05.05.2015 Views

HISTOIRE D'ÉCHIROLLES - Echirolles

HISTOIRE D'ÉCHIROLLES - Echirolles

HISTOIRE D'ÉCHIROLLES - Echirolles

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>HISTOIRE</strong> D’ÉCHIROLLES<br />

74


PREMIÈRE PARTIE : UN NOUVEL ÉLAN POUR ÉCHIROLLES (1939-1958)<br />

Chapitre 4<br />

La croissance urbaine des années 1950<br />

Si la Viscose connaît des difficultés au début des années 1950, l’activité industrielle<br />

de la région grenobloise tend au contraire à se développer et les<br />

besoins en main-d’œuvre à fortement progresser. L’agglomération se trouve<br />

ainsi plus que jamais confrontée à un grave problème de logement et plus<br />

particulièrement de logements sociaux. Désireux d’aider les ouvriers, les<br />

élus échirollois s’engagent résolument dans la construction d’immeubles HLM (habitation<br />

à loyer modéré) et de lotissements destinés à favoriser l’accession à la propriété.<br />

Parallèlement, elle autorise des initiatives privées, quitte à conforter la ville dans son<br />

rôle de commune-dortoir. La population échirolloise recommence donc à augmenter<br />

au rythme de la livraison de ces nouvelles habitations, tant municipales que privées.<br />

D’abord relativement modérée entre 1946 et 1954, période durant laquelle le nombre<br />

d’habitants passe de 2 825 à 3 762, la croissance s’accélère à la fin des années 1950 où<br />

la barre des 5 000 habitants est franchie. Échirolles reste toutefois une petite commune<br />

en comparaison de Grenoble, qui compte 116 000 habitants au recensement de<br />

1954, et même des autres villes ouvrières de l’agglomération comme Fontaine et Saint-<br />

Martin-d’Hères qui en accueillent respectivement au même moment 8 817 et 6 839.<br />

Cette croissance de la population ne fait qu’accentuer les problèmes d’infrastructures<br />

qui étaient loin d’être résolus avant-guerre. L’ouverture de classes et la construction<br />

d’établissements scolaires mobilisent ainsi d’année en année une grande partie de<br />

l’énergie et des ressources de la municipalité. Ressurgissent également les questions<br />

d’eau potable, de voirie et d’électricité, autant de réseaux qu’il faut redimensionner<br />

et financer. Il faut également fournir aux habitants tous les services que les citoyens<br />

attendent désormais d’une ville. Même si la commune conserve en grande partie sa<br />

ruralité, l’essor urbain d’Échirolles est bel et bien amorcé et ne fait que s’accélérer au<br />

cours des années 1950, malgré des budgets particulièrement serrés.<br />

Des logements pour accueillir de nouveaux habitants<br />

Au sortir de la guerre, le nombre d’habitations sur le territoire échirollois évolue relativement<br />

peu. En moyenne, seuls trois logements sont bâtis chaque année entre 1945<br />

et 1949, une période peu favorable à la construction en raison des multiples problèmes<br />

d’approvisionnement. Le mouvement s’accélère vraiment à partir de l’année 1954,<br />

durant laquelle 123 logements sont livrés. Il s’agit encore essentiellement de pavillons<br />

individuels et d’immeubles de petite taille, la construction de grands ensembles ne<br />

débutera qu’à la fin des années 1950.<br />

Page de gauche :<br />

Deux jeunes mamans et<br />

leurs enfants devant une<br />

des maisons de la cité de la Viscose,<br />

années 1950, coll. privée.<br />

75


<strong>HISTOIRE</strong> D’ÉCHIROLLES<br />

L’augmentation de la population échirolloise est ainsi relativement limitée entre 1946<br />

et 1954, même si elle progresse malgré tout de 937 habitants en huit ans. L’ensemble<br />

de la commune est concernée par cette croissance démographique, mais c’est surtout<br />

la partie ouest et plus particulièrement les secteurs de La Ponatière, du Rondeau et<br />

de La Quinzaine qui se développent avec la création de zones pavillonnaires. La cité<br />

de la Viscose continue, avec ses 1 566 habitants en 1954, d’occuper une place de premier<br />

plan, mais sa progression est proportionnellement moins importante que celle<br />

des quartiers environnants, voire de celle du village. Entre 1936 et 1954, le Bourg et<br />

ses hameaux gagnent plus de 300 habitants.<br />

« Mes parents sont venus habiter au Rondeau. Le logement était confortable pour l’époque :<br />

quatre pièces, pas de salle de bains ça n’existait pas à l’époque… Il y avait la contre-allée, un canal<br />

qui longeait le cours Jean-Jaurès et le tramway. Autour du rond-point du Rondeau, il y avait quatre<br />

grands champs. C’était notre terrain de jeu, d’ailleurs les cirques, la transhumance et<br />

les gitans s’arrêtaient là. Les gitans se mettaient à jouer de la musique, et nous, petits,<br />

on était émerveillés de tout ça. Dans ces champs, il y avait des fêtes aussi, des soirées dansantes. »<br />

