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LE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL SUITE AUX ... - E-Corpus

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AVANT PROPOSLe Plein emploi est une situation d'une zone donnée dont le chômage est réduitau chômage incompressible (ou de transition, c'est le chômage de faible durée existant entrel'arrêt d'un emploi et le début d'un autre) Il n'existe alors pas de difficulté particulière à trouverun emploi. Cette situation correspond selon certains à un taux de chômage inférieur à 5 % ausens du BIT, pour d'autres le plein-emploi n'existe que lorsque le taux de chômage global estmarginal : moins de 1 %. Le plein emploi est un objectif affiché par tous les gouvernements,mais les méthodes pour y parvenir diffèrent radicalement, ainsi que la place de cet objectifdans l'ordre des priorités (par rapport à la lutte contre l'inflation par exemple). Pour certainséconomistes, sur le modèle des pays nordiques dont le taux de chômage est faible, l'objectif estde faire des progrès sociaux, quitte à augmenter les coûts. Ces politiques économiques passentnotamment par une réduction du temps de travail afin de partager ce temps de travail globalentre plus d'individus (dont les chômeurs), la stimulation de la consommation par une haussedes salaires, l'amélioration de la productivité par une hausse du niveau d'éducation, la mise enplace une politique de santé permettant aux individus d'être au mieux de leur forme, ledéveloppement de l'innovation par la recherche publique, l'organisation d'une politiqueindustrielle. D'autres, prenant en exemple les taux de chômage des pays anglo-saxons,considèrent que la compétitivité et l'innovation, en permettant de développer l'activitééconomique, sont la garantie des emplois actuels et futurs. De ce point de vue, il convient pourcréer des emplois de favoriser l'entreprenariat, l'investissement, l'embauche et l'incitation autravail. Cela suppose entre autres de baisser les charges fiscales et cotisations sociales desentreprises et des particuliers et de simplifier et assouplir la réglementation pour encourager lesembauches.Après la seconde guerre mondiale la productivité poussée à l’extrême oriente laproduction et la gestion du travail vers des politiques plus actives. La rentabilité devient plusque jamais une question de survie entre les entreprises d’un même pays ; les entreprises semultiplient et le travail se réorganise. Entre les pays, avec la mondialisation et la recherche descoûts plus bas, la compétitivité devient la préoccupation principale. Les productionss’éloignent des centres de décision, les sites industriels ferment et les salariés licenciés doiventse reclasser.Les trois quarts des licenciements économiques sont prononcés sans plan social,dans des entreprises de moins de 50 salariés qui se séparent de moins de dix salariés. Enrevanche, dans les grandes entreprises, les suppressions d'emplois débouchent rarement sur lechômage grâce aux préretraites, aux temps partiel ou aux aides au reclassement. La réformedes plans sociaux lancée par Martine AUBRY en 1997 implique que l'inspecteur du travail n'aplus à se prononcer sur la justification économique des suppressions d'emplois, mais seulementsur l'équilibre des mesures sociales mises en oeuvre.Les mesures sociales se doivent d’aider un salarié en convention de conversionà se reclasser pour qu’il ne devienne pas chômeur à la fin du plan social. Ce reclassementprofessionnel suite à un licenciement économique est une recherche de solutions pourl’entreprise qui doit respecter certaines obligations face à ses salariés qu’elle ne peut plusgarder dans ses effectifs et face à la société dans laquelle elle évolue.1


REMERCIEMENTSJe tenais à remercier tous ceux qui de façon directe ou indirecte m’ont permisde mener à bien ce doctorat, en particulier :Olivier DE PREMARE qui m’a accueilli dans son univers et sans qui ce travailn’aurait pu voir le jour, Christine GAUTIER pour sa bonne humeur et ses conseils.Docteur THEVENIN pour son accueil et pour les possibilités qu’il m’a donnéd’aller plus loin.Mme RIMAREIX, M LORTAT-JACOB et M DENORMANDIE, leschirurgiens qui n’ont jamais perdu espoir et qui ont toujours cherché les meilleures solutions,NOISETTE pour ses visites et son sourire.solitude.persévérance.CHRISTOPHE, mon mari, pour sa patience, sa sollicitude et ses week-ends deM. COMBESSIE, mon directeur de recherche, pour ses conseils et sa2


10° Les effets du chômage P : 23511° L’indemnisation du chômage P : 247RESUME DE LA PARTIE I : TRAVAIL ET CHOMAGE DANS<strong>LE</strong>S SOCIETES SALARIA<strong>LE</strong>S P : 252II- L’EMPLOI : REPRESENTATION ET GESTION P : 257A. L’emploi P : 2571° Face à la mondialisation de l’économie P : 2592° La nouvelle nature du commerce international P : 2613° Les effets distributifs du commerce international P : 2654° La mondialisation et la croissance P : 2705° La mondialisation et les entreprises P : 277B. <strong>LE</strong>S DELOCALISATIONS P : 2931° Les délocalisations : définitions et motivations P : 3122° Impact et mesures des délocalisations P : 3143° L’impact global sur l’emploi P : 3174° Les étapes de la délocalisations P : 318C. <strong>LE</strong>S CONVENTIONS COL<strong>LE</strong>CTIVES P : 3211° L’Etat P : 3242° Le droit P : 3273° La loi P : 328D. QUELQUES COURANTS DE PENSEES P : 3491° L’analyse de Marx et d’Engels P : 3522° Les théoriciens de l’équilibre général P : 3623° Les autres économistes et le chômage P : 367E. <strong>LE</strong> LICENCIEMENT P : 3691° Les indemnités P : 3802° Le licenciement économique P : 3823° Le règlement et les mesures des conventions de conversion P : 3864° Les moyens de reclassement P : 3965° Les licenciements collectifs et les plans sociaux P : 3996° Les nouveautés P : 4047° La mise en place d’une stratégie Européenne pour l’emploi P : 412F. <strong>LE</strong>S POLITIQUES FACE A L’EMPLOI ET <strong>AUX</strong> LICENCIEMENTS P : 4151° Une réforme en vue ? P : 4232° La réduction du temps de travail : une solution ? P : 4433° Les dispositions de la loi AUBRY P : 450RESUME DE LA PARTIE II, L’EMPLOI : REPRESENTATIONET GESTION P : 4534


III- <strong>LE</strong> <strong>RECLASSEMENT</strong> DES SALARIES P : 455A. PREVENIR <strong>LE</strong>S LICENCIEMENTS ET RECLASSER <strong>LE</strong>S SALARIES P : 4551° Le reclassement professionnel P : 4672° Ses formes et ses logiques d’intervention P : 470B. <strong>LE</strong>S MESURES D’ACCOMPAGNEMENT P : 4731° Les bilans de compétence comme outil P : 4802° La répartition des tâches P : 5083° Les instruments de suivi des plans sociaux P : 5134° Observations générales P : 5155° Les mesures d’âge P : 5206° Les mesures de reclassement externe P : 537C. <strong>LE</strong> POINT SUR <strong>LE</strong> PLAN SOCIAL P : 5391° Des mesures propres à éviter des licenciementsou à en limiter le nombre P : 5422° Les sanctions et leurs conséquences P : 5443° Ce qui change P : 5454° Les cellules de reclassement P : 5495° La gestion financière et le suivi P : 551D. <strong>LE</strong> PLAN SOCIAL DE L’ENTREPRISE X P : 5571° L’antenne Emploi P : 5582° Le cas pratique de l’entreprise X P : 572RESUME DE LA PARTIE III : <strong>LE</strong> <strong>RECLASSEMENT</strong> DES SALARIES : P : 590CONCLUSION P : 591Synthèse P : 591Le rôle du consultant P : 593La globalisation des problèmes P : 599BIBLIOGRAPHIE P : 601BIOGRAPHIE P : 611<strong>LE</strong>XIQUE P : 733ANNEXES P : 737Annexe 1 : Le plan Marshall P : 737Annexe 2 : La CECA P : 739Annexe 3 : Les accords de Grenelle P : 472Annexe 4 : Les accords de Maastricht P : 742Annexe 5 : Le GATT P : 744Annexe 6 : Le Taylorisme et le Fordisme P : 746Annexe 7 : La théorie Insiders-outsiders P : 747Annexe 8 : La théorie de l’équilibre général P : 748Annexe 9 : Eurostat P : 754Annexe 10 : Les accords de Bretton Woods P : 755Annexe 11 : Le salaire d’efficience P : 758Annexe 12 : La notion d’antimondialisation et d’altermondialisation P : 7585


Alors que, vers 1800, la France était deux fois plus peuplée que l’Allemagne ettrois fois plus que le Royaume-Uni, elle compte, en 1913, moins d’habitants que chacun de cesdeux pays. Ce phénomène est dû à une diminution rapide du taux de natalité en France, dès ledébut du XIXe siècle, tandis que ce même taux ne commence à décroître dans les pays voisinsqu’environ un siècle plus tard. La population française, qui frôlait les 30 millions d’individus àla veille de la Révolution, n’atteint ainsi que 37,4 millions en 1861 et 39,6 à la veille de laPremière Guerre mondiale.Cette vision très pessimiste mérite pourtant d’être nuancée. La France a bienpris le tournant de la deuxième révolution industrielle. Les inventeurs français se distinguentdans des secteurs comme l’électricité, l’aviation, l’automobile. En ce qui concerne cettedernière activité, la France est le deuxième producteur mondial en 1913. Contrairement à uneidée reçue, la concentration des entreprises et l’ouverture sur le monde ne sont pas si faibles:selon Jean-Pierre DAVIET 8 la France connaît en 1914 un niveau de concentration comparableà celui des autres pays européens: les sociétés de plus de cinq cents salariés (soit 600entreprises industrielles) produisent 20 % de la valeur ajoutée de l’industrie. Quant auxexportations, elles représentent, selon le même auteur, 15 % du P.I.B. – autant qu’en 1970. Onne saurait non plus négliger l’effort d’équipement en matière de routes, de canaux et dechemins de fer ni les progrès de l’enseignement.Le retard français n’est donc pas une évidence. Selon l’économiste JeanCOUSSY 9 , il faudrait plutôt parler d’un véritable modèle de croissance à la française, unecroissance qui serait relativement soutenue (environ 1,2 % l’an, en moyenne, entre 1840 et1913) et qui pourtant ne sacrifierait pas l’agriculture à l’industrie, comme beaucoup de paysproches ont choisi de le faire. La politique agricole de la France aurait-elle des motivationsplus sociales qu’économiques ? Elle n’en assure que mieux la stabilité du pays et permet unecroissance régulière qui s’accélère à la veille de la Première Guerre mondiale (taux decroissance industrielle de 5 % l’an entre 1906 et 1913). Cette période de croissance devient unmoment privilégié appelé la « belle époque ». On a beaucoup ironisé sur la formule de «BelleÉpoque»; pourtant, le début du siècle est bien une «belle époque» pour l’économie française,et qui semble se prolonger par-delà le choc du premier conflit mondial. Le taux de croissancedu P.I.B. est en effet élevé: il augmente de 4,7 % l’an, en moyenne, entre 1924 et 1929 – unchiffre comparable à celui des Trente Glorieuses. L’industrialisation est notable et la Francedéveloppe son industrie pétrolière (création de la Compagnie française des pétroles en 1924,«charte» du pétrole en 1928), son industrie chimique ou sa production d’électricité. Lesentreprises se concentrent, comme en témoigne la création d’Ugine ou de Monoprix. Denombreux rapprochements ont lieu qui préparent les regroupements de l’après-guerre, commele rapprochement entre Nord-Est et Denain-Anzin. L’effort d’investissement se fixe à unniveau élevé (le taux de formation brute de capital fixe atteint 20 % plus que dans les années1950). Les localisations industrielles se transforment, et aux bastions traditionnels du Nord-Estet de la région parisienne s’ajoutent la région lyonnaise pour la chimie ou le pôle toulousainpour l’aéronautique.8DAVIET, Jean-Pierre, La société industrielle en France (1814-1914), LeSeuil, Points histoire, 1997.9COUSSY, Jean a obtenu son doctorat en économie à l'université Paris I etle diplôme du CEPE (Centre d’études des programmes économiques). Cfbiographie complète en fin de thèse.9


Sans doute la France n’ignore-t-elle pas les difficultés: problèmes de lareconstruction, dépréciation du franc jusqu’à sa dévaluation en 1928 10 par RaymondPOINCARE 11 , difficultés commerciales à partir de 1926. Le progrès économique se concrétisepourtant en matière sociale avec les lois LAVAL-TARDIEU qui instaurent un systèmed’assurances sociales moderne. En 1930, la France compte 1 700 chômeurs recensés... C’estdans ce contexte qu’intervient la crise des années 1930. Le débat est vif entre économistespour savoir si le pays entre en crise avant ou après les autres. Pour les uns, les difficultésexistent dès 1928 et s’expliquent par la stabilisation du franc à un cours relativement élevé –d’où le creusement du déficit commercial. Pour d’autres, la France est protégée parce qu’elleest moins ouverte et peut compter sur la bonne santé de son marché rural comme sur sonempire, avec lequel elle effectue 16 % de son commerce extérieur en 1930: paysans et colonscontinuent d’acheter, ce qui soutient la production nationale. Les deux interprétations mettentpourtant l’une et l’autre l’accent sur les retards français, qui expliqueraient le manque decompétitivité d’une part, la relative stabilité de l’autre.Le fait est que, en 1931-1932, la France cesse d’être protégée. Les prix agricoless’effondrent à la suite de bonnes récoltes, le marché rural est déprimé. La dévaluation de lalivre en septembre 1931 rend plus difficiles les exportations. La production industriellerégresse alors (- 27 % entre 1929 et 1935), des faillites retentissantes se produisent commecelle de Citroën en 1934, et le nombre des chômeurs secourus s’élève à 500 000 en 1935.Face à cette situation, il existe des propositions originales. Elles émanent degroupes qui mettent en avant la nécessaire modernisation et prétendent souvent dépasser lesanciens clivages gauche-droite. On peut noter ici le rôle du groupe X-Crise, rassemblant despolytechniciens, ou le «plan du 9 juillet», élaboré par Jules ROMAINS 12 entouréd’intellectuels allant des Croix-de-Feu à la S.F.I.O. Dans le climat de remise en question et debouillonnement des années 1930, la notion de plan joue d’ailleurs un rôle significatif.Popularisée par les écrits du Belge Henri DE MAN 13 , elle fait recette aussi bien à gauche (leplan de la C.G.T., les planistes de la S.F.I.O. ou les néo-socialistes avec Marcel DEAT 14 qu’à10En 1928, le Parlement rappelle Raymond POINCARE au pouvoir. L'annoncemême de son retour stabilise le franc. S'il n'a pas de remède miracle,"Poincaré-la-confiance" est bien l'homme de la situation. Il utilise lesfaveurs de l'opinion pour imposer, bien qu'il lui en coûte, la dévaluationcontre la déflation. Le 25 juin, POINCARE entérine la mort du francgerminal en redéfinissant l'unité monétaire au cinquième de sa valeurd'origine, c'est-à-dire en le dévaluant de 80 %. Ce "franc à quatre sous" -dans la conscience populaire le franc vaut encore 20 sous - repose surl'or, librement convertible… contre un montant minimal de 215 000 F, soitl'équivalent d'un lingot d'or de 12 kilos ! La stabilisation ne dura pas 10ans. La grande crise des années 1930 engendre les dévaluations en chaîne dela livre sterling, du dollar et du yen. Mais au lieu de dévaluer, la Frances'engage dans une fuite en avant déflationniste. Le franc se trouvesurévalué face aux autres monnaies dépréciées. Les exportations françaisess'effondrent. Il faut attendre le Front populaire pour que le franc soit àson tour dévalué : entre 1936 et 1940, il perdra près des 2/3 de sa valeur.11Raymond POINCARE (1860-1934), est un homme d'État français, cousin duMathématicien Henri Poincaré. Cf biographie complète en fin de thèse.12Jules ROMAINS, de son vrai nom Louis Henri Jean FARIGOU<strong>LE</strong> (1885-1972) estun poète et écrivain français. Cf biographie complète en fin de thèse.13Henri DE MAN (1885-1953) est un homme politique belge qui devint l'un desthéoriciens en vue du socialisme durant la dépression des années 1930. Cfbiographie complète en fin de thèse.14DEAT, Marcel (1894-1955) est un homme politique français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.10


droite, où TARDIEU 15 lance un plan d’outillage national. Le plan permet le regroupement desmodernisateurs, dans une certaine confusion cependant, puisqu’il est vrai que l’Allemagneplanifie tout comme l’U.R.S.S.La volonté de changement existe aussi chez les modérés. Elle se manifeste dansles propositions de Pierre Étienne FLANDIN 16 en faveur d’une cartellisation et d’uneconcentration forcée des entreprises, dans l’idée de dévaluation émise par Paul REYNAUD 17dès 1934, dans les plans TARDIEU ou MARQUET. Mais ces plans sont rognés par leParlement, les projets de REYNAUD et de FLANDIN ne sont pas retenus. Sous lesgouvernements DOUMERGUE 18 et LAVAL 19 , la France reste attachée à la stabilité de samonnaie, d’où une politique de déflation qui vise à gagner en compétitivité par la baisse desprix et des coûts salariaux; elle s’efforce aussi de mieux se protéger de la concurrenceextérieure (nombreux contingentements, surtaxe sur les produits des pays ayant dévalué) etadopte des mesures malthusiennes (dénaturation des stocks de blé et de vin, limitation del’entrée d’immigrés en 1932). Toutes ces mesures entendent protéger le pouvoir d’achat desclasses moyennes et des milieux populaires et plus encore conserver au gouvernement lesoutien du monde paysan.Cette politique ne permet pas une véritable relance de l’activité, malgré unelégère reprise en 1934 et au début de 1936. Aussi le Front populaire (communistes, socialisteset radicaux) remporte-t-il les élections en juin. Pourtant, son programme semblesingulièrement prudent en matière économique. Afin de ne pas effrayer les classes moyenneset les milieux paysans, on n’a pas retenu l’idée de planification; les seules nationalisationsévoquées concernent les industries d’armement (et le problème est nettement plus politiquequ’économique); et Léon BLUM 20 s’est solennellement engagé à ne pas dévaluer. L’axeprincipal de la nouvelle politique doit être la reflation, terme qui évoque plus une relance par laconsommation qu’une véritable modernisation. Il est vrai que la fragilité de la coalition deFront populaire n’autorise pas de vastes changements.Ceux-ci résulteront en partie des circonstances. À la suite de la vague de grèvesde mai-juin, les accords Matignon du 7 juin 1936 instaurent la création des délégués dupersonnel dans les entreprises de plus de dix salariés ainsi que les congés payés et les quaranteheures. Les difficultés que connaissent les compagnies de chemin de fer provoquent leurnationalisation et la création de la S.N.C.F. en 1937. Par ailleurs, le statut de la Banque deFrance est modifié en un sens qui laisse de plus larges pouvoirs à l’État; l’Office nationalinterprofessionnel du blé organise le marché de ce produit; la Caisse nationale des marchés del’État et des collectivités locales permet de coordonner et de financer les grands travauxpublics; l’industrie aéronautique est nationalisée, comme prévu; l’Institut de la conjoncture,ancêtre de l’I.N.S.E.E., est créé en 1938. Certaines réformes importantes de l’après-guerre sont15TARDIEU, André (1876-1945) est un homme politique français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.16FLANDIN, Pierre - Étienne (1889-1958) était un avocat et homme politiquefrançais, longtemps président de l'Alliance démocratique. Cf biographiecomplète en fin de thèse.17REYNAUD, Paul (1878-1966) est un homme politique français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.18DOUMERGUE, Gaston (1863-1937) est un homme d'État français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.19LAVAL, Pierre (1883-1945) est un homme politique français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.20BLUM, Léon (1872-1950) est un homme politique socialiste français. Cfbiographie complète en fin de thèse.11


ainsi ébauchées, mais d’autres (refonte du système scolaire, création d’une école nationaled’administration) sont abandonnées. Quant à la dévaluation, elle se révèle vite indispensableen octobre 1936, mais le taux retenu apparaît insuffisant: on a hésité, une nouvelle fois, parpeur de heurter les classes moyennes. Le comité économique de la S.D.N. commente: «LaFrance est le seul État à avoir manqué sa dévaluation.» Il faudra recommencer en 1937 et en1938.Le plus grave est que la production ne redémarre pas. Le principal responsableen serait la loi des quarante heures qui, appliquée de façon rigoureuse, entraverait laproduction. Pour Alfred SAUVY 21 il s’agit d’une mesure malthusienne: en forçant tous lestravailleurs à ne travailler que quarante heures, la loi limite l’activité des salariés qualifiés,dont le nombre est insuffisant, limite du même coup l’activité de tous et met les entreprises endifficulté, d’autant que les salaires ne sont pas diminués, au contraire. L’idée du partage dutemps de travail, qui sous-tend la loi des quarante heures, relèverait ainsi d’une logiquecomparable aux politiques de réduction de l’offre dans le secteur agricole (arrachage des piedsde vigne, notamment): au lieu de chercher une sortie à la crise par en haut, en stimulant lademande et l’économie, on gèle des capacités de production et on aligne l’offre, par le bas, surune demande atone.Lorsque Paul REYNAUD devient ministre des Finances, en 1938, dans legouvernement DALADIER 22 , les signes d’un changement sont perceptibles. Avec lui arriventaux affaires des hommes qui vont jouer un rôle clé dans les transformations de l’après-guerre:Michel DEBRE 23 , Alfred SAUVY, Jean ULLMO 24 , Jean DAUTRY 25 ... Paul REYNAUDévoque une «économie guidée dans le cadre de la liberté», qui annonce la synthèse entre actionde l’État et capitalisme caractéristique des Trente Glorieuses en France. Il aménage la loi desquarante heures et facilite l’octroi d’heures supplémentaires, établit un Code de la familled’inspiration nataliste, dévalue à nouveau, lance de grands travaux et réarme. Mais la guerreinterdit de poursuivre plus loin l’effort engagé.Le bilan de l’entre-deux-guerres paraît alarmant. On compte à la veille duconflit 19 millions d’emplois, moins qu’en 1913; la part de la population employée dans lesecteur secondaire a régressé (32 % contre 33 % en 1913), le taux d’ouverture de l’économies’est réduit à moins de 10 %. La France ne représente plus que 6 % des exportationsindustrielles mondiales en 1938 contre 12 % en 1913.La guerre aggrave cette situation. La population atteint tout juste 40 millionsd’habitants en 1945 – alors qu’elle était de 39,6 millions en 1913. Les équipements du payssont endommagés: la moitié des wagons sont détruits, les deux tiers de la flotte marchande,90 % du parc automobile de 1939; il n’y a plus un pont intact sur la Seine entre Paris et la mer,la plupart des ports entre Dunkerque et La Rochelle sont endommagés. Ce qui reste de matériel21SAUVY Alfred (1898-1990) est un économiste, démographe et sociologuefrançais. Il est l'auteur de l'expression tiers monde (en 1952). Cfbiographie complète en fin de thèse.22DALADIER Édouard (1884-1970) est un homme politique français, figure duParti radical. Cf biographie complète en fin de thèse.23DEBRE, Michel (1912-1996), était un homme politique français gaulliste.Il fut le premier ministre de la Cinquième République, dont il contribua àrédiger la constitution. Cf biographie complète en fin de thèse.24ULLMO, Jean est un penseur et philosophe des sciences décédé en 2002.25De septembre 1932 à juin 1933, PRUDHOMME<strong>AUX</strong> et DAUTRY publient la revue« Correspondance internationale ouvrière », sans que cette publication soitliée à l’activité d’un groupe.12


est usé et vétuste, dans la mesure où l’investissement a été depuis longtemps insuffisant, etJean MONNET découvre avec stupeur que l’aciérie la plus moderne date d’avant 1913 – etencore avait-elle été construite par les Allemands dans la Moselle qui leur appartenait alors.L’ampleur du désastre a au moins une dimension positive: elle fait prendreconscience de la nécessité impérieuse du redressement. La défaite humiliante de mai 1940n’est pas considérée, en effet, comme la conséquence de choix militaires douteux, mais commela sanction d’erreurs anciennes et répétées. Selon l’interprétation qui est mise en avant sedessinent les grands courants et les grandes politiques de l’avenir. À Vichy, beaucoup mettentl’accent sur les racines morales de la défaite. «Je hais les mensonges qui nous ont fait tant demal», explique le maréchal PETAIN 26 , et le redressement passe alors par un retour aux valeurstraditionnelles. Le général DE GAUL<strong>LE</strong> insistera sur la responsabilité des institutions de laIIIe République et des partis, ce qui suppose que le renouveau passe par une nouvelleConstitution. Beaucoup, enfin, mettent en cause le retard économique et social du pays. C’estce qui anime l’effort de modernisation engagé après 1945. «Modernisation ou décadence»,donne à choisir Jean MONNET.Il est de fait pourtant que les racines de cet effort de modernisation doivent êtrerecherchées à Vichy autant que dans la Résistance. L’historien Richard KUISEL parle de«deux forces historiques parallèles bien qu’antagonistes». Autour d’Yves BOUTHILLIER 27 ,ministre des Finances, de René BELIN 28 , ancien responsable de la C.G.T. et ministre de laProduction industrielle puis du Travail, de François <strong>LE</strong>HIDEUX, ministre également de laProduction industrielle et dirigeant de la Délégation générale à l’équipement national, seregroupent des hommes qui estiment que le régime autoritaire de Vichy leur donne une chanceexceptionnelle d’opérer les changements que la République s’était montrée incapable deréaliser. Sans doute toutes les décisions adoptées pendant cette période complexe seront-elles,en principe, rayées d’un trait en 1944. Dans la pratique, cependant, elles seront nombreuses àse trouver maintenues ou à peine modifiées: mesures du ministre de l’Agriculture CAZIOT 29facilitant le remembrement, loi bancaire de 1941, statut de la fonction publique, création descomités sociaux qui préfigurent les comités d’entreprise, ébauche d’une planification avec leplan de dix ans en 1942... Même si l’effort de rénovation est entravé, d’abord à cause de laprésence d’un fort courant réactionnaire à Vichy, ensuite par les circonstances de la défaite etde la guerre qui continue, le mouvement est bien lancé. Signe mystérieux du changement, lanatalité française commence à se redresser dès 1943, au beau milieu du conflit, au moment oùles circonstances sont les plus difficiles, sans qu’aucune explication satisfaisante de cephénomène ait jamais été apportée.26PETAIN, Henri Philippe Benoni Omer Joseph (1856-1951) est un militaire etun homme d'État français, fait Maréchal de France en 1918. Cf biographiecomplète en fin de thèse.27BOUTHILLIER, Yves homme politique français (1901-1977). Cf biographiecomplète en fin de thèse.28BELIN, René fut un syndicaliste et une personnalité politique française.Cf biographie complète en fin de thèse.29CAZIOT, Pierre est un ingénieur agronome et un homme politique français.Cf biographie complète en fin de thèse.13


2° 1945-1973 : le «miracle français»De la fin de la guerre à la crise, la France connaît un taux de croissanceexceptionnel, mais plus encore des progrès qualitatifs remarquables: l’investissement et lesgains de productivité se situent à des niveaux très élevés, supérieurs à la moyenne del’O.C.D.E. La prise de conscience du retard accumulé taraude les Français et les stimule sur lavoie d’une modernisation à marche forcée.Tableau 1 : Taux de croissance annuel du PIB 301896-1929 1,81929-1950 0,51950-1973 4,91973-1979 3,11979-1989 2Tableau 2 : Taux de croissance de 1960 à 1973 31Graphique I : Evolution du PIB de 1978 à 2004 32La tendance générale est bien à la hausse de la production sur longue période(donc à la croissance) : entre 1978 et 2004, le PIB en euros constants a augmenté de 78 %. Iln'y a eu qu'une année de baisse de la production, 1993.30Encyclopedia Universalis 5.31Encyclopedia Universalis 5.32INSEE : Comptes nationaux.14


Graphique II : Taux de croissance du PIB Français 33Le graphique des taux de croissance rend plus visibles les cycles : un cycle estcomposé d'une période de montée de la croissance (1986-1990, 1997-2000), suivi d'unralentissement de la croissance (1991-1992, 2001-2003) avec parfois une vraie récession(baisse de la production - 1993) avant un nouveau point de retournement.Graphique III : Evolution du PIB en France 3433INSEE : Comptes nationaux, Evolution du PIB en volume, 2000.34INSEE : Tableaux de l’économie française 2005-2006.15


Graphique IV : Evolution du PIB mondial sur 50 ans 35Tableau 3 : PIB par habitant en 2003 et 2002 36PIB 2003PIB 2002 GEuros 1 Par habitantE.-U. 9 869 33 439Zone Euro 7 286 23 806Japon 3 710 24 912Allemagne 2 136 24 623RU 1 566 24 819France 1 551 24 743Italie 1 319 24 523PIB 2002PIB 2002 GEuros 1 Par habitantE.-U. 11 434 35 034Zone Euro 6 941 22 208Japon 4 282 24 922Allemagne 2 108 23 626RU 1 644 23 295France 1 520 21 984Italie 1 241 21 78635L’Expension 653, Evolution du PIB mondial sur 50 ans, septembre 2001.36Le Figaro, PIB par habitant, 2003.16


Le Produit Intérieur Brut – PIB mesure la richesse créée par les différentsagents économiques présents dans un espace géographique déterminé que ce soit en terme deproduction marchande ou de production non marchande.Le PNB Produit National Brut mesure la valeur de la production des agentséconomiques d’une même nationalité que ce soit sur le territoire national ou dans le reste duMonde.Tableau 4 : Récapitulatif de définitions du PIB et PNB 37Autres définitions du PIB Valeur marchande de tous les biens et services produits dans une année à l’intérieur des frontières du pays considéré Mesure la taille de l'économie et constitue unindicateur du niveau du revenu national pour la population résidente, quelle que soit la nationalité des producteurs. On s'en sert pour indiquer la vigueurde l'économie nationale. Le PIB réel représente la valeur, corrigée de l'inflation, de tous les biens et services produits dans le pays pendant une année donnée Le PIB mesure le revenu généré par laproduction de biens et de services dans le pays. On définit également le PIB comme laproduction économique. Pour que les biens et les services ne soient pas pris en compte plus d'une fois, le PIB n'englobe que les biens et les servicesfinals excluant ceux qui servent à fabriquer un autreproduit. Par exemple, le PIB ne tiendrait pas compte du blé utilisé pour faire du pain, mais du pain seulement.Autres définitions du PNB Revenu total que les résidents du pays gagnentdans l’année. Il comprend les salaires et traitements des employés, les bénéfices réalisés par les entrepreneurs et lesactionnaires, les loyers reçus par les propriétaires, les impôts indirects que perçoivent lesadministrations publiques les dividendes que les citoyens reçoivent del’étranger, moins les dividendes que les entreprises enactivité dans le pays versent aux étrangers Somme des dépenses des consommateurs pour les aliments, les vêtements, le loyer, les biens durables, les services personnels etd’autres articles, les dépenses publiques en biens et services, les dépenses des entreprises au chapitre desbiens d’investissement et des usines et bâtimentscommerciaux, des dépenses des étrangers lorsqu’ils achètentdes exportations du pays sauf les biens et services importés, parce qu’ilsne sont pas produits par les habitants du paysLes tendances au pouvoir après la Seconde Guerre mondiale – gaullistes,démocrates-chrétiens, socialistes, communistes – partagent la même volonté de changement,même si elles ne donnent pas tout à fait le même sens à ce terme. Ainsi, selon PierreROSANVALLON 38 , «la notion de malthusianisme joue après 1945 le même rôle que celled’Ancien Régime après 1789: elle permet le consensus, comme si la dénonciation du vieuxsuppléait l’indétermination du neuf».Un élément clé de ce consensus repose sur le rôle attribué à l’État dans lamodernisation de l’économie, puisque le patronat en paraît incapable. Moralement, il estdiscrédité, comme le rappelle Pierre <strong>LE</strong>FAUCHEUX, premier président de la Régie Renaultnationalisée: «La faillite du capitalisme n’avait pas été clairement établie par les difficultés37Encyclopédia Universalis 538Pierre ROSANVALLON né en 1948. Cf biographie complète en fin de thèse.17


économiques de la période 1919-1935. Elle est apparue d’une manière éclatante lorsque touteune partie du patronat de 1940 s’est ruée vers la collaboration.» Le «capitalisme» françaisapparaît surtout comme trop faible pour soutenir et financer l’effort de modernisationindispensable. L’argument est souvent utilisé à l’égard des houillères, dispersées et vétustes. Ilest repris pour les secteurs de pointe, comme l’aéronautique, où l’ampleur des investissementsrequis justifie l’intervention des pouvoirs publics. Dans le cas de l’électricité, où laconcentration était déjà bien entamée avant 1939, il s’infléchit et insiste sur l’indispensableharmonisation du réseau, la nécessité de lancer un vaste programme hydroélectrique et l’idéeque l’organisation du secteur débouchera sur un monopole qui ne peut être assumé que parl’État.Cette condamnation n’est pas le fait de la seule gauche. Le général DEGAUL<strong>LE</strong> 39 acquiesce pour l’essentiel. Même s’il freinera certaines nationalisations, il justifieleur principe: «C’est à l’État, aujourd’hui comme toujours, qu’il incombe de bâtir la puissancenationale, laquelle, maintenant, dépend de l’économie. Tel est à mes yeux le motif principaldes nationalisations, de contrôle, de modernisation.»Ces nationalisations se déroulent en trois vagues. D’abord, une annéed’ordonnances, jusqu’en juin 1945, où sont nationalisées Renault et Gnome et Rhône,considérées comme coupables de collaboration, les transports aériens, Sciences po, tandis queles mines de charbon sont réquisitionnées. De décembre 1945 à juin 1946 sont ensuite votéesdes lois qui entérinent les plus importantes acquisitions du secteur public: la Banque de Franceet les quatre grandes banques de dépôt (Société générale, Crédit lyonnais, Banque nationale ducommerce et de l’industrie, Comptoir national d’escompte), le gaz et l’électricité, lescharbonnages ainsi que trente-quatre compagnies d’assurances. En 1948, enfin, ces mesuressont complétées par la prise de contrôle de la marine marchande et la création de la R.A.T.P.Aux nationalisations il convient d’ajouter la création de nombreux organismespublics destinés à encadrer l’économie: Bureau de recherche pétrolière, Commissariat àl’énergie atomique... L’accent est mis sur l’effort de recherche, comme le confirme la créationdu C.N.R.S.Bien d’autres réformes décisives doivent être portées au crédit de cette période.La plus importante concerne la planification, avec la création, en janvier 1946, duCommissariat général du plan. Sa mission consiste à faire apparaître les priorités économiqueset à concentrer les moyens de l’État sur ces secteurs clés. Pour cela est créé le Fonds demodernisation et d’équipement, qui deviendra, lors du IIe plan, Fonds de développementéconomique et social. Cet organisme entérine les projets d’investissement des grandesentreprises nationales; il étudie également les demandes de subventions qui sont adressées àl’État et juge de leur conformité avec les objectifs du plan. Comme le note PierreROSANVALON, «le plan a surtout servi à planifier l’État lui-même» et a permis auxdirigeants du pays de définir clairement les priorités. La Sécurité sociale, instaurée en 1945 et1946, répond à un souci social mais sert aussi à renforcer le dispositif nataliste et à maintenir lamain-d’œuvre en bonne santé. Ce double souci, social et économique, transparaît à travers la39Charles André Joseph Marie DE GAUL<strong>LE</strong> ou plus simplement Charles DE GAUL<strong>LE</strong>(1890-1970) était un officier général et homme d'État français, qui fut,depuis son exil à Londres, le chef de la Résistance à l'occupationallemande de la France pendant la Seconde guerre mondiale (France libre),puis devint président de la République de 1958 à 1969. Cf biographiecomplète en fin de thèse.18


éforme du fermage et du métayage, le nouveau statut des fonctionnaires, la création descomités d’entreprise et l’inscription du droit de grève dans la Constitution: des travailleursmieux protégés seront des travailleurs plus motivés et, partant, plus efficaces.Rien ne serait possible, cependant, si l’État ne se dotait des moyens humains deses ambitions. Tel est le sens de la nationalisation en 1945 de Sciences Po, volontiers accuséed’avoir formé une élite de hauts fonctionnaires issue de la bourgeoisie et imbue des théorieslibérales. En contrepoint est créée l’École nationale d’administration où enseigneront AlfredSAUVY, Pierre URI 40 , François BLOCH-LAINE 41 (auteur de « Profession fonctionnaire »),plus tard Simon NORA 42 , autant de représentants notables du camp des modernisateurs. Cetteinstitution contribuera de plus en plus, à côté de Polytechnique et, parfois, de Normale sup, àformer les grands commis de l’État qui s’illustreront dans les ministères ou, mieux encore, à latête des entreprises publiques. Afin que ces hommes soient mieux informés sont créés l’Institutnational de la statistique et des études économiques, l’Institut national d’études démographiqueset la Direction de la prévision (le terme date de 1962) du ministère de l’Économie et desFinances, tandis que les méthodes de la comptabilité nationale seront expérimentées à partir de1951.L’État se retrouve ainsi doté de moyens considérables. La France n’est pourtantpas devenue un pays socialiste. Jean BOUVIER 43 n’hésite pas à parler d’une «révolutionconfisquée». C’est que, par la force des choses, la France est dans le camp américain. Lecapitalisme reste en place et beaucoup des hommes au pouvoir entendent non pas le réduire,mais au contraire permettre l’émergence de puissantes entreprises privées. Ils ne veulentrenforcer le rôle de l’État que dans la mesure où le secteur privé est insuffisant, comme leprécisera très clairement Pierre MASSE 44 , commissaire au Plan lors du IVe plan: «Le plan estun substitut au marché dans le cas où celui-ci est irréalisable, défaillant ou dépassé.»Jean MONNET n’a pas une autre conception, lui qui limite volontairement lenombre des membres du Commissariat général du plan à une petite équipe, pour éviter toutedérive bureaucratique. Il mise d’ailleurs sur la recherche du consensus qui doit se dégager descommissions de modernisation, composées de membres de l’administration et de représentantssyndicaux et patronaux et chargées d’élaborer le projet de plan. C’est ce qu’il appellel’«économie concertée», recherche d’une voie moyenne qui réapparaît à diverses reprises dansl’histoire française, sous le nom d’économie contractuelle, avec Jacques CHABAN-DELMAS 45 , ou d’économie mixte sous François MITTERRAND 46 .40Pierre URI est un ancien collaborateur de Jean MONNET.41BLOCH-LAINE, François (1912- ), Cf biographie complète en fin de thèse.42NORA, Simon né le 21 février 1921 et mort le 5 mars 2006 à Paris, étaitun haut fonctionnaire français.43BOUVIER, Jean, La France restaurée (1945-1954) (en collaboration avecF. BLOCH-LAINE).44Commissaire général puis commissaire au Plan Pierre MASSE de 1959 à 1966,Cf biographie complète en fin de thèse.45CHABAN-DELMAS, Jacques (1915-2000) est un général, résistant et hommepolitique français. Cf biographie complète en fin de thèse.46François MITTERRAND (1916-1996), avocat, homme d'État français, futprésident de la République française de 1981 à 1995. Cf biographie complèteen fin de thèse.19


Le moment où cette voie moyenne s’est imposée peut être daté: la démission dePierre MENDES FRANCE 47 , en avril 1945. Le plan que proposait ce dernier prévoyait unéchange de billets avec blocage d’une partie des fonds afin de briser l’inflation; il comprenaitaussi tout un programme de nationalisations (sidérurgie, machine-outil) et d’encadrement del’économie par un vaste ministère de l’Économie nationale. Avec le rejet de ce plan, la Frances’oriente peu à peu vers le retour à un relatif libéralisme. Le tournant est pris par RenéMAYER 48 à la fin des années 1940: les contrôles sur les prix et les salaires sont levés, ce quiimpose l’instauration d’un salaire minimum interprofessionnel garanti (il sera indexé sur lesprix et deviendra le S.M.I.G. en 1952). On peut estimer que cette période correspond à la finde la reconstruction, puisque le Ier plan, qui avait été prolongé au-delà de son terme normal,laisse la place au suivant en 1953.La reconstruction économique s’organise, dire que cette reconstruction del’économie française s’est effectuée en milieu fermé peut paraître étonnant: le pays nebénéficie-t-il pas de l’aide américaine dans le cadre des accords BLUM-BYRNES 49 en 1946 etdu plan MARSHALL 50 (20 % des fonds distribués lui sont destinés) ? N’adhère-t-il pas auG.A.T.T. et au F.M.I. ? Ne crée-t-il pas, en 1944, la Banque française du commerce extérieur(B.F.C.E.) pour soutenir ses exportations et, en 1945, la Coface pour assurer l’activité de sesnationaux à l’étranger ?L’ouverture de l’économie française reste pourtant limitée et sélective: lesexportations ne représentent toujours que 11 % du P.I.B. en 1950 et autant en 1960 – moinsqu’en 1929. De surcroît, ces échanges se réalisent largement avec l’ancien empire colonial,l’Union française, qui réalise 30 % du commerce extérieur de la métropole tout au long desannées 1950. La France maintient par ailleurs des contingents et rétablit à diverses reprises descours multiples pour le franc, en contradiction complète avec les règles du G.A.T.T.47Pierre MENDES FRANCE (1907-1982) était un homme politique français. Cfbiographie complète en fin de thèse.48MAYER René est un homme politique français (1895-1972), Cf biographiecomplète en fin de thèse.49L'accord BLUM-BYRNES, signé le 28 mai 1946, liquide la quasi-totalité dela dette française envers les États-Unis d'Amérique après la Seconde Guerremondiale (2 milliards de dollars). Le ministre des finances de Truman offremême un nouveau prêt à des conditions de remboursement exceptionnelles. Enéchange, il a une exigence cinématographique : que toutes les salles soientouvertes aux films états-uniens sauf une semaine par mois. C'est un moyenpour les Américains de diffuser l'American way of life et de favoriserl'industrie cinématographique hollywoodienne.50Le plan Marshall fut un des plans pour aider la reconstruction del'Europe après la Seconde Guerre mondiale, connu officiellement après sonélaboration comme Programme de rétablissement européen (European RecoveryProgram ou ERP). Le Plan Morgenthau qui prévoyait de faire payer lesréparations par l'Allemagne fut écarté par l'administration TRUMAN : on sesouvenait des effets désastreux d'une telle politique après la PremièreGuerre mondiale (la question des réparations allemandes avait en partiedéclenché une hyperinflation, entravé la reprise économique et facilité laprise du pouvoir par les régimes autoritaires). L'initiative fut baptisée,par les journalistes, du nom du secrétaire d'État américain, le généralGeorges MARSHALL, qui, lors d'un discours à l'université Harvard (5 juin1947) exposa la volonté du gouvernement des États-Unis de contribuer aurétablissement de l'Europe. Cf annexe 1 en fin de thèse.20


C’est donc sur ses propres forces que la France doit compter pour assumer sonredressement. L’État fournit un effort remarquable et finance, en 1948, 50 % del’investissement productif du pays (28 % encore en 1958). La production d’énergie estdéveloppée sur le sol national avec le charbon (le maximum est atteint en 1958 avec 59millions de tonnes) et l’hydroélectricité (barrages de Génissiat en 1948, de Donzère-Mondragon en 1952). Les travailleurs sont mobilisés et acceptent de nombreuses heuressupplémentaires tandis que les immigrés du Maghreb comblent les vides des générationscreuses.En 1950, l’industrie a presque retrouvé le niveau de production de 1929. Peutalors commencer une période de croissance rapide qualifiée par Edgar FAURE 51 d’«expansiondans la stabilité»: entre 1954 et 1957, la production industrielle augmente au rythme moyen de10 % l’an et la France retrouve, en 1956, un excédent commercial comme elle n’en avait plusconnu depuis le milieu des années 1920 (si l’on excepte la période atypique de l’Occupation oùle pays n’importait presque plus, mais «exportait» vers l’Allemagne). L’impression deredressement est confirmée par le niveau élevé de la croissance démographique (le «babyboom»):le taux de natalité dépasse 20 pour mille tout au long de la IVe République et semaintient à ce niveau élevé jusqu’au milieu des années 1960. Alors que la population avaitstagné de 1914 à 1945, elle progresse à un rythme rapide: les 50 millions sont atteints au débutdes années 1970.Un tel progrès ne va pas sans déséquilibres. L’accent mis sur l’énergie et lesindustries lourdes favorise les vieilles régions industrielles, et Jean-François GRAVIER 52 leperçoit bien, lui qui dénonce en 1947, dans « Paris et le désert français », les effets pervers duplan MONNET. Le même plan est mis en question à travers la formule ironique «MONNETmonnaie».L’inflation persiste en effet tout au long de la IVe République, malgré les efforts dugouvernement d’Antoine PINAY 53 (1952-1953). Il est possible d’y voir une conséquence durefus du plan MENDES FRANCE en 1945. Mais il s’agit aussi d’un moyen commode definancer la croissance: les entreprises, comme les ménages, sont encouragées à s’endetterpuisqu’elles savent qu’elles rembourseront plus tard avec une monnaie dépréciée. Le niveauélevé de l’investissement dans les années 1950, et plus encore dans les années 1960, exprimela même réalité, dans la mesure où cet investissement est financé à crédit.À partir de 1956, cependant, la hausse des prix s’emballe. L’arrivée au pouvoirdu Front républicain et de Guy MOL<strong>LE</strong>T 54 y contribue par l’adoption de certaines mesuressociales (troisième semaine de congés payés) comme par la montée des dépenses militaires enAlgérie et le déficit budgétaire. Le déficit commercial se creuse, expliquant l’instauration du«franc Gaillard» (1957), déprécié pour les exportateurs et surévalué pour les importateurs.51Edgar FAURE (1908-1988) était un homme politique français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.52Jean-François GRAVIER est un géographe français célèbre pour son ouvrageParis et le désert français publié en 1947, réédité en 1953 et en 1972. Ily dénonce la concentration extrême de la France, où Paris possède toutesles ressources. « L’agglomération parisienne s’est comportée, non pas commeune métropole vivifiant son arrière-pays, mais comme un groupe monopoleurdévorant sa substance nationale. » (Paris et le désert français, Paris, LePortulan, 1947).53Antoine PINAY (1891-1994) était un homme politique français du milieu duXX e siècle. Cf biographie complète en fin de thèse.54Guy MOL<strong>LE</strong>T (1905-1975) était un homme politique français, dont lacarrière culmina avec son passage à la présidence du Conseil sous laQuatrième République. Cf biographie complète en fin de thèse.21


Il est bien évident que la situation économique et sociale ne provoque pas lachute de la IVe République. Elle crée cependant un contexte favorable à toutes les révoltes. Sile retour au pouvoir du général DE GAUL<strong>LE</strong> provoque un évident changement politique, leschoses ne sont pas si nettes dans l’ordre économique. Les tournants importants ont éténégociés dès le début des années 1950 : ouverture sur l’Europe avec l’adhésion à laCommunauté européenne du charbon et de l’acier (C.E.C.A.) 55 en 1951, éloignement del’ancien empire colonial et amorce de la décolonisation, lente régression du rôle de l’État etencouragement au développement de grandes entreprises privées... Particulièrementsignificatives sont deux mesures: l’instauration de la taxe à la valeur ajoutée, en 1954, estdestinée à stimuler à la fois les investissements et les exportations, puisqu’elle ne pèse pas surces deux activités économiques, tandis que les taxes sur la consommation sont alourdies par cenouveau système; l’institution par E.D.F. d’un tarif modulé permet de facturer moins cher lecourant à haute tension, destiné aux industriels, que le courant à basse tension utilisé par lesménages. L’État organise, dans ces deux cas, un transfert de richesse des particuliers vers lesentreprises, et le secteur public joue un rôle important dans ce mécanisme.Ce rôle complexe de l’État est confirmé pendant toute la période gaullienne,voire postgaullienne. L’ambiguïté des relations entre État et capitalisme apparaît dans lacomparaison entre les deux premiers chefs de gouvernement de la Ve République: d’une part,Michel DEBRE, jacobin d’excellence et initiateur de l’E.N.A.; de l’autre, GeorgesPOMPIDOU 56 , passé par la banque RothschildÀ certains égards, la place de l’État est en effet renforcée: le secteur publics’étend à de nouveaux domaines (pétrolier avec la création de l’E.R.A.P., nucléaire) et joueplus que jamais son rôle de vitrine technologique (l’aéronautique) et sociale (quatrièmesemaine de congés payés chez Renault en 1962). Le plan devient une «ardente obligation». Legouvernement dessine les lignes de force du développement du pays à travers de grands projets(nucléaire, aéronautique, plan Calcul...). Il définit les spécialisations dont doit se doter laFrance dans le cadre de la division internationale du travail, concentre les moyens et délimitedes zones destinées à se consacrer à ces activités essentielles (pôles industrialo-portuaires,zones touristiques dans les Alpes ou le long de la côte de Languedoc-Roussillon, pôleaéronautique de Toulouse). Il met l’accent sur la force du franc, élément clé d’une véritablepolitique d’indépendance nationale aux yeux du général DE GAUL<strong>LE</strong>. En un mot, c’est àl’État de déterminer les orientations majeures du pays, à l’abri de l’influence de tout intérêtparticulier. «La politique de la France ne se fait pas à la corbeille», avertit DE GAUL<strong>LE</strong>.Pourtant, si l’État est en charge de l’essentiel, c’est aux entreprises capitalistesde mener à bien l’effort de modernisation dont il a fixé le cadre et les aspects. Aussi la périodegaulliste coïncide-t-elle avec un recul de son intervention en ce qui concerne le financement del’économie: en 1968, il n’assume déjà plus que 18 % du financement de l’investissementproductif, et le chiffre continuera à se réduire. Les patrons sont encouragés à trouver lescapitaux dont ils ont besoin auprès de la Bourse (création de l’avoir fiscal en 1965) et des55Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier(CECA) a été signé à Paris le 18 avril 1951 par la Belgique, la France,l'Italie, la République fédérale d'Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas. Initié par Jean Monnet, il avait une validité de 50 ans; il est entréen vigueur le 23 juillet 1952. La CECA n'existe donc plus depuis le 23juillet 2002.Cf annexe 2 en fin de thèse.56Georges Jean Raymond POMPIDOU (1911-1974) homme d'État français, futprésident de la République française de 1969 à 1974. Cf biographie complèteen de thèse.22


anques (lois DEBRE de 1966 et 1967, qui assouplissent la distinction entre banques de dépôtet banques d’affaires et permettent de mobiliser l’épargne des particuliers au profit desentreprises).On voit même apparaître pendant cette période le souci de mieux gérer lesecteur public en adoptant des critères d’évaluation plus proches du privé. Le rapport NORA,en 1967, propose de distinguer ce qui relève du service public, qui doit être subventionné, et cequi relève d’une activité normale d’entreprise, qui doit être profitable. Cela suppose que lesentreprises nationales acquièrent une certaine autonomie de gestion. Ces propositionsdéboucheront sur la signature de contrats de programme sous le gouvernement de JacquesCHABAN-DELMAS (le premier est établi avec E.D.F., en 1970).Ainsi se précisent les relations entre État et capitalisme. Elles ne seront guèremodifiées avant 1981, même si l’inflexion libérale se confirme sous Georges POMPIDOU etsous Valéry GISCARD D’ESTAING 57 : l’administration continue à prendre en charge lesorientations essentielles dans le cadre de ce qu’Élie COHEN 58 a appelé l’«État colbertiste».Elle entend surtout encourager l’émergence de grandes sociétés françaises, puissantes etrentables, capables de s’affirmer à l’échelle européenne et mondiale; pour ce faire, elleconstruit un environnement favorable, encourage l’investissement et l’innovation, pousse àl’internationalisation mais surtout s’efforce de rapprocher les entreprises afin qu’elles soientplus concentrées: c’est l’«État marieur».Ces relations correspondent à un changement humain: à l’ère des notables et despatrons succède la période des technocrates et des managers. Ils ont souvent connu les mêmesécoles, fréquenté les mêmes cabinets ministériels et gardé des contacts étroits. Selon une étudede Michel BAUER 59 consacrée aux deux cents premières entreprises industrielles françaises,73 % de leurs dirigeants ont suivi le même cursus: une grande école, puis un cabinetministériel avant d’obliquer vers le privé. Une telle homogénéité de la classe dirigeante assureune large cohésion à la politique économique; mais elle provoque à la fois les critiques degauche contre «le capitalisme monopolistique d’État» – ce dernier soutenant les profits d’uncapitalisme dont il encourage la concentration – et celles des libéraux, pour qui le capitalismeest comme mis sous tutelle par l’administration. L’ouverture économique entraîne unemodernisation de cette même économie, l’un des principaux efforts de l’État consiste à ouvrirle capitalisme français sur l’extérieur. En 1957, la France signe les traités de Rome le 25 marset adhère à la Communauté économique européenne et à Euratom. On pouvait penser que leretour au pouvoir des gaullistes allait remettre en question cette orientation, dans la mesure oùceux-ci s’étaient montrés très critiques à l’égard de la construction européenne. Il n’en serarien. La France commence à abaisser ses droits de douane en 1959 et participe de plain-pied àla construction d’une Europe économique dont elle tire profit (débuts de la politique agricolecommune en 1962). En revanche, elle s’efforce d’orienter la nouvelle organisation dans le sensd’une «Europe des patries» et elle refuse la supranationalité comme la dilution au sein d’unensemble atlantique dominé par les États-Unis. Aussi le général DE GAUL<strong>LE</strong> fait-il échouer àdeux reprises, en 1963 et 1967, l’entrée du Royaume-Uni, jugé trop proche des Américains; il57Valéry René Marie Georges GISCARD D'ESTAING (parfois appelé VGE), né en1926 à Coblence en Allemagne, est un homme d'État français, président de laRépublique du 27 mai 1974 au 21 mai 1981. Cf biographie complète en fin dethèse.58Elie COHEN est un économiste français né en 1950 à Meknes (Maroc). Cfbiographie complète en fin de thèse.59Michel BAUER & Élie COHEN, Qui gouverne les groupes industriels ? Essaisur l’exercice du pouvoir du et dans le groupe industriel, Seuil, 1981.23


paralyse Euratom pour éviter que celui-ci ne contrôle la force de frappe française, et il impose,en 1966, le compromis de Luxembourg qui permet aux États membres de faire jouer un droitde veto si «des intérêts très importants» sont en jeu.L’ouverture économique sur l’Europe s’accompagne d’une ouverture sur lemonde. Le rapport ARMAND-RUEFF 60 la recommande en 1958, et le franc est dévalué de17,5 %, ce qui doit rendre leur compétitivité aux produits français; en même temps, il devientcomplètement convertible. Enfin, au début des années 1960, les derniers contingents quisubsistaient de la période antérieure sont supprimés.L’indépendance de l’Afrique noire puis de l’Algérie ne va pas en sens contraire.D’abord, la France s’efforce de rester présente sur place – avec succès en Afrique noire, maispas en Algérie où l’association prévue dans les accords d’Évian est bientôt vidée de toutesignification. Ensuite, les liens avec les pays du Tiers Monde qui s’indignaient de lapersistance de la colonisation française vont pouvoir se renforcer. Enfin, la France s’efforce deréorienter ses échanges en direction d’autres pays que ses anciennes colonies. «Il n’y a pas quel’Algérie, il y a l’Europe, il y a le monde», explique le général DE GAUL<strong>LE</strong> aux officiersparachutistes en 1961.Cette ouverture n’est d’ailleurs pas immédiatement acceptée par les Français. En1951, déjà, les entreprises sidérurgiques protestent contre la création de la C.E.C.A., dont ellescraignent qu’elle ne soit dominée par l’Allemagne; beaucoup d’agriculteurs sont réticents etcertains syndicats, à commencer par la C.G.T., proche du Parti communiste, critiques à l’égardd’une Europe qui leur paraît favorable aux États-Unis et aux intérêts du patronat. L’État a dûjouer un rôle d’initiateur, voire d’éducateur, qui est d’ailleurs rapidement couronné de succès,puisque le C.N.P.F 61 . approuve les traités de Rome et que le monde paysan se réjouit del’instauration de la politique agricole commune.On attend de l’ouverture qu’elle provoque un choc modernisateur quicontribuera à transformer le pays. L’élément le plus important de cette modernisation consistedans la concentration des entreprises. Une étude révèle en effet que, en 1958, sur les centpremières entreprises industrielles mondiales, il n’y en a qu’une seule française, la C.F.P., etencore trône-t-elle à la quatre-vingt-dix-huitième place. L’État encourage donc lerapprochement entre entreprises: il donne l’exemple dans le secteur public avec la création dela S.N.I.A.S 62 . en 1970, adopte une législation favorable, accorde des prêts (ainsi quandPeugeot rachète Citroën). Parfois, il impose, par exemple lors du programme sidérurgique de1966 où il subordonne son aide au regroupement du secteur autour de deux grandes sociétés.Mais il peut aussi dissuader quand les fusions ne lui semblent pas souhaitables, comme dans lecas du projet de rachat de Citroën par Fiat: dans la conception gaulliste des choses, c’est uncapitalisme national qu’il s’agit de promouvoir.60Sur les obstacles à la croissance au début de la V° République.61Le Conseil national du patronat français (CNPF) était une organisationreprésentant le patronat français. Il fut créé en décembre 1945 à lademande du gouvernement français qui, au sortir de la Seconde Guerremondiale, désirait disposer d’un interlocuteur représentatif de l’ensembledu patronat. En 1998, le CNPF se transforme en Mouvement des entreprises deFrance (Medef) sous l'impulsion d'Ernest-Antoine SEILLIERE.62Par décision du Conseil des Ministres du 8.10.1969, SUD AVIATION, NORDAVIATION et SEREB (créée 10 ans plus tôt pour les besoins de l'Espace)fusionnent et deviennent le 1.1.1970 la Société Nationale IndustrielleAEROSPATIA<strong>LE</strong> (S.N.I.A.S.).24


Cette politique de concentration s’est donc continuée sous les successeurs dugénéral DE GAUL<strong>LE</strong>. Tout juste peut-on noter une légère évolution avec GeorgesPOMPIDOU, qui préfère encourager l’apparition de deux grandes entreprises par secteur – neserait-ce que pour empêcher les situations de monopole (théorie des deux oligopoles 63 ). Ainsiémergent, à coups de fusions et de rachats de puissants groupes comme Pechiney-Ugine-Kuhlman, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson (1971), Rhône-Poulenc qui reprend Progil en 1971également, Peugeot qui absorbe Citröen en 1974 et Chrysler Europe en 1978, Usinor quirachète Lorraine-Escaut en 1966, Dassault qui en fait autant la même année avec Breguet,Wendel-Sidélor (futur Sacilor) en 1968... En 1979, la France ne comptera pas moins de neufgroupes dans les cent premières sociétés industrielles mondiales.Plus puissants, ces groupes industriels peuvent investir plus largement: laformation brute de capital fixe représente près de 24 % du P.I.B. entre 1960 et 1973, un chiffrecomparable à celui de l’Allemagne. L’État contribue à cet effort par de grands travauxd’équipement (plan directeur autoroutier en 1960, ports autonomes en 1965, canalisation de laMoselle puis du Rhin à partir de 1958, plan de développement des télécommunications en1969, inauguration de l’aéroport de Roissy en 1974...). L’effort de recherche et développementest important et atteint 2,2 % du P.I.B.: de nouveaux organismes publics y contribuent (Centrenational d’études spatiales, Centre national d’études des télécommunications), tandis quel’Agence nationale de valorisation de la recherche (Anvar) diffuse auprès des P.M.I. lesrésultats de ces découvertes. La forte croissance du secteur industriel (7 % par an entre 1960 et1973, 8 % pour les industries manufacturières) peut être soutenue par les commandes de l’Étatou par des lois incitatives (ainsi l’instauration du plan épargne-logement, en 1965, quidynamise le secteur du bâtiment).Pendant toute cette période, industrialisation et modernisation semblent aller depair. Le VIe plan est placé sous le signe de l’«impératif industriel». Le secteur secondaire faittravailler 40 % des Français en 1968 – le chiffre le plus élevé jamais atteint. Mais lamodernisation du secteur agricole est non moins spectaculaire. Grâce aux lois d’orientation de1960 et de 1962, qui instaurent les S.A.F.E.R. 64 et l’indemnité viagère de départ, laconcentration des exploitations est encouragée comme le rajeunissement des agriculteurs.Preuve du succès de cette politique, en 1971 la balance agroalimentaire de la France devientexcédentaire – elle le restera à partir de cette date, sauf en 1976.L’État s’attache enfin à rendre l’effort de modernisation acceptable sur le plansocial (mesures en faveur de la participation, mensualisation, création en 1970 du S.M.I.C. quivise à réduire les inégalités salariales) comme sur le plan géographique. Le risque existe, eneffet, de voir les progrès se concentrer sur les régions les plus avancées. Aussi la D.A.T.A.R. 65est-elle instituée en 1963.Il existe une véritable unité de la période 1958-1973; le départ du général DEGAUL<strong>LE</strong> en 1969 ne provoque pas de changement profond. Par conviction, GeorgesPOMPIDOU, qui avait d’ailleurs été, comme Premier ministre, en charge de la politiqueéconomique entre 1962 et 1968 fait seulement évoluer les choses dans le sens d’un plus grand63La théorie économique des oligopoles est d’après la définition de VARIANdans Analyse micro-économique, « l’oligopole est l’étude des interactionsd’un petit nombre d’entreprises sur un marché ». Ce concept a été étudiénotamment au XIXè siècle. La notion de théorie des jeux était donc encoreinconnue.64S.A.F.E.R : Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural.65DATAR : Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale.25


pragmatisme (abandon en 1969 de la filière française du nucléaire, qui paraît peu rentable),d’un plus grand libéralisme et d’une plus grande ouverture: en particulier il se montre plusfavorable à l’entrée de capitaux étrangers et il pousse les entreprises publiques à chercher despartenaires au-delà des frontières (création d’Airbus en 1969, accord General Electric-S.N.E.C.M.A. en 1973). L’État commence également à porter attention aux problèmesspécifiques des P.M.I. et crée, en 1970, l’Institut de développement industriel, destiné à fournirdes moyens financiers à de petites entreprises dynamiques.Le bilan de cette période de haute croissance se révèle brillant: le P.I.B.augmente de 5,4 % l’an entre 1960 et 1973, les gains de productivité jouant un rôle essentieldans cette croissance (4,7 % l’an), ce qui confirme bien l’idée d’une modernisation rapide dupays. Des étapes peuvent cependant être distinguées.L’accent est d’abord mis sur les grands équilibres: plan PINAY-RUEFF 66 en1958, dont les acquis sont remis en question par l’accélération de l’inflation liée à l’arrivée desrapatriés d’Algérie en 1962; plan de stabilisation de Valéry GISCARD D’ESTAING en 1963...L’inflation est relativement contenue – elle est même inférieure à l’inflation allemande aumilieu des années 1960 –, l’équilibre du commerce extérieur est fréquent, le déficit budgétaireest minime. La croissance reste cependant assez rapide, et le chômage modeste, dans la mesureoù la population active augmente encore faiblement. Cependant, le nombre des chômeursatteint 300 000 en 1967.Graphique V : Taux de croissance annuel des prix à la consommation 676628 décembre 1958 : Mise en œuvre du Plan PINAY-RUEFF d'assainissementfinancier avec une dévaluation de 17,5% et la création du nouveau franc.67Encyclopedia Universalis 5.26


Graphique VI : Taux de croissance annuel réel du PIB et des prix à laconsommation 68L’indice des prix à la consommation (IPC) est l’instrument de mesure, entredeux périodes données, de la variation du niveau général des prix sur le territoire français.Les prix à la consommation sont un indicateur du coût de la vie, ils permettent de suivre, moispar mois, l’évolution des prix et donc d‘apprécier les tensions inflationnistes. Ces outilsservent aux décideurs, aux économistes français, européens ou internationaux, auxentreprises, aux syndicats professionnels…Les indices de prix à la consommation ontégalement une utilisation sociale et juridique. Ils servent de référence pour de nombreusesindexations : pensions alimentaires, rentes viagères, prestations sociales, Smic, etc.Graphique VII : inflation en Graphique VIII : PIB en France, dansFrance et dans la zone euro 69 la zone euro et dans l’OCDE 7068Encyclopedia Universalis 569Encyclopedia Universalis 570Encyclopedia Universalis 527


Graphique IX: Variation annuelle de l’indice des prix à la consommation 71Graphique X : Prix à la consommation de 1998 à 2006 72Les événements de 1968 n’entraînent pas les conséquences économiques quel’on pouvait craindre. Sans doute les accords de Grenelle le 27 mai 1968 73 sont-ils suivisd’effets importants: la section syndicale reçoit des moyens d’action nouveaux dans lesentreprises de plus de cinquante salariés, le principe du S.M.I.C. est accepté. Surtout, cesaccords entraînent une hausse des salaires qui met en difficulté les entreprises, réveille lestensions inflationnistes et provoque un déficit commercial élevé. Le franc est attaqué, malgréla fermeté du général DE GAUL<strong>LE</strong> qui affirme sa volonté de ne pas dévaluer. En fait, lesmesures de Grenelle sonnent le glas de la politique restrictive instaurée en 1963. La croissances’accélère, les entreprises sont dopées par la forte demande et aidées par des baisses d’impôt.En décidant, en 1969, de dévaluer de 12,5 %, Georges POMPIDOU inaugure une périoded’excédents commerciaux élevés (de 1970 à 1973). Avec le recul du temps, sa présidenceapparaît comme une nouvelle «belle époque».71INSEE : Tableaux de l’économie Française 2005-200672Internet, Boursorama.com73 «Projet de protocole d’accord» (25 mai 1968), qu’aucune organisationsyndicale ne signe avant d’en donner connaissance à la base. Cf annexe 3 enfin de thèse.28


En réalité, les choix effectués se révéleront contestables: la compétitivité dupays se fonde sur un franc déprécié (les effets de la dévaluation de 1969 sont prolongés par ladécision de ne pas réévaluer en 1971 comme le font les principaux partenaires européens) etsur l’emploi d’une main-d’œuvre médiocrement qualifiée et peu onéreuse (la période 1969-1973 est en effet celle où le recours à l’immigration est le plus systématique). Déjà, desdéséquilibres se manifestent: malgré des mesures strictes (encadrement du crédit, utilisation dusystème des réserves obligatoires), l’inflation dépasse 6 % par an entre 1968 et 1973 et le tauxde chômage s’élève à 3 % à la veille de la crise.3° La crise, un révélateurLa crise des années 1970 affecte spécialement la France pour de nombreusesraisons. Sa dépendance énergétique est particulièrement élevée (les importations représentent75 % de la consommation d’énergie en 1973), et le franc est relativement faible, ce qui élèveconsidérablement la facture énergétique (largement réglée en dollars), qui passe de 15 à 152milliards de francs entre 1973 et 1984. Les tendances inflationnistes, déjà fortes auparavant,s’aggravent encore et la hausse des prix atteint 14 % en 1974. Le profit des entreprises avaitdéjà diminué entre 1968 et 1973; il chute encore, et leur taux d’épargne passe de 17 % en 1967à 14 % en 1973 et 11 % en 1979 comme le montre graphique ci-dessous.Graphique XI : Taux d’épargne brute des sociétés en France 74Cette constatation rappelle que la crise n’a pas que des origines externes: lesdifficultés du système tayloriste, le malaise de l’O.S., l’endettement des entreprises, lasaturation qui apparaît pour certains produits (acier, logements), le ralentissement de lacroissance démographique et la fin du baby-boom (le taux de fécondité tombe à 1,8 dans lesannées 1980) sont autant d’éléments qui contribuent à faire entrer l’économie en crise.74Encyclopedia Universalis 5.29


Celle-ci se manifeste, comme partout ailleurs, par le phénomène de stagflationqui ajoute à l’inflation (10,7 % par an entre 1973 et 1979) le ralentissement de la croissance: leP.I.B. n’augmente plus que de 2,8 % annuellement entre les mêmes dates. L’effectif deschômeurs progresse régulièrement, comme de façon inéluctable, franchit la barre du million en1976 et atteint 1,7 million en mai 1981. L’équilibre commercial est compromis et le déficitdevient la règle, sauf en 1975 et en 1978. Le tableau 5 et le graphique XII extraits del’encyclopedia Universalis 5 le donnent à voir clairement.Tableau 5: L’économie française dans la crise 75Graphique XII : Le commerce extérieur au XXe siècle 76Face à cette situation, la politique conjoncturelle semble hésiter. Les premièresmesures tardent, à cause de la maladie de Georges POMPIDOU puis de l’électionprésidentielle de 1974, gagnée par Valéry GISCARD D’ESTAING. Après un premier plan derefroidissement en juin 1974, qui accorde la priorité à la lutte contre l’inflation, le programme75Encyclopedia Universalis 5.76Encyclopedia Universalis 5.30


adopté en 1975 par le Premier ministre Jacques CHIRAC vise à relancer l’activité grâce à desaides aux entreprises et à un allégement de l’encadrement du crédit. La croissance se redresse,mais le chômage ne diminue pas et le déficit commercial réapparaît. Aussi, en septembre 1976,Raymond BARRE 77 devient-il Premier ministre tout en assumant directement la direction del’économie et des finances. Il condamne la «politique de l’escarpolette» et met l’accent sur ladéfense du franc: un franc fort permettra de réduire la facture pétrolière, soutiendral’internationalisation des entreprises et les forcera à un véritable effort de compétitivité. LaFrance adopte des méthodes inspirées par les théories monétaristes, tel le contrôle de laprogression de la masse monétaire selon des normes définies à l’avance. Le second chocpétrolier (1979-1980) compromet cependant la lutte contre l’inflation et conduit à adopter unsecond plan BARRE, plus orienté vers la création d’emplois.Au-delà de ces mesures conjoncturelles, la situation nouvelle de la Franceconduit à s’interroger sur la réalité de ses transformations: le pays est-il suffisammentcompétitif et moderne ? La réponse ne semble pouvoir être simplement positive. L’arrivée aupouvoir de Valéry GISCARD D’ESTAING coïncide avec de nouvelles évolutions.L’accent est en premier lieu mis sur un nécessaire recul du rôle de l’État: lesentreprises doivent devenir adultes et moins dépendre des administrations. Aussi le VIIe plan(1975-1980) apparaît-il comme peu contraignant, qui met l’accent sur vingt-cinq programmesd’action prioritaire (P.A.P.); le VIIIe plan ne comporte même aucune référence chiffrée. Dansle même esprit, certaines entreprises nationales (les banques de dépôt) s’ouvrent aux capitauxprivés tandis que l’ensemble du secteur public est doté d’une plus large autonomie. Lesymbole le plus net de cette volonté de désengagement reste cependant la libérationprogressive des prix à laquelle s’attache le ministre de l’Économie René MONORY 78 .Le deuxième axe de la nouvelle politique consiste dans l’attention portée auxproblèmes des entreprises. La libération des prix vise d’ailleurs à leur permettre de reconstituerleurs marges. Toute une série de mesures concernent plus précisément les P.M.E., comme laréforme de l’Anvar.Le redéploiement, enfin, constitue le troisième volet de cette politique. Il s’agitde mieux s’adapter à la nouvelle donne économique mondiale. La France n’envisage pas, eneffet, de se replier sur elle-même: pour payer l’indispensable pétrole, il faut exporterdavantage. Tout au plus peut-on noter une politique ambiguë à l’égard de l’immigration quel’on cherche à la fois à diminuer (aide au retour) et à augmenter (regroupement familial; maisil ne s’agit pas là de faire venir de nouveaux travailleurs).Ainsi, il convient de mieux adapter l’économie française au nouveau contexteinternational. Michel D’ORNANO 79 , ministre de l’Industrie, définit le redéploiement industrielcomme «un contenu nouveau à l’effort d’adaptation permanent de l’outil industriel». Le succèsde l’entreprise suppose d’abord que l’on se désengage des secteurs condamnés par laconcurrence internationale, en particulier les industries de main-d’œuvre comme le textile; le77Raymond BARRE, né en 1924, est un économiste et homme politique français.Cf biographie complète en fin de thèse.78René MONORY (1923- ), est un homme politique français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.79Michel D'ORNANO (1924-1991) est un homme politique français, Cfbiographie complète en fin de thèse.31


«théorème de l’O.S.», énoncé par Michel ALBERT 80 , enseigne en effet que les paysdéveloppés ne peuvent être compétitifs pour de tels produits face aux nouveaux paysindustriels dont les salaires sont beaucoup plus faibles. Il en va de même pour la sidérurgie etpour la plupart des industries de base. Leur déclin inéluctable réduit, à leur égard, l’État à unrôle social: rendre supportable la régression de l’activité. Ainsi, en 1979, le plan BARREinstaure le système des préretraites dans le secteur sidérurgique, dont les entreprises passentsous contrôle public. Pourtant, la contraction de l’activité ne concernera pas de la même façontous les aciers: la France se désengagera des produits longs et se concentrera sur les tôles.D’un autre côté, en effet, la France doit se spécialiser dans les activités où ellepeut être réellement efficace. Il s’agit des «créneaux» qui sont soigneusement définis:agriculture (le premier des P.A.P. du VIIe plan), aéronautique, armes (pudiquement classéesdans les «biens d’équipement professionnels»), télécommunications, grands travaux... Lenucléaire joue un rôle central dans ce dispositif: il suppose un effort d’investissementconsidérable qui explique qu’E.D.F. représente, à elle seule, 3 % de la formation brute decapital fixe en 1977; il permet de se libérer des coûteuses importations pétrolières et doitfournir aux entreprises une énergie sûre et bon marché; il autorise aussi la constitution d’unpuissant secteur, qui sera capable d’exporter – c’est d’ailleurs pour faciliter l’accès au marchéaméricain que le plan Calcul est à nouveau modifié en 1976, C.I.I. quittant le consortiumeuropéen Unidata et s’associant à l’américain Honeywell BULL.En 1976, Valéry GISCARD D’ESTAING publie Démocratie française 81 ; il yexplique que les Français aspirent à être gouvernés au centre. Rien d’étonnant alors à ce que sapolitique économique soit critiquée à droite comme à gauche.Les gaullistes condamnent le «socialisme rampant» du nouveau président. Il estfacile d’affirmer que l’État doit se désengager, mais, en période de crise, il est au contraireconduit à assumer des fonctions accrues. Ainsi le secteur public a-t-il tendance à croître (Cf.l’exemple de la sidérurgie), et les prélèvements obligatoires augmentent régulièrement pouratteindre 42,5 % en 1981. Quant au projet de réforme de l’entreprise, il est enterré devantl’opposition d’une grande partie des députés de la majorité.Plus virulentes encore sont les attaques de la gauche. Elles soulignent que toutesces mesures favorisent quelques grandes entreprises qui profitent des commandes de l’État, descrédits à l’exportation, des subventions en matière de recherche... Le rapport HANNOUN 82révèle ainsi que la moitié des aides de l’État à l’industrie va à sept entreprises, privées pour laplupart. On est loin des pétitions de principe en faveur des P.M.E.La politique des créneaux n’est pas moins critiquée: on note que les secteurs endéclin fournissaient beaucoup plus d’emplois que les nouveaux. Le redéploiement est ainsiassimilé à un renoncement d’autant plus absurde que les créneaux sont très dépendants del’extérieur: à quoi sert de développer les télécommunications alors que la France importel’essentiel des composants indispensables à cette industrie ? Plus elle exportera de matérieltéléphonique, plus elle devra importer de mémoires et de microprocesseurs... La montée80Michel ALBERT né en 1930, Secrétaire perpétuel de l’Académie dessciences morales et politiques.81GISCARD D’ESTAING, V., Démocratie française, 1976, Fayard.82Rapport HANNOUN Michel, Rapport sur l'intégration des immigrés, novembre1987.32


inéluctable du chômage et les déficits commerciaux semblent apporter la preuve de l’erreurcommise.À mieux y regarder, cependant, le bilan n’est pas si négatif. Bien sûr, lacroissance se ralentit, comme les gains de productivité et l’effort d’investissement. Mais, pourtous ces indicateurs, le pays fait mieux que la moyenne de l’O.C.D.E. – et en particulier mieuxque l’Allemagne. Le chômage, même s’il progresse et atteint 1,7 million de personnes, estmoins élevé qu’ailleurs; l’inflation reste dans la moyenne de l’O.C.D.E.En ce qui concerne les échanges, la France fournissait 9 % des exportations debiens et de services de l’O.C.D.E. en 1973 et 9,5 % en 1979. S’il y a déficit commercial, il y aexcédent pour les services et le pays s’est révélé capable de récupérer une grande part de lafacture pétrolière: entraîné, notamment, par l’essor des activités de la C.F.P. et d’Elf Aquitaineen mer du Nord, le secteur parapétrolier à lui seul rapporte des devises égales à 20 % de cettefacture en 1980, et il faut tenir compte également des exportations de produitsagroalimentaires, d’armes et de grands travaux, tous fortement demandés par les pays del’O.P.E.P. La France semble, en fait, s’être assez bien adaptée aux conséquences du premierchoc pétrolier. Il en ira différemment du second, d’autant plus qu’une politique radicalementnouvelle est pratiquée à partir de 1981. Une rupture s’impose, un nouveau concept, la notionde « fracture » est inventée par les socialistes, dans les années 1970. Il signifie que la gaucheau pouvoir créera une nouvelle société réellement différente du capitalisme, tout en sedémarquant de l’idée de révolution, trop identifiée au système communiste. Le Programmecommun ainsi que les « cent une Propositions » du candidat MITTERRAND, en retrait parrapport à ce programme, contiennent l’essentiel des mesures prévues. Bénéficiant de lamajorité absolue à l’Assemblée nationale et de la présidence de la République, les socialistesdisposent des moyens et surtout du temps qui les autorisent à appliquer ces mesures. Laprésence de quatre ministres communistes dans le second gouvernement MAUROY 83 de juin1981 laisse espérer que le P.C.F. et la C.G.T. apporteront leur soutien. Les conditions sontainsi radicalement différentes de 1936. Cependant, l’opinion apparaît rapidement réticente; legouvernement peut-il, dans ces conditions, aller très loin sur la voie du changement ?La nouvelle politique s’articule autour de la formule de «reconquête du marchéintérieur», en rupture avec le thème du redéploiement. «Il n’y a pas de secteur condamné, iln’y a que des technologies dépassées», expliquera le ministre de l’Industrie, Jean-PierreCHEVENEMENT 84 . La France peut ainsi être compétitive dans tous les secteurs et aucun nedoit être abandonné. Il faut, au contraire, développer de véritables filières, notion que l’onoppose aux créneaux: elles couvriront tout un ensemble d’activités de l’amont à l’aval, commela filière électronique, allant de la fabrication des composants aux logiciels. Le IXe planrappellera que «la vigueur et la puissance d’un appareil industriel dépendent largement de sacohérence». Cela suppose une politique volontariste de la part de l’État.83Pierre MAUROY, né en 1928 à Cartignies (Nord), est un homme politiquefrançais. Cf biographie complète en fin de thèse.84Jean-Pierre CHEVENEMENT né en 1939 à Belfort dans le Territoire de Belfort(France), est un homme politique français de gauche, ancien membre du Partisocialiste et fondateur du Mouvement des citoyens. Il est depuis le 26janvier 2003 le Président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen. Ilest également le Président de la Fondation Res Publica. Cf biographiecomplète en fin de thèse.33


Le rôle de celui-ci est en effet considérablement renforcé. Particulièrementsignificatives sont les nationalisations de 1981-1982. Elles correspondent, selon l’analyse deChristian STOFFAES, à une stratégie anticrise (mettre le secteur public au service de la luttecontre le chômage), anticonflits (créer une véritable démocratie dans l’entreprise) et antitrust(sanctionner les grands groupes qui avaient bénéficié le plus du redéploiement et qui sontsuspectés d’hostilité à l’égard de la gauche). Vont être concernés, outre la sidérurgie dont lanationalisation devient effective en 1981, cinq grands groupes industriels (Pechiney-Ugine-Kuhlman, C.G.E., Saint-Gobain, Rhône-Poulenc, Thomson), trente-six banques de dépôt, deuxgroupes financiers (Paribas et Suez). Le problème se pose de savoir si l’État doit prendre100 % des parts ou se contenter de 51 %. La première solution est retenue dans la mesure oùl’on craint que, si des intérêts privés restent présents dans ces groupes, l’État ne puisse mettretotalement ces derniers au service de sa politique. C’est bien d’une rupture avec l’esprit mêmedu capitalisme qu’il s’agit: «Nous avons nationalisé les banques, il faut maintenant nationaliserles banquiers», confirme Pierre MAUROY. L’État prend par ailleurs le contrôle (à 51 % cettefois) de Dassault et des activités industrielles de Matra; il rachète aussi les filiales d’I.T.T. enFrance et augmente la part du capital qu’il possède dans C.I.I.-Honeywell Bull et Roussel -Uclaf.Le coût de cette énorme opération est considérable: 7,17 milliards d’€(47 milliards de F) d’indemnisation pour les anciens actionnaires. La part du secteur publicprogresse en même temps de façon spectaculaire comme nous pouvons le voir dans le tableau7. En particulier, le secteur public industriel acquiert une importance et surtout une cohérencequ’il ne possédait pas auparavant: alors qu’il représentait 6,4 % de l’emploi industriel avant1981, il en représente 19,8 % après 1982. L’État est particulièrement présent dans le domainedes industries de base et des industries de pointe. Le secteur public industriel est d’ailleursprofondément réorganisé dans un souci de cohérence et d’efficacité et afin d’éviter lesconcurrences internes: sont ainsi restructurés les secteurs de la chimie (C.F.P.-Total se retire,pour l’essentiel, de la chimie de base, permettant la constitution d’Atochem au sein du groupeElf Aquitaine), de l’informatique (Saint-Gobain renonce à ses activités, que Bull prend encharge pour l’essentiel) ou des télécommunications (confiées à la C.G.E. et dont Thomson seretire).4° BilansLa France avait relancé à contre-courant en 1981-1982. Elle s’engage dans unepolitique de rigueur en 1983, au moment où les États-Unis, et avec eux l’ensemble del’O.C.D.E. 85 , sortent de la récession. On comprend que la France tarde à rejoindre sespartenaires. Alors qu’elle avait connu une croissance supérieure à celle de l’O.C.D.E. de 1960à 1982, elle obtient des résultats sensiblement inférieurs de 1983 à 1987, avant de revenirdans la moyenne. Le chômage s’envole à partir de 1984: le taux atteint 10,5 % en 1987, etcela n’est pas dû simplement à l’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail ou à lapersistance d’une immigration importante (solde migratoire net d’environ 100 000 personnespar an, selon le démographe Jean-Claude BARREAU 86 ), puisque près de 500 000 emploisdisparaissent entre 1981 et 1985.85Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDEregroupe actuellement 30 pays membres. Cf annexe 16 en fin de thèse.86Jean-Claude BARREAU est un essayiste français né en 1933, Issu de labourgeoisie parisienne, il se convertit au catholicisme, devient prêtre,mais défroque pour se marier. Editeur, journaliste, essayiste prolifique,il a en outre été chargé de mission pour le gouvernement MITTERRAND et estprésident de l'Office de l'immigration.34


À partir de 1987, cependant, le nombre des emplois créés redevient positif ets’élève, selon l’I.N.S.E.E., à près de un million entre 1987 et 1991. Cette période paraîtd’ailleurs très favorable: le taux de croissance se redresse à plus de 3 % l’an, l’inflation estl’une des plus faibles de l’O.C.D.E. et devient même inférieure à celle de l’Allemagne.Encore faut-il noter de nombreux déséquilibres, en particulier sur le marché du travail, oùprogressent les emplois précaires et les emplois à temps partiel.Ces résultats sont compromis par la récession du début des années 1990: 1992voit une nouvelle régression de l’emploi et, en fin d’année, les effectifs des chômeursdépassent la barre symbolique des trois millions (en données brutes; en données corrigées desvariations saisonnières, le chiffre sera atteint au printemps de 1993). Les faillites d’entrepriseatteignent un chiffre record (58 000 en 1992) tandis que le taux d’épargne, qui s’était élevéjusqu’à 18,2 % en 1988, retombe à 15,9 %.Le deuxième sujet d’inquiétude est constitué par les équilibres financiers. Audéficit budgétaire il faut en effet ajouter celui de la Sécurité sociale, qui ne fait ques’aggraver. En charge de la Santé dans le gouvernement BALLADUR, Simone VEIL 87 estimeà 6,4 milliards d’€ (42 milliards de F) le déficit cumulé entre 1990 et 1992. Les perspectivesd’avenir sont encore plus inquiétantes à cause de la montée des dépenses de santé et duproblème des retraites. Le gouvernement de Michel ROCARD 88 avait promis une granderéforme de la Sécurité sociale, mais avait dû se contenter de la création d’un nouvel impôt, lacontribution sociale généralisée. Très efficace, puisque prélevée à la source et frappant tousles types de revenus, cette nouvelle taxe a été augmentée à diverses reprises.Quant au déficit commercial, il a été la règle depuis 1979, excepté en 1986 etsurtout en 1992 où l’excédent sera de 4,65 milliards d’€ (30,5 milliards de F). Cette année làle solde industriel est redevenu positif. Sans doute les services dégagent-ils un excédent, maisles transferts sont négatifs. La France a donc eu pendant cette période un besoin definancement important, d’autant plus que les entreprises françaises ont largement acheté àl’étranger, ce qui suppose aussi des sorties de devises. Elle a pu le couvrir en attirant descapitaux étrangers sur son marché boursier ou en lançant, en 1985, les O.A.T. (obligationsassimilables du Trésor), rendues attractives par le niveau élevé des taux d’intérêt.La persistance du déficit commercial conduit à revenir aux questions qui sesont posées pendant toute la période: la France s’est-elle suffisamment modernisée ? Si oui,dans quelles mesures s’est-elle modernisée et dans quels domaines ? Les analysestraditionnelles du retard français partaient des mêmes clichés: faible part de l’industrie, faibleouverture, faible concentration, etc. On peut se poser alors la question de ce qu’il en est audébut des années 1990.Parmi les cinq cents premières entreprises industrielles mondiales, trente-deuxsont françaises (chiffres de 1991). Sans doute le poids cumulé des dix premières entreprisesdu pays ne dépasse-t-il pas 220 milliards de dollars, contre 660 milliards pour les dixpremières américaines et 390 milliards pour les dix premières japonaises. Le progrès n’en est87Simone VEIL (née Simone JACOB) en 1927 à Nice, est une femme politiquefrançaise. Cf biographie complète en fin de thèse.88Michel ROCARD est un homme politique français. Il est né le 23 août 1930à Courbevoie. Ancien ministre et premier ministre. Depuis 1994, il estdéputé au Parlement européen, membre du groupe parlementaire du Partisocialiste européen, Cf biographie complète en fin de thèse.35


pas moins sensible: beaucoup d’entreprises françaises sont au premier rang mondial dans leurdomaine, à l’image des Cristalleries d’Arques, de Mérieux, de Bic, de Zodiac, d’Air liquide,de Bouygues, de Perrier ou d’Accor... La diversité des «talents» français transparaît à traverscette énumération. Les succès technologiques dans de nombreux secteurs (nucléaire, T.G.V.,Minitel, carte de crédit à mémoire) confirment cette impression.Le capitalisme s’est, par ailleurs, renforcé et modifié, en particulier en ce quiconcerne l’organisation du travail: des méthodes inspirées des organisations japonaises ont étéacclimatées chez Renault ou chez Peugeot, l’effort de formation interne atteint un niveauélevé (3,6 % du chiffre d’affaires en moyenne) et la France se classe au troisième rang dans lemonde pour le nombre de cercles de qualité. Les nationalisations puis les privatisations ontconduit à de nouveaux découpages, à de nouvelles alliances (en particulier par l’intermédiairedes noyaux durs), tandis que, guidés par des repreneurs d’entreprises dynamiques, denouveaux groupes se sont affirmés (Bolloré, Pinault...).Un autre changement significatif concerne la structure de l’activité nationalepar secteurs. L’agriculture ne représente plus, en 1991, que 5,7 % des emplois, contre 8,6 %dix ans plus tôt; elle-même s’est considérablement modernisée, puisque cette baisse del’emploi s’est accompagnée d’une croissance de la production et de gains de productivitéspectaculaires (5,5 % l’an de 1960 à 1990, selon l’O.C.D.E.), ce qui contribue à sacompétitivité. Le même phénomène se retrouve dans le secteur industriel, qui regroupe 30 %des actifs (bâtiment et génie civil compris) et dont les gains de productivité ont été de 4,5 %l’an pendant la même période (pour le secteur manufacturier), plus qu’en Allemagne ! Mais lephénomène le plus remarquable est la tertiarisation de l’économie: les services fournissentplus de 14 millions d’emplois (66 % du total), dont près de 10 millions dans les servicesmarchands. Particulièrement importantes sont les activités de commerce (2,7 millions), dutransport et des télécommunications (1,3 million) des services aux entreprises (1,8 million)...C’est de ces catégories d’activité que dépendent désormais les créations d’emploi.Les services étaient longtemps apparus comme la caricature d’une Francearchaïque: la boutique, l’hôtel de la gare, les palaces parisiens dont le prestige ne faisait pasoublier le faible équipement hôtelier de la capitale, les banques frileuses qui hésitaient àinvestir dans l’industrie... Il n’est plus possible de tracer aujourd’hui le même portrait: chaînesde grandes surfaces (le premier hypermarché est construit par Carrefour, en 1963, à Sainte-Geneviève-des-Bois), chaînes hôtelières (Novotel ouvre son premier hôtel en 1967, à Lille),tour-opérateurs, banques modernisées (elles ont particulièrement développé la monétique),parcs de loisirs, qui voient la participation de sociétés étrangères (EuroDisney), etc., toutdémontre une formidable mutation de ce secteur. Certains s’en inquiètent en notant que cetteévolution signifie moins de créations d’emplois et accusent le secteur tertiaire de mal soutenirl’industrie (cf. les relations conflictuelles entre les producteurs et les chaînes de grandsmagasins). Les services n’en constituent pas moins un pôle de compétitivité de l’économiefrançaise, en particulier les grands travaux et le tourisme. Cette dernière activité constituedepuis 1991 le premier solde commercial positif du pays, devant l’agriculture, et a dégagé en1992 un excédent de 8,84 milliards d’€ (58 milliards de F). Les banques, les chaîneshôtelières et commerciales sont très présentes à l’étranger, en particulier en Europe du Sud.Le secteur des services participe ainsi à l’effort d’internationalisation du pays.36


Le dernier aspect de la modernisation de l’économie est, en effet, l’ouverture.Le commerce extérieur joue un rôle croissant pour l’économie nationale et il s’estcomplètement réorienté. La C.E.E. compte maintenant pour plus de 60 % dans lesexportations françaises, et le reste de l’O.C.D.E. pour 20 %. La France a su développer seséchanges avec les grands pays industriels, et cette constatation se vérifie également dans lesecteur des services. De ce point de vue, le solde commercial positif de 1992 se charge d’unesignification nouvelle: il s’explique en grande partie par l’excédent réalisé sur nos partenairesde la C.E.E., comme l’Espagne, tandis que le déficit avec l’Allemagne a fondu; il est vrai, enrevanche, que les déficits avec les États-Unis et avec le Japon atteignent des montantsrecords. La France a-t-elle gagné en compétitivité ?Si tel est le cas, elle le doit sans doute à un formidable mouvementd’internationalisation de ses entreprises. La fin des années 1980 marque, de ce point de vue,une véritable mutation: la France a été le deuxième pays au monde pour les fluxd’investissements directs à l’étranger en 1990, le premier en 1991 et le deuxième à nouveauen 1992. Elle est ainsi en train de rattraper un retard ancestral et, selon un rapport établi par laDirection des relations économiques extérieures en 1991, les entreprises françaises possèdentà travers le monde dix mille filiales faisant travailler 1,9 million de personnes. Parallèlement,les capitaux étrangers s’investissent eux aussi en France: dans l’industrie nationale, lesentreprises à participation étrangère représentent 22,1 % des effectifs, 26,7 % du chiffred’affaires, 26,2 % des investissements et 25,4 % de la valeur ajoutée (chiffres pour 1990, horsénergie).Cette ouverture n’est pas sans susciter des attitudes réservées, voire critiques; lacampagne pour le référendum sur les accords de Maastricht 89 les a illustrées. Certains ontdénoncé l’alignement sur les taux d’intérêt allemands, facteur de récession. La réforme de lapolitique agricole commune, décidée au niveau européen en 1992, s’impose à l’agriculturefrançaise et ne lui sera guère favorable, malgré divers aménagements. Outre la contrainteextérieure, pèseraient ainsi sur la France les décisions prises à Genève (siège du G.A.T.T. 90 ), àBruxelles ou aux sièges des firmes multinationales.Ces constatations inquiètent et expliquent le niveau élevé des non lors duréférendum sur les accords de Maastricht, comme la demande exprimée par le C.N.P.F., enfévrier 1993, d’une remise à plat des négociations du G.A.T.T. L’économiste AlainCOTTA 91 , dans La France en panne, parle d’une nation «ligotée», voire d’une «banalisationde la France». Mais, après tout, n’est-ce pas ce but que visait l’effort entrepris depuis 1945,faire de la France un pays comme les autres puissances industrielles en gommant desspécificités qui apparaissaient comme autant d’archaïsmes ? Reste à savoir si l’exemplejaponais ne signale pas la possibilité d’une autre conception de la modernité associée auxtraditions et au sentiment d’identité d’un peuple... Le fait est, en tout cas, que les Français ontentériné lors du référendum de septembre 1992, même si c’est de justesse, les idées d’uneintégration croissante à l’Europe et de l’internationalisation comme élément clé de lamodernisation.89Accords de Maastricht : Cf annexe 4 en fin de thèse.90Le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), en français Accordgénéral sur les tarifs douaniers et le commerce, fut signé en 1947 pourharmoniser les politiques douanières des parties signataires. Le traitéentra en vigueur en janvier 1948, Cf annexe 5 en fin de thèse.91COTTA, A., La France en panne, Ed. Fayard, 1991.37


Une France capitaliste. Une France industrielle et tertiaire. Une France ouverte.Le pays a bien changé, et en particulier dans les années 1980. En même temps, la notion demodernité a évolué: alors qu’on l’identifiait après la Seconde Guerre mondiale à l’action d’unÉtat actif et colbertiste, on la recherche plutôt dans un recul de son rôle. On considère aussicomme moderne le fait d’asseoir la compétitivité du pays sur une monnaie forte, sur uneproductivité élevée et sur un bon niveau de formation. L’accent est mis plus fortement sur lespetites et moyennes entreprises (moins de 500 salariés).L’un des problèmes que pose la notion de modernité, en effet, c’est qu’elle estchangeante. Autrefois assimilée aux grandes structures, aux économies d’échelle et à laproduction de masse, elle s’identifie actuellement à la flexibilité, à la qualité, à la souplesse –ce qui contribue à redimensionner le rôle de l’État. Plus la France semble s’approcher de lamodernité, plus cette dernière se déforme et s’éloigne ainsi qu’une illusion. On pourrait êtretenté d’en conclure que le discours sur la modernité a surtout servi à discréditer le passé et àlégitimer le présent. Finalement, nous redécouvrons aujourd’hui qu’il y a bien des injustices àtraiter d’archaïque la France du XIXe siècle ou celle des années 1920. Mais la notion demodernité et son corollaire, le thème du retard, ont aussi constitué un mythe destiné àmobiliser les énergies nationales et à assurer un consensus sur les objectifs futurs. Nul douteque ce discours ne soit encore nécessaire.La réduction des coûts et de la masse salariale à laquelle les entreprises ont dûprocéder au début des années 90 n'est qu'une étape sur la voie d'une nouvelle organisationglobale. Les sociétés visionnaires procèdent à de véritables changements de stratégie et destructure.Entre les années 1970 et 1990, de grands bouleversements ont marquél'internationalisation des échanges. Avec l'ouverture des marchés, dans les années 80, les paysoccidentaux ont investi pour tirer profit de la croissance. Or, le développement soutenu desentreprises occidentales dans des économies vigoureuses a masqué le fait que le Japon etl'Orient renforçaient rapidement leurs capacités concurrentielles et que l'apparition denouvelles façons de travailler, grâce aux progrès technologiques, allait entraîner de nouveauxdangers.A la fin des années 80, bien des entreprises se sont réveillées affaiblies :d'abord parce qu'elles avaient laissé s'effriter leurs capacités en « s'endormant à la barre » -accusation portée par les spécialistes en management que sont Gary HAMEL et C. K.PRAHALAD à l'encontre de grands groupes comme IBM, Philips, TWA, Xerox, Citicorp etDuPont -, et, en second lieu, parce qu'elles n'avaient pas su tirer pleinement profit deséconomies d'échelle réalisables au niveau mondial.Dans d'autres secteurs émergents précédemment protégés par leur statut publicet l'existence de monopoles, le mouvement de déréglementation et de privatisation de la findes années 80 (en particulier en Grande-Bretagne) a exposé à la concurrence des compagniesde distribution d'eau, de gaz, d'électricité, de télécommunications et de services financiers.La récession entre 1989 et 1991 a déclenché des réactions en chaîne dans lemanagement des entreprises, souvent pour contrer ne crise financière ou économique. C'estainsi que le « downsizing », c'est-à-dire la rationalisation et la réduction d'effectifs - dont leslicenciements massifs d'employés et de cadres, et les restructurations sont devenues derigueur.38


La première moitié des années 90 fut très brutale. Au pire de la crise en 1993,les plus importantes sociétés licencièrent 600.000 personnes, soit 25 % de plus qu'en 1992.Des PDG comme AKERS à IBM et STEMPEL à General Motors furent les victimesd'actionnaires qui exigeaient qu'on aille plus vite. Cette tendance se poursuivit jusqu'au début1996 avec 250.000 suppressions d'emplois supplémentaires dans le courant du premiersemestre. Le nombre d'agences spécialisées dans le reclassement des salariés fit un bond de35 % en trois ans. Sur l'ensemble de l'année 1996, le chiffre d'affaire de l'ensemble des 500entreprises inscrites au palmarès de Fortune 500 n'augmentait que de 0,5 %, alors que leursbénéfices accusaient une dégringolade de 25,1 %.La Grande-Bretagne connut un phénomène équivalent à partir de 1989. A ellesseules, les compagnies d'eaux, d'électricité et de télécommunications licencièrent plus de100.000 personnes en cinq ans.Au départ, l'accent fut simplement mis sur des licenciements massifsd'employés et de cadres parce qu'on visait des objectifs radicaux à très court terme. Biengérées, ces rationalisations et réductions d'effectifs permirent de réduire les coûts et de seconcentrer sur les éléments performants de l'entreprise, renforcèrent la responsabilisation etsoulignèrent une volonté de changement offrant un contraste saisissant avec l'autosatisfactionet l'inertie qui avaient été de mise pendant les années de croissance.Cependant, des études récentes 92 ont souligné les conséquences de certainesdécisions trop hâtives, prises sans suffisamment réfléchir à l'évolution des organisations. Lesproblèmes posés par ce manque d'anticipation sont les suivants : dégradation des relations personnelles avec les clients ; érosion de la confiance et de la loyauté des salariés et des clients ; prolifération de règles, de normes et de structures plus rigides, qui peut s'expliquer par lesouci de contrebalancer l'éclatement de l'ancienne organisation du travail ; perte des connaissances accumulées au fil des ans grâce aux interactions personnelles ; perte des connaissances permettant de relever des défis inhabituels ; moins de documentation, d'où un moindre partage d'informations, ce qui peut paraîtresurprenant, mais s'explique peut-être par des pressions croissantes sur le lieu de travail oudes situations de tension ; disparition d'une culture d'entreprise commune.Les sociétés visionnaires de stature mondiale se persuadèrent du bien-fondé dela rationalisation et des mesures d'austérité en se disant que ce n'était que la première étapevers la convalescence.92Etude de Keith RUDD<strong>LE</strong> chargé de recherches au Templeton College depuis1994. En plus de ses activités de chercheur et de consultant, il anime desformations pour les dirigeants d'entreprise sur le thème destransformations et du changement.Sue DOPSON est spécialisée dans le comportement organisationnel auTempleton College, à Oxford, et chargée de cours en étude du management.Ses recherches portent sur la politique du management et des carrières.Rosemary STEWART est directeur du Health Care Management Institute auTempleton College, à Oxford. Ses recherches portent sur le comportementdes managers, le changement des organisations et le management du secteurpublic et de la santé.39


Parmi les dirigeants, les plus éclairés furent ceux qui comprirent la nécessité demettre en oeuvre de véritables changements de stratégie et de structure dans leur entreprise.La dérive des années 80 et la nouvelle dynamique de changements rapides et continusdéboussolèrent les entreprises, qui s'apercevaient que l'ensemble de leurs stratégies, capacités,structures, valeurs, compétences et infrastructures étaient inadaptées aux besoins d'uneorganisation globale pour faire face à l'après 2000.Le moment était venu de trouver de nouvelles méthodes de travail et demanagement, et de nouvelles stratégies.Il est probable que la réduction des coûts et de la masse salariale ainsi obtenuen'était qu'une étape sur la voie d'une nouvelle structure globale. Pour partir du bon pied,l'essentiel était de mettre les entreprises sur les rails du redressement et de la créativité. Cettedémarche a permis à des mammouths comme IBM et Xerox de recommencer à acquérir descompétences et à embaucher en 1996-97.Pour rester dans l’actualité et suivre les changements, les entreprises doiventinnover et trouver des solutions inédites. Pour comprendre les phénomènes de redressement etde transformation, nous avons étudié plusieurs sociétés de structure mondiale. Pour la plupart,l'essentiel est de trouver leur place dans la compétition planétaire tout en faisant preuve deréactivité et d'agilité à l'échelle locale. En fonction des secteurs, le dosage entre les deux peutvarier.Les cinq principaux ingrédients du renouveau sont les suivants :* Réduction du nombre de niveaux hiérarchiques pour accroître la réactivité.Le contrôle par la hiérarchie était une caractéristique des multinationales quand elles ontcommencé à s'internationaliser et à bâtir des empires à l'étranger. Il n'était pas rare de trouverhuit niveaux hiérarchiques, voire davantage, entre les cadres de terrain et le PDG. A chaqueniveau, que ce soit par fonction, par division, par produit, par pays, par région ou à l'échelleinternationale, il y avait une prolifération des fonctions de siège social et de services centraux.Une grande partie de ces structures ont été démantelées dans le courant des années 90, nonseulement en réaction à leurs coûts excessifs, mais aussi par une politique volontariste visantà placer les niveaux de prise de décision et de services le plus près possible des activitéslocales et à accroître la visibilité des activités auprès du centre, pour favoriser une meilleurecoordination et une plus grande réactivité. D'après une enquête effectuée en 1995 par l'USConference Board, 28 % des sociétés étudiées comportaient quatre niveaux hiérarchiques auplus (contre 8 % cinq ans auparavant), et la proportion d'entreprises comprenant huit niveauxhiérarchiques était passée de 40 % à 10 %.Par l'intermédiaire de son Projet 1990 et des changements qui en ont découlé,BP a réduit le nombre des salariés travaillant au siège de 4.000 à 350 personnes entre 1989 et1996. Après avoir longtemps résisté au changement, Shell a annoncé une réduction de 30 %sur les 3.000 employés du siège avant d'élaguer sa structure hiérarchique à la mi 95. Shellentreprit également des réductions d'effectifs à l'échelon régional et fonctionnel, permettantune communication plus directe des activités locales vers le centre.* Valoriser les nouvelles capacités globales.De nombreuses sociétés de stature mondiale ont dû créer ou recréer descapacités distinctes pour exploiter pleinement une structure et un potentiel globaux. Elles ontdû rectifier le tir, soit parce qu'elles n'avaient pas optimisé leur potentiel au départ, soit parce40


qu'elles n'avaient pas réussi à apporter les meilleures solutions à des clients eux-mêmesimplantés à l'international. En mettant l'accent sur de nouveaux modes et de nouveauxcomportements de management qui transgressent les traditionnelles frontières géographiqueset d'organisation, une amélioration significative des performances et un renforcement face à laconcurrence ont été obtenus. Pour y arriver, il a fallu inévitablement passer par un processusde compression du nombre des niveaux hiérarchiques et de refonte de l'organisation.citer :Parmi les exemples de nouvelles capacités ou de capacités améliorées, on peutUn management global de la relation client. IBM et Citibank (dans le cadre de sa GlobalRelationship Bank) ont mis au point des processus et une charte de responsabilisation del'organisation applicables dès lors que l'on traite avec des clients globaux, où qu'ils soientdans le monde.Un développement rapide de nouveaux produits. Dans des domaines différents, desentreprises comme Ford dans l'automobile ou Hoechst dans l'industrie pharmaceutique ontmis en place des équipes et des processus transfrontaliers pour réduire considérablementles délais de mise sur le marché de leurs nouveaux produits, et ce partout dans le monde.Une meilleure exploitation de la capacité de recherche-développement. Des entreprisescomme Canon, Motorola et Bristol-Myers Squibb, qui dépendent des progrèstechnologiques, se sont réorganisées de manière à pouvoir exploiter certaines ressourcesrares qu'elles ont regroupées stratégiquement en quelques centres vitaux et reliées enréseau pour procéder au développement dans chaque marché. Siemens, NEC, Matsushitaet Toshiba ont tous placé leurs centres nerveux de recherche-développement encommunication près des Bell Labs à New York.La gestion des marques et le « category management ». Cet aspect est maintenant abordéselon une perspective mondiale passant par une organisation transversale englobant tousles secteurs et tous les pays, et qui vaut non seulement pour les entreprises classiques deproduits de grande consommation comme Procter & Gamble, mais aussi pour lesstructures nouvellement globalisées comme SmithKline Beecham (pour l'industriepharmaceutique) et Citibank (dans le domaine du « consumer branding »).La production gérée comme une ressource globale. Allant bien au-delà des simpleséconomies d'échelle, les entreprises armées des meilleures pratiques et compétencestechnologiques définissent de nouvelles méthodes pour intégrer à l'échelle planétaire lesressources entrant dans le processus de fabrication. Les entreprises technologiquesdéveloppent des sites stratégiques afin de pouvoir transférer rapidement de nouvellescapacités de fabrication au reste du monde. C'est le cas de Hewlett-Packard à Singapour etau Mexique, de NCR en Ecosse et de Sony au pays de Galles. Des entreprisespharmaceutiques telles qu'American Home Products, Pfizer et SmithKline Beechamcommencent à se lancer dans cette même voie.Des services internes stratégiques. Des méthodes bien connues, comme l'externalisationchez BP et DuPont, sont utilisées pour assurer les services de support « les meilleurs dumonde ». Certaines sociétés procèdent à des réorganisations en interne pour fournir unservice adéquat à portée du niveau opérationnel local. C'est ce qu'on appelle le« midsourcing ». PFIZER, avec ses services financiers pour l'Europe et le reste de monde,a fait sienne cette politique. La qualité de la gestion financière était considérée commevitale pour permettre à l'entreprise de bien exploiter ses créneaux pharmaceutiques lesplus porteurs.41


