Les débuts et le développement de la pomiculture à Rougemont

Les débuts et le développement de la pomiculture à Rougemont
Le nom Rougemont est associé aujourd’hui par beaucoup de québécois à ce fruit typique du
pommier qu’est la pomme. En effet, cet arbre fruitier est cultivé au pied du mont Rougemont
depuis plus de cent ans. Quels furent les débuts de cette culture à Rougemont et dans quelles
circonstances est apparu cet arbre fruitier chez nous. Au cours des années cette culture devint le
gagne-pain de beaucoup de nos concitoyens et ceci encore aujourd’hui. Voici quelques
renseignements à ce sujet.
Il est indéniable que cette culture fruitière tire son origine dans la région des anglophones de
Saint-Paul d’Abbotsford. C’est en 1874 qu’est fondé la Fruit Growers Association of Abbotsford.
Ce regroupement d’horticulteurs pour la très grande majorité anglophone vise à promouvoir en
outre des pommiers résistants aux gelées de l’hiver et aussi organiser des expositions pour
démontrer le bienfait de certaines variétés et bien entendu encourager la culture fruitière par des
conférences, des démonstrations de fruits et des prix annuels, etc.
Cette association de Saint-Paul d’Abbotsford donne naissance en 1894 à la Société de
pomologie et de culture des fruits de la province de Québec. À sa réunion de fondation à l’Église
méthodiste du même endroit on y trouve deux représentants de Rougemont : Luther Hyde
Bachelder et Charles-N. Frégeau. Les buts de cette nouvelle association sont :
Le progrès et l’avancement de la culture des fruits, au moyen d’assemblées où l’on discutera
les questions relatives à la culture fruitière. Elle devra aussi recueillir, coordonner et répandre
toutes les informations utiles, employer enfin tous les moyens que, de temps à autre, elle jugera
nécessaires aux fins de la Société.
La Société divise le territoire de la province en 9 districts, afin que chaque secteur soit bien
organisé. C’est à partir de cette date que les vergers de Rougemont vont vraiment commencer à se
développer. Suivant l’exemple de leurs confrères de Saint-Paul, les pomiculteurs s’initient aux
nouvelles techniques de la pulvérisation et de la greffe. Pour alimenter ceux-ci en espèces
vigoureuses et productives, des pépinières familiales vont faire leur apparition. Celle de Richard
Standish, Paul Deguire et bien d’autres. On utilise aussi les arbres fruitiers de la famille Fisk de
Saint-Paul d’Abbotsford. Les variétés cultivées à cette époque sont : la délicieuse, la Saint-
Laurent d’hiver, la golden russet, la fameuse, la blanche d’automne, la jaune transparente et
plusieurs autres.
Les frères Frégeau vont profiter de cette conjoncture favorable, pour mettre sur pied une
pépinière fruitière commerciale. Du 2 novembre 1883 au 3 mai 1893, Charles-Norbert Frégeau et
son frère Albert dirigent la Société Frégeau et frères. Elle exploite sa pépinière à l’intersection du
rang Double et de la Petite Caroline. Du 3 mai 1893 jusqu’en 1907, c’est Albert Frégeau qui en
est le responsable puis Georges-Henri Frégeau prend la relève jusqu’en octobre 1910.
On retrouve durant cette même période la pépinière Deguire and Carden. Elle ouvre ses
portes le 20 mars 1899. Elle appartient à Paul Deguire et Fred A. Carden. Elle est située derrière
l’épicerie et le bureau de poste de M. Carden. Cette dernière pépinière se spécialise dans le
greffage d’une nouvelle variété de pommes à l’époque : la McIntosh. Celle-ci deviendra par la
suite la pomme préférée des québécois, donc par le fait même, la variété la plus cultivée à
Rougemont. Émile Gadbois va aussi posséder une pépinière à cette époque.