Pierrine Gaillard<br />

La composition de la population échirolloise connaît de sensibles évolutions au cours<br />

de ces années. Le nombre d’étrangers diminue pour ne plus représenter qu’un cinquième<br />

des habitants. En 1954, les Italiens forment toujours la communauté la plus<br />

importante avec 327 personnes. Les autres nationalités sont nettement moins nombreuses<br />

: 57 Polonais, 44 Hongrois, 34 Espagnols et 23 Russes. Quelques Allemands,<br />

Autrichiens, Arméniens, Grecs, Portugais, Roumains,<br />

Syriens, Tchèques et Yougoslaves continuent d’habiter<br />

Échirolles et plus particulièrement la cité de<br />

la Viscose. Une autre évolution notable concerne la<br />

1936 1954 Croissance<br />

baisse progressive du nombre d’agriculteurs. Seules<br />

114 personnes déclarent vivre de l’agriculture en 1954,<br />

soit 7 % de la population active, alors qu’elles étaient<br />

encore 238 au recensement de 1946. Le nombre<br />

d’habitants travaillant dans l’industrie continue en<br />

revanche de progresser : 1 015 personnes en 1954, soit<br />

62 % de la population active, une des proportions les<br />

plus importantes de l’histoire d’Échirolles.<br />

L’accroissement de la population s’accélère nettement<br />

entre 1954 et 1958. En seulement quatre ans,<br />

elle augmente de 1 677 habitants pour atteindre<br />

5 439 personnes. Cette hausse résulte de la mise en<br />

chantier de plusieurs projets. Entre le Bourg et les<br />

Glaires, la société chimique Progil, installée à Pont-de-<br />

Claix, érige un lotissement pour loger son personnel.<br />

Un peu plus à l’est, sur le site encore vierge de La<br />

Commanderie, la construction d’un autre lotisse-<br />

Évolution de la population par quartier entre<br />

les recensements de 1936 et 1954<br />

Village 618 946 53 %<br />

Chef-lieu/Bourg 296 439 48 %<br />

Les Glaires 191 231 21 %<br />

Les Granges/La Buclée 71 76 7 %<br />

La Petite Quinzaine 64<br />

Badareau 25 45 80 %<br />

Gringallet 14 22 57 %<br />

Château-Gaillard 21 69 229 %<br />

Ouest 662 1 250 89 %<br />

Le Rondeau 221 392 77 %<br />

La Ponatière 181 469 159 %<br />

La Quinzaine 159 259 63 %<br />

Villancourt 101 130 29 %<br />

La Viscose 1 240 1 566 26 %<br />

Total 2 520 3 762 49 %<br />

76


PREMIÈRE PARTIE : UN NOUVEL ÉLAN POUR ÉCHIROLLES (1939-1958)<br />

ment pavillonnaire est amorcée par la société immobilière « Un logement pour tous ».<br />

Plus ambitieux, ce projet concerne à l’origine la réalisation de 116 maisons. Toutefois,<br />

seule une première tranche de 75 logements est livrée entre 1954 et 1957, le promoteur<br />

rencontrant des difficultés à réaliser l’ensemble de son programme. Année après<br />

année, d’autres constructions individuelles sortent de terre dans le village, autour<br />

des rues Pierre-Sémard, Paul-Langevin et Stalingrad. Le hameau de Château-Gaillard<br />

continue son développement avec l’édification d’un nouveau lotissement. La zone<br />

ouest poursuit sa propre évolution avec la construction de pavillons à La Quinzaine,<br />