* Le rôle nouveau des dirigeants.C'est cet impératif de synergie et de capacité planétaire qui a fait naître denouveaux rôles pour les dirigeants au sein de structures hiérarchiques compactées. Lesmanagers se sont vu attribuer de plus vastes champs de responsabilités, qui comprennentdésormais une plus grande coordination et des attributions élargies en matière de gestion deséquipes. Ils dépendent aujourd'hui davantage des technologies de l'information, doiventmettre davantage l'accent sur la communication entre les pays, et faire preuve d'une plusgrande disponibilité quant à leurs lieux et conditions de travail. Dans ce contexte, la questiondu stress et de la sécurité prend inévitablement une nouvelle dimension. Une nouvelle jet-setd'équipes dirigeantes internationales, caractérisée par ses nouvelles compétences et desdéplacements incessants, est apparue. Les voyageurs empruntant l'« allée des pharmaciens » -les lignes aériennes reliant Philadelphie, Londres et Francfort - peuvent s'attendre à retrouverdes collègues du secteur pharmaceutique dans la salle d'attente de la classe affaires. Il estnécessaire de trouver de nouvelles façons de travailler entre cadres supérieurs pour permettreaux personnels de travailler en équipes disséminées dans le monde entier.* Réinventer des stratégies de leadership par secteur.Pour le dirigeant d'entreprise qui a une vision prospective de son secteurd'activité, il reste l'espoir d'une vraie revitalisation, au-delà d'un simple rattrapage. En seconcentrant sur de nouvelles capacités globales, qui n'ont peut-être pas encore été exploitéesdans le secteur, il peut être possible de regagner des parts de marché. Prenons l'exemple deBritish Airways, qui a amorcé son redressement dans les années 80. Cette compagnie a induitde nouveaux comportements, aussi bien du côté commercial que du côté des clients, et s'estconcentrée sur les passagers de la classe affaires dans un marché du transport aériencaractérisé par sa forte croissance. Dans les années 90, British Airways a essayé de conserverson avance grâce à une politique de stratégie globale volontariste, à des alliances et à lagestion d'une marque et d'un réseau mondial. Dans l'industrie pharmaceutique, SmithKlineBeecham fournit une autre illustration de « category management » intégré. Et avec le retourd'IBM en position de force, la boucle est bouclée.* Les nouveaux outils pour conduire un changement global.Lorsque l'on étudie les différents chemins empruntés sur la voie de larestructuration, du changement ou du renouveau, on voit apparaître différents schémas. Pourcertains, il suffit de procéder à un simple toilettage, alors que d'autres, au rang desquelsSmithKline Beecham, procèdent par étapes vers la mise en place de nouvelles formes destratégie, de structure et de style.Des recherches récemment effectuées au Templeton College portant sur 30sociétés de stature internationale, pour la plupart en pleine phase de restructuration, ont misen évidence les faits suivants : Balisage de l'itinéraire. La plupart des entreprises qui suivent des voies radicalesprocèdent par paliers. Bien des changements de la fin des années 80 sont nés de crises oud'interventions extérieures de natures diverses. Ce n'est qu'après une période de latencequ'on a commencé à se réveiller, à se mobiliser ou à s'adapter pour amorcer le grandvirage du redressement. Les meilleurs chefs d'entreprise sont ceux qui savent définir desobjectifs pour les leviers clefs qui permettront ensuite d'engager l'étape suivante. Définition de nouvelles « grilles de score » pour évaluer le changement. On s'aperçoit queles équipes de dirigeants qui réussissent leur conversion - celles qui ont survécu auxréformes - instaurent de nouveaux critères pour cibler et mesurer le succès. Il ne suffitplus de faire de l'évaluation financière et opérationnelle. On a donc recours à des42


approches nouvelles comme la « grille de score équilibrée » (« balanced scorecard ») pourmesurer l'impact des programmes de changement global. Ces nouveaux instrumentsmettent l'accent sur :⇒ l'évaluation des résultats pour tous les intéressés, que ce soit à court ou à long terme ;⇒ l'évaluation des nouvelles capacités globales et transfrontalières qui sont développées ;⇒ la définition d'objectifs clairs en matière de processus transfrontaliers auxquels toutes leséquipes peuvent se référer ;⇒ les preuves tangibles de l'existence de nouveaux comportements ou de nouvelles valeursqui s'inscrivent dans une démarche globale ;⇒ l'évaluation de la capacité d'innovation et de transfert des connaissances et des meilleurespratiques. Adoption de nouveaux styles de leadership. On s'est aperçu que, pour sortir de la crise, laplupart des dirigeants continuaient à « programmer » les choses comme ils l'avaienttoujours fait, c'est-à-dire du haut vers le bas, alors que les entreprises les plus énergiquesqui mettaient en place des modèles globaux d'innovation et de croissance étaient aussi lesplus aptes à transformer leur style de leadership.Parmi les caractéristiques les plus payantes, on peut citer :⇒ des objectifs clairement définis pour baliser la route du changement, avec la participationde nombreuses équipes de management global chargées de définir les stratégies et de lesmoduler sans relâche de toutes les façons possibles ;⇒ un souci constant des comportements, des systèmes de valeurs et des processus demanagement qui sous-tendent des modes de travail homogènes au niveau mondial ;⇒ l'adoption de nouveaux mécanismes de navigation permettant de coordonner et de vérifierle chemin complexe qui mène au succès ;⇒ l'assurance que l'infrastructure nécessaire au fonctionnement de la nouvelle organisation -y compris les technologies, les modes de rémunération, le développement et l'acquisitionde compétences - est bien en place à l'échelle globale.Les exemples de conduite du changement passés en revue montrent que biendes sociétés intégrées à l'échelle mondiale ont réagi face à la crise et à l'autosatisfactionambiante, et ont pu adopter de nouvelles méthodes pour gérer des entreprises énormes etcomplexes.Le défi est maintenant d'inscrire cela dans la durée tout en restant agile, c'est-àdired'être à même de gérer les imprévus et de maintenir son avance. Les grandes entreprisesont l'habitude de se replier sur des méthodes éprouvées, et les dirigeants ont tendance à jouerla sécurité.De nouveaux modèles de changement vont certainement apparaître dans lesannées à venir, et ce sera de nouveau l'organisation globale qui aura la charge de relever ledéfi.43


B. PRESENTATION DE LA RECHERCHELes dispositifs de reclassement professionnel procèdent d’une loi du 5septembre 2001, votée par le Conseil du travail, ils relèvent de l’avis N° 1.410 exposé lemercredi 10 juillet 2002. Le Reclassement professionnel vise selon la loi, chapitre V « àaméliorer le taux d'emploi des travailleurs ».Par lettre du 19 octobre 2001, madame L. ONKELINX, ministre de l'Emploi, asaisi le Conseil national du Travail d'une demande d'avis relative à la question de l'exécutiondu chapitre V de cette loi. L'examen de cette question a été confié à la Commission desrelations individuelles du travail.Sur rapport de cette commission, le Conseil a conclu, le 10 juillet 2002, uneconvention collective de travail relative au droit au reclassement professionnel pour lestravailleurs de quarante-cinq ans et plus qui sont licenciés, et il a adressé à ce sujet unerecommandation aux commissions paritaires. Par ailleurs, le Conseil a émis l'avis concomitantsuivant.« Le Conseil national du Travail constate que le chapitre V de la loi du 5septembre 2001 visant à améliorer le taux d'emploi des travailleurs prévoit, en faveur destravailleurs licenciés de 45 ans ou plus qui comptent au moins un an d'ancienneté de service,un droit au reclassement professionnel, tel qu'il est fixé dans une convention collective detravail du Conseil national du Travail rendue obligatoire. Ce droit n'est pas accordé s'il s'agitde travailleurs licenciés pour motifs graves ou en cas de prépension. En tout cas, le droit n'estplus accordé à partir du moment où le travailleur peut demander le bénéfice de la pension deretraite. »La durée de la procédure de reclassement professionnel ainsi que le statut dutravailleur pendant le déroulement de cette procédure sont fixés par convention collective detravail rendue obligatoire.Lorsque l'employeur ne respecte pas ses obligations et/ou les modalités à cetégard, il est tenu, dans des conditions et selon des modalités fixées, de payer une contributionau Fonds pour le reclassement professionnel instauré au ministère de l'Emploi et du Travail.Le montant de cette contribution, qui ne peut être inférieur au coût de la procédure dereclassement professionnel dont il n'a pas été bénéficié, est fixé par convention collective detravail rendue obligatoire. Cette contribution est majorée d'un montant fixé par et sur laproposition du Conseil national du Travail. Les moyens financiers du Fonds sont affectés aureclassement professionnel des travailleurs qui n'ont pas bénéficié de cette procédure à chargede leur employeur.44


1° La crise d’un systèmeLa soudaine importance prise dans l'actualité par les plans sociaux, au traversde la très forte médiatisation de ceux-ci a surpris le gouvernement, les médias et la plupart desresponsables politiques. Pourtant, Chausson en 1995, Michelin en 1997, Cellatex etAdelschoffen en 2000, Metaleurop et SKF en 2003, avaient déjà signalé l'exaspérationcroissante des salariés face aux restructurations. Une exaspération qu'explique aisément l'écartgrandissant entre, d'une part, la réalité des processus de décision et de mise en oeuvre desplans sociaux, génératrice d'exclusion sociale et d'une intense souffrance pour ceux qui lessubissent et, d'autre part, les potentialités d'un environnement économique fondamentalementorienté vers la croissance. Pourtant, le débat politique continue d'opposer la volonté d'interdireles "licenciements boursiers" au laisser-faire face aux "mécanismes inéluctables" del'économie et ignore la mutation profonde des restructurations, vieille déjà d'une dizained'années. Elles sont en effet devenues, pour les entreprises, des outils de conduite duchangement et les plans sociaux qui les accompagnent une modalité comme une autre degestion des ressources humaines.Restructurations et licenciements s'étaient progressivement imposés comme de"douloureuses nécessités" à partir du milieu des années 1970, dans une situation de crisecaractérisée par une baisse globale de la rentabilité des entreprises, une montée rapide duchômage et de lourdes pertes dans des secteurs clefs de l'économie. De 1970 à 1974, la partdu profit brut dans la valeur ajoutée oscillait autour de 31 %. Elle tombait à 27 % entre 1976et 1981, puis à 26 % jusqu'en 1985 93 . Mais elle s'est ensuite rétablie rapidement pouratteindre 32 % en 1991, valeur à laquelle elle se maintient depuis. Parallèlement, les formesd'organisation dominantes des entreprises, même de petite taille, sont devenues 1) le groupe,2) le réseau organisant la dépendance vis-à-vis de donneurs d'ordres. Les processus dedécision s'en trouvent profondément modifiés. Un intense travail de prévision s'est mis enplace, de façon à anticiper, dans un contexte de mondialisation et de bénéfices retrouvés. Lesréorganisations dictées par les nécessités du moment ou par la volonté d'atteindre un objectifdonné se mettent en place. Dans ce contexte comment se déroulent concrètement les planssociaux ? Pour un ou plusieurs motifs (relocalisation d'une partie de l'activité, modification dela stratégie, volonté d'augmenter une rentabilité jugée insuffisante, vieillissement d'une partiedes salariés, évolutions du marché, risques de pertes à venir, etc.), un comité de directionélabore un projet de restructuration en focalisant son attention sur ce qui, de son point de vue,sert l'intérêt présent et à venir de l'entreprise. Sauf urgence réelle (pertes lourdes etimprévues), son application sera mûrie et préparée pendant de longs mois, dans le plus grandsecret, au niveau de la direction générale. Pendant ce temps, sur les lieux de travail, lestechniques habituelles de mobilisation des ressources humaines continuent d'être mises enplace pour améliorer la qualité, la productivité, les résultats, bref, d'oeuvrer pour le bien etl'avenir de l'entreprise. Lors de l'annonce des décisions prises, deux types d'informations sont,comme le veut le code du travail, communiquées aux représentants du personnel : les motifséconomiques de la décision et, dans certaines conditions de seuil, un plan social. L'exposé desmotifs économiques vise à démontrer que la situation économique est difficile, qu'il n'existepas d'alternative à des décisions que le marché impose à la direction elle-même. Lorsque ladécision finale est une fermeture par étapes, dans de nombreux cas, elle est tenue secrète. Lespremiers plans sociaux l'accompagnant sont alors présentés comme destinés à restaurer oumaintenir la compétitivité... Le plan social, censé "éviter les licenciements ou en diminuer lenombre" et "faciliter le reclassement de ceux dont le licenciement ne pourrait être évité" 94 , est93Extrait des données de l’INSEE « La France en faits et chiffres ».94Article L 21-4-1 du code du travail.45


élaboré et mis en oeuvre par l'entreprise et elle seule, pour atteindre son réel objectif : larupture des contrats de travail.Depuis douze ans, à quelques notables exceptions près, les plans sociaux sontdonc des plans d'organisation des départs ; ils ne contiennent pas de mesures - autres queformelles - pour éviter les licenciements, et inscrivent sous la rubrique "reclassement" desmesures (primes et conventions de conversion) d'accompagnement des salariés vers la portede l'entreprise. Les dégâts sont considérables. Au peu de préparation des salariés avantl'annonce s'ajoute une rupture rapide avec un milieu de travail qui est aussi un important lieude socialisation, puis leur enfermement dans un processus présenté comme destiné à lesreconvertir, alors qu'il les conduit au chômage avant de parvenir au mieux à un nouvel emploiavec perte de revenu, au pire à une succession de contrats précaires, voire une exclusionsociale durable. L'échec de ces plans diffuse l'idée que la reconversion ne serait qu'un leurre etmême en changeant la définition d’un licenciement économique, les dégâts sont importants,c’est pourquoi tous se mobilisent pour tenter de trouver une solution.En cas de licenciements, les dispositifs efficaces de reclassement et dereconversion sont aujourd'hui connus : engagement de résultat, mise en place decellules de reclassement, recours généralisé au congé de conversion qui - à la différence de laconvention du même nom - ne rompt le contrat de travail qu'après la période de reconversion,commissions paritaires de pilotage - clé de voûte du dispositif.Malgré la croissance, les suppressions d'emplois se multipliaient. Lesprévisions optimistes de l'Insee et la diminution, avant une nouvelle augmentation, duchômage ne doivent pas occulter les plans sociaux qui continuent de toucher de nombreuxsecteurs. Si le gouvernement se félicite de la situation macro-économique, il sait que leseffets de ces plans, dont beaucoup sont annoncés après les élections municipales, restentdévastateurs tant pour les intéressés que pour le tissu local. C'est pourquoi Lionel JOSPIN ademandé à Jean-Pierre AUBERT, délégué interministériel aux restructurations, de réfléchir àl'évolution du rôle des pouvoirs publics et des syndicats en amont et en aval des planssociaux. "J'ai en particulier remarqué qu'on ne sait rien de l'efficacité réelle des mesuressociales annoncées par les directions." remarque M. AUBERT qui a rendu son rapport aupremier ministre en mars 2002. Ces dernières semaines, plus d'une vingtaine de plans ont étéannoncés.Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunitéUn optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté 95« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail,à des conditions équitables et satisfaisantes de travailet à la protection contre le chômage. » 9695Sir Winston CHURCHIIL.96Déclaration universelle des Droits de l'Homme, art. 23, 1948.46


2° Approches et méthodesAprès une étude sur les fonctions d’un cabinet de recrutement dans de cadred’un DEA en Modes de vie et Politiques sociales, je me suis plus particulièrement intéresséeau reclassement professionnel, suite aux multiples plans sociaux qui étaient mis en place etque ce cabinet gérait. Etant déjà intégrée à l’équipe, en tant que stagiaire, je me suis vite vueproposer un poste de consultante junior pour continuer à travailler au reclassement dechômeurs longue durée ou au reclassement de salariés en convention de conversion. Face àces derniers, et au vue d’une actualité toujours plus brûlante, je me suis demandée si cesconventions de conversion, qui dispensaient dans un premier temps l’usage du terme« chômage » n’étaient pas une façon déguisée de tronquer la vérité. Les adhérents n’étaientpas chômeurs pendant leur convention de conversion mais ils étaient en recherche d’emploi,ils n’étaient plus payés par leur entreprise qui finançait tout de même la convention deconversion et le cabinet qui les aidait à retrouver une « solution finalisée » et si tout se passaitbien au terme de cette période de six mois (au moins), ils n’étaient pas comptés comme« chômeur » et ne seraient même jamais perçus en tant que tel alors qu’ils n’avaient plus deposte ni d’emploi et que leur société ne les gardait pas.Lorsqu’une société dépose le bilan, que ce soit partiellement avec uniquementune branche d’activité touchée ou totalement avec une fermeture complète, les salariésperdent leur emploi et deviennent chômeurs. Lorsque c’est un chômage dit « économique »,pour des raisons économique en fait car aucun licenciement n’est économique que ce soitpour l’individu qui perd son emploi, pour l’entreprise qui licencie ou pour l’Etat qui doitmettre au point des mesures palliatives, un plan social est mis en place et géré par un cabinetde gestion de ressources humaines ou plus simplement appelé cabinet de recrutement. Uncabinet de recrutement ne fait donc pas que du recrutement, comme nous l'avons vu lors duDEA, le recrutement est même devenu une activité annexe du cabinet en représentant quinze àtrente pour-cent de son chiffre d'affaire. Le cabinet de recrutement devient un cabinet degestion des ressources humaines en gérant les compétences des salariés qui lui sont envoyéspar une entreprise cliente souvent en difficulté.Parmi toutes ses activités, la plaquette de présentation du cabinet présente, enplus du recrutement un certain nombre de fonctions comme l'audit social, l'évaluation, lesbilans de compétences, la chasse de tête, le reclassement individuel appelé out placement, lereclassement collectif, le conseil en gestion humaine, le droit du travail, la formation humaine,la création d'entreprise, la gestion des conflits, le temps partagé ou encore la mise en place des35 heures.Lorsque le cabinet fait du reclassement professionnel suite à des bilans decompétences, suite à des évaluations, ou à des plans de fermeture d’entreprises, je me suisdonc demandé si ces reclassements n'étaient pas une façon déguisée de "déclasser" les salariésque l'entreprise ne pouvaient pas garder soit à leur poste soit dans l'entreprise elle-même. Leresponsable du cabinet m'a alors proposé d'intégrer une cellule de reclassement appeléeantenne emploi pour que je puisse y prendre une part active en tant que consultante et merendre compte de ce qu'il en était.J'ai donc intégré cette cellule de reclassement en tant qu'observatriceparticipante, salariée et non comme étudiante pour ce doctorat ; en effet quelqu'un présentpour juger et évaluer risque plus de perturber des gens déjà fragilisés par une situationprécaire sur le marché de l'emploi, j’avais en plus un statut légitime auprès des adhérents. De47


plus en me mettant dans une situation d'aide avec le statut de consultante, au même titre queles deux autres consultants du cabinet, l'insécurité et la méfiance ont eu moins lieu d'être ; j’aiainsi pu juger et comparer des situations internes.En me mettant dans la même situation que les adhérents, je n’aurais vu qu'unepetite partie de la situation de quelques uns des salariés en cellule de reclassement alors qu’enme mettant du côté des formateurs et du personnel encadrant, j'ai eu accès à tous les dossierset j’ai pu assurer un suivi plus particulier de quelques salariés ou bien encore m'occuper d'uneactivité de la cellule comme le contact avec les entreprises susceptibles d'accueillir les salariésà reclasser.Après une discussion avec M.P. il a donc été décidé de me placer du côtéencadrant avec les deux autres responsables pour me guider. Ce travail résulte d’une étudebasée sur une participation active.Cette cellule de reclassement, appelée antenne emploi, est menée dans le cadred'une fermeture d'un site de production français d'une entreprise américaine, l'entreprise Xqui possède une centaine de sites de production d'équipements automobiles. Celle-ci prévoyaitune diminution de 10 % du nombre de ses sites de production sur trois ans. L’antenne emploimet en place des dispositifs de reclassement collectif qui constituent la solution la plusefficace et la plus économique pour gérer une restructuration globale. Elle fournisse unsoutien humain, émotionnel et organisationnel, ainsi que toutes les ressources nécessaires àune recherche d'emploi réussie. Les cellules de reclassement collectif marquent unengagement fort de l’entreprise auprès de ceux qui partent pendant cette période. Le cabinetqui gère cette antenne emploi conseille dans la mise en place et la gestion de ces dispositifs dereclassement afin que les choix retenus correspondent le mieux aux besoins des entreprises etdes personnes concernées.Les dispositifs de reclassement collectif constituent la solution la plus efficaceet la plus économique pour gérer une restructuration globale. Ils fournissent un soutienhumain, émotionnel et organisationnel, ainsi que toutes les ressources nécessaires à unerecherche d'emploi réussie. Avec la mise en place d'une antenne emploi, l'entreprise témoigneaux employés mais aussi au monde des affaires, son engagement pour offrir les meilleuresconditions à ceux qui quittent l'entreprise.Le terme « ressources humaines » désigne un patrimoine qui, parce qu’il esthumain, exige qu’on le respecte et, parce qu’il est une ressource, justifie qu’on ne le gaspillepas. Restant dans cet état d’esprit, tout est mis en oeuvre pour gérer ce type de situationsvécues comme critiques par tous, autant le salarié licencié que son entourage. L’antenneemploi offre ainsi :• soutien et accompagnement des équipes• accès au téléphone, fax, ordinateurs équipés d'Internet (avec formation à l'outil)• ateliers et séminaires dédiés à la recherche d'emploi• prospection ciblée d'offres d'emploi48


L'environnement logistique est important, l’antenne emploi se déroule dans leslocaux de l’entreprise X puis quand ceux-ci sont vendus, dans les locaux du cabinet de M.P.Les salariés en convention de conversion, adhérant au plan social bénéficient du nécessairepour leurs recherches de solutions finalisées :• Espaces de travail• Ordinateurs équipés des logiciels bureautiques et d’un accès Internet• Fax et photocopieurs• Téléphones• Presse et documentation• Soutien administratif• Bureaux des équipes LHH• Salles de réunion• Espace de détentePour ce faire des entretiens individuels, des séminaires et des ateliers diverssont mis en place.3° Annonce du planAprès avoir pris du retard suite a des bouleversements économiques etculturels, la société Française principalement paysanne doit s’adapter au salariat. Cettenouvelle donne du travail modifie l’approche et la conception d’un emploi qui se doit d’êtrequalifié sous peine de disparaître. La menace du chômage fait planer une obligation derésultat et une notion d’efficacité accrue par une ouverture au monde et sur le monde. Letravail se gère alors comme un bien rare et d’autant plus recherché qu’il s’élargi à denouveaux horizons en devenant mobile géographiquement. Il est alors assujetti à desobligations diverses et pensé en tant que tel. Son importance lui donne une place primordialedans la société et il devient urgent de pallier à son absence lors de sa perte. La sociétés’organise et panse ses maux par la mise en place de tout un système de reclassement aprèsavoir pensé ses mots par une réflexion intense pour gérer les plans sociaux mis en place poureffectuer ces reclassements. L’exemple concret de l’entreprise X donne à réfléchir sur le rôledes intervenants et la suite à donner aux conséquences d’une mondialisation inévitable d’unesociété qui évolue dans le temps et avec les autres sous peine de s’enfermer dans un isolementencore moins salvateur.La thèse se déroulera donc en trois grandes parties, dans un premier temps lesdéfinitions et les représentations du salariat, du travail, des qualifications et du chômage, dansune seconde partie, la représentation et la gestion de l’Emploi et de ses politiques pour finirpar une troisième partie par les conditions et les effets du reclassement des salariés lors d’unemission de reclassement.49


I. – TRAVAIL ET CHOMAGE DANS <strong>LE</strong>S SOCIETES SALARIA<strong>LE</strong>SDEFINITIONS, REPRESENTATIONSA. <strong>LE</strong> SALARIATLe monde du salariat tend à se transformer. Ce n’est évidemment pas nouveau:quoi de commun entre le salariat du XIXe siècle, marqué par la précarité, la pauvreté et desluttes sans merci pour faire reconnaître la légitimité de l’organisation ouvrière, et celui de laseconde moitié du XXe siècle, caractérisé par un partage négocié – même s’il est conflictuel –des «fruits de la croissance» et une quasi-généralisation du statut salarial ? Mais, depuis ledébut des années 1980, une nouvelle évolution se dessine, sous la pression d’un chômage enforte progression: le salariat se fracture en sous-ensembles dont l’évolution diverge. Les unsversent peu à peu dans l’exclusion: ce sont les moins qualifiés, les plus âgés, les plus fragiles;ils quittent le salariat pour des formes plus ou moins complexes de prise en charge sociale.D’autres constituent le volant de main-d’œuvre d’une société à la croissance redevenueirrégulière. D’autres encore – les plus nombreux, heureusement – s’insèrent de façon durabledans le système productif. Mais, selon les entreprises, les groupes sociaux et les qualitéspersonnelles, leur avenir salarial s’inscrit dans un éventail de plus en plus largement ouvert,allant de la stagnation au déroulement continu d’une carrière. Ainsi, le salariat perd de sonhomogénéité. Il ne s’agit pas pour autant d’un retour au XIXe siècle, qui était marqué par laconstitution de vastes groupes sociaux antagonistes, la «société de masse», selon l’expressionde Peter LAS<strong>LE</strong>TT 97 , ou la «société de classes», selon celle de MARX 98 Au clivage fondateurentre dirigeants et salariés – qui subsiste toujours, même s’il s’atténue parfois – s’ajoute unclivage de plus en plus prégnant entre des groupes dont l’horizon se limite à l’entreprise, ou àla fonction occupée. Bref, les évolutions auxquelles on assiste sont marquées plus par uneémergence croissante de corporatismes que par des conflits de classes. C’est cefractionnement du salariat qui explique sans doute la fin de la «régulation» qui prévalait dansles années 1950-1975. Voilà qui pose un redoutable problème à nos sociétés : comment, dansces conditions, maintenir le minimum de solidarité entre les actifs d’une part, entre les actifset les inactifs d’autre part, sans lequel une société tend à se déliter, faute de ciment suffisant ?Une société solidaire est-elle encore imaginable dans l’univers d’un salariat éclaté ?1° De la société familiale aux débuts de l’industrialisationNous vivons dans une société salariale: en France, quatre cinquièmes desemplois sont salariés et, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, près des neuf dixièmes. Il s’agitlà d’un phénomène récent, mais pas autant qu’on pourrait le penser: au milieu du siècledernier, le salariat était déjà majoritaire en France, puisqu’on comptait alors environ neufmillions de salariés sur un peu moins de dix-sept millions d’emplois. Travailler pour lecompte d’autrui, plutôt que pour le sien propre, a été le lot d’une partie non négligeable de lapopulation dès le XVe siècle, c’est-à-dire dès que les liens féodaux ont été suffisammentrelâchés pour permettre l’apparition d’hommes pouvant disposer librement de leur force detravail.97Peter LAS<strong>LE</strong>TT est un Historien moderniste, cf biographie complète en finde thèse.98Karl MARX (1818-1883) est un philisophe, économiste et militant politiqueallemand d’origine juive. Cf biographie complète en fin de thèse.50


Sans doute, cette «liberté» était-elle plus juridique qu’économique, plusformelle que réelle: lorsqu’on ne dispose, pour subsister, que de la force de ses bras, la libertéde choix est bornée par la nécessité d’assurer la subsistance du lendemain. Et le terme de«prolétaire» – dont on sait l’usage qu’en fera MARX–, qui désignait initialement ceux qui nepossédaient que leur descendance (proles, en latin), était utilisé dès 1560 pour signaler cespauvres dont l’existence précaire dépendait uniquement de leur capacité à louer leurs bras (ilapparaît, selon Peter LAS<strong>LE</strong>TT sous la plume d’un magistrat anglais, sir Thomas SMITH).Cependant, «brassiers», «manouvriers», «journaliers» étaient, comme les domestiques, lesvalets de ferme ou les apprentis, intégrés à la famille de leur employeur, avec laquelle ilspartageaient, le temps de leur emploi, le gîte et le couvert. Le salaire était des plus minces:dans le meilleur des cas, une (modeste) fraction de la récolte, ou quelques pièces de petitemonnaie, l’équivalent d’un «argent de poche», en sus de ce gîte et de ce couvert et, pour lesapprentis, en sus d’une formation qui pouvait durer dix ans ou davantage. Cette intégrationfamiliale du salarié limitait la précarité de son existence. Celui qui décidait de se marierrenonçait, du même coup, à faire partie de la famille de son patron. Il lui fallait alorsimpérativement trouver d’autres occupations pour compléter un salaire désormais réduit à fortpeu de chose. Celui qui n’y parvenait pas était soumis à la faim et la misère quotidiennementainsi que sa famille. Et le philosophe anglais John LOCKE de commenter, en 1696: «La partde l’ouvrier agricole, étant rarement plus qu’une maigre subsistance, ne donne jamais à cegroupement humain le temps ou l’occasion d’élever ses pensées plus haut ou de lutter avec lesplus riches pour leur disputer leur part [...] sauf lorsqu’une détresse commune oud’importance les unit en un seul ferment universel, leur fait oublier le respect et les rend asseztéméraires pour vouloir se tailler leur part à la force des armes: alors ils se déchaînent contreles riches et balaient tout sur leur passage comme un déluge.» Classes laborieuses, classesdangereuses...Heureusement, il existait d’autres issues, moins dramatiques. Pour les pluschanceux – et les plus jeunes –, le décès du maître de maison pouvait être l’occasiond’épouser sa veuve et de troquer sa condition de commis ou de manouvrier contre celle depatron. Ce n’était pas si rare qu’on le croit, dans une société où la mort frappait jeune, et où ilfallait des bras solides pour mener l’exploitation ou la boutique. Cette forme d’ascensionsociale était pourtant mal vue, comme en témoignent les innombrables contes qui mettent enscène des beaux-pères maltraitant les enfants du premier lit. Le plus souvent, cependant, lejournalier, pour compléter ses maigres gages et nourrir sa famille, devait mettre celle-ci autravail: travail des enfants – ramasseurs de bois mort, gardeurs d’oies, tireurs d’eau –, quel’on rémunérait d’un morceau de pain ou qui glanaient leur pitance; travail de l’épouse –blanchisseuse, lavandière, serveuse. Dans ce milieu marqué par la précarité, le travail àdomicile est devenu peu à peu la planche de salut. Le drapier n’avait nulle difficulté à trouvercardeuses, couseuses, découpeuses, tailleuses, tisserands et teinturiers. Tisser le lin ou la lainefaisait déjà partie des activités traditionnelles du milieu rural: le travail à la pièce, pour lecompte d’un marchand ou d’un fabricant, devint, au XVIIIe siècle, le support d’uneindustrialisation diffuse.Une transformation de grande ampleur s’impose, elle sera vécue comme une« grande transformation » et légitimée par le courant néo-institutionnaliste qui regroupe unensemble de travaux ayant pour objet l’explication des phénomènes institutionnels ducapitalisme. Il est à l’origine des théories néo-libérales de l’entreprise. L’ouvrage de51


Oliver WILLIAMSON 99 en 1985 tente d’en fournir la synthèse. Le postulat de départ est quel’économie n’est pas une somme de purs marchés, mais un ensemble d’institutions composéesde marchés, d’organisations et de formes hybrides. Le courant néo-institutionnaliste cherche àaménager les hypothèses néo-classiques traditionnelles pour intégrer ces phénomènesobservables que le Prix Nobel Ronald COASE invitait dès 1937 à ne pas négliger dans lesreprésentations théoriques de l’économie.Du sweating system («système de la sueur»), comme l’appela MARX, on aretenu l’exploitation dont il était porteur. Et il est vrai qu’elle était considérable: la relationétait trop inégale, entre la survie des uns et les surprofits de l’autre. Cependant, cette intrusiondes premières formes d’industrialisation s’est accomplie sans bouleverser la société familialetraditionnelle: elle l’a consolidée plus qu’elle ne l’a désagrégée. Tous ces salariés à domicile –les uns travaillant chez eux, les autres logeant chez leur employeur – «n’avaient pas, commela classe ouvrière dans le monde industriel contemporain, un horizon de travail en commun»,écrit Peter LAS<strong>LE</strong>TT 100 . Mais le ver était dans le fruit: pour contrôler cette main-d’œuvredispersée, comme le soutient Stephen MARGLIN 101 , pour réduire les «coûts de transaction»,comme l’estime Oliver WILLIAMSON 102 , ou pour bénéficier des avantages techniques de ladivision et de l’organisation du travail, comme l’analyse Adam SMITH 103 avec l’exemplecélèbre de la manufacture d’épingles, la main-d’œuvre ouvrière allait désormais êtrerassemblée dans un même lieu, l’usine. Au salariat traditionnel, encastré dans des réseauxfamiliaux, avec un mode et un niveau de rémunération fixés par la coutume – voire par le jugede paix, comme c’était le cas en Angleterre – succédait le salariat moderne: un lieu de travaildistinct de celui de la famille, des relations dictées par l’«eau glaciale du calcul égoïste»,selon l’expression de MARX dans Le Manifeste communiste, la transformation du travail enune marchandise et du salaire en un prix. «La disparition des fonctions économiques de lafamille patriarcale au moment de l’industrialisation a créé une société de masse. Cephénomène a transformé les gens qui travaillaient en une masse d’individus égaux nondifférenciés [...], privés à jamais des sentiments que leur apportait le travail en tant quebesogne de famille», souligne, fort justement, Peter LAS<strong>LE</strong>TT. Ne pleurons pas trop ce«monde que nous avons perdu», dur pour les pauvres et les sans-grades, condamnés à unlabeur incessant pour une vie précaire. Mais il nous faut prendre conscience que, sansl’apparence d’une continuité de statut ou de relation juridique, la révolution industriellemarque une coupure, un changement de nature: dans la société rurale, le salariat était immergédans un monde de relations personnelles, voire familiales, qui lui donnaient sens; dans lasociété industrielle, les liens personnels ne comptent plus, seul subsiste un échange matériel –99WILLIAMSON, O, The Economic Institutions of Capitalism, New York : TheFree Press, 1985. Né en 1932, il est à l’origine du courant néoinstitutionnaliste.Cf biographie complète en fin de thèse.100LAS<strong>LE</strong>TT, P, Philosophy, politics and society, Revue Française de SciencePolitique. Volume 8, N° 3, Septembre 1958, P.683-684.101MARGLIN, S, What do bosses do ?, 1974, Review of Radical PoliticalEconomics, 1974.102WILLIAMSON, O, The Theory of the Firm as Governance Structure: FromChoice to Contract, Journal of Economic Perspectives 16, 2002.103SMITH, A, Recherche sur la nature et les causes de la richesse desnations, 1776, Tome 1 et 2, Traduction Nouvelle, Flammarion, Paris, 1992.Adam SMITH (1723-1790) est un économiste et philosophe écossais, il estconsidéré comme le père de « l'école classique », et de l'économie moderne,pour son œuvre « Recherche sur la nature et les causes de la richesse desnations » (« An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth ofNations »). Cf biographie complète en fin de thèse.52


travail contre argent. La relation salariale devient le mode dominant de mobilisation et derémunération de la force de travail.Cet appauvrissement de la relation salariale – certains diront peut-êtreapurement, ou même simplification – n’a pas été sans poser de problèmes. Coupés de leursracines rurales, donc privés de ces liens relationnels qui servaient aussi d’amortisseurssociaux, les prolétaires plongent massivement dans une misère sans précédent. Dans sonTableau de l’état physique et moral des ouvriers 104 , présenté à l’Académie des sciencesmorales et politiques en 1839, le docteur VIL<strong>LE</strong>RME écrit: «Tandis que la moitié des enfantsnés dans la classe des fabricants, négociants et directeurs d’usines, atteindrait sa vingtneuvième année, la moitié des enfants de tisserands et de simples travailleurs des filaturesaurait cessé d’exister, on ose à peine le croire, avant l’âge de deux ans accomplis. Il fautattribuer une aussi épouvantable destruction à la misère des parents, surtout des mères qui nepeuvent donner chaque jour le sein à leurs nourrissons que pendant le trop petit nombred’heures qu’elles passent chez elles.» Plus que le salaire, VIL<strong>LE</strong>RME met en cause lalongueur de la journée de travail (quinze heures et demie dans certaines manufactures, alorsque les journées des forçats, nous dit-il, ne sont que de dix heures) et, surtout, celle desenfants: «douze à quatorze heures par jour dans les ateliers, sans comprendre une heure etdemie ou deux heures pour les repas», dès l’âge de huit ans. Le rapport de VIL<strong>LE</strong>RME ne futpas étranger au vote, en mars 1841, de la première «loi sociale», qui limitait le travail desenfants dans les manufactures.Le salaire lui-même devient, au XIXe siècle, un prix comme un autre, soumisaux fluctuations de l’offre et de la demande. C’est non plus le juge, ou la coutume, qui le fixe,mais l’intensité de la concurrence. En Angleterre, l’abolition de la «loi sur les pauvres», en1835, marque le tournant. Cette loi, datant du règne d’Élisabeth Ire, au début du XVIe siècle,faisait obligation aux paroisses de prendre en charge les indigents de leur ressort. Dansnombre de cas, cette prise en charge prit la forme de workhouses, où, sous prétexte decombattre l’oisiveté, on assignait les indigents auxquels, en échange du gîte et du couvert, onimposait un travail. En 1795, les juges de paix du comté de Speenhamland décidèrent deremplacer les workhouses par un revenu social destiné aux familles ne disposant pas duminimum vital. Les salaires, alors, s’effondrèrent, car les employeurs ne se sentirent plustenus d’assurer à leurs salariés ce minimum vital. Cela découragea, bien évidemment, nombrede candidats à l’emploi, au moment même où l’industrie naissante avait besoin de recruterune main-d’œuvre nombreuse. L’ancien système – la fixation des salaires par les juges – avaitvécu; le nouveau – le versement d’un complément social par les paroisses – se révélaitinapplicable: en 1834, la loi sur les pauvres était alors abolie, et le salaire devenait le résultatd’un mécanisme de marché. Pour reprendre l’expression de Karl POLANYI 105 , il s’agissaitd’une «grande transformation», puisque le prix de la force de travail relevait désormais demécanismes strictement économiques, et non plus politiques ou sociaux.Cette «marchandisation» de la force de travail engendre des conséquences nonseulement sur le salaire et ses modalités de fixation, mais aussi sur l’ensemble des relationsqui se nouent à l’occasion du contrat de travail. Ce dernier est analysé, par le Code civil de1804, comme une forme de «louage de service»: comme tout contrat, il résulte d’un échangede libres volontés, et le salarié n’a donc pas à être protégé plus que l’employeur en cas de104VIL<strong>LE</strong>RME, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers, présenté àl’Académie des sciences morales et politiques, 1839.105Karl POLYANI (1886 – 1964), professeur à l’université de Columbia, cfbiographie complète en fin de thèse.53


conflit. «Le louage de service, dispose l’article 1780, fait sans détermination de durée, peuttoujours cesser par la volonté de l’une des parties contractantes.» L’employeur n’exerce pasde responsabilité particulière du fait de l’existence d’un contrat de travail: il peut mettre fin àtout moment au contrat, sans limitation aucune. Il est libre de fixer les conditions concrètesd’exercice du contrat: puisque le salarié est libre de partir, s’il ne le fait pas, on présume qu’ilaccepte les conditions fixées. En cas d’accident du travail, la responsabilité de l’employeurn’est pas en cause, sauf si l’employé parvient à prouver la culpabilité de son patron. Il fautattendre la fin du siècle pour que l’évidence soit reconnue: «Il est logique de faire supporter laréparation du dommage causé par le travail à ceux qui ont l’initiative, la direction et le profitdu travail, c’est-à-dire au patron. C’est lui qui place l’ouvrier devant la machine et il dépendde lui, par les précautions qu’il prend, d’augmenter ou de diminuer les risques, c’est à lui qu’ilconvient de protéger l’ouvrier contre ses propres imprudences», écrit Martin NADAUD 106 ,l’initiateur de la proposition de loi sur les accidents du travail en 1891. L’adoption de cette loimarque un tournant fondamental: en reconnaissant qu’un lien de subordination caractérise lecontrat de travail, que l’un commande et l’autre obéit, elle reconnaît aussi que la balance n’estpas égale entre les deux parties, qu’il existe un fort et un faible, et que les obligations dechacun ne peuvent être identiques. C’est la naissance du droit du travail et du salariatmoderne: le rapport salarial s’institutionnalise, il est désormais régi en partie par des règlesqui s’imposent aux parties, au lieu d’être déterminé par la confrontation et la concurrence.Pourtant, le passage d’une forme à l’autre de salariat ne s’est fait ni rapidementni facilement. Le mouvement ouvrier s’est largement bâti sur un rapport de forces, ponctuéd’affrontements ouverts. Il est vrai que, dans une société où le travail indépendant continuait àregrouper (à la fin du XIXe siècle) près de la moitié de la population active, le salaireapparaissait comme un coût avant d’être un revenu source de débouchés. En 1896, les salariésreprésentaient environ 55 % de la population active, et les ouvriers non agricoles un quart.Mais les salaires ne représentaient alors, approximativement, que 20 % du revenu national.La demande solvable était bien plus le fait de la minorité privilégiée de la population –rentiers, commerçants, patrons – que celui des gros bataillons d’ouvriers de l’industrie. Dansle monde ouvrier, où l’on ne gagnait guère plus que le minimum vital, la nourriture absorbaitl’essentiel des gains. Dans le monde de la bourgeoisie, au contraire, la demande était trèsdifférenciée – habits sur mesure, vaisselle décorée à la main, meubles d’ébénistes ouappartements en pierre de taille – demande pour laquelle, faute de produire en masse, la seulefaçon de réduire les coûts consistait à peser sur les salaires. La production, tant industriellequ’agricole, s’écoulait sur des marchés locaux, et la petite unité de production demeurait doncla règle, ce qui n’incitait pas aux gains de productivité. D’où l’équilibre de ce que, par lasuite, Robert BOYER 107 a qualifié de «régulation concurrentielle»: des salaires le plussouvent proches du minimum vital, des gains de productivité faibles, donc une croissancefaible et, de surcroît, irrégulière parce que largement influencée par les rapports de forces quidéterminaient le niveau moyen des salaires et par là le volume de la consommation de lamajorité de la population.106NADAUD, M, Mémoires de Léonard. Ancien garçon maçon, Bourgagneuf, A.Doubeix, 1895. Martin NADAUD est un homme politique français né en 1815 etmort en 1898. Cf biographie complète en fin de thèse.107Robert BOYER né en 1943 est économiste au CEPREMAP et directeur derecherche au CNRS.54


2° Vers la société salarialeAu tournant du siècle, l’émergence progressive de la production de masse a faitvoler en éclats ce modèle concurrentiel. Aux États-Unis et en Allemagne, les grandes unitésindustrielles rationalisent la production: TAYLOR 108 puis FORD comprennent que, pourproduire moins cher, c’est la grande série qui est la clé, bien plus que la compression dessalaires. Les gains de productivité permettent d’augmenter l’offre. Encore faut-il que lademande suive. Or ce n’est pas toujours le cas: le mode de fixation des salaires ne s’adaptequ’imparfaitement à cette nouvelle donne industrielle, et les gains de productivité setransforment plus en profits qu’en salaires, ce qui ne permet pas d’alimenter une demande demasse à la hauteur de la production de masse. TAYLOR, pourtant, avait préconisé, dès la findu XIXe siècle, des formes de rémunération incitatrices – salaire au rendement complété pardes primes croissant rapidement avec les gains de productivité – qui, si elles avaient étéappliquées, auraient sans doute permis de faire évoluer la demande au rythme deschangements affectant l’offre. Mais, si les «méthodes TAYLOR» 109 rencontrèrent un grandsuccès en ce qui concerne l’organisation de la production, les préconisations salariales quiallaient de pair furent délaissées. De même, lorsque, en 1917, Henry FORD 110 inventa leconvoyeur (la «chaîne»), qui permit de fantastiques gains de productivité, il l’accompagnad’une politique salariale aboutissant à un doublement des salaires ouvriers. Mais, faute d’êtreimité par les autres employeurs, il dut s’aligner sur la norme commune dès le début desannées 1930.Cet écart, entre un potentiel d’offre largement croissant et une demande bornéepar le rythme d’augmentation des salaires, est devenu une source de déséquilibre d’autant plusconsidérable que, après la Première Guerre mondiale, le salariat est désormais largementmajoritaire dans la population active: en France – qui n’est pas le pays le plus avancé dans cedomaine, il s’en faut de beaucoup, en raison du poids de son agriculture –, les employés et lesouvriers représentent à eux seuls 48 % de la population active en 1926. Les conventionscollectives ont beau prévoir des formes généralisées d’augmentations pour une branche, oupour une entreprise, les règles en vigueur continuent à faire la part trop belle aux mécanismesconcurrentiels, et, à l’échelle globale, l’évolution des salaires et celle de la productivité necoïncident que par l’effet du hasard.Certes, durant ce demi-siècle (1890-1940), le droit du travail a fait des pas degéant: limitation de la durée du travail, règles de licenciement, instauration d’une protectionsociale dans certaines branches (mines, fonction publique, métallurgie, banques...) et d’undroit à la retraite, etc. Mais les mécanismes de fixation des salaires, au lieu d’être déterminésen fonction de leur incidence collective, continuent d’être du ressort exclusif des entreprises(ou des branches, lorsqu’il existe une convention collective de branche). En d’autres termes,alors que le salaire devient l’une des composantes essentielles de la demande globale, ilcontinue à être considéré par chaque entreprise exclusivement comme un coût qu’il convientde réduire autant que possible.108TAYLOR, Frederick Winslow, The Principles of Scientific Management,Gutenberg, 1911. TAYLOR (1856-1915) est le fondateur du managementscientifique du travail. C biographie complète en fin de thèse.109TAYLOR et l’organisation scientifique du travail, Cf annexe 6 en fin dethèse.110Henry FORD est un industriel américain, né en 1863 et décédé en 1947, cfbiographie complète en fin de thèse.55


Le salariat peut alors prendre toute sa place dans l’économie et c’est la« formule » qui va désormais dominer, en effet, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ladonne, une nouvelle fois, a changé. Les idées de KEYNES 111 tiennent le haut du pavé: lecapitalisme a besoin, pour fonctionner, d’une demande forte et régulière, ce qui implique uneintervention de l’État. En matière salariale, cela se traduit par une double mutation. D’unepart, l’instauration de mécanismes de protection sociale qui aboutissent à faire financer par lesentreprises (directement ou par le biais de l’impôt) des revenus sociaux en sus des salairesdirects. D’autre part, la fixation d’une sorte de norme salariale minimale, par la loi (c’est lesalaire minimum), par le contrat (généralisation des conventions collectives, incitation à larecherche d’accords interprofessionnels, comme ceux qui concernent l’indemnisation duchômage par exemple) ou par la stimulation (rôle pilote des entreprises publiques). Le«modèle fordiste» désormais triomphe. L’ensemble de ces règles, dont une partie transite pardes mécanismes de marché et une autre partie par la contrainte légale, aboutit à ce que, dansl’ensemble, la masse salariale évolue à peu près au rythme des gains de productivité. Lademande progresse donc à l’allure du changement technique, et le pouvoir d’achat dessalariés s’élève sensiblement. Contrairement à ce qui s’était passé durant l’avant-guerre,l’offre n’est donc pas bornée par les débouchés mais seulement par le rythme du changementtechnique.On peut qualifier cette période – 1950-1975 – d’âge d’or du salariat. Certes,cela ne va pas sans quelques inconvénients. En particulier, si les branches à forts gains deproductivité peuvent se permettre d’augmenter sensiblement les salaires (et les avantagessociaux) de leur personnel, il n’en va pas de même pour les branches à faibles gains deproductivité (la fonction publique, les services marchands aux personnes, etc.). On pourrait,bien sûr, jouer le jeu du marché et accepter des dynamiques salariales très différentes selonles branches, ce qui constituerait aussi une façon d’attirer vers les branches dynamiques unepartie de la population active; mais cela serait socialement difficile. Aussi, avec leconsentement plus ou moins implicite de l’ensemble des forces économiques, c’estl’alignement vers le haut qui prévaut: les branches à faibles gains de productivité augmententles salaires autant que les autres, et se rattrapent sur les prix (ou sur les impôts, quand il s’agitde services financés par la fiscalité). L’inflation joue le rôle de régulateur et assure unecertaine homogénéité dans la dynamique salariale. La cohésion sociale est ménagée par lasoupape de sécurité qu’est la hausse des prix.La société salariale paraît triompher. Certes, d’un pays à l’autre, il conviendraitde nuancer: là où les gains de productivité sont moindres, là où l’intervention publique – parla loi, le contrat ou la stimulation – est timorée, les inégalités sont plus fortes, et une partie dusalariat peine à intégrer cette société de consommation qui miroite de tous ses feux. AuxÉtats-Unis, les minorités ethniques sont en partie exclues de l’emploi, en partie confinées aurôle peu reluisant de «soutiers de la croissance». En Italie, la partition entre le Sud et le Nordse traduit par le fait que le salariat méridional bénéficie, le plus souvent, d’une rente desituation payée, en maugréant, par le salariat du Nord. L’Espagne ou l’Irlande, en retardd’industrialisation, ont du mal à intégrer dans ce salariat en expansion tous les travailleurs quiquittent la terre. Il ne s’agit là, pourtant, que de nuances. Car, partout, au moins dans les paysindustrialisés, la dynamique est la même: des gains de productivité élevés, qui se traduisent enrevenus salariaux et en revenus sociaux progressant à un rythme soutenu, et qui tirent lacroissance de la production. Les débouchés sont au rendez-vous, donc les emplois aussi.111KEYNES, John Maynard, théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et dela monnaie, Ed. Les auteurs classiques, 1936. KEYNES John Maynard (1883-1946) est économiste, cf biographie complète en fin de thèse.56


La tendance est évidente: même les salariés les moins bien lotis bénéficientd’une progression de leur pouvoir d’achat sans équivalent à l’échelle historique. On assiste,presque à vue d’œil, à la constitution d’une vaste «classe moyenne», qui n’a plus grand-choseà voir avec le prolétariat du siècle précédent, même si, dans les deux cas, le revenu dominant,sinon unique, est un salaire. Bien sûr, il convient de ne pas trop enjoliver les choses. Mêmes’il y a «du grain à moudre», les règles du partage demeurent conflictuelles. En outre, pourcertains, le point de départ était tellement faible que, même après vingt ans de croissance, lerevenu demeure modeste, parfois tout juste suffisant, d’autant que – envers du décor – cettesociété salariale a fait monter la norme minimale de consommation et les coûts desocialisation. La voiture était un luxe; elle est devenue bien souvent une nécessité, avecl’urbanisation en tache d’huile. Le chauffage central a remplacé le chauffage au bois; mais ilfaut payer les factures du premier, alors que l’on pouvait bénéficier d’un affouage pour lesecond. En outre, une petite partie de la population demeure exclue: le «Quart Monde 112 »,composé de ceux que le «progrès» a laissés sur son chemin, ou de leurs enfants.Reste que, pour deux tiers ou trois quarts des actifs, la société salariale setraduit par une amélioration sensible des conditions d’existence, un revenu qui progresse defaçon régulière, et l’espoir qu’il continuera à en être ainsi dans le futur. Pour la première foisdans l’histoire de l’humanité, l’éradication de la misère devenait possible, au moins dans lespays industrialisés, et la fin de la pauvreté paraissait envisageable. C’était en partie faux, bienentendu: le pauvre est celui qui a moins que les autres et qui, de ce fait, ne parvient pas àatteindre la norme de consommation qui caractérise la majorité. La croissance n’élimine doncpas la pauvreté, puisqu’elle s’accompagne généralement d’un maintien des inégalités. La«question sociale» n’a pas disparu avec l’émergence de la société salariale, elle s’estsimplement déplacée: au jeu de la croissance, certains tirent mieux que d’autres leur épingledu jeu, et la progression d’ensemble ne signifie pas que tous sont gagnants de la mêmemanière.La notion de classe moyenne, on le voit, est ambiguë: en gommant toutes lesdifférenciations sociales, elle laisse entendre que celles-ci n’existent plus, que les chancessont identiques pour tous, et que vivre au bas ou en haut de l’échelle n’a plus d’importancedès lors qu’un même mouvement de croissance emporte les uns et les autres. Ce n’estévidemment pas vrai. Démarrer dans la vie comme ouvrier avec un C.A.P. ménage peu dechances de devenir directeur de l’usine, alors que démarrer comme technicien pourvu dudiplôme d’une grande école laisse entrevoir les plus grands espoirs.112Le terme Quart monde désigne la fraction de la population d'un paysriche vivant sous le seuil de pauvreté. Il a été forgé par analogie avec leterme tiers monde regroupant les pays les plus pauvres. Le terme est apparudans les années 1960 en région parisienne (Noisy-le-Grand), il a été forgépar le père Joseph WRESINSKI. Il permit de faire prendre conscience del'existence au sein même des pays riches, d'une population aussi pauvre quecelles des pays sous-developpés. Joseph WRESINSKI est également à l'originedu mouvement ATD Quart Monde qui vise à remettre les plus pauvres dansleurs droits et leur dignité. On peut retrouver cette notion au moment desétats généraux de la France de 1789, dans la présence d'un quatrième ordre,appelé aussi ordre sacré des infortunés : celui des pauvres journaliers,des infirmes, des indigents », etc. A l'époque, cela représentait un nombreimportant de personnes.57


3° Fissures, fractures et dispersionMême parcourue de tensions, de conflits et d’inégalités fortes, la sociétésalariale était une réalité porteuse d’espoirs de changements positifs pour la grande majorité.Ce n’est plus le cas aujourd’hui: la société salariale est en pleine crise. Il s’agit non seulementd’une crise économique, mais d’une crise d’identité, d’une crise morale pourrait-on dire.Certes, le ralentissement de la croissance économique enregistré depuis 1975 a précipité leschoses. Pourtant, il convient de ne rien exagérer: le produit intérieur brut, en Europe commeailleurs, a poursuivi son ascension, à un rythme moyen un peu supérieur à 2 % par an (4 % auJapon, 2,5 % aux États-Unis), si bien que, en vingt ans, le volume de la production aaugmenté des deux tiers. Nos sociétés sont plus riches matériellement, mais elles ont perdu lafoi dans la croissance. Celle-ci ne parvient plus à intégrer dans le salariat tous ceux quifrappent à ses portes.Cela se traduit, bien entendu, par la montée d’un chômage que rien ne sembleparvenir à endiguer, surtout en Europe, inquiétant par le nombre de personnes qu’il touche etpar sa durée: la moitié des chômeurs environ connaissent cette situation depuis au moins unan, ce qui rend des plus aléatoires leur éventuelle réinsertion sur le marché du travail. Eneffet, pour les employeurs potentiels, le chômage de longue durée est un indicateurd’inemployabilité: le fait de n’avoir pu trouver d’emploi depuis longtemps induit unesuspicion sur les qualités intrinsèques du demandeur d’emploi. Dans une situation marquéepar l’asymétrie d’information – l’employeur ne connaît pas a priori les capacités de l’individuqui postule un emploi –, il convient de réduire le risque de commettre une erreur d’embauche.Et cela passe par une sélection qui écarte les candidats «à risque»: chômeurs de longue durée,jeunes sans expérience, personnes non diplômées, etc.Ainsi, sur un marché marqué par la pénurie des offres d’emplois, le chômagene frappe pas au hasard, mais tend à se concentrer sur les personnes les plus vulnérables quisont victimes alors d’un processus d’exclusion de l’emploi, donc de la société salariale.Contrairement à la situation du Quart Monde dans les années 1960, cette vulnérabilité n’estpas issue d’un héritage ou d’un handicap personnel: on ne naît pas exclu, on le devient. Unéloignement temporaire du marché du travail devient vite un éloignement définitif lorsquefont défaut un réseau de relations personnelles, le parachute du diplôme ou un savoir-faireprofessionnel apprécié sur le marché du travail.La montée du chômage contribue ainsi à rendre plus difficile l’accès à lasociété salariale. Mais elle en diminue aussi l’homogénéité. Entre chômage et emploi, touteune série de situations intermédiaires ont eu tendance à se développer. Ce «halo duchômage 113 » comprend, dans un ordre croissant de précarité, l’emploi à temps partiel (qui estun emploi occupé faute de mieux dans les deux tiers des cas), le contrat à durée déterminée, lamission d’intérim, les contrats emploi/formation en alternance (apprentissage, qualification,adaptation), les contrats emploi-solidarité, les stages. Dans certains cas, il existe bien uncontrat de travail, un salaire conforme aux conventions collectives, un lien de subordination.Mais il s’agit là d’une situation précaire, susceptible de prendre fin rapidement ou à une datedéjà programmée. Dans d’autres cas, il s’agit d’un contrat ouvrant des droits sociaux limités:salaire inférieur aux minima de la branche (apprentissage, qualification) ou contrat à mitemps(emploi-solidarité). Dans d’autres cas, enfin, il ne subsiste rien du contrat de travail,seul le versement d’une indemnité permettant de maintenir la fiction. Quant à l’intérim, si sa113J. FREYSSINET, Le halo du chômage : exemples de situationsintermédiaires, La découverte, 1988.58


pratique a été réglementée afin de mettre fin aux abus qui le caractérisaient, il n’en demeurepas moins que, pour l’entreprise utilisatrice, son principal intérêt réside dans le fait qu’ilsubstitue un contrat commercial, que l’on peut dénoncer à tout moment et sans indemnitécompensatrice, au contrat de travail.Graphique XIII Halo du chômage 114Face à toutes ces transformations, ce n’est pas seulement à la périphérie del’emploi que le salariat se modifie, c’est en son sein même. Et cela de deux façons. D’abord,parce que le droit du travail lui-même est de plus en plus regardé aujourd’hui comme unobstacle à l’emploi: dans le droit-fil de la théorie néoclassique, tout ce qui contribue àrigidifier la relation de travail est analysé comme un frein au fonctionnement optimal dumarché, donc comme une source de moindre efficacité se retournant, en fin de compte, contrel’emploi lui-même. Comme il est difficilement envisageable, en France, de démolir uneconstruction lentement édifiée depuis un siècle, il est plutôt question de créer des domaines «àdroit du travail allégé» (pour paraphraser une expression de l’ancien président du C.N.P.F.,Yvon GATTAZ, qui, en 1985, proposait la création d’emplois «à contraintes allégées»): lacréation, en 1994, d’un «chèque service» va dans ce sens, puisqu’elle dispense les utilisateurs– des employeurs familiaux – de passer un contrat de travail, et qu’il peut être mis fin à larelation de travail entre l’employeur familial et son employé(e) à tout moment, sans préavis niindemnité. La loi MADELIN de 1993 115 , qui encourage des salariés à se mettre à leur compte,tout en continuant à travailler pour leur entreprise, mais de façon indépendante, est un autreexemple. Le patron se transforme en donneur d’ordres, le salarié en sous-traitant: si le lien desubordination économique subsiste, le lien de subordination juridique est éliminé, et le contratde travail avec lui. Il ne s’agit, bien sûr, que de remises en cause très limitées, mais, face àl’ampleur de la crise de l’emploi, si ces initiatives se révèlent efficaces, on peut penserqu’elles annoncent d’autres remises en cause qui seraient alors beaucoup plus importantes.Alors que, jusque dans les années 1970, il semblait que le salariat allait progressivementéliminer toutes les autres formes d’emploi, à quelques rares exceptions près, ce n’est plus lecas aujourd’hui, et ce n’est pas un hasard si on peut constater un renouveau de création demicro-entreprises reposant sur du travail indépendant, non salarié.114Encyclopedia Universalis 5.115Cette avancée conceptuelle, tendant à reconnaître l'entrepriseindividuelle en tant qu'unité économique et juridique distincte par letruchement de la définition des biens affectés à l'exploitation et à fonderun statut plus protecteur de l'entrepreneur individuel, relance un débatrécurrent né à la fin des années 1970.59


La relation salariale se modifie non seulement dans sa dimension juridique,mais aussi dans ce qui lui est le plus essentiel: les modalités de fixation du salaire et de sonévolution dans le temps.La fixation du salaire est, depuis quelque deux siècles, déterminée librementsur le marché du travail en fonction de l’offre et de la demande. Certes, on l’a vu, cefonctionnement libéral a été progressivement pondéré par des interventions publiques ou desconsidérations sociales, surtout depuis une cinquantaine d’années: salaire minimum, accordscollectifs de branche, etc. Mais il s’agissait de limitations au principe, pas d’une remise encause. Or, avec la montée du chômage de masse, la «loi du marché» aurait dû aboutir à unediminution du niveau du salaire, puisqu’on constate désormais un excédent durable de maind’œuvredans la plupart des qualifications. Pour une part, cette pression a opéré: lesembauches de jeunes salariés s’accomplissent souvent à des niveaux de salaires inférieurs àceux qui prévalaient quelques années auparavant. Aux États-Unis, un certain nombre deconventions collectives – revues tous les trois ans – prévoient désormais des salairesd’embauche très notablement inférieurs, si bien que, dans certaines entreprises, pour un mêmeposte de travail, les salaires versés peuvent aller du simple au double, selon l’ancienneté dusalarié qui l’occupe. En outre, la faiblesse du salaire minimum a empêché que s’instaure uncliquet à la baisse pour les salariés les moins qualifiés, et l’ensemble des bas salaires a eutendance à diminuer depuis le début des années 1980.Pourtant, mis à part ces quelques cas, la baisse des salaires n’a pas eu lieu. Aucontraire, on constate que, dès qu’il s’agit de travail un tant soit peu qualifié, les salairespratiqués ont continué à progresser – à allure réduite il est vrai – malgré la montée duchômage. La réduction des salaires à l’embauche pour les jeunes diplômés est généralementliée à une phase probatoire: dès que le jeune embauché a fait la preuve de ses capacités àoccuper correctement le poste auquel il est affecté, son salaire est souvent revalorisé. Au fond,tout se passe comme si les employeurs, dans leur majorité, avaient eu des scrupules àappliquer les règles d’une économie libérale.Une explication a été avancée par les économistes sous l’appellation de «salaired’efficience». Alors que, selon l’analyse traditionnelle, le salaire est un prix qui sanctionnel’efficacité du salarié, selon cette nouvelle approche le salaire est une incitation, un messagedestiné au salarié, pour amener celui-ci à fournir le meilleur de lui-même dans le cadre de sontravail. La réalité, en effet, est que le nombre de postes de travail où l’on peut mesurer avecexactitude la qualité du travail fourni tend à diminuer. Certes, on peut toujours mesurer unrésultat, mais ce dernier est de plus en plus souvent collectif. Et la qualité est difficilementmesurable. Si bien que l’employeur est dans l’incapacité de savoir si tel salarié a ou n’a pasbien travaillé.On retrouve la situation, déjà mentionnée, de l’asymétrie d’information: lesalarié en sait plus que l’employeur sur le déroulement exact du processus de travail. Aussil’employeur est-il amené à surpayer le salarié par rapport au prix du marché, de sorte quecelui-ci sache que, en cas de départ de l’entreprise, il serait lourdement pénalisé. Le salarié adonc intérêt à fournir un travail efficace et impeccable, pour que l’entreprise fonctionne bienet qu’aucune occasion de licenciement ne soit donnée à l’employeur. Le salaire d’efficienceconstitue donc, d’une certaine manière, une sorte d’échange «non économique»: l’employeurdonne plus qu’il ne serait obligé de le faire, espérant que, en contrepartie, le salarié donneralui aussi plus qu’il ne serait tenu. On peut, certes, analyser cette forme d’échange comme uneextension de la rationalité marchande. Mais on peut y voir aussi une application des règles du60


don, dont chacun sait qu’il appelle un contre-don, de sorte que s’établissent des liens sociaux,chacun devenant l’obligé de l’autre. Ainsi, à l’opposé d’un fonctionnement de marché, lesalaire devient un moment dans la création de liens sociaux qui vont bien au-delà du strictéchange. A contrario, on connaît la fameuse plaisanterie que l’on attribuait aux salariéssoviétiques: «Ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler.» Avec lathéorie du salaire d’efficience, le sens de la causalité s’inverse: ce n’est plus l’efficacité, ou lerapport de forces, qui détermine le salaire, c’est le salaire qui détermine l’implication etcontribue à créer des liens sociaux forts entre l’entreprise et ses salariés.Il est clair qu’une telle théorie n’a pas de sens dans des établissementscomprenant plusieurs milliers de salariés: l’anonymat des relations de travail, la présenced’une hiérarchie très structurée, transformant le lien direct employeur/salarié en un ensemblede relations bureaucratiques organisées par des règles strictes, tout cela empêche que lesrelations sociales personnalisées puissent s’instaurer. En revanche, dans des établissements detaille plus modeste – quelques centaines de salariés au plus –, qui deviennent progressivementla norme dominante, même s’ils appartiennent à des entreprises ou à des groupes, beaucoupplus importants, l’approche du salaire d’efficience paraît bien plus pertinente. Elle estcohérente, en tout cas, avec les tentatives de création d’une «culture d’entreprise», d’unsentiment d’appartenance à l’entreprise, qui constituent, au-delà des modes et des motsvalises,des mouvements de fond, transformant peu à peu la relation qui unit le salarié à sonentreprise. Certes, il y a toujours le lien de subordination, qui fait que le salarié reçoit desordres, ou des consignes, qu’il s’inscrit dans une organisation du travail que d’autres ontchoisie. Mais, en plus de ce lien de subordination, on voit apparaître ce qu’on pourrait appelerun «lien de connivence», parce que, de plus en plus, le succès ou l’échec de l’entreprisedépendent d’initiatives ou de comportements des salariés eux-mêmes.Cette ébauche d’une sorte de communauté de travail, conflictuelle etinégalitaire, il faut le souligner, va de pair avec les phénomènes d’exclusion durable dumarché du travail ou de précarisation soulignés plus haut. Loin d’être contradictoires avecelle, ceux-ci en sont la face cachée. D’une certaine manière, c’est parce qu’une masse nonnégligeable de personnes se trouvent exclues ou menacées d’exclusion que le sentimentd’appartenance à l’entreprise peut se renforcer et qu’il devient autre chose qu’un discourspaternaliste destiné à donner le change. On voit ainsi que le salariat est désormais parcouru deprofondes fissures, pour ne pas dire de réelles fractures: un salaire minimum pour tous ceuxqui ne sont pas suffisamment qualifiés, un contrat précaire pour beaucoup, mais aussi uneintégration forte dans l’entreprise pour un grand nombre et, partout où subsistent desorganisations bureaucratisées (administrations, grands établissements), des règles collectivesstrictes destinées à protéger les salariés contre les risques.Les règles d’évolution du salaire dans le temps, elles aussi, se modifient.Durant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, ce sont des procédurescollectives – conventions ou accords d’entreprise – qui, pour l’essentiel, ont réglé l’évolutiondes salaires. Les seuls cas d’évolution individualisée concernaient soit les cadres dirigeants,soit les salariés qui bénéficiaient d’une promotion. Il en est de moins en moins ainsi. D’abord,parce que la crise a provoqué un amenuisement de la négociation collective, notammentsalariale. Mais surtout parce que les processus d’individualisation ont beaucoup progressé: lesalaire évolue désormais au mérite. Cela ne va pas sans difficultés: car comment apprécier cemérite dans une économie où, on l’a vu, la mesure individuelle du résultat est de plus en plusproblématique ? Paradoxalement, l’individualisation des augmentations de salaires tend à segénéraliser au moment même où cette mesure individualisée n’est plus possible, alors que,61


lorsqu’elle l’était (travail non robotisé), c’était la règle de l’augmentation collective quiprévalait. En outre, les salariés ont souvent la conviction que cette individualisation prélude àdes licenciements, les moins bons devenant les victimes désignées en cas de compressiond’effectifs. Enfin, l’individualisation peut provoquer, au sein du collectif de travail, destensions génératrices d’inefficacité. Pour toutes ces raisons, l’individualisation desaugmentations de salaires n’est pas encore généralisée. Reste qu’elle progresse sensiblement,devenant peu à peu la norme dominante pour l’ensemble des salariés (sauf dansl’administration). L’individualisation, en effet, fournit à l’entreprise un mode de régulationsalariale très souple, puisque la masse salariale peut désormais évoluer de façon trèsirrégulière d’une année à l’autre, en fonction des résultats de l’entreprise. Ces vertus deflexibilité ne sont pas contradictoires avec l’instauration d’un salaire d’efficience destiné àfixer la main-d’œuvre la plus performante et à inciter les salariés à ne pas tricher dans leurardeur au travail. Mais le revers de la médaille est évident: au sein même du groupe dessalariés, les écarts peuvent se creuser, et l’homogénéité salariale, le creuset où naissait lafameuse classe moyenne, est fortement compromise. Ainsi, à la fracture qui sépare intégrés,exclus et possesseurs d’un emploi précaire s’ajoute une dispersion croissante au sein de lapremière catégorie. Les inégalités qui se creusent ne sont donc pas seulement statutaires, ellessont également salariales.Cette évolution n’est évidemment pas inéluctable. L’exemple japonais nousmontre qu’une autre issue est envisageable: c’est l’économie du partage. Une partieimportante de la rémunération, dans ce cas, est constituée d’un intéressement aux résultats del’entreprise. Lorsque ceux-ci se dégradent, la rémunération des salariés est donc réduited’autant, puisque la partie variable est comprimée, voire annulée. Cette compression de lamasse salariale, à son tour, favorise l’adaptation de l’entreprise: elle a moins besoin derecourir aux licenciements. À l’inverse, ce mode de rémunération facilite les embauches: pourl’entreprise, le coût d’un salarié supplémentaire se limite à la partie fixe du salaire (et descharges sociales correspondantes) puisque, si ce nouvel embauché n’engendre aucun résultatsupplémentaire, la partie variable qu’il recevra sera prélevée sur celle des autres salariés, quirecevront un peu moins à ce titre. Et si le salarié supplémentaire contribue à augmenter lerésultat de l’entreprise, tout le monde y gagne: les salariés comme l’entreprise. Il ne fait pasde doute que ce mécanisme, théorisé par Martin WEITZMAN 116 a permis à l’économiejaponaise de maintenir un quasi plein-emploi, même lorsque le taux de croissance est devenuproche de zéro, dans la première partie de la décennie de 1990. Dans ce cas, la flexibilité n’estplus recherchée à un niveau individuel, elle est appliquée à un niveau collectif. Mais celasuppose, on s’en doute, un fort consensus entre salariés, puisque, de fait, les embauchesnouvelles font peser sur les salariés en place la menace d’une réduction de leur rémunération,si ces nouveaux salariés n’engendrent pas un résultat en hausse suffisante.Le «modèle japonais» renvoie ainsi à un contexte culturel spécifique, ce quiexplique peut-être qu’il n’ait pas tendance à se généraliser, malgré ses vertus. Plus proche denous, en Allemagne, se dessine un «nouveau contrat social» qui vise à réduire en partie lafracture entre les salariés et les exclus, ou ceux que l’exclusion menace: en liant lesnégociations sur les salaires avec le niveau d’emploi, le syndicalisme allemand se déclare prêtà négocier globalement, non pas en fonction des intérêts des seuls salariés en place, mais enfonction d’un niveau d’emploi désiré. On voit bien, dans ce cas, les termes du contrat:modération salariale en échange de garanties sur l’emploi et sur l’embauche. Mais il est clairqu’une telle négociation implique deux conditions. La première concerne les entreprises ellesmêmes:dans une économie de marché, seuls de très grands groupes, ou des branches entières116WEITZMAN Martin, L’économie du partage, Ed. Lattès, 1985.62


d’activité, peuvent prendre des engagements sur le niveau d’emploi, puisque les entreprisesne commandent pas la demande. Ce type d’engagement repose donc sur une «mutualisation»de l’emploi, qui implique une très forte organisation des employeurs eux-mêmes. Quant à laseconde condition, elle concerne les salariés: le syndicat doit être en mesure de faire respecterles engagements (salariaux) pris au nom des salariés, ce qui ne peut être le fait que d’unsyndicalisme à la fois représentatif et fort. Ces deux conditions sont remplies en Allemagne,ce qui explique que ce type de négociation y soit possible. Mais elles ne le sont pas dansnombre de pays européens, à commencer par la France. Il n’est donc pas assuré que l’exempleallemand fasse tache d’huile.En un siècle, la nature des problèmes à résoudre a profondément changé: à unelutte pour le partage du revenu entre dirigeants et salariés se substitue de plus en plus (ous’ajoute) une lutte pour enrayer la décomposition du lien social. C’est que, en un siècle, lesalariat a changé: de groupe social minoritaire cherchant à faire prévaloir sa légitimité, il estdevenu statut social, conditionnant bien souvent l’intégration à la société.La fixation du salaire est, depuis quelque deux siècles, déterminée librementsur le marché du travail en fonction de l’offre et de la demande. Certes, on l’a vu, cefonctionnement libéral a été progressivement pondéré par des interventions publiques ou desconsidérations sociales, surtout depuis une cinquantaine d’années: salaire minimum, accordscollectifs de branche, etc. Mais il s’agissait de limitations au principe, pas d’une remise encause. Or, avec la montée du chômage de masse, la «loi du marché» aurait dû aboutir à unebaisse des coûts du travail et donc une baisse des salaires.63


B. <strong>LE</strong> TRAVAILL’apparition du mot «travail» est relativement récente. Cela ne signifie certespas que la réalité désignée par ce mot le soit également, ni qu’il n’existât jamais de sociétés selivrant à la complète oisiveté. Il n’est pas jusqu’aux économies de cueillette, cas limite, oùl’on ne puisse déjà, selon certains points de vue, commencer à parler de travail. Mais à aucunmoment, là même où l’action sur la nature est la plus manifeste et la division du travail la plusélaborée, une société ne s’est aussi délibérément qu’aujourd’hui perçue comme orientée par letravail.L’exemple de la Grèce antique, remarquablement analysé par Jean-PierreVERNANT 117 , nous montre ce qui fit longtemps défaut pour que le travail acquît une placeaussi centrale. L’artisan, a fortiori l’esclave ne pouvaient en effet se concevoir commeproducteurs de valeur sociale: leur situation relevait du rapport de service, leur productionn’était évaluée que sous son seul aspect de valeur d’usage, valeur immédiate, de celui auquelelle était directement destinée. Rien par conséquent, dans des rapports aussi personnalisés,n’incitait à ce que fussent comparés entre eux les divers métiers, à ce qu’une communemesure s’en dégageât d’où pût naître l’idée de ce que MARX appellera le travail abstrait.Aussi n’est-ce pas en raison de leur rapport de travail que les artisans sont citoyens, mais pardelàet malgré cela.Les manufactures sont à l’origine de la distinction tranchée entre travail et nontravail.Cette distinction n’est pas mineure, ni fortuit le lieu où elle s’est opérée: c’est lecapitalisme industriel qui a donné naissance à la conception moderne du travail. Avec lemarché et le salariat, tous les travaux effectués dans une société doivent être comparés, mis enrelation les uns avec les autres; le travail n’est plus perçu seulement sous son aspect concret,comme valeur d’usage, mais – et cela, en lui donnant une commune mesure, en révèlel’unité – comme valeur d’échange. C’est désormais par son apport de travail que chacunparticipe à la société, conçue elle-même comme essentiellement définie par le travail.L’application croissante du terme de travail à d’autres activités qu’à celles pourlesquelles il était à l’origine plus particulièrement réservé, à savoir à l’activité ouvrière deproduction, montre que ce processus n’a fait que se généraliser. Cela est dû, entre autres, àl’extension du salariat, au rapprochement entre le travail ouvrier et le travail de bureau enraison de l’évolution technique, au fait que, pour les économistes eux-mêmes, la distinctionentre secteur secondaire et secteur tertiaire se révèle aujourd’hui problématique dans bien descas.Dans la vision prométhéenne de la société, prévalente depuis un siècle, laconception du travail comme création, liberté (n’est-il pas, selon MARX, l’activité parlaquelle l’homme, en transformant la nature hors de lui, transforme aussi sa propre nature ?)contraste singulièrement avec cette autre évidence: le travail est nécessité, discipline. Enréalité, cet aspect de contrainte ne se réfère nullement à l’effort qu’il importerait de déployerpour domestiquer la nature. Il renvoie au mode d’organisation sociale pour y parvenir, c’est-àdireà la division sociale et technique du travail; n’est travail que l’activité productrice117Jean Pierre VERNANT, Les origines de la pensée grecque, coll. Mythes etreligions, 128 p., Paris, PUF ; coll. Quadrige,1962. Jean-Pierre VERNANT,né en 1914 à Provins, historien et anthropologue français, spécialiste dela Grèce antique et plus spécialement des mythes grecs. Il est professeurhonoraire au Collège de France et l'un des héros de la Résistance.64


d’utilité, effectuée comme une obligation par l’individu dans la place précise qui lui estassignée. C’est justement le propre de ceux qui imposent une division du travail que detoujours la présenter comme nécessité naturelle ou technique, masquant par là ce qu’ellecomporte aussi de modalité de domination sociale. L’histoire de l’organisation scientifique dutravail est à cet égard exemplaire. Alors que la division du travail se montre là plus conscienteet volontariste qu’elle ne fut jamais, elle est construite, justifiée et présentée comme ordrerationnel s’imposant de soi. Il est remarquable à l’inverse que les procédés et utopies sepréoccupant de «satisfaction» ou de «joie au travail», contraints de se tourner du côté dutravail comme création, aboutissent d’abord et toujours, de quelque manière, à une mise encause de la division du travail, quand ce ne serait que par l’élargissement des tâches (jobenlargement).L’un des révélateurs de la place privilégiée accordée au travail, on le verra parles articles qui leur sont consacrés ci-dessous, est la naissance et la multiplication depuis unsiècle de sciences particulières le concernant. Ces dernières, à l’origine branches particulièresd’une discipline plus générale, ont rapidement acquis une autonomie et le statut de sciencefondamentale; en même temps qu’elles révélaient sur le travail un aspect qui n’avait pas étéperçu auparavant, elles devaient adopter pour le faire une démarche originale par rapport à ladiscipline dont elles étaient issues. Ce processus, visible pour la sociologie du travail, l’estpeut-être plus encore pour la psychologie et la physiologie du travail (ergonomie). Dans tousles cas, le domaine désigné se trouve dans l’imbrication du naturel et de ce que l’on pourraitappeler l’humain (le social, le psychologique, etc.), le naturel en tant qu’il est objet detransformation, l’humain en tant qu’il est pénétré de nature.Mais cette place privilégiée accordée au travail apparaît mieux encore lorsqueles points de vue et les méthodes propres à ces nouvelles disciplines servent à leur tour demodèle et sont appliqués dans des domaines autres que le travail. C’est au sein de lasociologie industrielle et initialement très liée à sa problématique qu’est née, entre autres, lasociologie des organisations. La physiologie du travail trouve son application dans le sport.Ce qui est vrai pour les sciences l’est pour les pratiques et les institutions nées àpropos du travail. Elles étendent leur champ – ainsi le droit du travail, limité originairementaux relations individuelles entre employeurs et salariés, qui s’applique de plus en plus à desgroupes organisés avec l’État comme partie prenante – ou servent de modèle à des pratiquesen dehors de ce domaine. C’est dans l’entreprise, où elles sont restées longtemps confinées,que sont nées les méthodes et les techniques de rationalisation que l’on voit aujourd’hui serépandre dans de nombreux secteurs de la vie sociale.Aujourd’hui, on parle volontiers de sociétés postindustrielles. Chacun yprojette ce qu’il désire ou ce qu’il craint. Pour les uns, frappés par le caractère prométhéen dessociétés industrielles, les sociétés à venir ne seraient qu’une «routinisation» des précédentes,une exploitation de l’acquis, une sorte de repos après l’immense effort accompli. Pourd’autres, elles seraient plus consciemment volontaristes que ne le furent les sociétésindustrielles. Pour tous, le travail y prendra d’autres formes que celles qu’il a euesjusqu’alors. Ces sociétés iront-elles, certaines anticipations n’hésitent pas à l’envisager,jusqu’à rejeter le travail au rang des objets historiques ? Effectuant leurs analyses à plus courtterme à partir du présent, des auteurs indiquent ci-dessous dans quelles directions deschangements s’opèrent quant à la division du travail, quant aux formes et lieu du pouvoir, etquant à certaines caractéristiques démographiques de la population active.65


Que le travail soit douloureux, pesant ou captivant, il dévoile toujours uncomportement forcé, suscité par le besoin, défini par des règles ou des directives, assujetti àdes normes. On ne peut vivre et agir dans nos sociétés sans se situer dans la distributioncollective des tâches et sans prendre parti dans les dissensions qu'elle suscite 118" L'analyse du travail, c'est celle des conflits du travail ". C'est une traditiondans les sciences humaines de faire précéder la description de l'antagonisme par celle del'harmonie, considérée comme la situation originelle. Ce postulat est particulièrementcontestable. On peut penser que le travail est par nature le théâtre et l'enjeu d'une lutte, que lasociologie ne pourrait négliger sans perdre son objet comme le dit NAVIL<strong>LE</strong> 119 en 1981. Lasociologie du travail est comme toutes les sciences, elle transforme les questions qu'on luipose plutôt qu'elle ne les résout.Le travail est à la fois la peine, la frustration, l'ennui et la satisfaction. Il varieavec la matière à traiter, les outils, l'organisation du travail, l'administration de l'entreprise, lanation. C'est une juxtaposition de contraintes, d'habitudes, de conventions, de règlements, delois. C'est un ensemble de sentiments, d'espoirs, de déceptions, de réactions à partir desquelsse fixe une attitude générale envers la société. Ces caractères se relient à coup sûr les uns auxautres, et se combinent, pour chaque travailleur, en une expérience formatrice.On peut considérer le travail comme une fonction attestée tout au long del'histoire humaine. Le sujet est alors la société elle-même. Toute collectivité, quelle qu'ellesoit, oriente une partie du temps d'activité de ses membres de manière à assurer leursubsistance, et à renouveler ses propres structures ; et il faut bien que cette nécessité se réalisepar des mécanismes sociaux qui distribuent les individus entre les différentes opérations etrelient, d'une façon ou d'une autre, le droit de participer au groupe avec l'effort fourni.La contrainte du salarié dans l'entreprise, telle qu'elle est éprouvéejournellement aujourd'hui, n'est pas la simple transmission mécanique d'une fatalité éternelle.Dans le sens où il désigne un comportement forcé et normé, le travail, tel que nous leconnaissons est au contraire relativement récent. En témoignent les termes même quil'expriment, et qui sont dans toutes les langues modernes dérivés ou transposés. En français, letravail était d'abord le tourment et la torture, et qualifie encore les douleurs del'accouchement. Dans d'autres langues, il est nommé à partir de racines propres à des tâchesplus anciennes, agricoles ou artisanales (labour, en anglais), à l'activité en général, ou à dessituations sociales archaïques (l'esclave, en hébreu).Le travail a dû, à un moment donné de l'histoire, être dénommé en lui-même,indépendamment de son point d'application particulier. Il s'est distingué des autres activitéssociales, et s'est mis à obéir à des règles et des objectifs autonomes. En même temps, ils'isolait de l'individu qui l'accomplit. Le travail, comme le travailleur, ne deviennent visiblesqu'en se dissociant l'un de l'autre. La nécessité sociale de produire ne se réalise plus par unespécification de l'individu, lequel serait affecté, de sa naissance à sa mort, à une tâche118ERBES-SEGUIN, S, Le travail dans la société, bilan de la sociologie dutravail, tome 2, libre cours, PUG, 1999.119NAVIL<strong>LE</strong>, P., Sociologie d’aujourd’hui, Ed. Economica, 2001. NAVIL<strong>LE</strong>Pierre, 1904-1993 dont le nom est attaché, dans l’histoire des idées duXXe siècle, au mouvement surréaliste et au développement de la sociologiedu travail. Cf biographie complète en fin de thèse.66


productive. Elle se traduit par un comportement spécifique imposé à des sujets libres, c'est-àdireen fin de compte détachés de toute attache avec la production.Personne n'est, dans nos sociétés, promis d'avance à un métier, à une fonction,à un poste, à une qualification. Dépourvu des moyens d'exister socialement, de produire luimême,l'individu devra s'enrôler dans une institution économique. S'il est propriétaire de telsmoyens, il peut à tout moments les aliéner. Le statut acquis par l'intermédiaire de l'emploi esttoujours éphémère et toujours révisable.Dans les sociétés plus anciennes que les nôtres, le travail est au contrairemobilisé par le biais d'une définition sociale du travailleur, laquelle fixe l'application, laforme, l'usage de l'effort. Le travail ne prends pas la forme d'une astreinte particulière, d'uncomportement forcé, mais se fond dans un ensemble réglé de relations. Si l'esclavage, leservage ou la caste s'organisent d'abord comme des mécanismes de mise au travail, ils n'ensont pas moins expérimentés comme des situations sociales spécifiques, distingués par desprivilèges et des frustrations, un mode d'accès à la consommation, des droits et des devoirsparticuliers, un statut politique, le tout redoublé et sanctionné par des prescriptionsreligieuses.Dans nos sociétés contemporaines, contrairement à toutes les autres, le régimeproductif se caractérise par la rupture intervenue entre le travail et le travailleur. Les théoriessociologiques s'opposent d'ailleurs les une aux autres selon l'interprétation qu'elles donnent decette séparation, et le destin qu'elles lui prévoient. On parle donc du travail comme unefonction nécessaire de toute collectivité ou comme d'une situation précisément repérée etdatée.La qualification du travail désigne une situation individuelle, l'adaptation actived'un salarié à son poste, mais elle est en même temps l'élément d'une échelle de statut derémunération.Tout individu a besoin de travailler pour subvenir à ses besoinséconomiquement parlant mais aussi pour faire partie intégrante de la sociétéhiérarchiquement et socialement parlant. Un métier donne le pouvoir d'achat par larémunération qu'il procure et le pouvoir d'intégration dans la société par le statut et l'utilitéqu'on reconnaît à celui qui le détient : travailler procure un salaire pour existeréconomiquement, le statut hiérarchique professionnel procure une place dans la société ce quipermet d'exister socialement.Lorsqu'un salarié perd son travail alors qu'il est encore répertorié dans lacatégorie de la population active de par son âge, il est exclu de la sphère de la production etensuite de celle de la consommation. Le reclassement professionnel proposé par un cabinet degestion des ressources humaines va consister officiellement à réintégrer le salarié à un posteéquivalent à celui perdu ou du moins à un poste où ce salarié a des perspectives d'évolutions.Pourtant, lorsqu'un salarié entre dans ce genre de cellule de reclassement professionnel, c'estdéjà bien souvent parce que l'entreprise ne lui a pas trouvé autre chose dans sa proprestructure. Ce sont des salariés qui souvent ne sont plus très jeunes, ils ont une histoiresalariale et sont bien placés dans la hiérarchie du monde du travail. On est alors en droit de sedemander si ce reclassement professionnel sur le marché de l'emploi et du travail necorrespond pas à un déclassement hiérarchique du salarié "replacé" plus que "reclassé".67


Le travail englobe la formation, élément d'un rapport entre la préparation autravail et l'exercice qui se développe tout au long de la vie du salarié, la rémunération quifinance différents besoins, l'emploi recoupement d'une opération déterminée dans unprocessus économique et d'une mobilisation de la force de travail. Le travail est donc unélément important du quotidien, il fonde la société et lie les individus qui la constitue.1° Le travail et la sociétéDans cet article Bernard PERRET 120 administrateur de l'Insee et rapporteurgénéral du Conseil scientifique de l'évaluation analyse les débats sur le travail. Une partie dela difficulté des débats sur le travail vient du fait que ce terme désigne à la fois une réalitéuniverselle, constitutive de la condition humaine depuis l'origine, et une notion récente,surchargée de significations propres à l'ère industrielle. Si l'on retient une définition large dutravail, il n'y a guère de sens à dire qu'elle se raréfie, sauf à nier que les hommes ont lacapacité de se rendre des services toujours plus diversifiés.La liste est longue des demandes et besoins mal satisfaits auxquels ont pourraitrépondre en mobilisant des forces de travail inemployées. Reste à comprendre pourquoi il estdevenu si difficile de transformer le travail potentiel en "emploi", c'est-à-dire en rapport socialconforme aux normes de rémunération et de statut en vigueur dans notre société. Après vingtans de crise, il semble pour le moins naturel de faire l'hypothèse que cette difficulté a uncaractère structurel. Il est étonnant que l'on continue à rechercher des causes circonstanciellesau chômage (erreur de politique économique, mondialisation, rigidité du marché du travail,...)sans voir que la déstabilisation de la société salariale est d'abord la conséquence endogène detransformation du travail humain.Par delà les enseignements évidents que l'on peut tirer du modèle américain -dans une économie postindustrielle, la création d'emploi est facilitée par la déréglementationet l'acceptation des inégalités-, il se pourrait bien que l'évolution économique ruine lacohérence du "système social du travail" hérité des deux derniers siècles. Quand nous parlonsde travail, nous avons en tête1) une activité susceptible d'être reconnue comme utile par la société;2) une ressource économique homogène et quantifiable;3) un système unifié de rapports sociaux dont la forme dominante est le salariat.Cette manière de penser le travail n'a rien d'universel: dans les sociétéstraditionnelles, l'activité humaine était connue comme hétérogène. Les tâches accomplies parle paysan, l'artisan, le domestique ou le clerc ne pouvaient d'aucune façon être mises enéquivalence: le travail était une condition sociale avant d'être une ressource économique. Toutchange à l'aube de la révolution industrielle, et l'on voit alors s'amorcer un processusd'unification du travail, d'abord dans les théories économiques et ensuite dans les formesd'institutionnalisation des rapports sociaux. Dans le même temps, le travail est doublementpromu, comme source de toutes les richesses et comme fondement de l'autonomie sociale desindividus.120PERRET, B., le travail contre la société, Libération - débats le4/8/1997.68


L'émergence de la conception moderne du travail est liée à l'évolution des idéessur les fondements de la société, au passage d'une société d'ordre à une société dont lastructure est censée émerger de la libre activité des individus. Mais elle porte aussi la marquedes changements intervenus dans la réalité matérielle du travail, avec la montée en puissancede cette forme particulière du travail qu'est le travail productif dans l'industrie manufacturière.Pour les pères fondateurs de l'économie politique, le seul vrai travail est le travail "productif"par lequel l'homme transforme la matière en marchandises, distinct de l'activité"improductive" des clercs et des tâches "reproductives" effectuées par les femmes et lesserviteurs. Le fait que cette distinction n'ait plus cours dans la théorie économiquecontemporaine ne signifie pas qu'elle n'ait aucune portée. Les interrogations actuelles desstatisticiens sur la mesure de la productivité dans les services (comment mesurerl'accroissement de productivité d'un hôpital ?) en fournissent d'ailleurs une preuve indirecte.Quoi qu'il en soi, la plus grande partie de ce que nous appelons aujourd'huitravail est constitué d'activités qui en avaient été exclues par les penseurs à qui nous devonsune partie de nos représentations collectives de l'économie et de la société. Au-delà même dela croissance des activités de service, les caractéristiques du travail humain se modifient dansl'ensemble de l'économie.On assiste à une "tertiarisation" du travail, entendue comme irruption massivede l'immatériel et du relationnel au cœur des activités économiques. Le noyau dur du travailproductif s'évide sous l'effet du progrès technique, et l'activité humaine se recompose à lapériphérie et aux interfaces des systèmes productifs automatisés. On voit se développer destâches et fonctions très différenciées au sein desquelles on distingue quatre grandsparadigmes, caractéristiques de la spécificité de l'activité humaine, de ce qui lui assureratoujours une supériorité sur la machine.Ces quatre paradigmes sont les suivants:1) le savoir, la création et la communication (l'immatériel);2) les soins, l'accueil et la relation (la prise en charge de l'humain);3) la sécurité, la surveillance et la supervision (la gestion de l'incertitude);4) le nettoyage, la maintenance et la réparation (la lutte contre l'entropie).Il en résulte un processus de différenciation du travail, selon plusieurs axes:Qualifications et compétences, conditions matérielles et intérêt des tâches,configuration des rapports sociaux, modalité d'évaluation, etc. de manière corrélative, le vécudu travail perd de sa spécificité, et tout ce qui le distinguait des autres compartiments de la viesociale s'estompe. Les trois unités, de lieu, de temps et d'action, qui caractérisaient le travailindustriel, volent en éclats.Unité d'action: le travail devient plus autonome, et le rapport de subordinationfait place à une contrainte multiforme exercée par les clients, les partenaires, etc. On assiste àune différenciation des formes d'engagement, à une diversification des rapports sociaux dansle travail.Unité de lieu: l'emploi décline dans les grands ateliers. On travaille dans lespetites équipes, on se déplace à domicile, etc.Unité de temps: on assiste à une synchronisation et à une interpénétration detemps sociaux de moins en moins structurés par l'organisation collective du travail.69


Pour qu'un service soit rendu, il faut qu'un prestataire rencontre un client, cequi suppose que l'un travaille quand l'autre ne travaille pas.Le travail d'hier n'a pas disparu pour autant, et l'on assiste, ici ou là, à desrésurgences du taylorisme 121 . Mais les tendances que l'on vient de décrire sont assez nettespour modifier les processus de socialisation par le travail et le fonctionnement du marché del'emploi. Sans entrer ici dans le détail, on se bornera à pointer la contradiction majeure surlaquelle elles débouchent. La division sociale du travail atomise les travailleurs, à rebours dumouvement de massification provoqué par la révolution industrielle. Le travail devient unterrain d'autonomisation, de promotion et de mise en compétition des individus, au détrimentde ses fonctions d'intégration collective et de production de normes sociales. Or, dans lemême temps, notre culture politique continue d'exiger que l'on rende compatiblel'émancipation individuelle et l'homogénéisation de la société. Voilà réduite à l'essentiel, lacontradiction fondamentale dans laquelle nous nous débattons. De quoi renvoyer dos à dosceux qui attendent tout de la croissance, ceux qui cherchent toutes les solutions possiblespour faire un maximum de profit et ceux qui pensent qu'il suffirait de travailler moins pourdonner un emploi à tous.Sans verser dans la facilité d'un discours anti croissance, ces constats devraientconduire à chercher d'autre solution à la crise de l'emploi que la monétisation forcenée desactivités humaines. C’est tout le sens de l'idée d'économie plurielle, reposant sur unediversification des formes d'activité, d'échange et de reconnaissance sociale. Il ne s'agit pas àproprement parler de relativiser le travail mais de le réinscrire dans une vision globale desprocessus de socialisation et de production d'utilité collective.La notion de travail se transforme 122 d'une étape du développement à lasuivante; il n'est donc pas étonnant que se répande l'illusion de la fin du travail, chaque foisque l'on sort d'une de ses étapes pour entrer dans une autre. Au début de l'industrialisation,comme l'a rappelé Robert SOLOW, prix Nobel d'économie, à propos des économiesémergentes d'Asie, il suffit d'accumuler du capital et du travail. Celui-ci est directementproductif, travail agricole ou industriel. Dans une telle situation, une croissance rapide estassez aisée à obtenir. Appelons primaire ce secteur des activités directement productives.Vient ensuite une étape où l'efficacité économique dépend de plus en plus de lacapacité de mobiliser de ressources diverses: éducation et formation, administration publique,services bancaires, télécommunications et même opinion publique.L'économiste Fernando FAJNZYLBER 123 a parlé ici de "noyaux endogènes dedéveloppement", et l'analyse du développement a parlé de croissance auto entretenue (selfsustaininggrowth). La notion de travail se transforme alors et surtout s'étend, puisque lesfacteurs indirectement productifs prennent une importance croissante et qu'on s'éloigne desconceptions étroites de la production de style physiocratique ou saint-simonien. En plus,l'entreprise industrielle ou administrative, privée ou publique, comprend une proportionrapidement croissante de travaux d'encadrement, de prévisions, d'études de marché, de gestion121TAYLOR, Frederick Winslow, The Principles of Scientific Management,Gutenberg, 1911.122Le travail mutant par Alain Touraine lors d’une enquête sur le travail:changer, partager, reconstruire? Sociologue, dernier livre paru Pourronsnousvivre ensemble? Fayard, 395 pp, Paru le 15 juillet 1997.123FAJNZYLBER Fernando, Industrialization in latin America : from the blackbox to the empty box, Ed. United natio, 1990.70


juridique ou de politique des ressources humaines. De telles sociétés industrielles prennentconscience qu'elles sont des sociétés de travail où tous les secteurs d'activité doiventcontribuer au bon fonctionnement de l'économie. Ce qui n'exclut nullement qu'ils aient enmême temps d'autres finalités, de type culturel, social ou politique. Nous avons vécu dans cetype de société, surtout pendant la période de reconstruction et de modernisation de l'aprèsguerre.On pourrait appeler secteur secondaire celui de ces facteurs indirects de production.Beaucoup plus récemment s'est développé une conception de l'activitééconomique aussi différente de celle précédemment évoquée que celle-ci l'était de celle oùdominait le travail indirectement productif. Nous avons pris conscience de la fragilité de nossociétés complexes et changeantes, surtout quand s'est terminé la phase de reconstructionnationale et que nos économies ont été exposées au développement rapide du capitalismefinancier internationalisé, à l'apparition de nouveaux concurrents et à des innovationstechnologiques accélérées. Nous avons compris que l'avenir économique de notre sociéténous imposait de prendre en considération des facteurs encore plus indirect du niveaud'activité. L'idée principale est ici l'importance des risques auxquels est exposée notre société,idée à laquelle le sociologue allemand Ulrich BECK 124 a été le premier à donner toute sonimportance. L'action des écologistes a donné une grande visibilité à ce thème qui a abouti àremplacer l'idée de croissance auto entretenue par celle de développement durable(sustainable growth). Protéger l'environnement, lutter contre la crise urbaine, assurer l'entréedes jeunes ou des immigrés dans la vie économique et sociale, prendre en charge lespersonnes âgées dépendantes, éviter les phénomènes de ségrégation ou répondre aux crisesd'identité personnelles, assurer le respect des minorités, voilà toute une série de fonctions quine peuvent plus être considérées comme appartenant au monde de la consommation ou auxbesoin de l'intégration sociale. La part des composantes psychologique, sociales et culturellesdans l'activité économique s'accroît. Nous sommes bien préparés à comprendre ledéveloppement rapide de ce secteur et sa contribution à l'activité de production, puisque nousconsacrons une forte partie de notre revenu national aux soins médicaux et à la sécuritésociale sous toute ses formes, et que nous voyons augmenter rapidement, pas assez,l'"écobusiness", c'est à dire les actions économiques de protection de l'environnement qui sontnécessaire à notre survie et pas seulement à notre agrément. La catégorie de "services", quidéfinissent le secteur tertiaire dans les anciennes classifications et qui a toujours été un fourretout,doit donc disparaître dès lors qu'elle représente les deux tiers de la population active.C'est pourquoi nous appelleront tertiaire ce secteur de la prévention des risques et detraitement des accidents et des crises personnelles et collectives.Si l'on définit le travail par la participation à ce qui est considéré commel'activité économique, c'est-à-dire ce qui détermine le niveau de productivité et deconsommation d'une collectivité, on voit que le développement économique conduit à élargirde plus en plus la notion de travail. De plus en plus d'activités sont rattachées au système deproduction et deviennent donc des déterminants du niveau de consommation.Il est par conséquent paradoxal de parler de fin du travail ou d'imaginer unesociété dans laquelle le travail occuperait une place restreinte ou marge marginale. Cetteillusion vient de ce qu'on reste attaché à l'image primitive du travail. Il est vrai que le travaildirectement productif - agriculture, industrie, transport de biens matériels occupe une partdécroissante de la population. Il est plus vrai encore que les activités non qualifiées résistentde plus en plus mal à l'automatisation des fabrications et à la concurrence des pays à bas124BECK, U, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité.Flammarion, 522 pages, Champs 2003.71


salaire. En même temps, le travail fatiguant, parce qu'il devient minoritaire, apparaît commeune charge qui doit être compensée par une durée du travail plus courte, dans l'année commedans la vie. Et cela d'autant plus que les entreprises en difficulté, soumises à une concurrenceâpre, tendent à "faire suer le burnous". Que la durée du travail diminue pour ce type d'activitéest tout à fait normal, à condition d'ajouter que cette durée doit tendre à augmenter pour lesactivités les plus tertiaires et pour les secteurs de haute technologie et de concurrence ouverte.Ici, comme dans tous les domaines, l'idée d'égalité doit être remplacée par celle d'équité et dediscrimination positive. Il es normal d'accorder une retraite précoce à ceux qui ont exercé uneactivité fatigante et pauvre en satisfactions personnelles, et de demander plus d'annéesd'activité à ceux dont le travail est un facteur de développement personnel, comme leschercheurs, les enseignants, les technologues, les médecins, les administrateurs etgestionnaires, etc. Constatation de bons sens, qui a conduit depuis longtemps à diminuer lapériode d'activité de certaines catégories comme les mineurs.Un des principaux obstacles au développement est la résistance de beaucoup desecteurs à entrer dans le monde de la production, et à la défense par eux de statutsprofessionnels, de règles administratives ou de formes d'activité économiques qui sontétrangers aux nouvelles conditions de la production, de l'innovation et de la concurrence.Cette évolution et cet élargissement du système de production ne recouvrentd'aucune manière l'ensemble de notre vie. On voit au contraire aujourd'hui, comme tout aulong de l'histoire des sociétés modernes, se développer l'individualisme moral, la consciencede soi, la recherche de la liberté et de la créativité, et donc de l'indépendance de la vie privéepar rapport à l'activité économique. La conception élargie du travail non seulement n'ignoreou ne détruit pas ce que l'on peut appeler la vie personnelle, mais au contraire le progrès dedeux faces, publique et privée, de notre vie est parallèle et s'opère aux dépend desmécanismes de conservation et de reproduction sociale, des rites, des hiérarchies et desidéologies essentialistes.Opposer les contraintes du travail et la liberté des loisirs était relativementacceptable lorsque le secteur primaire occupait la première place. C'est une conception deplus en plus fausse dans une société où la proportion des emplois qualifiés et hautementqualifiés ne cesse d'augmenter. La lutte contre le chômage, objectif prioritaire, à certainementbesoin du partage du travail, mais celui-ci n'aurait aucun sens si on ne reconnaissait pas lavaleur, personnelle autant que sociale, du travail.2° Le travail et les théoriesPendant très longtemps on a pensé qu'une entreprise bien organisée était uneentreprise qui arrivait à avoir un taux d'occupation de sa main-d'œuvre le plus élevé possible.C'est ce qu'on appelle dans le langage technique de la gestion, le taux d'engagement de lamain-d'œuvre. Cette main-d'œuvre est engagée à produire: à engendrer des flux de biensmatériels si on se situe dans l'industrie, à engendrer des flux de services si on est dans letertiaire.Cette approche relative au taux d'engagement de la main-d'œuvre estdirectement issue de la réflexion de TAYLOR sur la flânerie systématique des ouvriers. Lesingénieurs-organisateurs du début du siècle et leurs successeurs ont décidé de lutter contrecette flânerie et posé comme l'un de leurs objectifs d'avoir un taux d'occupation maximum de72


la main d'œuvre, un taux d'utilisation maximum à accomplir des gestes productifs. Pendantque l'ouvrier parle ou pense, il n'est pas productif.Le deuxième grand trait de cet héritage a consisté, dans les années 70, à décrireles postes de travail pour y affecter des listes de tâches que la personne occupant le poste, doitexécuter, ceci pour hiérarchiser les postes en fonction de leur niveau de complexité ou deresponsabilité. Résultat: la compétence des personnes (des humains) n'est saisiequ'indirectement. La qualification est la capacité à occuper un poste du mieux possible.L'effort a porté sur l'analyse d'un emploi et non sur la détermination de la compétencehumaine. La compétence d'une personne n'était pas étudiée en tant que telle, elle ne l'esttoujours pas. Aujourd'hui, ce qui importe est la "capacité" à occuper tel ou tel emploi.Le troisième trait de l'héritage Taylorien est lié à la productivité du travail, audébit de la personne à son poste. Cette notion de débit n'est pas simplement présente dansl'industrie, elle a pénétré dans le tertiaire, même si ce qu'on produit n'est pas toujours évidentà définir. Si travailler efficacement c'est avoir un débit le plus rapide possible, alors leproblème de la résorption du chômage est loin d'être résolu, car plus les débits sont élevés, àvolume de production relativement constant, moins on a besoin d'emplois...Si la notion de productivité du travail est aussi importante, c’est que lacroissance économique et la santé du pays en dépendent. Dans des modèles de ce genre, letravail étant en rapport de complémentarité avec le capital, la détermination du produit à partirde sa relation avec le travail, P = P (L), doit concorder avec la détermination précédente,P = P (K), faute de quoi le processus de croissance serait déséquilibré et dégénérerait soit enchômage, soit en inflation.Là encore, le problème doit être abordé à la fois du point de vue de l’offre et decelui de la demande du facteur travail. On peut remarquer que cette offre et cette demande dufacteur travail, noté jusqu’à présent L, doivent être appréciées en tant que potentiel deproduction en tenant compte de la quantité de travail disponible N, mesurée en nombred’heures (ou au moyen d’indices de la population active, du taux d’activité, etc.), et de sonniveau d’efficience A. En effet, une heure de travail à un niveau d’efficience double vautautant en capacité productive que deux heures de travail à un niveau d’efficience simple, detelle sorte que L = A e N.Considérons en premier lieu l’offre et la demande de travail en tant quequantités du facteur N, abstraction faite des effets que le progrès technique peut exercer sur laproductivité du travail.Par rapport au capital, l’offre de travail varie de façon exogène en fonction defacteurs démographiques. Considérons l’hypothèse où, en conséquence de ces facteurs, lapopulation active s’accroît de façon régulière à un taux constant n. Ce taux est généralement,dans les pays développés du moins, nettement inférieur au taux d’accroissement du produit.En reprenant l’exemple numérique précédent, où p = 5 %, nous supposerons que n = 2 %.Apparemment, le taux p prévu ne pourra être obtenu, faute d’une croissance suffisante de laforce de travail. Néanmoins, jusqu’à ce point du raisonnement, en assimilant L à N on anégligé l’effet éventuel d’une amélioration de la productivité de la main-d’œuvre.73


