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Saint-Jacques de la Lande / Novembre 2012

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Construire et se construire<br />

« Nids, terriers, bauges, niches écologiques… […] Lieux souvent secrets, cachés, sombres, enterrés,<br />

perdus… où mangent, dorment, hibernent, s’accouplent mettent bas, naissent, bref, survivent ces<br />

vivants : sont-ils propriétaires ou locataires <strong>de</strong> ces lieux ? » 9<br />

N’est-ce-pas dans l’usage quotidien <strong>de</strong>s choses, que l’espace et <strong>la</strong> vie prennent sens ? Animal ou<br />

humain, on s’approprie un espace lorsqu’on y mange, dort, aime et accueille. Le squatt, qui fait<br />

«disjoncter le rapport strict entre propriété et appropriation » 10 , est <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue très instructif.<br />

Le squatteur investit très vite l’espace <strong>de</strong> vie qu’il occupe : nettoyage, réparation, peinture…<br />

l’affirmation <strong>de</strong> soi dans l’espace permet d’en faire un espace à soi.<br />

« [les terrains vagues dans l’espace urbain] vont être investis par <strong>de</strong>s groupes, souvent marginaux<br />

ou déviants, qui vont se les approprier suivant un style d’occupation qui leur en donnera <strong>la</strong> maîtrise.<br />

[…] Ces espaces parallèles sont […] <strong>de</strong>s espaces d’adaptation ou <strong>de</strong> réadaptation qui montrent<br />

comment <strong>de</strong>s groupes s’y prennent pour se reconstituer individuellement ou collectivement dans<br />

un contexte <strong>de</strong> désappropriation. » 11<br />

Par <strong>la</strong> seule préhension d’un espace <strong>de</strong> vie, ces lieux dé<strong>la</strong>issés encouragent <strong>de</strong>s groupes eux-mêmes<br />

« dé<strong>la</strong>issées » à <strong>la</strong> réintégration d’une vie sociale.<br />

« À <strong>la</strong> marge se développent <strong>de</strong>s processus sociaux qui permettent aux individus <strong>de</strong> resocialiser le<br />

tissu même qui les désocialise. » 12<br />

Cette reconquête « naturelle » est donc également sociale et économique. C’est une appropriation<br />

intellectuelle et manuelle, « d’intérêt général », qui permet <strong>de</strong> s’enrichir socialement. C’est ce que<br />

Jean-Loup Gourdon appelle <strong>la</strong> « petite appropriation » : «Quand on a peu d’argent, ou pas du tout,<br />

mais pour soi le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, son travail, ses savoir-faire et l’apport d’une famille, d’un groupe<br />

solidaire, alors il faut pouvoir trouver en face <strong>de</strong> soi un dispositif institutionnel <strong>de</strong> formation du<br />

bâti et <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville dans lequel on puisse entrer avec peu <strong>de</strong> moyens et peu à peu. […] Par là se<br />

trouve définie <strong>la</strong> « petite appropriation », par <strong>la</strong>quelle il faut entendre que les moins riches <strong>de</strong> nos<br />

concitoyens puissent prendre possession <strong>de</strong> l’espace urbain au même titre que les autres. » 13<br />

Il est temps <strong>de</strong> mettre en acte ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production alternatif <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, encourageant les habitants<br />

à participer pleinement et quotidiennement à <strong>la</strong> production <strong>de</strong> leur cadre <strong>de</strong> vie. Une démocratie<br />

participative et productive doit vivre dans les interstices <strong>de</strong>s périmètres d’aménagement.<br />

Cultiver sa ville<br />

« Les «jardins ouvriers», détestés du patronat, n’ont pas pour<br />

seul but d’offrir au sa<strong>la</strong>rié <strong>de</strong>s villes un peu plus d’air pur, une<br />

ai<strong>de</strong> alimentaire contre <strong>la</strong> cherté <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, mais une sorte <strong>de</strong><br />

réhabilitation par le contact avec le sol » . 14<br />

Au XIXème siècle, pour accompagner les mutations <strong>de</strong>s pratiques agricoles liées à l’essor industriel,<br />

<strong>de</strong>s organismes <strong>de</strong> gestion coopérative se sont créés, comme le crédit agricole mutuel. C’est dans<br />

ce cadre qu’on a encouragé et codifié <strong>la</strong> constitution <strong>de</strong> jardins familiaux. Ces pratiques d’autoréhabilitation<br />

ont été encouragées par <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion, et financées par <strong>de</strong>s subventions publiques.<br />

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9 Michel Serres, Le Mal propre. Polluer pour s’approprier ? Op. cit., p.6.<br />

10 Gustave-Nico<strong>la</strong>s Fischer, Psychologie sociale <strong>de</strong> l’environnement, op. cit., p. 214.<br />

11 Gustave-Nico<strong>la</strong>s Fischer, Psychologie sociale <strong>de</strong> l’environnement, op. cit., p. 203.<br />

12 Gustave-Nico<strong>la</strong>s Fischer, Psychologie sociale <strong>de</strong> l’environnement, op. cit., p. 196.<br />

13 Jean-Loup Gourdon, « Éloge paradoxal du bidonville », Libération, 11 février 1994.<br />

14 Marguerite Yourcenar, Quoi ? L’Eternité, Gallimard, 1988, p.299.

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