à La Ponatière, à Villancourt et en bordure du cours Jean-Jaurès. Le Rondeau accueille<br />

lui aussi de nouveaux habitants grâce à la construction de maisons, mais également<br />

d’immeubles dans lesquels investissent les établissements Neyrpic qui cherchent,<br />

comme Progil, des logements à proposer à leur personnel. Dans les années 1950, le<br />

développement de l’industrie grenobloise attire en effet une main-d’œuvre nombreuse<br />

qui cherche à se loger dans les communes de l’agglomération. Outre ceux de la Viscose,<br />

Échirolles accueille beaucoup d’ouvriers de Neyrpic et des sociétés de Pont-de-Claix :<br />

Progil et Metafram.<br />

Le Rondeau<br />

GRENOBLE<br />

La Quinzaine<br />

Rocade Sud<br />

Grand Place<br />

SEYSSINS<br />

La cité de la Viscose<br />

La Ponatière<br />

Espace<br />

Comboire<br />

A480<br />

Cours Jean-Jaurès<br />

Hôtel<br />

de ville<br />

Rocade Sud<br />

Hôpital Sud<br />

EYBENS<br />

La Commanderie<br />

BRESSON<br />

PONT-DE-CLAIX<br />

Villancourt<br />

Le Bourg - Le Village<br />

Les Glaires<br />

En 1955, constatant une grave pénurie de logements et une hausse du prix des terrains<br />

en raison de la spéculation, le maire d’Échirolles et son conseil décident d’intervenir<br />

directement dans le développement immobilier de la commune avec la construction<br />

de « lotissements municipaux ». Le projet consiste à acheter des terrains pour réaliser<br />

de petits immeubles HLM et pour proposer à des particuliers des parcelles viabilisées<br />

leur permettant de faire construire leur propre maison sans subir les surcoûts<br />

77


<strong>HISTOIRE</strong> D’ÉCHIROLLES<br />

Le village d’Échirolles, le lotissement<br />

Progil, carte postale, 1957, coll. AME.<br />

Le lotissement de La Commanderie,<br />

vers 1957, coll. AME.<br />

La Ponatière, au fond le groupe<br />

scolaire Paul-Vaillant-Couturier,<br />

1958, coll. AME.<br />

engendrés par la spéculation des promoteurs privés.<br />

Utilisant la procédure des Logécos (logements économiques<br />

et familiaux), le conseil réussit à trouver des<br />

terrains que les propriétaires acceptent de vendre à des<br />

prix « tout à fait raisonnables » et peut ainsi programmer<br />

la réalisation de deux ensembles immobiliers, l’un<br />

dans le quartier de La Ponatière et l’autre à proximité<br />

du terrain de football du village. En mars 1956, après<br />

avoir obtenu les autorisations nécessaires, la municipalité<br />

lance donc la construction de cinq immeubles<br />

de 16 logements à La Ponatière. Financée par plusieurs<br />

emprunts, l’opération est évaluée à 157 millions<br />

de francs, ce qui représente un investissement considérable pour une commune dont<br />

le total des recettes ordinaires s’élève à environ 24 millions en 1956. Livrés à partir de<br />

l’année 1958, ces logements accueillent immédiatement de nouvelles familles. L’autre<br />

ensemble, le lotissement des Sports, qui comprenait à l’origine, comme à La Ponatière,<br />

quatre immeubles, est finalement intégralement converti en parcelles individuelles<br />

suite à l’augmentation du nombre des demandes.<br />

L’accession à la propriété connaît un engouement croissant<br />

avec la reprise du développement économique du<br />

pays. Le plein emploi, les opportunités professionnelles<br />

liées à l’essor des entreprises, l’amélioration progressive<br />

des salaires et la généralisation des systèmes de<br />

protection sociale créent un environnement favorable<br />

qui permet à certains ouvriers et employés de se lancer<br />

dans un projet immobilier. En revendant des parcelles<br />

viabilisées sans réaliser de plus-values, la municipalité<br />

échirolloise entend clairement encourager les ménages<br />

modestes à devenir propriétaires de leur logement. Les parents d’Yves Castella bénéficient<br />

de cette initiative : « M. Kioulou venait souvent à la maison et il parlait du futur<br />

lotissement de la rue Delaune. C’est comme ça que l’on a pu construire. On est arrivés<br />

en août 1958. » La famille Moussy décide également de quitter la cité de la Viscose pour<br />

s’installer dans le nouveau lotissement des Sports : Mme Moussy raconte : « Je suis<br />

allée m’inscrire à la mairie en me disant on verra bien si le terrain nous est attribué.<br />