Il est possible d’en tenir compte indirectement en prenant en considération lecoefficient d’élasticité à long terme de la demande de main-d’œuvre par rapport à laproduction. En supposant que cette élasticité est constante, l’équation de la demande detravail s’écrit C étant une constante et e étant la valeur du coefficient d’élasticité enquestion (coefficient de VERDORN 125 ) qui mesure la proportion dans laquelle une variationde N entraîne une variation de la demande de travail (lg N = e lg P).Le taux de croissance du produit est déterminé à partir du potentiel deproduction que constitue le travail, en supposant que la valeur de e est égale à 0,4, pour untaux de croissance de la quantité de travail disponible n = 2 %, le taux de croissance duproduit p sera de 5 %, c’est-à-dire que, dans ce cas, la détermination du taux de croissance àpartir du capital et sa détermination à partir du travail coïncideront.Les calculs faits sur la valeur de e montrent qu’effectivement celle-ci estnettement inférieure à l’unité. Cela revient à dire que, abstraction faite des influencescycliques ou momentanées qui peuvent s’exercer sur l’élasticité de la demande de travail parrapport à la production, l’accroissement de la production demande un accroissement moinsque proportionnel du nombre des heures de travail fournies dans les mêmes unités de temps.Cette constatation donne à penser qu’il se produit au cours du temps uneamélioration à taux constant de la productivité de la main-d’œuvre; celle-ci peut compenserl’insuffisance de n relativement à p. Cela amène à prendre en considération le progrèstechnique et ses effets sur la productivité.Dans tous les cas où n S p, p étant déterminé par les équations d’offre et dedemande du capital, la productivité du travail doit s’accroître à un taux a tel que: n + a = p.Dans l’exemple numérique sur lequel nous avons raisonné précédemment, le progrèstechnique doit avoir pour effet d’accroître la productivité du travail à un taux de 3 p. 100 pourque le taux d’équilibre de la croissance du produit (p = 5 %), que nous avons établiprécédemment à partir des rapports entre le capital et le produit, soit vérifié.Cela implique un certain nombre d’hypothèses quant à la forme et aux effets duprogrès technique. Il bénéficie intégralement à la main-d’œuvre, dont la productivité moyennepar heure de travail P/N s’accroît régulièrement (dans l’hypothèse où n S p ). La productivitédu capital P/K, reste en revanche constante. Dans ces conditions, le coefficient d’intensitécapitalistique est croissant si on le mesure comme étant le rapport K/N, c’est-à-dire le capitalemployé par heure de travail. Mais si on le mesure comme étant K/L, compte tenu del’élévation régulière du niveau de productivité de la main-d’œuvre au taux a, ce rapport reste125Au-delà du thème du réglage fin de l'économie, le Keynésianisme a donnélieu à de nombreux développement reprenant des approches initiées parKEYNES lui-même. C'est le cas en particulier de l'école de la concurrenceimparfaite. D'autre part une assez vaste réflexion sur la répartition desrichesses et sur le partage de la valeur ajoutée a été menée avec enparticulier à cet égard les travaux de Robinson et de Kaldor avec à la foisune réflexion sur le gain de productivité qui est source de croissance etqui a donné lieu à la loi de Kaldor VERDORN et aussi de gain deproductivité comme élément déterminant du partage de la valeur ajoutée eten particulier de la progression salariale. Kaldor arrive d'ailleurs à desconclusions assez optimistes en montrant que le taux d'épargne et le rythmed'accumulation du capital peuvent permettre d'obtenir une croissanceéquilibrée. Globalement ces théories de la répartition ont souligné lesvertus de maintenir un rythme de progression salarial suffisant.74


inchangé. Toute situation où le progrès technique ne serait pas neutre en ce sens qu’ilaboutirait à faire varier le rapport K/L (neutralité du progrès technique dite «au sens deHARROD 126 » dans la littérature économique), remettrait en question les hypothèses à la basedu modèle, à savoir l’invariance des techniques de production et la complémentarité desfacteurs.La condition la plus générale d’équilibre de la croissance, impliquantl’ensemble des relations entre le produit, le capital, le travail et le progrès technique, peut êtreprésentée sous la forme:S/V = N/Edont dépend l’équivalence du taux p déterminé à partir du capital et du même taux déterminéà partir du travail.Cela pose de façon aiguë le problème de la stabilité de l’état de croissance. Eneffet, les valeurs des quatre paramètres, s, v, n et e sont indépendantes les unes des autres, aumoins dans les hypothèses autres que celles d’une étude de très longue période (où, parexemple, un accroissement de la population à taux n trop élevé peut entraîner une diminutiondu taux d’épargne s).Du point de vue de la planification et de la politique économique, toute actionsur v étant par hypothèse exclue, la possibilité d’établir un régime permanent de croissanceéquilibrée dépendra de la mesure dans laquelle il est possible d’agir sur les valeurs des autresparamètres. Du point de vue de la théorie pure, les modèles de croissance de ce genre trouventleur prolongement dans des modèles du mouvement cyclique (DOMAR, HARROD 127 ,HICKS 128 ), où les fluctuations cycliques apparaissent comme la conséquence quasi nécessairede l’impossibilité de maintenir le processus de croissance sur la ligne de tendance quedéfinissent les modèles de la croissance équilibrée.Il n’est pas surprenant que les modèles postkeynésiens aboutissent à desconclusions pessimistes quant à la stabilité du processus de croissance, compte tenu deshypothèses contraignantes que l’on s’est données au point de départ. Les modèles élaborés parl’école néo-classique, à partir d’hypothèses moins contraignantes, illustrent une visiondifférente des rapports entre le produit et les facteurs et supposent une plus grande flexibilitédes conditions d’équilibre de la croissance. Pour leur part, les modèles néo-classiquesreposent sur les fonctions de production à facteurs substituables qui prennent en considérationdirectement le rapport entre, d’une part, le produit et, d’autre part, l’ensemble des facteurs quipeuvent être employés en proportions variables. En raisonnant sur une fonction de productionà deux facteurs K et N, et en évitant provisoirement d’introduire les considérations relatives126HARROD Roy Forbes (1900-1978), cf biographie complète en fin de thèse.127C’est le problème de HARROD-DOMAR qui a conduit à conclure qu’engénéral, une croissance à taux constant et de plein-emploi n’est pasréalisable.128Lorsque le progrès technique est fondé sur la comparaison des points dedeux fonctions de production où le rapport L/K est constant et lorsque laproductivité du capital est inchangée, le progrès technique est considéréneutre au sens de HICKS. John Richard HICKS (1904-1989) est un économistebritannique et lauréat du Prix de la Banque de Suède en scienceséconomiques en mémoire d'Alfred NOBEL en 1972, est l'un des économistes lesplus importants et influents du XX e siècle. Cf biographie complète en finde thèse.75


au progrès technique, la fonction de production peut s’écrire:où C est uneconstante et a et b sont des coefficients numériques qui expriment l’élasticité de la productionpar rapport aux facteurs. On raisonnera selon l’hypothèse d’une fonction de production, ditefonction de COBB-DOUGLAS, du nom des auteurs qui, les premiers, l’ont proposée (pourexpliquer les lois de détermination de la répartition du produit entre les facteurs).Une première caractéristique de cette fonction de COBB- DOUGLAS est queles exposants non seulement sont constants, mais de somme égale à l’unité. La formule peutalors s’écrire, l’élasticité de substitution entre facteurs y a une valeur unitaire.Par là, la fonction COBB- DOUGLAS 129 apparaît comme un cas particulier.Des tentatives ont été faites pour utiliser une fonction dite C.E.S., où lecoefficient mesurant l’élasticité de substitution est constant, mais peut avoir des valeurs autresque la valeur unitaire (SOLOW, MINHAS, ARROW et CHENERY). Cependant l’élasticitéde substitution semble avoir généralement des valeurs proches de l’unité, et plutôt inférieures.La facilité avec laquelle (surtout sur une courte période de temps) des machines peuvent êtresubstituées au travail humain, et vice versa, est forcément limitée. Par ailleurs, une élasticitéde substitution unitaire signifie que, lorsque augmente de 1 % le prix d’un facteurrelativement à l’autre, la quantité employée du facteur devenu plus coûteux diminuerelativement à l’autre dans la même proportion, de telle sorte que la part de chaque facteurdans la répartition du produit national mesuré en valeurs ajoutées reste constante. La stabilitéconstatée des parts respectives du travail et du capital dans la répartition (calculée, il est vrai,sous réserve d’une ventilation assez arbitraire des revenus mixtes, tels ceux des agriculteurs etdes travailleurs indépendants, entre revenu du travail et revenu du capital) laisse présumer quel’élasticité de substitution est effectivement unitaire.Une deuxième caractéristique de la fonction COBB-DOUGLAS est sonhomogénéité de degré un. Cela implique l’absence d’économie d’échelle: lorsqu’on augmentede 1 % la quantité de capital et la quantité de travail utilisées conjointement, le produitaugmente d’autant. Le produit dépend des quantités de facteurs entrant en combinaison,compte tenu de leurs élasticités de production respectives (mesurées par les coefficients aet 1 - a), mais non de l’échelle à laquelle les facteurs de production sont de façon conjointemis en œuvre. Notons que cette caractéristique d’homogénéité de degré un aboutit ici, comptetenu de la substituabilité modérée des facteurs, à des conséquences moins paradoxales quecelles qu’entraîne l’hypothèse de complémentarité rigide dans les relations paramétriques desmodèles postkeynésiens. Si l’on double, par exemple, la quantité de capital, la quantité detravail restant constante, en l’absence de tout progrès technique, l’accroissement du produitsera nul. Avec une fonction COBB-DOUGLAS dans les mêmes hypothèses, si noussupposons un coefficient d’élasticité de la production égal à 0,3 pour le capital, la productions’accroîtra néanmoins de 30 %.La fonction COBB-DOUGLAS 130 a été utilisée dans la construction d’un trèsgrand nombre de modèles théoriques de croissance, ainsi que dans certains travaux deplanification. Nous commencerons par présenter la première application qui en a été faite à la129La fonction de COBB-DOUGLAS est une fonction largement utilisée enéconomie pour représenter le lien qui existe entre intrant et extrant.Cette fonction a été proposée et testée économétriquement par l'économisteaméricain Paul DOUGLAS et le mathématicien américain Richard COBB en 1928.130Paul DOUGLAS, Richard COBB A, theorie of production, in American Review,vol. 18, 1928.76


théorie de la croissance (TINBERGEN 131 , Econometrics, 1942). Nous évoquerons ensuite lesvariantes les plus notables de cette utilisation.La fonction COBB-DOUGLAS permet d’étudier de façon conjointe le capitalet le travail dans leurs rapports avec le produit. Les ajustements qui ont été tentés à partir de1942 de séries chronologiques du produit global sur des fonctions COBB-DOUGLAS ontrendu nécessaire d’introduire un trend, révélant l’intervention du progrès technique dans lacroissance.En effet, si nous désignons comme précédemment les taux d’accroissementP0/P, K0/K, N0/N par p, k et n, les ajustements sur séries chronologiques d’une fonction dutype précédent () compte tenu de l’hypothèse faite quant à la valeur descoefficients d’élasticité (b = 1 – a), le calcul des taux d’accroissement révèle une tendancesystématique de p à être plus grand que la somme de k et de n au cours du temps. Comme parailleurs la fonction est homogène de degré un, ce résidu ne peut être attribué à l’interventiond’économies d’échelle.On est ainsi conduit à introduire les effets du progrès technique sous formed’un trend exponentiel d’accroissement de la productivité indépendamment des facteurs enquantités et en proportion, en fonction du temps, soit, le calcul des tauxd’accroissement par unité de temps donne alors, z étant, de façonrésiduelle, égal à la différence entre le taux de croissance de la production explicable par lavariation des quantités de travail mises en œuvre, compte tenu des élasticités de productionrespectives des deux facteurs.Les conclusions atteintes dans ce genre de modèle sont différentes de cellesauxquelles aboutissent les modèles fondés sur l’hypothèse de complémentarité des facteurs.La contribution du capital à la croissance y paraît moins décisive. En effet, à la différence deces modèles, où la constance de v impliquait que la productivité du capital restât constantelorsque le capital utilisé augmentait proportionnellement au travail, dans les hypothèses cidessus,un processus d’intensification capitalistique, c’est-à-dire une augmentation du rapportK/N, implique une diminution de la productivité du capital d’autant plus rapide à la marge (enraisonnant sur les accroissements) que le coefficient a a une valeur plus faible. Or la valeur dea se situe généralement entre 0,2 et 0,4.En supposant la valeur de a égale à 0,33 et en mesurant la variation d’intensitécapitalistique par k - n, en l’absence de tout progrès technique, un accroissement de 1 % de Kpar rapport à N n’entraînera qu’un accroissement de 0,33 % du produit P. En conséquence, lecoefficient de capital tendra à s’accroître. L’existence d’un trend autonome accroissement dela productivité est de nature à modifier cette conclusion, mais l’on démontre que ce n’est quedans le cas particulier où k - n = z/ a que le coefficient de capital reste constant.En revanche, en ce qui concerne le rôle éventuellement déséquilibrant joué parle capital dans le processus de croissance, la flexibilité du coefficient de capital permetd’aboutir à des conclusions plus favorables à la stabilité du processus de croissance que dansles modèles postkeynésiens.131Jan TINBERGEN auteur de Econometrics en 1942 est né en 1903 et mort en1994, Prix Nobel "Pour avoir élaboré et appliqué des modèles dynamiques àl’analyse des processus économiques" en Économie du développement etmodèles dynamiques. Cf biographie complète en fin de thèse.77


Si, en effet, le capital varie à un taux différent de celui du produit, le coefficientde capital tendra à s’ajuster de façon à permettre la poursuite d’une croissance équilibrée. Ils’ensuit que le taux d’épargne s et le coefficient de capital v ne sont pas indépendants l’un del’autre, à la différence des modèles postkeynésiens. Dans la même ligne de pensée, ondémontre qu’en longue période (modèles dits de l’âge d’or) le taux de croissance tend à neplus dépendre du taux d’épargne et (à population stable) à ne dépendre que du tauxd’accroissement de la productivité dû au progrès technique. Le taux de croissance du produittend à se conformer au rythme du progrès technique, et toute cause d’instabilité du processusde croissance se trouve alors éliminée. Les relations entre la croissance et le progrès techniquedans le cadre de ce modèle font jouer à ce dernier un rôle prépondérant. Les effets du progrèstechnique sont évalués de façon résiduelle, mais le résidu ainsi dégagé représente uneproportion importante du taux de croissance du produit. Si nous supposons, par exemple, quele capital s’accroît au même taux que le produit (comme ce serait la condition d’équilibredans les modèles postkeynésiens), à supposer que la force de travail reste constante, le taux decroissance résiduelle sera, en pourcentage du taux p , équivalent à 1 - a. Si l’on retient pour aune valeur de 0,33, cela revient à calculer que les deux tiers du taux de croissance du produit,p, ne seront expliqués que, de façon résiduelle, par l’effet du progrès technique.Compte tenu du fait que, dans les économies développées, les taux decroissance de la force de travail sont faibles et qu’en comparaison les taux de croissance ducapital sont élevés, il n’est pas surprenant que, dans les mesures de ce genre, la contributiondu progrès technique à la croissance représente, résiduellement, de la moitié aux deux tiers dutaux de croissance global.Il est néanmoins possible d’opérer une décomposition du résidu pour faireapparaître la contribution du progrès technique à la croissance sous différentes formes:élévation du niveau d’éducation de la population, progrès scientifique, etc. (travaux deDENISON 132 ).Le traitement du progrès sous forme d’un trend autonome présente, entre autresinconvénients, celui de laisser inexpliqués les mécanismes de transmission du progrèstechnique, qui est supposé se diffuser dans l’économie sans être, en quelque sorte, incorporédans les facteurs de production sous forme d’une amélioration de leur qualité productive oude leur aptitude à produire. Le modèle exposé ci-dessus admet ainsi plusieurs variantes. Danscertains modèles comme celui de SOLOW 133 , on fait l’hypothèse que le progrès techniquetransmet ses effets à la production par l’intermédiaire d’une amélioration continue de laproductivité du capital, mesuré par un indice variant en fonction inverse de l’âge du capital.Chaque «génération» de capital est ainsi plus productive que la précédente. Compte tenu de ladisparition progressive du capital par usure ou par obsolescence dans chaque classe d’âge et,éventuellement, de la variabilité du taux d’investissement et donc du taux d’accroissement ducapital, l’effet d’un progrès technique à taux constant au moment t où l’on se place est tel queles équipements correspondant aux classes d’âge les plus récentes sont proportionnellementplus importants que le stock de capital encore en service.132DENISON a commencé ses travaux dans le but de découvrir les facteurs quiétaient à la base de la croissance puis du ralentissement économique desEtats-Unis.133SOLOW (1924- ) Selon son modèle, le développement économique s'expliquepar trois paramètres : un accroissement des deux principaux facteurs deproduction - à savoir le capital ou équipement et les heures de travail, etdes progrès technologiques.78


Le progrès technique se trouve ainsi lié de façon complémentaire au capital, lasubstituabilité continuant à régir les rapports entre le capital et le travail. Ce modèle al’inconvénient de majorer le rôle joué par le capital dans la croissance du produit, sinondirectement, du moins indirectement en subordonnant tout effet du progrès technique à sonincorporation dans le capital.Il est à penser qu’une partie du progrès technique s’incorpore dans la maind’œuvre.Il existe des variantes du modèle précédent (PHELPS, «fonction à deux trends»), oùseule une partie du progrès technique est supposée incorporée au capital suivant le principeprécédent, un trend résiduel de progrès technique autonome subsistant par ailleurs, commedans le modèle Tinbergen.S’il est ainsi possible de rendre compte des mécanismes de transmission duprogrès technique, les modèles de ce genre ne renseignent pas sur ses origines. L’existence duprogrès technique reste une donnée exogène. Sur le plan théorique, une tentative récented’endogénéisation est représentée par l’étude des phénomènes dits d’apprentissage parARROW 134 , «learning by doing ». On s’efforce alors de mesurer suivant des loismathématiques les progrès de la productivité dus à une familiarisation croissante desmanagers et de la main-d’œuvre avec les techniques nouvelles de gestion ou de production.La théorie de l’apprentissage ne peut néanmoins rendre compte que des progrèsde productivité, attribuables à la main-d’œuvre, qui se manifestent à l’occasion de l’emploi detechniques nouvelles. Elle ne peut rendre compte des innovations elles-mêmes. Elle concernele progrès du savoir-faire et non celui de la science. Cela soulève le problème de laproductivité de la recherche scientifique et des ressources qui doivent lui être allouées, et dontl’utilisation n’est pas destinée à accroître directement la capacité physique de productioncourante. Cela soulève également le problème de la répartition des ressources entre larecherche pure, la recherche appliquée et le développement des produits et des techniques deproduction nouvelles.Le problème des relations entre la croissance économique et le progrèsscientifique, sous les deux aspects de la contribution de la science à la croissance et de la«production» du progrès scientifique, suggère la voie dans laquelle la théorie de la croissance,dans ses développements récents, semble devoir s’engager.Si le travail est différent du métier, l'emploi désigne tout processusd'affectation des personnes à des tâches économiquement reconnues, le plus souventrémunérées. En un sens plus large, le terme peut évidemment s'appliquer à l'utilisation d'unfacteur de production (emploi d'un capital), voire d'un instrument quelconque (emploi d'unoutil, de la persuasion ou de la force, etc.). Mais il s'applique prioritairement au travail deshommes, et c'est en ce sens traditionnel qu'il sera entendu ici.La persistance du chômage à la fin du XX e siècle dans de nombreux paysdéveloppés a fait que l'attention s'est portée quasi exclusivement sur le travail rémunéré, qu'ilsoit durable ou occasionnel, salarié ou non salarié. Le défi central de la politiqueéconomique est ainsi le « niveau de l'emploi » : sera-t-il suffisant pour occuper la populationactive ? Il convient pourtant de ne pas oublier le travail non rémunéré : tâches domestiquesdans les pays les plus développés, tâches domestiques et surtout production informelle dans134ARROW Kenneth Joseph (1921- ) économiste et mathématicien américain, cfbiographie complète en fin de thèse.79


les pays moins développés. À l'échelle de la planète, cet emploi non rémunéré domine demanière écrasante. Dans les pays du Tiers Monde, près de 70 % des personnes en âge detravailler vivent de travail informel, et plus de la moitié des heures travaillées en France autournant du siècle sont des heures de travail domestique non rémunéré (entretien du foyer,soin des enfants).L'emploi rémunéré « officiel » est ainsi, même dans les pays riches, une réalitéà la fois dominante et minoritaire. Dominante parce que nos sociétés valorisent le statut detravailleur rémunéré, marginalisent l'inactif et rejettent le chômeur. Minoritaire parce que cetemploi visible n'est en somme que la partie émergée d'un iceberg. À l'heure où bien des écritsse focalisent exclusivement sur la quantité des emplois officiels disponibles dans un pays pourjuger du succès de son économie, cet élargissement préalable du sujet est utile, d'autant plusque les emplois s'apprécient aussi, et nécessairement, en qualité. Il existe encore, un peupartout dans le monde, trop d'emplois insalubres, sinon simplement dangereux, ou humiliantsdans la dépendance et la routine qu'ils comportent.À des fins d'analyse, toutefois, se limiter aux emplois rémunérés tels qu'ilsapparaissent dans les pays développés à économie de marché permet de capter l'essentiel, etce d'un double point de vue. D'un côté, ces pays rassemblent l'immense majorité des donnéeset des études disponibles ; d'un autre, et surtout, la prévalence de l'emploi salarié qui s'yconstate – près de 90 % des emplois rémunérés en France en 2000, et l'ordre de grandeur seretrouve un peu partout – manifeste, isolée et comme pure, la logique de l'utilisation desressources humaines. L'employeur seul est censé prendre les décisions économiques quiorientent et réalisent la production, et ses rapports avec les employés, largement quantifiables(via les horaires, voire les rythmes de travail) ou monétarisés (via les salaires, les cotisations,les primes, etc.), peuvent ainsi être observés et étudiés séparément. Il n'en va pas de mêmepour l'emploi informel et pour l'emploi non salarié (le travailleur « à son compte »), quicombinent inextricablement le recours au capital avec l'utilisation du travail : les gains issusde tels emplois mêlent la rémunération du capital à celle du travail et il est plus délicat del'analyser. Même dans ce cadre ainsi circonscrit, ce que l'on sait de l'emploi reste complexe,voire controversé. Un tel état des savoirs est fréquent en économie et se comprend bien dansun domaine où il s'agit d'hommes, de leurs moyens d'existence (« de quoi vivre ») etd'expression (« le sens du travail »).C'est un triple dialogue, parfois difficile, qui a alimenté les théories et lesobservations. Dialogue entre les points de vue micro et macroéconomiques ; dialogue entrel'orthodoxie de schémas généraux d'orientation marchande et consensuelle et l'insistance depensées hétérodoxes à étudier les particularités conflictuelles du sujet ; dialogue, enfin, entreles partisans du laisser-faire et les activistes des « politiques de l'emploi ».L'économie de l'emploi s'est construite entre deux pôles qui combinent demanière simple ce triple jeu d'options. Le premier se fonde sur un schéma microéconomiquerelativement autonome, consensuel, qui ne laisse que peu de place à des interventionspolitiques, elles-mêmes simples et limitées. La deuxième intègre d'emblée les connexionsmacroéconomiques, approfondit les interactions conflictuelles et ouvre un large espaced'interventions complexes. Les tendances récentes montrent la prévalence du deuxième pôleet font de l'emploi une réalité imbriquée dans le jeu global de l'économie, traduisant destensions multiples et justifiant des politiques structurelles à long terme.80


La première étape est de rassembler les quelques grandeurs typiques quicaractérisent les trajectoires d'emploi des pays développés. Un indicateur clé est alors le tauxde chômage en pourcentage de la population active, même s'il doit être pris avec précaution,d'une part parce que le décompte des chômeurs varie selon les pays et, d'autre part, parce quele concept de plein-emploi est d'un maniement délicat : si un taux de chômage de 0 % estdépourvu de sens (il faut bien que la main-d'œuvre circule de poste en poste et que serenouvelle, de manière quasi biologique, le tissu productif avec la disparition et la créationd'unités productives), l'expérience vécue par certains pays, dont la France, fait correspondre leplein-emploi à un taux de 1 %, alors que d'autres, comme les États-Unis, ne sont jamaisdescendus au-dessous de 4 %, sans que cela ait paru le moins du monde pathologique. Leshabitudes de mobilité sociale et professionnelle, le jeu de certaines valeurs et la taille desmarchés font partie des facteurs explicatifs usuellement évoqués à ce propos.Trois types de situation doivent être a priori distingués au début du XXI e siècle.Il y a d'abord une série de nations qui sont ou restent au plein-emploi, dans des contextes trèsvariables. Leur taux de chômage est bas, voire très bas (entre 1 et 5 %). C'est le cas de paystels que la Suède ou la Suisse, rejoints par d'autres pays tels que le Danemark, les Pays-Bas oule Portugal. On trouve ensuite les pays à comportement cyclique, dont les États-Unis sontl'exemple le plus achevé, qui comptent aussi l'Australie, voire la Grande-Bretagne. Il s'yobserve d'amples fluctuations plus ou moins régulières de l'emploi, et les phases de créationsintenses alternent avec des conjonctures moroses où le chômage croît. Enfin, la plupart despays européens de taille moyenne tels que la France, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne, ont étévictimes, depuis les années 1980, d'enlisement dans le chômage de masse, les taux atteignantou dépassant durablement les 10-12 % pendant plusieurs années. La situation s’est nettementaméliorée avec le retour de plusieurs années de croissance forte à la fin du siècle.Notamment, la performance française entre 1997 et 2001 est appréciable, passant de 12,4 % à8,5 %, mais le ralentissement de 2001-2002 a interrompu la baisse et il reste encore à revenirvers la zone de 5 %. Entre la variabilité des objectifs de référence, l'existence de défispersistants et de succès volontaristes ou spontanés, la compréhension de l'emploi doit ainsitenir compte de cas de figure bien différents.D'autres ordres de grandeur et d'autres caractéristiques sont à prendre encompte. Dans les pays de l'O.C.D.E., au tournant du XXI e siècle, plus de 85 % des emploissont salariés, et la répartition par secteur privilégie désormais le tertiaire (de 60 à 70 %), leprimaire devenant résiduel (moins de 10 %), et le secondaire étant le plus souvent stabilisé ouen lente régression. Le taux de féminisation est plus inégal : globalement, il a tendu à s'éleverdepuis les années soixante, mais l'éventail reste large entre certains pays nordiques et lesnations de tradition latine ; les premiers ont des taux d'activité pouvant dépasser 70 % et despourcentages d'emplois occupés par des femmes supérieurs à 45 % ; les secondes en restentparfois à des taux d'activité de 50 % et à un pourcentage beaucoup plus faible d'emploisféminins. De même, la part des emplois à temps partiel est susceptible de varier fortement, lesdisparités les plus spectaculaires étant atteintes avec les taux de syndicalisation, qui varient demoins de 10 % (ce record est français) à plus de 70, voire 80 % (record inverse, suédois).Observons encore que, s'il existe un spectre continu rangeant les emplois selon leur stabilité(emplois de fonctionnaires, emplois « à durée indéterminée » dans de grandes firmes puisdans des entreprises plus vulnérables, emplois précaires et collaborations occasionnelles, etc.),on a pu assister, depuis les années 1980, à une remise en cause de ce classement, leslicenciements pouvant toucher des secteurs et des catégories initialement abrités.81


La plupart des relations économiques sont soumises à des normes et à desinstitutions de surveillance. Le marché du travail est sans doute l'illustration la plus voyantede ce contrôle collectif exercé sur les arrangements individuels, avec l'édifice structuré dudroit du travail, la pratique des négociations collectives, l'existence de salaires minimums etde prélèvements obligatoires, et les normes des conditions de travail, parmi lesquelles leshoraires et les heures supplémentaires. En France, les « quarante heures » ont été imposées en1936 et, en 1998 et en 2000, les deux lois « AUBRY » 135 ont instauré les « 35 heures ».L'emploi est une réalité fortement socialisée, même si elle résulte d'initiatives individuelles.Le rôle de l'État est d'ailleurs double et, de ce fait, ambigu : l'État impose les règles,sanctionne les manquements, mais l'État est aussi, et massivement, un employeur qui a sespropres objectifs, voire ses propres tentations.Les relations d'emploi sont stratifiées et compartimentées. Le recrutement et lagestion d'un cadre s'effectuent selon des règles et avec des négociations qui ne sont pas lesmêmes que pour une secrétaire ou un chauffeur. Si le salaire constitue le prix du travail telqu'il est débattu entre les parties intéressées – souvent par l'intermédiaire de syndicats quiélaborent et signent des accords salariaux –, ce prix incorpore de multiples contraintes avecles cotisations sociales, les profils de carrière, etc. Deux contrastes s'imposent ici. D'une part,l'écart entre le salaire moyen d'un ouvrier et celui d'un ingénieur peut varier notablement : ilest de un à trois en France, et de un à deux en Allemagne. D'autre part, le profil temporel dessalaires montre rapidement pour plafonner dans le cas ouvrier, alors que la croissance sepoursuit durablement pour les ingénieurs.Une équation comptable lie l'évolution des postes occupés dans un pays à cellede son économie. En appelant V.A.B. (pour valeur ajoutée brute) la valeur ajoutée engendréepar la production de l'année, P.H.A.T. la productivité horaire apparente du travail (apparente,parce qu'elle résulte d'une simple division de la production par le nombre d'heures de travailqui l'ont rendue possible), D.H.T. la durée horaire moyenne du travail sur l'année et E.O. leseffectifs occupés, on écrit, par définition :Cette liaison indique que l'emploi dépend de la croissance, via la productivitéet la durée du travail. Pour prendre des ordres de grandeur constatés en France au début desannées 2000, si l'évolution anticipée de P.H.A.T. est de 2 % l'an, il faut, à durée du travailinchangée, plus de 2 % de croissance annuelle pour que l'économie crée des emploisnouveaux supplémentaires. Ce chiffre est plus modeste que celui qui prévalait au cours de lapériode 1978-1985, durant laquelle le taux de croissance de la productivité horaire du travaildépassait 4 %. On peut alors poser, et écarter, le débat récurrent selon lequel « la machinechasse l'homme ». Derrière le chômage persistant, beaucoup ont vu une fatalité tantôt sinistre(la mise au rebut des hommes), tantôt bienveillante (c'est l'espoir symétrique des automates etde la société de loisir). Les liens entre progrès technique et emploi sont cependant complexeset réversibles. À très long terme, l'équilibre se rétablit par la création d'activités nouvelles. Ilfaudrait à l'heure actuelle, en France, seulement cinq cent mille emplois pour produire135La loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à laréduction du temps de travail et la loi du 19 janvier 2000 relative à laréduction négociée du temps de travail sont les deux lois dites AUBRY quimettent en place les 35 heures. Martine AUBRY (à l'état civil : MartineDELORS, née en 1950, est une femme politique française, membre du Partisocialiste (PS) et maire de Lille depuis mars 2001. Cf biographie complèteen fin de thèse.82


l'équivalent de ce que le pays produisait en 1800. Mais, à court ou à moyen terme, lesconnexions mettent en jeu l'ouverture de débouchés et la compétitivité internationale, lasubstitution des facteurs de production, la démographie, les décisions d'arrivée ou de retrait dumarché du travail, etc., autant d'éléments qui renvoient non pas à une fatalité, mais à destrajectoires collectives.Certains pays ont pu créer de nombreux emplois durant les deux dernièresdécennies. À quelles conditions et selon quels mécanismes économiques ? Tel est le débat quimobilise à l'heure actuelle les spécialistes.Une des premières pistes explorées par les théoriciens a consisté à appliqueraux transactions entre employeurs et employés les outils intellectuels forgés pour leséchanges de marché. On parle ainsi du « marché du travail », expression devenue courante etqui n'est pourtant pas si évidente. Ce qui caractérise, en effet, les relations de marché, c'est,pour un produit donné, l'établissement d'un prix par la confrontation des offres et desdemandes. Si l'existence d'offreurs de travail (les candidats salariés) et de demandeurs (lescandidats employeurs) est une évidence, le produit échangé est, quant à lui, susceptible debien des variations : outre les multiples qualifications des travailleurs et la grande variété destâches, il est aisé d'observer que le travail est, en quelque sorte, créé chaque jour que travaillel'employé. L'établissement du prix est plus problématique encore. En effet, les contrats detravail sont signés pour une certaine durée, et c'est une absurde renégociation quotidienne quise rapprocherait le mieux de ce qu'est un marché au sens strict.Cependant, nombreux sont les théoriciens, parmi lesquels se détachent lesnoms des Britanniques Alfred MARSHALL 136 et Lionel ROBBINS (1930), qui ont jugé queles avantages du recours aux schémas usuels d'analyse des marchés étaient très supérieurs àses inconvénients, en posant que les marchés du travail sont particuliers, et surtout plus lentsque les autres marchés puisqu'une écrasante majorité de contrats en cours coexiste avec lestransactions du jour. Le travail est alors une marchandise presque comme les autres. Elle estofferte par les personnes qui disposent de temps libre et souhaitent y renoncer pour seprocurer un salaire, c'est-à-dire d'autres marchandises. Elle est demandée par les entreprisesqui recherchent des facteurs de production, les combinent entre eux pour obtenir un produit etun profit à l'issue de sa vente.Moyennant une série de simplifications drastiques (le travail est supposéhomogène, indéfiniment divisible ; l'information est supposée parfaite ; les décisions sontinstantanées...) et quelques hypothèses plus techniques sur les possibilités de substitutionentre travail et capital comme entre loisir et argent, définissant ainsi un univers standard derareté, il est possible de tracer des courbes d'offre et de demande de travail ; ces courbesrelient, dans le cas concurrentiel traditionnel, des heures offertes ou demandées à des taux desalaires. Les demandes sont normalement décroissantes, les offres croissantes, et l'intersectiondétermine un nombre d'heures échangées pour un taux de salaire d'équilibre. Une suppositionet un changement d'échelle supplémentaires (on se donne une durée hebdomadaire ouannuelle moyenne, et on raisonne alors en effectifs employés) permettent d'appliquer leschéma à l'emploi.136Alfred MARSHALL (1842-1924), économiste britannique, est l'un des pèresfondateurs de l'école néoclassique, qui est le courant de pensée dominantactuellement en économie, et l'un des économistes les plus influents de sontemps. Cf biographie complète en fin de thèse.83


Le résultat usuel de l'analyse des marchés se retrouve ici : en situationconcurrentielle, à l'équilibre, toute offre au prix pratiqué est satisfaite, il n'y a pas d'invendus.Si les conditions changent et qu'apparaissent, par exemple, des excédents (des candidats quine trouvent pas à se placer), la solution pour augmenter l'emploi est de baisser le prix, ce qui apour effet d'accroître la demande et de diminuer l'offre, les conditions devenant plusavantageuses pour les acheteurs et moins attractives pour les vendeurs.Il est nécessaire de préciser ce résultat, à la fois classique et provocant, quiexclut tout chômage autre que transitoire ou « volontaire ». La logique d'un marché enfonctionnement normal est de ne s'immobiliser que lorsque toute offre au prix courant atrouvé sa contrepartie. Si l'on prend au pied de la lettre l'expression « marché du travail », lechômage durable ne peut s'expliquer que par les prétentions excessives de travailleurs quirefusent de travailler à un taux de salaire permettant l'égalisation des offres et des demandes.Le schéma a souvent été appliqué sous une forme plus souple mais avec un fond inchangé : ona pu incriminer et analyser, dans ce cadre, la pression salariale à la hausse exercée par dessyndicats, l'existence de salaires minimums, mais aussi des réglementations, des pratiques deconcurrence imparfaite sur des marchés compartimentés, des retards d'ajustements, etc. ;autrement dit, une série de faits typiques des marchés du travail concrets. Telle est bien laforce paradoxale du schéma : il intègre comme enrichissements ultérieurs les traits qui avaientété récusés au départ, et qui sont vus comme autant d'entraves à un fonctionnement idéalimpossible à observer.C'est alors en écart à la norme concurrentielle que sont repérés et analysés lescomportements d'emploi. Il peut s'agir tout d'abord de schémas de monopole, monopsone,oligopole ou oligopsone, plus ou moins aisément appliqués. Le monopsone ou l'oligopsone nesoulèvent guère de difficultés : il s'agit d'entreprises en position dominante, voire exclusive,dans un bassin d'emploi. Les choses sont d'emblée plus difficiles en ce qui concerne lesoffreurs. Car un syndicat en position de closed shop, c'est-à-dire de monopole d'embauche,configuration qui se rapproche le plus du monopole, ne peut guère être assimilé à unproducteur vendant une marchandise. Un cartel, ou un monopole, cherche à obtenir un prixfavorable par restriction sur les quantités, et, si cette restriction veut dire mise à l'écartdélibérée de certains membres syndiqués, un tel choix, logiquement pensable, oblige às'interroger sur le mode de prise de décision au sein du syndicat (va-t-il sacrifier certains deses membres pour satisfaire les autres ?) et sur la constitution de ses objectifs. De surcroît, lesyndicat ne produit pas la marchandise qu'il vend, il peut avoir des objectifs politiques, etc.Une telle logique d'analyse, séduisante a priori, débouche ainsi sur des complications, sinonsur des impasses.L'écart à la norme concurrentielle se retrouve dans le cas de pratiquesdiscriminatoires et dans les études, souvent très détaillées, qui suivent à la trace les séquencestemporelles affectant un marché précis. L'exemple le plus parlant est celui des étudiants ensituation de s'engager dans une carrière professionnelle donnée. En considérant qu'il fautquatre ou cinq ans après le baccalauréat pour « produire » une main-d'œuvre spécialisée, telsles ingénieurs aéronautiques, on a souvent décrit les enchaînements suivants : situation dedépart avec manque de main-d'œuvre et salaires séduisants ; flux de vocations qui gonflent lesfilières de formation ; arrivée des nouveaux formés et baisse des salaires en conséquence ;dégonflement des filières, qui conduit de nouveau à une pénurie ; remontée des salaires, et lecycle peut recommencer. Deux délais interagissent ici, celui de la formation des hommes etcelui de la réaction lente, souvent relative, des salaires.84


Cet exemple américain trouve son pendant en France, dans le cycle desvocations médicales, complexifié et amplifié par les interventions publiques. Durant lesannées cinquante et soixante, une pénurie de médecins avait permis que cette professionjouisse d'un haut niveau de vie et de prestige, et les vocations nombreuses, en présence d'unnumerus clausus à la discrétion des pouvoirs publics (soumis à la pression des représentantsde la profession), avaient trouvé une expression et une barrière dans l'élévation du niveaurequis pour effectuer les études correspondantes (barrages en première année). Les filièresparamédicales ont, elles aussi, subi un gonflement et une pression. Mais les choix politiques,largement implicites et peu maîtrisés, ont finalement consisté à accueillir de nombreuxmédecins, ce qui a peu à peu créé, dans les années 1980 notamment, une situation desurpopulation médicale. Il en est résulté de grandes difficultés d'installation pour les nouveauxmédecins, les professionnels antérieurement implantés sur le marché bénéficiant d'uneclientèle déjà constituée, d'où une désaffection relative et lente pour la filière. On sait d'ores etdéjà, compte tenu de la structure par âge des médecins et des départs à la retraite prévisibles,que les années deux mille dix seront marquées par une nouvelle pénurie... L'exemple intègredonc, dans un cas où se mêlent salariés et non-salariés, la possibilité d'amplifications pard'éventuelles erreurs étatiques et le report sur des professions proches. Insistons sur le typed'intelligibilité que propose le schéma. Il cherche non pas à expliquer toute vocation médicaleou professionnelle – ce serait faire preuve d'un cynisme un peu court –, mais à repérer le jeudes facteurs économiques parmi d'autres qui pourront être moraux, politiques, religieux, etc.Pourtant, même circonscrit à cette ambition, ce point de vue microéconomique traditionnels'est rapidement révélé insuffisant. En particulier, ses prescriptions de politique économique,se limitant le plus souvent à prôner la concurrence via le démantèlement des réglementationset des regroupements syndicaux, sont apparues peu opérationnelles, voire provocatrices.Une série d'améliorations importantes ont pu être apportées durant les années1960, essentiellement par des auteurs américains tels que Gary BECKER 137 , GeorgeSTIG<strong>LE</strong>R 138 et Walter OI 139 . Elles ont consisté à relâcher certaines hypothèsesparticulièrement peu réalistes du schéma de base, tout en en conservant la logique profonde.Le raisonnement initial postulait que le travail était une marchandise homogène, parfaitementidentifiée, susceptible de décisions instantanées. La réalité est faite de salariés auxqualifications différentes, mal identifiées, qu'il est difficile de déplacer. D'où les trois théoriesdu capital humain (Gary BECKER), de la recherche d'emploi [ou de travailleur] (GeorgeSTIG<strong>LE</strong>R), du travail comme « facteur quasi fixe » (OI). Le capital humain peut se définircomme l'ensemble des aptitudes productives d'un travailleur, qu'elles soient innées ouacquises. On s'intéresse aux modalités de leur acquisition : dépenses de santé, d'éducation,voire de migration, et on pose que ces dépenses sont autant d'investissements effectués soitpar le travailleur lui-même, soit par sa famille, soit enfin par la collectivité. Le rendementattendu est formé de la série des gains supplémentaires induits par une capacité productiveaccrue. Le processus d'investissement est censé se poursuivre tant que la valeur actualisée137Gary BECKER est un économiste américain (né en 1930) connu pour sestravaux visant à élargir le champ de l'analyse microéconomique à denombreux comportements humains. Il a obtenu en 1992 le Prix de la Banque deSuède en sciences économiques en mémoire d'Alfred NOBEL. Cf biographiecomplète en fin de thèse.138George Joseph STIG<strong>LE</strong>R (né en 1911 et mort en 1991) fut un économisteaméricain. Il reçut le prix de la Banque de Suède en sciences économiquesen mémoire d'Alfred NOBEL en 1982. Cf biographie complète en fin de thèse.139J. Walter OI (1974) est l'économiste qui a le mieux développé etsynthétisé le modèle conceptuel de la sécurité et fait ressortirl'importance de la connaissance des coûts indirects.85


d'une dépense supplémentaire en capital humain est supérieure à son coût immédiatd'acquisition. L'immense avantage de cette analyse est de proposer une théorie des différencesde salaires et des différences de qualifications : selon les investissements consentis, lestravailleurs auront des productivités et des rémunérations différentes, et, pour passer d'unequalification à une autre, il faudra consentir à des dépenses additionnelles qui devront êtrerentables. On dispose ainsi d'une analyse unifiée des divers sous-marchés du travailcorrespondant à des qualifications différentes : les travailleurs de diverses qualifications sonten concurrence indirecte via les actions de formation qu'il leur est loisible d'entreprendre, etun prix fondamental gouverne le marché du travail : c'est le taux de rendement del'investissement additionnel en capital humain, qui devrait être égal pour toute catégorie detravailleurs. La théorie de la recherche d'emploi lève, quant à elle, l'hypothèse d'informationparfaite et part du principe qu'un processus d'une certaine durée, et d'un certain coût, estnécessaire pour que les entreprises trouvent les employés qui leur conviennent, et pour que,symétriquement, les travailleurs trouvent les entreprises qui les satisfassent. Il y aura doncrecherche d'emploi ou recherche de travailleurs, et le cas le plus simple consiste à poserqu'une série de visites ou d'entretiens (coûteux en temps et en argent) permettent d'accumulerdes informations supplémentaires sur les entreprises ou sur les travailleurs. La logique restealors celle de l'optimisation traditionnelle : il existe, par exemple, un nombre de visites àpartir duquel le gain probable issu d'une visite supplémentaire est plus faible que le coût decette visite. Il n'est donc pas rationnel de l'entreprendre. Un concept important est issu de cetteligne de pensée. Celui du « salaire de réservation », en-dessous duquel un candidat travailleurrefusera les emplois qui lui sont proposés. Ce comportement se comprend bien, si le coûtd'une recherche prolongée est faible au regard d'anticipations (plus ou moins réalistes)d'autres offres qui seraient plus favorables. Enfin, la théorie du « travail comme facteur quasifixe », moins développée, se focalise sur les coûts qui grèvent les mouvements d'embauche etde séparation. Ceux-ci font qu'il peut être rationnel de garder des travailleurs à ne rien faire, sil'on escompte les utiliser prochainement et s'il est coûteux de s'en séparer pour les embaucherà nouveau plus tard. Le travail devient ainsi un facteur « quasi fixe » qui, sans avoir la fixitédes équipements (le capital est facteur fixe par définition), s'en rapproche dans certains cas.Le gain de réalisme issu de ces théories est considérable : on peut expliquer l'existence d'unemain-d'œuvre bien formée et bien payée, les différences de salaires issues de différences dequalification, les comportements de recherche, d'embauche et de licenciement différés, etc.Mais l'emploi reste fondamentalement une marchandise soumise à la loi de l'offre et de lademande, et, dans les contextes de chômage massif, une telle schématisation n'est guèreporteuse d'autres prescriptions que la baisse des salaires.La mise en évidence et en question des conséquences d'un tel raisonnementtransposé à l'échelle d'un pays et la contestation par John Maynard KEYNES de sa logiquesous-jacente ont donné naissance à la macroéconomie. Les grands débats qu'a suscités la crisede 1929 ont opposé les partisans du retour à une supposée loi du marché dont on se serait peuà peu écarté, prescrivant alors des baisses de salaires, et divers courants favorables à la relancede l'activité, voire au contrôle des investissements. L'avènement du keynésianisme,frontalement opposé à la déflation salariale, marque l'irruption des déterminantsmacroéconomiques dans l'analyse dominante de l'emploi.Le circuit keynésien connaît des limites. Il convient de distinguer ici deuxKEYNES. Le premier, le plus connu, raisonne en termes de circuit d'ensemble, sur lequel unebaisse généralisée des salaires induit un effet dépressif cumulatif : la contraction du pouvoird'achat des salariés entraîne la contraction des débouchés et donc, loin de restaurer l'emploi,ne peut qu'aggraver le chômage. D'une part, les salariés sont soumis à l'« illusion nominale »86


(ils n'apprécient pas nettement les gains en pouvoir d'achat de leurs salaires dans des contextesde variation des prix, ils se contentent de refuser les baisses nominales et de rechercher deshausses nominales) et cela empêche de tracer les courbes d'offre traditionnelle. D'autre part, lademande issue des entreprises dépend du bouclage macroéconomique, ce qui empêche leraisonnement microéconomique élémentaire de se tenir. Le mouvement de l'analyse consiste àréinsérer le marché du travail dans les interactions globales de l'économie : l'emploi devientainsi un marché sous influence. Selon ces thèses célèbres, il dépend de la « demandeeffective », c'est-à-dire des prévisions de débouchés effectuées par les entrepreneurs.Pessimistes, ces derniers embaucheront peu, et les faibles débouchés ainsi créés lesconfirmeront dans leur pessimisme. Symétriquement, des prévisions optimistes induiront plusd'emploi et plus de débouchés. Agir en cas d'« équilibre de sous-emploi » (dans le caspessimiste) revient à l'État, soit par le canal du « multiplicateur » (un accroissement dedépenses génère un emploi additionnel, qui lui-même rendra possible un accroissement desdépenses de consommation des salariés, donc plus d'emplois, et ainsi de suite jusqu'à ce que lemouvement soit amorti), soit par une politique de bas taux d'intérêt favorisantl'investissement. Mais un second KEYNES, plus difficile, voire ambigu, met en cause lefonctionnement même du marché du travail, sinon son existence, en remarquant que lesmouvements de salaires correspondent à une « compétition autour des salaires nominaux » quioppose les salariés entre eux dans un cadre sur lequel ils n'ont guère d'influence. C'est unprocessus relatif, qui permet la répartition, entre groupes de travailleurs, du salaire réel globaldéterminé par ailleurs. La rigidité nominale des salaires s'explique par le souci qu'ont lessalariés de pouvoir changer aisément d'emploi sans renégocier en permanence, et de protégerleur position relative : la mobilité imparfaite entre les postes et les emplois implique lacoalition des travailleurs pour fixer les avantages relatifs dont ils disposent ; ainsi, laconcurrence exercée sur le marché de l'emploi est-elle, par définition, une concurrenceimparfaite et collective. Ces intuitions seront toutefois mises de côté à l'initiative de KEYNESlui-même, celui-ci ayant précisé que, hormis les cas de dépression, la théoriemicroéconomique et donc le schéma microéconomique précédent gardaient leur validité. Ilreste que, la dépression étant, selon lui, la tendance fondamentale du capitalisme, KEYNESrefuse le raisonnement qui pose l'ajustement simultané de l'emploi et du salaire, et quidéconnecte les prix (le salaire) des quantités (l'emploi) dont ils sont censés permettre etévaluer l'échange pour insérer l'emploi dans le jeu d'une série d'autres quantités (le revenu, laconsommation, les débouchés). C'est le KEYNES du circuit qui a été popularisé, appliqué etdiscuté. Il ne reste plus grand-chose de ses résultats et de ses prescriptions. Sur le planpratique la théorie keynésienne de l'emploi a connu son heure de gloire entre 1940 et 1965, etprobablement son âge d'or lors de la réduction d'impôts décidée en 1962 par le président JohnFitzgerald KENNEDY 140 , sur la suggestion de son Council of Economic Advisers. La relanceavait alors parfaitement réussi, et le succès dura jusqu'à ce que se manifestent les pressionsinflationnistes de la guerre du Vietnam (1966). Mais les relances ultérieures, aux États-Unisou dans d'autres pays, se sont révélées décevantes, lançant des processus inflationnistes, ouencore déséquilibrant les échanges extérieurs. Quant à la théorie, les succès comme les échecsdu keynésianisme élémentaire ont conduit à son perfectionnement puis à son abandon ; leséchecs, parce qu'ils jettent un doute sur sa pertinence, et les succès, parce que la Théoriegénérale 141 ne prescrivait rien en situation de plein-emploi ou de quasi-plein-emploi : il étaitadmis qu'une relance excessive pouvait créer de l'inflation, mais comment maîtriser leprocessus ?140KENNEDY John Fitzgerald (1917-1963) président des Etats-Unis, cfbiographie complète en fin de thèse.141KEYNES, J., Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie,Ed. Les auteurs classiques, 1936.87


Une liaison manquait aux enchaînements du circuit : si l'on voit bien commentl'emploi dépend de l'économie entière, l'effet en retour de l'emploi sur l'économie a été passésous silence, hors les comportements de dépense. D'où la fortune exceptionnelle d'une liaisonempirique constatée en 1958 par l'économiste néo-zélandais Alban PHILLIPS 142 , qui relieinversement le taux de chômage au taux de progression nominale des salaires Il suffit deraisonner en termes d'inflation salariale et d'effectuer deux suppositions pour étendre lacélèbre « courbe de PHILLIPS » à la représentation d'une liaison inverse entre chômage etinflation générale. Les deux suppositions sont qu'en deçà de 2 à 3 % de hausse nominaleannuelle, les hausses de salaires n'ont pas de répercussion inflationniste parce qu'elles sebornent à enregistrer les variations de la productivité du travail ; qu'au-delà de ce niveau, leshausses de salaires ont une répercussion inflationniste générale et régulière. La courbe dePHILLIPS, qui n'est pas une théorie, insistons-y, permettait de compléter le keynésianisme dedépression par un keynésianisme de prospérité puisqu'elle montrait que, à partir d'une certaineréduction du taux de chômage – que l'on pouvait chiffrer –, l'effet des relances étaitinflationniste, et cet effet pouvait, lui aussi, être chiffré. Un point sur la courbe se révélaitparticulièrement intéressant : le taux de chômage compatible avec la stabilité des prix, soitl'intersection de la courbe de PHILLIPS avec l'axe horizontal. Il a reçu deux noms : leN.A.I.R.U., non accelerating inflation rate of unemployment, ou taux de chômage quin'accélère pas l'inflation, et le « taux de chômage naturel ». Le premier est neutre et technique,le second appartient au monétarisme de Milton FRIEDMAN, l'auteur qui a le plus fait pourrenverser le keynésianisme.Graphique XIV : N.A.I.R.U 143142PHILLIPS Alban William, 1914-1975 est l'homme dont le nom est joint à lafameuse courbe dans des sciences économiques d'après-guerre - "la courbePHILLIPS". Cf biographie complète en fin de thèse.143Encyclopedia Universalis 5.88


Le concept de Nairu (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment) a étémis au point dans les années 70 pour justifier l’idée qu’il est impossible de faire baisser lechômage en dessous d’un certain niveau (le Nairu, parfois appelé taux de chômage naturel)sans relancer l‘inflation. Elle fortifie bien sûr les politiques monétaires neutres ou restrictives.Le concept de Nairu s’inscrit dans la longue réflexion relative aux liens entrechômage et inflation. Intuitivement il est assez naturel de penser qu’un taux de chômage élevéfait pression à la baisse sur les salaires, donc sur les prix, et qu’inversement une situation dechômage faible permet aux salariés de faire pression à la hausse sur leurs revenus.Une ample littérature s'est constituée autour de la courbe, d'une part, pour enétablir la stabilité et la généralité et en repérer les paramètres et, d'autre part, pour en fonder leprocessus. Cette mobilisation intellectuelle se comprend bien. La courbe était censée indiquerl'arbitrage disponible entre chômage et inflation (ce que l'on a pu baptiser le « menu » de lapolitique économique). Mais aussi le rétablissement de l'influence de l'emploi sur le reste del'économie offrait aux adversaires du keynésianisme une occasion rêvée de revenir auxinteractions de marché que le processus séquentiel de la Théorie générale avait suspendues.L'idée sous-jacente est celle de pressions à la hausse des salaires rendues possibles par unmarché du travail « tendu », avec des salariés en position de force pour demander des haussesde salaires et des entreprises disposées à en accorder pour capter une main-d'œuvresupplémentaire. Il y eut des interprétations keynésiennes de la courbe, mais il revint àFRIEDMAN 144 de sonner le glas du keynésianisme élémentaire en expliquant simultanémentla courbe et son instabilité, constatée peu à peu, par des mécanismes d'ajustements de prixsimplement retardés. Son raisonnement est construit comme une pièce de théâtre en deuxactes et avec trois acteurs, dont le titre pourrait être : « La courbe de PHILLIPS est unedroite. » Les trois acteurs sont les entreprises, censées être clairvoyantes et optimiser enpermanence leur comportement ; les salariés, sujets à une illusion nominale temporaire ; et,enfin, l'État, acteur bienveillant mais à la clairvoyance limitée en permanence.144Milton FRIEDMAN est un économiste américain, il est né en 1912 à NewYork ; il a reçu le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques enmémoire d'Alfred NOBEL en 1976. Cf biographie complète en fin de thèse.89


Graphique XV : Courbe de PHILLIPS 145Le rideau se lève sur le « taux de chômage naturel », appelé ainsi parFRIEDMAN parce qu'il est celui auquel spontanément l'économie s'établirait, compte tenudes mouvements inévitables sur le marché du travail. L'État constate du chômage, il le jugeexcessif et, entreprend une relance de style keynésien. D'où une injection de pouvoir d'achatet, selon la logique monétariste, une hausse des prix, abaissant le pouvoir d'achat dessalariés... et rendant possible, hors de toute réaction immédiate de ceux-ci, l'embauche desalariés supplémentaires par les entreprises clairvoyantes qui ont enregistré l'abaissement duprix de la main-d'œuvre. Le premier acte donne ainsi raison à PHILLIPS et aux keynésiens :moyennant une certaine inflation, l'État a pu faire reculer le chômage en deçà du taux« naturel ».Mais la réaction des salariés ouvre le second acte : ceux-ci constatent que leurpouvoir d'achat a baissé et en exigent la compensation, qui leur est accordée. Bien entendu,les entreprises enregistrent la hausse du coût de la main-d'œuvre et licencient le personnelsupplémentaire antérieurement embauché. On retourne donc au taux de chômage antérieur,sans créer davantage d'inflation. La pièce se termine par l'étonnement de l'État, qui avaitréussi à faire reculer le chômage et le voit revenir. Il est évidemment prêt à recommencer.D'où l'explication proposée par FRIEDMAN À court terme, il existe bien une liaison négativeentre hausse des prix et taux de chômage ; mais, à long terme, il est impossible de s'écarterdurablement du taux de chômage « naturel », et les efforts interventionnistes, ne peuvent pluscréer qu'une inflation sans cesse relancée. L'État parcourt ainsi une droite verticale, du taux dechômage « naturel » en abscisse vers des niveaux croissants d'inflation. Cette argumentationremarquable accordait ainsi une pertinence de court terme au keynésianisme pour imposer leretour au raisonnement microéconomique antérieur.145Encyclopedia Universalis 5.90


De la controverse, plusieurs résultats sont issus, plus nuancés qu'on ne pourraitl'imaginer à première vue. Le keynésianisme élémentaire a certes vécu, mais les séquencespostulées par FRIEDMAN se sont révélées largement fausses, et ce sont de multiples délaisdifférents, affectant tous les acteurs et portant sur les répercussions inflationnistes, lesajustements d'emploi et les pressions salariales, qui sont maintenant estimés et introduits dansdes modèles macroéconomiques plus sophistiqués. Ceux-ci conservent, du reste, le plussouvent, des « liaisons de PHILLIPS», partielles et connectées à d'autres mécanismes.Si, depuis longtemps, bien des travaux ont insisté sur les composantesconflictuelles de la relation d'emploi, à commencer par les analyses célèbres de Karl MARXsur l'exploitation de la force de travail et l'aliénation du salarié, deux références américainesdatant du début des années 1970 constituent, pour l'essentiel, les fondements modernes desthéories alternatives de l'emploi. Tout d'abord, la distinction, proposée avec force par AlbertHIRSCHMAN 146 , entre les comportements de défection (exit) et de protestation (voice)montre que l'issue d'un désaccord entre employé et employeur peut bien être le départ del'employé pour rechercher un patron plus satisfaisant (défection), attitude qui fait jouer laconcurrence du marché, mais aussi, et bien plus fréquemment, l'action collective organisée surplace (protestation). Dès lors, les interrelations discutées plus haut ne cernent qu'une part,effective mais minoritaire, de l'économie de l'emploi. Ensuite, une série de thèses,développées par Michael PIORE, Peter DOERINGER 147 et Barry BLUESTONE 148 , a posé ladiscontinuité fonctionnelle du marché du travail. Les théories du dualisme ou de lasegmentation du marché du travail partent précisément des parcours professionnels construitspour une main-d'œuvre fixée, syndiquée, bien formée et rémunérée, parcours qui obéissent àune série de règles valables en général (grille de qualification, promotion interne, ancienneté)et non à des transactions de marché. Il s'agit alors de « marchés internes » aux entreprises (leterme est relativement malheureux, puisqu'il ne s'agit précisément pas de marchés), alimentéspar un « marché primaire » réservé à une main-d'œuvre stabilisée et privilégiée, tandis que le« marché secondaire » rassemble le reste des salariés et les entreprises qui n'ont pu ou vouluconstituer des marchés internes. Il y a ainsi partition du marché du travail, avec, d'un côté, desfirmes puissantes bénéficiant d'une demande stable, cherchant à stabiliser leurs salariés et àcapter les gains d'un collectif soudé, et, de l'autre, des firmes « secondaires » laissant jouer lesmécanismes marchands. Cette dichotomie s'est avérée féconde. S'il est absurde de rechercherdans la réalité deux mondes étanches qui seraient chacun dotés de caractéristiques opposées(salaires faibles/salaires forts ; syndicalisation, formation, stabilité/absence d'organisation,faible formation, instabilité), par centaines des études ont pu montrer qu'il existait des« segments » ou des pôles favorisés, et d'autres aux itinéraires professionnels contraints, sansperspectives de promotion. Trois pistes s'ouvrent ici, qui balisent l'essentiel des acquis récentssur l'emploi. La première revient sur la relation d'emploi en termes d'optimisation individuellepour mieux fonder l'écart ainsi posé avec les ajustements de marché : ce sont les théories dusalaire d'efficience et l'opposition insiders/outsiders. La deuxième cherche à intégrer cesacquis dans un schéma macroéconomique de concurrence imparfaite. Enfin, une troisièmevoie, d'inspiration plus systémique, se centre sur le jeu complexe des institutions et structures146Albert Otto HIRSCHMAN (1915- ) est un économiste américain de formation.Ses recherches pluridisciplinaires rendent difficile sa classification dansune des disciplines auxquelles il a contribué telles que l'économie, lessciences politiques ou la sociologie. Cf biographie complète en fin dethèse.147DOERINGER Peter B., PIORE Michael J., 1971, Internal Labor Markets andManpower Analysis, 2° édition,New York, M.E. Sharpe, 1985.148Barry BLUESTONE est Professeur d’économie politique à NortheasternUniversity Boston.91


du marché du travail et des politiques de l'emploi. Elle met en évidence la variété des espacesstratégiques « sociétaux » où s'expérimente la régulation collective de l'emploi.Deux défis hantent la microéconomie orthodoxe : celui du chômage de masseet celui de la rigidité des salaires. Ni l'un ni l'autre ne trouvent de réponse satisfaisante dansles développements évoqués plus haut, qui maintiennent, en la sophistiquant, l'idéed'ajustements par les prix. C'est pourquoi la plupart des travaux dans cette ligne explorentl'hypothèse de rigidités « optimales » (entendons par là qu'elles résultent du fonctionnementnormal du marché du travail et non d'entraves qui le perturberaient). L'emploi cesse alorsd'être une marchandise pour devenir une relation asymétrique entre agents calculateurs. Unepremière possibilité est que les acteurs s'entendent implicitement pour stabiliser le salaire.C'est l'idée des « contrats implicites », qui s'est révélée peu réaliste car elle néglige le fait quecertains travailleurs puissent préférer des salaires moins stables mais plus élevés. Selon leshypothèses concernant le degré d'incertitude dans lequel se trouvent les acteurs, elle prévoitdes comportements très divers, voire opposés. Cette double faiblesse, quant à son réalisme etquant à la stabilité de ses résultats, explique l'abandon de cette théorie depuis le milieu desannées 1980. Une deuxième possibilité est que les entreprises optent pour une stabilisation dusalaire au-dessus du niveau qui permettrait l'embauche de tous les candidats. C'est le principedu « salaire d'efficience » (développé notamment par les Américains Joseph STIGLITZ 149 etGeorge AKERLOF 150 ), qui lie l'effort fourni par les salariés au niveau du salaire : pour desraisons diverses et qui divisent les spécialistes (mélange de « carotte » et de « bâton »,possibilité de trier les meilleurs travailleurs, constitution d'un collectif motivé), l'entreprisechoisit, en toute liberté, un salaire plus élevé que celui du marché. La conséquence en est lacoexistence du chômage et de la rigidité salariale. Une troisième possibilité est évidemmentque les salariés imposent, à leur avantage, la rigidité au-dessus du niveau du marché. C'estpossible si leur licenciement est coûteux pour l'entreprise. Alors, les insiders, ceux qui sont àl'intérieur, sont en quelque sorte abrités de la concurrence des outsiders. L'oppositioninsiders/outsiders 151 , (élaborée par le Suédois Assar LINDBECK 152 et l'Anglais DennisSNOWER 153 ) retrouve alors, au cœur de l'emploi, une relation de concurrence imparfaiteinévitable.Ces rigidités ont d'abord été prises en compte en développant desschémas d'interactions entre marchés dont les prix restent temporairement fixés. C'estl'hypothèse de l'« économie du déséquilibre », très en vogue durant les années 1970 et 1980,qui examine comment les rationnements dont sont alors victimes des agents sur certainsmarchés se reportent sur d'autres et affectent l'économie dans son ensemble. La limite de cetteperspective a été peu à peu ressentie : les prix que l'on a supposés fixés (et non rigides) ne le149STIGLITZ Joseph Eugene est un économiste américain né en 1943 qui reçutle Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'AlfredNOBEL en 2001 (avec George AKERLOF et Michael SPENCE). Il est aujourd’huil’un des plus célèbres économistes du courant des « nouveaux keynésiens ».Cf biographie complète en fin de thèse.150AKERLOF George Arthur (17 juin 1940- ) est un économiste américain néokeynésien.Il a reçu en 2001 le Prix de la Banque de Suède en scienceséconomiques en mémoire d'Alfred Nobel (avec Michael SPENCE et JosephSTIGLITZ) pour ses analyses du marché en situation d'asymétried'information. Cf biographie complète en fin de thèse.151Cf la théorie insiders-outsiders annexe 7 en fin de thèse.152Economiste social-démocrate, Assar LINDBECK est Professeur et Présidentdu comité Nobel d' Economie.153Assar LINDBECK et Dennis J. SNOWER, The Insider-Outsider Theory ofEmployment and Unemployment, Cambridge, Mass.: MIT Press, 1989.92


sont plus dès que l'on introduit quelques délais ; ils s'ajustent, et l'essentiel est de caractériserces ajustements... On est alors renvoyé à la macroéconomie traditionnelle. Proposé par lesAnglais Stephen NICKELl, Richard LAYARD et Richard JACKMAN 154 au début des années1990, un schéma unifié vise à traduire directement au niveau macroéconomique le jeu desrigidités présentées plus haut. Il a été adopté, avec de multiples adaptations et applications, parde nombreux économistes. Appelé WS/PS, pour wage setting/price setting ou encore courbede fixation des salaires et courbe de fixation des prix, ce schéma se centre sur lecomportement des entreprises dans deux domaines : fixation du prix de leurs produits, etfixation des salaires. Il présente dans un même diagramme le jeu combiné de ces deuxprocessus.L'équation de prix traduit l'existence d'un comportement de marge et donc deconcurrence imparfaite : les entreprises fixent leurs prix à partir du coût salarial en appliquantun pourcentage de majoration, qui, ici, est supposé croître avec le niveau de l'emploi – ce quitraduit la plus grande facilité d'augmenter les prix lorsque la conjoncture est forte. Le poidsdes salaires dans la fixation des prix décroît à mesure que l'emploi augmente. D'où la formede la courbe, qui relie négativement le salaire réel et le taux d'emploi. L'équation de salaire,quant à elle, synthétise le pouvoir de négociation des salariés, qui augmente à mesure quel'emploi s'accroît.Il résulte de ces deux courbes, dans une perspective de long terme, un point decompatibilité qui correspond au taux de chômage U*. Ce dernier n'est autre que le N.A.I.R.U.évoqué précédemment. Le schéma, d'une grande souplesse, permet d'envisager les effets àcourt terme de perturbations dans la productivité ou l'inflation, ou encore les effets despolitiques de l'emploi. Ceux-ci viennent affecter la position des courbes. On notera aussi legrand classicisme de ses implications à long terme : pour augmenter l'emploi, il convient derestaurer davantage de concurrence et de flexibilité sur les marchés. Ces théories sont ainsiporteuses d'un interventionnisme nuancé, éclectique et délicat : il ne serait guère logique deprôner directement le retour au salaire supposé concurrentiel, et la solution réside dans despolitiques de l'emploi actives – via des subventions à l'embauche, des actions de formation –,qui malgré tout doivent rapprocher d'un équilibre de marché.Les relations d’emploi peuvent enfin être considérées d’un point de vue« sociétal », c’est-à-dire dans la variété des combinatoires collectives (institutions, règles,regroupements) qui isolent des caractéristiques nationales durables.Tout oppose la détermination des salaires telle qu'elle se fait aux États-Unis, oùla négociation, lorsqu'elle existe, a lieu par entreprise avec des syndicats locaux, au« corporatisme » suédois, qui est construit sur la confrontation du gouvernement avec unsyndicat massif et centralisé rassemblant 80 % des salariés. On a pu, de même, classer lespays par la plus ou moins grande professionnalisation de la formation initiale des salariés.L'opposition est par exemple forte entre le système « dual » allemand, qui intègre fortementl'appareil scolaire et la formation en entreprise, ou le système japonais, qui valorise uneprogression régulière de la main-d'œuvre « sur le tas », et le système français, oùl'apprentissage est faible et mal considéré, l'essentiel de la formation se faisant dans le cadrescolaire largement déconnecté des besoins précis ressentis par les entreprises, lesquellesobéissent, pour leur part, à un modèle fortement hiérarchisé. Ces structurations ont chacune154Richard LAYARD, Stephen NICKELL et Richard JACKMAN, Unemployment :Macroeconomic Performance and the Labor Market, Oxford University Press,New York, 1991.93


leurs avantages et leurs inconvénients, et une double exigence de flexibilité et d'intégration sefait jour dans les difficultés actuelles. Certains « espaces stratégiques », bien adaptés auxpériodes de croissance rapide, révèlent leurs inconvénients dès lors que la croissance ralentitou que la concurrence mondiale s'intensifie.On doit alors mettre au premier plan l'éventail des politiques de l'emploi, qui,d'un côté, indemnisent les chômeurs (politiques dites « passives ») et, de l'autre, favorisentleur embauche ou leur requalification (politiques dites « actives »). L'expérience française, autournant du millénaire, combine à peu près à égalité les politiques « passives » et « actives »pour un total de dépenses publiques entre 3 et 4 % du P.I.B. La France a introduit, et c'est leplus original, une réduction généralisée de la durée du travail salarié. Les effets imputablesaux deux lois AUBRY instaurant les 35 heures ont été estimés à 170 000 emplois créés oupréservés en 2000 (parmi les 600 000 emplois nouveaux créés en 2000) ; le dispositif esttoutefois critiqué pour sa lourdeur et sa complexité. Les États-Unis ne consacrent que 0,5 %de leur P.I.B. aux politiques de l'emploi, alors que le Danemark ou la Suède dépassent 5 %,avec une nette prévalence des politiques « actives ». D'un côté, dans le monde anglo-saxon,on cherche à limiter ces interventions et à favoriser la flexibilité du marché. Dans les paysnordiques, au contraire, on cherche à favoriser la mobilité sur le marché du travail par desprogrammes publics de formation des travailleurs et de subvention de l'emploi en faveur desmoins qualifiés. Ces choix opposés mettent ainsi en interaction des modalités defonctionnement du marché du travail et des modalités d'interventions publiques, quiconduisent à des trajectoires contrastées. On a évoqué la performance américaine. Elle a pourcontrepartie une très forte inégalité des revenus, notamment salariaux. La performance duDanemark, petit pays très ouvert à la concurrence internationale, est à la fois proche et trèsdifférente. Avec en moyenne 10 % de sa population active dans des programmes de politiquesde l'emploi, le Danemark obtient un taux de chômage tout aussi bas, et beaucoup moinsd'inégalités salariales.3° La déstabilisation et la crise des approches classiques du travailLe premier élément de déstabilisation est la forte pénétration des outilstechniques telle que la mécanisation, l'automatisation, l'informatisation. Cette pénétration estimportante y compris dans le secteur des servicesCette situation a deux conséquences principales:* Le débit bascule du côté de l'action de ces outils qui sont sur ce plan, plusperformant que le débit du travail. Cette "concurrence" des systèmes techniques pose leproblème quant à la définition traditionnelle du travail et de sa productivité. Produire plus enun temps donné: la machine s'impose là où prime le débit. La pénétration des outilstechniques change en profondeur la structure des coûts et les bases d'évaluation de laperformance économique. Les coûts majoritaires dans les entreprises sont associés auxsystèmes techniques, aux matières premières, aux informations et, minoritairement, auxsalaires. Dans l'industrie, le coût salarial représente environ 15 à 20 % du coût de revientcomplet des produits. On s'aperçoit, dans les années 70, d'un déséquilibre entre le tauxd'engagement des hommes et celui des machines, celui-ci étant considérablement plus bas.Aujourd'hui, les taux de rendement des hommes sont de 50 à 60 % alors que ceux desmachines dépassent 90 %. La différence vient des temps d'arrêt pour de multiples raisons. Onpeut alors se demander à quoi sert de pousser l'intensité d'usage du travail humain alors qu'il"impacte" de manière croissante sur les coûts ?94


* Le second effet est plus décisif: la pénétration des outils techniques ne peutpas se faire sans un changement dans le contenu même du travail humain. Ce changement, cedéplacement est la préparation du travail, la supervision et le contrôle, la maintenance, lesinterventions sur les aléas, les relations de service aux usagers, etc. On voit ainsi émerger uneréalité du travail-débit, des opérations de pure production matérielle.Le mot même de production devient incertain:Superviser: que produit-on en supervisant ?Maintenir: que produit-on en assurant de la maintenance ?Contrôler: que produit-on en contrôlant ?On s'aperçoit que la définition traditionnelle de la production commence àdevenir évanescente par rapport au contenu réel du travail. Le travail se condense sur"l'intelligence pratique des situations productives". Ce qui est de plus en plus sollicité n'estpas le débit. La pression sur le débit subsiste, comme sur les chaînes de montage automobile,elle devient insupportable. La sollicitation porte désormais sur l'intelligence des simulationsface à des événements tels que les pannes, les défauts qualité, les demandes singulières desclients, etc.Quand on parle d'intelligence des situations, on ne peut plus enfermer laqualification dans une liste de tâches à accomplir à tel poste de travail, de manière préprogrammée.On est obligé de faire appel à la compétence humaine directement pour cequ'elle est, et non pas par référence à un descriptif d'emploi. Il faut ou plutôt il faudraitanalyser la compétence humaine dans toutes ses dimensions: forme de connaissances descomposantes techniques des situations, forme de savoir relationnel à d'autres humains, formede prise d'initiative et de responsabilité. L'utilisation de la forme "il faudrait" plutôt que de laforme "il faut" renvoie au fait que nous soyons encore dans les pratiques de gestion desressources humaines, les systèmes de classification et qu'il faudrait commencer à s'occuper dela compétence.Le deuxième point de déstabilisation concerne l'innovation qui n'est pas unphénomène nouveau, ce qui a changé c'est:* la fréquence des innovations; on innove beaucoup plus vite et beaucoup plusfréquemment, dans les produits, les outils, les organisations,* la diffusion des pratiques d'innovation: celles-ci ne sont plus réservées à laseule recherche/développement. L'innovation est de moins en moins concevable sur unmodèle linéaire, où il y a des gens qui conçoivent d'un côté, d'autres qui appliquent de l'autre.L'innovation se diffuse sur une large partie du tissu social de l'entreprise jusqu'à l'employé.Cela devient une composante quotidienne, presque normale, du travail. Peut-être ne parlerat'on que d'amélioration et non d'innovation: il y a des différences de degré dans l'ampleur del'innovation, mais pas de différence de principe.Cette "démocratisation" de l'accès à l'innovation, dont nous vivons lesbalbutiements avec la montée en charge des groupes de projet, réunions "de progrès" et autrespratiques, modifie nécessairement la vision que l'on peut avoir du travail. Innover, mêmemodestement, c'est quelque part être créatif, c'est prendre des initiatives et se remettre encause. Cela peut concerner un ouvrier, mais tout aussi un enseignant. C'est être capable deremettre en cause des routines, introduire des dimensions d'analyse des problèmes rencontrés,lancer des modifications dans les façons de faire.95


Cette diffusion réticulaire, cette pénétration de l'innovation dans le tissu del'organisation est de moins en moins compatible avec la vision du travail comme geste rapide,débit. Il apparaît là l'indice d'une rupture dans l'approche traditionnelle, mais aussi l'indice detensions lorsque cette dimension créatrice du travail n'est pas reconnue.Le troisième élément concerne la communication sociale. Le modèle Taylorienest un modèle que l'on peut appeler, de manière un peu humoristique, un modèle de "zérocommunication". Communiquer, c'est perdre son temps. Or cette idée selon laquellecommuniquer, ce n'est pas travailler, c'est perdre son temps, ne tient plus du tout. Lacommunication commence à pénétrer de tous les côtés. La communication liée au travail, aufait qu'une partie du travail consiste à communiquer. Laissons de côté la fameuse "politiquede communication" de l'entreprise pour passer en revue les deux communications socialesrencontrées dans le milieu du travail, la première est dirigée vers les destinataires de sontravail, ceux pour qui on travaille. Cela peut être un client dans une entreprise privée, unusager dans le service public. Bien entendu, je ne fais aucun amalgame entre ces deuxsituations. Mais il y a malgré tout un point commun attaché à la manière de réaliser sontravail: comprendre les attentes de ce destinataire, cela ne se situe pas en aval du travail, maisen amont et/ou dans le présent ce que l'on fait. Comprendre les attentes d'un usager, c'estsavoir remettre en cause sa manière de travailler, l'adapter, la modifier, etc. Et cettecompréhension, si l'on veut éviter qu'elle n'apparaisse comme une pression aveugle, supposeune communication sociale réelle avec l'usager. C’est beaucoup plus que de respecter un délaiou plutôt, respecter est une version considérablement appauvrie, retraduite dans les termestayloriens du travail-débit, de ce besoin de communication. La seconde est entre salariés ausein d'une même entreprise, entre métiers et services différents, sachant qu'une large partiedes problèmes de fonctionnement et d'efficacité des entreprises sont aujourd'hui desproblèmes dits "transversaux", au sens où ils traversent les différentes structures del'entreprise.Communiquer signifie ici échanger des savoirs, confronter des expériences,s'affronter ensemble à un même problème, être co-responsable d'une même activité. Celaexplique "l'explosion", du moins dans les grandes entreprises privées, des organisations plustransversales. Qu' y a t'il, au fond, dans toutes les formes organisationnelles un peu nouvelles,sinon une ébauche de reconnaissance de l'importance productive de la communicationsociale ?Le quatrième élément de déstabilisation concerne la question del'apprentissage, non au sens "apprenti" mais au sens "apprendre". On s'aperçoit que commetout bouge vite dans l'entreprise, dans le monde de la recherche, etc., la qualité et la rapiditédes apprentissages professionnels deviennent décisifs. Il n'est certes pas simple de concilierqualité et rapidité.L'apprentissage professionnel, n'est pas simplement la formation. Bien entendu,la formation aide, soutien, mais le mouvement de fond consiste à apprendre en exerçant sontravail, son activité professionnelle, à apprendre en faisant des situations réelles. Lemouvement de fond est de développer des apprentissages beaucoup plus permanents,fréquents, rapides qu'auparavant. Cela pose d'ailleurs des problèmes, aux salariés, àl'organisation du travail. C'est ce que l'on a pu essayer de formaliser derrière le conceptd'organisation qualifiante.96


Ces quatre traits dessinent une réalité du travail très différente de ce qui estrappelé au débutent terme d'héritage. Le taux d'occupation maximum pour produire vite à unposte de travail: cette vision devient redoutablement désuète. Redoutablement, car elle estencore bien présente dans les formes de contrôle et de mesure du travail, dans lesclassifications, etc.C'est un nouveau regard que nous devons instruire et développer, sur lequel ilvaut la peine de se battre. Les temps de travail ne vont donc plus être les mêmes puisque lafaçon d’envisager ce dernier va devoir évoluer, se compartimenter. On va retrouver les quatretraits de travail sous forme de quatre catégories de temps.* Premier temps, le plus décisif: le temps de la communication sociale.Pourquoi le plus décisif ? Parce que le temps de la communication sociale est celui qui donnele sens au travail: pour qui et pourquoi on travaille. Il donne le sens au travail et sa pertinence.On travaille de façon pertinente par rapport aux autres. Communiquer c'est se comprendre etse comprendre demande du temps, temps qui souvent, actuellement manque. C'est un tempsdécisif pour le sens et la pertinence de notre activité professionnelle.* Deuxième catégorie de temps: les temps d'études et d'innovation. Ces tempspeuvent se développer dans un atelier, un service, un centre de recherche, sur toute sorte deproblèmes: problèmes techniques, de qualité, problèmes sociaux... Il existe une multitude deproblèmes à étudier, comprendre, une foultitude d'actions à engager pour améliorer lessituations. Cela nécessite une prise de distance critique vis à vis du travail routinier, desremises en cause, et cela suppose du temps. Temps d'études personnelles, temps de réunions,temps d'échanges, temps d'expérimentation. Ces temps sont décisifs pour les organisations. Ilsdoivent être reconnus comme "productifs".* Troisième catégorie de temps: le temps de l'apprentissage professionnel ausens large du terme. Temps pour apprendre, pour transmettre des connaissances. Temps oùs'acquièrent et se testent des connaissances nouvelles, sous forme de stages certes, mais aussiet surtout en situation de travail.Tous ces temps d'apprentissage, particulièrement sous-estimés en France, sontdes formes sociales qui doivent être reconnues dans les organisations, comme formes detemps nécessaires à toute production moderne.* Quatrième temps: le temps de la réalisation du travail productif au senstraditionnel. C'est un temps plutôt de supervision qu'un temps de production matérielle. Celadépend du type d'activité. Il reste des temps de production soumis aux principes et à lastructure matérielle du taylorisme, mais le taylorisme est à repenser avec la réalité du travailainsi que selon la hiérarchie des temps.Le temps productif, au sens classique devient secondaire, au sens précis où saqualité se trouve conditionnée par les trois autres catégories de temps: temps de lacommunication sociale, de l'innovation et de l'apprentissage. Il n'est pas résiduel maisconditionné.Le travail a été longtemps considéré comme "expérience sociale centrale", onvoit aujourd'hui cette position contestée dès lors que les modes d'expression de la sociétés'élargissent. Le travail a des rapports avec d'autres systèmes sociaux et des relations entre97


groupes sociaux. Le travail tisse en effet, un ensemble de relations collectives par lesquellesse réalise la production de biens et de services, pour constituer une société concrète.L'entreprise mobilise la capacité des individus dans les opérations productives,l'étude de l'entreprise ne produit pas simplement une image inversée des relations nées dutravail, elle ajoute plusieurs dimensions. Le terme d'entreprise est souvent utilisé de façonglobale, c'est un lieu social composite où s'opère la fabrication de produits, la réalisation decapitaux, l'utilisation de forces de travail mais c'est surtout le lieu de rencontre de rapportsindividuels et collectifs d'un point de vue sociologique. Ce n'est pas qu'un objet pré construitmais un lieu où se constituent et se combine plusieurs ordres de rapports. En bref, l'entrepriseest un construit social.Selon une définition très générale, l'entreprise est la coïncidence entre unprocessus de travail ayant sa propre cohérence interne et une collectivité de travail, réunisensemble par une forme juridique. Mais cette définition est trop vaste pour caractériser seulela forme "entreprise" dans une société industrielle. Elle permet de décrire aussi bien la familleque l'entreprise agricole ou artisanale, voire des collectifs de travail dans l'antiquité. Il fautdonc qualifier la nature du lien dans la collectivité de travail ; le lien salarial caractérise lasociété industrielle. Il n'existe pourtant pas de coïncidence totale entre travail et travailleursd'une part, propriété et pouvoir de décision de l'autre. La mise au travail est loin d'êtreindépendante des formes de travail à accomplir et elle s'effectue grâce à une série de relations.Une notion juridique délimite une conception du travail, selon I. VACARIE 155 ,en 1979 "Le droit au travail est construit sur la base de relations de travail " et organise lesrapports sociaux de travail et hors travail. Des relations se nouent sur les lieux de travail, ellessont complexes notamment parce que les individus et surtout les groupes concernés ne sedéfinissent que très partiellement par rapport à une entreprise qui est d'abord un construitsocial. Les rapports sociaux sont produits à travers des relations de travail, liés à la placequ'occupe le travail et donc à sa définition.Une analyse étroite, du type organisation scientifique du travail ou du typerelations humaines, réduit la perspective à une fraction d'un seul mécanisme du système derelations : le rapport homme-machine, et le rapport entre hommes à l'occasion directe etexclusive de la production. L'entreprise, lieu par excellence où le travail est centralisé, est uneinstitution sociale productive de relations. Elle remplit des fonctions, c'est une organisationavec un fonctionnement commun à toutes les institutions. C'est un organisme qui enferme lescomportements de ses membres et leur fournit objectifs et ressources, c'est un rassemblementd'individus qui y expriment des valeurs et poursuivent des buts qui lui sont extérieurs.L'entreprise apparaît comme le résultat des comportements de ses membres et la conditionpréalable à leur manifestation.155I.VACARIE invoque l'article L.230-3 du code du travail selon lequel ilincombe à chaque salarié de prendre soin de sa sécurité et de sa santé,ainsi que de celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ouomissions au travail. Il aurait effectivement pu être invoqué malgré sagrande généralité, " L'implication écologique du salarié ", in Droit dutravail et droit de l'environnement, SFDE –LITEC, 1994.98


4° La psychologie du travailLa psychologie du travail est une branche de la psychologie définie par sonobjet, les activités de l’homme en situation de travail. Elle utilise les méthodes de lapsychologie et se réfère à ses concepts et à ses théories, à l’élaboration desquels elle aefficacement contribué.La psychologie du travail est surtout connue par ses applications et elle estmême souvent identifiée à elles, apparaissant ainsi comme une branche de la psychologieappliquée. La psychologie du travail appliquée se distingue de la psychologie du travailfondamentale par ses objectifs, qui visent la transformation des situations de travail enfonction de critères fixés de l’extérieur. Elle est ainsi associée à des interventions diverses:recrutement, affectation, formation, conception des postes et des matériels, aménagement desconditions de travail, évaluation du travail, prévention des accidents, etc. Ces interventions nesoulèvent pas que des problèmes psychologiques, et le psychologue est ainsi amené àcollaborer avec d’autres spécialistes, tels que les ingénieurs, les formateurs, les responsablesde la gestion, pour la mise au point de ces interventions. La psychologie du travail sediversifie aussi en spécialités: la psychologie ergonomique et la psychologie desorganisations, en particulier.La psychologie n’envisage dans le travail qu’un certain nombre de facteurs quiinterviennent parmi beaucoup d’autres (physiologiques, sociologiques, économiques,politiques). Elle voit dans l’activité laborieuse «un comportement acquis par apprentissage ettenu de s’adapter aux exigences d’une tâche» extrait de l’analyse du travail 156 deOMBREDANE et M. FAVERGE paru en 1955. Ces dernières sont d’origine diverse: les unesdérivent directement de l’état du développement technologique (par exemple, la croissancedes exigences de type perceptif par rapport aux exigences de type musculaire dans les travauxmodernes), d’autres sont issues des conditions socio-économiques de la production (telle laparcellisation des tâches).Les premières études de psychologie du travail 157 ont été d’abord répertoriéessous le nom de psychotechnique ou de psychologie appliquée. H. MUNSTERBERG 158 estconsidéré comme un des grands précurseurs de cette nouvelle discipline que J. M. LAHY 159(1872-1943) a grandement contribué à développer en France. L’élargissement du champ de lapsychologie appliquée conduisit à sa différenciation et les études relatives au travail furent156OMBREDANE, A., et FAVERGE, J. M., L'analyse du travail. Paris, PUF,1955.157La psychologie voit dans le travail humain « un comportement acquis parapprentissage et tenu de s'adapter aux exigences d'une tâche »(A. OMBREDANE et J.-M. FAVERGE, 1955).Les premières études de psychologie du travail sont de respectivement :- H. MUNSTERBERG (1863-1916)- J. M. LAHY (1872-1943)- MYERS (1925) utilise pour la première fois le terme "psychologieindustrielle".158MÜNSTERBERG Hugo (1863-1916), cf biographie complète en fin de thèse.159La prévention psychophysiologique consiste à sélectionner les candidatsà des emplois engageant la sécurité collective. Née dans les entreprises detransport (HOMGREN, 1875, puis LAHY, TRAMM, BAUMGARTEN, MUENSTERBERG...),cette sélection des mieux doués a permis d’obtenir des résultatsextrêmement brillants. Le taux d’accident par conducteur d’autobus estainsi passé à Paris de 1,55 en 1925 à 0,27 en 1933.99


egroupées sous le titre de psychologie industrielle par MYERS en 1925. Cette expressionreste largement utilisée de nos jours, mais elle a un caractère trop limitatif, puisque le travailindustriel n’est qu’une des modalités du travail, ce dernier pouvant être, aussi, agricole,commercial, administratif, etc. Le terme de psychologie du travail est, de ce point de vue,beaucoup plus satisfaisant.La discipline qu’il recouvre a été longtemps et est encore souvent conçueseulement comme une branche de la psychologie appliquée. Cette conception est pourtant fortdiscutable en ce qu’elle masque des aspects essentiels de la psychologie du travail. Celle-ci,en effet, constitue d’abord un corps de connaissances relatives a une certaine classe decomportements et fait partie ainsi de la psychologie tout court. De ce point de vue, on peuttrès bien concevoir une psychologie du travail fondamentale ou théorique, qui soitindépendante d’une quelconque application: la genèse de l’apprentissage d’une tâchecomplexe, l’évolution des représentations mentales d’une machine avec la connaissancequ’acquiert l’opérateur, les mécanismes par lesquels les contraintes de temps modifientl’organisation de l’activité sont des exemples de thèmes de travaux théoriques. Mais, très tôt,on a cherché à utiliser les connaissances ainsi acquises, conjointement avec celles relevantd’autres domaines (physiologiques, économiques, techniques), pour transformer le travail envue de certains objectifs: amélioration de la sécurité, de la productivité, du confort, del’hygiène, de la satisfaction par exemple. Ce sont ces objectifs qui ont été fréquemment lemoteur essentiel des premières études de psychologie du travail; ainsi s’est opéréel’assimilation de celle-ci à la psychologie appliquée. Ce qui distingue des précédentes lesétudes conduites selon cette perspective, c’est que leurs critères sont définis de l’extérieur etqu’elles doivent aboutir à une optimisation des valeurs de ces critères ou de leur combinaison.Ces deux pôles de la psychologie du travail, scientifique et technologique,coexistent souvent dans une même étude: s’il est bon de les distinguer, il ne faut pas insistersur leur opposition, car ils peuvent s’enrichir mutuellement. Il est possible de classer leschamps d’étude de la psychologie du travail par rapport aux systèmes dans lesquels s’inscritle travailleur. Celui-ci est d’abord inséré dans un système technique: système hommemachineélémentaire ou système hommes-machines plus ou moins complexe. L’étude desinteractions entre l’homme et son environnement technique définit un premier champ, avecdes thèmes tels que l’effet des contraintes de vitesse, les systèmes de codage dans lescommunications entre l’homme et la machine, l’élaboration d’algorithmes pour le traitementdes incidents qui peuvent survenir dans une installation.Le travailleur est aussi membre de groupes formels et informels au sein del’organisation. L’étude des relations et des communications qui en résultent constitue uneautre manière d’analyser le comportement des travailleurs. Les thèmes rencontrés dans ce casconcernent, par exemple, le commandement, le prestige professionnel, la mobilitéprofessionnelle, le rôle de la forme de l’organisation sur la satisfaction du travailleur ou surson implication dans le travail.Enfin, on a désigné parfois sous le nom de système socio-technique le systèmequi intègre explicitement les deux précédents en considérant l’homme dans ses rapports avecl’environnement à la fois humain et technique. Dans cette perspective se développent, parexemple, des études relatives au rôle des dépendances entre tâches, à la transmission et à laréduction des perturbations dans le travail.100


Les champs d’étude précédents sont abordés par référence aux champs deconnaissance de la psychologie les plus pertinents. L’étude du poste de travail fait surtoutappel à la psychologie générale, qui fournit des cadres d’analyse pour les processusperceptifs, moteurs et cognitifs intervenant à ce niveau. L’étude des problèmes decommandement fera appel à la psychologie sociale et à la psychologie différentielle, etinversement elle contribuera à enrichir ces dernières.Enfin, aux champs d’étude correspondent des types d’intervention ou destechnologies. Celles-ci visent à modifier le système considéré en fonction d’objectifs fixésextérieurement en termes de critères plus ou moins valorisés par ceux qui demandent lesinterventions. L’acceptation de ces critères soulève des problèmes de déontologie (ce termeétant pris ici au sens large). Les interventions mettent en scène des spécialistes divers et lapsychologie n’y joue pas toujours le rôle essentiel. Trois types d’intervention sontparticulièrement importants dans les pratiques actuelles: ils concernent le recrutement etl’affectation du personnel, la formation et l’ergonomie.C’est à la participation à des actions de gestion du personnel telles que lerecrutement et l’affectation de celui-ci que s’est longtemps limité le rôle du psychologuedans l’entreprise, si bien qu’on a pu parfois le désigner comme un sélectionneur. En cestâches, il est aidé par les méthodes et techniques de la psychologie différentielle. Les testsconstituent ici un instrument essentiel, dont il faut contrôler l’efficacité par les techniques devalidation. Le choix des tests devrait reposer sur une analyse des activités et des fonctionsauxquelles sont destinés les opérateurs examinés. Un large usage de ces méthodes a été faitpour le recrutement et l’orientation des candidats à la formation professionnelle des adultes etpour le reclassement des handicapés physiques et mentaux.Sous ses différents aspects (formation générale, formation à des postesspécifiques ou à des classes de postes, recyclage, etc.), la formation, pour être rapide etefficace, doit être systématiquement planifiée. Le psychologue du travail, grâce à sesconnaissances des mécanismes de l’apprentissage, peut contribuer à fonder ces actions enfournissant un cadre d’analyse pour la définition du contenu de la formation, des exigencesqu’elle requiert de l’opérateur et des méthodes propres à favoriser les acquisitions. Il pourraaussi aider à la création d’un bon milieu pédagogique et à la préparation du sujet au rôlesocial qui correspond à son nouveau statut professionnel.La psychologie du travail, enfin, a contribué très largement à l’élaboration del’ergonomie. Elle tient en particulier, une place capitale dans l’analyse et l’aménagement destravaux à forte composante perceptive et intellectuelle («travail mental»): contrôle de qualité,contrôle à distance, recherche de panne, etc. La connaissance des mécanismes mis en jeu dansces activités permet d’envisager des moyens de réduire la charge qu’ils représentent pourl’opérateur. Plus généralement, la psychologie du travail fournit les moyens propres à dépisteret à évaluer la nocivité de certaines conditions de travail (contraintes temporelles, demonotonie, mnémoniques, sociales, etc.) comme à suggérer les correctifs propres à la réduire.Toutes les interventions qu’on vient de mentionner sont conditionnées par uneanalyse préalable du travail, qui doit aboutir à un diagnostic du problème et par là à unedéfinition des meilleurs moyens de résoudre ce dernier. Elles sont souvent conduites dans deséquipes de spécialistes où le psychologue sera associé à l’ingénieur, au pédagogue, aumédecin, à l’administrateur, etc.101


