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CLAIRE DENAMUR<br />
Par Raphaël LOUVIAU<br />
Il y a eu Joe Dassin qui popularisa Lee<br />
Hazlewood en France, Sheila adaptant<br />
les Kingsmen et Richard Anthony qui<br />
osait Spector mais jusqu’à il n’y a pas<br />
si longtemps, fallait choisir son camp.<br />
CLAIRE DENAMUR fait partie de cette<br />
nouvelle génération française pour qui<br />
le brouillage des pistes est naturel.<br />
Qui ne s’embarrasse pas de dogmes.<br />
Peut-être parce que le gouffre qui<br />
séparait rock’n’roll et vilaine variété<br />
tend à se réduire.<br />
Des preuves Elle travaille “à quatre mains”<br />
avec un chanteur populaire, Da Silva, et se<br />
pâme devant Elliott Smith ou Johnny Cash.<br />
Reprend brillamment la jolie scie du<br />
moment (le “Video Games” de Lana Del<br />
Rey, “la chanson qui m’a le plus émue depuis 10<br />
ans”) mais jure ses grands dieux n’avoir jamais<br />
écouté Zaz. Et savoure la nouvelle liberté que<br />
Capitol lui laisse : “Sincèrement, il n’y a aucune<br />
pression de la part de la maison de disques”. Soit.<br />
Mais il faut admettre que tout ceci est troublant.<br />
Deux heures d’un échange sincère avec CLAIRE<br />
DENAMUR auront toutefois suffi à balayer des<br />
interrogations forcément légitimes. La chanteuse<br />
se montre pugnace mais sans œillères. Elle<br />
assume ses choix et pointe gentiment les contradictions<br />
des autres (“Le morceau “ 3 4<br />
Septembre” est considéré par certains comme<br />
de la variété et par d’autres comme une anomalie<br />
sur l’album. C’est pourtant la même chanson.<br />
Ça n’est pas honteux, ni dans un cas ni dans l’autre”).<br />
Elle ne cherche pas non plus à séduire<br />
comme une vulgaire gagnante de radio-crochet.<br />
Préfère disserter sur Led Zeppelin (que j’abhore)<br />
et Lee Hazlewood (qu’on adore), Henri Miller et<br />
Kérouac. Et sa musique bien sûr. Les écueils, les<br />
réussites et le chemin à suivre pour y parvenir. Le<br />
chemin de croix de la “chanteuse française” en<br />
somme. La fille du Calvaire et ses quatorze stations<br />
! La première étant souvent l’album raté,<br />
celui dans lequel on ne se reconnait pas. Le coup<br />
classique. D’où les choix esthétiques revendiqués<br />
du nouvel album (Vagabonde), l’androgynie de la<br />
24 • <strong>159</strong> AVRIL 2012