À partir du début du 20 e siècle, nous verrons de plus en plus de vergers dans le rang de la
Petite Caroline et aussi le long du rang Double qui conduit à la paroisse de Saint-Jean-Baptiste
de Rouville. Lorsque que l’on regarde les rapports de la Société de pomologie et de cultures des
fruits de la province de Québec, on se rend compte que plusieurs rougemontois sont actifs dans ce
domaine : Aux précurseurs Luther Hyde Bachelder et Charles-Norbert Frégeau, sont venus
s’ajouter : Jethro Bachelder, Granville Gilmore, Paul Deguire, Fred Carden, Amédée Côté, Élie
Bourbeau, R.-C. Paquette, Émile Gadbois, Denis Alix, Alfred Chaplin, Isaïe Charon, Paul-Émile
Paquette, L.V. Parent, M. P. Pyke, John E. Standish et beaucoup d’autres.
La superficie consacrée à la pomiculture est en 1911 de 426 acres, dix ans plus tard cette
culture accapare 638 acres. C’est une progression remarquable. Grâce aux deux chemins de fer
qui passent à Rougemont. Les cultivateurs peuvent vendre leurs barils de pommes aussi loin que
Montréal, Sorel, Granby, Farnham, Saint-Lambert, etc. Certains vont même pousser l’audace
d’envoyer des pommes au Lac Saint-Jean et Québec. Dans les années qui vont suivre, les
cultivateurs vont rejoindre de plus en plus des coopératives dans le but de maximiser leur
production et surtout d’écouler facilement leurs pommes et produits de la pomme.
Dans le but de rentabiliser davantage cette production fruitière, certains promoteurs de
Rougemont vont construire en 1908, un édifice de trois étages pour l’entreposage à froid et la
classification des pommes. Puis en 1913, la Société coopérative des producteurs de fruits de
Rouville de Rougemont est fondée. Malheureusement quelques années plus tard cet entrepôt
ferme ses portes. Le besoin se faisant de nouveau sentir pour les producteurs de posséder un
entrepôt frigorifique moderne, la Coopérative agricole des pomiculteurs de Rougemont est fondée
le 15 avril 1952, elle passe rapidement aux actes et elle construit son entrepôt au 101, 1re Avenue.
Il existe encore aujourd’hui.
L’année 1940 voit l’arrivée à Rougemont d’une nouvelle coopérative, la Coopérative
montérégienne. Le but de celle-ci est de transformer les pommes pour en faire divers produits
dont bien entendu du jus de pommes, mais aussi de la pulpe et de la sauce de pommes. Dans les
années 1950, elle devient la plus importante manufacture de transformation de la pomme de la
province de Québec. En 1972 elle va se lancer dans la production du cidre puis vivre certaines
difficultés financières et devenir par la suite Les Aliments Mont-Rouge. Celle-ci sera finalement
achetée par A. Lassonde en 1977.
Cette belle aventure de la transformation de la pomme à Rougemont se poursuit en 1971 avec La
Cidrerie du Québec ltée. Elle devient la plus importante cidrerie du Québec en 1974. Elle obtient
la même année le permis de distillateur et elle forme une filiale sous le nom de Les distilleries
Dumont ltée. Un permis de fabrication du vin est obtenu en 1977 et c’est l’arrivée des Vignobles
Chantecler Ltée. Ceci permet de produire et commercialiser des vins et un vermouth à base de
pommes le fameux «Bellini». Elle va par la suite continuer à se développer et l’entreprise existe
encore aujourd’hui, mais elle appartient à une multinationale.
À la fin des années 1950, M. Willie Lassonde décide d’ajouter à sa conserverie la production du
jus de pommes, c’est la naissance du fameux jus «Rougemont». Nous connaissons tous
aujourd’hui l’importance de la compagnie Lassonde à Rougemont, c’est le plus gros employeur
de la municipalité. Elle produit toutes sortes de jus qui sont distribués partout en Amérique du
Nord.

Deux communautés religieuses vont elles aussi participer au développement de la
pomiculture durant toute cette période soit les Oblats et aussi les Cisterciens. Certains autres
entrepreneurs vont se lancer dans des créneaux bien particuliers. Michel Jodoin en 1988 dans la
cidrerie artisanale et Pierre Gingras dans une vinaigrerie de cidre artisanale.
Encore aujourd’hui la pomiculture est l’élément phare de la municipalité de Rougemont.
Gilles Bachand
© Société d’histoire et de généalogie des Quatre Lieux
Dans une chambre froide de l’entrepôt construit en 1908
© Archives de la SHGQL

La récolte des pommes à Rougemont en 1919
© Archives de la SHGQL
La Coopérative montérégienne en 1941
© Archives de la SHGQL