La psychologie du travail, née de préoccupations pratiques et stimulée parelles, a d’abord cherché à répondre à cet objectif, notamment par l’élaboration de techniquesexploitées par des praticiens qui se nommaient à l’origine «psychotechniciens». Mais sondomaine dépasse de beaucoup celui des techniques actuellement disponibles; et le traitementdes problèmes exige souvent la mise en jeu des méthodes et des connaissances de ladiscipline. Ainsi s’explique en partie qu’on ait abandonné la dénomination depsychotechnicien pour celle de psychologue du travail ou de psychologue industriel, voired’ingénieur-psychologue.En France, les psychologues inscrits à la section de psychologie du travailreprésentent environ le quart des effectifs des membres de la Société française depsychologie. Ils exercent leur activité au sein d’entreprises, d’organismes publics, de cabinetsd’organisation, de laboratoires. La formation à cette spécialité est assurée aujourd’hui dansquelques universités. Sur le plan international, les psychologues du travail constituent unefraction importante de l’Association internationale de psychologie appliquée. Le travailimpliquant autant de notions et ayant tant de répercutions sur les individus et les sociétés, undroit officiel et valable pour tous devient indispensable.5° Le droit du travailLe droit du travail est la branche du droit qui régit l’ensemble des relationsentre employeurs et salariés. Malgré son nom, il ne s’applique donc pas à toutes les formes detravail: il ne concerne que le travail dépendant – c’est-à-dire effectué au service d’autrui – etcelui qui est accompli pour le compte d’une personne privée (ou assimilée). Même si la règlecomporte des exceptions de plus en plus nombreuses (notamment dans le cas des entreprisesindustrielles ou commerciales de caractère public), il reste que le travail exécuté sousl’autorité de l’État ou des autres personnes publiques échappe, en principe, au droit du travailpour relever du droit administratif, notamment du statut de la fonction publique.On ne saurait trop insister sur l’importance de ce droit dans le mondecontemporain. Il a d’abord une signification philosophique, dans la mesure où il procèdenécessairement d’une certaine conception du travail humain – considéré comme une simplemarchandise ou, au contraire, comme un engagement de toute la personne – et c’est pourquoi,d’ailleurs, il entretient un rapport si étroit avec les idéologies. Au plan individuel, il a uneincidence directe sur la vie des salariés, et il influe sur les conditions d’existence de plus de60 % de la population. Au plan collectif, il joue un rôle capital pour le maintien de la paixsociale, et sa portée politique apparaît de plus en plus nettement de nos jours. Point n’estbesoin, enfin, de mettre l’accent sur ses répercussions économiques. Celles-ci n’ont, certes,été perçues d’abord que de manière empirique – les «conquêtes sociales» ayant pour effetd’accroître les coûts de production –, mais on s’est efforcé bien vite de les faire jouer de façonsystématique: dans bien des cas, le droit du travail est ainsi devenu un instrument de lapolitique économique, au niveau de l’État comme à celui de la profession ou de l’entreprise.À l’inverse, d’ailleurs, il faut noter que les décisions d’ordre économique conditionnent dansune très large mesure le développement du droit de travail.On peut, dès lors, se demander pourquoi ce droit n’est apparu qu’à une dateaussi tardive – au moins sous la forme d’une discipline autonome. On a dit bien souvent qu’ilétait le produit de la révolution industrielle et du système capitaliste: et il est vrai que, dans laplupart des pays, c’est au cours du XIXe siècle qu’il a vu le jour. Jusque-là, les rapports entreemployeurs et salariés étaient simplement soumis au droit commun: c’est-à-dire qu’en vertu102


du double principe de l’absolutisme de la propriété et de la liberté des contrats, l’employeurétait pratiquement en mesure d’imposer des conditions très dures aux salariés, et ceux-cin’avaient même pas la possibilité de se grouper pour faire entendre leur voix. Il en est résultéune exploitation scandaleuse du monde ouvrier, qui a finalement obligé le législateur àintervenir. Depuis lors et sous des formes diverses, le droit du travail n’a cessé de sedévelopper: il a étendu son empire à de nouvelles matières, à de nouvelles personnes et à denouvelles branches d’activité. Bien plus, il a inspiré très largement le droit de la fonctionpublique, et certaines des techniques auxquelles il a donné naissance (celle de la grève ou dela convention collective) ont même débordé le monde du travail. Enfin, il s’est égalementtransformé d’une manière assez profonde, au rythme des bouleversements intervenus dansl’ordre économique et social; en dépit de tâtonnements et de retours en arrière, on peut direqu’il a évolué dans un sens favorable aux travailleurs, celui du progrès social.Le phénomène se vérifie à peu près dans tous les pays, et il n’est plus questionaujourd’hui de prétendre que l’existence d’un droit du travail est une caractéristique propredes régimes capitalistes. Mais ce n’est certes pas à dire que ce droit présente partout la mêmephysionomie: de même qu’il a évolué dans le temps, il varie dans l’espace. Il n’a ni la mêmesignification ni la même portée suivant qu’il s’insère dans un cadre capitaliste ou socialiste;ses traits diffèrent selon l’environnement politique et culturel, les structures économiques etsociales, les traditions nationales, les antagonismes de classe, la puissance des solidaritésprofessionnelles, etc. Si l’on combine les données de l’histoire avec celles du droit comparé,on est bien obligé d’admettre qu’il y a tout de même certaines lignes d’évolution qui ont unevaleur à peu près universelle. Partout, notamment, on s’aperçoit qu’une place accrue est faiteà ces groupes puissants et organisés que sont les syndicats professionnels. Partout, aussi, onvoit que l’État s’intéresse de plus en plus à l’aménagement des rapports sociaux – et qu’ainsion passe, plus ou moins complètement, d’un système libéral à un système interventionniste.Cela renforce naturellement l’originalité du droit du travail, du triple point de vue de sonobjet, de ses techniques et de ses caractères fondamentaux.Dans beaucoup de pays, le droit du travail est né pour régir essentiellement lesrelations individuelles entre employeurs et salariés; mais son domaine s’est ensuite étenduaux rapports collectifs qui se nouent au sein des collectivités ou entre les groupements appelésà jouer un rôle dans la vie de travail. La relation individuelle puise – le plus souvent – sonorigine dans le contrat de travail, c’est-à-dire dans un acte juridique passé entre deux partiesthéoriquement libres et égales: mais il est bien vite apparu que cette liberté et cette égalitéétaient rendues illusoires par la situation d’infériorité économique et psychologique où setrouve normalement le salarié face à son employeur. C’est donc justement pour compensercette situation et rétablir une sorte d’équilibre que le besoin s’est fait sentir d’un droit propredu travail.Ce droit s’est développé d’abord dans le domaine des conditions de travail – etsurtout en faveur des catégories sociales les plus menacées. Ainsi le législateur est-ilintervenu en France, dès le 22 mars 1841 160 , pour interdire le travail des enfants de moins dehuit ans dans les entreprises industrielles. Puis de nombreuses mesures ont été prises enfaveur des femmes, pour leur assurer une égalité de principe avec les hommes tout en leurréservant, à certains égards, un régime plus favorable et surtout en sauvegardant leur rôlematernel. Enfin, la protection s’est étendue à tous les travailleurs. Le souci de préserver leur160Le rapport de VIL<strong>LE</strong>RME ne fut pas étranger au vote, en mars 1841, de lapremière «loi sociale», qui limitait le travail des enfants dans lesmanufactures.103


intégrité morale et physique n’a pas seulement inspiré une réglementation très complexe en cequi concerne l’hygiène et la sécurité du travail, il a aussi conduit à limiter progressivement ladurée du travail (semaine de 39 heures puis de 35 heures, congés payés, repos hebdomadaireet jours fériés) et, plus généralement, à prévoir un aménagement du temps de travail (horairesindividualisés, travail à temps partiel, etc.).C’est également dans le domaine de la rémunération que, depuis longtemps, lelégislateur s’est soucié d’imposer aux chefs d’entreprise le respect de certaines normesprotectrices des intérêts des travailleurs. Le montant du salaire est de moins en moins laissé àla discrétion de l’employeur: il est souvent fixé par des accords collectifs et il doit, en toutehypothèse, être supérieur à un minimum fixé par la loi (salaire minimum interprofessionnel decroissance). Des dispositions spéciales sont aussi prévues pour que ce salaire soit réellementpayé et qu’il serve effectivement à faire vivre le travailleur et sa famille. L’idée est, au fond,que le salaire n’est pas seulement la contrepartie d’une certaine prestation de travail – un peucomme le prix d’une marchandise –, mais qu’il a aussi un caractère alimentaire: et cela influetout naturellement sur son régime juridique.Plus récemment, et en raison du développement du risque de chômage, c’estsurtout dans le domaine de l’emploi que l’on a cherché à défendre les intérêts des salariés. Ils’agit d’abord de faciliter l’accès à l’emploi, en essayant de discipliner le marché du travail etde mettre en œuvre une politique de formation professionnelle. Puis il faut, dans toute lamesure du possible, assurer la stabilité de l’emploi: le but visé est alors de limiter le pouvoirqu’a l’employeur de mettre fin unilatéralement à la relation de travail – et c’est ainsi qu’on enest arrivé à élaborer tout un droit du licenciement. Celui-ci est devenu, depuis deux lois de1973 et 1975, une partie essentielle du droit du travail, et celle qui donne lieu au contentieuxle plus important. À côté d’un «droit commun» du licenciement, il y a des dispositionspropres au licenciement pour cause économique; la loi a même comporté, jusqu’en 1986, uncontrôle préventif par l’administration en sus du contrôle a posteriori par le juge; elle imposedes règles nombreuses en ce qui concerne les motifs du licenciement – il faut une «causeréelle et sérieuse» –, sa procédure et ses conséquences; elle s’efforce d’atténuer les effets quipeuvent découler d’une brusque rupture – par l’institution d’un délai-congé – et de réparer lepréjudice que peut subir le salarié obligé de quitter son poste – par l’octroi de diversesindemnités. Enfin, un effort a été entrepris pour lutter contre diverses formes de précarisationde l’emploi, découlant d’un recours de plus en plus fréquent au contrat de travail à duréedéterminée, au travail temporaire ou à la sous-traitance. Le droit commun contractuel subitbien des entorses en ce domaine, sans que pourtant on soit arrivé encore à reconnaître autravailleur une véritable «propriété de l’emploi»: car nul ne peut contester les impératifsd’ordre économique qui rendent nécessaire une certaine mobilité de la main-d’œuvre. Laconciliation se révèle donc particulièrement difficile ici entre l’intérêt des travailleurs et celuides entreprises. Dans l’hypothèse où la stabilité de l’emploi ne peut être garantie, c’est aumoins la continuité de cet emploi que l’on s’efforce d’obtenir: cela implique que l’on procure,dans les délais les plus brefs, un nouveau travail à celui qui a été licencié. Dans le cas où celamême n’est pas possible, il ne reste plus qu’à mettre sur pied un système d’indemnisationpermettant au salarié privé d’emploi de ne pas perdre l’intégralité de ses ressources.Le chômage n’est d’ailleurs pas le seul des risques sociaux qui menacent lesalarié: il en est d’autres qui tiennent à sa situation personnelle et familiale, et contre lesquelsune protection s’impose de manière aussi pressante. Mais dans la mesure où ces risques nesont pas directement liés à l’exercice d’une activité professionnelle et où, par conséquent, ilsn’affectent pas que les seuls salariés – maladie, vieillesse, charges familiales, etc. –, on peut104


considérer que la protection à laquelle ils donnent lieu ne fait plus vraiment partie du droit dutravail et qu’elle se rattache à un droit distinct: celui de la sécurité sociale. Bien que les deuxdroits conservent des liens étroits et que l’on puisse voir en eux les deux branches d’unediscipline plus large, le droit social, ils n’en diffèrent pas moins nettement par leur objet, leurdomaine, leur technique et même leur philosophie.Mais, si le droit du travail s’est ainsi trouvé amputé de certaines matières dansle domaine de la prévoyance sociale, il s’est en revanche considérablement étendu dans uneautre direction: celle des rapports collectifs de travail. Sans doute les rapports collectifs detravail ne constituent-ils pas un phénomène nouveau, mais, pendant longtemps, le droit les aignorés – ou, plus précisément, il ne s’en est occupé que pour les contenir dans d’étroiteslimites ou pour leur faire obstacle. Point n’était même besoin, pour cela, d’élaborer des règlespropres au droit du travail: il suffisait de faire appel au droit commun. Marqué par laphilosophie individualiste et libérale héritée de la Révolution française, celui-ci frappaitd’interdit tous les corps intermédiaires qui s’interposaient entre l’individu et l’État. Lesgroupements, permanents ou temporaires, qui étaient fondés sur la défense de «prétendusintérêts professionnels» n’échappaient pas à la règle: et les juges, de tendance généralementconservatrice, se montraient ici d’une grande rigueur.Mais l’évolution des faits et des idées a tout de même été la plus forte et elle aconduit au développement de ces rapports collectifs: des syndicats se sont constitués, descoalitions se sont organisées. Le législateur a bien été obligé d’en tenir compte et il estfinalement intervenu pour les réglementer.Dans un premier temps, il a agi de façon purement négative, en se bornant àsupprimer les prohibitions anciennes. Cela s’est fait surtout au cours de la seconde moitié duXIXe siècle : en fait, il ne s’agissait de rien d’autre que de consacrer et de faire respectercertaines libertés essentielles – comme la liberté de coalition ou la liberté syndicale – que l’onn’avait pas voulu reconnaître jusque-là.Dans quelques pays, certes, l’évolution s’est pratiquement arrêtée à ce stade: cerégime libéral a paru suffisant pour que le dialogue s’établisse entre les «partenaires sociaux»et, notamment, pour que la convention collective devienne un mode normal de déterminationdes conditions de travail. Cela a été le cas (au moins jusqu’à une date récente) en Suède et enGrande-Bretagne – partout où les syndicats ont été assez forts pour s’imposer sur le planprofessionnel avant de jouer un rôle sur la scène politique. Ce sont seulement les usages, voireles conventions elles-mêmes, qui ont donné naissance à un certain nombre de règles destinéesà préciser les droits et les devoirs des parties en présence, à organiser la négociation collectiveou à résoudre les conflits sociaux; mais ces règles sont souvent considérées comme n’étantpas techniquement obligatoires et ne pouvant donner naissance à une action devant lestribunaux.Dans d’autres pays, au contraire, il a été nécessaire que le législateur fasse unpas de plus et que – pour briser l’opposition des employeurs comme celle des juges – ilvienne lui-même organiser d’une façon positive les rapports collectifs de travail. C’est ce quis’est passé en France, notamment, dans un deuxième temps. Le législateur français s’estd’abord soucié d’organiser les groupements professionnels qui sont parties aux relations detravail. Du côté des employeurs, il peut s’agir de simples associations, mais, du côté dessalariés, ce sont normalement des syndicats. Après avoir reconnu l’existence de ceux-ci (en1884), il a fallu définir leur statut juridique, c’est-à-dire préciser les conditions dans lesquelles105


ils se constituent et les règles suivant lesquelles ils fonctionnent: un aspect important – etquelquefois négligé – est, à cet égard, celui des rapports existant entre les syndicats et leursmembres. Il a fallu aussi mettre en place un régime qui permette le plein exercice de la libertésyndicale, celle-ci étant entendue aussi bien comme une liberté individuelle (celle destravailleurs d’adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat) que comme une liberté collective(celle du syndicat lui-même de se constituer et d’agir en toute indépendance) et devant êtredéfendue aussi bien contre les employeurs (considérés comme ses adversaires naturels) quecontre l’État (appelé à y porter atteinte par les privilèges réservés aux seules organisationsdites «représentatives») et contre les syndicats eux-mêmes (tentés d’exercer des pressions etdes contraintes sur les individus pour les amener à se joindre à eux). Il a fallu enfin donner àces syndicats des moyens d’action efficaces, aussi bien dans le cadre de la profession quedans celui de l’entreprise – et la création de la section syndicale d’entreprise, en 1968, amarqué sur ce point une date importante.Plus largement, d’ailleurs, c’est cette entreprise, conçue comme unecommunauté où se retrouvent côte à côte la direction et le personnel, qui constitueaujourd’hui un objet important du droit du travail. Il s’agit, au fond, de montrer que lesintérêts des employeurs et des salariés ne sont pas tant opposés que complémentaires, car ilssont liés au bon fonctionnement de l’entreprise. Cette sorte de solidarité explique que l’on apu chercher, d’une part, à limiter les pouvoirs de l’employeur (pouvoir de direction, pouvoird’édicter un règlement intérieur, pouvoir disciplinaire), d’autre part, à assurer une certaineparticipation du personnel à la vie de l’entreprise – participation qui peut elle-même s’exercersoit au niveau de la gestion (par l’intermédiaire d’organismes comme les comitésd’entreprise), soit au niveau des bénéfices. On peut aussi envisager une représentation dupersonnel dans les organes dirigeants de la personne morale ayant la qualité d’employeur(c’est le système de la cogestion ou de la co-surveillance, qui fonctionne déjà dans certainspays comme l’Allemagne fédérale, mais se trouve pratiquement limité en France aux seulesentreprises du secteur public).Entre les groupements professionnels comme au sein de l’entreprise peuventenfin se nouer des relations collectives qui appartiennent à deux types bien différents. Lesunes sont des relations de paix, qui se déroulent normalement dans un cadre contractuel: celuide la négociation collective. Depuis longtemps, le droit français réglemente la conventioncollective et détermine ses conditions de validité aussi bien que ses effets: mais c’estseulement à l’époque récente qu’il s’est intéressé au processus même de la négociation eninstituant (et c’est une nouveauté de la loi de 1982) une obligation de négocier, inspirée dumodèle américain. D’autres relations sont, en revanche, de type conflictuel et donnentnaissance à diverses formes d’action comme la grève ou le lock-out. C’est au droit du travailqu’il appartient, bien sûr, de préciser dans quelle mesure ces actions sont licites, de fixer lesrègles auxquelles elles sont soumises et les conséquences qui en découlent, de mettre sur piedenfin des procédures destinées à régler les conflits de manière pacifique.Il est évident que les rapports collectifs de travail présentent une physionomietoute différente dans les pays qui ne reconnaissent ni la liberté syndicale ni la liberté de lagrève. Certes, il y a tout de même des groupements de salariés qui peuvent porter le nom desyndicats, il est même quelquefois question de conventions collectives – mais ces termes ontune signification tout à fait particulière. C’est le cas, d’abord, dans les régimes autoritaires, oùl’on ne connaît que des syndicats officiels, généralement obligatoires, souvent mixtes, c’est-àdirecomprenant à la fois des employeurs et des salariés: la vérité est qu’on se trouve alors enprésence d’une structure corporatiste. Ce fut le cas aussi dans les régimes socialistes, où la106


mission des syndicats était exclusivement conçue comme une mission d’encadrement etd’éducation des masses sous l’impulsion du parti et le contrôle de l’État. Il n’en existait pasmoins, dans ces pays, des rapports collectifs qui naissaient à l’occasion du travail et qui setrouvaient soumis au droit.Si le développement de tels rapports apparaît, en fait, comme un phénomèneuniversel, il faut bien comprendre toutefois qu’il n’a pas eu pour effet d’éliminer la relationdirecte et immédiate entre l’employeur et le salarié. La fin ultime du droit du travail reste, entoute hypothèse, la définition d’une sorte de statut du travailleur, que celui-ci ait été inspirépar un souci de protection contre les abus du capital, comme dans les régimes d’économielibérale, ou par le désir d’améliorer la production dans l’intérêt général, comme dans lesrégimes socialistes. Or cela implique au premier chef une réglementation de la relationindividuelle de travail. Mais ce qui est vrai, c’est que cette réglementation apparaît de moinsen moins comme pouvant être l’œuvre exclusive de l’État; elle doit être aussi celle desintéressés eux-mêmes, employeurs et syndicats, qui doivent être en mesure d’élaborer leurpropre droit, notamment par le moyen de la négociation ou par celui d’une participationréalisée au niveau de l’entreprise – et c’est là qu’on retrouve la nécessité de rapportscollectifs. D’une manière directe ou indirecte, c’est donc toujours le même résultat qu’on viseet c’est toujours le même objet que poursuit le droit du travail.Le droit du travail fait appel à des techniques propres en ce qui concerne sessources aussi bien que sa mise en œuvre. Les sources du droit du travail sont à la fois plusnombreuses et plus diverses que celles des autres branches du droit; elles obéissent aussi àune hiérarchie particulière. Alors que le droit est, en général, un phénomène étatique et setrouve normalement élaboré par les organes – législatifs ou judiciaires – de l’État, le droit dutravail manifeste son originalité en ce qu’il prend aussi naissance à un niveau infra-étatique etsupra-étatique.Le droit d’origine étatique reste, certes, prépondérant. Dans tous les pays, c’estla loi qui constitue la source première du droit du travail. Mais le terme de loi doit ici êtreentendu au sens large. Il comprend d’abord la Constitution, qui vient souvent consacrercertaines libertés fondamentales comme la liberté du travail ou le droit de grève. Il comprendaussi la loi votée par le Parlement et qui se trouve souvent incluse dans un Code du travail. Ilcomprend enfin des règlements élaborés par le gouvernement ou par l’autorité administrativeet qui sont l’instrument d’une nécessaire diversification. Ces règlements sont d’autant plusimportants en France que la Constitution de 1958 a limité la compétence du pouvoir législatifaux «principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical» et qu’elle s’en estremise, pour tout le reste, au pouvoir réglementaire.107


Graphique XVI : Triangle des acteurs 161Il ne faut pas non plus méconnaître le rôle de la jurisprudence, bien que ce rôlesoit probablement moins créateur ici que dans d’autres disciplines. On dit souvent que lajurisprudence a plutôt servi à freiner qu’à accélérer le développement du droit du travail, et ilest vrai que les juges, formés à l’école du droit civil, sont souvent tentés d’écarter ici lesrègles dérogatoires pour en revenir à une stricte application du droit commun. Le phénomèneest pourtant moins net aujourd’hui qu’autrefois, et il ne se vérifie pas de la même façon pourtoutes les juridictions – en fait très diverses – qui sont appelées à se prononcer sur lesproblèmes de travail: juridictions ordinaires ou spécialisées, tribunaux judiciaires (civils ourépressifs) ou administratifs, organismes d’arbitrage, etc.161DELMAS-MARTY, M., FRONZA, E., LAMBERT-ABDELGAWAD, E., Les sources dudroit international pénal, Volume n° 7, Editeur : Société de législationcomparée, Collection : Unité mixte de recherche de droit comparé de Paris(Université de Paris I / CNRS UMR 8103), 488 pages, 2005.108


Mais avec l’arbitrage, on entre déjà dans le domaine de ce droit qui s’élabore àun niveau inférieur à celui de l’État. Sans doute ne peut-on parler d’un véritable droitprofessionnel que dans les pays dotés d’une structure corporatiste, où la profession estorganisée et reçoit le pouvoir d’édicter des règles. Mais il existe partout, même dans les autrespays, un droit d’origine privée qui prend naissance dans l’une de ces communautés de typeprofessionnel auxquelles appartient le travailleur – que ce soit la branche d’activité, le métierou l’entreprise.Ce droit lui-même peut avoir plusieurs sources. Il peut se former de manièrespontanée par les usages – et il faut reconnaître à ceux-ci un rôle capital en droit du travail :le législateur y renvoie assez fréquemment, parce qu’il voit en eux l’instrument d’unenécessaire diversification de la réglementation applicable. Il peut émaner aussi de la volontéunilatérale d’une partie, et c’est le cas du règlement intérieur, par lequel le chef d’entreprisefixe les règles de discipline, d’hygiène et de sécurité qui vont s’imposer à son personnel: onpeut, d’ailleurs, et à bon droit, s’étonner de ce pouvoir normatif qui est ainsi reconnu àl’employeur et qui n’a guère d’équivalent dans les relations de droit privé. Surtout, il y a toutun droit du travail qui est le produit de la négociation entre les parties intéressées. Laconvention collective, qui est un objet du droit du travail, en est aussi une source, et unesource considérable. Dans certains pays (États-Unis, Grande-Bretagne, Suède), elle estapparue assez tôt et elle a pu se développer suffisamment (soit en toute liberté, soit dans uncadre imposé) pour rendre largement inutile l’intervention du législateur. Dans d’autres pays,au contraire (France, Italie, Allemagne fédérale), elle n’a réellement pris d’importance qu’àune date plus récente, parce qu’il lui a fallu surmonter à la fois des obstacles juridiques et desrésistances de fait: mais elle n’en connaît pas moins, là aussi, de nos jours, une grande faveur.Plus encore en droit du travail que partout ailleurs, on voit enfin se développeraujourd’hui des sources internationales : conventions élaborées sous l’égide de l’Organisationinternationale du travail (il y en a plus de 150 qui ont été signées depuis 1919 et quiconstituent une sorte de droit uniforme), traités bilatéraux ou multilatéraux, etc. Il faut aussifaire une place spéciale aux sources européennes, et notamment aux traités de Rome et deMaastricht ainsi qu’aux règlements de l’Union européenne, qui affectent profondément ledroit interne des pays membres.La multiplicité même des sources du droit du travail pose le problème de leurhiérarchisation. La traditionnelle gradation des normes juridiques se complique ici du fait quele but du droit du travail est toujours d’assurer la meilleure protection possible au salarié.C’est dire que chaque règle fixe seulement un minimum au-dessous duquel il n’est en aucuncas permis de descendre, mais au-delà duquel une autre règle peut toujours aller, même si ellese situe à un échelon inférieur de la hiérarchie, afin d’accorder des avantages supplémentairesau travailleur. Ainsi la convention collective, pourtant considérée comme inférieure à la loi,peut-elle déroger à celle-ci en prévoyant un congé plus long ou une durée du travail moindre.De même en est-il dans les rapports entre les différents types de convention collective, oudans les rapports de la convention avec le contrat individuel de travail. Cette idée que le droitdu travail constitue un «plancher» beaucoup plus qu’un «plafond» se relie à la conception trèsparticulière que l’on se fait de l’ordre public dans cette discipline.La mise en œuvre du droit du travail est confiée à la fois à une administrationpropre et à des juridictions spécialisées. Rares sont, en fait, les pays où il n’existe pas aumoins un embryon d’administration du travail. Là même où il est admis que les relations detravail sont essentiellement l’affaire des parties et que celles-ci doivent librement déterminer,109


par voie de convention collective, le régime juridique qui leur est applicable, on reconnaît queles pouvoirs publics ont quelquefois un rôle à jouer, ne serait-ce que pour organiser lanégociation ou pour tenter de régler, par voie de conciliation ou autrement, les différends quine peuvent manquer de s’élever entre employeurs et salariés. Là où, en plus, l’État édicte luimême,par voie législative ou réglementaire, certaines normes directement applicables auxrapports de travail et concernant, par exemple, les conditions de travail, les salaires oul’emploi, il est normal qu’il intervienne aussi pour en assurer le respect: et c’est alors unetâche essentielle qui incombe à ses agents. De plus en plus souvent, il arrive mêmeaujourd’hui qu’une décision de l’employeur soit soumise à un contrôle a priori ou à uneautorisation de l’administration: et c’est notamment le cas pour l’élaboration du règlementintérieur comme pour certaines sortes de licenciements. Il faut enfin tenir compte de toute unesérie d’autres missions (essentiellement d’information ou de consultation) qui s’exercent dansles domaines les plus divers et qui traduisent l’extension actuelle du rôle de l’État en matièrede travail.Bien sûr, tous les rouages de l’administration sont chargés, dans les limites deleur compétence, d’intervenir dans ce domaine. Mais il existe aussi, le plus souvent, uneadministration spécialisée qui est placée sous l’autorité d’un ministère distinct: le ministère duTravail. Cette administration contient à la fois des organes centraux et des services extérieurs.La France, par exemple, possède un corps d’inspecteurs du travail qui jouent un rôleimportant dans le contrôle de l’application des lois sociales et dans les procédures derèglement des conflits – au point d’exercer, dans certains domaines, une sorte de tutelle surles chefs d’entreprise. Sans doute est-ce à cette administration que le droit du travail doit,pour une large part, de ne pas rester purement théorique et inefficace.Mais il le doit aussi, dans une mesure qui n’est pas moindre, à l’activité desjuridictions spécialisées en matière de travail. Parmi tous les litiges qui s’élèvent dans cedomaine, il en est, certes, un bon nombre qui ne peuvent pas être portés devant les tribunaux.On oppose souvent, à cet égard, les conflits de droits (ou conflits juridiques), qui portent surl’application ou l’interprétation du droit existant, et les conflits d’intérêts (ou conflitséconomiques), qui portent sur la modification de ce droit ou l’élaboration d’un droit nouveau.Les uns et les autres ne relèvent pas des mêmes procédures, et l’on a généralement prévu,pour les seconds, des modes de règlement d’un type spécial, qui font appel à la bonne volontédes parties. Seuls les conflits de droits peuvent donc être portés devant les juges. Et, même sil’on cherche à favoriser au maximum la procédure d’arbitrage, il n’en reste pas moins quel’intervention d’un tribunal peut, dans bien des cas, se révéler nécessaire. L’expériencemontre d’ailleurs que le contentieux du travail est aujourd’hui partout en nette progression.Il existe, en ce qui concerne les organes chargés de ce contentieux, une grandediversité suivant les pays. Certains (comme l’Italie) s’en remettent purement et simplementaux juridictions ordinaires du soin de résoudre les litiges qui peuvent s’élever entreemployeurs et salariés. Mais d’autres, plus nombreux, ont mis sur pied des tribunauxspécialisés dans le règlement des conflits du travail, ou du moins de certains d’entre eux (quece soit ceux qui naissent de l’application d’une convention collective comme en Suède, ou aucontraire ceux qui s’élèvent à l’occasion du contrat de travail comme en France). Cestribunaux obéissent à des règles très différentes: ils peuvent exister à un seul degré et êtresoumis, par le jeu des voies de recours, aux juridictions ordinaires (France) ou constituer unehiérarchie complète et entièrement autonome (Allemagne fédérale). Mais ils présentent aussicertains caractères communs: ils font généralement appel, en tout ou en partie, à des juges nonprofessionnels et ils remplissent le plus souvent des fonctions de conciliation aussi bien que110


de jugement; en outre, la procédure y est normalement plus simple, plus rapide et moinscoûteuse qu’en droit commun. L’essentiel est, en tout cas, qu’ils assurent, sur le plancontentieux, une application effective du droit du travail – et de tout le droit du travail, aussibien celui qui est d’origine étatique que celui d’origine privée.Ce n’est pas seulement d’un point de vue formel, mais aussi matériel que ledroit du travail se distingue des autres branches du droit: il présente des caractères propres quilui assurent une certaine spécificité.S’il est vrai que tout droit est «social», il apparaît d’abord que celui-ci l’estencore plus que tout autre, en ce sens qu’il se modèle plus étroitement sur les réalités. On ditpour cette raison que c’est un droit concret: il vaut plus que sa parfaite adéquation à un certaincontexte social et économique que par l’excellence de sa technique. Cela impliquenaturellement qu’il varie avec le temps: c’est un droit contingent, toujours «en situation»; ilévolue très vite et se trouve très vite périmé. Chaque règle est, en fait, liée à une conjoncturehistorique qui l’explique et à laquelle elle ne survit pas toujours. C’est d’ailleurs pour limiterles risques de cette instabilité que les salariés se montrent si attachés à l’idée de droits acquis:et l’expérience montre qu’il est en effet très difficile, sauf dans des circonstancesexceptionnelles, de revenir sur des réformes déjà réalisées dans la mesure où elles sontfavorables aux travailleurs (par exemple, la réduction de la durée du travail ou l’allongementdes congés payés). En fait, il apparaît plutôt que ces réformes sont contagieuses et qu’une foisintroduites dans un secteur limité elles tendent très vite à se généraliser. Mais le droit dutravail n’est pas seulement évolutif, il est aussi différencié – en ce sens qu’à l’intérieur mêmedes frontières d’un pays il varie suivant la région, la branche d’activité, le métier, l’entreprise,la catégorie professionnelle, voire la condition (âge, sexe, nationalité) de chaque salarié. Loind’être uniforme, il cherche à s’adapter aux besoins de chacun. Cette différenciation est déjàl’œuvre de la loi, mais elle est plus encore celle des règlements, des usages, des conventionscollectives, etc. Il en résulte une sorte d’émiettement du droit du travail, qui présente, sansdoute, des avantages, mais qui rend aussi plus difficile à la fois sa codification et sa mise enœuvre. Il est certain qu’à la limite le droit du travail cesse d’être du droit s’il se dilue tropdans les cas d’espèce. Et l’on en arrive ainsi à se demander s’il n’existe pas une sorted’antinomie entre la nature de la règle de droit (règle générale et abstraite) et la fonctionqu’elle doit remplir en droit du travail.Mais cette contradiction n’est que l’une de celles que l’on rencontre en droit dutravail; il y en a beaucoup d’autres qui accentuent le particularisme de ce droit – et notammentcelle qui concerne les conditions de son application. D’un côté, on affirme souvent que ledroit du travail a un caractère largement impératif: la plupart de ses dispositions sontconsidérées comme étant d’ordre public, ce qui signifie qu’elles s’imposent de manièreabsolue aux parties et que celles-ci n’ont pas la possibilité de s’y soustraire. Au surplus, cecaractère obligatoire est encore renforcé par un appareil de sanctions assez perfectionné, aussibien au plan civil que pénal. Mais, d’un autre côté, force est bien de constater que le droit dutravail est peut-être, de tous les droits, le moins effectif et le moins appliqué, celui où le fosséest le plus profond entre la théorie et la pratique. Cela tient d’abord à ce que l’ordre public quiest ici en jeu est un ordre public d’un type un peu particulier – l’ordre public social –, qui neconstitue qu’un minimum et ne joue qu’à sens unique. Si la loi impose un certain salaire, laconvention collective ne peut certes pas prévoir un salaire inférieur, mais elle peut prévoir unsalaire plus élevé; et le contrat de travail peut encore accorder au salarié des conditions plusfavorables. Cela explique que beaucoup de textes de droit du travail restent bien en deçà de ceque le salarié obtient réellement. Mais, quelquefois aussi, c’est le contraire qui se produit : le111


minimum lui-même n’est pas respecté, et le salarié ne bénéficie pas effectivement desavantages que lui reconnaît la loi ou la convention collective. Sans doute cela tient-il à uneviolation de la règle: mais justement il faut noter que les cas de violation sont ici moins raresqu’ailleurs parce qu’ils ne donnent lieu qu’à des sanctions moins efficaces. C’est encore unecaractéristique du droit du travail que d’être, sur ce point, un droit imparfait: les mesuresprévues pour assurer son application ne peuvent le plus souvent être utilisées, parce qu’ellesse heurtent à des obstacles psychologiques (tenant notamment à l’inadéquation, dans bien descas, de la sanction pénale: il faut mentionner à la fois la crainte d’une «inflation pénale» et lasévérité excessive des peines privatives de liberté), économiques (les condamnationspécuniaires sont trop lourdes pour les salariés alors qu’elles sont insignifiantes pour lesemployeurs) ou juridiques (le droit ne permet pas toujours d’obliger un employeur àréintégrer un salarié irrégulièrement licencié).Ce caractère largement illusoire que présentent les sanctions en droit du travailentraîne une conséquence importante: c’est que les parties sont souvent tentées de se fairejustice à elles-mêmes et qu’ainsi on en revient, dans bien des cas, à la loi du plus fort. Cetteloi joue normalement en faveur de l’employeur dans les relations individuelles, mais elle peutjouer contre lui dans les rapports collectifs, sitôt qu’interviennent notamment les syndicatsouvriers et que ceux-ci peuvent utiliser des armes telles que la grève. Le recours effectif à laforce – ou même la simple éventualité de ce recours – fausse le jeu normal de la règle dedroit: et c’est là que réside la plus grande infériorité du droit du travail, celle qui l’apparented’une certaine façon à un droit primitif et qui fait dire, dans un sens un peu péjoratif, que c’estun droit encore jeune. Sans doute peut-on considérer qu’il y a aujourd’hui un net progrès dansla mesure où le domaine du droit tend à s’étendre aux dépens de celui de la force, et où l’onen vient à réglementer des actions collectives comme la grève ou le lock-out. Mais il sembleque l’évolution ne soit pas encore allée assez loin, et l’on peut légitimement penser que ledroit du travail n’aura atteint sa pleine maturité que lorsqu’il aura éliminé, autant que faire sepeut, tout appel à la force dans les relations entre employeurs et salariés.Une autre contradiction évidente en droit du travail est celle qui existe entre lesnécessités sociales et les contraintes économiques dont ce droit doit nécessairement s’inspirer.C’est plutôt, à vrai dire, d’une sorte de tension qu’il faut ici parler : car le droit du travail doitessayer de satisfaire conjointement à des impératifs difficilement conciliables. Il a, certes,pour raison d’être essentielle de protéger les salariés, d’améliorer leurs conditions de vie et detravail – et il apparaît même, à cet égard, comme un droit unilatéral ou, pour le moins,inégalitaire. Les considérations d’ordre social jouent donc ici un rôle moteur: elles sont àl’origine des principales réformes réalisées depuis un siècle. Mais il faut bien comprendreaussi que toutes ces réformes ont entraîné pour les entreprises des charges très lourdes qui nepeuvent être, sans risque, augmentées à l’infini. Le droit du travail apparaît comme largementtributaire de considérations économiques, et celles-ci jouent un rôle de frein. Au fond,l’opposition entre le social et l’économique – opposition qui apparaît à tous les niveaux et quise fait de plus en plus nette aujourd’hui, parce qu’elle s’accompagne d’une imbricationcroissante – recouvre l’opposition entre le souhaitable et le possible; elle recouvre aussil’opposition entre le monde des salariés et celui des employeurs, et l’on peut dire, pour cetteraison, qu’elle se trouve au cœur de tout le droit du travail.On ne peut oublier deux dernières contradictions toujours présentes, bienqu’elles se trouvent résolues, suivant les cas, de manière différente. Le droit du travailapparaît d’abord comme écartelé entre le pôle individuel et le pôle collectif, du fait qu’il régità la fois des individus et des groupes. Sans doute l’accent peut-il être mis plus ou moins sur112


l’un ou l’autre aspect. Dans certains pays, comme la Suède ou les États-Unis, les rapportscollectifs ont largement pris le pas sur les rapports individuels et la protection du salarié n’estplus guère assurée que par l’intermédiaire du syndicat. Mais, dans beaucoup d’autres payscomme la France, l’Allemagne fédérale ou l’Italie, et même la Grande-Bretagne, la relationindividuelle de travail – voire le contrat individuel – a conservé sa place: il y a coexistence detechniques individualistes (transposées du droit commun) et de techniques collectives(propres au droit du travail), et le cloisonnement entre les deux se révèle d’ailleurs de plus enplus difficile.Il reste enfin que le droit du travail est aussi partagé entre deux tendances: l’unelibérale, qui consiste à s’en remettre le plus possible aux intéressés eux-mêmes du soin derégler leurs rapports et qui continue à voir dans le droit du travail une branche du droit privé;l’autre interventionniste, qui implique une action directe de l’État et qui va plutôt dans le sensd’un rapprochement avec le droit public. L’évolution, sur ce point, n’a pas été linéaire et lesdifférences restent considérables d’un pays à l’autre. D’un certain point de vue, il semblenormal que l’État joue ici un rôle croissant, puisqu’il peut de moins en moins se désintéresserdes problèmes d’ordre économique et social. Mais, d’un autre côté, il apparaît aussi que l’Étatcherche de plus en plus à favoriser l’élaboration d’un droit du travail d’origine privée –notamment par le moyen de la convention collective. Pour cela, il se contente bien souventd’imposer un certain cadre à la négociation, et ce sont ensuite les représentants desemployeurs et des salariés qui fixent les règles directement applicables aux rapports de travail.On tend ainsi à passer d’un droit législatif à un droit conventionnel: mais ce passage nes’accompagne nullement d’une démission de l’État. C’est, au fond, le développement destechniques collectives qui permet de dépasser l’alternative classique: libéralisme ouinterventionnisme.Il semble bien que l’on ne puisse mieux faire aujourd’hui que de progresserdans cette voie, car elle a l’avantage de maintenir un certain contrôle de l’État tout en laissantaux partenaires sociaux la responsabilité de leur destin. Même si chaque partenaire social joueson rôle et assume ses responsabilités, il faut réglementer, par écrit, pour éviter les abus. Ledroit du travail ne peut statuer que si la loi est la même pour tous et si les engagements sontpris et respectés. Le contrat de travail lie les parties différentes et garde par écrit les accordspassés qui pourront ainsi être respectés.6° Le contrat de travailLe contrat de travail, anciennement louage de services, est le contrat auxtermes duquel une personne (le salarié) travaille, en échange d’un salaire, au profit d’uneautre personne (l’employeur) en se plaçant sous la subordination de celle-ci. C’est l’existenced’une subordination qui permet de l’identifier. Ce critère est principalement utilisé pouropposer le salarié au travailleur indépendant (artisan) qui travaille aussi pour autrui,moyennant un prix convenu; ainsi qu’à celui qui dirige l’entreprise (mandataire social) et quiexerce les prérogatives de l’employeur. Les personnels d’encadrement – même les cadressupérieurs – ont la qualité de salariés: seul le président-directeur général d’une sociétéanonyme, ou le gérant d’une société quelconque, est mandataire social, qualité qui exclut lesalariat.113


Ce critère de la subordination est utilisé pour l’affiliation aux Assedic (caissesde chômage) et le bénéfice des allocations pour privation d’emploi, pour l’affiliation aurégime général de la sécurité sociale, pour le choix du tribunal compétent en cas de différend(conseil de prud’hommes), pour l’octroi du droit aux congés annuels, au salaire minimuminterprofessionnel; bref, pour l’application de l’ensemble de la législation du travail et de laprotection sociale.Toutefois, la loi a parfois reconnu la qualité de travailleur salarié à desprofessionnels semi - indépendants pour lesquels existait une hésitation. Elle leur asimultanément donné un statut spécial: ainsi des voyageurs et représentants de commerce; destravailleurs à domicile; des journalistes professionnels. Ce sont des salariés par l’effet de la loiet il y a, entre eux et les entreprises qui utilisent leur activité, contrat de travail.De même qu’il existe des zones d’ombre entre salariat et professionindépendante, de même il arrive exceptionnellement qu’une même personne cumule unmandat social et un contrat de travail. La loi le permet dans certaines conditions; la pratiqueen révèle de multiples applications; les tribunaux ne l’admettent que difficilement, le cumulcachant souvent une fraude tendant à donner à un employeur le bénéfice d’une protectionsociale à laquelle il n’a pas le droit, ou une stabilité de l’emploi contraire au principe d’ordrepublic de la libre révocabilité des dirigeants par les associés ou actionnaires.Des deux parties au contrat de travail, l’une, le salarié, est aisémentidentifiable. L’autre en revanche, l’employeur (qui est le plus souvent une personne morale),est parfois difficile à repérer. Il en est ainsi d’abord dans le cas du travail dit intérimaire:l’entreprise au profit de laquelle le salarié accomplit sa prestation de travail, dite encoreentreprise utilisatrice, n’est pas l’employeur; c’est, selon la loi française, l’entreprise detravail temporaire, qui recrute le salarié et le paye pour le mettre à la disposition del’entreprise utilisatrice pendant le temps de sa mission. Dans les rapports triangulaires quiapparaissent ainsi, le salarié a donc un autre employeur que celui pour qui il travaille.On retrouve une difficulté comparable dans le cas du groupe de sociétés. Àl’intérieur de celui-ci existe une certaine mobilité du personnel; celui-ci a normalement pouremployeur la société sous l’autorité de laquelle il travaille; mais il peut se voir détaché outransféré auprès d’une autre société du groupe, auquel cas il arrive parfois que l’employeursoit la société dominante du groupe et même le groupe lui-même, c’est-à-dire l’ensemble dessociétés qui le composent. Elles seront, par exemple, solidairement tenues envers ce salarié dupaiement de son salaire et, en cas de licenciement, des indemnités dues.Un salarié peut aussi changer d’employeur. Il en est ainsi quand l’entreprise estvendue, louée, absorbée. Dès lors qu’il y a véritablement transfert d’une «entité économique»conservant son identité et dont l’activité se poursuit, la validité du contrat de travail estmaintenue, par l’effet de la loi, dans les relations avec le nouvel exploitant, même si aucunlien de droit n’existe entre les employeurs successifs. Ainsi en va-t-il, par exemple, en cas decession ou de mise en location-gérance d’un fonds de commerce ou en cas de changement deconcessionnaire d’une exploitation. La jurisprudence était même allée jusqu’à assurer lemaintien des contrats de travail en cas de changement de prestataire de service: les salariésaffectés au nettoyage de locaux industriels devaient rester en place même si le propriétairedécidait de changer d’entreprise de nettoyage. Mais les inconvénients de ce type de solutionont conduit la jurisprudence à donner un coup d’arrêt à cette interprétation extensive et àexclure le transfert des contrats lorsque l’employeur ne fait que perdre un marché.114


C’est un principe de liberté qui préside à l’établissement du contrat de travail.L’employeur est libre d’embaucher quand il veut qui il veut, à condition toutefois de ne pasétablir de discriminations: il ne peut écarter un postulant à l’emploi en raison de son sexe, desa situation de famille, de son activité syndicale, de sa race, de sa religion, de son âge ou deses mœurs. Le salarié, de son côté, peut accepter ou refuser une offre d’emploi. C’est laliberté du travail, liberté essentielle, même si elle n’est souvent que théorique pour le salarié.En fait, lorsque le salarié accepte un emploi, il accepte les conditions qui lui sont imposéespar l’employeur, ce que l’on exprime en disant que le contrat de travail est un contratd’adhésion.Mais, si l’embauche s’effectue ainsi sous le signe d’une double liberté, lesconditions dans lesquelles le travail sera accompli ne dépendent que partiellement de l’accorddes parties, qui sont ici loin d’être souveraines.Certes, l’employeur dispose toujours de larges pouvoirs dans la définition desconditions de travail ; pouvoirs qui seront d’abord présentés. Mais le droit du travail toutentier est formé d’une série de limites assignées au pouvoir de l’employeur: non seulement leCode du travail donne au salarié des droits qu’il tient ainsi de la loi, mais encore lesorganisations d’employeurs et les syndicats de salariés ont conclu des conventions collectivesqui fixent avec précision les règles auxquelles devront obéir les contrats individuels de travail.Ce sont autant de restrictions à la liberté de gestion de la force de travail, qui découle de laqualité d’employeur.L’employeur dispose de pouvoirs étendus pour déterminer les modalitésd’exécution de la prestation de travail. Mais sa prérogative essentielle consiste en lapossibilité de mettre, à tout moment, fin au contrat. Il jouit d’abord d’une certaine liberté dechoix de la durée du contrat. Le contrat de travail est normalement conclu pour une duréeindéterminée, mais il peut, à certaines conditions, être souscrit pour une durée limitée.L’employeur a également la faculté d’engager le salarié à l’essai, avant deconclure un contrat définitif. Pendant l’essai, il peut librement mettre fin au rapport de travail.C’est seulement si l’essai est concluant que le rapport de travail est définitivement établi.L’employeur est ensuite, dans le cadre de son pouvoir de gestion, en droitd’assigner au salarié un emploi correspondant à sa qualification et de lui fixer le lieu de cetemploi, bref de définir son poste de travail. Mais il lui sera loisible ultérieurement de modifierles conditions de travail. Tout au plus, si cette modification porte sur un élément essentiel etentraîne, par exemple, une déqualification du salarié, une diminution de ses responsabilités etde son salaire, ou l’éloigne de manière importante de son domicile, le salarié est en droit derefuser: il appartient alors à l’employeur soit de maintenir les conditions de travail antérieures,soit de licencier l’intéressé. Le motif d’un licenciement opéré dans de telles conditions n’estpas nécessairement illégitime.L’employeur peut donner des ordres au salarié pour l’exécution de saprestation de travail. Il en est ainsi puisque le salarié est en état de subordination et doitrespecter l’autorité du chef d’entreprise ou de celui qui a reçu à cet effet délégation de pouvoir(encadrement, maîtrise).115


Si le salarié exécute mal son travail, ou ne se plie pas aux ordres donnés, ils’expose à une sanction disciplinaire. Ces sanctions disciplinaires doivent figurer dans lerèglement intérieur de l’entreprise. Et le salarié pourra saisir les tribunaux s’il estime lasanction disproportionnée à la faute commise; si le juge accueille cette demande, il annulerala sanction.L’employeur fixe le salaire et les compléments de salaire qui seront versés enéchange de la prestation de travail. Dès lors que ce salaire n’est pas inférieur au salaireminimum légal et à celui prévu par la convention collective, son taux horaire ou mensuel etson mode de calcul sont déterminés par le chef d’entreprise, dont la liberté est ici plus étenduequ’il n’est généralement admis. De même, celui-ci établit l’horaire de travail et bénéficie dansce domaine d’une double possibilité: il peut librement imposer un certain contingent annueld’heures supplémentaires, ce qui entraînera un dépassement de l’horaire prévu; il peut, ensens inverse, réduire l’horaire de travail au-dessous de la durée légale de trente-neuf puis detrente-cinq heures par semaine. Les salariés sont alors mis en chômage économique ouchômage partiel, avec les conséquences sur le niveau de la rémunération. S’ils refusent, lecontrat prendra fin, mais, ici encore, la cessation du contrat sera qualifiée de licenciement dufait qu’il y aura modification essentielle des conditions de travail. Enfin, l’employeur peutproposer au salarié un emploi à temps partiel.Lorsque aucune limite de temps n’a été convenue d’avance, l’employeurdispose de la faculté de mettre un terme au contrat à tout moment qui lui paraît opportun.Cette rupture du contrat, ou licenciement, peut intervenir sans autre forme que la convocationet l’audition du salarié et l’envoi d’une lettre recommandée, dès lors que l’employeur a «unecause réelle et sérieuse» de mettre fin aux relations de travail. Cette cause peut être d’ordredisciplinaire (une faute caractérisée), d’ordre technique (une insuffisance ou inaptitudeprofessionnelle), ou d’ordre économique (la nécessité de réduire les effectifs). Un certaincontrôle s’exerce en ce domaine sur les pouvoirs de l’employeur. Il est exercé par lestribunaux qui s’assurent que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que laprocédure qui s’impose a été respectée. Mais rien ne peut priver l’employeur de son droit delicenciement. En cas d’irrégularité, qu’elle soit de fond ou de forme, une indemnité seraversée au salarié mais celui-ci n’obtiendra pas sa réintégration contre la volonté del’employeur.Lorsque le salarié atteint un certain âge (âge prévu par la convention collectiveou par le contrat de travail), l’employeur peut le mettre à la retraite. Mais il ne peut le faireque si l’intéressé remplit les conditions requises pour bénéficier d’une pension vieillesse àtaux plein. Si ce n’est pas le cas, la mise à la retraite équivaut à un licenciement.À partir du moment où le rapport de travail a cessé, le salarié est libre soit des’embaucher auprès d’un nouvel employeur, soit de travailler pour son propre compte. Ilarrive cependant que sa liberté du travail soit restreinte par une clause de son contrat, appeléeclause de non-concurrence, aux termes de laquelle il accepte de ne pas exercer la mêmeprofession pendant une certaine durée et dans un secteur géographique délimité. Cette clauserestrictive de la liberté du travail est estimée valable, sauf si son contenu est excessif. Elles’accompagne de plus en plus souvent du paiement au salarié d’une compensation pour soninactivité temporaire.116


Le contrat de travail ne livre cependant plus le salarié au seul vouloir del’employeur. Le développement depuis un siècle de la législation du travail, l’apparition denombreuses conventions collectives enserre ce contrat dans un réseau assez dense decontraintes. Celles-ci concernent les trois moments de l’existence du contrat: sa conclusion,son exécution, sa rupture.Au moment de la conclusion du contrat, le choix par l’employeur d’uneembauche à durée déterminée ou indéterminée n’est plus entièrement libre. La loi en effet aposé en principe que le contrat à durée indéterminée est la forme normale du contrat de travailet elle réserve le contrat à durée déterminée, qui place le salarié dans une position précaire, àcertaines hypothèses précises: remplacement d’un salarié momentanément absent,accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, etc. Un tel contrat doit obligatoirementêtre écrit. Il peut être renouvelé mais une seule fois, et sa durée totale ne doit pas, en règlegénérale, excéder dix-huit mois. Si le travail se poursuit au-delà, le contrat devient à duréeindéterminée.Le recours au travail temporaire est lui aussi réglementé de façon similaire. Etla méconnaissance de la réglementation des formes d’emploi précaire (contrat à duréedéterminée et intérim) est passible de sanctions pénales. La précarité de l’emploi s’étantdéveloppée, le législateur essaie de la cantonner dans certaines limites. La loi a égalementprévu divers avantages (exonération de charges et impôts) en faveur des employeurs quiembaucheraient des jeunes candidats à un premier emploi; simultanément, elle réglementestrictement les contrats correspondants: contrat d’apprentissage, contrat emploi-formation,lesquels combinent la fourniture d’un travail et une formation professionnelle, et sont desvariétés particulières de contrats de travail, se développant dans le cadre de la politique del’emploi et de la formation professionnelle, voire des contrats qui, tels les contrats de stagesd’initiation à la vie professionnelle, ne sont pas des contrats de travail.C’est dans l’exécution de la prestation de travail que s’exercent les contraintesles plus rigoureuses:– interdiction de verser un salaire inférieur au salaire minimum interprofessionnel fixépar les pouvoirs publics (S.M.I.C.) ou au salaire fixé par la convention collective pour laqualification envisagée;– obligation de payer ponctuellement le salaire, accompagné d’un bulletin de paie auxfins de vérification;– respect de l’égalité de traitement entre salariés (non-discrimination), par exempleentre hommes et femmes; syndiqués et non-syndiqués, nationaux et étrangers (sous réservequ’ils détiennent une carte de travail);– impossibilité de dépasser la durée du travail maximale (à ne pas confondre avec ladurée légale hebdomadaire de 39 heures ou de 35 heures). Le maximum quotidien est de10 heures, le maximum hebdomadaire est de 48 heures;– nécessité, au-delà de la durée légale de 39 heures, de payer un salaire à tarif majoré,correspondant aux heures supplémentaires accomplies;– obligation de respecter le repos hebdomadaire et d’accorder chaque année au salariéun congé légal rémunéré de cinq semaines, fractionné en deux périodes;– enfin, respect strict des règles nombreuses sur l’hygiène et la sécurité du travail, letravail de nuit, etc.117


La loi prescrit, au surplus, de tenir compte aux salariés de ce que certainesinterruptions de la fourniture de travail ne leur sont pas imputables. L’employeur ne peut entirer argument pour mettre fin au contrat. On dit que celui-ci est suspendu. Il en est ainsi pourla salariée en état de grossesse: l’employeur ne peut rompre le contrat, qui se poursuivra deplein droit à la fin du congé de maternité. Il en est ainsi aux cas d’accident du travail et demaladie professionnelle. Beaucoup de conventions collectives font également bénéficier lesalarié malade d’une suspension temporaire de son contrat, la cessation de celui-ci ne pouvantintervenir que si la maladie se prolonge et nécessite le remplacement du malade. Un procédétechnique moins efficace que la suspension consiste à reconnaître au salarié une simplepriorité de réembauchage lorsque l’empêchement dont il est victime cesse (accomplissementdu service militaire lorsqu’il était obligatoire).La rupture du contrat de travail peut intervenir à l’initiative du salarié: c’est ladémission ou le départ à la retraire. Lorsque c’est l’employeur qui décide de rompre le contratde travail, la loi intervient pour définir les droits du salarié. C’est d’abord le droit au préavisde licenciement (préavis minimal légal ou préavis plus long résultant de la conventioncollective). Le salarié ne perd ce droit que s’il peut lui être reproché une faute grave. Il y aalors renvoi immédiat. Pendant le cours du préavis, le rapport de travail se poursuit, le salariéconservant l’ensemble de ses droits.Le salarié congédié a droit à une indemnité de licenciement, proportionnelle àson salaire et à l’ancienneté de services; son taux minimal est fixé par la loi, mais lesconventions collectives ou les contrats individuels fixent généralement un taux supérieur. Lesalarié n’en est privé qu’en cas de faute grave.Le congédiement, surtout, n’est plus un acte entièrement libre. Qu’il repose surun motif personnel ou sur un motif économique, il doit avoir une cause réelle et sérieuse, etcelle-ci sera éventuellement appréciée par le juge, à la requête du salarié. Dans l’un commedans l’autre cas, le salarié puisera dans le non-respect des règles légales le principe d’uneindemnisation. Mais les dommages-intérêts alors dus ne se confondent ni avec l’indemnité dedélai-congé ni avec l’indemnité de licenciement.La loi prescrit enfin, lors de la rupture de contrat, la remise au salarié d’uncertificat de travail attestant qu’il est dorénavant libre de tout engagement. Un règlement decompte intervient en général, donnant lieu à la remise d’un reçu «pour solde de tout compte».Mais la loi est intervenue pour atténuer les effets de la signature du salarié. Elle pourra êtrerétractée dans un certain délai si une erreur à son préjudice est découverte.L’importance du contrat de travail ne saurait donc être sous-estimée. C’est leseul procédé technique permettant à quelqu’un sans travail d’obtenir un emploi, observationessentielle en période de chômage (même s’il s’agit d’un emploi marqué aujourd’hui du signede la précarité).C’est par lui qu’un travailleur acquiert le bénéfice de l’ensemble de lalégislation du travail et de la protection sociale: son contenu est donc d’ordre essentiellementlégislatif et conventionnel. Longtemps dénoncé comme ayant un caractère unilatéral évident,il ne mérite plus cette critique dans la mesure, d’une part, où s’est développée une législationd’ordre public, qu’il doit respecter, et dans la mesure, d’autre part, où s’est tissé un réseau deplus en plus dense de conventions collectives, qu’il doit aussi respecter. Son utilité pour le118


salarié tient finalement à ce qu’il peut déroger à ces lois et à ces conventions collectives, àcondition que ce soit dans un sens favorable au salarié.En résumé, il existe plusieurs types de contrats de travail, chacun ayant sespropres particularités.Le contrat de travail est un contrat par lequel une personne, le travailleur,s'engage contre rémunération, à mettre son travail au service d'une autre personne,l'employeur, et à l'exercer sous l'autorité de celle-ci. Le contrat de travail est caractérisé par lasubordination du travailleur envers l'employeur. Par cette convention, le travailleur met eneffet sa force de travail à la disposition de l'employeur sous l'autorité duquel il se trouve.Les quatre éléments essentiels du contrat de travail sont donc :• le contrat;• le travail;• la rémunération;• l'autorité de l'employeur.Il existe différents types de contrats de travail en fonction de la nature dutravail, de la durée ou du volume des prestations.Types de contrats en fonction de la nature du travail :• le contrat de travail d'ouvrier;• le contrat de travail d'employé;• le contrat de travail de représentant de commerce;• le contrat de travail de domestique;• le contrat d'occupation de travailleur à domicile;• le contrat d'occupation d'étudiant;• le contrat d'engagement maritime;• le contrat d'engagement pour la navigation intérieure;• le contrat de travail de sportif rémunéré.Types de contrats en fonction de la durée :• Le contrat pour une durée indéterminée: contrat pour lequel aucune limitation dedurée n'a été prévue. Ce contrat ne doit pas être établi par écrit. En aucun cas, lecontrat ne peut être conclu à vie.• Le contrat pour une durée déterminée: contrat conclu pour un certain nombre de jours,de mois ou d'années. Le moment de l'expiration du contrat est donc déjà connu par lesdeux parties dès le début par l'indication d'un jour déterminé ou d'un événementdéterminé qui a lieu à une date précise. Le contrat doit être constaté par écrit pourchaque travailleur individuellement, au plus tard au moment de l'entrée en service decelui-ci. Cependant, un écrit n'est pas requis dans les branches d'industrie et pour lescatégories de travailleurs où cette forme de contrat de travail sans écrit est admise parune convention collective de travail rendue obligatoire. Lorsqu'un travailleur et unemployeur concluent des contrats à durée déterminée successifs, sans qu'il y ait entreeux une interruption, imputable au travailleur, ils sont censés avoir conclu un contrat àdurée indéterminée. Le Contrat à Durée Déterminée est un contrat dont la durée estfixée dès le début du contrat. Aux termes du contrat aucune procédure ne doit être119


mise en place, le contrat prend fin automatiquement. La date de fin du contrat peut soitcorrespondre à une date fixée dès le début du contrat, soit correspondre à unévènement fixé dès le début du contrat (retour d’un salarié absent remplacé parexemple). Quand utiliser ce contrat : On recourt au CDD relatif aux emplois pourlesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI, eu égard au caractère pardéfinition temporaire de ces emplois, à la nature de l’activité et au secteur visé. Undécret établit la liste des secteurs d’activité concernés. Attention cela suppose quel’usage en question soit constant, il doit donc être ancien et admis dans la professionEx : hôtellerie et restauration, production cinématographique, enseignement, actionculturelle, audiovisuel ...Le contrat contient onze articles :Article I - ENGAGEMENTArticle II - OBJET ET DUREE DU CONTRATArticle III - PERIODE D’ESSAI (mention facultative)Article IV - LIEU DE TRAVAILArticle V - HORAIRESArticle VI - REMUNERATIONArticle VII - CONVENTION COL<strong>LE</strong>CTIVEArticle VIII - AVANTAGES SOCI<strong>AUX</strong>Article IX - CONDITIONS PARTICULIERESArticle X - RENOUVEL<strong>LE</strong>MENTArticle XI – FIN DU CONTRATL’absence de signature équivaut à une absence d’écrit, entraînant unerequalification automatique du contrat en CDI. Ce contrat est à remettre au salarié dans lesdeux jours suivant son embauche, à défaut il pourra être requalifié en CDI.• Le Contrat Nouvelles Embauches : l’ordonnance du 2 août 2005 qualifie le contratnouvelles embauches de contrat à durée indéterminée avec une période de deux anssuivant l’embauche pendant laquelle certaines règles du droit du travail nes’appliquent pas. Le contrat nouvelles embauches, dit CNE, reste un CDI mais quiprésente certaines spécificités durant une période initiale de 2 ans.• Le contrat pour un travail nettement défini: contrat qui prend fin automatiquementpar l'achèvement du travail pour lequel le travailleur a été engagé (ex.: le triage desfruits, la récolte de betteraves, la mise au point d'un annuaire...). Le travailleur doitdisposer d'une description précise du travail convenu afin de pouvoir effectuer uneestimation sûre de l'étendue du travail demandé et de la durée nécessaire. Le contratdoit être constaté par écrit pour chaque travailleur individuellement, au plus tard aumoment de l'entrée en service de celui-ci. Cependant, un écrit n'est pas requis dansles branches d'industrie et pour les catégories de travailleurs où cette forme decontrat de travail sans écrit est admise par une convention collective de travailrendue obligatoire.• Le contrat de remplacement: contrat conclu pour le remplacement d'un travailleurdont l'exécution du contrat de travail est suspendue. Il peut, dans ce cas, être dérogéaux règles relatives à la durée du contrat et du délai de préavis, de sorte que le contratpuisse se terminer au retour de la personne remplacée. La durée de ce contrat ne peut120


excéder deux ans. Le contrat doit être établi par écrit, au plus tard au moment del'entrée en service.• Le contrat pour l'exécution d'un travail temporaire ou intérimaire: contrat concluuniquement pour le remplacement d'un travailleur, le surcoût exceptionnel de travailou l'exécution d'un travail exceptionnel.Types de contrats en fonction du volume des prestations :• le contrat à temps plein: sauf disposition contraire, un contrat de travail est conclu àtemps plein, c'est-à-dire pour la durée maximale de travail dans l'entreprise.• le contrat de travail à temps partiel.Les engagements résultant des contrats prennent fin :• par l'expiration du terme;• par l'achèvement du travail en vue duquel le contrat a été conclu;• par la volonté de l'une des parties;• par le décès d'une des parties;• par la force majeure qui a des conséquences définitives.En cas de rupture immédiate pour motif grave, Chacune des parties peutrésilier le contrat sans préavis. Le motif est laissé à l'appréciation du juge. Est considéréecomme constituant un motif grave, toute faute grave qui rend immédiatement etdéfinitivement impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur. En cas derésiliation avec préavis pour tout contrat conclu pour une durée indéterminée, chacune desparties peut le résilier moyennant un préavis. La notification du préavis doit indiquer le débutet la durée du préavis.Le préavis est notifié :• soit par lettre recommandée qui sort ses effets le troisième jour ouvrable après sonenvoi;• soit par l’intermédiaire d'huissier.Le travailleur peut aussi donner son préavis au moyen d'un écrit remis à sonemployeur, en double exemplaire. L'employeur signe le double pour acquit. Lors d'unerupture de contrat sans préavis ou avec préavis réduit, la partie qui est lésée a droit à uneindemnité égale au salaire en cours correspondant à la durée du préavis ou à la partie dupréavis restant à courir.La loi prévoit, dans certains cas et à l'égard de certaines catégories detravailleurs, des limitations au droit de licenciement par l'employeur. Un acte posé par unedes parties peut modifier à un tel point les conditions de travail qu'il équivaut à une ruptureimmédiate du contrat de travail (ex.: dans le chef du travailleur, une absence illégale deplusieurs jours sans en avoir averti l'employeur).Des délais de préavis doivent être respectés, ces délais diffèrent selon que l'onest ouvrier ou employé, selon la personne qui donne le préavis (employeur ou travailleur) etselon l’ancienneté.121


Pour les ouvriers qui ont moins de 20 ans d’ancienneté, un délai de 28 jours(4 semaines) doit être respecté de la part de l’employeur qui signifie un licenciement et sic’est le travailleur qui donne sa démission, celui-ci est tenu de respecter un préavis de 14jours (2 semaines). Lorsque les ouvriers ont une ancienneté de 20 ans et plus, l’employeurdoit respecter un délai de 56 jours (8 semaines) et si c’est le travailleur qui donne sadémission, celui-ci est tenu de respecter un préavis de 28 jours (4 semaines). Le délai depréavis prend cours le lundi suivant la semaine pendant laquelle le congé moyennant préavisa été notifié.Pour les employés dont la rémunération annuelle est inférieure ou égale à26 418 € (montants en application depuis le 1 er janvier 2004) :AnciennetéPréavis donné parl’employeurPréavis donné parl’employé0 à 5 ans 3 mois 1 mois et demi5 à 10 ans 6 mois 3 mois10 à 15 ans 9 mois 3 mois15 à 20 ans 12 mois 3 mois20 à 25 ans 15 mois 3 mois25 à 30 ans 18 mois 3 moisPour les employés dont la rémunération annuelle est comprise entre à 26 418 €et 52 836 € (montants en application depuis le 1 er janvier 2004) :AnciennetéPréavis donné parl’employeurPréavis donné parl’employé0 à 5 ans 3 mois 1 mois et demi5 à 10 ans 6 mois 3 mois10 à 15 ans 9 mois 4 mois et demi15 à 20 ans 12 mois 4 mois et demi20 à 25 ans 15 mois 4 mois et demi25 à 30 ans 18 mois 4 mois et demiPour les employés dont la rémunération est supérieure à 52 836 € (montants enapplication depuis le 1 er janvier 2004) :AnciennetéPréavis donné parl’employeurPréavis donné parl’employé0 à 5 ans 3 mois 1 mois et demi5 à 10 ans 6 mois 3 mois10 à 15 ans 9 mois 4 mois et demi15 à 20 ans 12 mois 6 mois20 à 25 ans 15 mois 6 mois25 à 30 ans 18 mois 6 moisLe délai de préavis prend cours le premier jour du mois qui suit celui au coursduquel le préavis a été notifié. La partie qui rompt le contrat sans motif grave, sans notifier undélai de préavis ou moyennant un délai de préavis insuffisant, doit payer à l'autre partie uneindemnité égale à la rémunération correspondant à la durée du délai de préavis qui aurait dûêtre notifié (ou à la différence entre le délai notifié et le délai dû) : c'est ce qu'on entend parindemnité compensatoire de préavis.122


Par rémunération, il faut entendre la rémunération qui est due au moment de lafin effective du contrat. Elle comprend notamment la moyenne annuelle du sursalaire desheures supplémentaires régulières, ainsi que les primes payées au cours des 12 moisprécédant la rupture (entre autres: la prime de fin d'année et le double pécule de vacances).On tient compte également des avantages acquis en vertu du contrat (ex.: usage privé d'unevoiture de société, quote-part patronale de chèques-repas...).7° Travail et non-travailÀ une époque récente, travail et non-travail ont été tour à tour présentéscomme des sources d’aliénation pour l’homme, le premier parce que ses formes actuelles nepermettent pas à la plupart des individus de se réaliser dans une œuvre achevée, le secondparce qu’il les enchaîne paradoxalement à ce travail dépourvu de signification, en amplifiantsans cesse le désir de biens qui finissent par être également dépourvus de signification et nesatisfont plus qu’à des besoins artificiellement créés. Mais ces aliénations sont-ellesinhérentes au travail et au non-travail ? La société ne peut-elle être transformée de manière àfaire de l’un ou de l’autre, ou des deux à la fois, des lieux d’épanouissement humain?Moralistes et sociologues préconisent les formules les plus diverses, création de tâches pluscomplexes et partant plus intéressantes telles que les définies F. HERZBERG 162 , partage entretous des tâches irréductiblement ingrates, diminution du temps de travail au bénéfice d’unnon-travail transformé. Les choix sont le plus souvent idéologiques, et l’étude scientifique desrelations entre travail et non-travail est encore à peine amorcée.Le travail est d’abord une contrainte vitale pour l’homme; c’est pour faire faceà ses besoins biologiques de nourriture, de protection contre les animaux et les intempériesque l’homme a travaillé, et c’est cette nécessité fondamentale qui fait du travail une actionforcée vue par I. MEYERSON 163 , transposée en une contrainte de type économique dans lecadre de nos sociétés. Il suffit de rapprocher les activités les plus comparables du travail et dunon-travail pour percevoir les différences: en apparence, le bricoleur qui peint les murs de son162HERZBERG., Frederick I.(1923-2000)est psychologue du travail, cfbiographie complète en fin de thèse. L’innovation à l’augmentation de lacréativité des individus et des groupes au sein de l’organisation; ellesont souvent recours à un déconditionnement par rapport aux normes socialeset culturelles dominantes. Il convient enfin de rappeler ici les techniquesqui n’ont pas pour but d’accroître les capacités des individus, maissimplement de donner à celles-ci un meilleur emploi, en redéfinissant lestâches qui leur sont confiées. Un premier mouvement a consisté à élargirles fonctions du personnel et à lui permettre d’assumer un contrôle pluspoussé de son propre travail, par le biais à la fois d’une action deformation et de l’allègement de l’encadrement. Ce mouvement visait surtoutles échelons inférieurs de la hiérarchie, ainsi que les fonctionsd’exécution. Pour ces mêmes niveaux, une autre tendance s’est fait jourplus récemment, en particulier grâce aux recherches effectuées parF. HERZBERG aux États-Unis. Il s’agit non plus d’élargir, mais d’enrichirles tâches, afin que les motivations positives de prise de responsabilité,d’accomplissement et d’épanouissement puissent y trouver un champd’application. Ces méthodes sont voisines de celles qui ont pour but latransformation de la structure de l’organisation, puisque la mise en œuvrede ces changements appelle une modification profonde des conditions detravail et des systèmes d’autorité habituels.163Le seul ouvrage publié par Ignace MEYERSON est sa thèse Les Fonctionspsychologiques et les oeuvres, soutenue en 1947 et éditée. Cf biographiecomplète en fin de thèse.123


appartement ne procède pas d’une autre manière que le peintre professionnel. L’écoute de latélévision constitue au même instant le travail du critique et le loisir du téléspectateur, maisl’activité de non-travail peut être reprise, abandonnée, ralentie, au gré de celui qui la pratique,alors qu’il ne peut en être ainsi de l’activité de travail: la refuser entraînerait la perte d’unrevenu indispensable pour vivre à la plupart des individus.Le travail possède un effet libératoire sur le non-travail, en effet, le non-travailse définit d’abord par rapport à ce caractère contraignant du travail : il est ce qui reste enpropre à l’homme, le domaine de sa vie et de ses décisions personnelles, mais de cette partautonome de sa propre existence, l’homme ne peut disposer qu’après avoir satisfait auxobligations du travail, qu’après s’être acquis les moyens de vivre, pour lui-même et les siens;ainsi peut-on dire du travail qu’il est facteur d’autonomie parce qu’il délivre l’individu de sesbesoins élémentaires inévitables, mais ceci grâce à un choix assumé. L’allocation duchômeur, qui accompagne son oisiveté forcée, n’a jamais le même sens; même si quelquesjeunes recherchent parfois une telle situation, elle ne peut être que temporaire et n’est pasacceptée par l’opinion générale.Cette libération personnelle peut sans doute s’acquérir grâce à des ressourcesautres que celles du travail; mais le travail est le moyen qui reste à la disposition de tous. Lejeune le sait bien qui se libère de la tutelle de ses parents en trouvant un emploi, ou lesfemmes de plus en plus nombreuses qui cherchent à libérer leur vie personnelle de toutedépendance économique en cumulant obligations professionnelles et familiales.Nombreux sont pourtant les individus ou les catégories d’individus qui netravaillent pas, puisque la population active des pays occidentaux n’atteint guère que 40 % à45 % de la population totale: les femmes qui restent au foyer, les lycéens et étudiants, lesretraités, les malades, les rentiers, qui sont d’ailleurs en tant que tels de plus en plus rares.Mais c’est à leur propre travail que malades et retraités doivent leurs ressources, mêmerestreintes; c’est grâce au travail de leurs parents, et de plus en plus en vue de leur travailfutur, que lycéens et étudiants peuvent échapper à une obligation professionnelle immédiate.La justification du non-travail de la femme au foyer est soit dans la place qu’elle tient dans lavie personnelle du mari qui la fait vivre, soit dans le service qu’elle rend à la collectivité enélevant ses enfants. De caractère ambigu, intermédiaires entre travail et non-travail, lesactivités de la femme au foyer s’apparentent aux appartenances anciennes, quand travail etdépendance personnelle n’étaient pas dissociés, mais fondus en une relation unique qui atendance à disparaître.Deux évolutions parallèles ont préparé la dissociation actuelle du travail et dunon-travail. Les premières générations ouvrières ont payé de leur complet asservissement autravail des fabriques le développement d’une production de masse qui ne pouvait aller, à plusou moins longue échéance, sans développement de la consommation de masse: ainsi s’estélargi le domaine des décisions personnelles, d’une relative libération à l’égard des nécessitésles plus impérieuses.En même temps, l’urbanisation, liée aux progrès de l’agriculture et del’industrie, a soustrait l’individu à l’influence et aux contraintes que les communautés ruralesfaisaient peser sur lui, lorsqu’elles réglaient aussi bien sa vie sociale, religieuse ou familialeque sa vie professionnelle. On a souvent parlé de déracinement et regretté l’isolement descitadins; il faudrait aussi parler de libération de la personne, même si cette libération n’a pasété, ni ne pouvait être immédiatement ressentie comme telle par tous.124


Mais cette autonomie extérieure au travail n’est-elle pas d’autant plusappréciée et recherchée que s’accentue la dépendance à l’intérieur du travail même? Lesprofessions indépendantes perdent continûment de l’importance face au progrès du salariat. Siune organisation de plus en plus globale, de plus en plus complexe et hiérarchisée améliorel’efficacité de l’effort humain, permet une plus grande maîtrise de l’économie et ouvre lapossibilité de réduire des fléaux comme la famine et le chômage, elle a jusqu’ici multiplié dumême coup les tâches parcellaires et répétitives, éloigné le travailleur du produit de sontravail, accru sa dépendance à l’égard d’une organisation impersonnelle.Le «travail en miettes 164 », selon l’expression de G. FRIEDMANN, a été mis aupremier plan des sources de frustration supportées par le travailleur industriel, plus souvent,semble-t-il d’ailleurs, par des observateurs étrangers que par l’intéressé lui-même. Sans doutela plupart des ouvriers souhaitent-ils trouver plus d’intérêt à leurs tâches quotidiennes, mais laplupart des tâches agricoles d’autrefois, les travaux domestiques de toujours sont eux aussifastidieux et limités sans rien devoir de leur ennui à la division du travail. Mais ce qui ajoute àla pénibilité des tâches de l’ouvrier spécialisé (O.S.), ce sont les diverses formes dedépendance qui en accompagnent l’accomplissement.À la dépendance sociale qui, à l’intérieur du travail, remplace la dépendancepaysanne à l’égard des éléments, une proportion non négligeable de salariés essaient toujoursd’échapper; nombreux sont les ouvriers qui rêvent de s’installer à leur compte, un sur cinqd’après une enquête française de G. ADAM 165 en 1970; quelques-uns le tentent effectivementà leurs risques et périls, et à contre-courant, puisque l’importance du nombre des salariés necesse de croître, qu’elle atteint en 1982, 84 % de la population active française, autant quedans le Royaume-Uni, connu pour sa faible population d’agriculteurs, et, puisque denombreux employeurs petits ou moyens qui n’ont jamais connu le salariat sont obligés del’envisager pour leurs enfants, sinon pour eux-mêmes.Le statut du salarié est celui qui souligne le plus la dépendance à la fois sociale,économique et technique à travers laquelle s’impose la contrainte première du travail, puisquele contenu des fonctions, le rythme même des tâches sont définis par l’employeur ou par desservices d’organisation du travail dont le premier souci est de réduire les coûts. La division dutravail ne consiste plus sans doute, comme dans l’exemple décrit par Adam SMITH 166 auXVIIIe siècle, à partager la fabrication d’une épingle entre plusieurs ouvriers; aujourd’hui, ils’agit de servir des machines très spécialisées. Les ouvriers spécialisés qui exécutent ce travailne représentaient en France en 1975 que 14,5 % de la population active; le travail à la chaînelui-même n’en concerne pas la moitié, du fait que seules les grandes séries justifient l’emploid’un tel système, mais ces tâches ont pris valeur de symbole: limitées, définies par untechnicien autre que l’exécutant, à la fois dans leurs cadences et dans leurs méthodes, elles ontfourni l’image de la contrainte la plus poussée qui puisse s’exercer sur le travail humain.164FRIEDMAN, Georges, Le Travail en miettes, Paris : Éd. Gallimard, 347 p,1956.165L'enquête sur l'ouvrier français en 1970 a été réalisée dans le cadre duCEVIPOF (Centre d'étude de la vie politique française, FNSP et CNRS) parune équipe de quatre chercheurs, Gérard ADAM, Frédéric BON, JacquesCAPDEVIEL<strong>LE</strong> et René MOURI<strong>AUX</strong>, placée sous la responsabilité de GeorgesLAVAU.166SMITH, A.,Recherche sur la nature et les causes de la richesse desnations, 1776, Tome 1 et 2, Traduction Nouvelle, Flammarion, Paris, 1992.125


En revanche, il est bien des moyens de tourner ou de transformer lescontraintes apparemment les plus rigoureuses des tâches au rendement individuel ou en petitsgroupes. Mais la lutte même qui est souvent menée par les ouvriers spécialisés pour prendreleurs distances par rapport à un tel système est suggestive de leur souci de retrouver unecertaine autonomie (P. BERNOUX 167 ). Il faut d’ailleurs bien préciser le sens de cette lutte:son objectif explicite n’est pas tant d’aboutir à un élargissement ou à un regroupement destâches partielles qui en sont l’occasion, mais de maintenir un certain équilibre entre le travailfourni, c’est-à-dire la fatigue, et le salaire obtenu en contrepartie.C’est dire que l’autonomie recherchée ne concerne pas l’intérêt intrinsèque dutravail, mais le souci d’une certaine marge de liberté dans la réalisation d’une tâche qui estd’abord un moyen d’obtenir un salaire. Ce rôle instrumental du travail se retrouve dansl’étude menée par J. GOLDTHORPE 168 auprès d’ouvriers anglais: leur centre d’intérêt vitalest leur vie privée, leur vie familiale, bref leur non-travail dont les conditions se sontaméliorées grâce à la croissance prolongée d’après guerre.Ainsi chacun cherche-t-il à s’assurer les biens qui enrichissent son tempsd’autonomie, tout en limitant le poids du travail qui les lui apporte.La dépendance propre au salarié est encore plus durement ressentie lorsque sonemploi lui-même se trouve menacé. Le non-salarié peut chercher à se défendre des difficultéséconomiques, à s’adapter. Les salariés les moins formés et les plus nombreux ne peuvent quesubir les effets d’une politique d’entreprise – ou d’une absence de politique – nationale oueuropéenne, ou d’une multiplicité de facteurs mondiaux qui affectent toutes les économiesouvertes. Le salarié peut alors se trouver renvoyé à un non-travail total qui sape les bases167P. BERNOUX et J. RUFFIER, Les groupes semi-autonomes de production,Sociologie du travail, n°4, 1974.168Il est intéressant de comparer cette description avec celle que donnentJ. GOLDTHORPE, D. LOCKWOOD et leurs collaborateurs, étudiant beaucoup plusrécemment des ouvriers des industries modernes, qui possèdent un niveau devie plus élevé que la moyenne des ouvriers anglais et sont exposés à lanouvelle culture urbaine, dominée par les consommations de masse. Cette«nouvelle classe ouvrière», au sens que cette expression reçoit enAngleterre, est à la fois très semblable à l’ancienne et très différented’elle. Semblable, car elle reste avant tout centrée sur la vie personnelleet familiale; le travail, en général semi-qualifié, est surtout source derevenu et n’a pas de rôle important dans la formation des conduites; lefoyer, avec son équipement matériel et surtout ses relations affectives,est le centre principal de la vie ouvrière. Différente, car ces ouvriersvivent dans un monde en mouvement; leurs activités sont, en langagesociologique, plus «instrumentales» qu’expressives. Ils cherchent lesmoyens d’améliorer leur situation et celle de leurs enfants; ils sont plussoucieux de problèmes politiques et sociaux généraux; ils s’attachent auLabour Party comme à l’instrument politique dont ils attendentl’amélioration de leur condition, alors que leurs prédécesseurs vivaientdans un monde culturel ouvrier et voyaient dans le syndicalisme avant toutl’expression d’une opposition aux classes riches. Le passage de lastabilité au changement s’observe aussi en France; les horizons se sontélargis, On peut accepter la conclusion de GOLDTHORPE; il n’y a pasd’embourgeoisement de la classe ouvrière, si on considère que les conduitesculturelles de la classe moyenne dominées par ce que D. RIESMAN nommel’other-directedness (extra-détermination), c’est-à-dire le souci deniveau, de l’effet produit sur les autres, du conformisme de groupe. Lafamille ouvrière est centrée sur elle-même et sur sa consommation plutôtque sur le souci du niveau social.126


mêmes de sa part d’autonomie personnelle. Un peu oubliée en période facile, cettedépendance primordiale éclipse en période difficile le souci d’un travail moins ingrat.Dans les années de croissance, le développement continu de la consommations’est trouvé à l’origine de profondes transformations dans la répartition de la main-d’œuvrecomme ce fut déjà le cas au XIXe siècle. Des transferts considérables se sont alors effectuésselon un schéma assez comparable d’un pays à l’autre. Ainsi, l’habillement et le textileoccupent beaucoup moins de salariés qu’autrefois – en France, un million de moins qu’audébut du siècle – tout en ayant accru singulièrement leur production. La nécessité, dans lesannées quatre-vingt, de faire face à des progrès accélérés de productivité, ne fut-ce que pourmaintenir un emploi minimal, a entraîné des changements tout aussi importants, mais plusdramatiques, parce que moins étalés dans le temps et parce qu’ils ne sont plus liés aux seulsdéveloppements de la consommation française mais en grande partie imposés de l’extérieur.Les nouveaux processus, souvent informatisés, consistent de plus en plus en fonctionscoordonnées et intégrées dans un ensemble; ils aboutissent sans doute à un recul du travailnon qualifié, comme en témoignent les premiers résultats du recensement de 1982.Néanmoins, ce sont encore près de quatre millions d’O.S. et de manœuvres qui ne peuventenvisager de trouver dans leur travail la source essentielle de leur épanouissement; en outre,dans l’enquête anglaise déjà citée, les ouvriers qualifiés mêmes lui donnent un rôleinstrumental et lui demandent de leur apporter d’abord un salaire.En revanche, la diffusion des biens de consommation dans les années soixanteet soixante-dix a bien amélioré d’autres formes du travail humain. Les biens deconsommation les plus répandus apportent plusieurs types de satisfactions: les uns réduisentles tâches ménagères qui amputaient autrefois le temps libre; combien d’heures passées parles femmes à repriser, à ravauder, à raccommoder ont été libérées pour des occupations plussouriantes et moins fastidieuses, grâce aux tissus synthétiques et à la possibilité acquise de lesrenouveler fréquemment; d’autres biens de consommation enrichissent ce temps libéré,l’ouvrent vers le monde extérieur; d’autres loisirs ne coûtent guère: rencontres amicales,activités associatives, mais à la différence des précédents, ces derniers absorbent du temps. Àpartir d’un certain niveau de consommation se manifeste le souhait d’un accroissement detemps libre qui l’emporte sur celui d’un accroissement de salaire. C’est ce qu’on constatechez les cadres depuis longtemps, et c’est ce qui a été exprimé en 1970 par une majoritésubstantielle de salariés dans une grande usine française. Le temps libre devient alors un«bien» qui entre en concurrence avec les biens de consommation eux-mêmes.La réalité de l’évolution des horaires de travail, tant hebdomadairesqu’annuels, n’a pas toujours confirmé les pronostics de réduction du temps de travail. Il estsignificatif qu’une appréciation plus modérée des progrès accomplis vienne d’un sociologueaméricain, H. WI<strong>LE</strong>NSKY 169 , alors que l’exemple même des États-Unis a souvent servi dejustification aux hypothèses qui envisageaient la semaine de trente heures dans un avenir trèsproche. Les cadres français ont souvent des semaines plus chargées que leurs subordonnés:leurs responsabilités mêmes, leurs salaires, parfois les risques de licenciement, les incitent àune activité non limitée dans le temps, que semble justifier l’intérêt de leur travail, comparé àcelui des catégories plus défavorisées sur ce point. Les vœux des ouvriers et des chefsd’entreprise sont également allés, pendant longtemps, à un maintien des horaires: la structuremême des salaires explique, en effet, au moins en partie, les préférences des uns et des autres;169Sociologue américain H. WI<strong>LE</strong>NSKY (1967) relativise la réductioneffective du temps de travail pour d'autres catégories de salariés.127


comme l’explique W. GROSSIN 170 , les heures de travail deviennent moins coûteuses pourl’employeur lorsqu’elles se situent au-delà du plafond de la sécurité sociale, et, au contraire,plus rentables pour le salarié, qui en retire un gain supplémentaire au-delà du temps légal. Sibien que les horaires ont commencé à se réduire sous la pression du chômage, légèrement de1970 à 1974, de manière accélérée après 1974. Les différences d’une activité à l’autres’expliquent, aux États-Unis comme en France, par les différences dans le chômage quifrappe les uns et les autres. Le chômage n’a pas suffi: ce sont des mesures conventionnelles etplanifiées, puis légales, qui ont amorcé puis accentué en France le mouvement de réductionde la semaine de travail; ces mesures n’ont fait au début que l’aligner sur les autres payseuropéens, où une évolution similaire les avait devancées depuis quelque temps déjà.Ainsi l’amélioration des conditions de travail, la recherche de tâches plusdifficiles, comme celles que prône HERZBERG, sont les préoccupations des tempsd’abondance et d’expansion, tandis que le temps libre constitue plutôt la richesse des tempsdifficiles, mais une richesse durable puisqu’il est rare de revenir sur des mesures acquises;c’est dire que la nécessité du travail, sans disparaître pour autant, peut être réduite, dominée,apprivoisée en quelque sorte. Mais, si ces problèmes ne sont pas résolus quand existeclairement la possibilité de leur solution, ils le seront non plus au nom d’une nécessitétechnique ou économique, comme ce fut le cas au XIXe siècle, mais de plus en plus de par unchoix social et politique des sociétés ainsi, la réduction ou l’aménagement des horaires visentautant un partage du travail plus équitable entre salariés et chômeurs que l’accroissement dutemps de non-travail lui-même. Les médiations sociales qui s’interposent de manièrecroissante entre l’homme et la contrainte du travail la lui rendent plus difficilementacceptable: on ne peut guère contester les coups du sort comme on conteste l’injustice oul’arbitraire qu’on attribue à une politique, ou à une absence de politique sociale. Ce caractèresocial des choix risque d’être d’autant plus vivement ressenti que le développement de laformation, suscité à la fois par les besoins de l’économie en cadres et techniciens et par lesambitions des particuliers pour leurs enfants, aura des effets aussi bien au niveau du travailque du non-travail; la diffusion de la formation et de l’information semble stimuler lesexigences à l’égard du contenu et du sens du travail. À partir d’un certain moment, les offreset pressions de toutes sortes, les informations diffusées par tous les moyens existantss’annuleraient plutôt par leur multiplicité même, incitant chaque individu à un retour sur soi età un choix personnel.Bien des solutions proposées s’inspirent encore d’un humanisme qui dated’hier. Un humanisme réellement moderne devrait concilier les contraintes d’une organisationglobale complexe et les désirs d’autonomie individuelle qui ne peuvent aboutir sans elle.170W. GROSSIN, La notion de culture temporelle, Temporalistes, N° 33, 1996,pp. 12-18 a mis en évidence la pluralité des temps sociaux du travail etdes loisirs qui a fait l’objet de nombreux travaux, à commencer par l’étudedes budgets - temps (initiée en 1845 par Frédéric ENGELS dans son étude surles ouvriers anglais) qui consiste, sur 24 heures, à connaître qui faitquoi, où, avec qui, avec quoi, par tranches de 15 minutes. Ceci a permis demontrer, par exemple, les conditions du travail ménager de la femme quimélange travail et loisirs, en épluchant des petits pois devant latélévision.128


8° Le pouvoir dans l’entrepriseUne organisation possède toujours un système d’autorité. Des objectifs et desnormes sont transformés en consigne dont l’application est assurée par des cadres, y comprisles agents de maîtrise.Mais ces objectifs et ces normes ne sont pas intouchables. Au contraire, ils sontmodifiés constamment en fonction des changements qui interviennent à la fois dansl’environnement et dans l’organisation elle-même. Une organisation possède ungouvernement qui définit objectifs et normes recevant ainsi une certaine légitimité. On neparlera plus d’autorité à ce niveau mais plutôt d’influence, c’est-à-dire d’action exercée surles partenaires sociaux dans le processus de prise de décision. De plus en plus, on reconnaîtl’existence d’une vie politique dans l’entreprise industrielle, l’hôpital, l’université, parexemple, conçue alors comme des institutions. En particulier, depuis C. BARNARD 171 , il estreconnu que le chef d’entreprise n’est pas un monarque absolu, mais qu’il est situé dans unréseau de groupes qui cherchent à peser sur les décisions, en fonction des intérêts de leursmembres ou du secteur de production qu’ils assurent. L’image de l’entreprise comme unensemble fortement intégré et conduit au feu de l’action comme un régiment est de plus enplus remplacée par celle d’un tout formé de sous-ensembles relativement autonomes, dont lesintérêts sont toujours partiellement en conflit et entre lesquels existent ce que M. CROZIER 172nomme avec justesse des «zones d’incertitude». Il intègre le jeu social dans le systèmed’organisation. Dans la dernière partie de sa thèse, il explique l’existence de la bureaucratiefrançaise à partir des traits culturels et de l’histoire nationale. Il montre que dans la culturefrançaise, existe une valeur aristocratique qui prône la hiérarchie et qui accorde une grandevaleur au chef d’œuvre, l’objet bien fait, plus important que l’objet efficace.Enfin, au-dessus du niveau de l’organisation et de l’autorité, au-dessus mêmedu niveau de la décision politique et de l’influence, se trouve toujours le niveau du pouvoir.Si l’organisation traite les problèmes de fonctionnement, si l’institution politique assurel’adaptation au changement, le niveau du pouvoir est celui du développement, c’est-à-dire dela capacité qu’a toute société d’agir sur son propre fonctionnement en se donnant desobjectifs et les moyens de les atteindre. C’est ici qu’interviennent les rapports de classes.La classe dirigeante n’est pas seulement celle qui détient l’autorité ou qui a leplus d’influence sur les décisions; elle est d’abord celle qui gère l’investissement, donc lesforces d’autotransformation de la société, et qui, par conséquent, impose une accumulationdont l’investissement est décidé en fonction de ses propres intérêts. Considéré en lui-même,ce rôle de la classe dirigeante peut être nommé «domination»; mais, appliqué dans le cadred’une organisation, on le nomme «pouvoir». Toute organisation autonome possède donc unsystème d’autorité, un système d’influence et un système de pouvoir, qui se combinentdifféremment selon les situations sociales.171C BARNARD introduit la notion d'organisation informelle structurée. Ilcontribue à mettre en lumière quelques-unes de ses manifestations (ellereste pour cela phénoménologique) et amorce ce faisant une certaine rupturedans la manière de considérer l'entreprise, organisation informellestructurée qui se transforme par ce fait en une entité qui intègre en plusdes aspects formels et objectifs, des aspects et données informels etsubjectifs.172Crozier, M., le phénomène bureaucratique, Ed. Seuil, 1963.129


De l’activité de production soumise à une classe marchande à l’activitésoumise à une classe dirigeante de type technocratique, en passant par le capitalismeproprement industriel, on assiste, au moins dans les sociétés capitalistes les plus avancées, àune différenciation croissante de ces trois niveaux des organisations, accompagnant leurinterdépendance croissante à l’intérieur de chacune des organisations considérées.L’atelier artisanal qui produit pour le marchand n’est le lieu que de l’activitéprofessionnelle; la classe dirigeante agit hors de l’atelier, sur le marché. Mais, en mêmetemps, les rapports de travail sont immédiatement commandés par le prélèvement du profitmarchand, comme le rappelle l’exemple extrême du sweating system 173 (forme extrême del’exploitation du travailleur artisanal par le capital marchand).À l’extrême opposé, dans une entreprise à haute technologie, la gestiontechnique a une grande autonomie par rapport au pouvoir économique et, entre les deux,existent des mécanismes de décision; mais, en même temps, le pouvoir est beaucoup plusdirectement présent dans l’organisme de production, comme l’indique le mot «technocratie»lui-même.L’organisation du travail tient une place importante dans la sociétéindustrielle, si l’on considère d’abord la société industrielle comme le mode de productionqui précède la société programmée, on vérifie les idées générales ci-dessus énoncées.Le mode de production se définit en effet par deux mécanismescomplémentaires : l’organisation du travail et l’économie de marché.L’accumulation ne porte plus seulement sur les moyens directs de production(terre, force de travail, par exemple) ou sur les moyens d’échange, comme les monnaies et lesmétaux précieux, mais surtout sur l’organisation du travail. Le capitalisme industriel estapparu quand un marchand ne s’est pas contenté de vendre le produit du travail d’ouvriersplacés sous sa dépendance, mais a modifié la division du travail entre eux et a ainsi élevé laproductivité et créé une source nouvelle et extrêmement importante du profit. Du début à lafin de la période industrielle, le maître mot est l’organisation. En France, au Creusot, sous lesecond Empire, apparaissent les premiers essais d’organisation rationalisée des ateliers. AvecTAYLOR puis FORD, la «rationalisation» prend toute son ampleur, par la détermination desmeilleures méthodes (one best way) dans le cas du premier, et l’organisation du travailcollectif par l’introduction surtout des chaînes de production dans le cas du second.Pendant toute cette période, aussi, s’accumulent les plaintes contre uneextrême division des tâches, contre des cadences trop rapides, contre la monotonie et, plusgénéralement, contre la dissociation absolue de la conception et de l’exécution du travail.Dans d’autres rapports de classes, l’industrialisation soviétique a montré aussi l’importancecentrale de l’organisation du travail et du rendement. Même quand elle utilise des techniquesnouvelles, et on sait qu’elle en a peu utilisé dans ses débuts, l’industrialisation repose moinssur une élévation de la productivité par le recours à la science que sur la rationalisation dutravail. L’entreprise n’est pas saisie comme un système mais seulement comme un ensemblede fabrication. C’est pourquoi on ne parle pas alors d’organisation mais d’entreprise.173Exploitation du prolétariat. Ce terme, d'origine anglaise, signifie à lalettre "système qui fait suer".130


Le second aspect de l’activité industrielle est caractérisé par l’entreprise. Leproduit accumulé est investi conformément à l’image que cette société se forme de lacréativité, c’est-à-dire le progrès, l’ouverture du marché, la liberté des échanges, desmouvements de capitaux, de travailleurs et d’idées. L’entrepreneur industriel n’évoque pas lechef d’entreprise, mais beaucoup plus l’homme d’affaires, celui qui risque ses capitaux encherchant à créer de nouveaux courants d’échange ou de consommation. Dans une sociétécapitaliste, c’est, par définition, le capital et sa reproduction élargie qui sont l’objet principalde l’activité de l’entrepreneur. La société industrielle est dominée par le décalage constantentre ces deux plans: les rapports de classes sont fondés dans l’organisation du travail, maisils débordent aussi l’entreprise pour se situer au niveau de l’«économie» et de ses «lois» oudu développement volontariste de l’économie nationale. Entre les deux, l’entreprise est unniveau relativement peu important de la réalité. Du côté de la classe dirigeante, lesorganisateurs sont aussi des financiers ou des individus, collaborant avec eux, tantôt lesentraînant, tantôt se soumettant à eux. Du côté ouvrier, on trouve d’un côté la soumission aucapital, au marché, donc à la spéculation et aux crises, et de l’autre l’exploitation dans et parle travail, l’imposition de cadences rapides, d’un travail parcellaire. Et la réponse à cescontraintes est également double: affirmation d’une société des travailleurs, fondée surl’activité directement productive, et volonté de conquérir un pouvoir étatique qui peut seulcontrôler les intérêts financiers privés. Partout et toujours c’est ce même balancement, sousdes formes très variables, entre le monde du travail, c’est-à-dire de la fabrication, qui est aussicelui où se forme le profit, et celui du marché où se joue le capital accumulé et dont l’inverseest un dirigisme étatique tel qu’il était conçu par une tradition socialiste remontant à LouisBLANC 174 .L’image traditionnelle de la société industrielle, qui ne cherche pas à sesubstituer à celle des économistes mais à esquisser une sociologie des rapports sociaux dansl’économie industrielle, en particulier capitaliste, ne convient plus à la description des formesles plus avancées de production; en réalité, celles-ci représentent un mode de productionnouveau, la société programmée ou postindustrielle.Alors que l’accumulation propre au système industriel repose surl’organisation du travail, la société programmée apporte un autre facteur d’accroissement dela productivité: le progrès technique, qui est l’application de la science à l’industrie. Produitsnouveaux, méthodes nouvelles, instruments de gestion cybernétique, un nouveau visage de laproduction se dessine, non seulement dans les entreprises proprement dites, mais aussi dansles organisations militaires et paramilitaires, hospitalières, et dans l’ensemble de ce qu’on apu nommer les industries de la connaissance (knowledge industries). La forme la plusavancée de cette évolution conduit à une société de services industrialisés, ce qui devrait êtrela définition du secteur tertiaire, une fois qu’on en a retiré les activités commerciales quirelèvent d’un système préindustriel et non postindustriel de production. L’entreprise est doncune unité: elle est un système géré par les techniques de la recherche opérationnelle oud’autres formes d’analyse systémique. Certes, la formation du profit à partir de l’organisationdu travail demeure importante; mais ce qui est propre à la société postindustrielle estl’organisation de la gestion plus que l’organisation du travail. Ce n’est plus le poste detravail, la chaîne de production ou l’atelier, qui est l’unité de base de l’économie maisl’organisation elle-même.174BLANC, L., (1811-1882) est un homme politique et un historien français,cf biographie complète en fin de thèse.131


La classe dirigeante ne recourt plus, dans ce modèle sociétal, à une image de lacréativité qui est la libération des forces et des énergies grâce à l’ouverture de marché (ou à lavictoire des forces populaires). Elle impose son pouvoir de classe en organisant l’ensembledu système économique, en manipulant la demande, en utilisant les moyens d’information demasse, en se préoccupant de la formation des attitudes des salariés et du contrôle de leursactivités sociales. Intégration qui ne prend pas la forme d’un plan autoritaire, mais plutôt d’unsystème polycéphale, peu coordonné et où chaque centre de décision répartit ses risques etdiversifie ses activités.Le pouvoir de la classe dirigeante n’est plus situé d’un côté en deçà et del’autre au-delà de l’entreprise; mais il est un pouvoir de gestion globale, quoique noncentralisé, du système économique. Parallèlement, on assiste à une intégration croissante descomposants des revendications et du mouvement social des salariésAu lieu d’une défense du travail d’un côté et d’un appel à l’État pour contrôlerles marchés de l’autre, c’est un projet de contre-société, représenté de manière plus ou moinsclaire par le thème de l’autogestion, qui est opposé à un mode de domination, lui-mêmeglobal, de la société. Dans la société industrielle, le domaine de l’activité sociale est dominépar un monde supra-social, le monde de l’économie, qui est celui où se libèrent des énergiesnaturelles et qui a besoin aussi d’être contrôlé. Dans la société postindustrielle, cetteséparation entre la fabrication et l’économie n’existe plus; tout est système de production. Lasociété apparaît comme le produit de ses décisions et, par conséquent, les rapports sociaux deproduction opposent deux modes de gestion de l’économie et de la société.Bien des signes montrent, dans les pays industrialisés, l’épuisement du modèleindustriel du développement économique. Aussi bien les utopistes d’une société del’équilibre, au-delà de la croissance, que les grands managers pressés de conquérir le nouveaupouvoir qui sera celui des grandes entreprises postindustrielles apprennent au public àreconnaître que le siècle du «progrès» et des «lois» de l’économie est clos, que l’on ne vitplus dans une société évolutionniste mais prospectiviste, c’est-à-dire qui conçoit l’avenircomme le produit de décisions présentes.Mais cela ne signifie pas qu’une société postindustrielle ne sera occupée quepar des unités économiques du type qui vient d’être évoqué. On a déjà dit que cesorganisations postindustrielles différencient de plus en plus nettement leurs niveaux defonctionnement. Le niveau organisationnel y fonctionne de manière relativement autonomepar rapport au niveau politique ou institutionnel, et plus encore par rapport au niveau dupouvoir, celui où se forme un modèle de développement. Dans la société industrielle, aucontraire, si l’organisation était déjà un domaine autonome, régi par les commandements dela «rationalisation», l’entreprise comme centre de décision était encore confondue avec lepouvoir capitaliste.Il est donc possible, en opposition avec les idées souvent admises, de ne pasreconnaître à la grande entreprise le rôle de détenteur du pouvoir économique. Ledéveloppement scientifique et technique, d’un côté, le système général de contrôle del’activité économique, de l’autre, sont les éléments fondamentaux du pouvoir d’une classedirigeante. Cela met l’accent, en particulier, sur l’importance de l’État, parce qu’il joue unrôle essentiel dans les investissements scientifiques (industries nucléaires, industriesspatiales, recherche scientifique, hôpitaux, par exemple) et qu’il est l’agent principal ducontrôle politique et idéologique de l’organisation sociale.132


Plus précisément, il faut distinguer trois types de grandes entreprises au lieud’accepter la catégorie unique des «grandes organisations».Le premier type est celui de l’organisation qui est, par elle-même, un élémentdu système technocratique, à la fois parce qu’elle produit du progrès scientifique et techniqueet parce qu’elle est un centre d’accumulation des ressources consacrées par la société à un desaspects de son fonctionnement. Tel est le cas, par exemple, des hôpitaux ou des universités ouencore des centres de décision administrative; ils tendent à monopoliser les ressourcesaffectées à la santé, à l’éducation ou à la planification, et par conséquent à diminuer lesressources consacrées à satisfaire les demandes populaires en matière de santé, d’éducationou d’aménagement. Ici est le cœur du système technocratique où le rôle de l’État est donc leplus considérable.Le deuxième type est celui de l’entreprise, qui est surtout un centre dedécision, engagée donc dans un genre ou un autre de concurrence et qui est donc un élémentd’un système politique. Ce type correspond largement aux entreprises proprementindustrielles.Enfin, il existe des entreprises essentiellement commerciales semblables, parexemple, aux grandes compagnies coloniales du XVIIIe siècle, et qui n’appartiennent à lasociété postindustrielle que par l’autonomie de leur fonctionnement organisationnel. Le cas leplus connu est celui des grandes compagnies pétrolières.Cette typologie des entreprises montre que, si celles du premier typeappartiennent entièrement à la société postindustrielle et en sont le centre, celles du deuxièmetype n’y appartiennent que comme centres de décision et comme organisations; en tant queporteuses d’un modèle de développement et d’un pouvoir de classe, elles appartiennentencore à la société industrielle. Enfin, celles du troisième type n’appartiennent à la sociétépostindustrielle que comme organisations. En tant que centres de décision, elles se situentdans la société industrielle. Et le modèle de développement ainsi que le pouvoir de classedont elles sont porteuses relève d’une société marchande.Plus on entre dans une société postindustrielle, plus les formes proprementindustrielles de production se dégradent. À côté des grandes entreprises innovatrices et le plussouvent en liaison étroite avec l’État se développe un capitalisme purement financier, celuides holdings des années vingt, celui des conglomérats aujourd’hui. C’est aussi ce capitalismeindustriel décadent qui joue le rôle principal dans les nouvelles formes de l’impérialisme.Ces transformations du pouvoir économique s’accompagnent de modificationsdans les attitudes des salariés à l’intérieur des entreprises.Tout d’abord, dans le type le plus ancien d’entreprise, antérieur au grandmouvement de rationalisation et d’organisation du travail, le monde ouvrier est dominé pardeux sources de satisfaction ou d’insatisfaction: d’un côté, l’autonomie professionnelle, del’autre l’emploi. Les ouvriers qualifiés sont plus sensibles que les manœuvres aux conditionsd’exercice du métier; les manœuvres sont plus directement soumis aux menaces qui pèsentsur l’emploi et dont ils sont les premières victimes. L’aspect défensif de l’action ouvrière estdonc celui qui concerne les problèmes économiques généraux, tandis que l’aspect positif,c’est-à-dire l’affirmation de valeurs proprement ouvrières, est directement lié à l’expériencede travail.133


Puis, dans la situation industrielle classique, et en se limitant à une société detype capitaliste, on voit la conscience de classe ouvrière se développer et atteindre sonmaximum de visibilité. Les conduites ouvrières sont déterminées par l’aspect central de lasituation de travail, l’organisation, et dépendent donc du salaire considéré avant tout dans saliaison avec le rendement. L’ouvrier est soumis, par les méthodes d’organisation du travail,au profit patronal; il ne défend plus son autonomie professionnelle; ou bien il exercesimplement une pression pour les meilleurs salaires, ou bien il conteste l’organisation dutravail et, derrière elle, le pouvoir patronal. L’action ouvrière ajoute à cette contestation lerecours, déjà indiqué, à un contrôle social de l’activité capitaliste, donc à l’intervention del’État. Mais l’aspect central de l’action ouvrière est dirigé vers les conditions collectives detravail et de rémunération. L’action est centrée sur l’usine ou sur l’atelier. Le syndicalisme sedéveloppe avant tout à ce niveau: il est d’autant plus mobilisateur qu’il est proche de lasituation de travail.Enfin, dans les organisations de la société postindustrielle, la conscienceouvrière est en position renversée par rapport aux formes archaïques d’activité industrielle.D’un côté, l’action «positive» est dirigée vers l’ensemble du système économique; il s’agitmoins de se protéger contre le change, les fluctuations de la conjoncture ou les pressionspatronales sur l’emploi, bien que tous ces problèmes demeurent, que de viser une gestioncollective de l’économie répondant aux demandes de la population. De l’autre côté, l’activitéde travail elle-même relève largement du niveau organisationnel de l’entreprise, donc posedes problèmes assez autonomes par rapport à ceux du pouvoir économique. Les attitudes icisont surtout défensives: on recherche des garanties, de la prévisibilité et, à la limite, un statutpersonnel séparé du rendement ou de l’activité, une certaine carriérisation, à défaut d’uneréelle professionnalisation.Il faut noter que les relations sociales dans l’entreprise évoluent parallèlement.Plus on s’approche des situations les plus évoluées, plus le domaine conflictuel se déplacevers le haut, laissant derrière lui des plages de plus en plus vastes dans lesquelles d’autrestypes de relations peuvent s’établir. L’entreprise, considérée comme centre de décision,comme unité politique, peut admettre que d’autres catégories que les actionnaires aient uneinfluence, d’abord parce que les actionnaires eux-mêmes n’en ont pratiquement pas et parcequ’en fait les barons de l’entreprise ou certains syndicalistes, et bien souvent les syndicats,ont une influence réelle depuis longtemps. Il est possible de mettre en place un processuspolitique de planification à moyen et long terme, dans lequel la programmation de l’évolutiondes salaires intervient au même titre que des plans d’investissement, de fabrication, derecherche, d’implantation. Le domaine politique est celui des transactions.Quant au niveau de l’organisation du travail, on y observe nettement un refluxde l’autorité patronale. Le rôle du contremaître comme agent d’autorité ne cesse de sedégrader. Plus souvent qu’on ne le croit, les délégués syndicaux disposent d’une véritableautorité. Les expériences très limitées de recomposition des tâches parcellaires sontimportantes surtout en ce qu’elles impliquent une véritable autogestion de ce qui étaitautrefois une chaîne de production. Cela ne signifie nullement un progrès du pouvoircompensateur syndical. Mais la différenciation croissante des niveaux de l’entreprise –autorité, influence et pouvoir – indique que la tendance des grandes organisations est de voirse superposer une autogestion professionnelle, des mécanismes de négociation et detransaction dans la formation des décisions et un lieu du pouvoir et de la contestation quidéborde l’unité de production et s’étend à l’ensemble de la vie économique et sociale.134


