Presences électronique 2015 : Le programme !
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DIM 08 MARS <strong>2015</strong><br />
Festival<br />
<strong>2015</strong><br />
DIM 08 MARS 16H (Salle 400)<br />
Knud VIKTOR<br />
Esther VENROOY<br />
Knud VIKTOR (1924-2013)<br />
Né à Copenhague en 1924, Knud Viktor est un<br />
pionnier de l’art sonore. Il a vécu en Provence<br />
dans la montagne du Lubéron sur un site où il a<br />
puisé tous les sons de son œuvre.<br />
Bien avant Luc Ferrari, il s’est intéressé<br />
au paysage sonore non comme matériau à<br />
retravailler musicalement (à la différence de<br />
Schaeffer et Henry) mais comme espace à<br />
expérimenter humainement avec ses micros.<br />
À son arrivée en Provence en 1961, il était<br />
peintre. Comme Van Gogh, il cherchait<br />
l’éblouissement de la lumière du midi. Et<br />
certes, il a été subjugué par la lumière, mais<br />
plus encore, fasciné par la vibration sonore qui<br />
peuple les paysages. Ce fut une révélation. Au<br />
point que, très vite, il décide de troquer ses<br />
pinceaux contre des micros qu’il se fabrique luimême,<br />
pour s’immerger dans l’écoute.<br />
Cette quête l’entraîne dans une traque infinie.<br />
Car dans la nature tout est son : garrigues,<br />
buissons, chemins, arbres, gorges, ruisseaux<br />
et cavités rocheuses lui révèlent des beautés<br />
qui dépassent l’imagination. Knud Viktor<br />
enregistre tout ce qui échappe à l’observation<br />
humaine ordinaire : la vibration rythmique des<br />
Photo : DR<br />
rochers, l’érosion, les palabres des fourmis,<br />
la conversation des frelons, les sons du lapin<br />
endormi au fond de son terrier, l’ivresse de la<br />
mouche de vinaigre.<br />
Son micro est un révélateur, autant qu’un<br />
aimant qui attire à lui la limaille du réel. C’est<br />
un animal qui butine, fouine, fouille, scrute<br />
partout où le son palpite. Mais il arrive aussi que<br />
l’observateur soit lui-même observé. Et qu’un<br />
dialogue se noue alors entre le preneur de son et<br />
le monde qu’il observe.<br />
Ses premières compositions s’intitulent<br />
images sonores. Un titre-<strong>programme</strong> par lequel<br />
s’affirme la singularité d’un travail dans lequel<br />
la musique n’est plus l’enjeu principal : “Je ne<br />
prétends pas faire de la musique, expliquet-il,<br />
même si ce que j’entends dans la nature<br />
est produit par des forces qui cherchent une<br />
harmonie. En cueillant des sons qui organisent<br />
des intensités sonores que je veux les plus<br />
inattendues, les plus contrastantes, modulées,<br />
dissonantes, j’essaye d’obtenir par le son, l’air,<br />
la lumière, le vent, les pluies et aussi le roc, la<br />
végétation rugueuse et parfumée du Lubéron…”<br />
L’enjeu est une (possible) écoute première<br />
du monde, que son travail ne cherche pas à<br />
musicaliser mais à ouvrir en faisant sauter les<br />
verrous qui d’ordinaire la recouvrent.<br />
Dans ses compositions, il applique au<br />
sonore des techniques de superposition ou<br />
soustraction qui viennent de la peinture. Il étire<br />
le temps pour faire entendre des sonorités<br />
prisonnières de la trame des sons quotidiens.<br />
Autant de démarches qui donnent corps à une<br />
approche globale de l’écoute, à la croisée de<br />
l’art et l’anthropologie, qui aura par la suite de<br />
nombreux successeurs dans ce qui s’appellera<br />
finalement l’art sonore.<br />
<strong>Le</strong>s apparitions de Knud Viktor sont rares, mais<br />
elles laissent une profonde empreinte sur ses<br />
auditeurs - le cinéaste François Truffaut fut l’un<br />
d’eux - car rarement l’oreille humaine ne s’est<br />
approchée de la nature avec une telle complicité.<br />
Marc Jacquin.<br />
Article publié dans Art Nord N° 11_2012<br />
(Marc Jacquin est fondateur de Phonurgia Nova.<br />
Il a créé au Musée Réattu d’Arles le premier<br />
département d’art sonore dans un musée des<br />
beaux-arts).<br />
Symphonie du Lubéron<br />
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