Le cahier Jeunes Publics (PDF) - Le Tarmac
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attachée à cet animal. L’oie me semblait<br />
un choix étrange et qui me ramenait à<br />
un imaginaire unique de paysannerie,<br />
mais dès que je me suis plongé dans<br />
sa symbolique, le sens de ce choix<br />
m’est apparu plus clair. Dans certaines<br />
traditions, l’oie est le symbole domestique<br />
de l’attachement, du soin et de l’âme.<br />
Dans d’autres, elle représente la sécurité,<br />
l’intelligence et la stratégie. Enfin elle<br />
est souvent associée aux enfants, à<br />
l’imaginaire, au jeu. Pour la représenter,<br />
il nous a fallu commencer par le plus<br />
simple : un oreiller (objet évoqué dans<br />
le texte). A partir de cette première<br />
animation, nous avons découvert un<br />
grand nombre de contraintes qui l’ont fait<br />
"grandir", évoluer jusqu’à la marionnette<br />
définitive. Il aura fallu quatre étapes et<br />
près d’un an et demi pour qu’elle arrive<br />
à maturité dans sa version définitive. Et<br />
il n’est pas impossible qu’elle soit encore<br />
modifiée par la suite.<br />
À CHAQUE SPECTATEUR<br />
" SA " MAISON D’ENFANCE<br />
"Fin de l’été 1955. Une maison de campagne<br />
avec ses dépendances, l’ensemble<br />
est entouré d’une clôture ; le tout est austère.<br />
Au loin un orage se prépare". Telles<br />
sont les indications données initialement<br />
dans la description du dispositif scénique.<br />
Vous êtes vous conformé à cette précision<br />
dans la date et à cette plus grande imprécision<br />
quant au lieu ?<br />
Non. Je souhaitais m’éloigner du récit<br />
strict du drame de Mathilde pour raconter<br />
l’adulte qu’elle était devenue, malgré tout.<br />
Toute l’histoire est donc un souvenir<br />
évoqué sur le plateau par Mathilde<br />
adulte soutenue dans son projet par son<br />
compagnon musicien. Elle retourne au<br />
temps de son enfance et nous raconte<br />
cette histoire pour la première fois.<br />
Donc pas de réalisme dans la "maison"<br />
mais des bribes de souvenirs assemblés<br />
et incomplets : le dessin de son enfance<br />
qui représente la maison est comme le<br />
déclencheur des autres souvenirs. Quant<br />
à la date, nous ne voulions pas la définir<br />
trop clairement, car nous voulions nous<br />
adresser aux enfants d’aujourd’hui et<br />
aussi à leurs parents. Nous ne voulions<br />
pas faire une reconstitution d’une ferme<br />
canadienne des années 50, mais évoquer<br />
pour tous les spectateurs (grands et petits)<br />
les souvenirs de leur maison d’enfance<br />
avec les distorsions de perceptions liées à<br />
la mémoire.<br />
La pièce (tout particulièrement la fin)<br />
est "ouverte". Vers quelle interprétation<br />
avez-vous l’intention de nous diriger ?<br />
J’avais du mal à accepter que la<br />
situation de violence se répète à la fin<br />
de la pièce. Au contraire, tout le sens de<br />
notre travail a été de raconter aux enfants<br />
qu’il existe des possibilités de s’affranchir<br />
de la violence puisque Mathilde a réussi :<br />
elle est devenue adulte, elle a un métier<br />
(marionnettiste) et elle n’est pas seule<br />
pour venir raconter cette histoire. Il ne<br />
s’agissait pas de minimiser la difficulté,<br />
ni de nier la souffrance, mais d’ouvrir un<br />
"espoir raisonnable" de réussite. C’est<br />
cette perspective d’en sortir qui permet<br />
à ces enfants de traverser parfois des<br />
années de terreur et malgré tout, peutêtre<br />
avec de l’aide, de trouver une issue.<br />
C’est ce que Boris Cyrulnik et d’autres<br />
chercheurs ont appelé la résilience.<br />
Spectacles "jeune public", spectacles pour<br />
adultes… selon vous, un même univers ?<br />
Un même propos ? Deux mondes<br />
différents ?<br />
<strong>Le</strong> texte de Michel-Marc Bouchard<br />
avait déjà ouvert une brèche pour nous<br />
dans cette question. Dans Histoire de l’oie,<br />
il ne s’agit pas de divertir les enfants, mais<br />
d’aborder avec eux une question qui les<br />
concerne. Pour cela, l’auteur utilise ce que<br />
l’enfant connaît : le jeu, la connivence avec<br />
une amie, l’imaginaire, les super héros…<br />
tous ces moyens créent des liens entre le<br />
spectacle et les enfants. Je crois que si ces<br />
éléments existent sur le plateau et que le<br />
thème abordé par le spectacle n’est pas<br />
étranger aux enfants, on n’a pas besoin<br />
d’une forme particulièrement "enfantine",<br />
il ne faut pas sous-estimer leur capacité à<br />
décrypter ce qui leur est proposé.<br />
Mais en revanche il faut prendre soin<br />
de renouveler le lien très régulièrement<br />
par l’action, la musique, l’image ou le jeu.<br />
Nous sommes tous habitués à des films<br />
qui vont à 100 à l’heure, on ne peut pas<br />
leur demander de découvrir tout, d’un<br />
coup, il nous faut tenir compte de ce qu’ils<br />
connaissent, eux.<br />
Quel regard portez-vous sur l’évolution du<br />
théâtre destiné aux jeunes spectateurs ?<br />
J’ai la chance depuis quelques<br />
années de programmer des spectacles<br />
et j’en vois donc beaucoup et pas mal<br />
de "jeune public". Je trouve que c’est un<br />
domaine très dynamique, dans lequel<br />
toutes les disciplines sont représentées<br />
(marionnette, cirque, musique, danse, jeu<br />
théâtral...) et souvent associées les unes<br />
aux autres. Je crois que c’est un espace de<br />
créativité et qu’il est bon que des artistes<br />
non spécialisés s’y intéressent.<br />
Pensez-vous que l’on soit aujourd’hui<br />
plus ou moins libres dans les propositions<br />
faites ? Dans les thèmes abordés ? A t-on<br />
plus ou moins de liberté aujourd’hui ?<br />
Je ne sais pas, c’est mon premier<br />
spectacle "jeune public", et pour cette<br />
première expérience, j’ai choisi un texte<br />
souvent considéré comme audacieux<br />
quant au thème qu’il traite avec les<br />
enfants. Mais, vous voyez, nous avons<br />
trouvé les ressources pour le créer et<br />
nous le jouons au TARMAC, c’est plutôt<br />
encourageant, non ?<br />
propos recueillis fin août 2012