Ces changements impliquent une course aux diplômes, une adaptation, unequalification grandissante. Pourtant ce terme recoupe plusieurs notions.C. LA QUALIFICATIONLa qualification ne se réduit pas à la possession d'un certain nombre de savoir -faire correspondant à l'exécution normée de tâches précises et limitées. Elle ne se limite pas àla simple adaptation à un poste de travail.La qualification est constituée d'un potentiel de connaissances, de capacités etde compétences permettant de comprendre et de maîtriser une situation professionnellespécifique, de la restituer dans son environnement et dans l'ensemble du processus deproduction. Elle inclut donc la capacité à participer à l'évolution d'une situation de travail.Une formation "qualifiante" ne saurait se réduire à faire apprendre à des opérateurs àappliquer des consignes d'exploitation ou à effectuer des manœuvres. Elle doit déboucher surl'acquisition de capacité d'anticipation, de diagnostic et sur un corps structuré deconnaissances transférables à d'autres situations de travail au sein de la même entreprise oudans des entreprises différentes.Le contenu de la qualification est pluridimensionnel. Il se réfère à un ensemblede compétences professionnelles intégrant :* des savoirs : c'est l'ensemble des connaissances générales ou spécialisées àposséder (connaissances théoriques, langages scientifiques et techniques...);* des savoir - faire : ils concernent la maîtrise de méthodes et d'outilsapplicables dans des contextes particuliers mais transférables à divers situations de travail;* des savoir - être ou savoir - faire sociaux : il s'agit des attitudes etcomportements des personnes au travail, de "façons" souhaitables d'agir ou d'interagir. De telscomportements sont indissociables de la motivation et de l'implication au travail.* les savoir apprendre : ils permettent de faire face aux évolutions permanenteset d'accélérer les exigences liées aux évolutions des emplois, des technologies, desorganisations;* des capacités à faire savoir : l'entreprise ne pourra être performante que si lesacteurs qui la constituent savent communiquer efficacement les uns avec les autres.Au sein d'une entreprise, aucun individu ne possède à lui seul l'ensemble desinformations qui lui sont nécessaires pour exercer un emploi. L'entraide et la coopération sontnécessaires. La qualification d'une équipe ou d'une entreprise ne peut se réduire à la sommedes qualifications individuelles. Elle dépend des interactions qui s'établissent entre lesindividus et leurs qualifications. La qualification d'une équipe, c'est aussi la capacité dugroupe à réfléchir sur lui-même, à tirer les leçons de l'expérience, à conceptualiser lesproblèmes et à analyser les erreurs. C'est la capacité de coopération.Ce n'est que dans la mesure où chaque individu trouvera des qualificationscomplémentaires aux siennes que sa propre qualification pourra s'intégrer efficacement dansles combinaisons productives. La qualification d'un collectif de travail nécessite donc que l'onveille aux "chaînes de compétences" dont il faut assurer la continuité (entre les services deméthodes et les services de production, entre la vente et l'après - vente, entre les équipescommerciales et le back - office...). Cette coopération entre les salariés détenteurs de135


compétences complémentaires conduit à la recherche d'un "système de compétences" dansl'entreprise.La qualification, à la fois réalité vécue dans l'entreprise et un rapport entre laformation et l'exercice du travail organisent la vie du salarié ; pourtant la qualificationmesurée par l'éducation n'est pas la seule expérimentée dans le quotidien, elle est rapportée àun poste, c'est-à-dire à tout un ensemble d'opérations incluses dans un système productif,regroupées par l'organisation du travail, codifiées par les conventions collectives.Beaucoup de sociologues empruntent leur conception du temps à d'autresdisciplines. Le rapport de la formation à l'emploi sont difficile à décrire dans le même champtemporel. SCHULTZ 175 en 1963 l'interprète sur le modèle de l'investissement : l'individu estcensé, au cours de son éducation accumuler un capital, le capital humain qui trouverait usageet rémunération au cours de sa vie. Une correspondance est introduite dans la durée calquéesur celle du capital économique.De par le salariat, le service du travail, mesuré par le temps, s'échange sur unmarché contre un quantum de monnaie. La notion de qualification, si elle désigne un attributdu travail, est dans cette perspective confuse et trompeuse (CAMPINOS- DUBERNET etMARRY in Tanguy, 1986 176 ). Elle paraît pourtant, au premier abord, offrir de l'échelle dessalaires une explication commode. La qualification définit une hiérarchie des qualités dutravail, analogue à celle des rémunérations. Elle vise, semble-t-il, la réalité même qui sevalorise dans le salaire, et elle la saisi sous une forme telle que le passage d'un plan à un autres'effectue sans difficulté, puisqu'il ne s'agit que d'une correspondance entre deux ordres. Il nereste plus qu'à préciser si cette correspondance définit une symbolisation ou unedétermination, ce qui nourrit des débats en fin de compte secondaires.Cependant, à l'examen, cette construction apparaît artificielle, et l'explicationqu'elle propose tautologique. Comment peut-on hiérarchiser des comportements de travail oude tâches ? En ne retenant, sans le dire, que les caractéristiques de ces phénomènes qui seprêtent à cette mise en forme. Autrement dit, la qualification n'est un ordre que dans la mesureoù elle ne désigne plus réellement des qualités de travail. En fin de compte, c'est l'ordre desrémunérations qui explique la qualification.La problématique traditionnelle de la qualification repose donc sur unmalentendu. On prend l'ordonnance relative des opérations, telle qu'elle se constitue pourrendre compte des différences de savoir et de rémunération entre les salariés, pour unensemble de caractères positifs du travail. De là les paradoxes et les apories qu'entraînel'usage de la notion de qualification. Elle désigne à la fois une correspondance entre lesdiverses caractéristiques d'une situation de travail, le statut, le savoir, le salaire, et en mêmetemps la nécessité prétendue de cette correspondance. Elle réduit ainsi un cycle, celui de laformation, mécanisme qui oriente les mouvements de l'ensemble des salariés à travers letemps, à un rapport, celui de l'emploi isolé avec l'apprentissage de l'individu qui l'occupe.C'est pourquoi la notion donne l'illusion d'accomplir la synthèse de tous les attributs du175SCHULTZ, T., The Economic Value of Education, New York : ColumbiaUniversity Press, 1963.176CAMPINOS-DUBERNET M, MARRY C., De l'utilisation d'un concept empirique :la qualification, quel rapport à la formation ? in Tanguy L. (dir.),L'introuvable relation formation-emploi. Un état des recherches en France,Paris, La Documentation Française, 1986.136


travail. Elle efface tous les processus de portée inégale qui s'articulent dans l'emploi, lespériodes de la transmission des connaissances, de la vie de travail, et de ses besoins, de lareproduction des générations, du capital, pour ne retenir que leur ajustement synchronique. Letravail concret, tel qu'il est observé à un moment donné, devient une réalité qui domine etoriente l'histoire, et sa configuration simultanée se cristallise en une structure.Pourtant on ne peut comprendre que la qualification ainsi conçue varie avec letemps d'apprentissage, ni qu'elle échappe à cette mesure. La qualification est-elle lemécanisme par lequel la formation de l'individu reçoit un prix ? A quel instant faut-il calculerce rapport qui prend une infinité de valeurs tout au long d'une vie ? On a alors une infinité dequalifications. On ne peut donc supposer ni que la qualification organise l'existence entière dusalarié, ni qu'elle est relative à chacun à des instants qui la composent 177 .La qualification désigne aussi bien le résultat d'un apprentissage, que lacapacité d'en subir un, le début, la fin ou une étape de la carrière. Telle fonction, technique ouprofessionnelle, inclut la possibilité permanente de se perfectionner, telle autre use lesconnaissances de l'opérateur sans les renouveler : elles se confondent dans le système de laqualification, qui ignore la manière dont les capacités qu'il ordonne sont acquises et utilisées.Tel salarié est promu, l'autre non : c'est que le premier a accru sa qualification. Tel est choisipour un stage technique, tel déplacé, tel reconverti, tel licencié : c'est la qualification, sesvirtualités ou ses limites qui sont censées expliquer ces mouvements. La qualification légitimeen dernier ressort toutes les actions dans l'organisation du travail.La notion de qualification permet l'élaboration de grilles qui fixent unecorrespondance entre les fonctions, les savoirs, les diplômes et les rémunérations. Ces grillesfixent la réalité d’un moment et permettent de contester la préférence donnée à tel salarié surun autre ou le type d’indice attaché à l’emploi. Pourtant, bien que ce mode de gestion soitimportant au regard de ses membres, il ne touche pas au fondement même du système degestion. Bien des sociologues sont tentés de justifier le rôle central qu'ils accordent à la notionde qualification par les engagements du mouvement ouvrier. La notion de qualifications'obtient par la réduction des processus sociaux à leurs enchevêtrements. Dans le conflitsocial, cette même réduction naît de l'impuissance du mouvement salarial qui ne peutcontrôler ni l'acquisition des connaissances, ni l'usage qu'on en fait, ni les tendances desdifférents marchés, c'est-à-dire les flux et les régulations fondamentales de notre société.Afin d’améliorer les qualifications, les formations régulières sont dispensées,elles visent à donner au salarié de nouvelle capacité de travail qui sont reconnues sous laforme d'une qualification, laquelle est vérifié par un poste. La qualification est une notionéquivoque : est-ce le résultat de l'adaptation de l'homme à la tâche ou son principe ? Elle seprésente comme une procédure d'enregistrement social des capacités de travail. C'est unedépense qui donne lieu à des rémunérations échelonnées dans le temps. A l'exemple d'uncapital économique, la formation est assimilée à un investissement spécifique qui constitue unautre capital, le capital humain 178 .177TANGUY, L., L'introuvable relation Formation-Emploi, Paris, ladocumentation française, 1986.178La théorie du capital humain a été développée en 1964 par Gary BECKER.Le capital humain se définit comme l’ensemble des capacités productivesqu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ouspécifiques, de savoir-faire, etc. Pierre BOURDIEU a développé les théoriesd'Émile DURKHEIM concernant le "Capital culturel" d'un individu, concept137


Si un individu finance sa propre formation par un emprunt qui lui assurependant ses années d'école le même niveau de vie que ceux de sa génération qui sont déjà autravail, il occupera ensuite un emploi mieux rémunéré, mais son salaire sera ramené à celui deses camarades par les remboursements qu'il devra faire. L'éducation n'est avantageuse quedans la mesure où elle est financée par d'autres. La théorie du capital humain n'est alors plusvalide puisqu'elle veut faire admettre que le processus de formation se dérouleindépendamment de ses agents. Il devient alors indifférent que ce processus soit financé parl'étudiant, ses parents ou la collectivité puisqu'il est rentable dans tous les cas. L'inégalité dessituations salariales n'est pas liée à la sélection, au contraire, le désir d'éducation est censé nerencontrer aucun obstacle, tout acte de volonté individuelle suffisant à créer un poste d'élèvedans le système.La formation est une modification de la force de travail salariée financée par lerevenu. Pour peu que l'éducation entraîne un avantage quelconque, que ce soit une plusgrande stabilité de l'emploi, un meilleur statut, une fonction moins pénible, une rémunérationsupérieure, tout accroissement du revenu familial provoque une nouvelle demanded'enseignement pour les descendants. Le besoin de formation n'enclenche aucun mécanismede régulation, c'est pourquoi la satisfaction et l'expression de ce besoin est retirée à l'initiativedu salarié qui affecte une partie de son revenu à l'enseignement. L'étatisation et lefinancement public de l'éducation permet d'assurer une certaine mobilité sociale en évitantune tension générale sur les salaires. L'instauration de l'enseignement obligatoire en Francevisait, entre autre chose, à inciter les ruraux à se déplacer vers les villes : la nation se cotisaitainsi pour éduquer des agriculteurs qui n'avaient pas les ressources de le faire.Lorsqu’un salarié qualifié et formé n’est plus en phase avec son métier, lareconversion est la solution pour prendre un nouveau départ et rester actif dans le monde dutravail.1° La reconversionLa reconversion est un thème de plus en plus abordé à l’heure actuelle. Eneffet, les techniques, qui évoluent de manière très rapide, et la concurrence internationaleamènent les entreprises à s’adapter dans les plus brefs délais et les salariés à acquérir denouvelles qualifications. Qu’elle soit voulue ou imposée, c’est une période remplied’incertitudes et souvent vécue difficilement par les travailleurs.De nombreux facteurs peuvent amener un salarié à se reconvertir. Ces facteurssont essentiellement de deux ordres : volontaire ou involontaire. La reconversion volontaireconcerne un moment donné de sa vie, au cours duquel on peut ressentir le besoin de changerproche de celui de capital humain, qui lui est plutôt relatif à un grouped'individu. Le Capital culturel est tridimensionnel :• le "Capital culturel incorporé" : il est le fruit de la socialisationdifférenciée selon les milieux sociaux (langage, aptitudes scolairesdiverses, façons de se tenir et de se comporter en société...).• le "Capital culturel objectivé" : il désigne les outils de culturequi se matérialisent sous forme d'objets possédés par une personne(tableaux, bibliothèque, piano, etc). Ce capital n'a de valeur que par latransmission de la manière de s'en servir.• le "Capital culturel institutionnalisé" : il consacre latransformation d'une culture personnelle en titres et diplômes sanctionnantune aptitude socialement reconnue.138


d’orientation professionnelle. Les raisons peuvent être diverses et variées: la recherche de plusde satisfaction dans le travail, le besoin d’évolution, etc.… Cependant, dans la plupart des cas,la reconversion n’est pas voulue par le travailleur mais fait suite à des transformations dans lavie professionnelle. Cela peut être dû à une restructuration ou une délocalisation del’entreprise, à la fermeture d’une usine ou encore à un accident du travail. Cela peutégalement survenir lorsqu’un métier s’apprête à subir des mutations ou à disparaître.La reconversion et la formation qui en découle peuvent coûter cher danscertains cas. Globalement, la formation effectuée hors système scolaire est plus chère car elleconcerne un nombre moins élevé de personnes. C’est pourquoi des soutiens financiersexistent durant cette période. Pour envisager une reconversion, il faut d’abord avoir établit unprojet professionnel. En cas de difficultés à s’orienter, le recours au bilan de compétence estpossible. Il permet d’évaluer des acquis et de faire le point sur les aspirations afin de mieuxpréparer le futur avenir professionnel en choisissant la voie qui convient le plus. Lareconversion peut s’effectuer au sein même de l’entreprise ou de manière indépendante par letravailleur.Étant à l'origine de la révolution industrielle, l'Europe occidentale juxtaposedes industries d'âge différent ; aussi les activités en déclin sont-elles les plus anciennes. Lesnouvelles puissances industrielles, profitant de raccourcis techniques, ont-elles pour autantévité tout problème de régression ? Les études sur le développement industriel tendent àsouligner que, même à des âges différents, l'industrie d'un pays comporte des branchesdynamiques et des branches traditionnelles. Les industries de base, notamment les centressidérurgiques, implantées aujourd'hui dans les jeunes nations sont potentiellementdécadentes, car ce sont des secteurs de reconversion dans les pays riches.Quelques exemples peuvent illustrer l'étendue des reconversions industrielles.Jusqu'en 1914, l'industrialisation avait privilégié les pays disposant de richessescharbonnières. Les États-Unis ont dû résoudre des problèmes de reconversion semblables àceux de l'Europe dans ce secteur. Mais, dès l'entre-deux-guerres, le rôle énergétique ducharbon devient moins important. Ainsi, au Mexique ou au Brésil, dans les années trente,l'industrialisation s'appuie déjà sur d'autres sources d'énergie. Cependant, la phase dedémarrage de nouvelles activités industrielles est toujours précédée par quelques transitionsartisanales, et les premières industries de substitution sont destinées à vieillir rapidement.Aujourd'hui, le secteur artisanal qui était prépondérant en 1930 doit, dans le Nuevo León oule Minas Gerais, entreprendre la même reconversion accélérée que dans la vieille Europe,choisir entre l'absorption, la sous-traitance ou la disparition. Grâce à la collectivisation desmoyens de production et à la planification centrale, il est sans doute possible de différer lesreconversions, en protégeant de la concurrence extérieure les industries traditionnelles. Enparticulier, la priorité accordée à l'industrie lourde en Union soviétique ou en Europe centralepermet de maintenir en exploitation des entreprises que la concurrence élimine en Europe del'Ouest. Toutefois, avec la maturité industrielle et l'infléchissement de priorités qu'elleimplique, le vieillissement de nombreuses branches d'activité – dans le secteur des biens deproduction et des biens de consommation – ne peut manquer d'apparaître. On peut penserd'ailleurs que les moyens de la planification impérative pourraient, en matière dereconversion, assurer une plus grande facilité d'exécution que les mesures de persuasionfinancière des économies libérales.139


Les mutations de l'industrie arrivée à maturité ont provoqué la régressiond'industries anciennes, créant des poches locales de chômage dans des régions déprimées oùces industries étaient dominantes. Les économies les plus avancées sont, de nos jours, entréesprogressivement dans une phase postindustrielle, au cours de laquelle la part de l'emploiindustriel décline à son tour. D'une part, le domaine des reconversions s'élargitconsidérablement dans toutes les branches d'activité, au fur et à mesure que l'espaceéconomique se reconstruit autour de systèmes urbains qui attirent l'essentiel des ressources.D'autre part, les méthodes de reconversion doivent s'adapter à la diversité des activitéséconomiques chaque fois qu'un point nouveau souffre de régression économique. Enfin,parce que les reconversions ne sont plus isolées, elles sont de plus en plus ressenties commeune contrepartie coûteuse de l'abondance et de la croissance : il faut alors s'interroger sur leurnécessité et leur finalité.La croissance économique très rapide des économies industriellesoccidentales, après les épreuves de la grande crise et la Seconde Guerre mondiale, a eu poureffet de renforcer le courant des migrations vers les villes. Ainsi, en France, alors que lesdeux tiers de la population vivent dans les villes en 1968, les régions dites de fortepolarisation économique ont déjà un taux d'urbanisation de 80 %. La nouvelle répartitiongéographique des activités économiques, dominée par des types de relations propres auxrégions urbaines, conduit à modifier la répartition antérieure dans l'espace, en déplaçant leshommes, les entreprises et les capitaux. Ce changement entraîne le déclin des formeséconomiques anciennes et appelle une reconversion aussi bien dans l'espace urbain querural ; il fait naître également de nouveaux espaces interstitiels à leurs frontières.L'espace rural avait été en Europe, et particulièrement en France, protégé desmutations rapides que connaissait la civilisation urbaine. C'est pourquoi la modernisation del'agriculture, au début des années cinquante, a introduit des secousses brutales alorsqu'ailleurs (États-Unis) les changements ont été progressifs. En 1936, les paysans formaientencore plus du tiers des travailleurs français : en 1968, ils n'étaient plus que 15 %. Lesreconversions imposées par cette forme de modernisation tendent à favoriser une grandeagriculture industrialisée et ne laissent qu'une place réduite à l'agriculture traditionnelle. Dèslors, les surfaces occupées par cette agriculture de compétition sont plus restreintes et lesterres libérées sont disponibles pour d'autres usages. Mais, à partir du moment où lacampagne a perdu ses paysans, le village ses commerçants, les reconversions envisagéestendent le plus souvent à y introduire le cadre urbain. C'est ainsi que les zones de montagne(Alpes, Pyrénées) où l'agriculture familiale se meurt deviennent des zones touristiques et desvilles « de neige ».Accueillant les émigrants qui quittent les régions abandonnées, l'espace urbainattire 60 à 80 % de la population totale dans les pays techniquement avancés, mais n'occupeque 10 à 20 % du territoire. L'organisation économique et sociale de ces régions de hautedensité de peuplement devient prédominante ; le fonctionnement et la dynamique du systèmeéconomique se réduisent progressivement à l'économie urbaine. Or les régions urbainesenglobent des branches d'activité inégalement développées et l'extension du progrèstechnique crée de nouveaux écarts entre un secteur avancé et un secteur en régression. Dansle secteur des activités directement productives, particulièrement dans l'industrie, larégression des activités traditionnelles se poursuit. En amont et en aval de la production, lesactivités de services sont plus étendues que le secteur directement productif. Ce secteurtertiaire connaît à son tour des régressions ; or, dans un système d'économie urbaine, iloccupe 60 à 80 % de la population active. Dès lors, le petit commerce cède sa place aux140


magasins à grande surface, les banques mécanisées licencient leurs employés et lescompagnies d'assurance fusionnent. De même, le contrôle des titres de transport s'automatiseet le traitement des opérations comptables est assuré sur ordinateur. Chaque intrusionnouvelle du progrès technique prépare des reclassements professionnels.De ce fait, les métiers eux-mêmes deviennent éphémères ; les changementsde profession au cours d'une vie active, déjà fréquents dans la société nord-américaine et quicommencent à entrer dans les mœurs en Europe, témoignent de l'extension du problème desreconversions économiques.Les premières reconversions technologiques dans les charbonnages, le textileou la métallurgie ont emprunté deux démarches successives. Dans l'étape initiale, refusant decroire à une régression inéluctable, on allouait aux entreprises des subventions et auxchômeurs des secours. Dans une seconde étape, la régression étant acceptée, on renonce àconserver les activités condamnées. La reconversion prévoit alors la cessation d'activité dansl'entreprise en déclin, et la substitution de nouvelles activités. Hors des mines ou del'industrie, des conflits identiques apparaissent. Faut-il conserver l'agriculture familiale nonrentable, défendre le petit commerce au centre des villes ou encourager les jeunes médecinsgénéralistes à faire des visites à domicile ? Toutefois, à supposer que l'on garde un vestige dechaque branche traditionnelle, la grande majorité des personnels de ces branches doit sereconvertir.Les aides fournies pour le financement de la formation permanente et lerecyclage dans les entreprises correspondent à cet objectif. Mais, dans une économie où lesreconversions s'effectuent à l'intérieur des activités tertiaires, ces incitations font souventdéfaut. Par ailleurs, il ne suffit pas d'ouvrir des possibilités de recyclage, car, pour adapter,par niveau de qualification, les offres aux demandes d’emploi, il faudrait en même tempsapporter des solutions à d'autres problèmes, échanges de logements, inscription dans lesécoles, emploi du mari et de la femme, harmonisation des périodes de congés, etc., qui sontsouvent des freins à la mobilité professionnelle.Une reconversion réussie, qui permet de reclasser la main-d'œuvre en luioffrant de meilleurs métiers, est une opération coûteuse. Mais il appartient à la collectivitéd'assumer les charges liées à la régression d'un secteur d'activité. À tous ceux qui partent, ilfaudrait fournir, comme à l'agriculteur âgé, une indemnité viagère de départ et à ceux qui seréinstallent dans les branches nouvelles une prime d'installation pour s'équiper. De tellescharges risquent d'être si lourdes qu'elles bloqueraient l'essor des activités dynamiques. Orles grandes reconversions des sociétés industrielles sont plus subies que maîtrisées. Lesreconversions internes au milieu urbain, ou exportées par la ville, sont attribuées aux effetsdu progrès technique sans que leur nécessité soit clairement démontrée. Des études derationalisation des choix permettraient de faire le départ entre celles qui sont inéluctables etcelles que l'on pourrait éluder. Il est probable, d'ailleurs, que la mise en place de politiques delutte contre la pollution, source de nouvelles reconversions, permettra de mieux apprécier lescoûts trop élevés de changements technologiques qui auraient pu être mieux maîtrisé(reconversion des aéroports au transport supersonique, reconversions résidentielles quiaccentuent les cloisonnements sociaux au centre et dans les banlieues, etc.).On entend par reconversion (ou redéploiement) le passage d'un emploi à unautre entraînant une rupture avec le métier de provenance et l'entrée dans un nouveau métier.141


2° Nouvel emploi, nouveau profil professionnelLes actions de formation de reconversion sont destinées à préparer le personnelà changer de métier ou de famille professionnelle (bilan de compétences pour les cadres et lesEtam, formations ciblées pour les créateurs d'entreprises, cours par correspondance,...).Le contenu d'un emploi se définit en terme de situation professionnelle. Ildécrit l'ensemble des caractéristiques de l'emploi : missions, activités, relations, difficultés àrésoudre, champs d'autonomie et de responsabilité, niveau de complexité, univers destechniques à mettre en oeuvre, positionnement dans une filière ou à un itinéraire de référence,durée souhaitable d'occupation. Ces composants sont également connus sous le terme de"variables descriptives" de l'emploi.Le profil professionnel requis décrit l'ensemble des savoirs, savoir - faire etsavoir - être qu'un individu ou une catégorie du personnel doit maîtriser pour tenir cet emploi.C'est le profil souhaitable attaché à l'emploi.Le profil professionnel réel désigne l'ensemble des savoirs, savoir- faire etsavoir - être que maîtrise réellement tel individu ou telle catégorie de personnelle et enréférence au profil requis préalablement décrit.Les besoins de formation expriment l'écart de connaissances ou decompétences existant entre le profil professionnel requis et le profil professionnel réel. Lesbesoins de formation seront exprimés en termes d'objectifs opératoires de formation.Il faut ensuite décrire les emplois et les postes de travail, la mission indique le"service attendu" de cet emploi ou de ce poste de travail, ce que l'entreprise en attend. Ons'attachera à mettre en évidence le "sens" de l'emploi, sa contribution spécifique aux objectifsde l'unité (département, service, etc.) et de l'entreprise.Les activités indiquent ce que doit faire la personne qui occupe un emploi.Elles sont exprimées en terme de verbes d'action (fabriquer, contrôler, consulter, conduire,conseiller, réparer, élaborer, construire, etc.). Elles sont à considérer dans un sens générique :on emploie le terme d'activité pour décrire un emploi type ou un emploi cible. Une activitédésigne une famille de tâches similaires dans plusieurs postes de travail correspondant à unemploi.Une fonction, dans la description d'un contenu, d'un emploi ou d'un poste detravail, est une combinaison d'activités ou de tâches.Ex: La fonction de contrôle peut se décomposer en plusieurs activités: la fonction d'animationet la fonction de formateur d'un cadre technique.Les tâches désignent les opérations élémentaires (intellectuelles ou manuelles)à effectuer sur un poste de travail. Elles constituent l'unité de l'acte de travail.La mission de l'emploi :* le service rendu aux clients internes ou externes de l'entreprise,* la contribution spécifique aux fonctions internes (contrôle de gestion, communicationinterne,...) ou externes (marketing, commerciales,...) de l'entreprise,* la finalité de l'emploi.142


Les activités :* le type d'activité générique à plusieurs postes de travail de la même famille d'emploi,* ce que doit faire le titulaire de l'emploi pour accomplir sa mission.L'univers des techniques requis par l'emploi :* technique utile pour maîtriser une situation professionnelle.Les champs des relations avec les autres emplois :* relations à entretenir nécessairement avec des emplois de niveaux hiérarchiquessimilaires ou différents.* objet de la relation sur le plan fonctionnel.Le niveau d'astreinte et de risque :* principaux incidents,* risques potentiels.Le champ d'autonomie et de responsabilité :* degré d'autonomie dans la prise de décision, l'estimation des projets, l'exécution desactivités,* l'emploi fait-il appel à une responsabilité de planification, de décision opérationnelle,d'exécution ou de contrôle.Le niveau de complexité de l'emploi :* difficultés plus ou moins importantes à résoudre dans cet emploi,* critères pour situer un emploi sur une échelle de complexité,* le niveau de complexité est situé indépendamment des échelles de classification.La durée souhaitable d'occupation d'un emploi :* fourchette de temps.Le positionnement de l'emploi dans une fourchette de référence :* conditions d'accès à cet emploi et condition d'accessibilité à d'autres emplois.Le profil professionnel requis décrit l'ensemble des connaissances etcompétences nécessaires pour l'exercice d'un emploi type ou d'un emploi cible. C'est sur ceprofil que seront finalisées las actions de formation ou de perfectionnement envisagées. Lesbesoins de formation résultent de l'écart existant entre le profil requis et le profil réel despersonnes exerçant ou appelées à exercer un tel emploi.Élaboré sur la base de la description d'un emploi, le profil professionnelsouhaitable comportera les éléments suivants:a) les domaines de compétences parmi lesquels on distinguera :- les savoirs constitués de l'ensemble des connaissances générales ouspécialisées qu'il importe de posséder; il peut s'agir de connaissances théoriques ou de143


langages scientifiques et techniques. Ils sont généralement exprimés en terme de contenu maisils peuvent aussi donner lieu à une formulation en terme d'objectifs opératoires.- les savoirs - faire qui concernent la maîtrise d'outils et de méthodes dontl'utilisation est nécessaire pour la bonne tenue de l'emploi. Ils seront exprimés en terme decapacités observables.- les savoir - être qui sont des savoir - faire sociaux constitués des attitudes etdes comportements des personnes au travail. Ce sont des "façons" souhaitables d'agir etd'interagir. C'est par exemple la capacité d'initiative, la résistance au stress, la capacitéd'analyse, la capacité de synthèse, la capacité de former ses collaborateurs.- le savoir - apprendre dans lequel on inclura les capacités d'apprentissage etd'acquisition de connaissances nouvelles. Elles sont de plus en plus nécessaires pour faire faceaux évolutions souvent profondes et rapides des métiers et des emplois.b) les niveaux requis de formation initiale et d'expérience professionnelleconcernent :- la formation initiale tel que le diplôme d'une école supérieure de commerce,le baccalauréat, le diplôme d'un IUT de gestion ou un BTS froid climatisation.- l'expérience dans laquelle on précisera le nombre d'années et le typed'expérience.c) les équivalences possibles où on indiquera la ou les alternatives possibles auniveau requis de formation initiale et d'expérience professionnelle.Un classement de divers types concernant les connaissances, les compétenceset les expériences est possible. Ce classement peut s'effectuer soit par "champs decompétences" (technique, sécurité, ressources humaines, gestion administrative,...) soit parordre de priorité (compétences indispensables, compétences essentielles, compétencessouhaitées,...)L'influence des divers facteurs d'évolution (technologiques, économiques,socioculturels, organisationnels,...) entraîne de plus en plus la nécessité d'une certainepolyvalence des compétences. On distinguera plusieurs degrés de polyvalence :- la polyvalence élémentaire qui se limite à une simple rotation des postes surune chaîne taylorienne de production. La fragmentation des tâches à accomplir est telle quecette polyvalence élémentaire ne permet pas à l'opérateur de maîtriser le processus deréalisation d'un produit.Cette forme de polyvalence fait appel à du savoir - faire de même nature queceux habituellement mis en oeuvre dans l'activité principale. On observe cette polyvalence enparticulier dans les entreprises à processus de production continue (automobile, mécanique,...)et sur certains chantiers de construction.- La polyvalence par l'élargissement des tâches est celle qui nécessite la miseen ouvre de différents et de savoir - faire de base exercés dans des conditions différentes.C'est, par exemple, le plombier - zingueur qui réalise des soudures soit sur des feuilles de zincsoit sur des tuyaux de canalisation. Cette polyvalence témoigne de la capacité à effectuer destâches dépendant auparavant de plusieurs métiers.144


- La polyvalence par enrichissement des tâches est une polyvalence "complexe"qui nécessite un changement qualitatif dans les connaissances et les compétences. Cettepolyvalence ne se limite pas à une simple addition d'opérations similaires mais à la réalisationde tâches plus "riches" nécessitant le détour par une formation théorique. Ce type depolyvalence entraîne un changement des modes opératoires et peut conduire à la maîtrise d'unprocessus de travail complexe. Il y a déplacement des savoir - faire vers de nouvellescapacités ou de nouveaux métiers.Par exemple, dans une usine de construction automobile, comme l’entrepriseX, les agents de production devenant conducteurs d'installations automatisées doiventacquérir des compétences autrefois limités aux services périphériques des ateliers (qualité,gestion, maintenance,...); par ailleurs, ils doivent accéder à une perception de l'ensemble duprocessus industriel, leurs interventions deviennent de plus en plus transversales. Autreexemple lorsque des techniciens de bureau doivent être capables de se situer dans unensemble informationnel complexe et maîtriser une certaine polyvalence dans les diverstraitements de l'information.C'est encore le cas dans l'industrie chimique avec les constitution "d'équipes -système" lorsque les divers machines sont liées entre elles par une commande centralisée.Dans une même unité de travail, les équipes qui se succèdent pourront avoir des organisationsdifférentes.La polyvalence de groupe est de plus en plus recherchée. Elle permet l'exercicecollectif de fonctions autrefois confiées à des individus. C'est ce qui se passe lors de l'exercicecollectif de la fonction de régleur sur presse dans une équipe d'agents de production sur unechaîne de tôlerie automobile ou bien encore avec la coordination des équipes inter métiersdans le secteur du bâtiment : ces "noyaux de main - d'œuvre" sont des petites équipespolyvalentes et autonomes; elles sont responsabilisées, sur le chantier, sur des objectifs dequalité à atteindre.3° Le « plan de cohésion sociale », une solution ?Un plan de cohésion sociale 179 est mis en place par le gouvernement face à lamultiplication des troubles, il vise à intégrer un maximum de la population dans l’économie etéviter ainsi les laissés pour compte. Ce plan se divise en 14 programmes répartis en 3 grandspiliers qui sont l’emploi, le logement et l’égalité des chances pour le dernier. Les cinqpremiers programmes du premier pilier concernent la lutte contre le chômage, le plein emploides jeunes, l’égalité des chances, la création économique et l’égalité professionnelle entre leshommes et les femmes. Les trois programmes du second pilier traitent de la crise dulogement. Les six programmes suivants concernent l’égalité des chances entre les enfants etentre les adolescents, l’égalité des chances entre les territoires et l’égalité des chances entreles personnes de toutes origines.« La force d’une nation est dans sa ressource humaine. Un pays n’est puissantque par les hommes et les femmes qui le composent, par l’envie qu’ils ont de vivre et deconstruire ensemble, par le rayonnement de leur confiance dans l’avenir et par la cohésionsociale qui les unit. La prospérité économique est indissociable de la prospérité sociale ».179Plan de cohésion sociale, proposé par Jean-Louis BORLOO en Mars 2005,Ministre de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement.145


La France est l’un des pays d’Europe qui consacre le plus gros effort financierà la protection sociale. Chaque année, elle y affecte 30 % de sa richesse nationale, soit environ450 milliards d’euros, effort qui a plus que doublé au cours des vingt dernières années. Seulela Suède enregistre un pourcentage plus élevé (31,2 %). Et pourtant, ces résultats sontinquiétants.En effet, en quinze ans :• Le nombre d’allocataires du RMI est passé de 422 000 à 1 100 000 ;• Le nombre de familles surendettées supplémentaires est passé de 90 000 par an à 165 000par an et atteint aujourd’hui au total 1 500 000 ;• Le chômage des jeunes de 16 à 24 ans dans les quartiers en zones urbaines sensibles estpassé de 28 % à 50 % ;• Chaque année plus de 80 000 enfants entrent en 6ème sans maîtriser les savoirsfondamentaux (Lire, écrire, compter) ;• Les grandes écoles sont trois fois moins accessibles aux élèves de milieux modestes qu’aucours des années cinquante ;• Les actes racistes enregistrés sont passés de 189 à 817 chaque année ;• Le nombre de logements indécents a doublé ;• La liste d’attente pour l’accès au logement social a été multipliée par quatre.La cohésion sociale est en danger, cette situation n’est pas acceptable dans unesociété démocratique et avancée. La crainte d’une décomposition sociale et d’une régressionéconomique est très forte chez les concitoyens. Devancé en 2001 et 2002 par le sentimentd’insécurité, le chômage et les inégalités sociales sont désormais largement en tête despréoccupations des Français, toutes catégories sociales confondues. La France doit faire face àun chômage structurel et à l’exclusion qui l’accompagne, aux jeunes sans espoir et auxenfants défavorisés, aux logements insalubres, aux quartiers sans avenir, à une perte de sensde l’action collective et de la République, à l’intolérance et parfois au racisme. Cette nouvelleréalité paraît inéluctable, elle désespère ceux qui y sont enfermés, elle décourage les autres.Elle n’est pas uniquement le fruit des difficultés actuelles de la conjoncture économique ; lasituation a d’ailleurs continué à se dégrader pendant les périodes de croissance soutenue.« Nous devons répondre clairement, ouvertement à ceux qui se découragent : laRépublique retrouvera l’égalité des chances ; elle ne transigera pas avec son ambition, elle nejouera pas avec son avenir ». 180La France est terre de paradoxes :• Elle vit une crise de l’embauche (postes non pourvus dans le privé et dans le public, métierssous tension, secteurs “pénuriques”, existence de gisements d’emplois inexploités) ;• Elle n’est pas préparée à un choc démographique de grande ampleur, qui va engendrer, dufait des départs en retraite à venir, une pénurie de salariés d’environ un million d’ici à 2020 ;• Elle ne donne pas ses chances au marché des services aux particuliers, atone et bloqué endépit de ses potentialités ;• Elle compte quatre millions de personnes sans emploi et, pourtant, certains estiment qu’uneimmigration massive lui sera nécessaire dans certains secteurs d’activité.180Extrait des débats du 23 février 2006 au Sénat, réponse de Jean-LouisBORLOO à Dominique VOYNET sur le Plan de Cohésion Sociale le 13 mars 2006sur l’égalité des chances.146


Quatre erreurs majeures ont été commises :• avoir oublié que l’emploi était le fruit de la rencontre d’une offre et d’une demande et quel’une et l’autre devaient s’organiser et se prévoir ; la France n’a que très peu investi dans cedomaine, alors que cet investissement est l’un des plus rentables de tous ;• avoir considéré l’emploi comme un stock donné à partager, plutôt que comme le fruit sanscesse recomposé de l’activité et de l’inventivité humaines ;• avoir organisé le contingentement de la population active et la protection systématique del’emploi existant plutôt que son augmentation et sa rotation ;• avoir fait du traitement social du chômage la réponse ultime au manque de travail, alorsqu’il ne peut s’agir que d’un moyen de retour progressif vers l’emploi des personnes qui ensont le plus éloignées.Il faut rompre avec tous les malthusianismes : la France a besoin de libérerl’activité économique, car c’est elle qui crée l’emploi. Une première rupture est d’ores et déjàintervenue. Depuis deux ans, dans un contexte économique très difficile, une nouvellepolitique de l’emploi a été engagée par le Gouvernement :• La création d’entreprises a été facilitée, car pour avoir de l’emploi il faut des entreprises ;• Le travail a été valorisé, avec une hausse massive du pouvoir d’achat du SMIC horaire, uneaugmentation de la prime pour l’emploi et une réforme des retraites destinée à valoriserl’expérience et le travail des seniors ;• Les 35 heures ont été assouplies pour permettre à ceux qui le souhaitent de travailler pluspour gagner plus ;• de nouvelles passerelles vers l’emploi en entreprises ont été créées, avec les baisses decharges, le contrat jeunes en entreprises, le CIVIS (contrat d' insertion dans la vie sociale);• Avec la mise en place d’un droit individuel à la formation, les partenaires sociaux ont jetéles bases d’une véritable assurance emploi.Parallèlement, le Gouvernement a œuvré pour la cohésion sociale en engageantune action décisive pour la sécurité, en relançant le dispositif des zones franches urbaines, enaccélérant le traitement du surendettement pour permettre aux débiteurs de bonne foi,victimes d’un accident de la vie, de connaître un nouveau départ. Aujourd’hui cette actioncommence à porter des fruits. Avec le retour de la croissance, le bénéfice des actionsengagées sera plus visible : notre économie va recommencer à créer des emplois et lechômage aura reflué. Dans le même temps il serait illusoire de croire que la croissance régleratous les problèmes. L’embellie de la fin des années quatre-vingt-dix a davantage profité à ladépense publique qu’aux Français. La croissance va elle-même nous poser de nouveaux défis,en accentuant les difficultés de recrutement de certains secteurs. Nous devons tirer les leçonsdu passé. C’est pourquoi le Gouvernement engage aujourd’hui une deuxième étape de sonaction, afin que la croissance qui revient soit mieux partagée, et profite à tous les Français. Iln’y aura pas de croissance durable sans cohésion sociale.Les ambitions du plan de cohésion sociale sont le retour à l’activité comme unepriorité absolue. C’est le meilleur rempart contre l’implosion sociale et la clé de la dignitéindividuelle. Le plan de cohésion sociale se présente donc d’abord comme un dispositifsystématique de sortie d’une logique d’assistance : tous doivent pouvoir, sous des formesadaptées, retrouver le chemin de l’activité, aussi modeste soit-elle. Les jeunes, avenir du pays,doivent être les premiers bénéficiaires de cet effort national. Aucun d’entre eux ne doit êtrelaissé pour compte. C’est possible : les métiers de demain sont connus et nous pourronsdonner aux jeunes les moyens de les connaître et de les exercer. Dès 2007, les départs à la147


etraite des baby-boomers vont nous confronter à une transition démographique inédite. Unmillion d’emplois nouveaux vont être offerts au cours des dix ans qui viennent. Mobilisésavec efficacité, ceux qui sont aujourd’hui chômeurs ou exclus seront en mesure de pourvoirces emplois, peu qualifiés, qualifiés ou très qualifiés. Le chômage massif est devenu unedonnée permanente, avec plus de 4 millions de personnes indemnisées ou allocataires deminima sociaux, et toutes les conséquences négatives qui en résultent pour la compétitivité denotre pays. Nous devons le maîtriser dans le cadre d’une perspective d’avenir : l’allocationchômage est une indemnité, il faut en faire un investissement, un instrument de retour àl’activité. La période de chômage était un moment d’effritement, il faut en faire une étape dereconstruction, au cours de laquelle le rôle éminent de la puissance publique estd’accompagner chacun de ceux qui en ont besoin, au nom de l’efficacité, mais aussi de lafraternité.Avec 10 000 emplois détruits et 10 000 emplois créés chaque jour ouvrable, lechômage frictionnel est inévitable. Ce qui n’est pas acceptable, c’est le chômage de longuedurée, le chômage d’exclusion, le chômage durable des jeunes à la recherche de leur premieremploi. Des gisements considérables d’emplois restent inexploités. Si la France avait le mêmetaux d’emploi que les Etats-Unis dans les services aux particuliers, elle disposerait d’environ3 millions d’emplois supplémentaires. La politique de l’emploi de demain doit s’attacher àlever les verrous qui empêchent le renouvellement et l’accroissement de l’offre d’emploi ;pour cela, un équilibre plus dynamique entre la sécurisation des parcours des travailleurs etl’efficacité économique doit prévaloir. Plus de fluidité, plus de stabilité et d’accessibilité dudroit du travail, plus d’efforts en faveur de la création d’entreprise sont nécessaires. Il fautlibérer la création économique. Il faut, par ailleurs, rétablir l’égalité effective des chances enattaquant à sa source l’inégalité : dans le logement, à l’école, dans les territoires aux chargessocio urbaines écrasantes et aux ressources insuffisantes. Nous le voyons aujourd’hui, lesinégalités initiales se cumulent et s’aggravent, elles figent et sclérosent notre société. Avec unascenseur social bloqué, le pays n’est servi que par certains de ses talents et laisse les autresen marge de la société. Trop cloisonnée, notre société doit évoluer pour ne pas se calcifier. Ilfaut tout d’abord investir dans le logement, qui connaît aujourd’hui une véritable crise. Lescauses sont connues : retards accumulés dans le logement locatif social, dysfonctionnementsdu marché locatif privé et nous devons les traiter. La République doit également se donner lesmoyens de relancer la mobilité, la libre circulation des talents. Une nouvelle impulsion doitêtre donnée dans les zones d’éducation prioritaire, les élèves en fragilité doivent être repéréset suivis aux premiers signes de décrochage, dès la maternelle.Les méthodes du plan de cohésion sociale sont ajustées aux nombreux défis àrelever, ils sont à la hauteur des risques d’aujourd’hui. Nous aurions tort de penser qu’il peutsuffire d’adapter de vieilles recettes, seraient-elles plus énergiques, pour obtenir les résultatsescomptés. Le plan de cohésion sociale adopte une démarche inédite consistant à traiterensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays (chômagepersistant de longue durée, chômage des jeunes, accroissement du nombre d’exclus, crise dulogement, délitement des quartiers défavorisés, discrimination, crise du système éducatif àcertains endroits, etc.). Trop longtemps, une approche cloisonnée et morcelée de questions quien fait se nourrissent. Les unes des autres a prévalu. Le but de ce plan est d’agirsimultanément sur tous les leviers qui contribueront à briser cet engrenage et à établir le cerclevertueux de la réussite et de la cohésion. C’est pourquoi les programmes du plan s’articulentautour de trois piliers fondamentaux : l’emploi et l’activité, l’accès au logement et l’égalitédes chances.148


C’est un plan d’action, précis et ciblé, car il y a urgence ; construit sur unepériode de cinq ans, il ouvre par ailleurs des perspectives à plus longue échéance. Il serasoutenu par une loi de programmation, gage du respect des engagements de l’Etat. Le plan neréussira qu’avec l’engagement de tous les partenaires concernés, dans le respect descompétences de chacun. La réussite de la cohésion sociale sera celle de tous les acteurs –collectivités territoriales, entreprises, associations, services déconcentrés de l’Etat – quiœuvrent sur le terrain. La mise au point opérationnelle des programmes se fera avec lesacteurs ; au-delà de l’engagement de l’Etat, les mesures doivent être souples, adaptées auxspécificités locales et s’inscrire dans le cadre des partenariats déjà existants. Le contrat et leco-pilotage seront privilégiés à chaque fois que la loi ne sera pas nécessaire. Le plan mobilisesur le seul budget de l’Etat plus d’un milliard d’euros de moyens supplémentaires dès 2005,dans un contexte financier particulièrement difficile. Cet effort, qui dépassera 3 milliardsd’euros en 2007 pour décroître ensuite, est un investissement pour notre avenir. Ce plan estenfin une façon de réaffirmer nos valeurs communes, c’est l’expression d’un projet de société.Ce plan veut la mobilisation de toutes les ressources de la nation. Il n’y a pas deux France :“celle qui travaille” et “l’autre”, celle des assistés. Il faut sortir de cette vision manichéennequi entretient, voire légitime, une société à deux vitesses. Puisqu’il n’est de richesses qued’hommes, il faut anticiper les besoins de ressources humaines, les adapter, soutenir lescuriosités, préférer l’activité à l’assistance. La France ne doit pas être la juxtapositiond’individus égoïstes et rivaux mais la réunion d’hommes et de femmes animés par une mêmefierté d’appartenir à la République. L’avenir du pays, son dynamisme économique durabledépendent de sa capacité à fédérer tous ses talents. Inexorablement, depuis quinze ans, lefossé continue de se creuser entre ceux dont les enfants ont un avenir et ceux dont ladescendance en est privée. D’innombrables talents sont ainsi gaspillés, recevant “la rage enlieu et place de diplôme”.La réussite de ce plan de cohésion sociale se veut la condition d’un véritabledynamisme économique de ce pays et d’un retour à ses valeurs fondatrices.Le marché du travail connaît, dans notre pays, d’importantsdysfonctionnements engendrant une durée anormalement élevée du chômage, alors que lenombre d’emplois non pourvus s’accroît et dépasse 500 000. La création économique y estbridée, notamment dans le secteur des services aux particuliers. Le contexte démographiqueva, de plus, radicalement se modifier, nous exposant au risque de voir cohabiter dans unmême pays une pénurie de salariés, supérieure à un million, et un nombre particulièrementélevé de personnes éloignées de l’emploi. Contrairement à l’adage “contre le chômage, on atout essayé et on a tous échoué”, plusieurs pays sont parvenus à faire substantiellementdécroître le chômage structurel, le chômage des jeunes et le chômage dans son ensemble, enalliant la fluidité économique nécessaire aux entreprises à un “filet social” de haut niveaupour les individus. C’est le cas des pays nordiques, mais aussi de l’Irlande ou des Pays-Bas.Dans ces pays, afin de faciliter la réactivité des entreprises et de vaincre leur aversion àl’embauche, les contraintes ont été allégées, les statuts et la gamme des horaires de travaildiversifiés. En contrepartie, les dépenses de la politique de l’emploi sont élevées ; leschômeurs bénéficient d’une indemnisation très protectrice et ceux qui peinent à se réinsérersont rapidement soutenus. La “flex-sécurité” danoise constitue une source d’inspirationprivilégiée pour mettre en place des solutions novatrices, reposant sur un compromis entreune politique du marché du travail fluide et la sécurité économique des individus. Les chiffrestémoignent de la réussite de ce modèle. Ces exemples montrent qu’il y a d’autres moyens defaire face aux mutations de l’emploi qu’un désarmement généralisé en matière de protectionsociale.149


Le plan de cohésion sociale renouvelle la conception de la politique del’emploi. Il fonde un équilibre plus propice à la baisse du chômage de longue durée et à lacréation d’emploi : une prise en charge collective plus efficace des chômeurs, un marché dutravail plus fluide. Le plan propose d’investir en faveur de la sécurisation des parcours, afin defaire du chômage une période active de préparation d’un nouvel avenir et non un tempsindéterminé conduisant trop souvent à l’assistance. Par l’institution des maisons de l’emploi,fédérant tous les acteurs d’un bassin d’emploi, il remédie aux carences et pourvoit aux besoinsde notre service public de l’emploi :• trop grande déconnexion entre l’analyse de l’évolution des métiers et des besoins enressources humaines, d’une part, l’offre de formation et l’orientation des jeunes et deschômeurs, d’autre part ;• Accompagnement insuffisamment personnalisé des demandeurs d’emploi, dialogue troplimité avec les entreprises.Concernant l’emploi, un agenda est proposé aux partenaires du dialogue social,engagés à rechercher les moyens de renforcer la stabilité et l’accessibilité du droit du travail,de rénover les mécanismes de protection de l’emploi, de moderniser le contrat de travail, derendre plus payant le travail à temps partiel, d’améliorer le taux d’activité des jeunes et celuides travailleurs les plus âgés. Les jeunes, notamment lorsqu’ils sont dépourvus de toutequalification, subissent plus que les autres les défauts de notre politique. Le plan mobilise enleur faveur d’importants moyens d’accompagnement, leur garantissant la définition d’unparcours complet d’accès à l’emploi. Il organise par ailleurs une relance d’ampleur del’apprentissage. Pour les allocataires du RMI et de l’ASS, la marche est parfois trop élevéepour renouer avec l’activité ; le plan met donc en œuvre une possibilité efficace de retourprogressif à l’emploi. Pour libérer la création économique, il favorise l’essor du marché desservices en en facilitant l’accès. Il s’attache à lever les verrous posés à la créationd’entreprises par les demandeurs d’emploi et les personnes en situation précaire. Il pose ainsiles jalons d’une politique favorisant le renouvellement et l’accroissement de l’offre d’emploisde tous niveaux de qualification, particulièrement dans les petites entreprises. Il encourage,enfin, l’activité professionnelle des femmes, dont l’augmentation est une nécessitééconomique et sociale. Cet effort collectif est indispensable pour construire la compétitivitéde demain, fonder le pacte social sur une participation de tous à la communauté, éviter ainsiles crispations et les replis. Il permet de rechercher un équilibre plus dynamique entreprotection des salariés et fluidité du marché du travail.Fédérer les acteurs pour un nouveau contrat avec les demandeurs d’emploi estl’un des buts de ce plan. Le dispositif français d’intervention en faveur des chômeurs est leplus éclaté d’Europe. Ce nombre important d’acteurs ne garantit pas que soit rendu le bonservice, au bon moment et à la bonne personne. Pour optimiser le service rendu auxdemandeurs d’emploi et aux entreprises, il faut traiter ses défauts :Premier défaut : les prévisions de besoins en ressources humaines au niveau des bassinsd’emploi sont insuffisantes ; de ce fait, l’action manque de données objectives, reconnues etpartagées sur lesquelles s’appuyer.Deuxième défaut : cette insuffisance des prévisions induit un décalage dans l’adaptation del’offre de formation.Troisième défaut : il n’existe pas de poste d’orientation unique de la politique de l’emploidans le bassin d’emploi, ce qui nuit à son pilotage.Quatrième défaut : l’éparpillement des acteurs rend leur action peu lisible, tant pour lesdemandeurs d’emploi que pour les entreprises.150


Cinquième défaut : le suivi individualisé des demandeurs d’emploi est encore insuffisant, auregard des autres pratiques européennes.La création des maisons de l’emploi vise à remédier à ces différentes carences. La maison del’emploi est à la fois :• Une instance chargée de recenser les ressources humaines et de prévoir les besoins locauxen emplois. C’est là que s’articulent anticipation des besoins et déclenchement desformations;• Un lieu dédié au traitement particulier des chômeurs en difficulté, après orientation par lesgrands réseaux, notamment celui de l’ANPE ;• Un lieu regroupant tous les services susceptibles d’être offerts en matière d’aide à la créationde leur propre emploi par les chômeurs ;• L’association de tous les partenaires de la politique de l’emploi et de la formation, fédérésau sein d’une structure juridique (groupement d’intérêt public). Chacun des acteurs de lapolitique de l’emploi sera représenté dans la maison de l’emploi ; elle sera accueillante etconviviale, au service des demandeurs d’emploi. Placée sous l’autorité d’un managerexpérimenté, elle fera appel à une équipe pluridisciplinaire d’une cinquantaine de personnes,composée pour partie d’agents mis à disposition par les partenaires du GIP, pour partied’agents recrutés en propre et venant du monde de l’entreprise. Elle travaillera en étroitecollaboration avec l’ANPE et l’AFPA et mettra à leur disposition, ainsi qu’à celle de tous lesautres acteurs tous les moyens d’information, logistiques et humains dont elle disposera. Unerépartition précise des tâches sera localement opérée. Sur la durée du plan, 300 maisons del’emploi seront ainsi créées. Le territoire national sera couvert par une maison de l’emploipour trois agences ANPE en moyenne. La maison de l’emploi n’est pas un concept rigide etfigé : il ne sera évidemment pas nécessaire de créer ex nihilo une maison là où les acteurs deterrain ont, d’ores et déjà, mis en œuvre des outils de ce type : en ce cas, une simplelabellisation suffira, après renforcement des moyens si nécessaire. Parallèlement à cetterelance de l’investissement collectif en faveur du retour à l’emploi, l’ensemble du dispositifde placement des demandeurs d’emploi sera réformé, au service d’un nouvel équilibre desdroits et des devoirs :1/ l’ouverture du marché du placement, qui existe dans les faits depuis plusieurs décennies,recevra un support juridique. Un cahier des charges précis encadrera cette activité ;2/ l’opération de revitalisation et de modernisation des agences locales de l’ANPE amorcéeces dernières années sera amplifiée ;3/ un dossier unique du demandeur d’emploi, accessible en tout point des réseaux sera mis enplace, pour faciliter les démarches et l’accompagnement des demandeurs d’emploi ;4/ le demandeur d’emploi, accompagné de manière plus efficace par le service public del’emploi, sera tenu, en contrepartie, à la recherche assidue d’un travail et à une participationactive au programme de formation. Pour crédibiliser ce dispositif, des sanctions justes etgraduées pourront être prononcées, après une procédure contradictoire, en lieu et place du“tout ou rien” actuel. La responsabilité finale en incombera à l’Etat ;5/ un pilotage plus intégré sera assuré : le comité supérieur de l’emploi deviendra l’instancede coordination stratégique et d’évaluation systématique des politiques de l’emploi au niveaunational.Une politique de contractualisation sera engagée au plan national et déclinéeterritorialement :• Au niveau national : signature d’une convention tripartite pluriannuelle entre l’Etat, l’ANPEet l’UNEDIC déclinant les objectifs fixés par le comité supérieur de l’emploi (modalités decréation du dossier unique du demandeur d’emploi, calendrier de mise en place des maisons151


de l’emploi et de rénovation des agences ANPE, critères permettant d’évaluer l’efficacité etl’efficience des actions menées au titre du service public de l’emploi) ;• Au niveau local : signature de conventions territoriales fixant, notamment, les objectifs àatteindre pour la création des maisons de l’emploi et pour la rénovation des agences locales del’ANPE. Un fonds, inscrit au budget de l’Etat, contribuera au financement des maisons del’emploi (aide à l’investissement et au recrutement progressif, sur contrat de droit privé, de 7500 agents, les autres personnels nécessaires étant fournis par redéploiement).Le programme suivant concerne l’accompagnement de 800 000 jeunes endifficulté, il s’agit de les emmener vers l’emploi durable et le plein emploi. Le programmes’inscrit dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre l’État, larégion et les partenaires sociaux.Trois voies d’accès à l’emploi pour ces 800 000 jeunes en difficulté :• 350 000 d’entre eux accéderont à l’emploi par une formation en alternance (apprentissage etcontrat de professionnalisation), dans le cadre du programme “500 000 apprentis, étudiantsdes métiers” ;• 350 000 jeunes seront conduits vers l’emploi marchand, avec un droit à formation, le caséchéant par le truchement d’un contrat aidé (contrat jeune en entreprise, CIE, CIVIS) ;• 100 000 jeunes seront, enfin, recrutés en alternance dans le secteur public.Le programme 3 concerne les 500 000 apprentis, “étudiants des métiers”.L’apprentissage est une nécessité pour l’emploi des jeunes mais aussi pour la prospérité de laFrance et la vitalité économique de ses régions. La formation en alternance est la voie la plusrapide et la plus efficace vers l’emploi (70 à 90 % de taux de placement). L’objectif est deporter à 2 % de l’effectif le nombre d’apprentis dans les entreprises de plus de 100 personnes,par des mesures incitativesLe programme 4 du plan de cohésion sociale vise à favoriser la mixité socialedans la fonction publique par le développement de l’alternance. Une nouvelle voie derecrutement aux emplois publics, reposant sur le principe d’une formation alternée en servicepublic, est créée et dénommée PACTE (parcours d’accès à la fonction publique territoriale,hospitalière et d’Etat) ; elle profite notamment aux jeunes issus des quartiers sensibles. Lavalidation de la formation ainsi dispensée permet à son terme d’accéder à un emploi detitulaire sans passer le concours correspondant ou sans être soumis à une sélection lorsquel’emploi est accessible sur recrutement direct.Le programme 5 concerne le RMI qui est une allocation différentielle. Le RMIa quinze ans. Les prévisions faisaient alors état de 400 000 allocataires ; outre la création d’un“filet de sécurité”, l’objectif était d’assurer l’insertion des bénéficiaires. Le RMI est devenuun état durable pour 1 100 000 allocataires, sans compter les 365 000 titulaires de l’ASS.“Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi”. A cette fin, le plan institueun contrat d’activité, fondé à la fois sur un accompagnement personnalisé systématique et surun contrat de travail aidé ; les bénéficiaires passent un double contrat : avec un référent,représentant de la collectivité publique en charge du dispositif, et avec un employeur.Le programme 6 vise à développer l’économie solidaire. En effet le secteur del’insertion par l’activité économique offre à des personnes très éloignées de l’emploi lapossibilité de participer à la vie économique et sociale. Trois ans après leur entrée dans unestructure d’insertion par l’activité économique, 71 % des bénéficiaires sont en emploi et 3 %en formation.152


Le programme 7 concerne le retour à l’emploi des chômeurs de longue duréepuisque les contrats aidés ne sont pas suffisamment efficaces (parce que trop rigides) et sontsources d’effets d’aubaine importants. Ils bénéficient parfois à des personnes ne connaissantpas de difficultés personnelles particulières d’accès à l’emploi. C’est pourquoi le plan decohésion sociale ouvre la possibilité de moduler l’aide apportée aux employeurs.Le programme 8 établi un nouveau pacte pour l’emploi, conformément auxengagements pris par le Gouvernement lors de l’adoption de la loi du 4 mai 2004 sur ledialogue social, les partenaires sociaux peuvent, s’ils le souhaitent, lancer une négociationinterprofessionnelle. Les règles qui régissent les relations individuelles et collectives detravail sont parfois excessivement complexes et rigides. Cette situation découragel’innovation et l’esprit d’initiative. Elle freine l’embauche. Elle rend plus difficile l’adaptationdes entreprises à leur environnement concurrentiel. Une évolution s’impose pour favoriser lacréation d’emplois. Pour que cette modernisation des règles de fonctionnement de notremarché du travail porte tous ses fruits, elle doit s’accompagner d’une analyse complète desfacteurs déterminants des délocalisations. L’élargissement de l’Europe constitue certes unfacteur de dynamisation pour l’économie nationale mais emporte aussi, en même temps, desrisques graves dans certains secteurs d’activité et dans certains bassins d’emploi. Parmi les sixthèmes prioritaires pour la négociation interprofessionnelle, le premier concerne la gestionsociale des restructurations. Les règles relatives au licenciement économique ne sont pasefficaces en terme de protection de l’emploi et d’accompagnement social. Leur applicationsuscite des conflits préjudiciables aux intérêts des salariés comme des entreprises. C’estpourquoi le Parlement a suspendu l’application de la loi de modernisation sociale sur ce point,invitant les partenaires sociaux à trouver les voies et moyens d’une évolution des règles avantle 31 décembre 2004. Les délocalisations sont analysées. Il convient, tout d’abord, de faireune étude précise et objective de ces risques. A cet effet, la réalisation d’un audit estdemandée à un cabinet international, à compétence économique et industrielle, conjointementavec un cabinet compétent en matière de ressources humaines et de relations sociales. L’auditanalyse les facteurs déterminants des délocalisations, récentes et à venir : facteurs fiscaux,coût du travail, niveau de formation de la main d’œuvre, coûts logistiques, aides àl’investissement, nationales ou européennes, et aides publiques générales, etc. Compte tenu del’importance cruciale qui s’attache à cette question, cet audit est en parallèle opéré par lescorps publics d’inspection (IGF et IGAS, notamment), afin de disposer de deuxméthodologies et de deux éclairages différents qui permettent d’engager le débat sur lesmesures de toutes natures (nationales, régionales et européennes) propres à lutter contre cesdélocalisations, au plan national, mais aussi avec les partenaires européens confrontés auxmêmes mutations. L’échelon communautaire, en effet, est essentiel : le nécessairedéveloppement économique des pays entrants dans l’Union ne doit pas s’accompagner d’unedésindustrialisation des autres, sauf à affaiblir la dynamique européenne. La problématiquedes délocalisations ne doit pas faire oublier, par ailleurs, que le développement de l’emploipasse, aussi, par celui des pôles d’excellence. Ces pôles ont une dimension industrielle maisincluent, également, les services aux industries.Le programme 9 concerne l’accélération du développement des services auxparticuliers. En effet, la France compte encore trop peu d’emplois dans les services auxparticuliers de tous types. Avec le même taux d’emploi que les Etats-Unis, elle aurait environ3 millions d’emplois supplémentaires. Le plan de cohésion sociale se donne pour objectif lacréation de 250 000 emplois en cinq ans.153


Le programme 10 vise à encourager les chômeurs et les personnes en situationprécaire à créer leur propre emploi. 46 % des créations d’entreprises sont le fait de chômeurs(35 %), d’allocataires de l’ASS (4 %) ou du RMI (7 %) ; le taux de survie de ces entreprisesest supérieur à la moyenne nationale. Mais nombreux sont les demandeurs d’emploi qui,désireux d’entreprendre, ne peuvent franchir le pas, faute de moyens, de soutien ou d’accès aucapital. L’objectif du plan de cohésion sociale est d’atteindre 100 000 créations d’emplois pardes chômeurs entrepreneurs sur cinq ans par trois séries de mesures. Renforcerl’accompagnement des demandeurs d’emploi créateurs d’entreprises, faciliter l’accès aucrédit, prolonger, dans certaines conditions, le bénéfice des aides du dispositif ACCRE (aideaux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprises).Le programme 11 favorise l’égalité professionnelle entre les femmes et leshommes dans la mesure où le travail des femmes est une triple nécessité : pour les femmes,pour l’économie et pour la société. Toutefois, elles subissent plus que les hommes certainsrisques – chômage, difficultés d’accès à l’emploi avant 25 ans et au-delà de 50 ans, précaritéen cas de rupture familiale.A l’issue d’un congé parental, elles sont souvent coupées dumarché du travail. Enfin, elles subissent des discriminations volontaires ou involontaires.La suite du plan de cohésion sociale concerne les logements et non plusl’emploi, même si souvent un chômeur se marginalise en perdant en supplément l’accès à sonhabitation. L’éducation, la scolarisation est traitée afin de limiter les inégalités ainsi que lelieu géographique, puisque l’inégalité entre les territoires est à la source d’inégalités entre lespersonnes. Restaurer le lien social est aussi un des buts de ce plan de cohésion sociale. Malgrédes progrès – la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, l’essor pris par l’insertionpar l’activité économique, le repli de la pauvreté monétaire – la prévention et le traitement del’exclusion n’ont pas fait de progrès notable. L’intégration des populations immigrées estabordée ainsi que la lutte contre les discriminations.Ce plan de cohésion sociale tente d’harmoniser la société mais ne résout pastout. Le travail reste le lien social le plus fort afin que personne ne soit isolé. Ce travail estmesuré par des capacités et des aptitudes et quelque soit le degré de qualification et deformation, si la reconversion, lors de plans sociaux ne se fait pas, le salarié perd son travail etdevient chômeur.D. <strong>LE</strong> CHOMAGEDepuis le début des recherches sur le chômage, la définition du chômeur aprésenté de grandes difficultés. C’est que le chômage n’est pas seulement le non-emploi ou lenon-travail. Il fait intervenir les aptitudes et les tendances d’un individu, son statut, et aussiles institutions, notamment administratives, de la société dont il fait partie. On ne saurait doncs’étonner des approches successives et diverses d’un concept dont dépendent toutes lesanalyses qui peuvent être faites des populations de chômeurs et de la situation de chômage.Comme l’observait Louis REBOUD 181 dans la première édition del’Encyclopædia Universalis , aussi longtemps que le chômage a été considéré comme un181Louis REBOUD, Professeur émérite de Sciences Economiques, CUREI,Université Pierre Mendès France de Grenoble est l’auteur d’une soixantained’articles, d’une vingtaine d’études spécifiques et d’une dizained’ouvrages. Ses travaux portent sur les domaines économiques et financiers,le développement industriel et rural, la fiscalité, l’économie des services154


phénomène résiduel qui devait se résorber automatiquement, on s’est peu préoccupé d’enmesurer l’importance et d’en étudier la consistance.Il faut attendre l’entre-deux-guerres et surtout la grande crise des années trentepour voir apparaître des études statistiques. Après une période d’incertitude conceptuelle, oùse trouvaient juxtaposés les repères tout empiriques des pratiques administratives et lesdéfinitions théoriques et formelles des économistes, les conférences internationales desstatisticiens du travail se sont efforcées de donner un sens précis au concept de chômeur. Àtravers bien des controverses, des hésitations et des revirements, les conférences de 1925,1934, 1947, 1958 et 1982, notamment, ont permis d’approfondir la notion.D’une façon générale et formelle est considéré comme chômeur l’individu qui,ne travaillant pas, est capable de travailler et veut travailler. C’est le chômeur involontaire deséconomistes. D’une façon plus précise et plus opératoire, les statisticiens tentent dedéterminer les caractéristiques repérables des individus sans travail qui correspondent à cettedéfinition.Une autre approche, complémentaire, est de type sociologique. Si elle concerneplus les chômeurs que le chômage en lui-même, son succès est évidemment lié audéveloppement, considérable depuis le milieu des années 1970, du phénomène qui la susciteet des mesures destinées à en combattre les effets aussi bien que les causes.Les théories ne manquent pas et les causes diffèrent selon les courants depensées. « Le chômage est le produit d'une société fondée sur le salariat » 182 . La catégoriestatistique de chômeur émerge en France lors du recensement de 1896. La définitionstatistique du chômage se heurte à l'existence d'un halo. Selon le BIT, le chômage se définitstatistiquement comme la situation d'une personne sans travail rémunéré, disponible pouroccuper un emploi et effectuant une démarche de recherche d'emploi.Une telle définition est aujourd'hui l'objet de vifs débats, dans la mesure où ellerisque de sous évaluer le chômage effectif. Problème des travailleurs découragés non-recenséset le halo du chômage 183 . On appelle taux de flexion correspond au nombre de chômeurs enmoins pour la création de 100 emplois.Le recueil des données statistiques concernant le chômage est confié en Franceà deux organisations : l'INSEE et l'ANPE. L'INSEE procède à des enquêtes-emploi au traversde la notion de PSRE (personne sans emploi et à la recherche d'un emploi), selon des critèrestrès restrictifs. L'ANPE recense les chômeurs inscrits à l'ANPE. Il apparaît que les deuxorganismes fournissent des données sensiblement différentes. En 1989, par exemple, l'écartmais aussi la construction européenne, la monnaie unique et les relationsinternationales.182Le chômage naît avec la généralisation du salariat ; dans ce cadre, letravailleur ne dispose pas d’autre possibilité de participation au travailsocial, et donc de source de revenu, que l’obtention d’un emploi salarié.L’histoire du chômage est donc celle de l’extension du salariat,autrement dit de l’extension du mode de production capitaliste ». A partirde l’étude de Jacques FREYSSINET: le chômage, 10 ème édition, collectionRepères, La Découverte, avril 2002.183FREYSSINET, Le halo du chômage : exemples de situations intermédiaires,La Découverte, 1988.155


était de 600 000 emplois, 300 000 inscrits à l'ANPE étant comptés parmi les inactifs au sensde l'INSEE.La multiplicité des instruments de mesure du chômage témoigne de lacomplexité du phénomène. La situation globale de l'emploi est souvent résumée au travers dutaux de chômage, défini comme le rapport entre le nombre de chômeurs et la populationactive. Le taux de chômage relatif correspond au rapport entre le taux de chômage d'unecatégorie et le taux de chômage national.Deux notions : la vulnérabilité (relatif à la catégorie de personnes considérées), l'employabilité (liée à la durée du chômage). L'indicateur " chômage de longuedurée", défini comme le pourcentage de chômeurs de plus de douze mois parmi le nombretotal de chômeurs, a permis de distinguer trois catégories de chômage :- le chômage répétitif ;- le chômage de conversion ;- le chômage d'exclusion.La prise en compte de la durée du chômage permet de mettre au jour un cerclevicieux du chômage. Le chômage fonctionne selon un système inversé de file d'attente où lesderniers arrivés sont les premiers servis.La prise en compte du taux d'activité fournit également de précieusesindications sur l'état du marché du travail.L'évolution du chômage apparaît très différenciée selon les régions. L'évolutionglobale du chômage dans les pays de l'OCDE a connu quatre grandes phases depuis 1950 :1950-1970, 1970-1982, 1983-1990, 1990-1995.En 1997, l'OCDE estimait à 33 millions le nombre de chômeurs sans tenircompte du halo de chômage. Mais cette évolution globale masque en fait des trajectoiresdifférenciées selon les régions de l'OCDE. Les États-Unis depuis 1990 connaissent un taux dechômage relativement faible en comparaison de ce qu'il est dans l'Union européenne. Si l'onconsidère l'évolution du chômage en France, Cinq grandes phases peuvent être identifiéesdepuis 1950.Depuis la crise des années 1970, le chômage apparaît comme un phénomènetrès hétérogène. Dans la zone OCDE, le taux de chômage des jeunes (-25 ans) atteint 15 %,alors même que le taux de chômage total est de 8,5 % en 1993. En France, il atteint 24,6 %,tandis que l'Allemagne et l'Autriche (4,9 %), peuvent compter sur un solide systèmed'apprentissage. Le chômage affecte plus fortement les femmes. Le chômage apparaît trèsdifférencié selon le niveau d'étude. Les moins qualifiés souffrent de la concurrence destravailleurs des NPI et du tiers-monde et du progrès technique. Le chômage crée de fortesdisparités spatiales entre les régions d'un même pays, particulièrement en Europe (AllemagneEst). Le chômage est très hétérogène quant à sa durée. Dans son rapport sur l'emploi en 1994,l'OCDE notait : " La fréquence élevé du chômage de longue durée dans la plupart des pays dela CEE s'associe à de faible taux d'entrée au chômage. On observe le rapport inverse -faiblefréquence du chômage de longue durée et taux élevé d'entrée au chômage- en Amérique duNord ". L'UNEDIC estimait que la création de 220 000 emplois en 1995 devrait se traduirepar 72 000 chômeurs en moins.156


Depuis la crise des années 1970, la dynamique du marché du travail est le faitdu tertiaire et se caractérise par l'essor de nouvelles formes d'emploi. Au sein des pays del'OCDE, l'évolution générale de l'emploi par secteur se caractérise par un déclin de l'emploiagricole et industriel et un essor de l'emploi tertiaire (64 % du total en France). En France sesont surtout les services non-marchands qui se développent. Les mutations sectorielles del'emploi s'accompagnent de profonds changements dans la nature des emplois créés, à telpoint que la notion d'emploi devient aujourd'hui un concept aux contours indéterminés. Onappelle ces nouvelles formes d'emploi des FPE (formes particulières d'emploi). Il s'agitd'emplois atypiques : CDD, travail intérimaire, travail à temps partiel le travail à temps partielest de 16 % du total en France contre 37,5 % aux Pays-Bas.Dans la perspective libérale, le chômage est un phénomène essentiellementvolontaire et exogène. Avant la crise de 1929, la théorie libérale n'envisage pas l'existenced'un chômage massif et durable comme une situation possible de l'économie de marché. Elles'interroge seulement sur les effets du progrès technique sur l'emploi. À cette occasion,Ricardo développe la thèse de la compensation.Si le progrès technique peut détruire certains emplois, il contribue à en créerd'autres et cela pour trois raisons :- il faut des travailleurs pour produire les nouvelles machines ;- les gains de productivité permettent de baisser les prix des produits considérés, ce quiaccroît la demande globale finale. Il se peut alors que le progrès soit "neutre" 184 .- les gains de productivité se traduisent par une hausse du pouvoir d'achat ce quifavorise l'émergence de nouveaux besoins (C’est la loi des trois secteurs de Colin CLARK quia mis en avant une subdivision de l'appareil productif d'un pays en trois sous-systèmesappelés les trois secteurs 185 ).La théorie de l'équilibre général de WALRAS 186 définit le marché du travailcomme un marché soumis à la flexibilité des prix. Au niveau global, le chômage involontairene peut exister, dès lors que la condition de la flexibilité des salaires est vérifiée. Face àl'évidence de la crise de 1929 et son cortège de chômeurs, les néoclassiques anglais et françaisvont avancer une explication du chômage de masse qui n'altère en rien la logique libéralestandard.184A. SAUVY, La machine et le chômage : les progrès techniques et l’emploi,l’emploi, Paris, Dunod/Bordas, 320 P., 1984. La théorie néo-classiqueparvient à la conclusion que, dans le long terme où elle se place, larépartition des revenus est stable, et ce sous trois conditions : que lesrendements d'échelle soient constants, que l'élasticité de substitutionsoit unitaire et que le progrès technique soit neutre.185Le secteur primaire est celui de première transformation des ressourcesnaturelles; il comprend la production de denrées cultivables. Agriculture,la pêche et l'extraction minière.Le secteur secondaire comprend les secteurs de transformation des biensprimaires en produits plus élaborés, jusqu'à ceux produits pour les marchésfinals.Le secteur tertiaire est celui de production de services, par oppositionaux biens; les services sont produits et consommés directement, sansstockage et sans transformation de biens: services de nettoyage, de santé,etc.186Théorie de l'équilibre général, cf annexe 8 en fin de thèse.157


PIGOU 187 en 1931, ROBBINS 188 en 1934 et RUEFF 189 en 1931, affirmentque le chômage résulte d'institutions, telles que les syndicats et la législation sur le salaireminimum qui entraînent la flexibilité des salaires à la baisse.Aujourd'hui, le discours néoclassique n'a guère changé comme en témoigne lerapport de l'OCDE sur l'emploi en 1994, qui condamne le manque de flexibilité des salaires.Phénomène accidentel, dû à l'existence d'institutions qui font obstacle au libre jeu du marché,le chômage peut-être également assimilé à une activité de prospection : c'est la thèse du « Jobsearch » développé dans les années 1960 par George STIG<strong>LE</strong>R 190 . Le cadre du raisonnementest une situation de concurrence pure et parfaite, mais l'information est imparfaite sur lemarché du travail. Ne connaissant pas la totalité des postes disponibles, le demandeurd'emploi reste volontairement au chômage un certain temps afin de développer une activité deprospection. L'indemnisation du chômage tend à allonger la durée de ce chômage volontaire.Le chômage est alors essentiellement frictionnel. Plus généralement, les néoclassiquesconsidèrent qu'il existe un taux de chômage d'équilibre, qualifié parfois de taux de chômagenaturel. Celui-ci est réputé stable et unique.La thèse du chômage involontaire, développée initialement par KEYNES, estaujourd'hui remise à l'honneur. À la différence des néoclassiques, KEYNES considère quel'offre de travail ne dépend pas du salaire réel mais du salaire nominal, fixé de manièreinstitutionnelle et non en fonction du niveau de l'emploi. La demande de travail est unefonction décroissante du salaire réel. La sortie de la crise ne passe pas par la réduction dessalaires nominaux, ces derniers étant aussi une demande.Deux théories prolongent la pensée de KEYNES : La nouvelle microéconomie du travail tente d'expliquer la rationalité qui fonde larigidité des salaires. La théorie du salaire d'efficience repose sur l'idée selon laquelle laproductivité est une fonction croissante du salaire réel (R. SOLOW 191 ) La théorie des contrats implicites : l'entrepreneur garantit au salarié un salaire fixe etse réserve le droit d'ajuster le niveau de l'emploi en fonction de la conjoncture.De son côté, la théorie du déséquilibre tente d'opérer une conciliation entre lesanalyses néoclassiques et keynésiennes (MALINVAUD 192 , Un réexamen de la théorie duchômage ; BENASSY 193 ). La théorie du déséquilibre raisonne à prix fixes, ainsi l'ajustementse fait par les quantités. Il y a une interdépendance du marché des biens et du marché del'emploi et l'on constate un effet de report.187PIGOU, A.C, Théorie du chômage, Macmillan, Londres, 1933. Cf biographiecomplète en fin de thèse.188ROBBINS L., La grande dépression 1929-1934, Ed. PAYOT, 1935. Cfbiographie complète en fin de thèse.189Jacques RUEFF, L'assurance-chômage : cause du chômage permanent, Revued' Economie Politique, 1931.190George Joseph STIG<strong>LE</strong>R (1911-1991) fut un économiste américain. Il reçutle prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'AlfredNobel en 1982. Cf biographie complète en fin de thèse.191SOLOW, R., Growth Theory: An Exposition, Oxford University Press, 2000.192MALINVAUD E., Réexamen de la théorie du chômage, Calmann-Lévy, 1981. Cfbiographie complète en fin de thèse.193BENASSY J.-P., Théorie du déséquilibre et fondements microéconomiques dela macroéconomie, Revue économique, septembre 1976.158


Par exemple un chômeur reportera sa contrainte sur le marché des biens enréduisant sa consommation. Ainsi le chômage classique peut côtoyer le chômage keynésien.Selon les nouveaux keynésiens, le taux de chômage naturel n'est pas unique, contrairement àla thèse de FRIEDMAN 194 .La tradition hétérodoxe met l'accent sur la nature endogène du chômage et surles inégalités qui structurent le marché du travail. Dans la perspective de MARX, le chômageprésente une nature ambivalente. Pour compenser la baisse tendancielle des taux de profit, lespatrons exercent une pression à la baisse sur les salaires.Le marché du travail fournit aux institutionnalistes un thème de prédilectionpour renouveler leur attaque contre la citadelle néoclassique. En 1971, DOERINGER etPIORE 195 montrent que le marché du travail est divisé en deux marchés : le marché secondaire qui accueille pour l'essentiel des travailleurs peu diplômés. le marché primaire sur lequel le salariat ne constitue pas la principale modalitéd'ajustement de la main d'œuvre.Les ajustements structurels se font sur le marché secondaire. Les effets duprogrès technique et du commerce international sur le marché du travail font aujourd'huil'objet de vifs débats.On note deux traits marquants aujourd'hui sur le marché du travail :une accentuation des disparités salariales;une augmentation du taux de chômage des non-qualifiés.L'ouverture du commerce international avec les pays à bas salaires serait àl'origine de l'accroissement des inégalités sur le marché du travail. La baisse de l'emploitouche principalement les emplois non-qualifiés 196 . Ainsi l'étude 197 de BONNAZ, COURTOTet NIVAT sur les échanges de la France avec les PVD en 1994 a aboutit à un déficit de 330000 emplois. (Globalement -9 millions d'emplois pour le Nord et + 22 millions pour le Sud).Une seconde thèse attribue l'essentiel de la baisse relative de la demande de travail au progrèstechnique.194En 1962, Milton Friedman, prix Nobel d'économie, a fait la remarquesuivante : « L'histoire est unanime quant au rapport qui existe entreliberté politique et économie de marché. Je ne connais aucun exemple d'unesociété qui, à quelque époque ou en quelque endroit que ce soit, se soitcaractérisée par une liberté politique importante et n'ait pas également eurecours à un système comparable à l'économie de marché pour organiser laplus grande partie de son activité économique. »195DOERINGER et PIORE en 1971 définissent en effet le « marché interne »comme une unité institutionnelle à l’intérieur de laquelle le prix etl’allocation du travail (i.e. les recrutements, les mobilités, lesrémunérations.) sont déterminés par des règles, par opposition au « marchéexterne » (celui de la « théorie économique conventionnelle », selon leurstermes), où rémunération, formation et allocation du travail sontdéterminées par les ajustements marchands résultant de la simpleconfrontation instantanée de l’offre et de la demande.196WOODS,A., North-south trade, employment and inequality : Changingfutures in a Skill-Driven World, New York, Oxford University Press, 1994.197BONNAZ H., COURTOT N. et NIVAT D., Le contenu en emplois des échangesindustriels de la France avec les pays en développement, in Eco et Statn°279-280, 1994.159


Les politiques d'indemnisation visent à garantir un minimum de ressources auxchômeurs. L'idée d'indemniser les chômeurs est relativement récente. En France l'UNEDIC aété instituée en 1958. On distingue deux logiques d'indemnisation du chômage : la logiqued'assurance de mise aux États-Unis et au Japon et la logique d'assistance menée en Australie.Il y a des systèmes mixtes comme la France et l’Allemagne.À ce débat sur la logique de l'indemnisation vient s'enjoindre un second, axésur le niveau de l'indemnisation. Les politiques malthusiennes consistent à réduire lapopulation active et à partager le travail existant. La réduction de la population active, souventpratiquée en France, peut emprunter des voies très diverses : contrôle de l'immigration ; diminution de la population active par l'abaissement de l'âge de la retraite (en 1982,l'abaissement à 60 ans de l'âge de la retraite facultative a retiré du marché du travail60 000 personnes) ou par le retardement de l'arrivée des jeunes sur le marché du travail.Le partage du temps de travail repose sur l'hypothèse selon laquelle, à niveaude production et de productivité donné, la baisse de la durée du travail doit-être compenséepar une augmentation de la quantité de travail utilisé. La réduction de la durée du travail a faiten France l'objet de vifs débats au début des années 1980 (rapport TADDEI). Le passage à 39heures devait créer 430 000 emplois, pourtant il n'y en eu que 40 000. Le passage aux 39heures s'est fait sans ajustement des salaires ni réorganisation du travail. L’applicationactuelle des 35 heures est un programme encore plus vaste.Les politiques macroéconomiques de relance et d'offre se proposent derestaurer la croissance pour réduire le chômage. La politique budgétaire et la politiquemonétaire sont utilisées comme instruments macroéconomiques de lutte contre le chômage.Politique monétaire expansive et politiques budgétaires expansives ont été utilisées àplusieurs reprises (États-Unis de FORD et CARTER 198 de 1976 à 1978, l'Allemagne de 1978à 1981, relance MAUROY en 1981). Certains organismes internationaux aujourd'hui prennentle contre-pied de l'orthodoxie néolibérale et en appellent à une relance concertée par la baissedes taux d'intérêt. C'est le cas de l'OIT.Dans une politique de l'offre, la baisse du chômage passe au contraire par unepolitique monétaire restrictive (plan de rigueur DELORS 199 en 1983). La politiquemacroéconomique peut également consister à accorder des aides, exonérations et subventionsà l'embauche, tel que le préconisait KALDOR dès 1936. Ainsi en 1977, CARTER lance le198CARTER, J.,(1924- ), cf biographie complète en fin de thèse.199Plan DELORS en mars 1983, Buts : à la suite de la dévaluation du franc,plan de rigueur pour lutter contre les causes structurelles del'inflation ; maintien de l'activité économique, tout en réduisant ledéficit du commerce extérieur. Mesures : épargne : emprunt obligatoireexceptionnel, encouragement à l'épargne-logement, fonds salariaux ; haussesdes tarifs publics (8 %) ; fiscalité : prélèvement de 1 % sur les revenusimposables et taxe sur l'essence ; économies : réaliser 12 milliards de Fd'économies pour EDF, GDF, SNCF et RATP et 15 milliards sur les dépensespubliques ; Sécurité sociale : vignette sur alcool et tabac, forfaithospitalier à la charge du malade ; change : limitation des dépensestouristiques à l'étranger ; masse monétaire : croissance ramenée de 10 %(objectif fixé) à 9 % pour 1983 et adaptation de dispositifs de contrôle ;prix : contrôles renforcés, sanctions plus sévères. DELORS, Jacques né en1925, est un économiste et homme politique français. Cf biographie complèteen fin de thèse.160


plus gros programme mondial de subvention à l'emploi (New job Tax Credit). L'efficacité dece type de politique ce heurte à des incertitudes : effet de substitution, effet d'aubaine, effetd'éviction.L'argument de la subvention connaît aujourd'hui en France un regain d'intérêt,avec le rapport de l'OFCE intitulé pour l’emploi et la cohésion sociale 200 .Des politiques de flexibilité sont aujourd'hui préconisées, mais la notion mêmede flexibilité demeure incertaine. Le concept de flexibilité du marché du travail s'avèreparticulièrement ambigu, dans la mesure où il existe plusieurs formes de flexibilité : flexibilité salariale ; flexibilité de l'emploi ; flexibilité fonctionnelle.Depuis le début des années 1980 la révision de la législation sur le travail arendu l'emploi flexible (FPE, suppression de l'autorisation administrative de licenciement).Aujourd'hui, c'est la flexibilité de l'emploi plus que celle des salaires qui prévaut.1° Le chômage en EuropeLoin d’être une caractéristique générale des pays industrialisés, le chômage estun phénomène européen avec 18 millions de chômeurs, soit plus de 11 % de la populationactive. L’Europe, autrefois caractérisée par un chômage particulièrement faible est devenuedepuis bientôt quinze ans une zone de chômage de masse. La confrontation des thèses et desfaits et l’évaluation quantitative des impacts permettent d’établir une hiérarchie des facteursévoqués pour expliquer son ampleur et sa persistance.L’idée la plus répandue dans l’opinion publique est l’idée selon laquelle lacroissance économique ne serait plus créatrice d’emploi ou son corollaire, qui attribue lamontée du chômage aux gains de productivité du travail. En fait, la montée du chômageeuropéen n’a pas coïncidé avec une accélération du rythme de croissance de la productivité dutravail, mais au contraire, avec un fort ralentissement comme le donne à voir le graphiqueXVII.Graphique XVII : Lien productivité /croissance 201543210CroissanceProductivitéEmploiPopulation active-11961-1973 1974-1980 1981-1985 1986-1990 1991-1993200FITOUSSI, Jean-Paul, Pour l'emploi et la cohésion sociale, 1994, Pressesde la FNSP. Collection : Références/OFCE.201Encyclopedia Universalis 5.161


Dans les années soixante, il fallait une croissance au moins égale à 4% par anpour que l’emploi commence à augmenter. Le rythme de croissance était à peine plus élevé etles créations d’emploi étaient de ce fait modestes, mais elles coïncidaient avec l’augmentationde la population active et le taux de chômage était stable voisinant 2 %. Depuis le premierchoc pétrolier, la croissance de la productivité du travail a continuellement ralenti, enparallèle avec la croissance économique, et ce faible rythme d’augmentation de laproductivité s’est maintenue dans les périodes de reprise, de sorte qu’une croissance de 2 %par an est aujourd’hui suffisante pour commencer à créer des emplois.Que les gains de productivité soient à l’origine du chômage européen est nonseulement contraire à l’évolution observée, mais ne résiste guère à l’analyse économique, uneaccélération des gains de productivité du travail n’engendrant pas immédiatement une haussede la demande, il peut en résulter à court terme une hausse du chômage mais les gains deproductivité sont redistribués sous forme de baisse des prix ce qui améliore le pouvoir d’achatdu consommateur ou encore une hausse des salaires réels, de sorte que la demande s’ajuste àterme à l’augmentation de l’offre et résorbe le chômage initial.Non seulement les gains de productivité devraient être neutres à long terme surle chômage, mais de nombreuses analyses conduisent au contraire à attribuer la hausse duchômage structurel à leur ralentissement. Lorsque celui-ci n’est pas pris en compte dans lesnégociations salariales, il en résulte une dégradation des coûts de production des entreprises etune accélération de l’inflation. Il faut alors une hausse durable du chômage pour ramener lerythme de croissance du salaire réel à celui de la productivité du travail et stabiliserl’inflation. Les nombreuses évaluations du chômage d’équilibre (ou chômage n’accélérant pasl’inflation) réalisées au cours des dix dernières années ont presque toujours mis en évidencece phénomène qui pourrait avoir contribué pour plus de 3 ou 4 points à la hausse du« chômage d’équilibre » au début des années quatre-vingt.La concurrence des pays à bas salaires est un second facteur souvent évoqué. Siles comparaisons relatives aux coûts salariaux révèlent une concurrence difficilementsoutenable dans certains secteurs industriels, les évaluations macroéconomiques conduisent àrelativiser cet impact. Les importations en provenance de l’Asie en développementreprésentent 1,2 % du PIB communautaire et le déficit à l’égard de ces pays s’élève à 0,2 %.L’impact sur l’emploi n’est pas négligeable malgré des échanges pratiquement équilibrés etde faible importance. La première raison tient au fait que les exportations portent sur desbiens à faible contenu en emploi alors que les importations portent sur des biens à fortcontenu en emploi.Une étude publiée par Claude VIMONT 202 montre toutefois que cet effet estmodeste, les échanges de la France avec les pays d’Asie en développement se traduiraient parun déficit net de 100 000 emplois. La seconde raison tient au fait que l’équilibre du commerceextérieur peut s’être réalisé avec un niveau de production et d’emploi plus faible que celui quiaurait prévalu en l’absence d’échanges. Une évaluation des conséquences de l’émergence despays de l’Asie en développement sur l’économie française au cours des vingt dernièresannées, utilisant le modèle Mosaïque de l’OFCE, conduit à une réduction nette de l’ordre de200 000 emplois 203 .202C.VIMONT, Le commerce extérieur français, créateur ou destructeurd’emploi, Economica, 1993.203C.MATHIEU et H.STERDYNIAK, L’émergence de l’Asie en développement menacet’elle l’emploi ? Revue de l’OFCE, N°48, janvier 1994.162


En cumulant les deux effets, l’augmentation du taux de chômage résultant de laconcurrence des pays à bas salaire serait au plus de 0,8 points. Celle-ci ne peut donc guèreêtre considérée comme le facteur déterminant du chômage européen.Dans une situation de chômage, les prélèvements portant sur le travailintroduisent une distorsion entre le coût privé et le coût social du travail : le coût que doitsupporter l’entreprise qui embauche un chômeur est en moyenne trois fois plus élevé que lesupplément net de revenu que perçois ce dernier. Toutefois, s’il est admis, et vérifié, qu’uneaugmentation des charges sociales supportées par les entreprises peut entraîner une haussetransitoire du chômage, il n’y a guère d’évidence à un effet du taux ou de la structure desprélèvements obligatoires sur le chômage d’équilibre à long terme. Le chômage est aussiélevé et aussi persistant au Danemark où les cotisations sociales sont entièrement fiscalisées,qu’en France où la part des cotisations à la charge des employeurs est prépondérante, et il alongtemps été très faible en Suède (jusqu’à la récession de ces trois dernières années) en dépitd’un taux record de prélèvements obligatoires.Les législations relatives au salaire minimum ont souvent été évoquées pourexpliquer l’ampleur du chômage affectant les travailleurs peu qualifiés. Cette situation résultesans doute moins d’une inadéquation des structures respectives de l’offre et de la demande detravail, que du fonctionnement normal du marché du travail qui conduit, dans les périodes defort chômage, à embaucher les travailleurs les plus qualifiés, reportant ainsi le chômage surles catégories les moins qualifiées. Bien qu’un tel mécanisme réintroduise une certaine formede flexibilité du salaire, celle-ci peut être bloquée, au bas de l’échelle des rémunérations, parl’existence d’un salaire minimum. Toutefois la comparaison des structures du chômage parqualification, montre que l’importance relative du chômage des travailleurs non qualifiés estun phénomène général, assez largement indépendant de l’existence d’un salaire minimum. Ilest pratiquement aussi élevé au Royaume-Uni qui ne possède pas de législation relative ausalaire minimum, qu’en France. On peut souhaiter, en revanche, conserver les avantages dusalaire minimum pour la cohésion sociale et l’incitation au travail, tout en limitant les effetsdéfavorables sur l’emploi par des allégements de cotisations sociales patronales sur les bassalaires.Que peut-on attendre d’un allégement des cotisations sociales patronales ? Unallégement indifférencié par qualification a un effet très faible lorsqu’il est compensé par unehausse d’autres prélèvements et franchement dépressif s’il s’accompagne d’une réductionsimultanée des prestations sociales. Un allégement non compensé peut certes avoir un impactsignificatif, mais il faut accepter une augmentation du déficit pendant plusieurs années (del’ordre de 0,5 % du PIB en moyenne pour une hausse de l’emploi de 1% au bout de trois ans),qui n’est guère compatible avec la situation des finances publiques des pays européens. Unallégement des cotisations portant sur les bas salaires qui préserverait la neutralité budgétairepourrait, sous des hypothèses optimistes quant à l’ampleur des effets de substitution, conduireà un impact significatif sur l’emploi à condition d’être relativement important (une hausse del’emploi total de 2 % pour un allégement de l’ordre de 10 % à 20 % du coût salarial). Cesordres de grandeur montrent que même une mesure de grande ampleur, centrée sur lesemplois les plus sensibles au coût du travail (emplois non qualifiés), ne peut être « la »solution du chômage européen.L’analyse économique traditionnelle distingue le chômage conjoncturel duchômage structurel ou chômage d’équilibre. Elle reconnaît volontiers que les politiqueséconomiques sont efficaces sur la composante conjoncturelle du chômage (et cette dernière163


n’est pas négligeable dans la conjoncture actuelle), mais la diminution du chômage structurelrésulterait essentiellement d’un accroissement de la flexibilité du marché du travail. On peutavoir en revanche une vision radicalement différente du rôle des politiques économiques si lalenteur des mécaniques d’ajustement est telle qu’une période de faible croissance laisse destraces durables. L’économie s’adapte alors progressivement à une situation de chômage élevéet les mécanismes concurrentiels ne sont plus à même de ramener l’économie au chômageantérieur. En d’autres termes, la hausse de la composante structurelle du chômage n’est que laconséquence d’un chômage conjoncturel trop prolongé.L’apparition du chômage de masse dans la Communauté européenne n’a pasété un phénomène continu. Il s’est développé au cours de deux périodes relativement brèves,la première moitié des années quatre-vingt et le début des années quatre vint dix, caractériséespar des politiques fortement restrictives qui ont prolongé les récessions. Les Etats-Unis ont aucontraire massivement utilisé la politique budgétaire pour sortir de la récession de 1982 ettout aussi massivement utilisé la politique monétaire pour stimuler la reprise après larécession de 1990-1991. Parce que chaque pays européen pris isolément a eu peu d’influencesur sa propre croissance, on a fini par croire que la croissance et l’emploi n’étaient plus duressort des politiques économiques.L’Europe souffre moins d’une rigidité des salaires, au demeurant guère plusélevée qu’aux Etats-Unis, que de l’inadéquation entre son intégration économique et sonintégration politique. Qu’adviendrait-il des Etats-Unis si cinquante deux états indépendantsréagissaient aux chocs de l’économie mondiale en fonction de ce qu’ils pensent être leurpropre intérêt ? Réaliser un marché intégré, aujourd’hui plus grand que celui des Etats-Unisd’Amérique, sans avancer simultanément dans la construction politique et la solidaritéeuropéenne, c’est faire de notre continent un « bateau-ivre ». Les nations européennes l’ontencore récemment illustré, en transformant un choc initialement expansionniste, laréunification allemande, en choc déflationniste. Car la réunification allemande était un chocpotentiellement expansionniste. Lorsqu’un état américain, frappé par un cyclone ou untremblement de terre, est contraint d’investir massivement pour reconstruire son économie, lerésultat est en général une forte expansion, non seulement dans l’état en question, mais aussidans l’ensemble de l’Union. Car d’une part, tous les états participent à sa reconstruction parl’intermédiaire du budget fédéral et, d’autre part, la politique monétaire de l’Union n’est pasdécidée en fonction de la situation particulière de l’état, mais en fonction de la situationparticulière de l’état, mais en fonction de l’intérêt général.Le chômage n’est pas plus une fatalité que ne l’était l’inflation au début desannées quatre-vingt. Si les nations européennes appliquaient à le résoudre la mêmepersévérance qu’elles l’ont fait à réduire l’inflation dans la décennie précédente, le chômagede masse pourrait sans doute disparaître à l’horizon d’une dizaine d’années.La reprise de la seconde moitié des années quatre-vingt donne un ordre degrandeur des effets que l’on peut attendre d’un retour de croissance : de 1986 à 1990 l’emploiaugmenta de 1,5 % par an en moyenne (soit cinq fois plus que dans les années soixante), avecune croissance du PIB atteignant à peine 3,5 %. Mais la reprise ne fut pas assez durable dansla plupart des pays pour résorber le chômage accumulé au cours des années précédentes.Parmi les grands pays industrialisés, les seuls à avoir effacé les effets sur le chômage de larécession antérieure furent ceux qui purent maintenir pendant plusieurs années consécutivesune croissance proche de 4 % par an : les États-Unis pendant six ans (1983-1988), leRoyaume-Uni pendant quatre ans (1985-1988), l’Allemagne occidentale pendant quatre ans164


(1988-1991). C’est un rythme comparable qu’il faudrait retrouver au cours des prochainesannées pour diminuer le chômage de façon significative.Le retour à des taux d’intérêt à court terme plus en rapport avec la situationconjoncturelle de l’Europe continentale a permis la reprise européenne. Pour qu’elle sedéveloppe et conduise à nouveau cycle de croissance, encore faut-il que les autorités sachentinscrire dans le moyen terme leurs objectifs d’inflation et de réduction des déficits.L’accélération transitoire de l’inflation que ne manqueront pas d’engendrer les tensions surles capacités de production et la réduction du chômage sont une phase difficilementcontournable du retour à une croissance forte.Vouloir l’éviter par une réaction prématurée des politiques monétaires, c’estéliminer l’un des ressorts essentiel de l’investissement et la possibilité de réduire à terme leseuil de chômage non inflationniste 204 . Une trop grande précipitation dans le resserrement despolitiques budgétaires pourrait également casser prématurément le cycle d’expansion quis’amorce. La réduction nécessaire des déficits budgétaires sera d’autant plus efficace qu’ellesera mise en œuvre dans un contexte de croissance et de stabilité des taux d’intérêts. A pluslong terme, un renforcement de l’initiative de croissance européenne devrait conforter lacroissance en compensant dix années de relative stagnation de l’investissement public enEurope. En attendant, un plan de cohésion sociale est mis en place afin de pallier à la situationéconomique actuelle. La force d’une nation est dans sa ressource humaine. Un pays n’estpuissant que par les hommes et les femmes qui le composent, par l’envie qu’ils ont de vivre etde construire ensemble, par le rayonnement de leur confiance dans l’avenir et par la cohésionsociale qui les unit. La prospérité économique est indissociable de la prospérité sociale.La croissance ne sera pas suffisante en elle-même pour éliminer un chômagede cette ampleur, mais elle permettra de dégager des marges de manœuvre pour mettre enœuvre des politiques structurelles d’allégement des charges sociales, notamment sur les bassalaires, de réallocation du temps de travail et de formation, qui sont d’autant plus efficacesque l’économie tourne à pleine utilisation de ses capacités de production. S’il est vrai que leplein emploi ne se décrète pas, encore faut-il le vouloir.2° mesuremesure.» 205«Mais en réalité le concept quantitatif s’élabore à partir des procédés de«Le fond du problème est qu’il n’existe pas une «bonne» mesure du chômage,valable en tous lieux et en tous temps.» (O. MARCHAND) 206 .204L’une des caractéristiques de la persistance du chômage (effetd’hystérèse partielle) se traduit par le fait que l’inflation salarialedépend simultanément du niveau de chômage et de sa variation. De ce fait,l’inflation peut s’accélérer transitoirement lors d’une phase de reprise etde diminution du chômage, alors que le taux de chômage effectif est encoretrès supérieur au chômage d’équilibre à long terme. Cette situation sembleassez bien caractériser la seconde moitié des années quatre-vingt en Europe(voir notamment l’étude de la persistance du chômage publiée dans la Revueéconomique de l’OCDE, N°21, hiver 1993, par J.ELMESKOV et M. MAC FARLAN).205CARNAP, R, Les Fondements philosophiques de la physique, Armand Colin,1966.206MARCHAND, O., Statistiques du chômage : les écarts se creusent depuis165


