée<br />

des Beaux Arts, Richard Nourry, Opéra<br />

Pagaï, Atelier Michel Pétuaud-Létang,<br />

Pierre Planchenault, POLA,<br />

David Prudhomme, Bernard Rakotomanga,<br />

Robbrecht and Daem, Quentin Salinier,<br />

Mairie de <strong>Bordeaux</strong>- Thomas Sanson,<br />

Kristine Thieman.<br />

Direction générale des Affaires<br />

<strong>culture</strong>lles de la Ville de <strong>Bordeaux</strong><br />

Hôtel de Ville,<br />

Place Pey-Berland,<br />

33 077 <strong>Bordeaux</strong> cedex<br />

Tel : +33(0)5 56 10 22 40<br />

dgac.dg@mairie-bordeaux.fr<br />

192<br />

www.bordeaux.fr


ordeaux.fr

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