PAYSAGES 2015 - La revue annuelle de l'AAPQ
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Aménagement au cœur <strong>de</strong> la forêt<br />
Photo © Nature Action Québec<br />
LE BOIS DU FER-À-CHEVAL EN MONTÉRÉGIE<br />
Conservation et paysages <strong>de</strong> l’ordinaire dans le Québec urbain,<br />
par Linda Fortin<br />
J’habite en Montérégie <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> vingt ans. J’y parcours, du printemps à l’automne, plusieurs centaines<br />
<strong>de</strong> kilomètres à vélo, ce qui m’a laissé croire au fil du temps que je connaissais bien le territoire. Pourtant<br />
ce n’est qu’en 2011, alors que la Communauté métropolitaine <strong>de</strong> Montréal (CMM) publiait son Plan<br />
métropolitain d’aménagement et <strong>de</strong> développement (PMAD), que j’ai découvert, parmi les bois d’intérêt<br />
métropolitain i<strong>de</strong>ntifiés par la CMM, qu’à <strong>de</strong>ux pas <strong>de</strong> chez moi se trouvait le bois du Fer-à-Cheval. Comment<br />
la plus gran<strong>de</strong> superficie boisée continue <strong>de</strong> la Montérégie avait-elle pu <strong>de</strong>meurer aussi insaisissable<br />
et invisible pendant si longtemps ?<br />
bois du Fer-à-Cheval<br />
Le bois du Fer-à-Cheval forme une étendue<br />
boisée d’une gran<strong>de</strong> valeur écologique, avec<br />
sa superficie <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 6 500 hectares,<br />
soit 34 fois celle du parc du Mont-Royal<br />
(190 ha) 1 , et plus <strong>de</strong> sept fois celle du parc<br />
national du Mont-Saint-Bruno (890 ha) 2<br />
(figure : localisation). Cependant, une multitu<strong>de</strong><br />
d’infrastructures routières ou industrielles<br />
créent d’importants obstacles visuels ou<br />
physiques et ren<strong>de</strong>nt le boisé peu perceptible<br />
en tant qu’entité paysagère. Ce massif forestier<br />
présente une diversité <strong>de</strong> milieux constitués<br />
<strong>de</strong> milieux humi<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> peuplements<br />
<strong>de</strong> feuillus et <strong>de</strong> conifères, qui représentent<br />
autant <strong>de</strong> refuges fauniques et floristiques.<br />
Quelques dizaines <strong>de</strong> petites érablières<br />
privées sont établies sur son pourtour extérieur,<br />
situé <strong>de</strong> 15 à 20 mètres plus bas que<br />
la terrasse centrale. Sis au cœur <strong>de</strong>s<br />
meilleures terres agricoles du Québec,<br />
à égale distance du Saint-<strong>La</strong>urent et du<br />
Richelieu, le boisé est morcelé en près <strong>de</strong><br />
2 000 propriétés privées réparties sur le<br />
territoire <strong>de</strong> sept municipalités et <strong>de</strong>ux MRC,<br />
comptant environ 200 000 habitants. <strong>La</strong><br />
conservation <strong>de</strong> ce boisé dépend donc à la<br />
fois <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> ses nombreux propriétaires,<br />
<strong>de</strong>s forces en présence et <strong>de</strong>s mesures<br />
qui seront mises <strong>de</strong> l’avant (ou non) par les<br />
différents paliers <strong>de</strong> gouvernement pour assurer<br />
son avenir.<br />
mont Saint-Hilaire<br />
mont Saint-Bruno<br />
Figure : localisation, Google Earth<br />
Mont-Royal<br />
mont Rougemont<br />
Figure : évolution historique<br />
1910 1932 2014<br />
HISTORIQUE<br />
<strong>La</strong> superficie <strong>de</strong> cette forêt a-t-elle changé au cours du temps ? <strong>La</strong> réponse est oui, et <strong>de</strong> façon<br />
importante, même si peu <strong>de</strong> cartes anciennes du territoire sont disponibles et qu’elles sont floues<br />
quant à la délimitation <strong>de</strong> ses contours originaux. Seuls les relevés systématiques entrepris par le<br />
ministère <strong>de</strong> la Défense nationale du Canada au début du 20 e siècle tracent un portrait évolutif du<br />
boisé, connu au départ sous le nom <strong>de</strong> bois <strong>de</strong> Verchères (figure : évolution historique). Ces cartes<br />
démontrent que l’expansion <strong>de</strong> l’agriculture dans les basses terres du Saint-<strong>La</strong>urent a déjà amorcé, au<br />
début du siècle <strong>de</strong>rnier, le déboisement progressif du cœur du boisé ; c’est cependant l’apparition <strong>de</strong><br />
la banlieue, après la construction <strong>de</strong>s autoroutes 20 et 30 au milieu <strong>de</strong> la même décennie, qui exerce<br />
une pression fatale sur ce secteur du bois du Fer-à-Cheval. <strong>La</strong> conservation <strong>de</strong> la superficie résiduelle<br />
<strong>de</strong>vient aujourd’hui primordiale pour le maintien <strong>de</strong> la biodiversité <strong>de</strong> ses nombreux écosystèmes.<br />
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<strong>PAYSAGES</strong> <strong>2015</strong>