Bien que le statut de chômeur ne date que des années trente 207 . L’appréhensiondu phénomène paraît évidente: il suffit de compter ceux qui «ne travaillent pas» alors qu’ils«veulent travailler». Les difficultés commencent quand on veut préciser les situations entreguillemets de manière à pouvoir isoler les individus correspondants et mesurer la grandeurainsi définie. Il faut notamment distinguer entre l’emploi, le chômage et l’inactivité (termes àdéfinir), ainsi qu’entre le simple souhait («Je voudrais travailler...») et la recherche d’emploi(accomplissement de démarches).Ces difficultés continuent quand on s’aperçoit qu’il existe deux sortes desources d’informations chiffrées sur le chômage: les opérations ad hoc, conçues spécialementpour le mesurer (seul ou avec d’autres phénomènes sociaux), et les sous-produits d’uneactivité administrative le concernant. Dans la première catégorie se trouvent les enquêtes parsondage et les recensements de la population; dans la seconde, l’exploitation des fichiers desbureaux de placement et d’aide aux chômeurs. Il faut immédiatement remarquer que, dans cedernier cas, les effectifs des inscrits auprès de ces bureaux peuvent varier de façonindépendante du chômage: il suffit, par exemple, que l’indemnisation cesse de concerner unecertaine catégorie de personnes déjà inscrites pour que ses effectifs baissent et, avec eux, lenombre de chômeurs comptabilisés à partir de cette source administrative.Mais cette manière de voir est encore fausse. La théorie des mesures physiquesmontre qu’on ne peut définir la grandeur préalablement à sa mesure (voir, par exemple,CARNAP); nous essayerons de donner l’intuition qu’il en est de même pour la mesure duchômage. On rattache notamment à la procédure de mesure le mode de collecte, la conceptiondes questionnaires destinés aux opérations ad hoc ou les catégories instituées des bureaux deplacement ainsi que l’exploitation des réponses en vue de construire les tableaux chiffrés. Onverra que cette procédure de mesure est un élément de la construction de la définition duphénomène mesuré, définition que nous appellerons «opératoire».Il existe donc, dans un pays donné, une pluralité de procédures de mesure et dedéfinitions. Nous vérifierons dans le cas français qu’il est pratiquement impossible de lescomparer. En outre, comparer entre pays l’importance du chômage et son évolution nécessiteune définition et une procédure si possible communes et indépendantes des réglementationsnationales en vigueur. C’est ce qu’ont essayé de construire les statisticiens du travail sousl’égide du Bureau international du travail (B.I.T.). Leurs dernières «recommandations» datentde leur XIIIe conférence (1982); Elles sont plus ou moins suivies lors des enquêtes nationalesannuelles (parfois trimestrielles) auprès des ménages, et servent pour l’harmonisation desstatistiques nationales par des organismes internationaux comme le B.I.T., l’O.C.D.E., ou laC.E.E. La tentative la plus élaborée d’harmonisation autour de la définition du B.I.T. estréalisée par l’Office statistique de la Communauté européenne (Eurostat 208 ); Ses résultatstoutefois sont loin d’être entièrement satisfaisants.Contrairement aux apparences, le chômage est une forme d’activité: estprésumé «actif» celui qui participe ou désire actuellement participer à la production nationale.La notion de «population active» est en effet destinée à exprimer la potentialité de travail ausein d’une économie. Elle répond à la question: combien de personnes sont-elles employéesou susceptibles de l’être à court terme ? Dans cette optique, on «ne considère plus le chômagecinq ans Economie et statistique, N° 249, décembre 1991.207BAVEREZ, N. et al, Le chômage, à qui la faute?, Editions de l'Atelier,2005.208Eurostat : Cf annexe 9 en fin de thèse.166


comme un problème social, mais comme un problème économique» 209 ; trèsschématiquement, on passe de l’idée de chômeur comme «pauvre méritant» à la conceptiondu chômeur comme «stock de facteur travail invendu». De fait, la question depuis 1945,pendant la période de reconstruction et de croissance, était de repérer combien de personnesse trouvaient sur le «marché du travail» ou en étaient proches – prêtes à produire. La relationà l’emploi était alors largement dépourvue d’ambiguïté.D’où les partitions emboîtées de la population résidente:Population totale = population active + inactifs;Population active = actifs occupés + chômeurs.Mais il faut bien noter que, si à tout instant et par définition les égalitésprécédentes sont vérifiées, emploi et chômage ne varient pas nécessairement en sens inversel’un de l’autre; l’arrivée permanente de nouveaux actifs sur le marché du travail (jeunes etfemmes auparavant inactifs) et le retrait du marché (départ à la retraite, abandon de recherched’emploi) constituent les deux autres «termes cachés» de l’égalité ci-dessus.La crise économique, cependant, prolongée d’une croissance ralentie, a renducette nomenclature de moins en moins opératoire par suite d’une importante extension dessituations intermédiaires (le «halo») entre chômage, emploi et inactivité.Fortement marquée par la conception économique du chômage et aussigénérale que possible, afin d’être utilisable pour tout pays, la définition internationale est enfait une série de recommandations permettant de circonscrire et de dénombrer les actifsoccupés, les chômeurs et les inactifs.Mais le travail n’est pas une marchandise comme les autres. La capacitéproductive d’un pays dépend non seulement du stock de travailleurs physiquement etintellectuellement capables d’être utilisés, mais aussi du nombre de travailleurs qui désirenttravailler, et qui ne seront connus que s’ils manifestent ce désir: la mesure de cette quantitésupplémentaire disponible passe ici par la détermination de l’attitude des individus (leschômeurs et, éventuellement, une partie des inactifs). Encore faut-il que ce désir les amène àêtre présents sur le marché, d’où la double nécessité de la «démarche effective» et de ladisponibilité. L’examen de la subjectivité des individus n’empêche pas de privilégier lessituations de fait dotées d’une certaine permanence.Pour déterminer ce qu’est la quantité «supplémentaire» encore faut-il savoirprécisément ce qu’on entend par quantité déjà utilisée dans la production. Là encore, ladéfinition internationale privilégie la situation de fait. Elle repère celle-ci à partir d’un indicequ’on juge souvent fort mince: avoir participé «une heure au moins» à une activité rémunéréeau cours d’une certaine période; mais l’action des autres critères vient renforcer la sélectiondes chômeurs.Ainsi, selon le B.I.T., un chômeur est un individu ayant «dépassé un âgespécifié», qui, «au cours d’une période de référence», est «sans travail», est «disponible pourtravailler dans un emploi salarié», a «pris des dispositions spécifiques au cours d’une périoderécente spécifiée pour chercher un emploi salarié ou non salarié. Il est précisé dans les209BESSON, J.L et COMTE, M., La Notion de chômage en Europe, les Annalesd'Histoire Economique et Sociale, 1992.167


ecommandations que le critère de recherche peut être abandonné dans les «situations où lesmoyens conventionnels de recherche de travail sont peu appropriés», que le critère dedisponibilité doit être précisé «pour tenir compte des circonstances nationales» et que lespersonnes qui ont pris des dispositions pour avoir un emploi postérieurement à la période deréférence «devraient être considérées comme chômeurs». Enfin, il est dit que, «dans lapratique, on peut interpréter la notion de «travail effectué au cours de la période de référence»comme étant un travail [rémunéré] d’une durée d’une heure au moins».L’allocation de chômage a pour objet de procurer au salarié qui a perdu sonemploi un revenu de remplacement tant qu’il n’a pas trouvé un nouvel emploi. Le régimefrançais se caractérise par la pluralité des allocations, l’indemnisation du chômage étantassurée simultanément par une aide publique et par une assurance chômage conventionnelle.Cette dernière est financée par des contributions patronales et ouvrières proportionnelles auxsalaires des intéressés. Le système résulte de la convention collective conclue, le 31 décembre1958, entre le Conseil national du patronat français (C.N.P.F.) et les organisations syndicalesde salariés représentatives au plan national. Une ordonnance du 13 juillet 1967 a largementétendu son champ d’application en décidant que tout employeur du secteur privé était tenud’adhérer à ce système. L’Assedic (Association pour l’emploi dans l’industrie et lecommerce) assure le paiement des allocations spéciales et des allocations d’aide publique.Examinons maintenant, à partir de l’exemple français, les diverses sources etdéfinitions pour le chiffrage du chômage.Les trois définitions suivantes du chômage en France sont d’après O. MARCHAND :Le Chômage frictionnel correspond au temps nécessaire qui sépare la cessationvolontaire d'une activité et la reprise d'une autre activité professionnelle. Il ne concerne quel'hypothèse aujourd'hui rare, du salarié qui quitte un poste pour un autre qu'il saitprochainement disponible.Le chômage conjoncturel de son côté, résulterait d'une croissance insuffisantede la dépense et de la production et il suffirait alors de relancer l'économie pour le voirdisparaître. Cette thèse se révèle, à l'usage, totalement inadaptée à la situation de noséconomies modernes, qui connaissent un taux de croissance positif à moyen terme et pourlesquelles les mesures de relance se révèlent totalement inefficaces.Le chômage saisonnier concerne, quant à lui, l'ensemble des activités qui sedéroulent selon un cycle qui n'est pas constant dans le temps. Ce type de chômage concernepar exemple les activités liées au tourisme ou encore certaines activités agricoles.Le chômage structurel décrit le mieux la réalité actuelle. Il est le résultat deblocages difficiles à éliminer et de mal investissement. Blocage des créations d'emploi quandles entrepreneurs sont découragés par la fiscalité ou la réglementation, d'étendre leur activité.Blocage des embauches quand le marché du travail manque de flexibilité (salaires minimums,négociations collectives, temps légal, conditions de travail et licenciements). Le malinvestissement est l'inadaptation qualitative de l'offre à la demande. Il est dû auxmanipulations de prix, de crédits et de revenus qui empêchent les adaptations qui devraientaccompagner la croissance. Toute politique globale de relance se révèle alors inefficace.168


La notion de chômage est relativement simple mais sa mesure est pluscomplexe et fait l'objet de nombreuses polémiques. Il apparaîtrait en effet que le chômage soitvictime de bricolages plus ou moins honnêtes et que les chiffres officiels ne reflètent plus laréalité du marché du travail.Par exemple, on peut voir ici que jusqu'en 1986, les statistiques DEFM(Demande d'emploi en fin de mois - constituant de l'ANPE) et celles du BIT (Bureauinternational du travail) varient ensemble. Mais depuis 1987, l'écart s'est accru, à l'exceptionde l'année 1992 où les deux indicateurs évoluent dans le même mais on remarque qu'ils nereflètent la réalité quant à l'évolution du chômage (# avec le recensement de 1990) Cesdifférences viennent du fait que le BIT et l'ANPE n'ont pas les mêmes critères de recensementdu chômage.Les critères du BIT reposent sur les trois points suivants, il faut rechercheractivement un emploi, être disponible dans les 15 jours et être sans emploi. Cette formulationcache des choix conventionnels mais non arbitraires. Pour la disponibilité se pose la questiondes maladies bénignes: si l'on conçoit qu'un malade de longue durée ne peut guère prétendreêtre un chômeur, que dire de celui que souffre d'une grippe ? Pour le BIT, la maladie bénignene retire pas la qualité de chômeur. Pour en ce qui concerne l'absence d'emploi, toutepersonne ayant travaillé ne serait-ce qu'une heure la semaine précédant cet entretien ne peutêtre considérée comme étant au chômage. Pour le critère de la disponibilité, le BIT arépertorié une série d'actes de recherche d'emploi, et il est nécessaire d'en avoir effectué aumoins 1 durant la semaine de référence pour être considéré comme chômeur. Est donc excluetoute personne qui a renoncé à chercher activement et régulièrement un emploi, "le chômeurdécouragé".Les conventions drastiques du BIT permettent de comprendre qu'il existe dans laplupart des pays plusieurs chiffres du chômage à un instant donné. En France, la définition duBIT est reprise par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dansson enquête annuelle. Mais il existe aussi les décomptes de l'Agence nationale pour l'emploi(ANPE), organisme administratif ayant pour mission d'enregistrer les chômeurs, pour leurpermettre d'être indemnisés et les aider à retrouver un emploi.Les critères de l’ANPE sont constitués de statistiques de l'ANPE mensuelles etqui prennent en compte les "demandeurs d'emploi en fin de mois" (DEFM). Cette dernièreregroupe 6 grands critères : Rechercher activement un emploi (2 demandes d'embauchesdans le mois) ; Etre inscrit à l'ANPE ;Rechercher un contrat en CDI (les intérimaires ne sont donc pasconsidérés comme chômeurs) ;Rechercher un emploi à plein temps ;Avoir travaillé moins de 78h dans le mois qui précède (moinsd'un demi temps) ; Ne pas avoir plus de 55 ans sinon, les allocations chômage sontperçues jusqu'à la retraite en échange de ne pas faire de recherche d'emploi.169


Graphique XVIII : Différents chômages 210DEFM 1 : Demandeurs d’un emploi à temps plein et à durée indéterminée.Depuis juin 1995, en application de l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 mai 1994,tous les demandeurs d’emploi ayant travaillé de 78 heures dans le mois ne sont plus réputésimmédiatement disponibles.Ces statistiques sont fournies "brutes" ou "en données corrigées des variationssaisonnières". Ces dernières sont obtenues par un traitement statistiques qui a pour objetd'éliminer l'effet des fluctuations liées à des phénomènes saisonniers (par ex: l'entrée massivedes nouveaux diplômés en Septembre ou l'achèvement des nombreux CDD à la fin de l'été).L'écart croissant entre le chômage BIT et celui de l'ANPE est en définitive laconséquence de la très forte augmentation du nombre de personnes qui se déclarent chômeursmais qui ne cherchent pas vraiment un emploi. Ce type de personne est passé de 71000 enMars 1986 à 354000 en mars 1992.210INSEE 1990.170


Tableau 6 : récapitulatif des différents chômages 211Chômage au sens duBITChômage au sens durecensementSe déclarer chômeuret ne pas déclarerÊtre sans travail (auqu'on ne recherchesens du BIT)pas d'emploiÊtre disponible pourOuDéfinition travailler (dans unSe déclarer mère dethéorique délai déterminé)famille, femme auRechercherfoyereffectivement unOutravailretraité et déclarerrechercher un emploiSourceINSEE (enquête INSEE (recensementANPEemploi)de la population)Périodicité Annuelle Tous les 7 ans environ MensuelleDemandes d'emploi enfin de mois (DEFM)Être sans emploi (saufactivité réduite sousconditions)Être disponible pourtravaillerÊtre inscrit à l'ANPEcomme recherchant unemploiD’après le recensement général de la population (R.G.P.), les contraintes de cedernier (ampleur de l’opération, coût, fait que le questionnaire est rempli sans l’aide del’agent recenseur, nécessité d’une certaine invariance du questionnaire pour disposer de sérieslongues homogènes) imposent l’utilisation d’un questionnaire relativement simple,demandant des réponses elles aussi simples. Le R.G.P. permet ainsi de réaliser une partitionentre l’emploi, le chômage et l’inactivité grâce à deux questions: l’une portant sur l’activitéexercée, l’autre demandant de se situer par rapport à quelques situations d’inactivité ou de sedéclarer spontanément chômeur (sans dire explicitement qu’on ne cherche pas d’emploi).Cette décomposition très simple n’est évidemment pas exempte d’incertitude (en particulier,aucune question ne porte sur la disponibilité et la recherche effective) et ne permet pas declarifier les situations dans le «halo»; a fortiori, on doit prendre beaucoup de précautions pourcomparer entre deux recensements, des réponses sur les cas limites.L’I.N.S.E.E. met en œuvre l’enquête emploi en mars de chaque année depuis1982 (l’expérience d’une enquête trimestrielle a été lancée en août). Le «champ» couvert estla population des ménages «ordinaires», soit l’ensemble des occupants d’une unitéd’habitation fixe, privée, considérée comme résidence principale. La technique employée estcelle d’un sondage aréolaire au 1: 300 : on constitue un échantillon de 2000 airesgéographiques dans lesquelles tous les ménages (65 000 environ au total, soit 135 000personnes) sont interrogés. L’échantillon est renouvelé par tiers chaque année, ce qui fait del’E.E. une source en principe moins précise que l’A.N.P.E. pour les comparaisons d’uneannée sur l’autre; mais elle est mieux adaptée à l’étude à moyen terme en raison deschangements réglementaires qui affectent alors généralement la source administrative.Depuis 1975, le concept de chômage utilisé est «au sens du Bureauinternational du travail», mais la manière d’en obtenir la mesure a changé en 1982 et en 1990:le chômage «au sens du B.I.T.» n’est défini ni par la déclaration spontanée, ni par la situationjuridique des individus, mais par un jeu de critères mis en œuvre dans un questionnairedétaillé, élaboré par les instituts statistiques nationaux.211Définitions de l’INSEE.171


En adaptant au contexte français les recommandations du B.I.T. de 1982,l’I.N.S.E.E. a construit un questionnaire visant les personnes ayant atteint ou dépassé quinzeans l’année de l’enquête. Elles sont réparties en trois catégories entendues «au sens du B.I.T.»et en fonction de leur situation pendant une «semaine de référence»; une série de tris sontopérés à partir de batteries de questions («filtres»).– La population active occupée (P.A.O.) est une notion assez extensive. En effet, pourapparaître comme pourvu d’un emploi (salarié ou non), il suffit soit d’avoir travaillé «neserait-ce qu’une heure» au cours de la semaine de référence, tout en «déclarant avoir uneactivité professionnelle effective», soit d’avoir «conservé un lien formel avec l’employeur»cette semaine-là (par exemple, continuation du contrat de travail).– Les chômeurs sont les individus sans emploi, qui ont fait une démarche effectivedepuis un mois pour en rechercher un (l’inscription à l’A.N.P.E. est considérée comme unedémarche effective) et sont «disponibles pour travailler sous quinzaine». On obtient ainsi lapopulation sans emploi à la recherche d’un emploi (P.S.E.R.E.) à laquelle on ajoute lespersonnes actuellement sans emploi mais qui en ont «trouvé un commençant ultérieurement»pour obtenir les chômeurs «au sens du B.I.T.».– Les inactifs sont les personnes qui n’entrent dans aucune des deux catégoriesprécédentes.Les réponses obtenues permettent donc ici de repérer une situation par rapportau marché du travail, définie par la personne elle-même ou matérialisée par ses actes, mais,dans un cas comme dans l’autre, l’origine de cette situation n’est pas prise en compte. En cequi concerne le repérage des chômeurs, ce qui prime, c’est la volonté d’accéder au marché dutravail, ce qui rend donc équivalents, de ce point de vue, la femme qui reprend une activité, lejeune qui sort du système scolaire, l’ouvrier licencié qui se réinsère. Une telle conceptionégalitariste et universaliste est difficile à appliquer quand se multiplient les situationsintermédiaires diverses.L’Agence nationale pour l’emploi est l’échelon national des agences localespour l’emploi; celles-ci fonctionnent comme des agences de placement, recueillant offres etdemandes. S’inscrire à l’A.N.P.E., pour chercher un emploi ou un autre emploi, résulte d’unedémarche volontaire: il faut donc penser qu’on y a intérêt, et cela dépend de la réglementationen vigueur, en particulier du lien entre inscription et jouissance de certains droits(actuellement, le droit à la sécurité sociale est déconnecté de l’inscription, mais le droit auxallocations chômage lui est généralement lié).Les demandeurs d’emploi inscrits sur les fichiers à la fin de chaque mois(D.E.F.M.) sont répartis en cinq catégories, dont seules les trois premières peuvent êtrerapprochées des chômeurs au sens du R.G.P. ou du B.I.T., car les deux autres concernent despersonnes non disponibles ou déjà pourvues d’un emploi. Les D.E.F.M. de catégorie 1 sont àla recherche d’un emploi à durée indéterminée à temps plein; ceux de catégorie 2, d’unemploi à durée indéterminée à temps partiel; et ceux de catégorie 3, d’un emploi à duréedéterminée temporaire ou saisonnier. Tous sont donc, en principe, sans emploi etimmédiatement disponibles. Le nombre des D.E.F.M. des trois catégories est publiémensuellement, mais, quand on parle du «chiffre mensuel du chômage», c’est au total de lapremière catégorie qu’on fait allusion.172


Selon les époques, on accuse contradictoirement cette statistique decomprendre ou de ne pas dénombrer de «faux chômeurs» – découragés de chercher –, de«faux travailleurs» – bénéficiaires de stages divers – ou de «faux inactifs» – bénéficiaires depréretraites ou dispensés de recherche d’emploi. En fait, comme nous l’avons dit, le chiffrepublié découle non de l’analyse de situations ou de comportements, mais de la conjonction del’application d’une réglementation et d’une demande de placement et d’aide de la partd’individus. Son avantage est qu’il est rapidement disponible, alors qu’il faut attendre quatre àhuit mois les résultats de l’enquête annuelle. Source d’information conjoncturelle sur lechômage, l’évaluation découlant de l’activité administrative offre également l’intérêt des’exercer à un niveau géographique très fin, permettant, par exemple, l’étude des bassinsd’emploi.La hausse rapide du chômage à partir de 1975 a incité l’État à prendre une sériede mesures visant à rendre supportable le phénomène par la société. Les gouvernements sesont donc efforcés de soulager les effets individuels du non-emploi et d’en diminuer certainescauses en offrant à certaines catégories de personnes un statut plus valorisant que celui dechômeur (stagiaire en formation, préretraité, dispensé de recherche d’emploi, bénéficiaire decontrat de solidarité, d’insertion, etc.): c’est ce que l’on a surnommé le traitement social duchômage. Les politiques de gestion des ressources humaines par les firmes ont aussi évolué:recours accru à l’intérim et aux contrats à durée déterminée, plans «sociaux»d’accompagnement des restructurations, utilisation des nouveaux statuts créés par lespolitiques de traitement social. Ces mesures ont largement contribué à l’apparition d’un«halo» du chômage en multipliant la création d’emplois «hors norme» (ou «formesparticulières d’emploi»), rendant ainsi imprécis, sinon aléatoires certains classements dans lestrois catégories fondamentales, chômage, emploi, inactivité. Cela aboutissait également àdiminuer le nombre de chômeurs officiellement recensés et donnait lieu à controverse sur lenombre des chômeurs, encourageant l’effort des statisticiens pour réduire les incertitudes duchiffrage ou, tout au moins, les cerner avec le plus de précision possible.Un effort d’autant plus nécessaire que les franges elles-mêmes du chômage semodifient: ainsi, en France, de plus en plus de personnes s’éloignent du marché du travail,soit qu’elles déclarent chercher un emploi mais ne sont pas disponibles, soit qu’elles n’aientpas commencé leurs recherches ou les aient abandonnées, souvent par découragement 212 .Ainsi, la diversité des définitions et des sources est justifiée par le caractère protéiforme duphénomène. Encore convient-il de bien les connaître, pour savoir exactement ce qu’il estpermis d’en tirer à l’analyse.-l’évolution du chômage reflète les périodes de crises et de croissance, durantles 30 glorieuses, le chômage était très bas et la situation était au plein emplois. A partir de1970, nous assistons à une forte augmentation du chômage dû aux crises pétrolières (1973,1981). En 1988, le contre choc pétrolier apporte « bouffée d’oxygène » mais en 1990, unenouvelle crise éclate sans facteur extérieur comme le pétrole, les causes sont diverses(ouverture du marché, consommation des ménages stagnante, etc.). A partir de 1997, baisseforte du chômage, ponctuée par une remontée à partir de 2001.212CÉZARD M., DUSSERT F., GOLLAC M., Méthodologie et évolution des réponsesdans les trois enquêtes, Les conditions de travail en enquêtes, Documentsd’études de la DARES, n°29,1999.173


Graphique XIX : Taux de chômage de 1960 à 1999 213Graphique XX : Taux et effectifs du chômage de 1992 à 2002 214Graphique XXI : Lien entre la croissance, l’inflation et le chômage 215213Source INSEE.214Source INSEE.215Le marché du travail, la croissance, l’inflation et le chômage, 1995 .174


Comme précédemment évoqué, le chômage touche différemment selon lagéographie, le type de population (âge, qualification, sexe, origine).Graphique XXII : Répartition géographique du chômage 216Graphique XXIII : Taux de chômage selon les pays 217-En France, il y a plus de chômage dans le nord, handicapé par de viellesindustries mal reconverties et dans le bassin méditerranéen. En Europe, il y a plus de chômagedans les pays du sud tels que l’Espagne, le sud de l’Italie. Les pays à l’est ont paradoxalementmoins de chômeurs. Au sein de la Triade (Europe, USA, Japon) : En Europe, l’évolution de216Eurostat.217Eurostat.175


l’Allemagne est semblable à la France. Les Etats-Unis ont été touchés gravement par lescrises du pétrole, mais à court terme, s’approchent maintenant du plein-emploi. Le Japon agardé très longtemps le plein emploi, grâce à une motivation très forte des travailleurs pourleur entreprise, mais cette mentalité tend à disparaître, le chômage apparaît.-Age : Les jeunes sont plus touchés. Les plus de 50 ans, contrairement à cequ’on pourrait penser, sont les moins touchés. On parle d’eux parce que ceux qui sont auchômage ont beaucoup de mal à retrouver un emploi.-Hommes/femmes : Les femmes sont légèrement plus touchés par le chômage,mais il y a une amélioration au fil des années.-Diplôme : Pendant les 30 glorieuses, c’était le plein emploi, donc tout lemonde avait un emploi, quelque soit le diplôme. Depuis la crise, le diplôme prend de plus enplus d’importance, même si le chômage augmente pour tout le monde, les plus diplômés sontles plus protégés. Le tableau 7 le donne à voir clairement.Graphique XXIV : Evolution du taux de chômage selon l’âge et le sexe 218218Eurostat.176


Graphique XXV : Evolution du taux de chômage selon le diplôme 219Tableau 7 : Evolution du taux de chômage selon le diplôme 220 .Unité : %2002 2003 2004 2005Aucun diplôme ou CEP 13,6 14,8 14,8 15,0BEPC, CAP, BEP 8,4 9,1 9,3 9,3Baccalauréat 8,3 8,7 9,6 9,2BAC + 2 5,6 6,1 6,3 6,6Diplômes supérieurs 6,4 7,6 7,5 73° Les moyens de lutteD'après les keynésiens, le chômage proviendrait d'une insuffisance de lademande effective (demande des ménages). Le niveau de l'emploi est tributaire de cettedemande effective, c'est pourquoi si celle ci est trop faible, nous sommes en situation de sousemploi.Les politiques de l'emploi s'appuient donc sur une relance globale de la demande.C'est la demande qui détermine l'offre, et non l'inverse. Dans ces conditions c'est à l'état derelancer la demande en agissant sur la consommation et l'investissement. L'augmentation desdépenses de l'état (ce qui est l'augmentation du déficit de l'état) provoque un accroissement del'activité et donc une action favorable sur l'emploi. Cet accroissement génère des revenussupplémentaires qui sont redistribués. Cette redistribution s'appuie surtout sur l'augmentationdes impôts sur les riches et la diminution des impôts sur les pauvres (ex : TVA car ce sont lesplus pauvres qui consomment le plus). Mais la redistribution est en partie aussi faite par219Eurostat.220INSEE, enquête emploi 2005.177


l'intermédiaire des prestations sociales (SMIC, RMI). Ceci augmente encore la consommationet donc la production et distribue donc de nouveaux revenus. Ce processus appelé "effetmultiplicateur" se répète à l'infini ce qui permet de modifier les conditions d'équilibre liées àune dépression et donc d'augmenter l'emploi et stimule la décision d'investir. Lesinvestissements vont aussi être stimulés par une baisse des taux d'intérêt (- les agentséconomiques vont épargner). Ainsi, pour les keynésiens, l'intervention de l'état s'avèrenécessaire pour sortir de l'économie du sous-emploi et de la crise : elle constitue le remèdeobligé pour restituer l'efficacité du capitalisme 221 .La théorie keynésienne n'est pas la seule à proposer des remèdes pour luttercontre le chômage. En effet, la théorie des classiques est la seconde grande théorie apportantdes solutions pour l'emploi.Pour les classiques, le chômage provient essentiellement d'une impossibilité deproduire plus, de façon rentable. Ceci est dû à un excès de rigidité. Les principales mesuresdes libéraux sont les suivantes : Retirer les aides aux plus démunis (RMI) et remettre en causele SMIC qui est parfois supérieur à la productivité marginale (= productivité du dernier salariéembauché). Dans ce cas, l'entrepreneur perd de l'argent et n'a aucun intérêt à embaucher.Privatiser la sécurité sociale afin de baisser les charges sociales. La baisse le coût du travailétant une incitation à embaucher. Accroître la flexibilité en modifiant le code du travail et endiminuant l'influence des syndicats permettant ainsi aux employeurs d'employer comme ils leveulent.Selon certains libéraux, enfin, il faudrait même oublier toutes les politiques delutte contre le chômage puisque, par exemple, les politiques d'insertion ont montré l'incapacitéà lutter contre l'exclusion ; Pour eux, il y a un espoir avec la reprise de la croissance et lavenue du plein emploi. C'est pour cela aussi qu'ils veulent baisser les impôts sur les plusriches car ça les désincite à travailler, privatiser le service public (cf. armée, police, justice…)pour augmenter la concurrence, baisser les prix et ainsi augmenter le pouvoir d'achat afin detirer la croissance économique. Lutter contre l'inflation pour être plus compétitifs est unimpératif chez eux.En France, dès son entrée en fonction en 1997, le gouvernement avait fait de lalutte contre le chômage une de ses priorités alors que celui ci touchait 12.6% de la population.La stratégie du gouvernement s'est développée autour de trois grands axes:La recherche d'une croissance plus forteL'enrichissement en emplois de la croissanceUn effort particulier vers les personnes les plus éloignées du marché du travail.Les choix gouvernementaux en faveur de la croissance ont portés à la fois surl'offre et sur la demande. Le soutien à la demande intérieure s'est concrétisé par denombreuses mesures favorables au pouvoir d'achat des ménages :La revalorisation du SMIC (+10,4 % en 5 ans)La hausse des minima sociaux221Système économique caractérisé par la propriété privée des moyens deproduction, l'importance de l'initiative individuelle, le rôle du marché,la recherche et l'investissement et le réinvestissement du profit ; ce quin'exclut pas l'intervention de l'état.178


La baisse des impôts (TVA, taxe d'habitation, impôt sur le revenu)Baisse des taux d'intérêt. (Ce qui favorise la consommation des ménages).Le soutien à l'offre se caractérise par le choix du gouvernement à faciliter ledéveloppement des entreprises innovantes et les nouvelles activités, en proposant des mesuresd'incitation et d'accompagnement (dispositions fiscales pour les entreprises innovantesdestinées à encourager la prise de risque, en même temps qu'elle améliore la diffusion del'innovation du monde de la recherche vers celui de l'entreprise, fonds budgétaires alloués à larecherche)Pour enrichir la croissance, il a donc été mis en œuvre plusieurs stratégiesparmi lesquelles deux réformes novatrices, la RTT et le dispositif "nouveaux services,emplois jeunes". Le 13 Juin 1998 la loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps detravail est votée et le 19 Janvier 2000 la loi relative à la RTT est promulgée.La RTT doit alors créer de nouvelles opportunités d'embauche pour leschômeurs. Pour les salariés, elle met en place des rythmes de travail allégés, pour leur donnerla possibilité de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle. Pour les entreprises,elle doit favoriser une organisation du travail assouplie et plus efficace, source possible denouveaux gains de productivité.Le programme "nouveaux services, emplois jeunes" (lancé en Octobre 1997) apour ambition de créer et de développer de nouvelles activités socialement utiles, les jeunesbénéficiant d'aides de l'état. Il s’agit de rapprocher de l'emploi les personnes les plus éloignéesdu marché du travail en relevant les minima sociaux accompagnés par un dispositif de cumul(dégressif) allocations/salaires, afin d'inciter à la reprise de l'activité. Pour les jeunes endifficulté, le programme TRACE (trajet d'accès à l'emploi) construit un parcours d'insertionlong, individualisé et fondé sur l'alternance entre périodes de formation et d'immersionprogressive en entreprise.On distingue traditionnellement deux grands types d'instruments des politiquesde l'emploi: les uns "passifs", constatent le chômage et en gèrent les effets, les autres "actifs",visent à s'attaquer directement aux causes supposées du phénomène. Ainsi, il existe unemanière efficace de voir diminuer les chiffres du chômage, appelée le "camouflagestatistique". Par exemple, la création d'emplois jeunes et la multiplication des CDDparticipent à une baisse temporaire du nombre de chômeurs. De plus, ces emplois jeunes sontappelés emplois atypiques car ils concernent les emplois à plein temps mais précaires soit àtemps partiel, souvent instables et peu protégés. Ces emplois précaires présentent peu deperspectives d'augmentation de salaire et donc de pouvoir d'achat. Ces emplois faiblementqualifiés sont obtenus en baissant les coûts du travail, les revenus les plus pauvres et leurprotection sociale, de telle sorte que l'on obtient le plein emploi mais celui ci reste trèsinégalitaire comme aux USA. Cela peut aboutir à la mise en place d'une société à deuxvitesses. Les solutions d'augmentation des préretraites présentent quant à elles le problème dela cotisation retraite. En effet, nous entrons dans une phase de trop de retraités pour pas assezd'actifs. L'augmentation des minima sociaux (RMI) risque fortement de démotiver les gens àtravailler et enfin l'augmentation du SMIC n'incite pas les patrons à embaucher. Enfin, lasolution de la RTT prévoyait une réduction du temps de travail de 4h par semaine ce quidevrait correspondre à une augmentation équivalente à 11 % d'emplois supplémentaires.Cependant, nous sommes loin de cette réalité car si les employeurs continuent de payer lesheures au dessous des 35h, elles subissent un surcoût de 2.5 %, les entreprises intensifieraient179


leur travail aboutissant au licenciement de 2.5% des employés. Donc la RTT entraîne bien unecréation d'emploi mais non proportionnel à la baisse du temps de travail. Les entreprisesessaient de contourner cette loi par la création de banques d'heures. Celles ci font travailler lessalariés 8h par jour et leur donne une journée toutes les 2 semaines. Dans la plupart des cas,cette journée est réutilisée par l'entreprise qui paye des heures supplémentaires ou mêmereplace ces journées dues à des périodes ou la production est plus faible. Ainsi les entreprisess'arrangent pour embaucher le moins possible.On a vu qu’il est possible de lutter contre le chômage et de le faire disparaître,mais ça entraîne d’autres aspects négatifs. Au total, on ne semble pas pouvoir vraimentrésoudre le problème. Le taux de chômage varie en fonction de la santé économique du pays :pour résoudre le chômage il faudrait peut-être s’attaquer directement à sa source. Le problèmedu chômage devrait se reporter sur les retraites : La vague de naissance d’après-guerre, lebaby-boom, va arriver dans quelques années à la retraite, ne laissant que peu d’actifs. Doncquelque soit la politique des états, le plein emploi devrait se faire automatiquement. Leproblème se reportera donc sur les retraites : trop peu d’actifs pour trop de retraités : ainsi toutle monde devrait avoir du travail, mais payer de plus fortes charges sociales pour payer lesretraites4° Divergence des mesures et mesure des divergences«Toute estimation d’un niveau de chômage repose sur un certain nombre deconventions quant à la définition a priori retenue du chômage et quant à la façon d’appliquercette définition, c’est-à-dire pratiquement d’en effectuer la mesure» – ce que nous avonsappelé la définition opératoire. En définitive, «il n’existe pas un nombre de chômeurs à unmoment donné mais différents indicateurs [...]. L’important n’est pas de trancher entre cesindicateurs, mais plutôt d’adopter une définition et une façon de mesurer les plus stables aucours du temps» 222 . Pourtant, relève O. MARCHAND, «même en s’efforçant de garantir lastabilité de la mesure au cours du temps, on n’est pas sûr de pouvoir vraiment comparer leschiffres obtenus, car une convention semblable peut s’avérer plus ou moins adaptée d’unepériode à l’autre, du fait de l’évolution du marché du travail et des normes sociales».Les trois critères (être sans emploi, en chercher un, être disponible pourl’occuper) ne sont pas appliqués de la même façon dans l’E.E. et la nomenclature du fichierA.N.P.E. (sans parler du R.G.P.). Comprendre qu’une pluralité de mesures complémentairesvaut mieux qu’une mesure unique, forcément imparfaite, ferait disparaître le scandaleuxamalgame, qui peut tenter certains, entre divergence de mesures et existence de «fauxchômeurs», donc de fraudeurs.Montrons concrètement, avec O. MARCHAND, comment les différences entreles définitions opératoires ainsi que l’existence des «franges» du chômage produisent desdivergences de résultats en comparant les chiffres des chômeurs au sens du B.I.T. et ceux desD.E.F.M.. L’écart entre les chômeurs au sens du B.I.T. et les D.E.F.M. de catégories 1, 2, 3 aaugmenté de 450000 personnes de mars 1986 à mars 1991. Bien plus, les deux indicateursvarient en sens inverse depuis 1989, alors qu’ils avaient jusqu’alors varié dans le même sens.Il faut donc expliquer les différences de niveau et d’évolution entre les deux évaluations.La différence de niveau en 1991. Une première explication est d’ordretechnique et a pour origine la différence de sources: l’inscription à l’A.N.P.E. concerne222I.N.S.E.E., note interne 425/431, 15 févr. 1984.180


l’ensemble des ménages, tandis que l’enquête Emploi ne concerne que les ménagesordinaires (hors collectivités et nomades); on évalue, depuis mars 1985, à environ 35 000 lapopulation hors ménages ordinaires inscrite à l’A.N.P.E. et se trouvant au chômage au sens duB.I.T. D’autres différences ont pour origine les divergences des définitions opératoires. Enmars 1991, on dénombrait (en milliers) 2 204 chômeurs B.I.T. et 2 906 D.E.F.M. decatégories 1, 2, 3; cette divergence s’analyse en trois étapes.En premier lieu, 323 chômeurs B.I.T. ne sont pas inscrits. Il s’agit notammentde femmes adultes qui cherchent à reprendre une activité par leurs propres moyens et, plusgénéralement, de personnes qui considèrent l’inscription comme inutile (elle ne leur apporteaucun avantage dans la recherche ou les droits sociaux) ou de chômeurs qui ont en fait trouvéun emploi commençant ultérieurement et ne se considèrent plus comme inscrits.En deuxième lieu, 2 626 personnes déclaraient lors de l’enquête être inscrites àl’A.N.P.E. Parmi elles, 1 881 + 35 étaient à la fois chômeurs B.I.T et D.E.F.M., alors que 710(272 + 315 + 123), soit près du quart, ne remplissaient pas les conditions pour être chômeursB.I.T. En effet, il s’agissait soit d’inactifs (123 indisponibles pour maladie ou raison familialeet 315 – dont la moitié de plus de cinquante-cinq ans – «chômeurs découragés» ne cherchantpas ou plus un emploi), soit d’actifs (272) ayant travaillé au moins une heure au cours de lasemaine de référence (cela est parfaitement légal en général: Les D.E.F.M. peuvent exercerune «activité réduite»). Le développement de cette catégorie a suivi celui du travail précaire,ce qui ne veut d’ailleurs pas forcément dire qu’il s’agisse de «petits boulots» (l’activitéexercée est à temps plein dans près d’un cas sur deux, en 1989, mais il est probable qu’elle esttemporaire). Il reste donc un écart résiduel, malaisé à interpréter, de 280 D.E.F.M. decatégories 1, 2, 3, qui ne se sont pas déclarés tels lors de l’enquête, et qui ne sont paschômeurs au sens du B.I.T.L’accroissement de la différence de niveau entre 1986 et 1991. «Extension dudécouragement, développement des activités d’attente et passages plus fréquents parl’A.N.P.E. lorsqu’on cherche un emploi expliquent, selon T. LACROIX 223 l’écart croissantentre D.E.F.M. et chômage au sens du B.I.T.»; à quoi on peut ajouter une augmentation plusrapide de l’activité que des créations d’emploi, de 1987 au début de 1989. PourG. CORNIL<strong>LE</strong>AU 224 , la divergence d’évolution quantitative apparue entre les deuxpopulations de «chômeurs» a pour origine la différence de nature de ces dernières.L’A.N.P.E., qui fait une application très souple des trois critères du chômage,«accueille quant à elle plus facilement des personnes aux marges de l’emploi et du chômage»(activité réduite ou «petits boulots») ou aux marges de l’inactivité et du chômage (chômeursdécouragés, personnes qui se contentent d’une recherche épisodique et peuvent conserver leurinscription puisque, en dehors de rares contrôles, une simple déclaration de maintiend’inscription en fin de mois suffit). Au contraire, la catégorie de chômeurs B.I.T. accueillesoit des personnes dont les efforts de recherche ont été couronnés de succès et quicommencent ultérieurement leur nouveau travail, soit des chômeurs qui semblent devoir seconsacrer à temps plein à leur recherche, puisque les critères appliqués sont très extensifs enmatière d’activité (au moins 1 heure) et plus exigeants en matière de recherche (démarche223Hubert T. LACROIX agit présentement comme conseiller spécial auprès deEntreprises Télémédia Inc. et comme conseiller spécial auprès du cabinetd'avocats STIKEMAN Elliott (bureau de Montréal).224CORNIL<strong>LE</strong>AU, G., Y a t-il une bonne statistique du chômage ?, Lettre del’OFCE, n°90, 1991.181


spécifique pour les non-inscrits, confirmation de la recherche pour les inscrits). Ainsi, leschômeurs B.I.T. seraient les «personnes les plus actives sur le marché du travail et les plusemployables».Eurostat 225 dont une partie très importante de l’activité est consacrée àl’élaboration et à la mise en œuvre de conventions statistiques oeuvre afin que l’informationlui arrive dans un cadre cohérent. L’enquête sur les forces de travail (E.F.T.) n’est pas àproprement parler une enquête communautaire: c’est le résultat de l’application du cahier descharges Eurostat (concernant principalement les grilles de définition et l’échantillonnage,mais non la logique d’ensemble du questionnaire) aux enquêtes nationales par sondageconcernant l’emploi: le fichier de réponses obtenu est d’abord traité selon les normesnationales pour donner les chiffres nationaux de l’emploi et du chômage, puis il est retraité(«transcodé») dans l’optique communautaire et envoyé à Eurostat à Luxembourg, qui en faitl’exploitation. Les résultats au niveau communautaire apparaissent ainsi être le fruit d’uneenquête unique, l’E.F.T.Le principe d’exploitation est le suivant: à partir d’une situation décrite par desréponses au questionnaire national (par exemple, recherche d’emploi), et en fonction desréponses qu’Eurostat peut en déduire à ses propres questions («oui» à «Avez-vous répondu àdes petites annonces ?» ou à «Êtes-vous inscrit à un bureau de placement ?»), l’officeeuropéen conclut que telle catégorie de personnes est dans telle situation correspondant à sagrille d’analyse («recherche active d’emploi», dans notre exemple). Bien sûr, le travail estd’autant plus facilité que le questionnaire national suit de près, comme celui d’Eurostat, lesrecommandations du B.I.T. Celles-ci amènent à poser, d’une manière ou d’une autre, lesquestions de fond suivantes: «Avez-vous «travaillé» au cours de la semaine ? », «Cherchezvousun «emploi» ? », si oui, «Quel acte de recherche avez-vous fait ?», «Êtes-vous«disponible» ? »L’interprétation européenne des recommandations du B.I.T. conduit à unedéfinition «largement conforme» à celles-ci, à deux réserves près. D’une part, certaines de cesrecommandations sont susceptibles d’interprétations nuancées, et l’office statistique européenn’a pas voulu imposer ces normes aux offices nationaux dont le degré d’adhésion auxrecommandations du B.I.T. est variable (par exemple, le choix fait par le B.I.T. de classer lesmilitaires du contingent parmi les actifs occupés étant souvent rejeté, Eurostat a été amené àfaire le choix contraire).D’autre part, s’il était possible de comparer des effectifs correspondant auxmêmes contenus de réponses d’une population «qui ne diffère que par la nationalité», alors leschiffres ne traduiraient que les ressemblances et les différences du même phénomène dechômage dans chaque pays. Les différences peuvent avoir une origine technique: le plan desondage peut être un tirage de logements (échantillon aréolaire) ou de personnes; lapériodicité peut être variable; les questions de fond évoquées plus haut peuvent «passer» demanière différente (interview ou réponse écrite); la manière dont le fichier est redressé (casdes personnes absentes, traitement des non-réponses) peut également différer. La logiquemême du questionnaire peut changer si l’organigramme de tri utilisé pour construire lapopulation des chômeurs autour des trois sous-ensembles fondamentaux, actifs occupés,225Eurostat - Office statistique des communautés européennes basé auLuxembourg - fut créé en 1953 par la Commission européenne, pour pallier lemanque de données statistiques réellement « inter-européennes ». Cf annexe9 en fin de thèse.182


chômeurs et inactifs, n’est pas dans le même ordre: l’ordre des questions influe sur lesréponses ou le contenu informatif obtenu, et il diffère selon les questionnaires nationaux.Donnons deux exemples:– si la question «Êtes-vous inscrit à un office public ? » n’est posée qu’aux personnesayant répondu auparavant par l’affirmative à la question «Cherchez-vous un emploi ? », lacatégorie «inscrit mais ne cherche plus» ne peut apparaître, et cela minore le nombre desinscrits;– si l’on considère que l’inscription à un office public vaut disponibilité, on ne poserapas la question «Êtes-vous disponible pour travailler ? » aux personnes qui ont déclaré êtreinscrites. Le nombre des personnes classées inactives parce qu’elles ne sont pas disponiblessera diminué et le nombre des chômeurs augmenté (cas du questionnaire italien). Bien plus,cela va rendre impossible à Eurostat d’isoler, pour le pays en question, les personnes inscritesmais ne cherchant plus et celles qui sont inscrites mais non disponibles.Notons qu’il ne faut pas chercher à comparer les chiffres d’Eurostat et leschiffres nationaux, à moins d’avoir une connaissance approfondie des champs d’investigation,des définitions, des questionnaires et des méthodes d’exploitation. Par exemple, lacomparaison est impossible en ce qui concerne une variable aussi «évidente» que l’âge, avecle questionnaire français: l’E.E. retient l’âge atteint au cours de l’année de l’enquête, etl’E.F.T., l’âge atteint au cours de la semaine de référence. Donc, pour une borne inférieuredonnée, l’E.E. comptabilise en plus d’Eurostat tous ceux qui sont nés entre le 15 mars et le31 décembre, soit un peu plus des trois quarts d’une tranche d’âge. Pour le reste, en particulierpour les critères du chômage, la compatibilité entre l’E.E. et l’E.F.T. est satisfaisante, les deuxserrant au plus près la définition du B.I.T.Au-delà, cependant, des différences d’ordre technique, la manière dont sontfinalement obtenues les réponses aux questions de fond n’est pas neutre; la logique interned’un questionnaire révèle la conception dominante qu’on a du chômeur dans un pays donné,comme l’a montré une étude de J.-L. BESSON, M.COMTE et P. ROUSSET 226 :– le chômeur allemand est appréhendé par sa situation au regard du système deprotection sociale (notamment l’origine de ses moyens d’existence);– le chômeur français est défini par les déclarations concernant sa situation: ilcorrespond mieux à la définition internationale;– le chômeur anglais est strictement repéré sur le marché du travail, indépendammentde sa situation administrative;– le chômeur italien, au contraire, est administrativement défini, principalement par soninscription à l’Office d’emploi.L’étude détaillée du questionnaire italien et l’enquête de BESSON, COMTE etROUSSET montrent que le critère de disponibilité n’est pratiquement pas utilisé pour les tris.Les auteurs l’expliquent par le fait que, dans ce pays, les pratiques culturelles,institutionnelles et sociales font qu’il n’est pas besoin d’être disponible pour être chômeur; lequestionnaire n’en fait pas une question déterminante dans la répartition en sous-populations226Jean-Louis BESSON, Maurice COMTE, Paul ROUSSET, Evaluation despolitiques de chômage, rapport scientifique d'une recherche financée par lecommissariat Général du plan (subvention n° 12-84 du 5/11/84), Centre dedocumentation de sciences humaines au CNRS.183


et, par conséquent, Eurostat ne peut pas «récupérer» le résultat de tris effectués sur ce critère.C’est là un exemple un peu extrême de résistance nationale à la standardisationcommunautaire. Mais les statisticiens italiens devraient-ils utiliser un critère qui necorrespond pas à la pratique des individus interrogés, uniquement pour satisfaire un souciabstrait d’harmonisation, c’est-à-dire ici de soumission à des normes «étrangères» au sens fortdu terme ? Le contre-exemple allemand ne paraît pas déterminant: si la disponibilité n’est pasun élément de la définition du chômeur allemand mais que la question soit cependant poséede telle sorte que la définition Eurostat devienne applicable, c’est certainement parce que,d’après les auteurs, dans le contexte allemand, la disponibilité semble avoir un sens beaucoupplus clair que dans le cas italien. Les auteurs remarquent aussi que le questionnaire italien nesemble pas tenir compte de l’ancienneté de l’acte de recherche, mais cela ne devrait pasaffecter, par exemple, la comparabilité avec la France où le pointage mensuel par courrier(quasi-automatique) n’est pas forcément le signe d’un réel effort de recherche d’emploi.Si la périodicité de l’E.F.T. est annuelle, le délai de publication de ses résultatsest de l’ordre de deux ans. Aussi est-il nécessaire, pour la gestion courante, de disposerd’autres données à intervalles plus rapprochés. Eurostat publie mensuellement, dans sonbulletin Chômage, des «taux nationaux standardisés»; ils sont obtenus par application auxrésultats nationaux de l’E.F.T. des évolutions des indicateurs mensuels publiés, dans chaquepays, par les offices d’indemnisation depuis la dernière enquête connue (ces indicateursauront été auparavant corrigés afin de les rapprocher de la définition Eurostat, en particuliersur le critère de la disponibilité). «Malgré cette standardisation partielle, pouvait-on lire dansInformations de l’Eurostat (numéro spécial de 1988), les données se prêtent uniquement à uneanalyse des tendances de l’évolution et non à des comparaisons de niveau entre les Étatsmembres» – en supposant qu’un changement de réglementation ne vienne pas, dans tel ou telpays, modifier cette évolution sans rapport avec l’évolution du nombre des chômeurs. En fait,comme le notent BESSON et COMTE, la meilleure raison d’admettre l’hypothèse d’uneévolution semblable de l’indicateur Eurostat et de l’indicateur de source administrative, c’estl’impossibilité de s’en passer.La standardisation communautaire des statistiques est donc peu satisfaisante,tant chaque fichier se trouve en quelque sorte nationalement conditionné, et peu sûre lacomparabilité des données entre les pays. La situation est d’ailleurs insoluble, puisque soitl’harmonisation des pratiques statistiques progresse et les chiffres s’éloignent des réalitésnationales, soit on assiste à une convergence des réalités sociales du chômage et lastandardisation perd sa raison d’être.BESSON, COMTE et ROUSSET font toutefois l’hypothèse que le niveaueuropéen présente un degré d’homogénéité significatif: le «chômeur européen» a ainsi pourcaractéristiques d’être «public» et «manifeste». Public, car il s’insère «en tant que tel dansune série de dispositifs publics» concernant tant les secours ou la formation (du demandeur)que la prise en charge de sa demande d’emploi (dispositif d’insertion ou de réinsertion); à desdegrés divers, les sociétés européennes se reconnaissent des devoirs à l’égard des chômeurs eten chargent les États, alors que le chômeur américain est conçu selon le mode économique,individualiste et privé. Manifeste, car «toute demande d’emploi, voire tout désir de travail,tend, en Europe, à s’exprimer sous forme de chômage» apparent sur le marché ou dans lesdispositifs institutionnels, alors qu’un tel mouvement est, par exemple, «refoulé» au Japon.Les divergences entre pays européens seraient alors la conséquence de la forte dimensioninstitutionnelle du chômage européen, les héritières de la diversité des histoires et destraditions nationales.184


Le problème habituellement posé en termes techniques de l’exactitude durésultat de la mesure ou de la comparaison est intrinsèquement redoublé d’un problèmeépistémologique de signification du résultat et de pertinence de la comparaison. Le chômagedevient alors un problème qui intéresse les sociologues.5° Sociologie du chômageL’approche statistique a été longtemps régie par la loi de la discontinuité: lamesure du chômage impliquait une coupure tranchée entre les chômeurs et les non-chômeurs(actifs ou inactifs). Mais la volonté de travail et la capacité de travail, qui font de l’hommesans emploi un chômeur, ne sont pas des absolus. D’une part, la volonté de travail comme lacapacité de travail comportent des degrés : on peut désirer un emploi salarié avec plus oumoins d’intensité; on peut avoir une santé plus ou moins bonne. Les économistes ont reconnul’existence d’une «force de travail secondaire» (WILCOCK 227 ). D’autre part, la volonté detravail et la capacité de travail sont relatives : elles dépendent de conditions sociales globaleset partielles. En période de haut emploi, certains individus deviennent «employables»; lehandicap physique peut être neutralisé par une adaptation des postes de travail aux possibilitésindividuelles. Ainsi la volonté de travail et la capacité de travail peuvent-elles êtreconsidérées comme des variables sociologiques.L’approche sociologique, loin d’être spéculative et formelle, renouvellel’approche statistique. Elle incite les spécialistes du dénombrement à multiplier extensivementnon les catégories de chômeurs, mais les catégories intermédiaires entre la catégorie deschômeurs dont la capacité et la volonté de travail sont les plus fortes, et la catégorie desvéritables inactifs aussi bien que celle des personnes pleinement employées. Les statisticiensde l’I.N.S.E.E. (Institut national de la statistique et des études économiques) ont, par exemple,introduit de façon très légitime la catégorie et le concept de «chômeur marginal» 228 .La conception sociologique permet également d’aborder l’analyse deschômeurs sous un angle nouveau. Le chômeur est un travailleur privé d’emploi, c’est-à-direun sujet qui est plus ou moins poussé à trouver un emploi salarié par certaines conditionssociales, et à qui il est plus ou moins interdit de trouver un emploi par d’autres conditionssociales. La recherche sociologique tente de déterminer ces conditions qui rendent un individuplus ou moins «employable». Elle essaie de savoir si certains traits physiques,démographiques, professionnels et psychologiques ne rendent pas certaines personnes moinsemployables que les autres. S’il en est ainsi, le chômage est sélectif .Le chômage est-il sélectif ? Ne frappe-t-il pas au hasard ? S’il est sélectif, quelssont les facteurs de cette sélectivité ?L’approche sociologique, loin d’être spéculative et formelle, renouvellel’approche statistique. Elle incite les spécialistes du dénombrement à multiplier extensivementnon les catégories de chômeurs, mais les catégories intermédiaires entre la catégorie deschômeurs dont la capacité et la volonté de travail sont les plus fortes, et la catégorie desvéritables inactifs aussi bien que celle des personnes pleinement employées. Les statisticiensde l’I.N.S.E.E. (Institut national de la statistique et des études économiques) ont, par exemple,introduit de façon très légitime la catégorie et le concept de «chômeur marginal» (enquête«Emploi» de 1960).227David WILCOCK, Coordonnateur du SICIAV, Bureau du Sous-Directeur général.228INSEE, Enquête Emploi, 1960.185


La conception sociologique permet également d’aborder l’analyse deschômeurs sous un angle nouveau. Le chômeur est un travailleur privé d’emploi, c’est-à-direun sujet qui est plus ou moins poussé à trouver un emploi salarié par certaines conditionssociales, et à qui il est plus ou moins interdit de trouver un emploi par d’autres conditionssociales. La recherche sociologique tente de déterminer ces conditions qui rendent un individuplus ou moins «employable». Elle essaie de savoir si certains traits physiques,démographiques, professionnels et psychologiques ne rendent pas certaines personnes moinsemployables que les autres. S’il en est ainsi, le chômage est sélectifLe fait même de la sélectivité du chômage a été l’objet de nombreusescontroverses: les uns contestant cette sélectivité et considérant que les conditionséconomiques globales étaient seules déterminantes, les autres affirmant à l’opposé que descauses sociales particulières jouaient un rôle essentiel. On peut admettre aujourd’hui que ceproblème est résolu.En effet, le chômage n’apparaît pas toujours également sélectif. Très sélectifdans certaines conjonctures, il l’est fort peu dans d’autres. D’une façon générale, on peut direqu’il est d’autant plus sélectif que le niveau de l’emploi est élevé. En période de bas niveau del’emploi, il tend à toucher plus régulièrement toutes les catégories d’actifs dans l’ordredémographique, professionnel, géographique. Le chômage de prospérité (Long) atteintcertains groupes plus que d’autres. Le chômage de crise frappe davantage au hasard: lesconditions globales l’emportent sur les causes démographiques (âge, sexe) ouprofessionnelles (métier, branche, etc.). On observe alors un phénomène où les déterminismesse situent à l’échelle macroscopique (niveau de l’activité économique) et à l’échellemicroscopique (niveau des situations individuelles contingentes). Les caractéristiques socialesintermédiaires (différenciation selon l’espace, l’activité économique, l’âge, le sexe, etc.)n’interviennent efficacement que dans les périodes de conjoncture économique au moinsrelativement bonne.Les catégories d’ordres démographique, professionnel, géographique où lestaux de chômage sont les plus élevés sont les catégories les plus sensibles au chômage, c’està-direles plus sélectives. Les sujets qui appartiennent à ces catégories perdent plus facilementleur emploi, quand ils en ont un, que les sujets des autres catégories: on peut dire qu’ils sontplus vulnérables. En outre, ils ont plus de mal que les autres à retrouver, ou à trouver, unemploi: ils sont moins employables, au sens strict du terme. La vulnérabilité et la sousemployabilité, entre lesquelles n’existe d’ailleurs pas de corrélation rigoureuse, sont lesconditions premières de la sélectivité du chômage et déterminent la privation d’emploi.L’employabilité des sujets d’une catégorie déterminée est la notion la plus importante; on lamesure à la durée moyenne de chômage. Sur le plan théorique, elle exprime l’unité de lacapacité de travail et de la volonté de travail en tant qu’elles comportent des degrés. Sur leplan opératoire, elle se traduit par une probabilité comparable scientifiquement à d’autresprobabilités. L’employabilité moyenne des diverses catégories varie selon les structures etselon la conjoncture de la société et de son économie. Ces variations sont plus ou moinsintenses suivant l’ordre des catégories considérées. Dans les sociétés industriellescontemporaines, pour une période assez longue, on peut, malgré la quantité et la qualitémédiocre des statistiques, déterminer les catégories dont la sous-employabilité est la moinscontestable. Ce sont, selon l’âge: les vieux travailleurs (au-delà de cinquante ans et surtout desoixante ans); selon le sexe: les femmes; selon les capacités physiques: les déficients; selonles caractéristiques socio-professionnelles: les travailleurs les moins qualifiés (manœuvres)dont la formation professionnelle est très insuffisante; selon l’origine ethnique ou nationale:186


les travailleurs d’origine étrangère. Dans les pays industrialisés, les zones où la duréemoyenne de chômage reste la plus grande n’ont guère varié depuis la fin du XIXe siècle: cesont les régions déprimées, peu développées industriellement. Les variations sont plusimportantes selon les branches et selon les métiers; toutefois, l’employabilité est faible dansles activités économiques en lente récession d’emploi depuis de nombreuses années.L’infériorité économique et la réduction de la volonté de travail ont desrépercutions sur la sous-employabilité des individus.L’infériorité économique est une variable sociologique qui naît de la situationdes individus sur le marché du travail réel. L’infériorité dépend non seulement des qualités dusujet, mais aussi des pratiques et des attitudes des employeurs. En effet, la relation del’individu à l’emploi ne met pas seulement en cause les caractères de l’employable et del’emploi et leur ajustement purement technique. Si le rendement est un critère de l’inférioritééconomique, l’idée du rendement a dès lors une importance aussi grande que le rendementlui-même. Bien des stéréotypes semblent jouer un rôle dans l’infériorité économique. On peutobserver, dans de nombreux pays et depuis longtemps, des préjugés tenaces à l’égard destravailleurs d’origine étrangère, des femmes, des travailleurs âgés. Le Bureau international dutravail s’est ému de ces pratiques de sélection, qui sont en fait des pratiques de discrimination.Il existe évidemment des conditions économiques de l’infériorité. Les unes sontliées au médiocre rendement de certains individus, particulièrement des diminués physiquesou des travailleurs de bas niveau intellectuel. Leur compétitivité sur le marché du travail estréduite. Toutefois, cette infériorité n’a rien d’absolu: elle est relative aux conditionstechniques du travail et plus encore aux conditions sociales de la vie économique. Il n’y a pasd’aptitude en soi ; il reste très souvent possible d’adapter l’emploi à l’employable et deneutraliser l’infériorité de l’employable par des méthodes diverses (éducation et rééducationnotamment). Les autres conditions économiques de l’infériorité sont liées non à la situationsur le marché du travail, mais aux médiocres conditions du marché du travail particulier etpartiel auquel se trouve soumis le demandeur d’emploi. L’infériorité géographique etprofessionnelle est de cette nature: certains marchés du travail géographiques etprofessionnels sont plus étroits que d’autres. La mobilité est seule capable de neutraliser cetype d’infériorité. Elle suppose, surtout dans le domaine professionnel, un niveau deformation élevé. L’insuffisance de formation et le bas degré de qualification mettent les sujetsdans une situation d’infériorité très marquée. D’une part, le marché du travail des nonqualifiésprésente presque toujours un excès de l’offre de travail sur la demande; d’autre part,les moins qualifiés sont dans une position concurrentielle très mauvaise. C’est un traitcaractéristique des sociétés industrielles, qui va en s’accusant. Il explique qu’il puisse y avoir,dans certaines conjonctures favorables, à la fois du chômage et des demandes de travail nonsatisfaites. Seul le développement de la formation professionnelle, et aussi, plus largement,intellectuelle, peut neutraliser ce type d’infériorité.La volonté de travail du demandeur d’emploi est parfois très réduite et diminuefortement son employabilité. Tout en restant, ou en entrant, sur le marché du travail, il resteplus ou moins marginal. Entendons que non seulement il n’est pas prêt à travailler dansn’importe quelles conditions – ce que personne ne saurait faire –, mais encore qu’il est moinsdisposé que les autres à prendre certains postes. Par exemple, il sera relativement rebelle à lamobilité géographique ou, à un moindre degré, professionnelle. Il faut ici distinguer deuxcatégories: d’une part, la catégorie des sujets qui n’ont pas la responsabilité d’un ménage etdont le salaire ne représente qu’un appoint de revenu pour la famille; d’autre part, la catégorie187


des sujets responsables d’un ménage. L’attachement de la première catégorie à la force detravail est faible; la volonté de travail des sujets de la seconde catégorie est très intense et leurliberté de choix moins grande. Les premiers sont plus mobiles que les seconds. Ces derniersconstituent le noyau rigide de la force de travail qui est formée, pour l’essentiel, d’hommesmariés de vingt-cinq à soixante ans et de femmes non mariées du même âge. Pour cettecatégorie, la réduction de la volonté de travail est essentiellement fonction d’une forteinfériorité économique. Les sujets très infériorisés et depuis longtemps sans emploi perdentcourage et finissent par renoncer à chercher du travail.La sociologie du travail posée comme discipline élabore une classification.L’utilisation de deux critères, la durée de chômage (indice de l’employabilité) et le niveaud’infériorité (déterminé par le nombre des infériorités et qui n’est qu’un des éléments del’employabilité), permet d’établir et de fonder systématiquement une typologie des chômeurs.On peut distinguer alors: le chômeur de transition (peu infériorisé, à durée courte dechômage), le chômeur de réserve (peu infériorisé, à durée moyenne de chômage), le chômeurde dépression (peu infériorisé, à durée de chômage longue), le chômeur intermittent(moyennement infériorisé, à durée moyenne de chômage), le chômeur vulnérable(moyennement infériorisé, à durée longue de chômage), le chômeur chronique (trèsinfériorisé, à durée longue de chômage).Ces types sont inégalement représentés dans les diverses populations dechômeurs. Certains dominent très nettement dans certaines conjonctures et structures de la vieéconomique des sociétés industrielles capitalistes. Dans le chômage de réserve simple ducapitalisme libéral domine le chômeur de réserve; mais on y rencontre aussi le chômeurintermittent, qui perd fréquemment son emploi et parvient à retrouver un travail, et lechômeur chronique, qui retrouve rarement et tardivement un emploi. C’est le chômage dessociétés occidentales au cours du XIXe siècle. On trouve de très bonnes descriptions de cespopulations chez de nombreux penseurs de cette époque, notamment chez MARX Cetteforme de chômage n’a pas disparu dans les sociétés modernes dans la mesure où elles restentéconomiquement libérales. Dans les sociétés de capitalisme avancé à caractère libéral, lesfluctuations ont pris une telle ampleur que dans les périodes de crise le chômeur de dépressiondomine très largement parmi des populations de chômeurs de moins en moins différentes despopulations au travail. En dehors des crises, les sociétés de capitalisme avancé noninterventionnistes connaissent un sous-emploi chronique où le chômeur intermittent est leplus représentatif. La Grande-Bretagne des années vingt est un bon exemple de cette situation.Avec le capitalisme interventionniste apparaît un chômage d’ajustement de haut emploi où lechômeur chronique tient une place privilégiée. Si l’instabilité économique est grande, lespopulations de chômeurs se divisent en deux groupes bien distincts: celui des chômeurs detransition et celui des chômeurs chroniques. En cas de chômage de réserve lié à destransformations structurelles profondes, on retrouve des conditions économiques, et par là despopulations de chômeurs, très voisines de celles des sociétés libérales, avec prédominance detrois types: le chômeur de transition, le chômeur de réserve et le chômeur intermittent. Lesjeunes en quête d’un premier emploi sont très touchés.La composition des populations de chômeurs se distingue plus ou moins de lacomposition de la population active. Quand le chômage est étendu, dans les périodes dedépression intense et durable en particulier, et qu’il frappe au hasard, en fonction decirconstances individuelles fortuites, les chômeurs sont en général aussi employables queceux qui ont une occupation et ne sont pas plus infériorisés qu’eux. En revanche, dans despériodes de prospérité, la population des chômeurs est très différente de la population188


occupée. Plus le chômage est réduit et donc sélectif, plus la composition de la population enchômage a un caractère particulier. Mais, d’une part, cette composition n’apparaît pasimmédiatement et, d’autre part, ne tient pas à la sélection des chômeurs dans un secteur limitédes actifs, sur le plan démographique, professionnel ou autre. En effet, il y a parmi leschômeurs comme parmi les actifs des jeunes et des vieux, des femmes et des hommes, desmanœuvres et des ouvriers qualifiés. Les populations de chômeurs ne sont jamais composéesd’une ou de plusieurs parties spéciales de la population active. Ce ne sont jamais uniquementdes populations de jeunes ou de vieux, de femmes ou de manœuvres. La plupart des grandescatégories sont largement représentées, même lorsque le niveau du chômage est très bas etque les vieux travailleurs comme les travailleurs déficients sont nombreux parmi leschômeurs. C’est que le trait sociologiquement caractéristique des populations de chômeurs,dès que l’on s’écarte du chômage de grande récession, est l’infériorité, d’un niveau moyenplus ou moins marqué. Il y a des jeunes, des gens valides, des hommes, des cadres et destravailleurs qualifiés, mais tel chômeur de vingt-cinq ans est un déficient, tel cadre a plus decinquante ans, tel homme valide est un manœuvre. En période de bas chômage, une fortefraction des chômeurs cumule plusieurs traits d’infériorité. Cela explique que les populationsde chômeurs se distinguent surtout les unes des autres en fonction des types dominants.Les populations de chômeurs ne peuvent donc présenter toute la mêmecohésion sociale. Leur unité collective est très variable. Toutefois, ces variations laissentapparaître quelques grandes formes typiques de groupement, en relation avec la compositiondes populations de chômeurs et le type de chômage.Les populations de chômeurs tendent à former des groupements lorsque lechômage se situe à un niveau assez élevé, soit en raison d’une récession durable et profonde,soit parce qu’il existe un chômage de réserve important. Les types dominants ne présententpas une infériorité marquée; ce ne sont pas des chômeurs chroniques et des marginaux, maisdes sujets qui possédaient avant leur licenciement un emploi stable et qui sont pour une bonnepart des hommes valides, assez jeunes, connaissant un métier. Peu différents des salariés quiont gardé un emploi, ils se trouvent pourtant brusquement placés dans une situation toutedifférente. Ils se sentent victimes de conditions extérieures et se jugent touchés injustement.Comme leur chômage est relativement de longue durée – il y a peu de chômeurs de transitionparmi eux –, ils ont spontanément tendance à reconnaître les liens qui les unissent les uns auxautres. Placés dans une situation commune, tant sur le plan du statut social que sur celui desconditions de vie, ils prennent conscience de leurs intérêts communs, entreprennent souventdes actions communes et en arrivent même parfois à former des organisations. Desphénomènes de ce genre se sont produits assez fréquemment: aux États-Unis, pendant la crisede 1875-1880 et la crise de 1929, en Angleterre au cours de la dépression de 1884-1887, dansdivers pays européens en 1907, 1930-1933, en France au cours des événements de mai 1968.Les chômeurs peuvent former un autre type de collectivité lorsqu’une localitétout entière est touchée directement ou indirectement. Ce fut le cas de la petite villeautrichienne de Marienthal où la seule entreprise industrielle avait dû fermer ses portes 229 . Leschômeurs ne forment pas alors un groupe à part, si ce n’est par rapport à la collectiviténationale. Il s’agit d’une communauté locale victime d’une catastrophe sociale. L’unité mêmedes sorts individuels ne permet pas le développement d’attitudes combatives affermissant lacohésion du groupe. Bien au contraire, la vie collective se relâche dans une communauté queses observateurs ont qualifiée de «lasse». Chaque fois qu’il existe une base écologique des229LAZARSFELD, P., JAHODA, M. et ZEISEL, H., Les chômeurs de Marienthal,Paris, Les Éditions de Minuit, 1981.189


populations de chômeurs (quartier, village ou ville), on voit apparaître des tendances dumême ordre. La réaction de groupe est plus celle de la communauté locale que celle deschômeurs eux-mêmes. En ce sens, l’intégration à une communauté locale réduit l’isolementde chaque chômeur, mais empêche la formation d’un groupe strictement fondé sur la situationde chômage. Ce phénomène devient aujourd’hui de plus en plus rare en raison del’effondrement des communautés locales traditionnelles.En dehors des deux types de populations qui viennent d’être considérés, il n’ya pratiquement aucune cohésion entre les chômeurs. Sans doute la situation de chômage estelleun puissant facteur de communauté, et il y en a bien d’autres, dans les conditions de vienotamment. Mais lorsque le chômage est de faible ampleur, les chômeurs ne peuventaucunement former une communauté. Les facteurs de dissociation l’emportent sur lesconditions favorables à l’unité collective. Il en est ainsi quand le chômeur chronique domine,ou même quand il est associé au chômeur de transition. Ce dernier est à peine un chômeur, ilpasse facilement d’un emploi à un autre, il ne reste pas en chômage, il n’a pas conscienced’être chômeur. Le chômeur chronique, quant à lui, est le plus souvent découragé et enfermédans son cas personnel. On voit donc apparaître des réactions individualistes qui interdisenttoute possibilité de groupement. Les chômeurs ne sont plus qu’une «masse» à très médiocreréseau de communications, où le «nous» actif capable de structurer la population est vécu parun très petit noyau, et même le plus souvent n’existe pas.Le chômeur est un travailleur privé d’emploi. La privation d’emploi, commedonnée objective et comme réalité vécue, prend des formes variées selon les sociétés et lescultures, selon les groupes sociaux auxquels appartiennent les chômeurs. Dans une société oùles sujets qui disposent seulement de leur force de travail sont soumis au salariat, la privationd’emploi est privation de ressources. Même lorsqu’il existe un système d’allocation oud’assurance, il y a toujours une réduction du revenu antérieur. D’autre part, l’aide auxchômeurs est en général limitée dans le temps, à moins qu’elle ne diminue avec la durée duchômage. Les répercussions de cette privation sont importantes. Le niveau de vie et le statutsocio-économique des chômeurs sont atteints, surtout lorsque les chômeurs sont responsablesd’un ménage. Les privations qui s’ensuivent ne concernent pas seulement des élémentssuperflus du train de vie: on a pu observer en France – avant la création des ASSEDIC(Associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) qui versent un complémentd’allocation aux chômeurs – des carences alimentaires graves dans certaines familles dechômeurs ainsi que CARRERE 230 l’observe. Ce n’est pas seulement le niveau de vie qui esten question, mais aussi, et c’est essentiel, le genre de vie. Le budget des ménages doit souventêtre entièrement réorganisé. Il ne suffit pas de réduire les diverses consommations: il faut ensacrifier certaines. Ce changement de genre de vie est fortement perturbant.La privation de sécurité est encore plus anxiogène que la privation deressources. Le chômeur n’a pas cette sécurité relative que donne la possession d’un emploi; ilne sait pas quand il pourra trouver du travail et quel sera ce travail. L’incertitude est sourced’anxiété. Pourtant, tous les chômeurs ne sont pas anxieux ou angoissés. À la suite desnombreuses recherches entreprises depuis la grande crise, on peut distinguer trois attitudesfondamentales chez les chômeurs:230CARRERE, P., étude sur le genre de vie des chômeurs, in Bull.inst.nat.hygiène, N°4, 1955.190


1. l’attitude des chômeurs que l’on peut désigner comme tendus, non brisés(LAZARSFELD 231 ) ou non résignés (GATTI 232 ); ils sont préoccupés de leur avenir, maiscombatifs et pleins d’espoir;2. l’attitude des chômeurs déprimés, désespérés (LAZARSFELD), anxieux (GATTI); ilsont perdu tout espoir de trouver du travail, sont très agités et vivent dans l’angoisse;3. l’attitude des sujets apathiques qui se sont résignés et se montrent insouciants,indifférents et indolents.Les chômeurs des deux premiers groupes sont inquiets de l’avenir, bien que defaçon différente puisque les premiers peuvent être dits anxieux et les seconds angoissés, dansla mesure où le comportement des uns est plus adapté que celui des autres. Ceux du troisièmegroupe ne sont plus troublés par leur situation. C’est le cas de nombreux chômeurschroniques. On a pu observer en effet que la longueur du chômage joue un rôle essentiel: audébut, l’anxiété croît avec la durée, puis elle devient angoisse et, si le chômage se prolongetrop longtemps, l’apathie survient comme le décrivent BEA<strong>LE</strong>S et LAMBERT 233 puisBRUNNGRABER 234 dans leurs ouvrages. Plus le chômeur est attaché à la force de travail,plus il a de responsabilités dans un ménage – ce qui est le cas du célibataire comme du pèrede famille ou de la femme divorcée – plus il est disposé à l’anxiété et à l’angoisse. C’est dansla mesure où il ne vit plus réellement la privation d’emploi, et perd sa volonté de travail parexcès d’infériorité, qu’il devient apathique. Ayant moins d’employabilité – moins de capacitéde travail et moins de volonté de travail –, il est en quelque sorte, comme on l’a déjà vu,moins chômeur. La situation de chômage, prise dans son intégrité, est donc bien anxiogène.Le chômage véritable est essentiellement lié à une société où le statut de celuiqui n’a pas d’emploi, qui en cherche un et reçoit des subsides alors qu’il ne travaille pas, estprofondément incertain, ambigu et même conflictuel. D’un côté, en effet, le droit au travail,revendication de la classe ouvrière depuis le début du XIXe siècle, est légalement reconnudans de nombreux pays à structure capitaliste, en France notamment (Constitutions de 1946 et1958). Ce droit lui-même implique le droit à une aide publique pendant les périodes dechômage. D’un autre côté, parce qu’il existe un marché du travail et que personne n’est obligéde travailler contre son gré, ou d’accepter un emploi qui ne lui convient pas, l’indemnitéversée au chômeur a le caractère d’un secours qui ne doit pas l’encourager à demeurer dansson état. En outre, le travail est fortement valorisé dans notre civilisation: on stigmatise leparesseux qui se laisse entretenir. Il résulte de ces tendances sociales un conflit très réel dansla conscience collective et dans la position du chômeur telle qu’il la ressent et telle que lesautres la perçoivent. Il est à la fois le travailleur sans emploi qui peut légitimement attendre dela société qu’elle lui assure un niveau de vie décent, mais aussi un homme toujours suspect devivre sans rien faire aux dépens de la société. Le mythe du «chômeur professionnel», la231LAZARSFELD, P.F., JAHODA, M., ZEISEL, H., Les chômeurs de Marienthal,1981. LAZARSFELD, P.F., 1901-1976, Cf biographie complète en fin de thèse.232Journaliste, cinéaste et surtout homme de théâtre, résistant, anciendéporté, il a été l’ami de Che GUEVARA et de Jean VILAR. Anarchiste, poète,facétieux et provocateur, Armand GATTI est une légende vivante. Pour lui,la véritable révolution ne peut avoir lieu que par la parole: "Lorsque lelangage pourrit, la révolution pourrit." A 74 ans, GATTI travailleaujourd’hui avec des chômeurs, des drogués, des délinquants, des SDF, qu’ilaide à se dépouiller des identités réductrices imposées de l’extérieur et àqui il tente de rendre, à travers la maîtrise de la parole, la maîtrise deleur destin.233BEA<strong>LE</strong>S, H.L. & LAMBERT, R.S., Memoirs of the Unemployed. Londres,Gollancz, 1934.234Rudolf BRUNNGRABER, OPIUM, Ed. Fernand SORLOT, 1943.191


discrimination que la conscience collective opère entre le «bon chômeur» (qui a droit àl’estime, à des conditions de vie correctes) et les profiteurs du chômage entretiennent chez leschômeurs sinon de la culpabilité tout au moins de la gêne. Le refus d’emplois qui ne leurconviennent pas aggrave ce sentiment.Les conditions dans lesquelles le chômeur doit recevoir l’indemnité dechômage, ou s’inscrire dans les bureaux de placement, restent dans beaucoup de pays trèshumiliantes. L’impression de déchéance qu’il éprouve est renforcée par l’aspect d’assistanceque prend souvent – notamment en France et selon la volonté du législateur – le versement del’indemnité de chômage. Cette déchéance n’est pas toujours ressentie comme totalementimméritée. Tout en réagissant contre l’idée qu’ils sont responsables, certains chômeurs, quiont perdu leur emploi dans des conditions sélectives (ainsi, licenciement individuel dans unegrande entreprise), sont acculés à une sorte de honte. L’humiliation est à son comble. Et ceconflit interne nourrit l’anxiété.Le sentiment d’humiliation n’est pas partagé par tous les chômeurs. Certainsl’ignorent parce qu’ils s’écartent de la position où la privation d’emploi est à son degré le plusfort. Ils abandonnent le statut de chômeur, avec son ambiguïté et ses contradictions, pour unstatut plus sûr et moins infériorisé socialement. Ils se jugent chômeurs par accident, voire parerreur, et provisoirement; ils sont dans l’attente d’une retraite ou d’une pension et seperçoivent déjà dans le statut de «retraité» ou d’«infirme pensionné». C’est le cas debeaucoup de ceux qui ont plus de cinquante-cinq ans ou qui sont diminués physiquement. Detoute manière, ceux dont l’infériorité économique est forte – qui sont affectés de plusieursfacteurs d’infériorité – sont très rarement et très faiblement humiliés. Ils n’ont presque jamaisde honte et ne ressentent guère que des gênes et quelques vexations dans leurs rapports avecles administrations. Ce sont des chômeurs chroniques, apathiques le plus souvent. À l’opposé,le chômeur de transition et le chômeur de dépression sont peu humiliés. L’un n’est pas enchômage assez longtemps. L’autre ne se sent pas responsable d’une situation qu’il partageavec un très grand nombre de travailleurs. L’humiliation ne touche vraiment que lesresponsables d’un ménage dont le chômage à un caractère sélectif, relativement personnel,mais qui ne sont pas trop fortement infériorisés et qui sont sans emploi depuis quelques mois.Ces chômeurs réagissent de façon assez agressive à l’égard de la société et sont d’autant plusrevendicatifs que leur personnalité est menacée par la perte de l’estime de soi. Ils sont plusfacilement humiliés s’ils appartiennent aux groupes salariés non ouvriers de la petitebourgeoisie – employés et cadres moyens – où le prestige du «standing» est une valeuressentielle. Révoltés, mais plus violents en paroles qu’en actes, leur critique porte plus sur leshommes (employeurs ou personnalités politiques) que sur le système social. Le refus del’assimilation au prolétariat les oriente souvent vers des attitudes individualistes. D’ailleurs,l’isolation sociale – due à la rupture des liens sociaux, professionnels surtout, que provoque lechômage – apparaît chez les ouvriers eux-mêmes, principalement chez les manœuvres, quisont en général plus faiblement intégrés à la classe ouvrière que les autres. Contrairement à ceque l’on pourrait penser, le chômage détermine très rarement des attitudes révolutionnaires ausens strict. La critique politique prend souvent chez les chômeurs un caractère beaucoup plusfasciste que socialiste, particulièrement dans les deux groupes qui avaient, avant le chômage,les revenus les plus bas et les revenus les plus élevés comme l’évoque BAKKE 235 .235BAKKE, E.W., The Unemployed Worker : A Study of the Task of Making aLiving without a Job, New Haven, Yale University Press, 1940.192


L’intégration du chômeur au monde du travail et l’assimilation de son statut àcelui du salarié touché par une maladie semblent la finalité des sociétés industrielles évoluées.Elle va de pair avec une réduction de la liberté dans le choix de l’emploi, liberté du reste trèsformelle dans la situation d’impuissance des chômeurs. Leur statut est en train d’évoluer. Ilévoluera sans doute dans le sens d’une diversification, déjà en germe dans la diversité mêmedes situations où se trouvent les chômeurs actuels.6° Le chômeur dans la sociétéL’accroissement du nombre des chômeurs depuis le milieu des années 1970 netraduit pas seulement des modifications quantitatives. Un chômage élevé devient moinssélectif, les catégories sociales qu’il touche sont plus nombreuses et plus variées: on n’ignoreplus le chômage des cadres ou des jeunes diplômés, même si la masse des chômeurs continueà être formée d’anciens ouvriers et employés, dont la qualification est faible. Les chômeursconstituent désormais un groupe dont l’hétérogénéité s’est accrue. On peut donc se demandersi la perception du chômage et la condition de ceux qui en font l’expérience n’ont pas pris desformes nouvelles. Rien ne garantit a priori l’homologie du chômage de la grande crise oumême des années de plein-emploi des «trente glorieuses» et du chômage que connaissentaujourd’hui les sociétés industrialisées. Il suffit d’évoquer l’enrichissement général,l’accroissement de la qualification professionnelle, les interventions de l’État - providence etla maîtrise beaucoup mieux affirmée de la connaissance économique et sociale pour justifierl’interrogation nouvelle sur la condition du chômeur dans les sociétés de la fin des années1980.L’interrogation est d’autant plus justifiée que la définition même du chômeurs’est modifiée. La catégorie statistique apparaît en 1896 pour la première fois en France.Dans les années 1930, la qualité de chômeur était réservée aux hommes adultes, ayantinvolontairement perdu un emploi de salarié dans une entreprise. Pendant longtemps, lanotion de «chômeur» n’avait pas été séparée de celles de retraité, de malade, d’élève ou depauvre. Le chômeur restait un assisté, il n’était pas indemnisé, mais secouru (R.SALAIS 236 etal.). Ce n’est pas un hasard si, depuis la guerre, on propose régulièrement des inclusions oudes exclusions qui aboutissent à de nouvelles définitions du concept, si l’on définitsuccessivement la population sans emploi à la recherche d’un emploi (P.S.E.R.E.) au sens duBureau international du travail (B.I.T.), les demandeurs d’emploi en fin de mois (D.E.F.M.)au sens de l’Agence nationale pour l’emploi (A.N.P.E.), en données brutes, en donnéescorrigées des variations saisonnières, etc. (J.FREYSSINET). Les querelles sur ces définitionset, en conséquence, sur le nombre des chômeurs ne s’expliquent pas seulement par le désir dugouvernement de minimiser ce nombre et par celui de l’opposition de le gonfler. Elles sontliées au fait que la définition même du chômage est administrative, que le taux de chômageest un instrument de la vie sociale et non de la connaissance scientifique et, plusgénéralement, que la définition même du chômage est le reflet de la conception que la sociétése fait à un moment donné du travail, de l’emploi et du non-emploi.Le même concept désigne aujourd’hui des populations qui connaissent lamême situation administrative, mais dont la condition sociale reste très différente. Si, enFrance, la population des chômeurs comprend en 1995, 35 % d’ouvriers et 35 % d’employés,elle compte aussi 11 % de personnes appartenant aux professions intermédiaires et 5 % decadres. Toutes les enquêtes révèlent l’extrême variété des situations vécues à l’occasion du236SALAIS, R, l’analyse économique des conventions de travail, revueéconomique, vol. 40, N°2, P 199-240, 1989.193


chômage en fonction des caractéristiques objectives des individus (âge, sexe, situationfamiliale, activité professionnelle, niveau culturel) et de la trajectoire sociale qui a précédél’entrée dans le chômage. Non seulement les conditions proprement économiques (parfoissimplement désagréables, parfois tragiques) sont très différentes selon les catégories, maisl’épreuve que constitue le chômage prend des formes autres. Celui-ci vient en effetinterrompre une carrière, c’est-à-dire un projet professionnel, tout un système d’attentes etd’aspirations socialement déterminé, dont la définition est intimement liée à l’identité del’individu. Selon la place que le rôle professionnel joue dans l’élaboration de cette identité,l’expérience vécue du chômage prend des formes différentes. Quelles que soient lesdifficultés économiques et même lorsqu’elles sont réduites au minimum, l’épreuve estd’autant plus redoutable que l’individu accordait plus de signification à sa carrière ou, plusmodestement mais tout aussi profondément, à son travail quotidien.Il est frappant de constater que, dans les années 1990, l’expérience du chômagen’est pas fondamentalement différente de celle des années 1930 comme vu avecP. LAZARSFELD et al. ou en 1950-1960 avec R.<strong>LE</strong>DRUT 237 . Pour le plus grand nombre deschômeurs, pour la masse des ouvriers et des employés, pour les cadres, c’est l’activitéprofessionnelle qui continue à définir la dignité personnelle, à organiser le rythme quotidienhebdomadaire et annuel, à offrir l’occasion privilégiée, souvent unique, de la sociabilité.Lorsqu’ils sont privés de leur emploi, ils perdent l’ensemble de ce qui définit leur statut socialet personnel et font l’expérience du chômage total, que caractérisent trois traits: l’humiliation,l’ennui et la solitude. Les expériences ne sont pas vécues de la même façon.C’est parmi les catégories sociales modestes que la norme du travail commeexpression de l’honneur personnel s’impose de la manière la plus directe: l’estime que lesindividus ont d’eux-mêmes est fondée sur le travail. La crise d’identité et de statut tient àl’identification de l’honneur au travail et à une perception dichotomique du monde social, quioppose les travailleurs aux fainéants sans honneur et sans dignité. L’humiliation estrenouvelée et aggravée à l’occasion de chacun des échecs dans la recherche d’un emploi oulorsque le chômeur est contraint aux inévitables démarches administratives. Elle contribue àla désorganisation du rythme quotidien: c’était le travail qui définissait a contrario le tempslibre et lui donnait son véritable sens. Le temps du chômage n’est pas disponible pour lesactivités légitimes du loisir (promenades, lectures, télévision) et de la retraite (jardinage,bricolage), c’est un temps vide qui nourrit et entretient le sentiment de l’ennui. Cet ennui estd’autant plus profond qu’un niveau culturel faible interdit de se consacrer à des activitéssportives ou culturelles, de comprendre et d’analyser sa situation, qu’une faible insertionsociale rend difficile de compenser, au moins au début du chômage et provisoirement,l’inactivité professionnelle par la sociabilité. Cette compensation ne pourrait d’ailleurs êtreque provisoire, car l’humiliation et les difficultés financières limitent rapidement toutesociabilité. Dans les milieux sociaux où les conditions de travail, le niveau culturel et lesystème de valeurs privilégiant l’activité manuelle et pratique limitent les échanges verbaux,l’essentiel de la sociabilité s’exprimait à travers les liens de camaraderie qui s’établissaient àl’occasion et à la suite du travail en commun. Le lieu du travail était aussi un centred’échanges, un milieu social. Cette forme de sociabilité disparue, la majorité vit le chômageen solitaire.237<strong>LE</strong>DRUT, R. Sociologie du chômage, Paris, 1966.194


Alors qu’en 1932 les femmes privées d’emploi ne considéraient pas qu’ellesétaient au chômage et se déclaraient «non payées mais pas chômeuses» (P. LAZARSFELD etal.), elles connaissent aujourd’hui la même épreuve que les hommes. Les chômeuses, quiavaient intériorisé le statut de l’activité professionnelle, refusent l’identification au seul rôlede ménagère, dont l’activité est peu qualifiée et conduit à une solitude qu’elles jugentdramatique. Ce n’est pas un hasard si, dans tous les entretiens avec des chômeuses,l’expression «entre mes quatre murs» revient de manière lancinante: elle symbolisel’impression de solitude et d’emprisonnement que ressent la chômeuse qui a vu disparaître leséchanges sociaux entretenus par l’activité professionnelle. Dans bien des cas s’ajoutent, pourles femmes seules, les conditions économiques difficiles ou dramatiques. Seules certainesjeunes femmes mariées peuvent légitimer pour un temps leur non-travail au nom des chargeset des joies de la maternité. L’expérience que font les femmes à l’occasion de leur chômagemontre que la norme du travail et de l’emploi comme source privilégiée du statut socials’impose désormais également aux deux sexes.Les cadres, eux, s’efforcent de lutter contre la déprofessionnalisation et ladésocialisation spécifiques du chômage total. Ils adoptent des activités de substitution enrecherchant, de manière systématique et professionnelle, un nouvel emploi, en «profitant» dela période de chômage pour acquérir une formation complémentaire et augmenter leurschances de se retrouver sur le marché du travail. Cherchant à se différencier des chômeursmodestes, ils consacrent leur énergie et leur compétence à cette recherche dont ils affirmentqu’elle exige plus de temps, de capacités et d’efforts que l’exercice même d’un métier.Ces activités, conseillées et légitimées par la littérature professionnelle, outreleur justification pratique, ont pour effet de permettre aux cadres chômeurs de se maintenir àl’intérieur des normes et des valeurs de l’univers professionnel auquel ils aspirent. Ils restenten activité sur le monde du «comme si» et s’efforcent ainsi de garder leur distance à l’égarddu rôle de chômeur, inoccupé et humilié, de retourner, au moins symboliquement, le sens deleur épreuve. Grâce à cette expérience, qu’on peut qualifier de chômage différé, ils neconnaissent pas le vide et l’ennui propres au chômage total. Mais leur sentiment d’humiliationn’est pas moins grand. Pour la majorité des cadres, la carrière constitue une préoccupationconstante, «faire carrière» reste la forme privilégiée de l’expression de soi. Or le cadre neperçoit pas seulement son emploi en terme de rémunération immédiate, mais dans le cadred’une carrière, comportant des étapes prévues destinées à prendre place à l’intérieur d’unavenir organisé. Avec le chômage, ce n’est pas seulement l’organisation spatiale et temporellequotidienne qui est remise en question, mais tout le système d’aspirations et de projectionsdans l’avenir, lié à l’image d’une trajectoire professionnelle. C’est cette trajectoire, qui estaussi un plan de vie, que le chômage vient interrompre, risquant de conduire, s’il dure, à unevéritable crise d’identité, que traduit le sentiment d’humiliation et de culpabilité. L’altérationde la sociabilité vient aggraver l’épreuve: bien que les cadres ne connaissent pas la mêmedésocialisation que les chômeurs plus modestes, le réseau des relations s’amoindritprogressivement et cela d’autant plus qu’il était plus étroitement issu de l’activitéprofessionnelle. La diminution des ressources financières, le sentiment d’humiliation et demarginalisation contribuent à limiter, parfois à interdire, les formes habituelles de la viesociale. Au fur et à mesure que se prolonge l’épreuve, la crise de statut et d’identité s’accroîtet les avantages que donne aux cadres la possibilité d’adopter les comportements actifs etvolontaires s’affaiblissent. Le chômage différé n’a qu’un temps.195


Toute autre est l’expérience qu’on peut qualifier de chômage inversé quefaisaient, dans les années 1970, certains jeunes chômeurs, d’origine sociale moyenne oumême élevée, dotés d’une qualification professionnelle faible, en raison d’un niveau dediplôme insuffisant (ou nul), ou bien inadapté au marché de l’emploi (certains diplômessupérieurs de lettres). Ces jeunes, dont certains n’ont pas fait l’expérience de la vieprofessionnelle ou qui ne l’ont connue que de manière sporadique, vivent le chômage commeune période de vacances et adoptent les activités correspondantes: promenades, activitésculturelles, vie sociale. N’ayant pas intériorisé les normes du travail, ils n’éprouvent aucunehumiliation et transfigurent la période du chômage dans les termes de la liberté et del’épanouissement de soi. Cette transfiguration est encore plus efficace pour ceux d’entre euxqui justifient leur situation au nom d’une vocation artistique ou intellectuelle et participentaux normes et aux valeurs d’une contre-culture, dans laquelle l’emploi, au sens classique duterme, est dévalorisé. Opposant aux rythmes réguliers imposés par le travail organisé lesexigences de leur inspiration personnelle, aux nécessités de l’organisation collective la libertéde créer, ils usent avec bonheur de la condition de chômeurs, faisant alterner, au nom de leurvocation, les périodes d’activités partielles et provisoires et les périodes de chômage, dont lesens est inversé. Cette contre-culture, relativement fréquente dans les années 1970, estaujourd’hui beaucoup plus rare, même si, avec le temps, certains chômeurs parviennent às’accommoder de leur condition.Les diverses expériences vécues des chômeurs se traduisent, pour la majoritéd’entre eux, par une condition anomique plutôt que par la révolte violente ou la radicalisationpolitique. Alors que le taux de chômage avoisine 12,5 % de la population active, les chômeursne constituent pas un groupe social animé d’une volonté collective et susceptible de menerdes actions politiques violentes comme l’évoque C. DURAND dans son livre 238 . La diversitéobjective des chômeurs ne favorise évidemment pas l’élaboration d’une identité commune.Mais l’enquête réalisée par P.LAZARRFELD à Marienthal, au début des années 1930, dansune petite ville autrichienne où la seule usine avait dû fermer ses portes, montre qu’unepopulation homogène ne développe pas non plus une cohésion de groupe. Une identiténégative est peu susceptible de fonder une conscience et une action commune commel’exposent J.MOUEL, O. GALLANT, M.-V. LOUIS, in Sociologie du travail 239 . C’est sansdoute la raison fondamentale pour laquelle l’action proprement politique des organisations dechômeurs en France n’a jamais concerné qu’une très faible minorité des chômeurs. De plus,les plus actifs d’entre eux, ou les plus favorisés, consacrent toute leur énergie à échapperréellement et symboliquement à la condition de chômeurs, non à l’assumer ou à larevendiquer. Les chômeurs appartiennent à une même catégorie administrative, ils ne formentpas un véritable groupe social, doté d’une volonté collective susceptible de s’exprimer dansl’ordre politique.La situation anomique explique aussi que, si certains chômeurs, militants actifslorsqu’ils avaient un emploi, gardent leur activité de syndicalistes, le statut de chômeurempêche le plus souvent de compenser l’inactivité professionnelle par d’autres occupations.Le chômeur qui n’a jamais milité dans un syndicat ou dans un parti politique n’utilise pas letemps du chômage pour commencer une période d’activité militante, que lui interdit sonsentiment d’humiliation et de marginalité. Le militantisme syndical et même partisan peut êtreconsidéré comme une des composantes de l’activité professionnelle, une des formes que238DURAND, C., Chômage et violences, Galilée, Paris, 1981.239MOUËL, J., GALLANT, O., LOUIS, MV., Sociologie du travail, Revueéconomique, 1998.196


prend l’insertion sociale au même titre que le travail lui-même. Or le chômage affaiblit laconscience collective liée à l’emploi et la participation sociale liée à ce même emploi.Les effets du chômage sur les résultats électoraux peuvent être directs (le votedes chômeurs) ou bien indirects (le vote des non-chômeurs en fonction de l’existence duchômage). Existe-t-il un effet direct du chômage sur le comportement électoral, autrement ditles électeurs modifient-ils leur vote à cause de leur expérience du chômage ? Et, si c’était lecas, quel serait le sens de cette modification ? Peut-on par ailleurs penser que l’idée duchômage, en d’autres termes, le chômage des autres, la connaissance du taux de chômage ou,plus concrètement, la fréquentation de familiers, d’amis et de voisins chômeurs conduitnombre d’électeurs à modifier leurs choix électoraux ? Et, si c’était le cas, quel en serait lesens: un vote plus à gauche, plus à droite, contre le gouvernement en place, pour legouvernement supposé plus compétent ?Nous ne disposons que de données partielles sur l’effet direct du chômage. Sil’on accepte les analyses d’Alain LANCELOT 240 démontrant le lien entre l’abstention et ledegré d’intégration sociale, on peut faire l’hypothèse d’une abstention plus forte parmi leschômeurs qui connaissent le chômage total ou le chômage inversé, c’est-à-dire la très grandemajorité d’entre eux. On peut penser d’autre part que les cadres chômeurs, consacrant touteleur énergie à ne pas adopter les comportements de chômeurs, ne modifient pas leurs voteshabituels. De fait, une enquête approfondie, bien que réalisée sur un très petit échantillon (31cas), montre que les chômeurs se répartissent dans leurs votes comme le reste de la populationet que les modifications de leur vote d’une élection à l’autre ne sont pas différentes(GARRIGOU, LACROIX, in Les Temps modernes 241 ). Le chômage ne détruit pas les formesde fidélités historiques, familiales ou religieuses, qui orientent les comportements électoraux.Dans leur majorité, les chômeurs appartiennent aux catégories de la population qui participentpeu à la politique et font l’expérience du chômage total. Cette épreuve ne peut que lesdécourager un peu plus et accentuer encore leur tendance à l’abstention. Comme, d’autre part,ils appartiennent aux couches de la population les plus susceptibles de voter à gauche, l’effetobjectif de leur situation de chômeurs peut être d’ôter quelques suffrages aux partis degauche, certains chômeurs, électeurs traditionnels de la gauche, renonçant à exercer leur droitde vote, comme ils renoncent progressivement à toutes les formes de participation sociale, aufur et à mesure que dure le chômage, ou adoptant un vote protestataire, pour les écologistesou le Front national.La relation entre le chômage et l’opinion publique n’est pas moins complexe.Des enquêtes réalisées par les instituts de sondage, on peut tirer la conclusion que l’opinionn’évolue pas en raison directe du nombre global des chômeurs, mais que des licenciementsmassifs dans une région donnée, dont l’annonce est faite par les médias au niveau national,conduit l’opinion à juger importante la lutte contre le chômage. On peut aussi constater qu’enélisant un président de gauche en 1981 et en lui donnant une forte majorité parlementaire, lesélecteurs espéraient qu’il pourrait contribuer à résoudre le problème du chômage et qu’aucours des élections suivantes ils avaient abandonné cet espoir 242 . Autrement dit, l’effet duchômage sur les élections reste médiatisé par une série d’autres facteurs, de nature240LANCELOT, Alain, L'abstentionnisme électoral en France, Armand Colin,1968.241Les temps modernes sont une revue fondée en 1945 dont le directeurfondateur est J.P SARTRE, en 1995, c’est leur cinquantième anniversaire.242DUHAMEL, Olivier et JAFFRE, Jérôme, L'état de l'opinion 1984, Paris,Gallimard, 1984.197


économique et politique même si aujourd’hui les gouvernements sont souvent jugés sur leurcapacité à faire baisser le chômage. Le chômage, à lui seul, n’a pas d’effet direct et simple surles résultats des élections.L’attitude à l’égard du chômage ne peut être comprise indépendamment del’attitude à l’égard du travail et de l’emploi: c’est la signification donnée au travail et à saforme privilégiée dans nos sociétés, l’emploi salarié à durée indéterminée, qui confère sasignification à la période de chômage. Dans des sociétés productivistes, la valeur accordée autravail, héritée de la triple tradition de l’enseignement de l’Église, de la pensée libérale et desthéoriciens socialistes, n’a pas fondamentalement changé depuis les années 1930. L’emploi etla qualification continuent à fixer la position d’un individu dans la société, par rapport à soi etaux autres, à définir son identité personnelle et sociale. Reste que les chômeurs vivent desconditions sociales différentes et appartiennent à des groupes sociaux différents, en sorte quele chômage constitue, plus encore qu’un révélateur, une condition différemment vécue etutilisée par les différents groupes sociaux. Le chômage est étroitement lié à l’économie d’unpays, il est le signal d’alarme d’une mauvaise santé économique et cette dernière entretient lechômage.7° Le chômage et les économiesLa montée du chômage reflète directement la baisse d’activité: les « rigidités »dénoncées à l’époque par les libéraux ne concernent guère la gestion de la main-d’œuvre. Lechômage reste mal connu, surtout dans les pays où il n’existe pas encore de système completd’indemnisation. En France, il existe un décalage troublant entre l’augmentation apparente duchômage (de 500 000 à 1 million de chômeurs selon les estimations en 1935) et la réductionde l’emploi (- 1,8 million d’emplois entre 1929 et 1935), ce qui dénote un fort « chômagemasqué». En Allemagne, on compte en 1932 un tiers de chômeurs parmi les ouvriersbénéficiant de l’assurance chômage. Calculés par rapport à la population active totale, selon laconvention actuelle, les taux de chômage culminent, en 1932-1933, à 15 % en Grande-Bretagne, 17,5 % en Allemagne, 24 % aux États-Unis (un demi-siècle plus tard, en 1982, lestaux de chômage respectifs de ces pays étaient de 13 %, 8,5 % et 10 %). Ce chômage massifsoulève d’autant plus d’inquiétude qu’il tend à devenir permanent dans certains pays: de 12,6millions en 1933, le nombre des chômeurs américains retombe seulement à 7,3 millions lorsde la reprise de 1937, et la récession de 1938 le porte à nouveau au-delà de 10 millions.Avec la chute des investissements (souvent interprétée comme le signe d’untarissement durable des occasions d’investissement), c’est l’installation du chômagepermanent qui contribue le plus à alimenter les thèses pessimistes sur l’avenir du capitalisme.Pour les tenants de l’école « stagnationniste », qu’ils soient de tendance marxiste commeSWEEZY 243 ou keynésienne comme HANSEN 244 la dépression annonce l’épuisement de la243SWEEZY, Paul M., La théorie de développement de capitaliste, D. DOBSON,Londres, 1946.244Dans les années précédant la Deuxième Guerre mondiale et au cours decelle-ci, la théorie dynamique la plus populaire du changement économiqueétait la doctrine lugubre de la "stagnation séculière" (ou de la "maturitééconomique") proposée par le Professeur Alvin H. HANSEN. L'explication dela Grande Dépression des années 1930, pour HANSEN, était que les États-Uniss'étaient embourbés dans une stagnation permanente, de laquelle elle nepouvait être tirée par le capitalisme de libre-échange. Une année ou deuxaprès la publication de la Théorie générale de KEYNES, HANSEN avait sautédans la Nouvelle Économie pour devenir le keynésien américain majeur.198


croissance et l’entrée inéluctable des économies capitalistes avancées dans une stagnationséculaire. Leurs thèses rencontrent d’autant plus d’échos que les ravages de la crise seconcentrent de façon très visible sur quelques points névralgiques; de grandes régionsindustrielles, comme le nord de l’Angleterre, toute l’industrie des biens d’équipement, lesactivités d’exportation font figure de « secteurs sinistrés ». Comment ne pas être impressionnépar le contraste avec les succès dont se prévaut alors l’U.R.S.S. stalinienne, engagée sur lavoie de l’industrialisation autarcique ?L’effondrement du commerce international, qui accuse de 1929 à 1933 unechute plus que proportionnelle au recul de la production, tient une place centrale dans leprocessus de la crise. Les activités exportatrices sont doublement pénalisées: par lacontraction du volume des échanges et par la chute des prix mondiaux, bien plus profonde quecelle des prix du « secteur abrité » (activités tournées vers le marché intérieur). Leur détressegénérale, qu’il s’agisse des cultures commerciales en proie à la mévente, du secteur minier oudes industries d’exportations frappées par un chômage massif, est l’un des traits saillants desannées trente – ce qui laisse prévoir le rôle des relations internationales dans la propagation dela crise et les mécanismes cumulatifs de contraction. De 1933 à la guerre, le commercemondial tend à se stabiliser à un niveau très déprimé; l’absence de véritable redressement deséchanges demeure l’un des principaux obstacles à la reprise. Les économies les plusvulnérables sont les plus dépendantes du commerce extérieur, les plus endettées, et celles quisubissent une brusque détérioration de leurs termes d’échange – la plupart des économiesexportatrices de matières premières cumulant précisément ces trois caractéristiques.La liste des pays les plus atteints, selon le critère de la chute du revenunational, frappe d’abord par son hétérogénéité. Viennent en tête les États-Unis, principal foyerde la crise, mais aussi la Hongrie, petite nation agricole, où le revenu national chute de moitiéen valeur courante entre 1929 et 1932, suivis de près par l’Allemagne, économie industrielle,et l’Australie, économie « primaire », deux pays à revenu par tête élevé, mais lourdementendettés (ce sont les deux plus forts débiteurs mondiaux). Les États-Unis et l’Allemagne,respectivement première et deuxième puissances industrielles, accusent la plus fortecontraction de leur indice de production manufacturière (- 40 % entre 1929 et 1932), mais desnations industrielles de second rang, comme la Tchécoslovaquie ou l’Autriche, ou faiblementindustrialisées, comme la Pologne, subissent un recul proportionnellement presque aussiprofond. L’économie du Chili est bouleversée par l’effondrement de ses exportations (cuivreet nitrates), dont la valeur chute de 80 % entre 1928 et 1933. À l’inverse, l’Afrique du Sud estsans doute le seul pays gagnant à la crise, en tant que premier producteur d’or, dont la valeuraugmente (en pouvoir d’achat) du fait de la baisse mondiale des prix, puis (en termesmonétaires) à la suite des dévaluations successives de la livre (1931), du dollar (1933), dufranc (1936)... Parmi les économies « attardées », rares sont celles qui sont demeurées assezfermées pour échapper aux atteintes de la crise. Toutefois, la « mise en valeur » de certaineséconomies coloniales (colonies japonaises, comme la Corée, françaises comme l’Algérie ou leMaroc) se poursuit dans le cadre de la politique d’expansion impériale (Japon) ou de repli surl’Empire (France, Grande-Bretagne).Mais il faut surtout insister sur les formes très différentes que prend la crisedans le « secteur primaire » et le « secteur industriel » de l’économie mondiale. Alors que,dans le secteur industriel, la crise s’identifie à la chute de la production et de l’emploi, c’estau contraire l’inélasticité de la production du secteur primaire (face à une demande réduite,notamment pour les matières premières industrielles) qui fait problème: elle maintient unesurproduction permanente, d’où, au sein de la baisse générale des prix, la chute bien plus199


profonde encore des prix agricoles et miniers. Aux États-Unis, le pouvoir d’achat des produitsagricoles en biens industriels est amputé d’un tiers entre 1929 et 1933. En France, de 1929 à1935, la chute des revenus agricoles (malgré le maintien du volume de la production) dépassecelle de tous les autres revenus d’entreprise, alors que la part globale des revenus salariaux aaugmenté malgré le chômage. Mais la détérioration des termes de l’échange affecte plusgravement encore les économies dominées par la périphérie, qui se heurtent à la montée duprotectionnisme mondial. Les premiers pays à abandonner l’étalon-or, vers 1930, sont lespays neufs les plus endettés. Plusieurs nations d’Amérique latine, malgré une compressiondrastique de leurs importations, doivent renoncer à assurer le service de la dette, ce qui lesprive de tout nouveau crédit extérieur. Les difficultés des économies dominées rejaillissent àleur tour sur les économies dominantes: plus encore que les mécanismes internes decontraction, c’est la force des interactions internationales qui caractérise la crise de 1929 etexplique son ampleur.Crise d’origine nationale ? Crise « importée » ? ROOSEVELT 245 , lors de lacampagne électorale de 1932, s’oppose vivement à son adversaire HOOVER 246 , qui prétendrejeter sur l’Europe la responsabilité de la crise américaine. De fait, la thèse d’une criseimportée est bien moins plausible pour l’économie dominante que pour toutes les autres. Vers1929, les États-Unis assurent à eux seuls 12 % du commerce mondial, 45 % de la productionmanufacturière mondiale, et plus de trois quarts des investissements extérieurs. L’économieaméricaine, de par ses dimensions et son caractère autocentré, exerce une influenceasymétrique sur le reste du monde. On ne saurait donc minimiser les origines américaines deretournement. Pourtant, ce sont les déséquilibres internationaux préexistants au choc de 1929qui vont jouer très vite un rôle déterminant dans l’amplification de la crise mondiale.Le déclenchement de la crise américaine peut être relié soit aux excès de laspéculation en 1928-1929, soit aux points faibles de l’expansion des années vingt. Troisd’entre eux sont couramment évoqués: le coup d’arrêt donné en 1920 à l’immigration; lasurproduction agricole, qui compromet le pouvoir d’achat des « farmers »; l’aggravation desinégalités de répartition, au détriment en particulier des salaires ouvriers, qui sont loin deprogresser conformément aux gains de productivité. Si réels que soient ces problèmes, ils nepeuvent être considérés comme l’origine directe de la crise, puisqu’ils n’ont pas empêché lavigueur de l’expansion jusqu’à l’été de 1929. Mais il est vrai qu’il s’agit d’une croissancevulnérable, à base étroite, entièrement fondée sur les deux composantes les plus instables dela demande globale: l’investissement en moyens de production (qui dépend des anticipationsoptimistes sur le maintien de la croissance) et les biens d’équipement durables, avant tout lademande d’automobiles, « dopée » vers 1928-1929 par un brusque essor du crédit à laconsommation. Symbole de la prospérité américaine, l’industrie automobile, avec uneproduction mensuelle de 622 000 véhicules en mars 1929 (ce qui correspond à un doublementdu parc en moins de quatre ans), accélère sa croissance dans des proportions manifestementinsoutenables à moyen terme.Il n’est pas rare, dans l’histoire des crises industrielles, que la principalebranche motrice de l’expansion devienne le premier foyer de la crise: c’est le cas en 1929. Lekrach de l’automne de 1929 transforme ce qui n’était encore qu’un simple palier en recul déjà245ROOSEVELT Franklin Delano (1882-1945), Sénateur démocrate de l'Etat deNew-York en 1910, il est élu président des Etats-Unis à partir de 1932. Cfbiographie complète en fin de thèse.246HOOVER Herbert Clark (1874 -1964) est le 31 e Président des États-Unis de1929 à 1933. Cf biographie complète en fin de thèse.200


sérieux. Le krach lui-même peut s’interpréter comme la prise de conscience du décalagetotalement irréel qui s’était opéré entre les cours boursiers et la véritable valeur des titres, surla base des dividendes versés aux actionnaires: c’est l’éclatement de la « bulle spéculative ».Mais ce brusque retour à la réalité déclenche aussitôt une révision pessimiste desanticipations: d’où le dégonflement des stocks, le frein mis aux investissements,l’effondrement des ventes de biens durables (170 000 automobiles vendues en novembre,93 000 en décembre malgré la reprise saisonnière attendue). Une crise de liquidités contribueà accentuer le recul général de l’activité. Mais il est difficile de mettre en cause, à ce stade, leserreurs de la politique monétaire: la première grande vague de faillites bancairesn’interviendra qu’un an plus tard, à l’automne de 1930, alors que le contexte internationals’est déjà profondément dégradé dans l’intervalle.La crise mondiale peut s’interpréter comme le résultat de deux « chocsdéflationnistes » successifs, provoqués par les phases opposées de la conjoncture américaine:en 1928-1929 (boom spéculatif aux États-Unis), une forte réduction des exportations decapitaux américains; en 1929-1930 (déclenchement de la crise aux États-Unis), unediminution non moins brutale des importations américaines.D’abord, en effet, l’attrait de plus-values spectaculaires draine la masse descapitaux vers les placements en valeurs américaines, au détriment des investissementsextérieurs. Du premier au second semestre de 1928, le montant des émissions étrangères sur laplace de New York chute de plus de moitié. Les pays débiteurs, qui dépendent depuis laguerre d’un flux permanent de crédits extérieurs pour le financement de leur déficit courant,sont aussitôt en difficulté; la baisse de l’activité mondiale, comme on l’a vu, débute en Europecentrale et dans les pays neufs. En relevant le taux d’escompte pour tenter de freiner laspéculation boursière, les autorités américaines ne font que renforcer l’attrait de la place deNew York sur les capitaux flottants (au détriment surtout de Londres), et accentuent du mêmecoup les difficultés de leurs partenaires européens.En 1929, seconde rupture: le recul des importations américaines, directementlié à celui de la production industrielle, amorce la spirale de contraction du commercemondial. Les importations des États-Unis baissent alors plus vite que leurs exportations. Lerôle directeur de la conjoncture américaine sur les marchés de matières premières se traduitpar la chute des prix mondiaux, aussitôt aggravée par la tendance au déstockage. L’effet - prixs’ajoute donc à l’effet - volume pour provoquer, au seuil de 1930, un excédent commercialrecord des États-Unis (déficit du reste du monde). Enfin, l’adoption en 1930 du tarifHAW<strong>LE</strong>Y-SMOOT 247 inaugure la surenchère protectionniste mondiale, au moment même oùle flux des crédits extérieurs va se tarir définitivement.247Excepté sous WILSON, les États-Unis ont pratiqué le protectionnismedouanier de la guerre de Sécession à 1934. Ce protectionnisme étaitjustifié par la nécessité de préserver le niveau de vie des travailleursaméricains face à la concurrence de produits importés fabriqués par unemain d’œuvre étrangère bien moins payée. Le tarif HAW<strong>LE</strong>Y-SMOOT de 1930, estl’apothéose du protectionnisme ce qui augmenta les tarifs à l'importationdans le but de protéger les producteurs locaux mis en danger par lacompétition internationale. En réponse à cette politique, d'autres paysaugmentèrent à leur tour leurs tarifs, mettant en très mauvaise posture lessociétés américaines qui vivaient de l'exportation. Ce qui conduisit à unesuite d'augmentations des tarifs qui fragmenta l'économie mondiale.201