Finalement, ça c’est très bien passé. » Afin de réduire au<br />

maximum les coûts, la municipalité propose son aide<br />

à ceux qui la demandent pour établir les plans de leur<br />

maison : « On les achetait à la mairie 10 000 francs. Un<br />

architecte c’était dans les 100 000 ou 200 000 francs.<br />

Nos maisons sont à peu près toutes dans le même style,<br />

des F4 et des F5. » À une époque où le crédit bancaire<br />

aux particuliers est réservé aux plus aisés, il arrive que<br />

les entreprises soutiennent les projets immobiliers de<br />

leurs salariés en accordant des prêts d’honneur ou en<br />

78


PREMIÈRE PARTIE : UN NOUVEL ÉLAN POUR ÉCHIROLLES (1939-1958)<br />

les autorisant à utiliser les équipements de la société sur leur chantier. Faute de moyens<br />

financiers suffisants, beaucoup de personnes mettent en effet à profit leurs compétences<br />

professionnelles et celles de leur entourage pour construire eux-mêmes leur<br />

résidence. Ceux qui parviennent à économiser suffisamment réussissent ainsi, par<br />

l’accès à la propriété, à améliorer sensiblement leur situation matérielle et à sortir<br />

pas à pas du prolétariat.<br />

« À La Ponatière, c’était la campagne. Les deux premiers Logécos venaient de se construire et<br />

il n’y avait rien derrière. Il y avait l’école et puis des champs, des champs.<br />

Quelques petites villas se construisaient, notamment la villa de Georges Kioulou…<br />

C’était vraiment l’idéal d’avoir une salle de bains, d’avoir une chambre supplémentaire,<br />

voire deux pour certaines grandes familles qui arrivaient. » Joëlle Chorier<br />

« Mme Dimier, qui était dans le même immeuble que nous, avait acheté au lotissement de La Ponatière et<br />

elle nous a dit : pourquoi vous restez à la cité ? Essayez de vous mettre chez vous.<br />

Il n’y a plus de terrains à La Ponatière, mais je crois qu’il va y en avoir au village. » Simone Moussy<br />

« Sur le cours Jean-Jaurès, c’était surtout des maisons individuelles<br />

que des gens de la Viscose commençaient à acquérir…<br />

Bien souvent, ça a été des chefs qui ont réussi à construire leur maison individuelle<br />

alors qu’auparavant ils étaient dans un milieu cité. » Daniel Wojkowiak<br />

Cette première étape de l’essor urbain échirollois n’affecte guère le caractère rural<br />

de la commune et par beaucoup d’aspects les modes de vie restent assez proches de<br />

ceux d’avant-guerre. Les nouveaux lotissements ne forment encore que des îlots au<br />

milieu des champs, comme le rappelle Pierrine Gaillard qui emménage dans celui de<br />

La Ponatière à la fin des années 1950 : « Je me souviens d’un matin, quand j’ai ouvert<br />

ma porte, j’avais des vaches dans ma cour parce que ce n’était pas clôturé. Elles sortaient<br />

du pré et venaient se balader dans le quartier. » Dans le village,<br />

se souvient la famille Alberto, les mariages continuent de regrouper<br />

de nombreux voisins : « C’était joyeux, tout le monde se connaissait et<br />

quand on s’est mariés, c’était la fête. Il y a eu un grand apéritif et tout<br />

le monde a eu des dragées. La veille du mariage, les villageois tiraient<br />

des coups de fusil, c’était en 1959, après ça a été interdit. » Les champs<br />

constituent toujours le terrain de jeux privilégié des enfants de la commune<br />

qui vont jouer au foot et faire des barrages dans les ruisseaux.<br />

« On s’en faisait souvent sortir parce qu’on écrasait l’herbe et le garde<br />

champêtre d’Échirolles nous faisait un peu la chasse » se souvient Yves<br />

Castella. Comme lui, le dimanche, Daniel Wojkowiak accompagne ses<br />

parents à l’aérodrome pour voir les parachutistes et les courriers qui<br />

atterrissaient. Pour les jeunes de la cité de la Viscose, le Drac et les<br />

étangs offrent toujours autant de distractions. « On a tous appris à<br />

nager dans le Drac » déclare Daniel Wojkowiak qui le traverse alors<br />

« pour aller à la maraude à Seyssins, car il y avait des cerisiers ».<br />

Mariés et leur cortège, entre<br />

la mairie et l’église Saint-Jacques,<br />

cliché Givet, 1961, coll. privée.<br />

79

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!