Les effets de deux ruptures – financière et commerciale – interfèrent et serenforcent mutuellement. En prenant comme point de départ les difficultés des pays les plusvulnérables aux restrictions de crédits, l’amplification de la crise peut être analysée à traversles relations triangulaires entre les États-Unis, l’Europe et la « périphérie ». Ainsi, la baissedes importations lainières de l’Allemagne, coïncidant avec le déstockage en Australie,précipite l’effondrement des cours dès l’été de 1929. En 1930 déjà, la capacité d’importationdes pays vendeurs de produits primaires est gravement amputée. La chute des exportationsvers ces pays constitue l’origine directe du retournement en Grande-Bretagne. Financièrementfragile depuis la guerre, l’économie britannique est alors bien plus affectée que l’économieaméricaine, parce qu’elle est plus ouverte (son taux d’exportation est plus de trois foissupérieur) et bien plus tournée vers la périphérie. Dans le cas de la France, oùl’investissement garde tout son élan jusqu’en 1930, il est plus clair encore que les difficultésdes activités exportatrices sont le « point de pénétration » de la crise mondiale vers 1930-1931.La dislocation de l’économie mondiale après 1930 résulte d’abord de la montéedu protectionnisme, qui dépasse tous les précédents historiques. D’abord, par la rapidité de sadiffusion, selon une dynamique à la fois intersectorielle (toute « protection » accordée à unsecteur en difficulté déclenche les revendications d’autres secteurs, qui réclament desavantages équivalents) et internationale, à travers l’engrenage des mesures de rétorsion.Ensuite, par sa généralisation: même l’Angleterre, citadelle du libre-échange, se joint aumouvement. Enfin, par l’apparition d’un type nouveau de protectionnisme, reposant sur desrestrictions quantitatives: les quotas (ou contingentements), instrument discrétionnaire entreles mains des autorités, se superposent à la traditionnelle protection tarifaire, elle-mêmeportée à des taux doubles ou triples des maximums de la fin du XIXe siècle. Contrairement auprotectionnisme d’avant 1914 ou à celui des années soixante-dix, qui n’ont pas empêché uneforte croissance du commerce mondial, le protectionnisme des années trente s’identifie à unefermeture durable des économies nationales.Mais les ruptures monétaires contribuent, de façon plus radicale encore, aucloisonnement de l’espace économique international à partir de 1931. La disproportion entrele détonateur (menace de faillite d’une grande banque autrichienne, le Kredit Anstalt) et lesrépercussions mondiales de la crise financière justifient un retour sur ses antécédents.L’endettement international, de nature en grande partie politique, consécutif à la guerre de1914, représente une menace d’autant plus grave que des flux rigides (paiementsgouvernementaux) coexistent avec des flux instables (placements à court terme). Letarissement de l’apport extérieur risque de se transformer en reflux, compromettant lasolvabilité des pays endettés, et du même coup la position de leurs créanciers. Or l’un d’eux,la Grande-Bretagne, est particulièrement vulnérable depuis la guerre. Ses placementsextérieurs reposent non plus sur des excédents solides de sa balance des paiements, mais surle statut international de la livre. La livre est acceptée comme monnaie de réserve,conjointement avec le dollar, dans le cadre du Gold Exchange Standard. Mais la concurrenceentre les deux monnaies est inégale (la livre paraît surévaluée depuis 1925, les réserves d’oranglaises sont faibles). Toute perte de confiance risque d’avoir des conséquences explosives,dès lors que les détenteurs d’avoirs en sterling demandent leur remboursement en or,conformément aux règles de l’étalon-or.202


Tel est le contexte où intervient la séquence des crises financières de 1931. Enmai 1931, la révélation des difficultés du Kredit Anstalt et l’annonce d’un plan de sauvegardedéclenchent aussitôt des retraits massifs de fonds. La solvabilité des banques allemandes,créancières de l’Autriche, est menacée, et le foyer de la crise se déplace vers l’Allemagne. Lemoratoire HOOVER, qui interrompt les paiements intergouvernementaux en juin 1931, necalme pas la panique. En juillet 1931, le gouvernement allemand applique un moratoirebancaire général et instaure le contrôle des changes. Les « accords de consolidation », signéspar les créanciers de l’Allemagne, consacrent le gel de leurs actifs. Dès lors, la pression sur lalivre ne peut que s’accentuer. Face à l’accélération des sorties de capitaux, et sous la menaced’un épuisement des réserves d’or, le gouvernement anglais met fin à la convertibilité-or de lalivre (« dévaluation » de septembre 1931). Devenue monnaie flottante, la livre perd dans lestrois mois qui suivent un tiers de sa valeur vis-à-vis du dollar ou du franc.Les autres pays sont placés devant un choix redoutable: suivre la dévaluationde la livre (pays scandinaves, dominions, et un peu plus tard le Japon), ou subir lesinconvénients d’une monnaie surévaluée au regard de la livre – ce qui oblige à s’isoler à l’abridu contrôle des changes (Allemagne, Italie) ou à tenter de défendre la parité-or de leurmonnaie en appliquant des politiques déflationnistes (France et pays du bloc-or jusqu’en1936, États-Unis jusqu’en 1933). La chute de la livre marque à la fois la fin du GoldExchange Standard et le début des pressions sur le dollar. En décidant de convertir en or leursavoirs en dollars (ce qui équivaut à une destruction de monnaie internationale), pour ne passubir de nouvelles pertes en cas de dévaluation, les principales banques centrales provoquentune gigantesque déflation mondiale, qui se superpose aux déflations nationales.La dépression des années trente, marquée par la baisse cumulative des prix etdes revenus, par la contraction de la masse monétaire et de la demande globale, se développesous le signe de la déflation. Les mécanismes déflationnistes sont au cœur de la crise, commelors des crises antérieures, mais avec une force exceptionnelle. Compte tenu du fortendettement préalable, la déflation, en accroissant le poids réel des charges fixes d’intérêt,constitue un facteur aggravant décisif de la chute des investissements. Aux États-Unis, vers1932, l’investissement brut est presque tombé à zéro; l’investissement net est largementnégatif. L’outillage vieillit. La résistance à la baisse des salaires nominaux a des effets plusambigus. Selon l’approche libérale, le coût réel excessif de la main-d’œuvre est facteur dechômage. Selon l’approche keynésienne, le maintien du pouvoir d’achat limite la crise, ensoutenant la demande globale.Mais le fait saillant est que, dans tous les pays, jusque vers 1932-1933, despolitiques explicitement déflationnistes tendent à renforcer la déflation spontanée. La hantised’une nouvelle inflation après le traumatisme des années vingt, en France ou surtout enAllemagne, les réflexes d’orthodoxie financière (l’État doit « donner l’exemple » enrétablissant l’équilibre budgétaire) ne suffisent pas à expliquer la généralisation de cespolitiques qui, appliquées avec fermeté, ne pouvaient qu’aggraver encore la chute d’activité.En fait, la déflation budgétaire, malgré un série de programmes d’« économies », ne parvientni à résorber le déficit dû avant tout à l’amputation des recettes fiscales par la crise, ni même àfreiner sensiblement la progression en valeur réelle des dépenses publiques; en France, aupoint culminant de la déflation de Laval (1935), le déficit approche de 5 % du revenu national(peu de déficits volontaires de l’ère keynésienne atteindront pareille ampleur). Les politiquesde déflation salariale, amorcées vers 1931 en Allemagne et en Grande-Bretagne (le travailliste203


Mac DONALD 248 réduit les indemnités de chômage pour faire pression sur les salaires),poursuivies avec obstination par l’Italie fasciste, ne parviennent nulle part à assurer lerétablissement des profits et la reprise spontanée des investissements. Quant à la déflationmonétaire, sans faire l’objet d’un choix politique délibéré, elle semble avoir exercé uneinfluence majeure sur le déroulement de la crise américaine: en maintenant une politiquerestrictive, ou du moins en laissant la masse monétaire se contracter à un rythme sansprécédent à partir de 1930, faute d’appliquer une politique expansionniste, les autoritésmonétaires – selon la thèse célèbre de M. FRIEDMAN – portent la responsabilité des vaguesde faillites bancaires successives qui ont secoué les États-Unis de l’automne de 1930 auprintemps de 1933, et transformé du même coup une crise « ordinaire » en catastrophe sansprécédent.Le manque de cohérence des politiques déflationnistes, le diagnosticfondamentalement incorrect dont elles procèdent, leur nocivité quand elles ont été réellementappliquées n’est guère contestable. Mais, comme l’observe B. EICHENGREEN 249 , il n’estpoint nécessaire de postuler un aveuglement général des contemporains pour expliquer leurprévalence. Aussi longtemps que la «contrainte extérieure » dominait les politiquesnationales, et que la défense de la parité-or de la monnaie restait l’objectif primordial,l’orientation déflationniste s’imposait. Ce n’est donc pas un hasard si celle-ci se maintientjusqu’en 1933 aux États-Unis, jusqu’en 1935-1936 en France et dans les pays du bloc-or.La crise de 1929 est longtemps demeurée un champ clos où s’affrontent lesexplications concurrentes. Les approches libérales, qui insistent sur les atteintes auxmécanismes concurrentiels (L. ROBBINS 250 , 1934); les approches marxistes, centrées sur labaisse tendancielle du profit dans un monde capitaliste voué à la sous-consommation(E. VARGA, 1935 251 ); les approches keynésiennes, qui situent l’origine de la crise dans unedéficience de la demande globale, par épuisement des occasions d’investissement(A. HANSEN, 1941 252 ) ou chute de la consommation (P. TEMIN, 1976 253 ); enfin, lesapproches monétaires, qui mettent en exergue l’impact de la déflation sur le poids réel de la248 James Ramsay MACDONALD (1866-1937) fut un homme politique britannique.Cf biographie complète en fin de thèse.249EICHENGREEN, B, The Classical Gold Standard in Interwar Perspective, inGolden Fetters ? Tge Gold Standard and the Great Depression, 1919-1939,Oxford University Press, chap. 2, pp. 29-66,1992.250La meilleure analyse de la crise actuelle a été faite par ROBBINS, TheGreat Depression, London 1934 (La grande dépression, 1935).251Varga (1935[1976]) : commentateur marxiste dont les thèmes sont lacrise généralisée du capitalisme, la dépression agricole des années 20 etle capital financier auteur de La crise économique sociale politique,Éditions Sociales, Paris.252La critique de HANSEN lui en fournit le prétexte. HANSEN (1941)soutenait ce qu’il est convenu d’appeler la thèse stagnationniste. Quand lerevenu augmente, l’épargne s’accroît alors que les opportunitésd’investissement disparaissent. Les épargnants sont ainsi poussés àthésauriser plutôt qu’à investir. La demande de biens est trop faible pourabsorber la production qui diminue. En d’autres termes, les classiquesavaient raison de soutenir que l’économie tend vers une situation oùl’investissement est nul. Mais, ils avaient tort quand ils pensaient que laflexibilité des salaires et des prix permet d’assurer le plein emploi de lamain d’oeuvre dans une situation stationnaire. Mais, derrière HANSEN, c’estl’idée que KEYNES avait développée dans le chapitre 16 de la Théoriegénérale qui est visée.253TEMIN, Peter, Two Views of the Industrial Revolution, Journal ofEconomic History 57, March 1997.204


dette (I. FISHER, 1933 254 ) ou les erreurs de la politique monétaire américaine(M. FRIEDMAN et A.SCHWARZ, 1963) sont en fait à bien des égards complémentaires,malgré d’évidentes divergences, notamment sur l’incidence de la variable salaires réels. Uneinterprétation cohérente doit articuler – et non opposer – les explications conjoncturelles ouaxées sur les erreurs de politique économique et les explications structurelles (par exemple, entermes de blocage du « mode de régulation » concurrentiel; R. BOYER, J. MISTRAL,1983 255 ). Mais la compréhension de la grande dépression a surtout progressé grâce auxanalyses convergentes (C. KINDELBERGER, 1973; D. ALCROFT, 1977; P. FEARON,1978) qui insistent sur la dimension internationale des enchaînements. La gravité de la criseest due aux conditions déséquilibrées du rétablissement de l’étalon-or après la guerre, dans unmonde où se cumulent les facteurs d’instabilité financière et où il n’existe plus de leadershipinternational: la Grande-Bretagne n’est plus en état d’exercer le rôle qui était le sien avant1914, et les États-Unis, confrontés à leurs propres problèmes, ne sont pas prêts à assumerleurs responsabilités mondiales.Le président ROOSEVELT, dès l’inauguration de son mandat en mars 1933,affirme résolument la priorité au redressement économique national sur tous les impératifsinternationaux. C’est aussi dans un cadre national que se développent les politiques de reprisedes autres grands pays. L’interprétation de la reprise reste un sujet bien plus controversé queles mécanismes de crise. Mais l’issue à la dépression est en général créditée d’avoir ouvert lavoie à la grande expansion d’après guerre. Au-delà d’une reprise cyclique, elle représente unchangement de « régime économique » (P. TEMIN), marqué par le renversement desanticipations en 1933; elle conduit à instaurer une « convention keynésienne de pleinemploi» (N. BAVEREZ 256 ), et finalement un nouveau « mode de régulation » – « fordiste »(M. AGLIETTA) 257 – caractérisé par l’interaction continue entre les gains de productivité etla progression du pouvoir d’achat salarial. Mais ce schéma général doit être confronté àl’analyse historique. Parmi les démocraties occidentales, il est troublant de constater que lesdeux grands pays dont les choix symbolisent la volonté de surmonter la crise déflationniste –les États-unis, avec le New Deal en 1933, la France, avec le Front populaire en 1936 – sontles derniers à ne pas avoir réellement émergé de la dépression avant 1939, alors que254FISHER, Irving, La théorie des grandes dépressions par la dette et ladéflation, Revue française d’économie, Vol. III, N°3,1933. Une analyse descrises financières du XXe siècle telles que, la crise asiatique, le krachde 1987 et la grande dépression de 1929, montre qu'elles ont toutes pourorigine un surendettement des agents non financiers (surtout entreprises)générant une instabilité financière. Fischer établit une théorie à cepropos en faisant une analyse du krach de 1929, qui met en perspective desfacteurs endogènes à l'économie générant une crise cumulative etl'importance de l'intervention de l'Etat pour empêcher à la crise de sedévelopper. Avec cette théorie, FISCHER s'inscrit, de nos jours, àl'encontre de la pensée monétariste, par le fait qu'il rejette l'hypothèsede neutralité de la monnaie.255R. BOYER, J. MISTRAL, Accumulation, inflation, crises, éditions PUF,1983.256Nicolas BAVEREZ est historien, économiste, éditorialiste au Point et auxEchos. Il a publié plusieurs ouvrages, dont Raymond Aron, un moraliste autemps des idéologies (Flammarion, 1993, rééd. 2005), Les trente piteuses(Flammarion, 1995), La France qui tombe (Perrin, 2003).257Michel AGLIETTA est professeur de sciences économiques à l'université deParis-X-Nanterre et conseiller scientifique au Centre d'Etudes Prospectiveset d'Informations Internationales (CEPII), Michel AGLIETTA est spécialisted'économie monétaire internationale. Il est l'auteur d'ouvrages deréférences comme Régulation et crises du capitalisme (1976), (Odile JACOB1997, La violence de la monnaie (avec André OR<strong>LE</strong>AN, 1984).205


l’Angleterre met à son actif un redressement précoce et soutenu, hors de toute rupture. Et l’onhésite davantage encore à suivre P.TEMIN (1989) lorsqu’il englobe sous le terme de« socialisme », annonçant les orientations de l’après-guerre, à la fois l’expérience du NewDeal 258 et celle de l’Allemagne après 1933.L’Allemagne nazie, en se fermant par un contrôle des changes draconien, enaugmentant les dépenses publiques civiles, puis (à partir de 1936) militaires, réussit unerésorption spectaculaire du chômage. Mais les résultats en termes d’investissement et de gainsde productivité sont loin d’annoncer les performances de l’après-guerre, tandis que lessalaires sont bloqués. Parmi les pays totalitaires, le bilan de l’Italie est plus médiocre, celui duJapon nettement supérieur. Seul de tous les grands pays, ce dernier accroît le taux d’ouverturede son économie au cours des années trente, du fait de l’expansion impériale mais aussi de lasur-dévaluation du yen après 1931. C’est en 1936 que l’influence du réarmement devientdécisive, comme en Allemagne. Dans les deux pays, l’effondrement de 1945 marque unerupture radicale avec le passé.En Grande-Bretagne, le redressement est consécutif non à un choix depolitique économique, mais à la dévaluation de septembre 1931, imposée par lescirconstances. Or l’effet expansionniste de la dévaluation ne joue pratiquement pas sur lesexportations britanniques; il s’exerce indirectement sur la politique monétaire interne: libéréesde la contrainte de défendre la parité-or, les autorités pratiquent une politique de cheapmoney (très faibles taux d’intérêt), qui favorise une reprise spectaculaire de la constructionde logements. On ne saurait évoquer pour autant un changement de « régime économique ».L’interventionnisme sectoriel et régional du gouvernement anglais reste très éloigné d’uninterventionnisme macro-économique de type keynésien. Mais le bilan est remarquable, pourune économie confrontée, depuis le début du XXe siècle, à de graves problèmes structurels.La Grande-Bretagne est le premier pays d’Europe à dépasser vers 1935 le niveau de 1929,avant l’Allemagne, et la modernisation des secteurs clefs y est au moins aussi rapide. Lecontraste est plus éclatant encore avec l’enlisement de la France dans la dépression jusqu’en1935, et avec les incertitudes de la reprise française de 1936 à 1939.Le New Deal doit-il, en dépit de ses incohérences, être tenu pour l’expériencela plus porteuse d’avenir ? Un foisonnement de mesures, les unes acceptées, les autrescombattues comme en France par le patronat, traduit une implication de l’État dans la vieéconomique sans précédent en temps de paix. L’objectif direct – faire remonter les prix – estatteint après la dévaluation du dollar en 1933. La hausse des salaires nominaux et réelsdevance la reprise. Le chômage est indemnisé. Mais le contenu du nouveau « compromissocial » demeure très incertain. L’économie américaine, de rebonds en rechutes, n’a réussi àla veille de la guerre ni à retrouver le niveau d’investissements de 1929, ni à résorber unchômage massif et permanent. Le « réamorçage de la pompe » n’a pas eu lieu. QueROOSEVELT garde malgré tout le prestige d’avoir osé affronter la dépression est révélateurdu traumatisme qu’est demeurée, pour l’Amérique, la crise de 1929.258Le New Deal (Nouvelle donne) est le nom de la politiqueinterventionniste mise en place à l’instigation du président américainFranklin Delano ROOSEVELT pour lutter contre la crise économique de 1929.On pensait alors que la crise était causée par une instabilité inhérente aumarché, et que l’intervention du gouvernement était nécessaire pourrationaliser et stabiliser l’économie. Le New Deal constitue donc unepremière expérience d'État-providence aux États-Unis206


L’issue à la dépression des années trente est en fait la guerre, qui réalise une« nouvelle donne » mondiale. En 1945, les États-Unis affirment leur leadership au sein ducamp occidental. L’intervention gouvernementale, « keynésienne » ou non, bénéficie danspresque tous les pays d’un consensus au moins provisoire, et prend une dimensioninternationale avec le plan MARSHALL. Condition essentielle de la croissance, laréouverture des économies nationales devient dès 1945 une priorité.« Je ne crois pas que les récessions soient inévitables » (LyndonB.JOHNSON 259 ). Avec un orgueilleux optimisme, la génération des Trente Glorieuses pensevivre une ère nouvelle de l’histoire économique, celle d’une croissance indéfinie, libérée de latyrannie des cycles et de la fatalité des crises. Le retournement de tendance qui intervient en1973 montre les limites de ces prétentions. Le spectre de la crise réapparaît. Pourtant, le termemême de crise est souvent contesté, ses origines sont mal définies, ses limites chronologiquesimprécises. Sans doute parce que nous manquons du recul nécessaire, la plus grandeconfusion règne encore sur la signification de la période ouverte par le choc pétrolier de 1973.Pour clarifier le débat, un détour par l’analyse des chiffres et des dates s’impose.Si l’on doit parler avec Jean FOURASTIE 260 de (presque) trente ans de gloireet de croissance flamboyante, les vingt années qui suivent tranchent par la médiocrité de leursperformances: le P.I.B. n’augmente que de 2,6 % par an dans l’ensemble de l’O.C.D.E., entre1973 et 1991.Ce chiffre global dissimule pourtant des variations importantes :– avant même la crise, de 1968 à 1973, la croissance faiblit légèrement alors quel’inflation et le chômage augmentent;– de 1974 à 1975, le retournement de tendance est net, la croissance presque nulle (etmême négative en 1975), l’industrie particulièrement atteinte;– de 1976 à 1979, la croissance repart de façon molle, sans que l’augmentation duchômage soit entravée; l’inflation se stabilise à un niveau élevé;– de 1980 à 1982, la crise rebondit, le chômage atteint son niveau maximal aux États-Unis;– de 1983 à 1989, la croissance retrouve le rythme des années 1976-1979; cependant, etceci constitue une nouveauté importante, les taux d’inflation diminuent de façon spectaculaireen même temps que le chômage reflue à partir de 1984;– en 1990 et 1991, une nouvelle récession affecte l’économie des pays développés àéconomie de marché.La période paraît donc beaucoup plus complexe que le terme générique de« crise » ne le suggère, Il s’agit en fait, pour les pays développés, d’un temps de croissanceralentie entrecoupée de trois accidents majeurs.Le cas des pays en voie de développement est encore différent: s’ilsmaintiennent des taux de croissance élevés entre 1973 et 1980, ils traversent une criseextrêmement brutale en 1980-1982 et un temps de reprise inégal et incertain depuis. Quant259Lyndon B. JOHNSON Président des Etats Unis (1963-1969).Cf biographiecomplète en fin de thèse.260FOURASTIER, Jean, économiste français, (1907-1990), Les trenteglorieuses. Dans cet ouvrage publié en 1979 par les éditions Fayard,l’économiste et sociologue français étudie une période de croissance quasicontinue de près de 30 ans.207


aux pays communistes, les statistiques officielles (peu fiables) suggèrent une forteaggravation de leurs difficultés dans les années quatre-vingt.Au vu de ces faits, il est possible de distinguer différentes crises dans la crise:une crise larvée (1968-1973); une crise atténuée (1973-1979); une crise d’assainissement(1980-1982) et une sortie de crise incertaine (1983-1991).Le retournement de 1973 fait l’objet de deux grands types d’analyses: lepremier met l’accent sur une série d’événements exceptionnels qui auraient déstabilisé en1973 l’ordre économique ancien; le second note que, dès la fin des années soixante,apparaissent des déséquilibres profonds: c’est ce dernier qui permet de parler d’une criselarvée.La première explication qui vient à l’esprit est évidemment celle du chocpétrolier. En 1973, à l’occasion de la guerre du Kippour, l’O.P.A.E.P. (Organisation des paysarabes exportateurs de pétrole dont les principaux membres appartiennent à l’O.P.E.P.)augmente le prix du pétrole. En décembre 1973, à Téhéran, l’O.P.E.P. confirme la hausse etporte le prix du baril de référence (Arabian light) à 11,65 dollars: en quatre mois, le prix dubrut a quadruplé.Pour les entreprises, ce fait signifie une hausse mécanique considérable de leurscoûts de production: si elles la répercutent sur leurs prix de vente, elles aggravent l’inflation;si elles ne le font pas, elles voient leurs profits s’éroder et se mettent en situation difficile.Plus généralement, la hausse du prix du pétrole renchérit fortement les importations des paysde l’O.C.D.E.: cela correspond à un transfert de richesse gigantesque – 1,5 % de leur P.I.B.L’impact déflationniste peut être considérable.En 1973, également, le système monétaire de Bretton Woods 261 s’effondre: leflottement des monnaies devient la règle à partir de mars. Cette décision entraîne uneincertitude concernant les parités monétaires qui se révèle nuisible au développement ducommerce mondial. À ces deux chocs majeurs, il est possible d’adjoindre l’ébranlementprovoqué, dans quelques secteurs industriels très précis, par la concurrence nouvelle decertains pays en voie de développement. Est-ce un hasard si 1973 voit la négociation desAccords multifibres (signés en janvier 1974) qui visent à encadrer la croissance desexportations de produits textiles du Tiers Monde ?Pour différents qu’ils soient, ces chocs ont des effets comparables, puisqu’ilsmettent en pièces l’ordre économique des années soixante fondé, notamment, sur la stabilitémonétaire, le développement des échanges et le bas prix de l’énergie. Ils ont partie liée,puisque la dépréciation du dollar contribue à l’inflation mondiale et justifie, aux yeux despays de l’O.P.E.P., la hausse des prix nominaux du pétrole (libellés en dollars). Ils ont aussien commun d’expliquer le retournement de la conjoncture par des secousses « extérieures »aux nations développées, comme s’il s’agissait de dégager de toute responsabilité le mode defonctionnement interne des économies occidentales de l’époque.261Les accords de Bretton Woods, furent signés le 22 juillet 1944 au MountWashington Hotel, à Bretton Woods. Cf annexe 10 en fin de thèse.208


Cependant, ces événements présentent une dernière similitude: ils ne datent pas– contrairement à l’idée reçue – de 1973. Le système monétaire international est ébranlé dès1971 par la décision de Richard NIXON 262 de suspendre la convertibilité en or du dollar; etc’est en 1971, à Téhéran déjà, que les pays de l’O.P.E.P. imposent aux compagnies pétrolièresune première hausse du baril. 1971 apparaît ainsi comme la répétition générale de 1973 etnous rappelle que la crise a des origines antérieures. La confirmation en est venue a posteriorilors du contre-choc pétrolier. Le baril de pétrole retrouve, à l’été de 1986, sa valeur réelle dudébut des années soixante-dix; pourtant, le chômage ne disparaît pas brusquement, lacroissance ne retrouve pas le niveau des années soixante. S’il n’y a pas alors de « miracle »,c’est que la crise est autre chose qu’un événement circonstanciel.Le retour de la crise surprend des économistes qui s’étaient habitués à unecroissance indéfinie; les keynésiens en particulier sont déroutés mais aussi, fait plussurprenant, les marxistes. La crise économique provoque ainsi une crise de la penséeéconomique dont émergent deux grandes écoles: la théorie de la régulation et le renouveaulibéral.Les théoriciens de la régulation partent de la crise du modèle fordiste quidominait dans l’après-guerre. Ils caractérisent ce modèle par la production de masse (grâce àl’organisation scientifique du travail), la consommation de masse (rendue possible par unniveau élevé des salaires) et surtout le partage consensuel des gains de productivité entrel’entreprise (les profits), les travailleurs (les hauts salaires) et les consommateurs (qui sontaussi les travailleurs et bénéficient de la baisse des prix). Ainsi, un lien puissant s’établit entresalaires et productivité du travail. L’État est le gardien de ce consensus.La crise de ce modèle aurait de nombreuses causes: la saturation de certainsmarchés de biens durables (comme l’automobile) en liaison avec l’équipement des ménagesmais aussi avec le ralentissement de la croissance démographique, la place croissante desservices pour lesquels les gains de productivité sont plus faibles, l’alourdissement desdépenses et des prélèvements étatiques... Mais le plus important serait la remise en cause del’organisation scientifique du travail. Pour simplifier, disons que la chaîne souffre de quatresortes de faiblesses :– la plus importante est la faiblesse humaine que révèlent le refus du « travail enmiettes » et le malaise de l’O.S.; l’absentéisme et la démotivation des travailleurs en sont lesconséquences principales;– la faiblesse technique en dérive; la moindre défaillance d’un maillon de la chaîneprovoque son arrêt complet; c’est cette faille qu’exploitent les « grèves-bouchons » à l’imagede celle qui frappe l’usine Renault du Mans en 1972: la grève d’un atelier paralysel’établissement;– la faiblesse commerciale découle du goût nouveau des consommateurs pour des biensoriginaux et différenciés à l’opposé des produits standardisés de l’époque;– la faiblesse financière (vastes espaces occupés, stocks coûteux immobilisés) apparaîtplus tard.262Richard Milhous NIXON, (1913-1994) est le trente-septième président desÉtats-Unis d'Amérique. Cf biographie complète en fin de thèse.209


Ainsi s’expliquerait, dès la fin des années soixante, une double évolution quisape les bases même du fordisme: sous la pression des travailleurs, les salaires augmentent deplus en plus vite, alors que la productivité du travail progresse moins rapidement. En France,en ce qui concerne l’industrie manufacturière, les gains horaires nominaux s’accroissent aurythme de 7,7 % l’an (période de 1968 à 1973), puis de 11,8 % (1968-1973) et de 14,9 %(1973-1979); la valeur ajoutée par travailleur croît, de son côté, de plus en plus lentement(respectivement 6,8 %, 5,8 % et 3,7 % pour les mêmes dates). Le lien entre gain deproductivité et hausse des salaires est rompu. Confrontées à cette situation, les entreprises ontle choix entre comprimer leurs marges et élever leurs prix de vente. On comprend quel’inflation et la baisse des profits précèdent la date fatidique de 1973.Plutôt que de crise du modèle fordiste, les économistes libéraux préfèrent parlerde crise du modèle keynésien. Ils rappellent que l’État prétendait prévoir l’évolution del’économie et agir sur elle afin de soutenir la croissance: c’est la politique conjoncturelle. Orla théorie des anticipations rationnelles révèle que les agents économiques prévoient de leurcôté ce que va faire l’État et adaptent leur comportement en conséquence, ce qui rendinefficace toute intervention. Cette dernière provoque, dès lors, retombées non attendues, deseffets pervers. Elle introduit surtout des blocages et nuit à la flexibilité des appareils deproduction. Ainsi, l’intervention de l’État sur le marché du travail serait-elle la principalecause de la montée du chômage. D’une part, en garantissant un salaire minimal, en prélevantd’importantes charges et en compliquant les procédures de licenciement, il élèverait le coût dutravail et découragerait l’embauche. D’autre part, en garantissant des indemnités auxchômeurs, il pousserait certain à ne pas travailler – phénomène que les libéraux qualifient de« chômage volontaire ». Comment expliquer autrement la montée du chômage avant 1973 ?Les économistes libéraux ajoutent enfin que ces rigidités, jointes à la politique monétaireexpansionniste des années soixante, seraient la principale cause de l’inflation.On peut aussi signaler les analyses concernant la « troisième révolutionindustrielle », partiellement inspirées de SCHUMPETER 263 . Les années soixantecorrespondent à l’apogée, mais aussi au début de la saturation pour les produits de ladeuxième révolution industrielle (acier, automobile, nombreux produits chimiques, appareilsradio et téléviseurs, etc.) alors que les produits de la troisième révolution (informatique,télématique, etc.) ne sont pas encore passés au stade de la production et de la consommationde masse.L’historien est souvent tenté de chercher l’explication des faits économiques endehors du champ strict de l’économie. En succombant à ce travers, il est loisible deréconcilier toutes les analyses précédentes autour de la notion de crise d’autorité. La remiseen question de l’autorité du Nord sur le Sud rend compte de la percée des nouveaux paysindustriels (N.P.I.) et de la hausse du prix de l’énergie; celle de l’autorité des États-Unisprovoque l’effondrement du système monétaire; le mouvement contestataire met en causel’autorité de la hiérarchie de l’entreprise et le fordisme; libéraux et libertariens s’en prennent àl’autorité de l’État. Ainsi s’expliquent les remises en question des années soixante-dix. Peutoncependant identifier ces mutations à une crise économique ?263SCHUMPETER (1883–1950), demeure l’un des plus grands économistes du XXesiècle par la subtilité, la vigueur et la nouveauté de ses analyses et lahauteur de ses vues. Cf biographie complète en fin de thèse.210


L’idée que la période 1973-1979 mérite le terme de crise a été parfoiscontestée: à l’exception de l’année 1975, la croissance ne reste-t-elle pas positive ? Le termede récession n’est-il pas alors plus approprié ? D’autres chiffres sont pourtant sans appel: lenombre de faillites (+ 27 % en France en 1974 par rapport à 1973), la régression de laformation brute de capital fixe (- 4,5 % en 1974 et - 5,2 % en 1975 dans l’O.C.D.E.), lamontée du chômage surtout. La rupture essentielle est bien là: au plein emploi des TrenteGlorieuses succède, de façon durable, un sous-emploi dont la progression semble, au moinsjusqu’au milieu des années quatre-vingt, inéluctable. Voilà qui entretient le doute sur lesméthodes du passé – tant il est vrai que la crise de confiance est le corollaire de la crised’autorité.Sans doute certains éléments ont-ils de quoi dérouter. D’abord, si tous lesindices fléchissent, ils n’en continuent pas moins à progresser entre 1973 et 1979, à l’imagedu taux de croissance: la productivité du travail dans l’industrie augmente au rythme de 2,6 %l’an au sein de l’O.C.D.E., la formation brute de capital fixe de 1,2 %; le commerce mondialcroît en volume de 3 % chaque année (contre 9 % entre 1963 et 1973), la consommationprivée de 3 %... Rien à voir avec l’effondrement généralisé des années trente. Plus étonnantencore, la crise s’accompagne d’une forte inflation qui justifie l’invention du terme« stagflation » et remet en question les analyses de PHILLIPS sur l’évolution opposée duchômage et de la hausse des prix.Atténuée, la crise est aussi originale. Mieux, elle est originale parcequ’atténuée. Trois types d’intervention, qui n’existent pas dans les années trente, font toute ladifférence :– la concertation entre pays développés se maintient, comme en témoigne en 1973 laconstitution du G 5 qui réunit les cinq premières puissances mondiales; le Tokyo Round(1973-1979) permet une nouvelle baisse des droits de douane; le G.A.T.T. contient ainsi (sansles empêcher totalement) les tentations protectionnistes;– au niveau intérieur, les États agissent; la distribution d’indemnités aux chômeurslimite l’effondrement de leur pouvoir d’achat; l’aide aux entreprises retarde certaines faillites;les grands projets publics (comme le nucléaire en France) soutiennent l’investissement etl’activité. Fait significatif, les réflexes keynésiens ne sont pas abandonnés et de nombreuxpays adoptent des politiques de relance (relance CHIRAC en France, de 1975 à 1976; actionde CARTER aux États-Unis, etc.). Une différenciation peu cependant être établie entre lespays qui acceptent de faire supporter rapidement la hausse du prix du pétrole à leurspopulations (Japon) et ceux qui retardent les politiques impopulaires (au risque de rendre plusdifficile la reprise);– au niveau international, le paradoxe veut que l’action la plus décisive soit menée pardes organismes privés, les banques multinationales. Les pays de l’O.P.E.P. accumulent eneffet d’énormes excédents courants, les pétrodollars. Le gel de ces devises pourrait provoquerune contraction de l’activité et plonger le monde dans la déflation. Tel n’est pas le cas. Cessommes sont en effet réinjectées dans l’économie mondiale de différentes façons: aide auTiers Monde, investissements dans les pays du Nord ou placements auprès des banques, quipeuvent ainsi accorder des prêts au Tiers Monde. Fort de ces transferts et bénéficiant parfoisde la hausse du prix des matières premières, le Sud développe ses achats dans le Nord ettraverse assez bien cette période (à l’exception de l’Afrique noire).211


Ces flux de capitaux, qualifiés de « recyclage des pétrodollars », soutiennentainsi les échanges et l’activité économique. Ils expliquent que l’impact déflationniste du chocpétrolier soit limité. Mais c’est au prix du développement de ce que Henri BOURGUINAT 264appelle une « économie mondiale d’endettement », où les tensions inflationnistes sontarrivées. Intervention des États et action des banques multinationales ont donc le mêmerésultat: elles stimulent l’activité au risque de pousser les prix à la hausse. Elles rendentcompte du caractère original et atténué d’une crise qui frappe alors surtout les paysdéveloppés à économie de marché.On s’est longtemps trompé sur l’année 1979. Les observateurs de l’époque ontcru y discerner l’amorce d’un deuxième choc pétrolier qui se déploie en 1980 et 1981. Le prixdu pétrole double à nouveau. Ils pensent donc à un retour de la crise de 1973; le niveau recordde l’inflation (12,5 % pour l’O.C.D.E. en 1980) les confirme dans cette analyse. En réalité, lemarché du pétrole est déjà en train de se retourner, l’offre excédant potentiellement lademande. Avec le recul du temps, beaucoup plus décisives apparaissent, la même année, lavictoire de Margaret THATCHER 265 aux élections anglaises et la nomination de PaulVOLCKER 266 à la tête du Federal Reserve System. Elles signifient le ralliement des paysdéveloppés à économie de marché aux politiques libérales et monétaristes.Les politiques de relance de type keynésien se sont en effet montréesmédiocrement efficaces. Ainsi en est-il, en France, des relances de Jacques CHIRAC, en1975, ou de Pierre MAUROY, en 1981.De ces faits, les libéraux tirent trois conclusions :– l’intervention de l’État est devenue largement inefficace; elle bute sur le manque deconfiance des chefs d’entreprise et sur la « contrainte extérieure »: dans une économieouverte, toute relance se traduit par une hausse des importations (les « fuites ») qui entretientl’activité... à l’étranger;– l’intervention de l’État aggrave les prélèvements obligatoires et les rigiditésstructurelles qui gênent la reprise; comme le signalent les économistes de l’offre, elledécourage l’initiative. « Le gouvernement n’est pas la solution à nos problèmes, legouvernement est notre problème » (Ronald REAGAN 267 );– les dépenses de l’État contribuent à stimuler l’inflation désignée comme le mal quironge les économies occidentales et rend difficile la reprise; elle entretient l’incertitude surl’avenir, stimule les revendications salariales et fait fondre les profits.Ce dernier point, particulièrement souligné par les monétaristes, avait déjàinfluencé certains pays avant 1979, en particulier l’Allemagne. Le fait que l’impulsion vienneensuite de la puissance américaine n’en constitue pas moins un tournant décisif. Dans lalogique monétariste, Paul VOLCKER choisit en effet de réduire la création monétaire. Il264BOURGUINAT H., DOHNI L., 2002, La dollarisation comme solution endernier ressort, Revue française d'économie, 2002.265THATCHER, M., née en 1925, est une femme politique britannique, cfbiographie complète en fin de thèse.266Paul A. VOLCKER ancien président de la Réserve Fédérale américaine de1979 à 1987.267REAGAN, R., 1911-2004, président des Etats-Unis, cf biographie complèteen fin de thèse.212


laisse filer à la hausse les taux d’intérêt et le dollar. Tous les pays acceptent alors de placer lalutte contre l’inflation en tête de leurs priorités, y compris la France à partir de 1983.De telles mesures provoquent une brutale contraction de l’activité dans les paysdu Nord; les taux de croissance redeviennent négatifs en 1982, le chômage bat des records. LeSud entre à son tour en crise. Comme l’évoque Henri BOURGUINAT, « le monétarisme sapeles bases de l’économie mondiale d’endettement ». En rendant le dollar rare et cher, il alourditle poids de la dette du Tiers Monde puisque celle-ci est largement libellée en dollars. Ainsi,les pays en voie de développement se trouvent-ils doublement atteints: leurs exportations versle Nord se réduisent (à cause du rebond de la crise) au moment où le remboursement de ladette se renchérit. Ce phénomène n’épargne pas certains pays de l’Est fortement endettés(Pologne). La purge est brutale et fait plonger le monde entier dans la crise. Mais elle estefficace puisque, pour la première fois depuis les années soixante, l’inflation régresse defaçon significative.Le second volet des nouvelles politiques consiste dans un recul de l’État afin delibérer les forces vives de l’économie. Là encore, certains pays avaient montré précocementl’exemple (libération des prix en France à partir de 1978); là encore, l’impulsion américaineest décisive. Le tournant date de 1978 quand Jimmy CARTER engage la« déréglementation »: il s’agit de supprimer les agences fédérales et les règlements quiencadraient de nombreuses activités économiques. Ronald REAGAN continue sur cette voie,et des secteurs comme les télécommunications, les transports, les banques ou l’énergie sontainsi débarrassés des entraves qui pesaient sur eux. Toujours pour encourager l’initiativeprivée est adoptée en 1981 une réforme fiscale dont le titre est évocateur: Economy RecoveryTax Act ; les impôts sur les entreprises et les ménages sont considérablement diminués, ceque confirme une nouvelle réforme en 1986.Des politiques comparables sont menées en dehors des États-Unis. Lesprivatisations du secteur public y tiennent la place de la déréglementation américaine.Particulièrement impressionnant est le programme de Margaret THATCHER, qui porte sur8 milliards de livres de 1979 à 1985, puis sur 25 milliards de 1986 à 1990; même l’électricitéou la distribution de l’eau sont atteintes. John MAJOR 268 ne l’a pas remis en question. EnFrance, après les privatisations effectuées par le gouvernement de Jacques CHIRAC, lemouvement continue de façon plus discrète. Les pays qui symbolisaient le triomphe de lasocial-démocratie adhèrent au schéma (première privatisation en Autriche en 1987). Partoutaussi les impôts sont contenus ou diminués, même en Suède.Le Tiers Monde n’est pas épargné par la vague libérale: si le Chili de AugustoPINOCHET 269 faisait figure d’exception dans les années soixante-dix avec ses privatisations,son exemple a été suivi un peu partout (surtout dans l’Argentine de Carlos MENEM 270 ). Iln’est pas jusqu’aux pays de l’Europe de l’Est qui, tournant le dos au communisme, nes’engagent dans des cures d’austérité (Pologne) et dans le démantèlement du secteur public.268MAJOR, J. (1943- ), 1 er ministre britannique, cf biographie complète enfin de thèse.269PINOCHET Augusto (1915- ) est un participant de la dernière heure aucoup d'Etat le 11 septembre 1973, qui a conduit au renversement duprésident AL<strong>LE</strong>NDE. Cf biographie complète en fin de thèse.270Carlos MENEM fut président de l’Argentine de 1989 à 1999.213


Alors que la crise des années trente avait provoqué une intervention accrue del’État, la crise des années soixante-dix entraîne sa régression. Cela suffit-il à provoquer unesortie de la crise ?Il est admis aujourd’hui qu’en 1939, dix ans après le krach de Wall Street, lemonde n’était pas encore sorti de la crise. Peut-on dire que 1983 voit la fin d’une décennie destagnation ?Les chiffres pourraient le faire penser. Dès le troisième trimestre de l’année, lacroissance reprend très vigoureusement aux États-Unis 271 ; elle s’élève à 7,2 % en 1984 et,pour la période qui court de 1983 à 1989, à 4,2 % – le taux le plus élevé depuis les annéessoixante. L’investissement repart (modestement), le chômage tombe à 5,2 % de la populationactive (1989), les gains de productivité se redressent, les profits des entreprises battent desrecords. La locomotive américaine tire le monde: la reprise s’étend au Japon en 1984 et à laC.E.E. en 1985 (année où le chômage atteint son pic). Le commerce mondial se développe àun rythme rapide (6 % l’an de 1983 à 1989). Le Tiers Monde lui-même semble entraîné àpartir de 1984. Pour être plus juste, il s’agit surtout des pays d’Asie exportateurs de produitsindustriels; l’Amérique latine, écrasée par le fardeau de la dette, l’Afrique et le Proche-Orient,trop dépendants de leurs matières premières dont le prix diminue, restent en marge.Le phénomène le plus significatif est que cette croissance ne s’accompagne pasd’une reprise de l’inflation. Malgré des craintes récentes, la page de la stagflation sembletournée.À mieux y regarder en effet, l’anomalie n’est pas dans la croissance modestedes années soixante-dix et quatre-vingt: un taux de croissance annuel de 2,6 % rappelle celuique connaissaient les économies industrielles au XIXe siècle. Plus étonnantes apparaissent lesTrente Glorieuses avec leur taux de croissance exceptionnel qu’il faut interpréter comme unphénomène de rattrapage après les grands chocs des années 1914-1945 (deux guerres et unecrise mondiales!). Mais cette forte croissance s’emballe et débouche sur le gaspillageénergétique et les tensions inflationnistes. La purge de 1979-1982 provoquerait le retour à lanormale: une croissance modérée, non inflationniste, plus soucieuse de l’environnement, pluséconome en matières premières.Beaucoup d’analystes discernent cependant, au sein de la reprise actuelle, denombreux déséquilibres qui les conduisent à cette conclusion inquiétante: la vraie crise estdevant nous.Tel est le point de vue que développe John Kenneth GALBRAITH 272 . Il notede grandes ressemblances entre le début des années quatre-vingt et la fin des années vingt:envolée des cours boursiers, gonflement de la « bulle financière » au détriment de l’activitéréelle, spéculation, etc. Le krach boursier d’octobre 1987 a semblé donner raison à cescraintes: Wall Street ne connaît-elle pas alors une chute plus forte qu’en 1929 ? Mais les Étatsne réagissent pas de la même façon. Ils prennent soin, comme on l’a vu, de soutenir les cours,d’encourager la création monétaire et surtout de maintenir la coopération internationale.L’effondrement redouté ne se produit pas.271Nouvelle économie Wikipédia, La « nouvelle économie » aux États-Unis en1980.272GALBRAITH John Kenneth (1908-2006) était un économiste canadiend'origine écossaise. Cf biographie complète en fin de thèse.214


Un autre économiste avait « prévu » le krach boursier, le Prix Nobel françaisMaurice ALLAIS 273 . Il met surtout l’accent sur les risques liés à la généralisation del’endettement: dette du Tiers Monde, bien sûr, mais aussi des États-Unis, des entreprises, desménages. etc. Un véritable château de cartes s’est ainsi édifié sur des bases fragiles.D’autres insistent enfin sur le côté paradoxal de la reprise américaine. Elle adeux origines. D’abord, le 15 août 1982, le Mexique menace de ne pas rembourser sa dette, cequi pourrait provoquer l’effondrement redouté par Paul VOLCKER. Ce dernier assouplitalors sa politique monétaire; l’argent redevient plus abondant, ce qui stimule l’activité. Enmême temps, le président Reagan laisse filer le déficit budgétaire qu’expliquent la baisse desimpôts et l’augmentation des dépenses militaires. Des esprits malicieux notent ainsi que lareprise doit beaucoup à des méthodes keynésiennes classiques. Ils s’inquiètent surtout de lamontée des « déficits jumeaux » (budget et commerce extérieur) qui résultent de cettepolitique. Le risque est en effet de voir les États-Unis recourir à une politique de force afin deretrouver l’équilibre commercial (nouvelle dépréciation du dollar à partir de 1985, tradebill d’esprit protectionniste de 1988). Plus grave encore est l’obligation pour ce pays definancer ses déficits en attirant des capitaux du monde entier. Le recyclage des excédentsjaponais y contribue jusqu’à aujourd’hui. Mais, alors qu’il convient aussi de financer ledéveloppement du Tiers Monde et le redressement de l’Europe de l’Est, ne peut-on pascraindre une pénurie d’épargne ? Le monde manquerait alors tout simplement des capitauxnécessaires au financement de sa croissance.La récession amorcée en 1990 nous rappelle à la modestie. À l’inverse duprésident JOHNSON, nous savons que les récessions restent possibles, et que l’économiemondiale n’est pas libérée des cycles ni des crises.Si la crise est d’abord crise d’autorité, les grandes mutations des annéessoixante-dix ne sont en effet pas terminées. Sans doute semblent rétablies l’autorité du Nordsur le Sud (comme en témoigne la baisse des prix des matières premières) et la confiance dansle capitalisme. Mais, en dépit de la façon dont ils ont gagné la guerre froide, les États-Unis nesemblent pas assurés de maintenir leur emprise sur une Europe qui s’unifie et un Japon quis’impose comme rival économique.Fernand BRAUDEL 274 décrivait la crise des années trente comme laconséquence de la rivalité entre un centre en déclin, Londres, et un centre en expansion, NewYork. Les années quatre-vingt n’ont-elles pas vu un conflit comparable entre les centresaméricain, japonais et européen ? De la capacité de l’un de ces centres à établir son autoritéou de leur capacité commune à organiser, selon la formule chère à George BUSH, un «nouvelordre mondial » dépend le retour à une véritable stabilité – tant il est vrai que les criseséconomiques renvoient, en dernier ressort à de grandes mutations politiques. Le retour descrises, c’est, d’une certaine façon, le retour de l’histoire, ou sa continuation.Ces crises multiples révèlent la fragilité des économies et les obligationsdiverses nécessaires à mettre en place pour conserver un équilibre précaire;273ALLAIS, Maurice (1911- ), prix Nobel d’économie, cf biographie complèteen fin de thèse.274BRAUDEL, Fernand (1902-1985) est un historien français, cf biographiecomplète en fin de thèse.215


8° Les contraintes pesant sur la politique conjoncturelleDivers types de contraintes conditionnent le contenu et l’efficacité de lapolitique conjoncturelle. Certaines contraintes découlent des liaisons existant entre lesobjectifs ultimes. Une célèbre contribution de A. W. PHILLIPS en 1958 a mis en évidenceune relation entre le niveau de l’emploi et le rythme de l’inflation: à un taux de chômagerestreint est associée une accélération de l’inflation, et inversement l’extension du chômages’accompagne d’un ralentissement de la hausse des salaires nominaux et des prix. Une liaisonmanquait aux enchaînements du circuit: si l’on voit bien comment l’emploi dépend del’économie entière, l’effet en retour de l’emploi sur l’économie a été passé sous silence, horsles comportements de dépense. D’où la fortune exceptionnelle d’une liaison empiriqueconstatée en 1958 par l’économiste néo-zélandais A. W. PHILLIPS, qui relie inversement letaux de chômage au taux de progression nominale des salaires (cf. figure page suivante). Ilsuffit de raisonner en termes d’inflation salariale et d’effectuer deux suppositions pour étendrela célèbre «courbe de PHILLIPS» à la représentation d’une liaison inverse entre chômage etinflation générale. Cette théorie a conduit les responsables politiques à prôner soit unepolitique contre l’inflation (les néoclassiques et les monétaristes), soit une politique contre lechômage (les keynésiens). La situation de stagflation (coexistence de l’inflation et duchômage) dans les années 1970 a infirmé la pertinence de la courbe de PHILLIPS, rendantcaduque l’alternative entre la lutte contre l’inflation et ce chômage. Les deux suppositionssont qu’en deçà de 2 à 3 % de hausse nominale annuelle, les hausses de salaires n’ont pas derépercussion inflationniste parce qu’elles se bornent à enregistrer les variations de laproductivité du travail; qu’au-delà de ce niveau les hausses de salaires ont une répercussioninflationniste générale et régulière. La courbe de PHILLIPS, qui n’est pas une théorie,insistons-y, permettait de compléter le keynésianisme de dépression par un keynésianisme deprospérité puisqu’elle montrait que, à partir d’une certaine réduction du taux de chômage –que l’on pouvait chiffrer –, l’effet des relances était inflationniste, et cet effet pouvait, luiaussi, être chiffré. Un point sur la courbe se révélait particulièrement intéressant: le taux dechômage compatible avec la stabilité des prix, soit l’intersection de la courbe de PHILLIPSavec l’axe horizontal. Il a reçu deux noms: le N.A.I.R.U., non accelerating inflation rate ofunemployment, ou taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation, et le «taux de chômagenaturel». Le premier est neutre et technique, le second appartient au monétarisme de MiltonFRIEDMANN, l’auteur qui a le plus fait pour renverser le keynésianisme.Les courbes de PHILLIPS et le «cruel dilemme» de Paul SAMUELSON 275entre le plein emploi et la stabilité des prix qu’elles prétendent représenter ont été au centredes débats de politique conjoncturelle dans les années 1960. M. FRIEDMAN (1968) a voulumontrer que l’arbitrage entre le niveau de l’emploi et la hausse des prix ne se pose qu’à courtterme. À long terme, les agents parviennent à corriger leurs erreurs d’anticipations relatives àl’évolution des prix et des salaires. La courbe de PHILLIPS de longue période est uneverticale parce que le taux de chômage effectif ne peut s’écarter durablement du taux dechômage «naturel» (défini d’ailleurs de façon ambiguë). La stagflation – expression forgée en1970-1971 mais qui est devenue réalité surtout après le premier choc pétrolier de 1973-1974 –exprime la concomitance de la montée du chômage et de l’inflation. Elle s’est traduite parune forte instabilité et une déformation des courbes de PHILLIPS, qui, dans la plupart despays de l’O.C.D.E., ont la forme de «colimaçons» s’enroulant progressivement vers la zonede chômage élevé et d’inflation accélérée.275SAMUELSON Paul Anthony, né en 1915 est un économiste américain. Cfbiographie complète en fin de thèse.216


Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont renforcé la contrainte externe pesantsur la politique conjoncturelle, et mis au premier plan la liaison existant entre le rythme de lacroissance économique et le solde extérieur. À l’heure actuelle, une hausse du P.I.B. de 1 %provoque, en France, une augmentation des importations de 2 % (l’élasticité-revenu desimportations vaut approximativement 2). Ainsi, toute politique de relance risque de provoquerà court terme une dégradation de la balance commerciale, parce qu’en courte période levolume des exportations est relativement rigide. Cet aspect de la contrainte extérieure dépendévidemment du degré d’ouverture de l’économie: en France, les importations représentaient,en 1989, 23 % du produit intérieur brut, mais la proportion atteint plus de 50 % pour les Pays-Bas ou la Belgique. La contrainte due à l’ouverture de l’économie ne joue pas uniformémentpour l’ensemble des activités nationales. La plupart des modèles de politique économiqueélaborés depuis le début des années 1970 font une distinction entre les secteurs exposés à laconcurrence internationale (l’essentiel du secteur industriel) et les secteurs abrités (bâtiment ettravaux publics, services, etc.). Dans les secteurs exposés, les prix internes sont largementinfluencés par les prix internationaux, alors que les producteurs dans le secteur abrité peuventpratiquer plus librement un comportement de marge.La contrainte externe pesant sur la politique conjoncturelle comporte d’autresaspects. Le régime de change conditionne, en principe, le degré d’autonomie des politiquesnationales de stabilisation. La théorie conventionnelle, largement exploitée par la doctrinemonétariste, nous apprend en effet que le passage des changes fixes aux changes flottantsaccroît l’autonomie de la politique conjoncturelle, et isole la masse monétaire interne del’influence des mouvements internationaux de capitaux. En changes vraiment flottants,l’équilibre extérieur est automatiquement obtenu, ce qui permettrait de consacrer lesinstruments de politique économique à la réalisation des objectifs intérieurs; les entrées ousorties de capitaux provoquent des modifications des taux de change, et non une variation dela contrepartie externe de la masse monétaire. Ces différentes propositions sont sujettes àcontroverses. Si le passage à des changes vraiment flottants fait disparaître de la liste desobjectifs finals l’équilibre extérieur, il réduit également le nombre des instrumentsdisponibles: les taux de change deviennent endogènes et déterminés par la confrontation deséconomies nationales. L’évolution depuis le début des années 1970 a suscité une double prisede conscience :1. L’abandon du régime des changes fixes et le passage à un régime de flottementlargement géré par les banques centrales, à partir de mars 1973, n’ont pas accru l’autonomiedes politiques conjoncturelles nationales.2. L’instauration de zones de stabilité des changes, comme le système monétaireeuropéen (S.M.E.) créé en 1979, introduit des contraintes de change additionnelles pour lespays participants.Pour ce qui concerne l’incidence des variations du taux de change, à partir dela crise des années 1970 nous sommes passés d’un monde où les dévaluations (changes fixes)ou dépréciations (changes flottants) avaient au bout d’un certain temps une influencefavorable sur la balance commerciale, représentée par la fameuse courbe en (J), à un mondeoù prédominent les effets défavorables. Aujourd’hui, les effets pervers de la dépréciation duchange tendent à l’emporter sur les effets favorables: la demande de certaines importations(produits de base, pétrole, etc.) est largement inélastique par rapport aux prix, et l’avantagedonné aux exportations par une dépréciation du change peut être réduit par le comportementde marge des exportateurs et la concurrence internationale. Par exemple, l’Italie et leRoyaume-Uni (jusqu’en 1979) ont connu le cercle vicieux dépréciation du change-inflation217


accélérée-nouvelle dépréciation, alors que d’autres pays (l’Allemagne fédérale et le Japon, enparticulier) ont bénéficié du cercle vertueux associé à l’appréciation de la monnaie nationale.La contrainte externe est aussi une contrainte de taux d’intérêt. Elle futdurement ressentie en raison de la nouvelle politique monétaire américaine mise en place àpartir d’octobre 1979, et la variabilité accrue des taux d’intérêt qui en est résultée. Dans laplupart des pays de l’O.C.D.E., s’est instauré un principe de spécialisation des taux d’intérêt:les taux à court terme sont largement affectés à la réalisation de l’équilibre extérieur, alors queles taux d’intérêt à long terme sont plus dégagés d’influences internationales directes etconditionnent l’équilibre intérieur (l’investissement, la production, etc.). Ainsi, en France, letaux de l’argent au jour le jour sur le marché monétaire est déterminé, à titre principal, par lesvariations des taux d’intérêt de l’eurodollar, et par les taux de l’eurodeutsche Mark.Les réflexions sur la déconnexion possible des taux courts français par rapportaux taux internationaux se multiplient aujourd’hui: à quelles conditions, mais aussi à quel prix(en termes de coûts d’une réglementation sévère, coûts d’une segmentation accrue desmarchés de capitaux, etc.) peut-on dissocier l’évolution des taux débiteurs des intermédiairesfinanciers de l’évolution des taux d’intérêt internationaux ? La politique conjoncturelle estégalement conditionnée par des contraintes de système, reflets des propriétés structurelles del’économie à réguler. Ainsi, les travaux menés à la Banque de France partent de l’idée que laFrance correspond à une économie d’endettement, c’est-à-dire une économie dans laquelle lesagents à déficit de financement s’adressent de façon prioritaire aux intermédiaires financiers,de manière subsidiaire au marché financier. Ils montrent de façon convaincante que larégulation de la masse monétaire et la formation des taux d’intérêt se posent différemmentdans une économie d’endettement, et dans une économie de marchés financiers.Le contenu et les composantes de la politique conjoncturelle sontfondamentaux, quelques options sont toutefois possibles et permettent quelques libertés.Le choix entre la régulation de la demande globale et l’action directe surl’offre demeure au centre des controverses contemporaines. La politique de relance par lademande consiste souvent en une augmentation des dépenses publiques partiellement financéepar une création monétaire additionnelle qui fait jouer l’effet de synergie entre politiquebudgétaire et politique monétaire.Elle met en œuvre le multiplicateur de revenu keynésien, mais risque de butersur la contrainte externe en provoquant à court terme une dégradation de la balancecommerciale. L’évolution économique des années 1970 a mis au premier plan les chocs dus àl’offre (supply shocks), dont les chocs pétroliers constituent l’illustration la plus notable. Lesthéoriciens de l’«économique de l’offre» (supply-side economics) ont voulu réagir contre laconception keynésienne de la politique conjoncturelle, et privilégier l’action sur l’offre.S’appuyant sur la «courbe de LAFFER», ils prétendent relancer l’économie par une baisse destaux marginaux d’imposition, et non par une augmentation des dépenses publiques: la baissedes taux d’imposition est censée favoriser la substitution du travail au loisir, la formation del’épargne et l’investissement. La courbe de LAFFER (Voir graphique page suivante) vise àexpliquer le rapport entre le taux de l’impôt et le revenu fiscal de l’État. Elle montre que letaux fiscal n’est efficace que jusqu’à un certain seuil, dit « optimum ». Au-delà, toutalourdissement de la pression fiscale entraîne des pertes fiscales liées au découragement destravailleurs à produire davantage et/ou à déclarer l’ensemble de leurs revenus. En développantl’activité économique, elle permet, en fin de compte, une réduction (et non une aggravation)218


du déficit budgétaire. Ces thèses, qui influencèrent, entre autres, largement le programmeéconomique de l’administration Reagan, se révèlent d’application délicate. Contrairement àl’engagement pris par cette administration, le budget de l’État fédéral américain n’a pu êtreramené à l’équilibre. Une autre option de base de la politique conjoncturelle concerne le choixentre des règles avec rétroaction, et des règles sans rétroaction. Lorsqu’il choisit de mettre enœuvre des règles avec rétroaction, le décideur public adapte le niveau des instruments enfonction de la conjoncture, et de l’écart constaté entre les niveaux effectifs et désirés desobjectifs finals. Les règles avec rétroaction correspondent donc à des politiquesdiscrétionnaires, qui, dans les années 1960, ont même consisté souvent en du «réglage fin»(fine tuning). Les règles sans rétroaction désignent les politiques automatiques ou semiautomatiques:les pouvoirs publics choisissent un comportement bien précis, et ne l’adaptentpas en fonction de la conjoncture. Par exemple, ils fixent un taux constant pour la croissancede la masse monétaire («règle d’or» de M.FRIEDMAN 276 ).Deux séries d’arguments ont été avancées pour justifier la mise en œuvre derègles sans rétroaction. L’école monétariste, sous l’impulsion de M. FRIEDMAN, prétendque les mesures discrétionnaires sont plus déstabilisantes que stabilisantes: les délais d’actionde la politique conjoncturelle – en particulier de la politique monétaire – sont longs etvariables au cours du temps (ce qui les rend difficilement prévisibles); souvent les mesuresdiscrétionnaires agissent à contretemps, et accentuent, au lieu de les réduire, les fluctuationsde l’activité économique.276M.FRIEDMAN dans l’introduction de son ouvrage Essays in positiveeconomics va présenter un plaidoyer en faveur d’une économie positive. Ilpostule ainsi que l’économie doit pouvoir parvenir à un degré descientificité aussi important que les sciences expérimentales et tente deréfuter, par une distinction entre sciences descriptives et sciencesanalytiques, les critiques adressées à l’économie néoclassique. La questionfondamentale de ce texte, intitulé The Methodology of positive economicsest donc la constitution de l’économie comme science positive, et danscette perspective, la question de la place qu’elle doit occuper par rapportaux autres sciences humaines. Mais il présente également l’intérêt depermettre de comprendre les présupposés philosophiques, à la base de lavision friedmanienne (et plus largement néoclassique) et de pouvoir ainsitenter de les réfuter.219


Graphique XXVI : Courbe de LAFFER 277L’école des anticipations rationnelles 278 à laquelle appartiennent R. LUCAS,T. SARGENT et N. WALLACE débouche sur la même conclusion, mais par d’autres voies.Les mesures discrétionnaires seraient inefficaces, parce que parfaitement anticipées etdéjouées par les agents privés. Aucun de ces arguments n’emporte, de façon définitive, laconviction. La politique monétaire et la politique budgétaire, même si elles impliquent desdélais d’action variables, agissent souvent dans le sens contracyclique. Quant à l’école desanticipations rationnelles, sa conclusion ne découle pas nécessairement des prémisses de sonraisonnement: même à supposer que les agents privés parviennent à anticiper exactement lemoment et l’ampleur des mesures discrétionnaires – ce qui reste à prouver empiriquement –,il faudrait y voir la justification non pas de règles sans rétroaction, mais de politiquesconjoncturelles aléatoires cherchant à prendre les agents privés par surprise. Une troisièmeoption concerne surtout les politiques de lutte contre l’inflation: faut-il mettre en place unepolitique gradualiste, visant à diminuer très progressivement le taux de croissance de la massemonétaire et le rythme d’inflation ? Vaut-il mieux recourir à une thérapeutique de choc ? Parexemple, si la politique monétaire menée par le gouvernement BARRE, de 1976 à mai 1981,277L'économiste américain Arthur LAFFER, à la fin des années 1970, avaitémis l'idée que « trop d'impôt tue l'impôt » et avait tenté de théoriser cequ'il nommait « l'allergie fiscale », à l'aide de la courbe qui porte sonnom et qui veut montrer qu'à partir d'un certain montant, les prélèvementsobligatoires incitent les contribuables, soit à réduire leur activité, soità frauder. D'autres économistes libéraux avaient en leur temps déjà menéune réflexion sur ce phénomène, comme Adam SMITH qui suggérait le phénomèneen écrivant : « L'impôt peut entraver l'industrie du peuple et le détournerde s'adonner à certaines branches de commerce ou de travail » ; et surtoutJean-Baptiste SAY qui concluait « qu'un impôt exagéré détruit la base surlaquelle il porte».Graphique extrait de l’Encyclopedia Universalis. Cfbiographie complète en fin de thèse.278Le principe d'anticipation rationnelle a été introduit par John MUTH enéconomie en 1961, mais il a surtout été développé par Robert LUCAS Jr.C'est le principe fondateur de la Nouvelle économie classique. LUCAS a reçupour cela le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoired'Alfred NOBEL en 1995. Si l'on étend la représentation de l'économie desorte à admettre que les agents maximisent leur utilité espérée, c'est-àdireà considérer le monde comme probabiliste, il est nécessaire pourdécrire convenablement le fonctionnement d'une économie de marchéd'intégrer la façon dont les agents forment leur évaluation des grandeurséconomiques futures (le taux d'intérêt, le niveau de leur revenu futur,etc.).220


s’est voulue résolument gradualiste, celle qu’a conduite Margaret THATCHER au Royaume-Uni à partir de 1979 fut plus brutale. Une thérapeutique de choc a peut-être l’avantage de«casser» les anticipations inflationnistes, qui jouent un rôle si important dans la spirale prixsalaires.Elle a l’inconvénient d’accroître à court terme, de façon brutale, le niveau duchômage, sans nécessairement provoquer rapidement une désinflation. Le gradualisme de lapolitique conjoncturelle comporte un coût immédiat en termes d’emplois moins élevé. Il est lacontrepartie logique de l’incertitude fondamentale dans laquelle se trouvent placés lesdécideurs publics, en ce qui concerne le «modèle» de l’économie et le partage entre l’emploiet les prix des effets de la politique conjoncturelle. Choisir une certaine politique de luttecontre la stagflation, c’est opter pour un sentier de cheminement de l’économie, caractérisé àtitre principal par le niveau du chômage et le rythme d’inflation pour les périodes à venir.Dans cette optique, le choix entre gradualisme et thérapeutique de choc doit tenir compte de lafonction de préférence des décideurs publics, du taux d’actualisation collectif, et des coûtsassociés aux politiques anti-inflationnistes.Les politiques budgétaires et fiscales des années 1960 s’appuyaient souvent (cefut le cas en France) sur des principes de neutralité des finances publiques: le budget de l’Étatdoit être approximativement en équilibre; le Trésor doit financer un éventuel déficit par appelà de l’épargne «réelle» (c’est-à-dire préalablement constituée), non par création monétaireadditionnelle; les dépenses publiques ne doivent pas augmenter plus vite que le P.N.B. envaleur; la fiscalité doit être «neutre», etc. Toutes ces règles de neutralité, dont certainesn’étaient justifiées que par la volonté de certains hommes politiques et économistes de fixerdes limites à la place du secteur public dans l’activité totale, ont été remises en cause parl’évolution économique elle-même. Dès lors, la politique budgétaire et fiscale soulève troisquestions principales: la sélection d’indicateurs appropriés; le choix d’un mode definancement de déficits budgétaires devenus structurels; le degré de concurrence ou, àl’inverse, de complémentarité, entre les dépenses publiques et les dépenses privées.La construction d’indicateurs de la politique budgétaire est d’autant plus utileque les déficits budgétaires constatés à partir de 1975 dans la plupart des pays de l’O.C.D.E.résultent à la fois du ralentissement de la croissance et de politiques budgétaires souvent«actives». Pour éclairer le débat politique, il convient de pondérer ces deux influences. Cepourrait être considéré par certains comme une provocation de parler de «solde budgétaire deplein emploi», alors que le chômage s’étend rapidement. Il faudrait, pour mesurer l’activismede la politique budgétaire et fiscale, raisonner à taux de chômage constant (calcul du soldebudgétaire pour un taux de croissance normatif, pas nécessairement égal au taux de chômageassocié au plein emploi), ou utiliser d’autres indicateurs qui furent discutés par A. BLINDERet R. SOLOW en 1974 279 et employés dans le rapport Mc CRACKEN en 1977. Le choix desmodes de financement de déficits budgétaires croissants est tout aussi délicat. Ou bien cesdéficits sont, dans de larges proportions, couverts par endettement du Trésor sur le marchéfinancier. Le risque est alors de provoquer l’«éviction», au moins partielle, des émetteursprivés de ce marché financier, et la conséquence logique est de contribuer à la hausse des tauxd’intérêt nominaux. Ou bien les déficits sont financés par la création monétaire: le gonflementde la contrepartie «créances sur le Trésor» qui en résulte nuit alors à la réalisation des normesfixées pour la croissance de la masse monétaire. L’analyse de l’«éviction» des dépensesprivées par les dépenses publiques débouche sur des conclusions incertaines. Il existe autantde mesures de l’éviction que de modèles économétriques de référence. Les travauxempiriques confirment cependant deux résultats théoriques: l’ampleur de l’éviction dépend du279SOLOW, R., BLINDER, A., Bases analytiques de politique fiscale, lessciences économiques des finances publiques, 1974.221


mode de financement des dépenses publiques (financement par l’impôt, l’emprunt ou lacréation monétaire); elle est également conditionnée par le régime de change. Le modèleMETRIC utilisé en France pour la prévision à court terme indique que l’éviction est plusintense en changes flottants qu’en changes fixes, parce qu’en changes flottants la spiraledépréciation du change-accélération de l’inflation conduit les agents privés à freiner leursdépenses, afin de reconstituer la valeur réelle de leurs encaisses monétaires.Nous pouvons remarquer que sur ce schéma apparaissent trois variables,chacune étant associée à l’un des blocs. Nous avons, le volume de la production Q, le prix p etle taux d’intérêt r.Graphique XXVII : Interdépendance entre politique budgétaire et politiquemonétaireJusqu’à présent, nous avons parlé d’un modèle avec un seul produit et un seulprix. Or, en général toute vraie économie comporte plusieurs produits. Mais, ne pouvons nouspas dire qu’il suffirait d’agréger plusieurs modèles de ce type pour obtenir un modèle plusvraisemblable (Il s’agit là encore d’un problème entre la micro et la macro-économie). Malgréles apparences, la réponse ici est non. Le problème est que lorsque dans un modèle onadditionne, au même titre, des données provenant de sources différentes, on obtient parfoisdes résultats imprévisibles. Par conséquent, dans la théorie, on se limite toujours à l’étuded’un seul "cycle". Ou alors, on considère au départ que l’objectif est de réunir les différentsmodèles et on fait en sortes que les grandeurs obtenues dans chacun des mini-modèles soientcompatibles entre elles.Une vue perspective sur les politiques monétaires contemporaines dans lespays de l’O.C.D.E. amène à souligner la juxtaposition de divergences structurelles et depoints de convergence.Parmi les divergences, il faut privilégier le type de politique monétaireemployé. Les politiques d’«exacte détermination», en vertu desquelles la Banque centralecontrôle soit les taux d’intérêt, soit la masse monétaire mais pas les deux catégories devariables, s’opposent aux politiques de «surdétermination» (l’expression est prise dans un222


sens purement analytique, et ne comporte pas de jugement de valeur a priori) consistant enune régulation conjointe des taux d’intérêt et du stock de monnaie. La politique monétaireaméricaine qui fut pratiquée à partir du 6 octobre 1979 est une variété de politique d’«exactedétermination»: le Fed s’efforce de réguler la croissance des réserves non empruntées desbanques (différence entre leurs réserves totales et le refinancement auprès de la Banquecentrale), et, par cette voie, la croissance de la base monétaire et de la masse monétaire; lestaux d’intérêt varient en conséquence sur le marché monétaire, puisqu’ils ajustent une offre demonnaie «banque centrale» contingentée et une demande de monnaie «banque centrale» de lapart des banques de second rang. Une conséquence de cette variété de politique d’exactedétermination est une variabilité accrue, à la hausse comme à la baisse, des taux d’intérêt.La politique monétaire menée en France à la même époque correspond au casde «surdétermination»: les autorités monétaires contrôlent à la fois la croissance de la massemonétaire, grâce à l’encadrement du crédit, et les taux d’intérêt; il y a surdéterminationlorsque l’encadrement du crédit provoque un rationnement de la demande sur le marché descrédits. D’autres divergences concernent les canaux de transmission de la politique monétaire,c’est-à-dire les voies par lesquelles la politique monétaire agit sur l’activité économique et lerythme d’inflation. En France, l’effet de coût de capital (c’est-à-dire l’influence des variationsdu taux d’intérêt) et l’effet de rationnement du crédit (dû à l’encadrement du crédit) sontsouvent prédominants. Pour les États-Unis, le modèle économétrique détaillé M.P.S. soulignele rôle des effets de richesse associés aux variations de taux d’intérêt: la baisse(respectivement la hausse) des taux d’intérêt entraîne une augmentation (respectivement unediminution) de la valeur des titres, et de la valeur du patrimoine; elle influe par ce biais sur laconsommation des ménages, l’investissement, etc. En Allemagne fédérale, la Bundesbank asouligné le rôle des effets d’annonce lorsqu’elle a mis en place en 1974 une politique denormes monétaires; elle visait surtout à infléchir les anticipations des partenaires sociaux etleur attitude lors des négociations salariales.À d’autres égards, des convergences apparaissent. Lorsqu’en 1980 legouverneur de la Banque de France qualifiait la politique monétaire française de«quantitative, pluraliste et gradualiste», il employait une formule qui peut être appliquéeégalement à de nombreuses expériences étrangères. Dire que la politique monétaire estquantitative, cela ne signifie pas qu’elle se réfère expressément à la théorie quantitative de lamonnaie, dans sa version ancienne ou sous sa forme moderne. Les politiques monétairescontemporaines sont quantitatives parce qu’elles fixent et affichent publiquement des normespour la croissance des agrégats monétaires. Elles sont pluralistes, parce que les agrégatsmonétaires ne sont pas les seuls objectifs intermédiaires: figurent parfois, à leur côté ou à desniveaux différents dans la chaîne des causalités, les taux de change et les taux d’intérêt. Parexemple, la politique monétaire française de 1976 à 1981 fut gradualiste, puisqu’elle aconsisté en une réduction progressive des normes fixées pour la croissance de M 2 (la normeest passée de 12,5 % pour 1977 à 10 % pour 1981) et de la croissance effective de cet agrégat.Une autre convergence des politiques monétaires provient de l’instabilité de lafonction de demande de monnaie, constatée dans de nombreux pays occidentaux à partir de1974-1975. Cette instabilité est elle-même liée à un processus marqué d’innovationsfinancières. La plupart des économies connaissent une «course» entre les innovationsfinancières et la réglementation: les innovations sont introduites par les agents financiers engrande partie pour contrecarrer la réglementation instaurée par les autorités monétaires; laréglementation est à son tour adaptée pour tenir compte des nouveaux produits financiers, cequi suscite de nouvelles innovations...223


Pour évaluer a posteriori une politique, on peut être tenté de suivre au cours dela période l’évolution de ses objectifs finals, en partant par exemple des grandeurs impliquéespar le «carré magique». Cette méthode risque de conduire à des jugements trop sévères. Parexemple, l’étude de l’évolution des grandeurs du carré magique en France pendant les années1970-1980 pourrait confirmer l’installation progressive dans la stagflation, et l’irrégularité dessoldes de la balance des paiements courants, explicable en partie par la variabilité du taux decroissance du P.N.B. en volume. Il serait cependant grossier d’évaluer la politiqueconjoncturelle à la lumière de ce seul constat. Sans doute les politiques conjoncturelles misesen œuvre entre 1970 et 1975, en France comme dans d’autres pays de l’O.C.D.E., ont-elles puavoir un effet déstabilisant, comme l’a suggéré le rapport Mc CRACKEN en 1977. Mais ilfaut prendre également en considération le rôle des mutations structurelles et le poids desaléas internes et internationaux (chocs pétroliers, etc.).Malgré les progrès des méthodes économétriques et la floraison des modèlesmacro-économiques, subsiste une incertitude gênante relative aux délais d’action et au partageentre les prix et les volumes des effets de la politique conjoncturelle. À propos des politiquesde stabilisation, une distinction est souvent opérée entre deux types de délai: les délaisinternes expriment la période qui s’écoule entre le moment où la décision de politiqueéconomique serait «objectivement» justifiée, et le moment où elle est effectivement mise enœuvre.Les délais externes correspondent à l’intervalle de temps nécessaire pour queles modifications des instruments se répercutent sur les objectifs finals de la politiqueéconomique.En France, comme dans la plupart des autres pays, les délais internes de lapolitique budgétaire et fiscale sont plus longs que ceux de la politique monétaire, parce que lapolitique budgétaire nécessite en général l’intervention du Parlement. Il faut cependant noterla création en 1969 et l’utilisation fréquente depuis cette date du Fonds d’actionconjoncturelle. Ce Fonds permet au gouvernement, à l’intérieur d’un plafond fixé par leParlement, de débloquer des crédits budgétaires sans nouvelle autorisation parlementaire; ilréduit ainsi les délais internes de la politique budgétaire. Par exemple, le premiergouvernement MAUROY a pu, dès juin 1981, débloquer 1 milliard d’euros (6,5 milliards defrancs) dont avait été doté le Fonds d’action conjoncturelle dans le budget de 1981.Les estimations des délais externes des politiques sont plus incertaines, et engénéral divergentes. Il y a presque autant d’estimations que de modèles économétriques deréférence. Selon une étude de la Banque de France, datant de 1971, les mesures de politiquemonétaire agiraient au bout de trois trimestres sur le volume de l’activité économique, au boutde cinq à six trimestres sur les prix. Le même ordre d’ajustement s’appliquerait pour lapolitique budgétaire. Des modèles économétriques postérieurs formalisent souvent un ordred’ajustement inverse: dans le monde contemporain, les prix sont plus flexibles à la hausse queles quantités (volume de la production et de l’emploi).L’incertitude concerne aussi le partage entre les prix et les volumes des effetsde la politique conjoncturelle. Le décideur public est concerné par la croissance du P.N.B. envaleur, mais surtout par le partage entre prix et volumes de cette croissance nominale. Malgréla floraison des modèles économétriques, les pouvoirs publics sont souvent en situationd’incertitude en ce qui concerne le partage prix-volume des effets de la politique économique.Cela s’explique par l’insuffisante analyse des fondements micro-économiques de la macro-224


économie. Comme l’a dit R.RAYMOND en 1979, «cette incertitude sur le partage entre lacroissance et les prix des effets d’une politique de stabilisation tient à ce que nous ne savonspas très bien comment les entreprises réagissent à une restriction de leurs financements.Réduiront-elles leurs programmes d’investissement ? Ont-elles la possibilité de modulerl’évolution de leurs prix ? Toute une recherche micro-économique reste à faire dans cedomaine».Plusieurs éléments réduisent l’efficacité de la politique conjoncturelle. L’und’entre eux tient à l’horizon économique des décisions individuelles. Ainsi, des étudesempiriques ont souligné que certaines réductions (exemple des années 1962-1964) ouaugmentations (exemple de 1968) des impôts directs décidées par l’Administration fédéraleaméricaine ont eu en fait une efficacité incertaine. Cela peut être expliqué de la façonsuivante: si les ménages déterminent leur consommation courante en fonction non de leurrevenu courant, mais de leur revenu permanent (c’est-à-dire de leur revenu «normal»anticipé), ils ne changent leur consommation à la suite d’une modification des impôts ques’ils intègrent cette dernière dans leur estimation du revenu permanent. Si l’allégement fiscal(pour prendre cet exemple) est considéré comme «transitoire», il n’infléchit pas laconsommation mais altère le niveau de l’épargne.Un autre défi à la politique conjoncturelle provient de la volonté et de lapossibilité de riposte des agents privés aux mesures discrétionnaires. La riposte, dontl’analyse a été présentée de façon trop extrême et dogmatique par l’école des anticipationsrationnelles, intervient par exemple en matière d’encadrement du crédit. Dans le contextefrançais, les ménages et les entreprises ont souvent modifié leurs comportements lorsqu’ilsont anticipé l’instauration ou le durcissement de l’encadrement du crédit. Par exemple, en1971, au sortir du sévère encadrement du crédit de 1968-1970, les entreprises ontanormalement gonflé leur demande de crédit et leur demande de monnaie. Elles voulaient parlà constituer des encaisses de précaution et se protéger contre un éventuel retour del’encadrement du crédit. Lorsque celui-ci fut rétabli à la fin de 1972, il n’a pas exercéimmédiatement de contrainte. Les entreprises ont pu pendant un an utiliser les encaissespréalablement constituées, et «compenser» ainsi partiellement l’encadrement du crédit parune hausse de la vitesse de circulation de la monnaie. Ce comportement d’anticipation a doncaccru le délai externe de la politique monétaire.Aux États-Unis, en 1966 et 1969, les ripostes à la politique monétairerestrictive furent externes (endettement des firmes et banques américaines sur le marché del’eurodollar). En France, les ripostes internes ont prédominé: procédures de «face à face» (trèsimportantes en 1968-1970), extension du crédit interentreprises, réaction des firmes àl’encadrement par la hausse des prix et des marges bénéficiaires, etc. Ces ripostes internes ontsouvent pour effet d’augmenter la vitesse de circulation de la monnaie. Ainsi justifie-t-oncette constatation: chaque fois que la politique monétaire devient nettement restrictive, lavitesse-transactions de la monnaie augmente sensiblement et rapidement. Et la hausse de (V)compense – en partie seulement – l’influence restrictive exercée par l’encadrement du crédit.La politique conjoncturelle ne se réduit pas à l’étude de la politique monétaire,de la politique budgétaire et fiscale et de leur articulation. Toute forme de politiqueéconomique (politique de l’emploi, politique industrielle, politique des revenus, etc.) revêt àla fois des aspects conjoncturels et une dimension structurelle. Nous allons évoquer iciquelques aspects de la hiérarchie entre les formes de politique économique et de lacoordination entre les politiques conjoncturelles et les politiques structurelles.225


À partir du début des années 1970, la politique monétaire a tenu une placecroissante dans l’ensemble des instruments de politique économique. Cette évolution résultede deux phénomènes:1. L’échec ou la rigidité des autres formes de politique économique. Les pays del’O.C.D.E. ont des degrés de liberté réduits en matière budgétaire et fiscale: le ralentissementde la croissance diminue la flexibilité du côté des dépenses publiques, car il faut limiterl’ampleur des déficits budgétaires. D’autre part, les formes traditionnelles de la politique desrevenus, qui avaient connu une certaine efficacité dans les années 1960, n’ont pas résisté à lamontée de la stagflation.2. L’impact de la doctrine monétariste. Étant donné la place de la politique monétaire,la tentation est grande de la mettre au service d’autres formes de politique économique. Lasélectivité de la politique monétaire a été souvent reliée à la sélectivité de la politiqueindustrielle. À certains moments, les pouvoirs publics ont pu être tentés d’instaurer unepolitique des revenus à fondement monétaire, c’est-à-dire de conditionner l’ouverture decrédits en faveur d’une entreprise (ou d’une branche) au respect par elle de normes relatives àl’évolution des prix et des revenus fixées par l’État.La politique des revenus a trois fonctions principales: améliorer les conditionsde l’arbitrage entre plein emploi et stabilité des prix (c’est-à-dire modifier l’allure de lacourbe de PHILLIPS); desserrer la contrainte extérieure en ralentissant l’inflation; diminuerles anticipations inflationnistes.La plupart des analyses contestent l’efficacité de la politique des revenus,qu’elle soit réglementaire, indicative, etc. Cependant, le recours à une politique des revenusassez normative dans la France d’aujourd’hui a pu servir à «casser» les anticipationsinflationnistes. À travers le prélèvement conjoncturel, a été esquissé un projet de politiqueincitative des prix et des revenus. Le prélèvement conjoncturel, qui fut introduit en 1975, estassez voisin des projets de T.I.P. (Tax-based Incomes Policy) développés aux États-Unis àpartir de 1971. Il s’agit d’un prélèvement provisoire portant sur les augmentations des margesbénéficiaires des entreprises ne résultant ni d’un accroissement du volume d’activité, ni d’uneaugmentation de la productivité. En fait, ce prélèvement conjoncturel n’a jamais été appliqué(le gouvernement se refusant à pénaliser les entreprises en période de crise) et il a étéofficiellement supprimé en 1979.La politique conjoncturelle est en principe au service des objectifs à moyenterme fixés par le Plan. En France, dans les années 1960, les relations entre les politiques destabilisation et la planification étaient assez équilibrées :– Le planificateur devait tenir compte de l’évolution de la conjoncture et revoir lesobjectifs et/ou les instruments employés lorsque des seuils d’alerte étaient atteints (systèmedes «clignotants» du Ve plan, prolongé pour le VIe plan par un système d’indicateurs).– Les politiques conjoncturelles étaient, en principe, mises au service de l’exécution duPlan (nombreuses exceptions à la règle de l’annualité budgétaire, etc.).En fait, quand il faut choisir entre des préoccupations de moyen terme et desexigences de court terme, ce sont souvent ces dernières qui sont privilégiées.226


Deux suggestions ont été faites pour améliorer la liaison court terme-moyen terme :1. Le passage d’un plan à horizon fixe à un plan à horizon glissant (revolving plan).Cependant, le plan à horizon glissant a l’inconvénient d’impliquer une remise en causepermanente des objectifs et/ou des moyens.2. La transformation du Plan national en une «stratégie contre-aléatoire», c’est-à-direune réponse cohérente et adaptée aux divers chocs. Le Plan indicatif doit tenir compte durenforcement de la contrainte extérieure. Il doit être à la fois – et dans ce cumul réside ladifficulté – une riposte aux aléas et une charte collective, normative bien qu’indicative, pourles périodes à venir.9° Les politiques et le chômageAinsi, les choix de politique économique sont influencés par les anticipationsdes pouvoirs publics. Ils sont en même temps dépendants des prévisions des agents nonétatiques. La célèbre relation entre le taux de chômage et le taux d’inflation, mise en évidencepar A. PHILLIPS en 1958, place l’arbitrage entre le plein emploi et la stabilité des prix aucentre des politiques de stabilisation La diminution du chômage ne pourrait être obtenuequ’au prix d’une accélération de l’inflation (et vice versa). M. FRIEDMAN en 1968 a voulumontrer que l’introduction des anticipations modifie les conclusions de l’analyse. À courtterme, les salariés et les entrepreneurs commettent des erreurs dans leurs anticipations de prixet de salaires nominaux. Ils les corrigent à long terme: «[...] on ne peut tromper tout le mondetout le temps», dit M. FRIEDMAN en citant la formule de A. LINCOLN 280 . La courbe de A.PHILLIPS de long terme devient une verticale. L’exactitude des anticipations de prix et desalaires nominaux fait que le chômage effectif ne peut s’écarter durablement du taux dechômage «naturel», et que toute tentative des pouvoirs publics pour le ramener en deçà duniveau «naturel» est inefficace et se traduit en définitive par une accélération de l’inflation.La thèse du taux de chômage «naturel» reste aujourd’hui une ligne de clivagemajeure entre les divers courants de pensée, les tests empiriques ne permettant pas de trancherde façon indiscutable.Les anticipations servent de canaux de transmission de la politique économiqueet en règle générale, les effets d’annonce désignent tous les effets résultant en unemodification des anticipations, elle-même due à la diffusion d’un message, d’une informationnouvelle, etc. La simple annonce de mesures de politique économique vient modifier lesanticipations et donc les comportements des agents privés, préalablement à toute influencemécanique. La politique monétaire est le domaine privilégié des effets d’annonce: impactpsychologique des variations du taux d’escompte de la Banque centrale, etc. L’annoncepublique de normes de croissance des agrégats monétaires, pratiquée dans la plupart des paysde l’O.C.D.E. depuis 1974-1975, relève du même objectif. Par cette procédure, les Banquescentrales veulent exercer des effets d’annonce sur les partenaires sociaux concernés par lesnégociations salariales et sur les opérateurs du marché des changes, et les résultats ont été trèscontrastés d’un pays à l’autre.280LINCOLN Abraham (1809–1865) est le seizième président des États-Unisd'Amérique, cf biographie complète en fin de thèse.227


La «Nouvelle Macro-économie classique», à partir de l’hypothèsed’anticipations rationnelles, prétend démontrer deux propositions complémentaires :1. La politique monétaire systématique, c’est-à-dire celle qui peut être parfaitementanticipée par les agents non étatiques, est neutre; elle détermine le niveau général des prix,mais n’agit pas sur le volume de la production ou le niveau de l’emploi. Seule la composantealéatoire de la politique monétaire – celle qui n’est pas anticipée – exerce une influence surles variables réelles (production et emploi). Dans la littérature contemporaine, la distinctionsystématique/aléatoire est articulée avec le clivage permanent/transitoire: les agents privésconsidèrent-ils telle évolution de la politique monétaire comme permanente ou transitoire ? Àquelle vitesse une évolution constatée et durable finit-elle par être envisagée commepermanente ?2. Les mesures discrétionnaires des pouvoirs publics sont inefficaces, parce queparfaitement anticipées et déjouées par les agents privés. Les théoriciens des anticipationsrationnelles se font en conséquence les avocats de politiques économiques automatiques ousemi-automatiques.Ces propositions font l’objet, depuis quelques années, de controverses enmacro-économie. La neutralité de la politique monétaire systématique sous l’hypothèsed’anticipations rationnelles est remise en cause lorsque la flexibilité des prix est limitée.S. FISCHER en 1977 a en particulier montré que la rigidité des contrats de travail, valablessouvent pour quelques années, rend à la politique discrétionnaire une certaine efficacité.Nous vivons, c’est vrai, dans des économies où les agents non étatiquescherchent à anticiper les inflexions de la politique économique, et adaptent leurscomportements en conséquence. Les entreprises sont tentées d’augmenter leurs prix de ventelorsqu’elles prévoient la mise en place d’une politique de blocage des prix; les agents nonfinanciers sont incités à gonfler leur demande de crédit et leur demande de monnaie s’ilsanticipent l’introduction d’un encadrement du crédit; etc. Cela ne signifie pas pour autant queles agents privés sont capables de prévoir exactement le moment et la nature des décisions depolitique économique. Même si, à la limite, tel était le cas, les pouvoirs publics auraient lapossibilité de jouer d’effets de surprise et de compter sur la composante aléatoire des mesuresdiscrétionnaires.Aujourd’hui, la politique économique se présente de plus en plus comme un«jeu» (au sens de la théorie des jeux) à plusieurs joueurs (État, entreprises, ménages, etc.) oùchacun détermine son attitude en fonction des comportements constatés et anticipés des autresjoueurs. Dans ce contexte, chacun tente de « gagner » le plus possible et pour certains de« perdre » le moins possible. C’est ce qui se passe lorsque les politiques doivent concilier uneéconomie en croissance, des entreprises florissantes et des salariés « remerciés » lors derestructurations plus ou moins avantageuses pour eux. Pourquoi licencier si l’entreprise vabien ? C’est pourtant un mode de gestion pratiqué notamment lorsqu’il a fallu rendre 2milliards de livres (3,2 milliards d’euros (21 milliards de francs) aux actionnaires de Marks &Spencer et licencier 1 700 salariés en France. Cette annonce fin mars 2001 a choqué et mis enlumière les paradoxes des restructurations en phase de croissance économique, alors que pourl’an 2000 des bénéfices élevés ont été enregistrés. Pourtant Danone, Valéo ou Philipsannoncent des vagues de licenciements. Le poids des actionnaires (la « shareholder-value »)est-il seul en cause ? Erreurs stratégiques ou réorientations d’activités ont joué. La brutalitédes licenciements choque, provoquant une levée de boucliers et l’appel au boycott de certainsproduits. Le gouvernement JOSPIN manifeste de plus en plus sa volonté d’intervenir pour228


contrôler ces restructurations. Il a durci la législation sur les licenciements en faisant voter laloi de modernisation sociale le 13 juin 2002. Mais les restructurations se poursuivent : aprèsAOM, Moulinex a déposé son bilan le 7 septembre.Le dépôt de bilan de Moulinex Brandt, annoncé vendredi 7 septembre 2001,continue à susciter de nombreuses réactions. Le Premier ministre est revenu sur le rôle del’État dans l’économie, jugeant qu’il avait « toujours pensé que même dans une économie demarché, le gouvernement gardait un rôle économique et surtout social. » 281 . Il ne faut pasattendre tout de l’État et du gouvernement, Il y a très exactement deux ans, après l’annoncepar Michelin de 7 500 suppressions d’emplois, le Premier ministre Lionel JOSPIN opposaitaux observateurs qui lui reprochaient son manque de réaction, l’incapacité de songouvernement à interférer dans les affaires privées. Même dans une économie de marché, legouvernement garde un rôle économique et surtout social, « Il faut donc, et nous allons lefaire, trouver des solutions pour aider les salariés de cette entreprise », a conclu M. JOSPIN.Un coup de barre à gauche auquel participent les membres de songouvernement. Suivant l’exemple du ministre des transports, Jean-Claude GAYSSOT, quiavait invité des entreprises publiques à reclasser des salariés licenciés d’AOM-Air Liberté, leSecrétaire d’État à l’industrie, Christian PIERRET avait incité, dans Le Monde, desentreprises demandeuses de main d’œuvre (PSA, L’Oréal, TotalFinaElf…) à reprendre dessalariés de Moulinex.Rendre 2 milliards de livres 3,2 milliards d’euros (21 milliards de francs) auxactionnaires d’ici à la fin mars 2002… La direction britannique de Marks & Spencer ne s’estguère embarrassée de précautions, le 29 mars 2001, ni pour annoncer à ses salariés que 4 400d’entre eux, dont 1 700 en France, allaient perdre leur emploi, ni pour livrer sous forme decommuniqué de presse, la justification de la fermeture de 38 de ses magasins de par le monde.Rendre 3,2 milliards d’euros (21 milliards de francs) ... En une formule lapidaire, tout doncsemble dit : jour après jour, la France se convertit au principes du capitalisme anglo-saxon, etnotamment celui de la « shareholder value » qui fait du profit pour l’actionnaire le principalobjectif, à l’exclusion de toute préoccupation sociale, vers lequel doivent tendre lesentreprises. Il y a eu ainsi Michelin, en éclaireur, qui, en septembre 1999, a annoncésimultanément une hausse de ses bénéfices et un nouveau plan social, suscitant dans le paysune forte émotion et des ennuis en cascade pour le gouvernement. Et puis voilà que Marks &Spencer marche sur ces brisées. A croire que la pratique se banalise…Est-ce le cas ? Pour les Etats-Unis, cela ne fait guère de doute. Leralentissement actuel permet en effet de mesurer l’un des traits caractéristiques de cecapitalisme anglo-saxon, qui fait la part belle aux actionnaires : alors que le poids desrécessions ou des ralentissements économiques dans les vieux pays d’Europe continentale,adeptes du modèle rhénan, a le plus souvent pesé à des degrés divers sur les entreprises, lesménages et l’État, outre-Atlantique, tout est fait pour que les entreprises soient totalementépargnées.Quelle est, en effet, la raison de l’impressionnante vague de suppressionsd’emplois qui submerge l’économie américaine depuis quelques temps ? Entre les 1 700suppressions annoncées par Dell, les 11 500 de Delphi, les 10 000 de Nortel, les 5 000 d’Intel,les 5 000 de Cisco, les 16 000 de Lucent, les 4 000 de Xerox, les 7000 de Motorola, les 5 000de Compaq, les 2 400 de Gateway, les 14 000 de General Motors, les 2 025 d’AOL Time281Le Monde du 10.09.2001.229


Warner, les 7 000 de Sara Lee, les 6 000 de Coca-Cola, les 4 000 de Disney, les raisons sontinnombrables. Dans le lot, il y en a d’autres, comme General Motors, qui devaient réduire lavoilure, pour traverser la tempête d’une guerre des prix. Sans parler de Coca, dont les étatsmajorsavaient démesurément grossi.« Les experts de l’INSEE estiment que la croissance restera soutenue aupremier semestre 2001. Le chômage a encore reculé au mois de février. Toutefois leslicenciements économiques augmentent de façon significative » 282 .Il n’y a pas que l’horizon politique de Lionel JOSPIN qui se fait un peu plusincertain au lendemain des élections municipales. Alors que le Premier ministre réunit le 31mars 2001, un séminaire gouvernemental pour définir les priorités de son action pour lesdouze prochains mois, l’horizon économique s’assombrit 283 , même si les experts ne le voienttoujours pas en noir. Le ralentissement américain porte une ombre sur les perspectivesd’activité en France.L’institut de la statistique refuse pour autant de céder à l’alarmisme. Lademande intérieure reste dynamique et compense la décélération des exportations. Le produitintérieur brut (PIB) devrait donc progresser. « La croissance avoisinerait au premier semestre2001 une tendance de 3 %, en ligne avec les prévisions gouvernementales » résument lesexperts. Ces prévisions s’avèrent exactes et en 2002 le PIB augmente de 1,4 %. Uneaugmentation de 3 % est prévue en 2003 par l’OCDE et le FMI, mais la guerre en Irak, lesattentats du 11 septembre 2201 incitent à un ralentissement général des économies et leschiffres pour 2003 sont revus à la baisse.Le ralentissement américain n’affecte pas le moral des agents économiques.Son impact se limite au commerce extérieur, qui contribue négativement à la croissance dupremier semestre 2001. La baisse consécutive des exportations françaises vers les Etats-Unis,mais aussi vers tous les pays qui sont ou seront affectés par le « trou d’air » américain (Asiedu Sud-Est, Mexique, Canada…), se traduirait par une baise de 0,6 point de la croissance. Lebudget 2002 est bâti sur une hypothèse de 2,5 % de croissance et sur une inflation de 1,5 %.La demande intérieure resterait vigoureuse. « Au premier semestre 2001, laconsommation des ménages serait sur un rythme annuel de 3,5 %. Cette forte progressions’explique par l’accélération des revenus des ménages » analyse Fabrice <strong>LE</strong>NGLART,responsable de la note de conjoncture à l’INSEE. Les créations d’emplois continueraient àgonfler la masse salariale, ramenant le taux de chômage à 8,5 %. « Par ailleurs, on devraitconstater une accélération des salaires dans un contexte de tensions sur le marché du travail »poursuit-il. En glissement annuel, le salaire mensuel nominal de base progresserait de 2,2% àla mi-2001 (contre 1,6 % à la mi-2000). L’interruption de la hausse du chômage en janvier2002 (- 0,1 %), la stabilisation du marché du travail avec une baisse de 0,8 % du chômagede longue durée (plus d’un an), la diminution de 1,9% du chômage des plus de 50 ans, labaisse de 2,5 % du chômage longue durée (plus de 3 ans) est notable. Seul bémol, le chômagedes moins de 25 ans augmente de 0,8 %.282 Extrait de Le Monde du 30/03/2001.283 Lionel JOSPIN, présent aux élections présidentielles, n’arrive pas entête au deuxième tour comme il l’escomptait, il se retire donc de la viepolitique en démissionnant de son poste de Premier ministre sans mêmeattendre la constitution du nouveau gouvernement.230


La baisse des prélèvements soutien également les revenus des ménages. Audernier trimestre 2000, les baisses de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’habitation, ainsi quela suppression de la vignette automobile ont représenté un allégement fiscal de 4,57 milliardsd’euros (30 milliards de francs). En 2001, la baisse des cotisations Unedic, la poursuite de laréduction de l’impôt sur le revenu et le versement d’une prime pour l’emploi amplifient cemouvement. La baisse de l’impôt devrait être de 5 % en 2002, ce qui procurerait une haussedu pouvoir d’achat de 0,5 %. La prime pour l’emploi est fixée, en 2001 à 228,67 euros (1500Francs) pour un célibataire touchant entre + 0,3 Smic et – 1,54 Smic ou pour un coupletouchant moins de 3,08 Smic. Elle s’élèvera à 686,02 euros (4500 Francs) en 2003 pour lamême fourchette de revenus. Enfin, le reflux des prix du pétrole lié au ralentissementaméricain devrait se traduire par une certaine désinflation.Le glissement annuel des prix à la consommation contribue aussi à augmenterle pouvoir d’achat des ménages, cet optimisme s’accompagne d’une hausse de laconsommation. Confortés par une consommation de biens et de services qui resteraitsoutenue, les investissements des entreprises demeureraient dynamiques, d’autant que lesbesoins d’extension ou de renouvellement des équipements demeurent importants estimel’INSEE qui argue cependant que la confiance des Français est étroitement liée à la situationde l’emploi. La détente des taux d’intérêt à long terme, facilitée par le ralentissementaméricain devrait soutenir l’investissement, dynamisé par le passage à l’euro, par uneaccélération des dépenses en informatique et des dépenses d’investissement en services.Les chefs d’entreprise ne sont pas, comme les ménages, à l’abri d’une situationqui pourrait leur faire réviser à la baisse leurs programmes d’investissements. Quelles quesoient les décisions que prendra le Premier ministre, il faudra alimenter la confiance desconsommateurs sans miner celle des entrepreneurs.En 2001, la phase d’expansion de l’économie française a marqué le pas. Audelàde la croissance en moyenne annuelle (2,0 %), l’ampleur du ralentissement ressort dansla faible augmentation du PIB en glissement sur l’année (0,9 %). Le freinage vigoureux del’activité s’explique par deux éléments spécifiques : une contraction exceptionnelle deséchanges extérieurs, en liaison avec une pause simultanée de toutes les grandes économies, etune grande réactivité des entreprises devant la détérioration des perspectives mondiales, quien Europe s’est traduite par un vif mouvement de déstockage et une réduction précoce desdépenses d’investissement. Le seul soutien de la croissance en France a été la progression dela consommation des ménages, qui résulte principalement d’une augmentation record (4 %)du pouvoir d’achat. La baisse de régime de l’activité a entraîné un arrêt de la réduction duchômage à compter du printemps, même si l’accroissement de l’emploi sur l’année (+1,5 %,soit + 226 000 emplois dans le secteur marchand) a été supérieur au glissement du PIB.Au début de 2002, le trait le plus marquant de l’économie mondiale est lamultiplication des signaux suggérant que l’économie américaine a passé le creuxconjoncturel. Certes, l’environnement international de la zone euro est loin d’uneamélioration uniforme. Le Japon n’est pas sorti de la récession. Les zones émergentes, àl’exception de quelques pays d’Asie producteurs de haute technologie, ont encore une activitédéprimée. Mais le redressement des anticipations des entrepreneurs s’observe dans toutel’Europe. Il devrait induire un comportement moins restrictif et permettre, notamment, uneprogression de la production industrielle, dont la nette contraction a expliqué le recul de 0,2 %du PIB de la zone euro au quatrième trimestre de 2001.231


En France, l’opinion plus favorable portée par les industriels sur les stocksmontre que le retour vers un comportement plus neutre de la demande des entreprises estamorcé. L’investissement se stabilise, et pourrait retrouver une pente positive à partir de la findu printemps, surtout si une réanimation des exportations venait confirmer l’amélioration ducontexte international. La progression de la consommation des ménages, bien que moinsvive qu’en 2001, resterait voisine de 2 % en rythme annuel au premier semestre, soutenue parles fortes hausses de revenu en fin d’année passée. Les Français apparaissent certes un peumoins portés à consommer, mais l’inquiétude née de la dégradation du marché du travaildevrait être limitée par le ralentissement de la hausse du chômage, qui avoisinerait 9,2 % dela population active en juin. La progression des achats reposerait aussi sur une nette réductionde l’inflation. Sauf nouveau choc extérieur, le glissement des prix sur un an serait de 1,3 % enjuin. Dans ces conditions, la croissance reviendrait au printemps vers un rythme annuelproche de 2 % (voir P17 la croissance du PIB).Une inquiétante logique de « destruction créatrice » s’installe dans leséconomies. Dans le passé, certains patrons se glorifiaient de ne pas licencier à la premièrealerte. De Marks & Spencer jusqu’à Danone, en passant par les chaussures André, lestransports Grimaud, Valéo, Philips et Moulinex, la vague des plans sociaux qui touchent laFrance est tellement spectaculaire qu’on est enclin à se poser demander pourquoi un aussigrand nombre d’entreprises réduisent en même temps leur activité alors que la conjoncturereste soutenue en Europe, sinon aux Etats-Unis (les évènements du 11 septembre mis de côté).Faut-il y voir une nouvelle confirmation que la règle sacro-sainte du capitalisme américain,celle de la « shareholder value », du profit pour l’actionnaire, gagne de plus en plus deterrain ?L’explication est tentante. La brutalité dont a usé Marks & spencer pourannoncer la fermeture de ses magasins, dans le but revendiqué de « rendre 3,2 milliardsd’euros (21 milliards de francs) de cash à ses actionnaires » d’ici un an, a donné du corps àcette hypothèse. On devine, pourtant, que la réalité est forcément plus complexe et que lesstratégies d’entreprise ne peuvent pas s’apprécier à l’aune d’un seul critère, celui de larentabilité, même si le modèle anglo-saxon gagne indéniablement du terrain sur le modèlerhénan.De fait, si on prend le temps d’analyser ces différents plans sociaux, on mesurequ’ils ont des causes très nombreuses. Chaque entreprise a son histoire. Marks & Spencer estainsi une firme britannique qui n’a pas senti la mode tourner et qui, d’un seul coup, s’estréveillée au bord du gouffre, comme pour Moulinex. Dans le cas de Philips, c’est plutôt celled’une longue hésitation ou d’une panne de stratégie. Entre le marché des semi-conducteurs,celui de la téléphonie mobile et celui de l’électronique grand public, la firme n’a jamais vouluvraiment choisir et elle en fait les frais.L’explication des plans sociaux par la « shareholder value » ne marche doncpas systématiquement, ou du moins n’est pas l’explication unique. Elle ne fonctionne en faitque dans le cas de Danone qui était l’exemple type de « l’entreprise-citoyenne » dans un passérécent et qui est devenue le symbole inverse, celui de ces entreprises qui sacrifient tout à leuractionnariat- ou en tout cas, qui sacrifient les branches les moins rentables de leur activité,pour « créer de la valeur pour l’actionnaire ».232


Détruire des emplois pour créer de la valeur… le PDG du groupe, FranckRIBOUD, assume d’ailleurs lui-même, le paradoxe lors d’un entretien au point le 13 avril2001 où il commente : « il est absurde d’interdire aux entreprises de licencier quand elles sontbénéficiaires : toute la dynamique de l’emploi repose sur la « destruction créatrice », commedisait SCHUMPETER ».Dans cette myriade de comportements différents, il y a cependant, au moins untrait commun, qui tend à s’imposer : avec ce nouveau capitalisme patrimonial qui prospère,les choses vont vite, beaucoup plus vite que dans le passé. Avec les marchés boursiers pourjuges de paix, prêts à réagir au moindre écart, il faut, d’une entreprise à l’autre, non passeulement promettre aux actionnaires qu’ils gagneront de l’argent pour l’exercice en cours ; ilfaut leur donner l’assurance qu’ils en gagneront toujours plus que leurs concurrents. « Alors,c’est vrai, admet M. RIBOUD, nous gagnons de l’argent avec les biscuits. Mais, si noustardons à nous réorganiser, ce que nos concurrents ont déjà fait, nous perdrons notrecompétitivité et nos résultats plongeront ». D’où la fermeture des deux usines de Ris-Orangiset de Calais : comme le pôle biscuit du groupe ne dégage une marge opérationnelle « que » de7,9 %, à comparer à 11 % pour le pôle des produits laitiers ou 12,3 % pour le pôle boissons, ildoit faire l’objet d’un plan de rigueur.C’est un signe des temps. Hier, en France, les chefs d’entreprise s’appliquaientà couper les « branches mortes » ; aujourd’hui, la mode est à élaguer les branches les moinsrentables. Dans le passé, certains patrons se faisaient même un motif de gloire de ne pasréduire l’emploi à la première alerte, pour préserver la « communauté » que constituel’entreprise ; désormais, le licenciement préventif est un moyen éprouvé de soutenir un coursboursier. C’est, en quelque sorte un monde qui change, un monde qui bascule. Mais n’est-cepas non plus celle qui en dit le plus long sur les évolutions de l’économie française ?« Le ralentissement économique a des répercussions différentes selon lessecteurs et les qualifications. Si l’industrie réduit massivement le recours à l’emploi précaire,la demande d’ingénieurs et de cadres reste élevée. L’arrivée de l’euro nécessite l’embauche denombreux intérimaires dans les services » 284 .Le ralentissement de l’activité économique commence à produire ses effets surl’emploi. Outre les restructurations dans les télécommunications, plusieurs secteursindustriels, dès la rentrée, ont réduit leurs perspectives de croissance dans la crainte de subirles conséquences de la crise qui s’amplifie aux Etats-Unis, avec la publication de mauvaischiffre de l’emploi.En France, l’augmentation du chômage devrait contribuer à relancer le débatsur la politique du gouvernement avant le vote de la loi de modernisation sociale, en troisièmelecture au Sénat, à l’automne. D’ici là, faut-il craindre, comme l’expriment à demi-motcertaines organisations professionnelles et syndicales, une accélération des plans sociauxavant la mise en place des nouveaux dispositifs renforçant la protection des salariés ? Onconstate parallèlement la multiplication des licenciements individuels. Les indemnités sontquasiment publiques : « 30 489,80 euros (200 000 francs) pour un ouvrier, 60 979,61 euros(400 000 francs) pour un technicien et 121 959,21 euros (800 000 francs) pour un cadre »résume un leader syndical de la métallurgie.284Le Monde du 10.09.2001.233


Les intérimaires et les salariés en contrat à durée déterminée (CDD) sont,comme lors des crises précédentes, les premières victimes du coup de frein amorcé dansquelques grands secteurs industriels. Les statistiques de juillet révèlent que ces deuxcatégories de salariés représentent une part non négligeable des 39 6000 nouveaux inscrits àl’ANPE. Alors que la part des licenciements économiques (18 076 personnes) était en haussede 4,7 % en un mois, celle des fins de CDD (106 003 personnes) subissait une aggravation de27,3 % et celle des fins de mission d’intérim (39 867 personnes) de 10,3 %. Celles-ci ontaugmenté de 40,4 % en un an.« Même si les chiffres ne sont pas catastrophiques, nous constatons, depuis ledébut de l’année, des signes de baisse d’activité dans certaines entreprises qui se traduisentpar des mesures au détriment des CDD et des intérimaires », note Yves de BOISSIEU,directeur opérationnel chez Adecco. Selon le syndicat des entreprises de travail temporaire, letassement s’est confirmé, en juillet et en août, avec une chute d’activité d’environ 4 %. Indiceplus inquiétant, cette baisse affecte même les secteurs industriels qui ne sont pas en crise.L’absence de visibilité est notable et ce sont les intérimaires et les CDD lespremiers concernés par les plans sociaux, les fermetures de sites et les cessions d’usines.Mais, dès avant l’annonce de mesures de restructurations drastiques, plusieurs grands groupesont mis fin brutalement à ces emplois « précaires ». Conséquence de la crise destélécommunications, la Sagem a renvoyé 2 000 intérimaires, dont plus d’un millier dans sonunité de Fougères (Ille-et-Vilaine) et 800 à Montauban (Tarn-et-Garonne), sur un effectifpermanent de 16 000 salariés. Philips, qui projette la suppression de 1 200 emplois dansl’Hexagone, a, selon la CGT, déjà exclu 900 postes d’intérim. En ajoutant Alcatel (4 000 autotal et 1 400 en France), Mitsubishi (800) et Solectron (2 000), ce sont 7 700 salariés quiseraient frappés dans la métallurgie.Ce coup d’arrêt ne concerne pas seulement les secteurs qui traversentd’importantes difficultés. Avec le retour de la croissance, de nombreuses entreprises ontlargement fait appel à l’intérim pour absorber des surcroîts de production, parfois dans desproportions de l’ordre de 10 à 15% de l’effectif permanent. C’est particulièrement vrai dansl’automobile, parmi les équipementiers telle l’entreprise X et les sous-traitants.Pour Renault Véhicules Industriels, « L’expérience montre qu’il fautanticiper ». Après deux années « historiques » qui ont favorisé l’embauche de 1 800personnes et un carnet de commandes encore notablement rempli, le constructeur de poidslourds a décidé un gel du recrutement et une réduction du nombre des 3 000 à 4 000intérimaires pour prévenir un avenir incertain. Face à la crise « sans précédent » qui frappe cesecteur aux Etats-Unis et dans la crainte d’un effet de contagion, Michelin affiche, lui aussiune grande prudence. Tout en achevant son plan de « diminution des coûts » avec lasuppression de 5 300 emplois, cela ne l’a pas empêché de recruter plus de 1 000 salariés dansle cadre de l’accord sur les 35 heures.Invoquant une « totale absence de visibilité », malgré une activité qui restesoutenue, de nombreuses entreprises industrielles font porter sur les emplois flexibles lesconséquences de cet attentisme. Celles qui avaient projeté d’importants plans de recrutementpour respecter les 35 heures ou anticiper les futurs départs à la retraite, se gardent biend’annoncer une révision à la baisse de leurs objectifs.234


10° Les effets du chômageL’effet négatif de la lutte contre l’inflation sur l’activité économique a étécalculé par Lawrence BALL, un économiste de Princeton, à partir des données macroéconomiquesrelatives aux principaux pays industrialisés pour les périodes de désinflationsurvenues depuis 1960. Dans un article publié à l’automne de 1993, il s’est efforcé dedémontrer que l’impact variait, selon les pays, en fonction de la durée de la périoded’ajustement et de l’agencement des conventions salariales. Pour les neuf pays considérés, il acalculé un «ratio de sacrifice» exprimant la perte de production potentielle par rapport à labaisse de l’inflation tendancielle. Au cours de la période étudiée, ce ratio s’est établi à 1,4, cequi signifie que l’abaissement de 1 point du taux d’inflation leur a coûté, dans leur ensemble,1,4 point de croissance. A contrario, on pouvait estimer que la désinflation à laquelle étaientparvenus les pays industrialisés à la fin de 1993 les affranchirait d’un obstacle vers laréalisation de la croissance potentielle.La montée du chômage a été dénoncée comme le problème économiquenuméro 1 au sommet des sept grandes puissances industrielles (G7), les 8 et 9 juillet 1993 àTokyo, et à l’assemblée annuelle du F.M.I. et de la Banque mondiale, à la fin de septembre àWashington. Le fléau, estimait-on, devait affecter 35 millions de personnes dans les paysindustrialisés en 1994. Les recommandations faites par ces instances étaient d’ordre général:accroître l’efficacité du marché du travail, améliorer l’éducation et la formation, encouragerl’épargne et l’investissement, préserver le système commercial multilatéral, tenir compte duvieillissement de la population, perfectionner les marchés financiers.La problématique cernée par le rapport intérimaire sur l’emploi publié le 20juillet par l’O.C.D.E. était plus étroitement ciblée. Selon ce document, les pays membres del’Organisation ne pourront échapper à la fatalité du chômage que par une stratégie globale devalorisation des ressources humaines, formant un «cercle vertueux» avec l’amélioration desperformances économiques. Suivant en cela l’exemple donné par le Japon depuis plus de deuxdécennies, les puissances occidentales devraient accroître leurs avantages comparatifs en sespécialisant, plus que par le passé, dans les productions à haute valeur ajoutée. Il faut,estiment les auteurs, «faciliter la réorientation des structures de production entreprise dans lespays de l’O.C.D.E. qui se détournent des emplois peu qualifiés à bas salaires au profitd’emplois très qualifiés et à salaires élevés». Cela suppose un effort accru dans le domaine del’éducation, de la formation et de la recherche-développement. Des pays comme Taïwan ouSingapour n’avaient pas attendu les conseils des experts du château de la Muette pour«délocaliser», depuis plusieurs années, leurs productions a haut contenu de main-d’œuvrevers d’autres pays où les salaires sont nettement moins élevés. Mais ce qui est relativementfacile pour des nations qui bénéficient de transferts technologiques l’est beaucoup moins pourcelles qui figurent dans le peloton de tête de l’innovation, dont les coûts s’accroissent defaçon exponentielle.La logique tracée par l’étude de l’O.C.D.E. conduisait à la condamnation duprotectionnisme: il faut permettre à la concurrence d’éliminer les producteurs les moinsefficaces, et les autres finiront par imposer leurs normes d’excellence. Il faut aussi permettreaux pays en développement d’exporter des produits pour lesquels le facteur de la maind’œuvreconstitue un atout dont ne disposent pas les pays riches.235


Cette logique était implicite dans les objectifs du cycle de l’Uruguay, unenégociation lancée en septembre 1986 à Punta del Este et qui a fini par aboutir le 15 décembre1993 à Genève, siège du G.A.T.T. Après de multiples rebondissements et une âpreconfrontation finale entre les États-Unis et la Communauté européenne, la conclusion desnégociations a permis de renforcer le système des échanges internationaux dans un cadremultilatéral, alors que le commerce mondial tendait à s’organiser dans le cadre degroupements régionaux. La Communauté des Douze, en effet, s’est ouverte commercialementaux pays de l’Association européenne de libre-échange (A.E.L.E.) dans le cadre de l’Espaceéconomique européen (E.E.E.), ratifié le 13 décembre 1993. Les États-Unis, le Mexique et leCanada ont ratifié l’Accord de libre-échange nord-américain, et un premier jalon en directiondu libre commerce a été posé par quinze pays riverains du Pacifique dans le cadre del’A.P.E.C. (Asia Pacific Economic Cooperation).Le caractère multilatéral du système d’échanges commerciaux est renforcé parla création d’une Organisation multilatérale du commerce (O.M.C.), dotée d’un statutcomparable à celui du F.M.I. et de la Banque mondiale, les institutions fondées à BrettonWoods en 1944. À l’époque, les États-Unis, pour préserver les prérogatives du Congrès en cedomaine, avaient préféré placer le commerce international sous l’égide d’un forum associatif,le G.A.T.T., dont les décisions n’ont pas de caractère contraignant pour les partiescontractantes. L’accord du 15 décembre ne permet l’exercice de rétorsions unilatérales, tellesqu’en prévoit la section 301 de la loi commerciale américaine, que si les procéduresinternationales se révèlent inopérantes.L’accord de l’Uruguay Round a comporté une partie «classique», amplifiantles mesures de désarmement tarifaire et non tarifaire adoptées, à partir de 1947, à la faveurdes sept précédents cycles. Celui qui s’est achevé en 1993 aura été de loin le plus complexe etle plus ambitieux. Les vingt-huit accords dont il est composé élargissent la réglementation deséchanges aux domaines de l’agriculture, des textiles, des services, de la propriétéintellectuelle et des investissements à l’étranger. Le volet agricole a été le plus difficile ànégocier, au point de faire craindre un échec de toute l’affaire, qui avait été conçue sur la basedu tout ou rien. La phase finale a été dramatisée par l’adoption d’une date butoir, le 15décembre, correspondant au délai nécessaire au Congrès des États-Unis pour ratifier l’accordau plus tard le 16 avril 1994. C’est à cette première date qu’expirait la loi dite du fasttrack adoptée à Washington au début de juillet, prévoyant un vote de l’accord commercial enbloc, sans possibilité d’amendements.Une avancée dans les discussions fut enregistrée le 7 juillet, à la veille dusommet de Tokyo: les représentants des Douze, des États-Unis, du Canada et du Japon, réunisdans le cadre de la «Quadrilatérale», sont alors convenus d’éliminer les taxes douanières et lesbarrières non tarifaires à l’importation d’un certain nombre de catégories de produits,relançant ainsi la dynamique de la négociation. En revanche, le «préaccord» sur le dossieragricole, dit de Blair House – du nom de la demeure de Washington où il a été conclu, le 20novembre 1992, entre les négociateurs américains et européens –, a eu le résultat inverse. Legouvernement français, sous la pression des agriculteurs nationaux, s’est opposé en particulierà l’obligation de réduire de 20 % les exportations agricoles subventionnées. Ce différend amis à rude épreuve la solidarité franco-allemande, car les ministres libéraux de la coalition aupouvoir à Bonn, interprètes habituels des milieux industriels, ont exprimé sans ménagementleur impatience face aux réticences françaises. Cependant, les agriculteurs allemands de l’Estavaient agi, sans le savoir, en faveur de Paris. Ils avaient dépassé de 5 à 15 % les plafondsd’ensemencement assignés par la nouvelle politique agricole commune (P.A.C.), qui avait236


prévu une mise en jachère de 15 % des terres plantées en céréales ou plantes oléagineuses.Ces exploitants se trouvaient donc exposés à compenser ces dépassements, mais cette foissans indemnisation financière, par des mises en jachère supplémentaires de même ampleur en1994 (l’Allemagne ayant choisi une limitation régionale, il n’était pas possible d’opérer unerépartition avec les Länder occidentaux). Cela créait une situation délicate pour Helmut Kohlau regard des dix-huit consultations électorales prévues pour 1994. Le chancelier allemandavait dès lors besoin d’alliés pour l’agriculture. La récente revalorisation du deutsche Mark nepouvait plus être balancée par des montants compensatoires monétaires, ces derniers ayant étésupprimés le 1er janvier. Avec l’appui de la France, l’Allemagne a obtenu du Conseil desDouze de n’être pas pénalisée du fait des conséquences de la crise financière sur l’applicationde la nouvelle P.A.C. Cette solidarité s’est retrouvée au G.A.T.T. L’accord du 15 décembre, àGenève, a porté sur tous les points prévus pour le cycle de l’Uruguay, à l’exception toutefoisdu domaine audiovisuel, à la demande de la Communauté, et des transports maritimes, àl’insistance des États-Unis. Les services financiers ont fait par ailleurs l’objet d’une exclusionpour dix-huit mois, afin de permettre de nouvelles négociations avec certains pays d’Asie.Enfin, le contingentement prévu pour les textiles dans le cadre de l’accord multifibre seraéliminé progressivement, sur dix ans.Les réactions qui ont salué l’issue heureuse de ce long débat n’ont pas été à lamesure des enjeux tels qu’ils avaient été chiffrés par des experts, ni de l’évocation, par lesplus chauds partisans de l’accord, des conséquences dramatiques qu’auraient entraînées, seloneux, un échec. D’après une étude menée pendant quatre ans par l’O.C.D.E. et la Banquemondiale, qui a été rendue publique le 26 septembre, la libéralisation des échanges selon lesobjectifs du cycle de l’Uruguay devrait se traduire par un revenu supplémentaire de 213milliards de dollars pour l’économie mondiale au cours de la période allant jusqu’en 2002.Après un nouveau calcul prenant en compte l’élimination des barrières non tarifaires,l’O.C.D.E. a relevé le chiffre à 270 milliards de dollars.L’année 1993 a été riche en événements renforçant la tendance, amorcée aumilieu des années 1980, à la concentration des échanges commerciaux dans le cadre régional.En Europe, le mouvement s’est manifesté le 1er novembre, par l’entrée en vigueur du traité deMaastricht instituant l’Union européenne, le 13 décembre, par l’inauguration de l’Espaceéconomique européen et, une semaine plus tard, par l’ouverture du dossier des demandesd’adhésion de quatre pays, l’Autriche, la Finlande, la Norvège et la Suède. L’objectif, pources derniers, était d’achever les négociations au plus tard en mars 1994, en vue de parvenir àdes adhésions effectives le 1er janvier 1995. Les principales divergences concernaient lareprise par les candidats de l’«acquis communautaire», c’est-à-dire l’ensemble des actesjuridiques et principes de droit qui fondent la construction européenne. De multiplesdérogations étaient demandées par les postulants, qui cherchaient à conserver certainsmonopoles (alcools, hydrocarbures) ou exceptions (transit des poids lourds), comme àsauvegarder des normes d’environnement ou des protections particulièrement élevées enfaveur de leurs agriculteurs.Le cinquantième Conseil européen a approuvé, le 11 décembre, le Livre blancdu président de la Commission, Jacques DELORS, qui proposait 20 milliards d’écusd’investissements sur six ans pour lutter contre le chômage. Sur cette somme, 12 milliards detravaux ont été retenus, 8 milliards devant faire l’objet d’études supplémentaires. Enrevanche, les Douze ont renoncé à l’imposition d’une taxe sur les émissions de dioxyde decarbone à l’occasion de la ratification de la Convention internationale sur le changementclimatique.237


L’A.L.E.N.A., visant à la suppression progressive, en quinze ans, des droits dedouane et obstacles non tarifaires aux échanges entre les États-Unis, le Canada et le Mexique,a été approuvé à Washington, le 17 novembre 1993, par la Chambre des représentants et troisjours plus tard par le Sénat. Le Canada avait été le premier des trois pays signataires à ratifierl’A.L.E.N.A., le 23 juin, mais la loi n’a été promulguée à Ottawa qu’après d’ultimes mises aupoint convenues en décembre entre le président CLINTON et le nouveau Premier ministrecanadien, Jean CHRETIEN. Le président américain avait précédemment exigé, conformémentà ses promesses électorales, la négociation d’accords complémentaires, conclus le 20 août, enmatière de protection de l’environnement et de législation du travail.Le sommet de l’A.P.E.C., qui a réuni quinze dirigeants de la région Asie-Pacifique, le 20 novembre 1993, à Seattle, a couronné une démarche plus ambitieuse, mais deconception moins précise. L’administration CLINTON, estimant que le centre de gravité del’économie mondiale s’était déplacé vers l’Asie, entendait «récupérer» ce mouvement sous leleadership américain. Cette intention a été clairement perçue par les participants asiatiques àce forum d’une semaine, ce qui a empêché l’engagement souhaité par Washington en faveurd’une zone de libre-échange. Les seules décisions concrètes ont été de prévoir un deuxièmesommet (en Indonésie en 1994) et d’admettre trois nouveaux membres: le Mexique et laPapouasie-Nouvelle-Guinée en 1993, et le Chili l’année suivante. Conçue, à l’origine, commeun moyen de faire participer les pays occidentaux de la région à la concertation asiatique(c’était une idée de l’ancien Premier ministre australien Bob HAWKE), l’A.P.E.C. s’orientaitvers un rôle plus politique, dans la mesure permise par la diversité des pays membres. BillCLINTON 285 s’en est servi pour faire adopter un message pressant à l’adresse des Européenspour un accord sur le cycle de l’Uruguay.Dans une étude consacrée au développement du régionalisme commercial, leCentre d’études prospectives et d’informations internationales (C.E.P.I.I.) a estimé que laraison première de créer des unions régionales était plus politique qu’économique. L’auteur,Michel FOUQUIN 286 , ajoutait que l’«hétérogénéité politique, culturelle et religieuse est tellequ’il y a très peu de chances de voir l’A.P.E.C. former autre chose qu’un forum, doublé d’unmoyen, pour les États-Unis, d’empêcher l’Asie de se doter d’une organisation régionaleautonome».La seule structure commerciale de ce continent demeurait donc l’association delibre-échange formée par les six pays de l’A.S.E.A.N. (Association des nations du Sud-Estasiatique), c’est-à-dire l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, Singapour etBrunéi. En Amérique latine, en revanche, les accords de cette nature se sont multipliés,impliquant le plus souvent le «groupe des Trois» composé de la Colombie, du Mexique et duVenezuela. Le 4 décembre 1993, ceux-ci ont finalisé leur propre pacte de libre-échange quidevait être signé officiellement le 10 janvier 1994 (une révolte d’Indiens dans l’État mexicainde Chiapas a motivé un report à date indéterminée). Ils ont conclu, en octobre, des accordscommerciaux avec deux groupes de pays de la région, les membres du Caricom (onze nationsanglophones des Caraïbes, Belize et le Guyana) et ceux de l’Amérique centrale (Costa Rica,285CLINTON William Jefferson plus connu sous le nom de Bill CLINTON, né en1946, est le quarante-deuxième président des États-Unis d'Amérique, cfbiographie complète en fin de thèse.286Michel FOUQUIN est Directeur adjoint du CEPII et Professeur Associé àParis I, où il enseigne la Stratégie internationale des firmes et lesRelations Euro-Africaines. Il est membre du Conseil scientifique de laMaison Franco-Japonaise. Il est en outre Administrateur délégué du Club duCEPII.238


Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama et Salvador). Ces derniers ont renforcé, le 29octobre, le traité qui avait institué leur marché commun en 1960. Un tarif extérieur commun aété adopté, le 5 mars, par quatre des pays du Pacte andin, la Colombie, le Venezuela, laBolivie et l’Équateur, le Pérou s’abstenant en raison de ses difficultés économiques. Unaccord de libre-échange, enfin, a été signé, le 6 décembre, par les présidents du Chili, PatricioAYLWIN 287 et de la Colombie, César GAVIRIA 288 . Ces amorces d’intégration régionale ontété facilitées par la meilleure conjoncture qui s’est affirmée dans le sous-continent.La croissance économique de l’Amérique latine a été estimée par l’O.C.D.E. à3,6 % en 1993, contre 2,9 % l’année précédente. La reprise y a été «globalement soutenuegrâce aux programmes de stabilisation et de réforme économique qu’ont menés à bien ungrand nombre de pays de cette région».Une évolution comparable est apparue en 1993 parmi les républiques de l’ex-Union soviétique, en vue de réduire les conséquences économiques désastreuses de ladésagrégation de leur système d’échanges. Un traité d’Union économique a été paraphé, le 24septembre, par l’Azerbaïdjan — qui a adhéré à cette occasion à la Communauté des Étatsindépendants (C.E.I.) —, l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, laMoldavie, la Fédération de Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. L’Ukraine a décidé de sejoindre à l’Union en tant que membre associé. Le texte prévoit la libre circulation deshommes et des marchandises et la coordination des politiques monétaire, financière etbudgétaire. Mais la portée de cet accord a été limitée par l’éclatement de la zone rouble, dû àla décision qu’a prise Moscou de démonétiser les billets de banque émis après la dissolutionde l’Union soviétique et aux conditions exigées des pays partenaires, jugées par ces derniersléonines.De leur côté, les pays de l’Europe centrale et orientale (P.E.C.O.) n’ont puobtenir l’ouverture des marchés des dix-neuf États d’Europe occidentale lors de la conférenceconsacrée à ce sujet à Copenhague, les 13 et 14 avril. La réunion n’a pu aboutir qu’à unedéclaration soulignant l’importance des «politiques commerciales libérales».Toujours dans ses Perspectives économiques, l’O.C.D.E. a estimé que les paysde la C.E.I. et ceux d’Europe centrale et orientale devraient pratiquement tous avoir retrouvéle chemin d’une faible croissance en 1995. La Banque européenne pour la reconstruction et ledéveloppement (B.E.R.D.), consacrée au financement de leur transition vers l’économie demarché, a changé de président. Jacques ATTALI, dont la gestion avait été mise en cause, a étéremplacé le 18 août par Jacques de LAROSIERE, qui avait été directeur général du F.M.I.avant de devenir gouverneur de la Banque de France.La situation économique de l’Afrique, continent en perdition, s’est, une fois deplus, dégradée au cours de l’année 1993. Sa croissance est demeurée très faible au regard dela poussée démographique. Elle a été évaluée par le F.M.I. à 1,6 %, contre 0,4 % en 1992.Pour Michel CAMDESSUS, directeur général du F.M.I., elle apparaissait comme «uncontinent en perdition». Ayachi YAKER, secrétaire général adjoint de l’O.N.U. et secrétaire287Patricio AYLWIN Azócar, né en 1918 est un homme politique chilien,membre du parti démocrate chrétien et président du Chili du 11 mars 1990 au11 mars 1994. Il succéda au général Augusto PINOCHET à la tête du Chili. Cfbiographie complète en fin de thèse.288GAVIRIA, Cesar Trujillo, ex-Président de Colombie. Cf biographiecomplète en fin de thèse.239


exécutif de la Commission économique pour l’Afrique, a fait état, le 25 octobre, de sasituation «dramatique». Selon une étude présentée le 12 novembre à la vingt-septième sessionde la Conférence de la F.A.O. (Food and Agriculture Organization), au cours des vingtprochaines années le fléau de la sous-alimentation chronique devait tendre à se déplacer del’Asie du Sud vers l’Afrique subsaharienne, où 300 millions de personnes seront affectées.Une quinzaine de pays donateurs et d’institutions internationales ont promis, le20 octobre, au siège européen de la Banque mondiale à Paris, une aide de 5,5 milliards dedollars aux vingt-sept pays africains les plus pauvres engagés dans un programme de réformeséconomiques.Les pays africains de la zone franc ont accepté en janvier 1994 une dévaluationdu franc CFA, dont la parité a été ainsi réduite à 0,025 franc français. Cette mesure, justifiéepar la dégradation du solde extérieur de ces pays, était réclamée officieusement depuisplusieurs années par le F.M.I.L’économie des pays arabes, qui avait connu un véritable boom en 1992 avecune croissance de 14 % due à la reconstruction du Koweït et à une forte hausse (6,7 %) desrecettes pétrolières (94,6 milliards de dollars), s’est sensiblement ralentie en 1993, sacroissance étant évaluée à 4 % par le Fonds monétaire arabe (F.M.A.). Cette institution aestimé, dans son rapport annuel publié le 2 septembre, que l’économie de ces pays s’estremise des conséquences de la première guerre du Golfe et qu’elle «est entrée dans unenouvelle phase depuis 1992 grâce à la reconstruction et à la poursuite des réformeséconomiques».Le F.M.A. a toutefois publié en 1993 deux rapports faisant état d’évolutionsstructurelles défavorables dans le monde arabe. Un de ces documents, en date du 2 juillet, asignalé que les investissements intérieurs arabes ont fortement chuté au cours des douzedernières années en raison de la baisse du prix du pétrole et de l’achèvement d’importantsprogrammes d’infrastructure dans le Golfe. Après avoir atteint près de 116 milliards dedollars en 1980, ces investissements sont revenus à 84 milliards en 1991. La baisse a étéparticulièrement importante dans les six pays du Conseil de coopération du Golfe (ArabieSaoudite, Koweït, Émirats arabes unis, Qatar, Bahreïn et Oman), ainsi qu’en Irak, en Libye eten Algérie. Dans une autre étude, publiée le 5 septembre, le F.M.A. a signalé que lecommerce interarabe, après avoir augmenté de 13 % par an entre 1986 et 1989, a chuté de14 % en 1991 et a continué de se contracter, dans une moindre mesure (non précisée), en1992. Cette dernière baisse — attribuée aux conséquences de l’invasion du Koweït parl’Irak — est intervenue alors que les échanges globaux des pays arabes avaient atteint lechiffre le plus élevé depuis dix ans: 244 milliards de dollars, contre 230 milliards en 1991.Les vingt et un pays de la Ligue arabe sont convenus, au début d’avril, de la nécessité deréduire entre eux les obstacles douaniers au commerce, celui-ci ne représentant que 8 % deleurs échanges extérieurs totaux. Toutefois, les ministres de l’Économie et des Finances despays du C.C.G., réunis le 26 octobre à Riyadh, n’ont pas réussi à s’entendre sur un projetd’unification de leurs tarifs douaniers. Cette démarche visait notamment à remplir une desconditions posées par la Communauté européenne pour la signature d’un accord de libreéchange,en discussion depuis plusieurs années.Réunis le 18 mai à Doha (Qatar), les ministres des Finances du C.C.G. se sontabstenus de confirmer leur engagement de verser une aide de 10 milliards de dollars promisedepuis deux ans à l’Égypte et à la Syrie, en vertu de la Déclaration de Damas. Autre240


conséquence de la baisse des recettes pétrolières (qui ne représentent plus que 10 % desrevenus des pays du Golfe, après avoir atteint jusqu’à 63 %), la dette extérieure des paysarabes a dépassé 200 milliards de dollars, selon une étude publiée en juillet par la Ligue descentres arabes pour le développement économique et social. À la fin de l’année 1993, le coursdu brut était tombé à quelque 13 dollars sur le marché londonien, retrouvant, en monnaieconstante, le niveau d’avant le premier choc pétrolier de 1973. Après la dizaine d’années deprospérité que fut la période de 1973-1983, les pays du Golfe n’avaient pas pu se constituer lecapital nécessaire à leur développement ultérieur. On était bien loin des conditions qui avaientpermis, vingt ans auparavant, l’explosion des prix de l’or noir. Le Venezuela, pays à l’originede la création de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (O.P.E.P.), en 1960, ouvraitses gisements d’hydrocarbures au capital étranger, et le processus de paix engagé entre Israëlet l’Organisation de libération de la Palestine (O.L.P.) faisait un contraste saisissant avec laguerre du Kippour, qui fut le détonateur de la guerre du pétrole.L’aide à laquelle la communauté internationale s’est engagée à l’égard del’O.L.P. est apparue comme le meilleur gage de succès pour l’avenir de l’accord avec Israëlconclu en août 1993 à Sarpsborg et signé le 13 septembre à Washington. En revanche, lespourparlers politiques, qui se sont poursuivis dans le sud-ouest de la Norvège, n’ont paspermis, en décembre, de rapprocher les deux parties sur des aspects essentiels de l’autonomiede la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Les plus urgents concernaient le contrôle des pontssur le Jourdain et l’étendue du territoire autour de Jéricho sur lequel l’O.L.P. pourrait exercerses prérogatives administratives. Mais d’autres questions demeuraient sans réponse. Dansquelle mesure l’économie du futur État serait-elle indépendante d’Israël ? Quelle influenceserait laissée à la Jordanie, en sa qualité d’ancienne puissance souveraine ? Les dirigeants deJéricho disposeraient-ils d’une Banque centrale ? Seraient-ils habilités à établir un tarifdouanier, ou devraient-ils accepter l’union douanière souhaitée par Israël ? Qui aurait autoritésur les colonies juives implantées dans les territoires ? Le problème de Jérusalem,revendiquée pour capitale par les deux parties, paraissait le dernier susceptible de se prêter àl’amorce d’une solution.Puisque l’État hébreu offrait le spectacle d’une apparente prospérité, parcontraste avec les pays voisins, la paix devait être gagnée avant tout sur ce terrain. La tâcheparaissait considérable. Le revenu individuel moyen des 1,7 million d’habitants de laCisjordanie et de Gaza n’atteignait que 1 800 dollars par an (selon les chiffres de 1991), 16 %seulement des 10 878 dollars des Israéliens (le déséquilibre était encore plus accusé pour les780 000 habitants de Gaza dont le revenu annuel n’était que de 850 dollars). Pour près d’untiers, l’économie de ces territoires dépendait de la vente de ses produits à Israël et des salairesqu’y obtenaient ses travailleurs. Au contraire, l’économie de ce dernier pays n’était tributairequ’à concurrence de 3 % des apports des territoires, un pourcentage qui allait en déclinant enraison de la substitution de la main-d’œuvre au profit des immigrants juifs.L’agriculture occupait une place importante dans l’économie des territoires:elle contribuait pour un quart au P.I.B., occupait 23 % de la population active et intervenaitpour 60 % dans les exportations. Les difficultés provoquées par le sous-investissement, lesrestrictions aux échanges extérieurs et une croissance démographique de 4,7 % par an avaientété récemment aggravées par la fermeture, pendant cinq mois, de la frontière avec Israël.La Banque mondiale a évalué, en août 1993, à 3 milliards de dollars sur dix ansles investissements nécessaires à la restauration de l’économie palestinienne. Pour tenircompte du coût du rapatriement des Palestiniens émigrés, le chiffre a été révisé, en octobre, à241


550 millions de dollars par an pendant cinq ans. Les représentants de quarante-sept pays,réunis à Washington le 1er octobre, se sont engagés à allouer aux territoires occupés 600millions de dollars immédiatement et 400 millions en 1994, sous forme de dons, de prêts etd’assistance technique. Les États-Unis entendaient participer à concurrence de 500 millionsde dollars sur cinq ans. La Communauté européenne, qui a versé depuis 1971 plus de518 millions d’écus aux Palestiniens réfugiés, s’est engagée à hauteur de 500 millions d’écus.Le Japon, un des principaux fournisseurs d’assistance à ces populations avec 27 millions dedollars en 1993, devait fournir 100 millions en 1994. Les pays scandinaves et les États duGolfe participeraient aussi à cet effort.Le conseil d’administration de la Banque mondiale a autorisé, le 19 octobre, lacréation de deux fonds fiduciaires destinés à fournir une aide d’urgence aux territoiresoccupés. Le premier, de 50 millions de dollars, devait servir à des opérations de réhabilitationd’urgence à Gaza, et le second, de 35 millions, à financer l’aide technique et des études defaisabilité.Même parcourue de tensions, de conflits et d’inégalités fortes, la sociétésalariale était une réalité porteuse d’espoirs de changements positifs pour la grande majorité.Ce n’est plus le cas aujourd’hui: la société salariale est en pleine crise. Il s’agit non seulementd’une crise économique, mais d’une crise d’identité, d’une crise morale pourrait-on dire.Certes, le ralentissement de la croissance économique enregistré depuis 1975 a précipité leschoses. Pourtant, il convient de ne rien exagérer: le produit intérieur brut, en Europe commeailleurs, a poursuivi son ascension, à un rythme moyen un peu supérieur à 2 % par an (4 % auJapon, 2,5 % aux États-Unis), si bien que, en vingt ans, le volume de la production aaugmenté des deux tiers. Nos sociétés sont plus riches matériellement, mais elles ont perdu lafoi dans la croissance. Celle-ci ne parvient plus à intégrer dans le salariat tous ceux quifrappent à ses portes.Cela se traduit, bien entendu, par la montée d’un chômage que rien ne sembleparvenir à endiguer, surtout en Europe, inquiétant par le nombre de personnes qu’il touche etpar sa durée: la moitié des chômeurs environ connaissent cette situation depuis au moins unan, ce qui rend des plus aléatoires leur éventuelle réinsertion sur le marché du travail. Eneffet, pour les employeurs potentiels, le chômage de longue durée est un indicateurd’inemployabilité: le fait de n’avoir pu trouver d’emploi depuis longtemps induit unesuspicion sur les qualités intrinsèques du demandeur d’emploi. Dans une situation marquéepar l’asymétrie d’information – l’employeur ne connaît pas a priori les capacités de l’individuqui postule un emploi –, il convient de réduire le risque de commettre une erreur d’embauche.Et cela passe par une sélection qui écarte les candidats «à risque»: chômeurs de longue durée,jeunes sans expérience, personnes non diplômées, etc.Ainsi, sur un marché marqué par la pénurie des offres d’emplois, le chômagene frappe pas au hasard, mais tend à se concentrer sur les personnes les plus vulnérables quisont victimes alors d’un processus d’exclusion de l’emploi, donc de la société salariale.Contrairement à la situation du Quart Monde dans les années 1960, cette vulnérabilité n’estpas issue d’un héritage ou d’un handicap personnel: on ne naît pas exclu, on le devient. Unéloignement temporaire du marché du travail devient vite un éloignement définitif lorsquefont défaut un réseau de relations personnelles, le parachute du diplôme ou un savoir-faireprofessionnel apprécié sur le marché du travail.242


La montée du chômage contribue ainsi à rendre plus difficile l’accès à lasociété salariale. Mais elle en diminue aussi l’homogénéité. Entre chômage et emploi, touteune série de situations intermédiaires ont eu tendance à se développer. Ce «halo du chômage»comprend, dans un ordre croissant de précarité, l’emploi à temps partiel (qui est un emploioccupé faute de mieux dans les deux tiers des cas), le contrat à durée déterminée, la missiond’intérim, les contrats emploi/formation en alternance (apprentissage, qualification,adaptation), les contrats emploi-solidarité, les stages. Dans certains cas, il existe bien uncontrat de travail, un salaire conforme aux conventions collectives, un lien de subordination.Mais il s’agit là d’une situation précaire, susceptible de prendre fin rapidement ou à une datedéjà programmée. Dans d’autres cas, il s’agit d’un contrat ouvrant des droits sociaux limités:salaire inférieur aux minima de la branche (apprentissage, qualification) ou contrat à mitemps(emploi-solidarité). Dans d’autres cas, enfin, il ne subsiste rien du contrat de travail,seul le versement d’une indemnité permettant de maintenir la fiction. Quant à l’intérim, si sapratique a été réglementée afin de mettre fin aux abus qui le caractérisaient, il n’en demeurepas moins que, pour l’entreprise utilisatrice, son principal intérêt réside dans le fait qu’ilsubstitue un contrat commercial, que l’on peut dénoncer à tout moment et sans indemnitécompensatrice, au contrat de travail.L’hétérogénéité est croissante et ce n’est pas seulement à la périphérie del’emploi que le salariat se transforme, c’est en son sein même. Et cela de deux façons.D’abord, parce que le droit du travail lui-même est de plus en plus regardé aujourd’huicomme un obstacle à l’emploi: dans le droit-fil de la théorie néoclassique, tout ce quicontribue à rigidifier la relation de travail est analysé comme un frein au fonctionnementoptimal du marché, donc comme une source de moindre efficacité se retournant, en fin decompte, contre l’emploi lui-même. Comme il est difficilement envisageable, en France, dedémolir une construction lentement édifiée depuis un siècle, il est plutôt question de créer desdomaines «à droit du travail allégé» (pour paraphraser une expression de l’ancien présidentdu C.N.P.F., Yvon GATTAZ 289 , qui, en 1985, proposait la création d’emplois «à contraintesallégées»): la création, en 1994, d’un «chèque service» va dans ce sens, puisqu’elle dispenseles utilisateurs – des employeurs familiaux – de passer un contrat de travail, et qu’il peut êtremis fin à la relation de travail entre l’employeur familial et son employé(e) à tout moment,sans préavis ni indemnité. La loi MADELIN de 1993, qui encourage des salariés à se mettre àleur compte, tout en continuant à travailler pour leur entreprise, mais de façon indépendante,est un autre exemple. Le patron se transforme en donneur d’ordres, le salarié en sous-traitant:si le lien de subordination économique subsiste, le lien de subordination juridique est éliminé,et le contrat de travail avec lui. Il ne s’agit, bien sûr, que de remises en cause très limitées,mais, face à l’ampleur de la crise de l’emploi, si ces initiatives se révèlent efficaces, on peutpenser qu’elles annoncent d’autres remises en cause qui seraient alors beaucoup plusimportantes. Alors que, jusque dans les années 1970, il semblait que le salariat allaitprogressivement éliminer toutes les autres formes d’emploi, à quelques rares exceptions près,ce n’est plus le cas aujourd’hui, et ce n’est pas un hasard si on peut constater un renouveau decréation de micro-entreprises reposant sur du travail indépendant, non salarié.La relation salariale se modifie non seulement dans sa dimension juridique,mais aussi dans ce qui lui est le plus essentiel: les modalités de fixation du salaire et de sonévolution dans le temps.289Yvon GATTAZ est un entrepreneur français. Il a été président du CNPF de1981 à 1986. Cf biographie complète en fin de thèse.243


La fixation du salaire est, depuis quelque deux siècles, déterminée librementsur le marché du travail en fonction de l’offre et de la demande. Certes, on l’a vu, cefonctionnement libéral a été progressivement pondéré par des interventions publiques ou desconsidérations sociales, surtout depuis une cinquantaine d’années: salaire minimum, accordscollectifs de branche, etc. Mais il s’agissait de limitations au principe, pas d’une remise encause. Or, avec la montée du chômage de masse, la «loi du marché» aurait dû aboutir à unediminution du niveau du salaire, puisqu’on constate désormais un excédent durable de maind’œuvredans la plupart des qualifications. Pour une part, cette pression a opéré: lesembauches de jeunes salariés s’accomplissent souvent à des niveaux de salaires inférieurs àceux qui prévalaient quelques années auparavant. Aux États-Unis, un certain nombre deconventions collectives – revues tous les trois ans – prévoient désormais des salairesd’embauche très notablement inférieurs, si bien que, dans certaines entreprises, pour un mêmeposte de travail, les salaires versés peuvent aller du simple au double, selon l’ancienneté dusalarié qui l’occupe. En outre, la faiblesse du salaire minimum a empêché que s’instaure uncliquet à la baisse pour les salariés les moins qualifiés, et l’ensemble des bas salaires a eutendance à diminuer depuis le début des années 1980.Pourtant, mis à part ces quelques cas, la baisse des salaires n’a pas eu lieu. Aucontraire, on constate que, dès qu’il s’agit de travail un tant soit peu qualifié, les salairespratiqués ont continué à progresser – à allure réduite il est vrai – malgré la montée duchômage. La réduction des salaires à l’embauche pour les jeunes diplômés est généralementliée à une phase probatoire: dès que le jeune embauché a fait la preuve de ses capacités àoccuper correctement le poste auquel il est affecté, son salaire est souvent revalorisé. Au fond,tout se passe comme si les employeurs, dans leur majorité, avaient eu des scrupules àappliquer les règles d’une économie libérale.Une explication a été avancée par les économistes sous l’appellation de«salaire d’efficience». Alors que, selon l’analyse traditionnelle, le salaire est un prix quisanctionne l’efficacité du salarié, selon cette nouvelle approche le salaire est une incitation, unmessage destiné au salarié, pour amener celui-ci à fournir le meilleur de lui-même dans lecadre de son travail. La réalité, en effet, est que le nombre de postes de travail où l’on peutmesurer avec exactitude la qualité du travail fourni tend à diminuer. Certes, on peut toujoursmesurer un résultat, mais ce dernier est de plus en plus souvent collectif. Et la qualité estdifficilement mesurable. Si bien que l’employeur est dans l’incapacité de savoir si tel salarié aou n’a pas bien travaillé.On retrouve la situation, déjà mentionnée, de l’asymétrie d’information: lesalarié en sait plus que l’employeur sur le déroulement exact du processus de travail. Aussil’employeur est-il amené à surpayer le salarié par rapport au prix du marché, de sorte quecelui-ci sache que, en cas de départ de l’entreprise, il serait lourdement pénalisé. Le salarié adonc intérêt à fournir un travail efficace et impeccable, pour que l’entreprise fonctionne bienet qu’aucune occasion de licenciement ne soit donnée à l’employeur. Le salaire d’efficienceconstitue donc, d’une certaine manière, une sorte d’échange «non économique»: l’employeurdonne plus qu’il ne serait obligé de le faire, espérant que, en contrepartie, le salarié donneralui aussi plus qu’il ne serait tenu. On peut, certes, analyser cette forme d’échange comme uneextension de la rationalité marchande. Mais on peut y voir aussi une application des règles dudon, dont chacun sait qu’il appelle un contre-don, de sorte que s’établissent des liens sociaux,chacun devenant l’obligé de l’autre. Ainsi, à l’opposé d’un fonctionnement de marché, lesalaire devient un moment dans la création de liens sociaux qui vont bien au-delà du strictéchange. A contrario, on connaît la fameuse plaisanterie que l’on attribuait aux salariés244


soviétiques: «Ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler.» Avec lathéorie du salaire d’efficience 290 , le sens de la causalité s’inverse: ce n’est plus l’efficacité, oule rapport de forces, qui détermine le salaire, c’est le salaire qui détermine l’implication etcontribue à créer des liens sociaux forts entre l’entreprise et ses salariés.Il est clair qu’une telle théorie n’a pas de sens dans des établissementscomprenant plusieurs milliers de salariés: l’anonymat des relations de travail, la présenced’une hiérarchie très structurée, transformant le lien direct employeur/salarié en un ensemblede relations bureaucratiques organisées par des règles strictes, tout cela empêche que lesrelations sociales personnalisées puissent s’instaurer. En revanche, dans des établissements detaille plus modeste – quelques centaines de salariés au plus –, qui deviennent progressivementla norme dominante, même s’ils appartiennent à des entreprises ou à des groupes, beaucoupplus importants, l’approche du salaire d’efficience paraît bien plus pertinente. Elle estcohérente, en tout cas, avec les tentatives de création d’une «culture d’entreprise», d’unsentiment d’appartenance à l’entreprise, qui constituent, au-delà des modes et des motsvalises,des mouvements de fond, transformant peu à peu la relation qui unit le salarié à sonentreprise. Certes, il y a toujours le lien de subordination, qui fait que le salarié reçoit desordres, ou des consignes, qu’il s’inscrit dans une organisation du travail que d’autres ontchoisie. Mais, en plus de ce lien de subordination, on voit apparaître ce qu’on pourrait appelerun «lien de connivence», parce que, de plus en plus, le succès ou l’échec de l’entreprisedépendent d’initiatives ou de comportements des salariés eux-mêmes.Cette ébauche d’une sorte de communauté de travail, conflictuelle etinégalitaire, il faut le souligner, va de pair avec les phénomènes d’exclusion durable dumarché du travail ou de précarisation soulignés plus haut. Loin d’être contradictoires avecelle, ceux-ci en sont la face cachée. D’une certaine manière, c’est parce qu’une masse nonnégligeable de personnes se trouvent exclues ou menacées d’exclusion que le sentimentd’appartenance à l’entreprise peut se renforcer et qu’il devient autre chose qu’un discourspaternaliste destiné à donner le change. On voit ainsi que le salariat est désormais parcouru deprofondes fissures, pour ne pas dire de réelles fractures: un salaire minimum pour tous ceuxqui ne sont pas suffisamment qualifiés, un contrat précaire pour beaucoup, mais aussi uneintégration forte dans l’entreprise pour un grand nombre et, partout où subsistent desorganisations bureaucratisées (administrations, grands établissements), des règles collectivesstrictes destinées à protéger les salariés contre les risques.290La théorie du salaire d’efficience est une idée ancienne et déjàprésente dans le passage au "five dollars day" par Henry FORD. Elles’exprime simplement : il y a une liaison positive entre niveau de salaireet productivité. Cf annexe 11 en fin de thèse. Elle est enrichie par deuxanalyses complémentaires. - La motivation des travailleurs permettrait decomprendre les écarts observés entre des productions réalisées à partird’une même combinaison productive. Harvey <strong>LE</strong>IBENSTEIN (1957) parle pourdésigner ce facteur de "x-efficiency".- George AKERLOF en 1970 élabore deson côté une représentation des comportements des offreurs et desdemandeurs sur les marchés d’occasion, c’est à dire pour des situationsd’incertitude (risque moral) quant à la qualité des produits [L’article deAKERLOF : "The market for Lemons", traite du marché des automobilesd’occasion, et montre que le comportement rationnel traditionnel ne peutêtre retenu. une voiture trop bon marché sera écartée par les acheteurs quisoupçonneront une faible qualité. Le vendeur aura donc tendance à releverles prix pour convaincre les clients de la bonne qualité de ses voitures.En 1982 AKERLOF appliquera à son tour cette idée au marché du travail.]. Laforme la plus achevée des implications de ces deux approches, pour lemarché du travail est proposée en 1974 par J.E.STIGLITZ.245


Les règles d’évolution du salaire dans le temps, elles aussi, se modifient.Durant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, ce sont des procédurescollectives – conventions ou accords d’entreprise – qui, pour l’essentiel, ont réglé l’évolutiondes salaires. Les seuls cas d’évolution individualisée concernaient soit les cadres dirigeants,soit les salariés qui bénéficiaient d’une promotion. Il en est de moins en moins ainsi. D’abord,parce que la crise a provoqué un amenuisement de la négociation collective, notammentsalariale. Mais surtout parce que les processus d’individualisation ont beaucoup progressé: lesalaire évolue désormais au mérite. Cela ne va pas sans difficultés: car comment apprécier cemérite dans une économie où, on l’a vu, la mesure individuelle du résultat est de plus en plusproblématique ? Paradoxalement, l’individualisation des augmentations de salaires tend à segénéraliser au moment même où cette mesure individualisée n’est plus possible, alors que,lorsqu’elle l’était (travail non robotisé), c’était la règle de l’augmentation collective quiprévalait. En outre, les salariés ont souvent la conviction que cette individualisation prélude àdes licenciements, les moins bons devenant les victimes désignées en cas de compressiond’effectifs. Enfin, l’individualisation peut provoquer, au sein du collectif de travail, destensions génératrices d’inefficacité. Pour toutes ces raisons, l’individualisation desaugmentations de salaires n’est pas encore généralisée. Reste qu’elle progresse sensiblement,devenant peu à peu la norme dominante pour l’ensemble des salariés (sauf dansl’administration). L’individualisation, en effet, fournit à l’entreprise un mode de régulationsalariale très souple, puisque la masse salariale peut désormais évoluer de façon trèsirrégulière d’une année à l’autre, en fonction des résultats de l’entreprise. Ces vertus deflexibilité ne sont pas contradictoires avec l’instauration d’un salaire d’efficience destiné àfixer la main-d’œuvre la plus performante et à inciter les salariés à ne pas tricher dans leurardeur au travail. Mais le revers de la médaille est évident: au sein même du groupe dessalariés, les écarts peuvent se creuser, et l’homogénéité salariale, le creuset où naissait lafameuse classe moyenne, est fortement compromise. Ainsi, à la fracture qui sépare intégrés,exclus et possesseurs d’un emploi précaire s’ajoute une dispersion croissante au sein de lapremière catégorie. Les inégalités qui se creusent ne sont donc pas seulement statutaires, ellessont également salariales.Cette évolution n’est évidemment pas inéluctable. L’exemple japonais nousmontre qu’une autre issue est envisageable: c’est l’économie du partage. Une partieimportante de la rémunération, dans ce cas, est constituée d’un intéressement aux résultats del’entreprise. Lorsque ceux-ci se dégradent, la rémunération des salariés est donc réduited’autant, puisque la partie variable est comprimée, voire annulée. Cette compression de lamasse salariale, à son tour, favorise l’adaptation de l’entreprise: elle a moins besoin derecourir aux licenciements. À l’inverse, ce mode de rémunération facilite les embauches: pourl’entreprise, le coût d’un salarié supplémentaire se limite à la partie fixe du salaire (et descharges sociales correspondantes) puisque, si ce nouvel embauché n’engendre aucun résultatsupplémentaire, la partie variable qu’il recevra sera prélevée sur celle des autres salariés, quirecevront un peu moins à ce titre. Et si le salarié supplémentaire contribue à augmenter lerésultat de l’entreprise, tout le monde y gagne: les salariés comme l’entreprise. Il ne fait pasde doute que ce mécanisme, théorisé par Martin WEITZMAN 291 , a permis à l’économiejaponaise de maintenir un quasi plein-emploi, même lorsque le taux de croissance est devenuproche de zéro, dans la première partie de la décennie de 1990. Dans ce cas, la flexibilité n’estplus recherchée à un niveau individuel, elle est appliquée à un niveau collectif. Mais celasuppose, on s’en doute, un fort consensus entre salariés, puisque, de fait, les embauches291Le principe du partage du profit introduit en 1985 par Martin WEITZMANpeut être un des moyens de régler certaines des questions posées par laconvention de salaire.246


nouvelles font peser sur les salariés en place la menace d’une réduction de leur rémunération,si ces nouveaux salariés n’engendrent pas un résultat en hausse suffisante.Le «modèle japonais» renvoie ainsi à un contexte culturel spécifique, ce quiexplique peut-être qu’il n’ait pas tendance à se généraliser, malgré ses vertus. Plus proche denous, en Allemagne, se dessine un «nouveau contrat social» qui vise à réduire en partie lafracture entre les salariés et les exclus, ou ceux que l’exclusion menace: en liant lesnégociations sur les salaires avec le niveau d’emploi, le syndicalisme allemand se déclare prêtà négocier globalement, non pas en fonction des intérêts des seuls salariés en place, mais enfonction d’un niveau d’emploi désiré. On voit bien, dans ce cas, les termes du contrat:modération salariale en échange de garanties sur l’emploi et sur l’embauche. Mais il est clairqu’une telle négociation implique deux conditions. La première concerne les entreprises ellesmêmes:dans une économie de marché, seuls de très grands groupes, ou des branches entièresd’activité, peuvent prendre des engagements sur le niveau d’emploi, puisque les entreprises necommandent pas la demande. Ce type d’engagement repose donc sur une «mutualisation» del’emploi, qui implique une très forte organisation des employeurs eux-mêmes. Quant à laseconde condition, elle concerne les salariés: le syndicat doit être en mesure de faire respecterles engagements (salariaux) pris au nom des salariés, ce qui ne peut être le fait que d’unsyndicalisme à la fois représentatif et fort. Ces deux conditions sont remplies en Allemagne,ce qui explique que ce type de négociation y soit possible. Mais elles ne le sont pas dansnombre de pays européens, à commencer par la France. Il n’est donc pas assuré que l’exempleallemand fasse tache d’huile.En un siècle, la nature des problèmes à résoudre a profondément changé: à unelutte pour le partage du revenu entre dirigeants et salariés se substitue de plus en plus (ous’ajoute) une lutte pour enrayer la décomposition du lien social. C’est que, en un siècle, lesalariat a changé: de groupe social minoritaire cherchant à faire prévaloir sa légitimité, il estdevenu statut social, conditionnant bien souvent l’intégration à la société.11° L’indemnisation du chômage 292La période récente a montré combien le système d'assurance chômage créé en1958 par un accord national interprofessionnel, était sensible à l'activité économique,connaissant tour à tour de substantiels excédents et des déficits profonds. Car c'est bien là lepropre de l'assurance chômage, qui distribuent, par le biais de l'UNEDIC et des ASSEDIC,l'indemnisation chômage, d'être riche quand le chômage est faible et la croissance généreuseet d'être pauvre lorsque le cycle économique s'inverse. La difficulté surgit lorsque lesexcédents accumulés durant la première période viennent à manquer chroniquement durant laseconde.Avec la crise qui n'en finit plus de durer et le chômage, devenu un chômage demasse, l'assurance chômage se trouve devant une situation inédite face auquel son systèmed'indemnisation apparaît très mal adapté, à tel point que l'on peut douter de sa pérennité entemps que tel et envisager son remplacement par un système exclusif de solidarité.Parce que la nature et l'échelle des risques couverts par l'Assurance chômageont changé, le système français d'assurance chômage traverse une crise grave.292D’après une étude de DAYAN, JL, L'Avenir de l'assurance chômage, RevueDroit social, juill-août 1996 et la revue Emploi et Protection sociale,Cahier Français, La Documentation Française, 1999.247


Sans s'attarder sur la raison d'être et le bien-fondé économique de l'Assurancechômage, on peut dire, qu'en 1958, la création de l'indemnisation du chômage avait le soucisde répondre aux défaillances de l'assurance privé, peut enclines, conformément au mécanismebien connu en économie des assurances de la " sélection adverse ", à assumer ce risque bienparticulier. Le caractère tardif de la mise en place de l'assurance chômage, est révélateur de lasituation dans laquelle se met en place l'indemnisation chômage : une situation de fortecroissance et de plein emploi (de pénurie de main d'œuvre même !). Le modèle qui se met enplace est un système de gestion paritaire de l'UNEDIC et des ASSEDIC, par les partenairessociaux. Ce régime obligatoire d'Assurance chômage, financé dès le départ par des cotisationsd'employeurs et de salariés, donne droit à des prestations calculées au prorata du salaire deréférence, pendant une durée limitée, aux personnes ayant cotisées au régime.L'indemnisation du chômage participe du système global de mutualisationpartielle du salaire. Les cotisations correspondant à la constitution d'un hypothétique salairede remplacement en cas de perte de son emploi. Le chômage étant alors un chômageessentiellement frictionnel, l'indemnisation du chômage était importante (90 % du salaire) etde longue durée.La nouvelle donne du chômage se pose avec l'apparition d'un chômage demasse modifiant l'ampleur et la nature du risque. Changement d'échelle- Le nombre de chômeurs à cru, il atteint 2717 milliers en 2005 alors qu’il était de 2682milliers en 2003. Sans compter le " halo " (cf. FREYSSINET)- La probabilité moyenne pour un actif occupé d'être au chômage l'année suivante était,en France, de 0,8 % en 1969, elle est de 4,8 % en 1993 (1,5 % à 15,5 % pour les jeunes).- La durée du chômage s'est allongée. De 265 jour en 1981, elle est passée en 1994 à405 jours. Changement de nature- on est passé d'un chômage structurel, situation dans laquelle il était possible d'assurerun salaire de remplacement, le temps de retrouver un emploi, à un chômage structurel delongue durée.- le modèle d'emploi sur la base duquel s'est construit le système d'indemnisation duchômage, le salariat de plein emploi, a changé. On est passé d'un risque simple de chômage aurisque multiple de discontinuité professionnelle. Des situations inédites se sont présentées,multipliant les exclus de l'assurance chômage : le chômage n'est plus seulement la résultantede la perte d'un emploi, mais peu résulter aussi de l'absence d'embauche. Il n'y a plus cettealternative binaire entre activité professionnelle et inactivité. Les FPE (formes particulièresd'emplois) se multiplient.La montée du chômage résulte d'une dégradation de l'emploi, sur lequel sontindexées, à travers la masse salariale, les cotisations. Le problème qui se pose rapidement àl'Assurance chômage est la question de sa solvabilité et de sa capacité à financerl'indemnisation du chômage.Deux crises financières particulièrement graves sont à retenir :En 1982, d'abord, le régime se trouve dans une situation de crise grave, à la fois du pointde vue financier et institutionnel, que les partenaires sociaux ne parviennent pas à gérer.C'est l'État qui prendra, finalement les mesures d'économie qui s'imposaient enaugmentant en lieu et place des gestionnaires paritaires, les cotisations sociales.248


La seconde importante crise financière date de 1993 et conduit une fois de plus lespouvoirs publics à intervenir, par le versement d'une subvention publique, destinée àassurer l'équilibre du système.Face à la montée du chômage, le régime d'indemnisation chômage a connu desadaptations aussi nombreuses qu'insuffisantes.- la différenciation des risques : le régime français est aujourd'hui différencié en neuf" filières ", qui à une durée de cotisation donnée font correspondre une durée de versement etun calendrier de réduction progressive (dégressivité) de l'allocation. Le système demeuredonc fortement assurantiel dans sa logique puisqu'il identifie des " classes de risques "correspondant aux types de parcours que l'on connaît aujourd'hui : alternance de courtepériodes d'emploi précaire et de chôme, chômage consécutif à une longue période d'emploi...Cette identification des risques fonctionne aussi en recettes, puisque sont identifiés depuis lemilieu des années 1980 bons et mauvais risques parmi les employeurs cotisants, avecl'application d'une surcotisation à ceux qui licencient de façon outrancière. On sent ici lerisque de ne plus voir couvert les mauvais risques...- Une couverture qui se réduit : La part prise par le régime d'assurance dansl'indemnisation du chômage s'est réduite continûment durant les années 1980. La proportionde ses allocataires parmi les chômeurs indemnisés est aujourd'hui de 78%. Cela signifiequ'avec 20% de chômeurs indemnisés en dehors de l'assurance chômage, l'Assurancechômage n'est plus qu'un régime parmi d'autres (Nous y reviendrons). La garantie offerte parl'assurance chômage s'est réduite en durée et en montant. Les durées d'indemnisationmaximales n'ont pas été abrégées, mais les durées d'emploi requises pour y accéder ont étéallongées. Le seuil d'accès à l'assurance est passé de trois mois de travail dans les six derniersmois à quatre mois dans les huit derniers. On note aussi, un durcissement des conditionsd'admission des salariés démissionnaires.- Quant aux montants moyens perçus, ils ont continûment baissés depuis 1991 :dégressivité fortement accentuée de l'allocation unique à compter de 1992, introduction d'undifféré d'indemnisation à l'entrée en 1991, non revalorisation des allocations en 1993. Le tauxde remplacement moyen a fortement baisé est aujourd'hui de 58 % en moyenne. L'UNEDICestime que ces différentes mesures d'économie ont rapporté 1,5 milliards d’euros (10 milliardsde francs) en 1994 au régime d'assurance chômage.- Augmentation des cotisations : en 1994, cette hausse a apporté un surcroît de recettesde 34 milliards de francs. Mais ont sait les effets pervers sur l'emploi de cotisations socialestrop lourdes. Au final, c'est le système d'indemnisation chômage qui en pâtirait.Enfin, il faut dire qu'entre 1990 et 1995, la proportion de chômeurs recevantmoins de 451,12 euros (3000 francs) par mois est passée de 29 à 42 %. L'indemnisationchômage " historique ", ne rempli plus correctement son rôle et son avenir apparaît incertain.Une allocation personnalisée d’autonomie est donc mise en place le 13 mars 2003. Lacotisation d’assurance chômage passe à 6,4 % au 1er janvier 2003. 4 % pour les employeurset 2,4 % pour les salariés. La hausse de cotisation de 0,6 % est donc partagée à égalité entreles employeurs et les salariés.La pérennité du système d'indemnisation du chômage est fortementcompromise même si le rôle de l'État en matière d'indemnisation chômage s'est étendufortement corrélativement à la montée du chômage. Son intervention en la matière a d'abordconsisté dans le soutient financier apporté régime historique d'assurance chômage, dont nous249


venons de parler, avant de prendre en charge le nombre croissant des exclus de l'assurancechômage, par un dispositif reposant sur une logique de solidarité. De fait, les prestationsd'indemnisation du chômage sont aujourd'hui d'une double nature : Le régime d'assurance délivre à 1 800 000 bénéficiaires une Allocationunique dégressive (AUD). Le régime de solidarité, qui relève de l'État seul délivre deux allocations,L'Allocation de solidarité spécifique (ASS), versée aux chômeurs ayant épuisés leur droit aurégime d'assurance, justifiant de cinq années d'activité durant les dix dernières années etversée sous condition de ressources. Et l'Allocation d'insertion (AI), réservée à certainescatégories de demandeurs d'emploi, qui n'ont pas pu acquérir un droit au titre de l'assurancechômage. Elle ne bénéficie plus depuis 1992 aux jeunes primo-demandeurs d'emploi de 16 à25 ans.La durée et les filières d’indemnisation sont réduites de 8 à 4. Pour êtreindemnisé, il faudra avoir cotisé 6 mois dans les 22 derniers mois alors que cette durée étaitde 4 mois dans les 18 derniers mois.Les politiques publiques alternatives soulèvent la question du RMI ou du RMAdepuis quelques temps mais que se soit sous la forme de l'Assurance chômage ou du régimede solidarité, la nature particulière du risque à couvrir a conduit l'État a articulerl'indemnisation du chômage avec d'autres politiques sociales, au point d'en faire de véritablespolitiques alternatives plus à même que l'Assurance chômage d'assurer aux chômeurs unrevenu minimum.On pense aujourd'hui moins à la prise en charge des vieux salariés, par la miseen oeuvre d'une incitation au retrait d'activité, " l'âge d'or des préretraites " remontant auxannées 1970, qu'à la mise en place en 1989 du Revenu minimum d'insertion (RMI). Lacréation du RMI avait pour objectif de répondre aux situations de " nouvelles pauvreté ", tel lechômage longue durée, non indemnisé. Avec la mise en place de l'Allocation uniquedégressive en 1992 (mesure d'économie de l'Assurance chômage), le nombre de chômeursnon indemnisés a cru très fortement. Les chômeurs qui se voient refuser leur dossier au titrede l'indemnisation chômage (assurance ou solidarité) sont principalement des chômeurs quin'ont pas de durée suffisante d'affiliation pour bénéficier d'une indemnisation. Or cettecatégorie de chômeurs (sous réserve de la récente amélioration de la situation de l'emploi) estde plus en plus nombreuse, si bien que la carte des bénéficiaires du RMI, recoupe celle duchômage de longue durée. Il y a aujourd'hui plus d'un million d'allocataire au titre du RMI.L'indemnisation du chômage du régime d'assurance chômage n'est plus qu'unrégime d'indemnisation du chômage parmi d'autre. Elle n'a plus, ni la vocation, ni surtout lesmoyens d'être universelle. Son avenir passe aujourd'hui par une activation des dépensesd'indemnisation, dans le sens d'une participation aux politiques actives de l'emploi.Il devient nécessaire de redéfinir le rôle de l'assurance chômage pour unemeilleure activation des dépenses d'indemnisation. La thématique de l'activation des dépensespassives est récurrente depuis quelques années et correspond au souci de participer à la luttecontre le chômage dans l'espoir de voir le nombre des allocataires reculer. Jusqu'à présent lesréalisations en ce sens sont demeurées limitées, se limitant à des indemnités de formation, desconventions de conversion ou des allocations formation-reclassement. Seuls 10% desallocataires sont aujourd'hui concernés par ces différentes mesures. Mais la thématique de250


l'activation des dépenses passives n'est pas dénuée d'ambiguïtés. Elle peut être abordée sousplusieurs angles :- Sous l'angle libéral, l'activation des dépenses passives signifie avant tout mettre fin auxeffets pervers supposés de l'indemnisation sur le comportement des chômeurs et pluslargement sur le caractère concurrentiel du marché du travail. Il s'agit de rendre les chômeursmoins exigeant quant au salaire de l'emploi recherché, et d'affecter les fonds d'indemnisationdes chômeurs à des emplois subventionnés. C'est l'approche anglo-saxonne préconisée parl'OCDE.-Sous l'angle de l'activation gestionnaire, les fonds publics doivent faire l'objet d'uneallocation plus efficiente. L'indemnisation chômage doit non seulement prévenir le risqueindividuel mais aussi le risque collectif. Il s'agit de faciliter les parcours individuels derecherche d'emploi et améliorer globalement le fonctionnement du marché du travail.(Reclassement) et la qualification de la main d'œuvre (formation). C'est la voie française, quidoit être poursuivi et approfondi.- Sous l'angle de l'activation instrumentale, on s'interroge sur ce que font les acteurs dumarché du travail de l'indemnisation. Trop généreuse, elle risque d'avoir un effet permissif surles licenciements.-Sous l'angle de l'action refondatrice, la collectivité s'insinue dans le dialogue employéemployeuret finance les transitions qui dans le parcours des actifs s'intercalent entre lespériodes d'emploi : formation, années sabbatiques, cessation progressive d'activité... Elle peutaussi chercher à créer de nouvelles activités, pour répondre à des besoins nouveaux nonsatisfaits (emplois jeunes).Cette approche comporte de nombreux risques en terme d'effets d'éviction oud'effet d'aubaine.L'avenir de l'indemnisation chômage s'inscrit dans un cadre plus large que lastricte logique assurantielle qui a commandé sa création, il s'agit de participer, par le biais del'activation des dépenses passives, à une flexibilité mutualisée du rapport salariale, permettantaux entreprises de demeurer concurrentielles et aux chômeurs de se réinsérer. De toutemanière le modèle salariale, le modèle carrière a vie a vécu. Le système d'indemnisation duchômage doit s'adapter à la structure nouvelle du marché du travail.Qui dit travail et ses corollaires, chômage ou formation pour ne pas y être ouchangement d’orientation pour en changer, l’emploi est la base de notre société basée sur leséchanges économiques. Il est un lien important socialement parlant, ses représentations nemanquent pas et sa gestion est capitale pour que l’équilibre se maintienne.251


RESUME DE LA PARTIE I, TRAVAIL ET CHOMAGE DANS <strong>LE</strong>SSOCIETES SALARIA<strong>LE</strong>SEn définitive, le travail et son absence, le chômage, structurent une vie et laplace d’un individu dans la société. En effet notre société a connu depuis un demi siècle unepériode de développement économique sans précédent. Des progrès techniques et scientifiquesformidables ont été accomplis.Pourtant, vivre dans notre société n'est pas aussi agréable que ce que cesprogrès pourraient laisser penser et on en vient même à douter de la notion de progrès. Face àcet échec, les politiques se montrent inefficaces; Le sentiment dominant face aux problèmesde notre époque est l'impuissance. Les différents éléments semblent imbriqués de sorte quetoute pensée du changement est forcément déstabilisante, s'attaquer à un problème enaggravant systématiquement un autre. La pensée dominante du travail semble inadaptée à lasituation contemporaine et notre défaillance collective à répondre aux défis de notre époquevient de cette inadaptation. Nous avons du mal à penser le changement, parce que notrepensée est figée par l'utilisation même du terme de travail. Le progrès a ainsi amélioré lacondition de vie et les investissements ont été profitables. De même, pour la productionindustrielle, la mécanisation a permis de gérer autrement de nombreux emplois et les effortsentrepris par les dirigeants et par les employés se dirigent plus vers l’optimisation desconditions de travail que vers l’accroissement de la production. Des études récentes montrentmême que 90 % environ du travail humain pourrait avantageusement être supprimé dans lespays industrialisés.La mécanisation à d’ailleurs des répercutions considérables dans l'activitééconomique, il ne s'agit pas seulement du chômage mais aussi des « cadences infernales », dustress, des bas salaires ainsi que de la pollution, les crises économiques, mais aussi des tempslibérés à occuper . La société connaît plus de difficulté pour s'organiser. Ces difficultés sontessentiellement liées à notre rapport au travail et en particulier au travail salarié. La situationactuelle est l'aboutissement d'un processus qui a commencé avec les révolutions industrielles,il est particulièrement significatif de souligner qu'il avait été dénoncé dès la fin du XIXèmesiècle par Paul LAFARGUE entre autres : « Une étrange folie possède les classes ouvrièresdes nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misèresindividuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie estl'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forcesvitales de l'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, lesprêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. À mesure que la machinese perfectionne et abat le travail de l'homme avec une rapidité et une précision sans cessecroissantes, l'ouvrier, au lieu de prolonger son repos d'autant, redouble d'ardeur, comme s'ilvoulait rivaliser avec la machine ». En effet, il est important de distinguer le travail commeactivité consacrée à la production (opera en latin) et comme résultat (en latin opus) parexemple lorsqu'on parle du travail réalisé, et la forme dominante du travail qu'est le laborlatin. Cette distinction est gommée dans notre usage actuel du terme travail, on confond ainsice qui est anthropologique (l'activité) et ce qui est social (le travail salarié). L’activité donnebien souvent une place sociale252


Il en va de même du terme chômage. Le chômage est un concept daté etd'invention très récente, lié à celui de travail salarié. Il décrit une situation administrative etsociale, pensée comme une déchéance. Il a pris son sens actuel avec le développement ducapitalisme à partir du moment où l'activité de production humaine n’est plus uniquementsoumise aux nécessités naturelles. Cette confusion du sens est née du fait que le travail n'étaitplus compris que sous sa forme salariée. Lorsqu'on confond les différents sens du termetravail, on amène comme conséquence que le travail ne peut être produit que dans le cadre dela société marchande. On nie ainsi la possibilité d'une forme de travail à la marge du système,voire de toute production et finalement toute vie en dehors de ce système. Par exemple, parconfusion des sens, le terme travail est opposé à paresse, oisiveté, fainéantise, inactivité, maisaussi chômage. Ainsi, la situation sociale de chômage est-elle confondue avec les états décritsprécédemment ou certaines conditions tels que la paresse ou l'apathie qui n'ont en fait rien àvoir avec cette situation sociale. Par cette généralisation, le travail se trouve placé sur unpiédestal, reconnu et adulé par tous et toutes. C'est probablement la seule valeur reconnue partous dans notre société. Le culte du travail pensé comme travail productif fait de l'homme desesclaves et cela même dans les moments que l'on qualifie de temps libre et dans les loisirs,Dans notre société obsédée par le travail, ce dernier semble être le seul moyen honnête degagner assez d'argent pour vivre et de trouver une place dans la société. L'identité despersonnes est complètement liée à leur activité professionnelle et effectivement les loisirs sonteux mêmes un hommage au travail (à celui des autres) via la consommation ou la culture. Laproduction, la consommation, l'activité culturelle et intellectuelle sont totalement ou engrande partie subtilisées à l'individu qui ne peut les vivre qu'à travers le biais de l'échangemarchand. Les rapports sociaux entre les individus semblent aussi exclusivement liés autravail. D'ailleurs pour parler des exclus du monde du travail, on dit aussi les exclus toutcourt. Lorsqu'on rencontre une personne pour la première fois en dehors du cadre du travail,on s'empresse de lui demander "qu'est-ce que tu fais ?", sous-entendu "quel est ton travail ?",pour rapidement la placer dans ce cadre. Comme si, ce qui faisait l'intérêt d'une personnevenait de son travail. Le rôle social rempli par un individu effectuant un travail pouvant êtreeffectué par une machine est extraordinairement plus faible que celui d'un chômeur ou d'uninactif hyperactif qui militerait dans des associations, prendrait part à la vie de son quartier,aurait une activité culturelle ou intellectuelle originale.Nous sommes aujourd'hui dans cette situation où un niveau de vie satisfaisantpourrait être offert à tous moyennant une faible quantité de travail, mais où le culte du travaildoublé de la menace du chômage poussent à produire sans cesse plus (sans pour autantsystématiquement parvenir à employer plus de personnes), à consommer plus (sans pourautant améliorer sa qualité de vie), à accroître les inégalités, à placer certaines personnes dansla difficulté par absence de travail et d'autres par excès de travail. Les populations ont toujoursrêvé d'être libérées du travail par les machines. Aujourd'hui, c'est possible (mécanisation,délocalisation, abandon d'activité). Les principes du capitalisme tels qu'exposés élégammentpar Adam SMITH au XIXe siècle stipulent que c'est de la confrontation entre l'offre et lademande de travail que doit découler un niveau de salaire correspondant au plein emploi, c'estla fameuse main invisible. Les économistes libéraux ont ensuite tenté d'expliquer le chômagepersistant et de masse par des rigidités sur le marché du travail. Pour simplifier, les salaires nedescendraient pas suffisamment bas pour atteindre le niveau d'équilibre. Ces raisonnementsrestent sur l’hypothèse de marchés fermés et ne prennent pas en compte l'influence du mondeextérieur. En effet, la confrontation de l'offre et de la demande sur le marché du travail estfaussée par l’ouverture aux pays émergents dont les économies dites nouvelles ont des coûtsdu travail moindres et en mesure de concurrencer le travail des économies dites plusarchaïques. La main invisible d'Adam SMITH ne peut opérer sur un marché biaisé. Lorsqu'un253


ouvrier est licencié de l'atelier dans lequel il travaillait parce que le progrès a permis de leremplacer par une machine et ainsi de lui procurer du temps pour se consacrer à d'autresactivités plus intéressantes, le profit de l'opération c'est à dire le revenu du salarié estentièrement partagé entre la société qui possède l'usine et celle qui fabrique la machine.L'ouvrier lui ainsi que le reste de la population se trouvent exclu du profit de l'opération alorsque celle-ci tire son existence d'une situation qui est au départ pour le bien collectif. Al'ouvrier, le patron oppose des siècles d'histoire.Le progrès technique qui se traduit par une modification de l'activitééconomique (essor de certains secteurs et déclin d'autres) et de l'emploi (changement del'organisation du travail, changement des qualifications) conduit en cas d'accélération brutaleà des délais d'ajustement et donc à un chômage transitoire d'inadaptation. L'explication par leprogrès technique est ancienne. Elle met en jeu la problématique de la compensation. Si, àcourt terme, le progrès technique entraîne du chômage, à long terme, il y aura compensation.D'une part, le progrès technique se traduit par des innovations dans les biens de productionmais aussi au niveau des biens de consommation d'où une demande qui conduit à une plusgrande production et donc à des emplois. D'autre part, le progrès technique se traduit par unaccroissement de la productivité. Cet accroissement peut déboucher sur une baisse des prix,un accroissement de la demande et ainsi de la production et de l'emploi. Il peut augmenter lesmarges de profits des entreprises d'où plus d'investissements, plus de production et del'emploi. Il peut également permettre une augmentation des salaires qui stimulera laconsommation, la production et l'emploi. Il peut également déboucher sur une réduction dutemps de travail avec une hausse de l'emploi en compensation. Au total, pour certains, cesdifférents mécanismes conduisent à une compensation des pertes d'emplois de court terme. Iln'en demeure pas moins qu'une "bonne" répartition des gains de productivité (salaires, profits,réduction du temps de travail, prix) est nécessaire à la stabilité du système économique.Si K. MARX a fait un usage intensif de la notion de classes sociales, lamajeure partie des penseurs du XIXe siècle estime que sa paternité lui est cependantantérieure. Pour MARX, les classes sociales ne sont pas des " agrégats d'individus " mais un"système de positions antagonistes définies par des rapports sociaux". Les rapports deproduction sont à l'origine de la division sociale en deux groupes distincts : les détenteurs desmoyens de production (capitalistes) et ceux qui ne possèdent que leur force de travail(prolétaires). Les classes sociales n'existent que dans le cadre de la lutte des classes, lutte parlaquelle elles prennent conscience d'elles-mêmes, ce qui constitue le moteur de l'histoire.Selon les théoriciens du déséquilibre, les prix des biens et des services ainsi que le salaire sontfixes et tout déséquilibre sur les marchés qu'ils soient des biens et des services ou bien dutravail entraîne un rationnement par les quantités. Dans le cas du chômage classique, le niveaude profit est insuffisant donc les entreprises n'augmentent pas voire baissent leur productionmême s'il existe une demande non satisfaite. Dans le cas de l'inflation contenue, cela signifieque par rapport à la demande de biens et de services, il y a une insuffisance de main d'oeuvreet de production ce qui conduit à une hausse des prix. Les deux types de chômage, keynésienet classique, sont extrêmement difficiles à distinguer car ils entretiennent des relations ce quiexplique les difficultés à lutter contre. Ainsi, l'évolution des capacités de production quisemble avoir limité la demande de travail à certaines périodes est déterminée par le tauxd'investissement, qui lui-même dépend des perspectives de demande. D'autre part, lacompétitivité sur les marchés extérieurs influence le niveau de la demande extérieure. Lafaiblesse de la demande étrangère peut être le reflet d'une compétitivité insuffisante. Entermes de politique économique, tenter de remédier à un chômage keynésien (insuffisance dela demande) par une plus grande flexibilité du marché du travail ne résout rien tant que les254


entreprises n'ont pas de commandes elles n'embauchent pas et cela quel que soit le niveau desalaire. De même, une relance de la demande n'aurait aucun effet sur un chômage de typeclassique, le coût du travail trop élevé nuisant à la rentabilité des investissements. Selon lathéorie marxiste, l'exploitation provient du fait que le travailleur produit plus que ce qui estnécessaire à la reproduction de sa force de travail. L'exploitation prend un aspect volontairedans le système capitaliste car les contrats de travail entre les agents (travailleurs d'un côté,capitalistes de l'autre) sont passés librement. Selon la théorie du job search ou chômageprospectif de RUEFF, l'individu procède à un calcul coût-avantage lors de sa recherched'emploi. L'information étant imparfaite, il peut être avantageux pour lui de prolonger sapériode de chômage afin d'acquérir le maximum d'information sur les postes disponibles. Ilarbitre entre, d'une part, le coût (perte de revenus pendant qu'il est au chômage, coûts del'information, etc.) et, d'autre part, le revenu futur d'un emploi meilleur. Dans ce cadre,l'indemnisation du chômage diminue le coût de recherche et allonge d'autant la durée duchômage. L'indemnisation du chômage serait également à l'origine de l'existence de la trappeà chômage. La désincitation à reprendre un emploi du fait de l'existence de l'indemnisation duchômage conduit l'individu à augmenter sa durée au chômage et par la suite ses difficultés àêtre embauché. Cette trappe se distingue de celle à pauvreté qui exprime la désincitation àaccroître le revenu d'une personne déjà en emploi (accroissement de la durée d'emploi oueffort en vue d'augmenter le taux de salaire). Selon Keynes et à sa suite les keynésiens, lechômage n'est pas dû à un mauvais fonctionnement du marché du travail. Ils réfutent l'idée del'existence d'un marché du travail au sens néo-classique. Les salariés ne peuvent offrir untravail en fonction d'un salaire réel puisqu'ils ne maîtrisent pas les prix des biens et desservices. Ils négocient seulement un salaire nominal. Ce sont les entrepreneurs qui fixent lesprix des biens et des services. Le niveau d'emploi dépend des décisions des entrepreneurs quicherchent à maximiser leur taux de profit en fonction d'un univers incertain où ils anticipentl'offre et la demande globale. En conséquence, le niveau d'emploi peut ne pas correspondre auniveau du plein emploi. Si la demande effective (au sens anticipée) est faible, lesentrepreneurs fixeront un niveau de production faible et toute la population active ne trouverapas forcément d'emploi. Selon le courant néo-classique, le chômage provient des rigidités dufonctionnement du marché du travail. Le travail est un bien comme un autre qui s'échange surun marché. L'offre de travail vient des salariés. Ces derniers arbitrent entre l'acquisition d'unrevenu grâce au travail et le loisir. Une hausse de salaire peut se traduire par une offresupplémentaire ou bien une réduction, le salarié dans ce dernier cas ayant une préférence pourle loisir. De même il existe un taux de salaire d'acceptation ou salaire de réservation, c'est-àdireun taux de salaire minimum à partir duquel un individu donné passe d'une offre de travailnul à une offre de travail positive. L'offre de travail est fonction croissante du salaire réel. Lademande de travail des entreprises dépend de la productivité marginale du travail et du salaireréel. L'entrepreneur demande du travail jusqu'au point où le bénéfice réalisé par une unitésupplémentaire de travail compense le coût du travail supplémentaire. La demande de travailest une fonction décroissante du salaire réel puisque pour les néo-classiques la productivitémarginale est croissante puis décroissante à partir d'un certain niveau. Si les conditions deconcurrence pure et parfaite sont respectées sur le marché du travail, il existe un niveau desalaire d'équilibre qui permet la satisfaction de l'offre et de la demande de travail. Si l'offre detravail est supérieure à la demande de travail, la baisse du salaire conduit certains offreurs àsortir du marché du travail et des demandeurs à entrer sur le marché. A l'inverse, lorsque lademande est supérieure à l'offre, le salaire augmente ce qui provoque l'afflux d'offreurs detravail et la sortie de demandeurs de travail. Si un déséquilibre persiste, c'est en raison del'existence de rigidités qui empêchent le salaire de se fixer à son niveau d'équilibre et ainsi laréduction de l'écart entre l'offre et la demande de travail. Les dysfonctionnements ou rigiditéssont de plusieurs types : existence d'un salaire minimum, indemnisation du chômage,255


syndicats, législation sur la protection de l'emploi, politique fiscale et prélèvements sociaux.Pour RUEFF et FRIEDMAN, il résulte que le chômage est d'abord et avant tout volontaire.Si pour les théoriciens néo-classiques tels que SHAPIRO ou STIGLITZ, le salaire est fonctionde la productivité du travail, pour les théoriciens du salaire d'efficience, la variation de laproductivité du travail du salarié dépend de son salaire. Si celui-ci est élevé il est incité àfournir un effort supplémentaire. Cela peut expliquer la rigidité à la baisse des salaires. Leschômeurs qui désirent travailler à un salaire inférieur ne trouvent pas à être embauchés car lesemployeurs craignent de perdre les salariés en place dont la productivité est élevée.256


II - L’EMPLOI : REPRESENTATION ET GESTIONA : L’emploiCe que l’on sait de l’emploi reste complexe, voire controversé. Un tel état dessavoirs est fréquent en économie et se comprend bien dans un domaine où il s’agit d’hommes,de leurs moyens d’existence («de quoi vivre») et d’expression («le sens du travail»).D’amples développements sont intervenus au cours des deux dernières décennies, et lesacquis récents les consolident plus qu’ils ne les transforment.Le travail est alors une marchandise presque comme les autres. Elle est offertepar les personnes qui disposent de temps libre et souhaitent y renoncer pour se procurer unsalaire, c’est-à-dire d’autres marchandises. Elle est demandée par les entreprises quirecherchent des facteurs de production, les combinent entre eux pour obtenir un produit et unprofit à l’issue de sa vente.La théorie du déséquilibre est alors une des solutions puisque, une desconséquences du marché interne est évidemment de rigidifier les ajustements de salaires pourla partie la plus structurée du marché du travail. Ceux-ci, dépendant de négociationscollectives périodiques, ne peuvent guère fluctuer au jour le jour. Due à l’AméricainR. CLOWER 293 et au Français E. MALINVAUD, la théorie du déséquilibre part del’hypothèse de prix fixés temporairement. Alors, les transactions de marché ont lieu, soit enexcédent soit en déficit, sans que jouent les ajustements traditionnels. Avec une série desimplifications drastiques, on peut résumer l’économie d’un pays à deux marchés, celui dutravail et celui des produits, et envisager quatre situations: double excès d’offre, double excèsde demande, et deux cas mixtes, avec excès d’offre sur un marché, de demande sur l’autre.On peut éliminer rapidement les deux cas d’excès de demande sur le marché du travail. La«surchauffe» est absurde dans un cas, celui de l’excès simultané d’offre sur le marché desproduits: comment des entreprises qui n’arrivent pas à vendre leurs produits chercheraientellesdes salariés additionnels ? Dans l’autre cas, elle est appelée «inflation contenue», parceque l’excès de demande sur le marché des produits, sans possibilité de trouver d’autrestravailleurs, devrait alimenter, au sortir de la période de prix fixes posée par hypothèse, unprocessus d’inflation. Restent les deux cas d’excès d’offre sur le marché du travail, autrementdit de chômage.Chômage et excès d’offre sur le marché des produits, chômage et mévente:nous retrouvons ici le chômage «keynésien», dû à une faible demande effective. Mais l’apportessentiel de la théorie concerne le second cas: chômage et excès de demande sur le marchédes produits. Ce cas peut se produire lorsque des équipements insuffisants, ou insuffisammentrentables, dissuadent les entrepreneurs de répondre à une demande pourtant solvable etinsatisfaite. C’est le chômage «classique», symétrique du précédent, qui complète la théoriekeynésienne et la généralise.Cet apport analytique est porteur de douloureuses conséquences politiques,parce que la relance, qui améliore le chômage keynésien, dégrade le chômage classique, etsymétriquement: ce dernier demande de l’austérité salariale et le renforcement des profits desentreprises, ce qui nuit aux débouchés. De nombreux travaux ont pu montrer que ce qui293CLOWER, Robert (1926- ) est un économiste américain, cf biographiecomplète en fin de thèse.257


caractérisait les économies occidentales des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix était unmixte des chômages classique et keynésien. Ce sont alors des politiques progressives etdifférenciées qui sont indiquées. On a pu proposer avec le Français D. TADDEI 294 unprocessus d’«aménagement-réduction du temps de travail», accompagné d’une augmentationde la durée d’utilisation des équipements, afin de résorber d’abord le chômage classique, puisune relance progressive pour limiter le chômage keynésien. Mais cette politique se révèled’application délicate.Les salaires d’efficience 295 et l’opposition insiders / outsiders contiennent deuxdéfis qui hantent la microéconomie orthodoxe: celui du chômage de masse et celui de larigidité des salaires. Ni l’un ni l’autre ne trouvent de réponse satisfaisante dans lesdéveloppements évoqués plus haut, qui maintiennent, en la sophistiquant, l’idée d’ajustementspar les prix. C’est pourquoi la plupart des travaux récents dans cette ligne explorentl’hypothèse de rigidités «optimales» (entendons par là qu’elles résultent du fonctionnementnormal du marché du travail et non d’entraves qui le perturberaient). L’emploi cesse alorsd’être une marchandise pour devenir une relation asymétrique entre agents calculateurs.Une première possibilité est que les acteurs s’entendent implicitement pourstabiliser le salaire. C’est l’idée des «contrats implicites», qui s’est révélée être une impassethéorique et se trouve abandonnée depuis le milieu des années quatre-vingt.Une deuxième est que les entreprises optent pour une stabilisation du salaireau-dessus du niveau qui permettrait l’embauche de tous les candidats. C’est le principe du«salaire d’efficience» développé notamment par les Américains STIGLITZ, YEL<strong>LE</strong>N etAKERLOF, qui lie l’effort fourni par les salariés au niveau du salaire: pour des raisonsdiverses et qui divisent les spécialistes (mélange de «carotte» et de «bâton», possibilité detrier les meilleurs travailleurs, constitution d’un collectif motivé), l’entreprise choisit, en touteliberté, un salaire plus élevé que celui du marché. La conséquence est la coexistence duchômage et de la rigidité salariale.Une troisième possibilité est évidemment que les salariés imposent, à leuravantage, la rigidité au-dessus du niveau du marché. C’est possible si leur licenciement estcoûteux pour l’entreprise. Alors, les insiders, ceux qui sont à l’intérieur, sont en quelque sorteabrités de la concurrence des outsiders . L’opposition insiders / outsiders (élaborée par leSuédois LINDBECK et l’Anglais SNOWER) retrouve alors, au cœur de l’emploi, unerelation de concurrence imparfaite inévitable.Ces théories sont ainsi porteuses d’un interventionnisme nuancé, éclectique etdélicat: il ne serait guère logique de prôner directement le retour au salaire supposéconcurrentiel, et la solution réside dans des politiques de l’emploi actives – via dessubventions à l’embauche, des actions de formation –, qui malgré tout doivent rapprocherd’un équilibre de marché.294TADDEI, Dominique, La réduction du temps de travail, Ed. Doc Franca, 84P., 1997.295 Salaire d'efficience d’AKERLOF et de YEL<strong>LE</strong>N en 1986. Cf annexe 11 en finde thèse.258


D’où un double programme; l’un intellectuel qui consiste à repérer et évaluerles différents espaces stratégiques; et l’autre pratique qui fait évoluer ces derniers dans unedirection où la recherche de la croissance et de la compétitivité ne se fasse plus au détrimentdes hommes.Face à la mondialisation du travail, les droits de ce dernier doivent évoluer ets’adapter pour rester en adéquation. Le terme mondialisation désigne le développement deliens d'interdépendance entre hommes, activités humaines et systèmes politiques à l'échelle dumonde. Ce phénomène touche la plupart des domaines avec des effets et une temporalitépropre à chacun. Ce terme est souvent utilisé aujourd'hui pour désigner la mondialisationéconomique, et les changements induits par la diffusion mondiale des informations sousforme numérique sur Internet. Le terme « mondialisation » apparaît dans la langue françaiseen 1964 dans le cadre de travaux économiques et géopolitiques. Il désigne initialement le seulmouvement d'extension des marchés des produits industriels à l'échelle des blocsgéopolitiques de la Guerre froide. Longtemps cantonné au champ académique, il se généraliseau cours des années 1990, d'une part sous l'influence des thèses d'émergence d'un « villageglobal » portées par le philosophe Marshall MCLUHAN, et surtout par le biais desmouvements antimondialistes et altermondialistes, 296 qui attirent, par leur dénominationmême, l'attention du public sur l'ampleur du phénomène.1° face à la mondialisation de l’économieDéfini comme l’échange de biens ou services entre nations, le commerceinternational est un objet d’analyse circonscrit de façon nécessairement arbitraire : c’est lefranchissement d’une frontière lors du déplacement d’un bien, ou à l’occasion de la fournitured’un service, qui détermine le caractère international de l’échange. Deux dimensions –politique et spatiale – sont donc à prendre en compte : on peut alternativement examiner lecommerce international du point de vue de l’échange entre localisations séparées par desfrontières politiques, ou entre localisations distantes : Bruxelles-Paris versus New York-LosAngeles. Aussi le commerce interrégional, au sein des nations, et le commerce internationalont-ils en commun de nombreux déterminants. L’ouvrage fondateur de la théorie classique ducommerce international de Bertil OHLIN, publié en 1933, avait pour titre Interregional andInternational Trade 297 . KRUGMAN 298 en 1991 a renouvelé cette tradition.Commerce international et production des multinationales à l’étranger doiventêtre soigneusement distingués. L’étude des faits stylisés montre que les échanges mondiauxprogressent plus vite que la production mondiale, mais que la production à l’étranger desmultinationales augmente à son tour plus vite que ces échanges. La nature du commerceinternational s’en trouve affectée, ce dont devront rendre compte les théories explicatives. À296Mouvements antimondialisation et altermondialisation, Cf annexe 12 enfin de thèse.297OHLIN a été couronné pour son ouvrage de base Interregional andInternational Trade, publié en 1933, dans lequel il développe le célèbrethéorème HECKSCHER-OHLIN. D'après lui, le commerce international trouve sonorigine dans les différences qui existent, sur le plan de la disponibilitédes facteurs de production, entre deux pays. Cf annexe 13.298 Paul KRUGMAN, professeur à l’Université de Princeton et chroniqueur auNew York Times, est, depuis une vingtaine d’années, devenu un économisteincontournable dans l’analyse économique. Relativement méconnu en France etsouvent assimilé au courant libéral, il est célèbre, outre-Atlantique, pourses positions polémiques et libérales (au sens anglosaxon du terme). Cfbiographie complète en fin de thèse.259


la base de ces dernières, la théorie classique du commerce international montre qu’il n’est pasun jeu à somme nulle : la spécialisation des pays et l’échange sont à l’origine d’un gain net,ayant pour contrepartie des effets redistributifs au sein des pays se spécialisant. Ne permettantpas d’introduire de façon satisfaisante l’imperfection de la concurrence ou les rendementscroissants, et confrontée à des problèmes de validation empirique, la théorie classique anéanmoins laissé la place à la nouvelle théorie du commerce international.La rapide progression des échanges internationaux a souvent été présentéecomme un phénomène contemporain. Il n’en est rien. Ce phénomène est ancien, récurrent etréversible : ce sont les modalités de l’ouverture des économies et la nature des échanges quiont évolué, et cette évolution a été, jusqu’à une période récente (jusqu’aux années 1980),guidée plus par des choix politiques (l’ouverture multilatérale et l’intégration régionale) quepar des progrès techniques (la baisse des coûts de transport et de transmission del’information). S’il y a mondialisation, ce phénomène s’inscrit tout autant dans l’activité àl’étranger des firmes multinationales que dans les échanges proprement dits.Les échanges progressent plus vite que la production 299 et il est indéniable quele « grand XIX e siècle », que l’histoire économique clôt avec la Première Guerre mondiale, aété marqué par un développement rapide du commerce international. Plus généralement, lespériodes d’expansion ont toujours été associées à des périodes d’intensification des échangesinternationaux. Inversement, les périodes de crise majeure (Première Guerre mondiale, grandecrise des années 1930, ou Seconde Guerre mondiale) sont également des périodes decontraction des échanges. Au total, le ratio du commerce mondial au P.N.B. mondial, quiavait été multiplié par 2,5 entre 1850 et 1914, était en 1950 très inférieur à ce qu’il était en1880. Le chiffre de 1913 ne sera retrouvé qu’en 1973. Aussi la progression des échanges àpartir de la fin de la période de la reconstruction, qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, n’at-elleété au départ qu’un rattrapage. De 1950 au premier choc pétrolier (1973-1974), lesexportations mondiales (exprimées à prix constants, en volume) doublent tous les dix ans.Avec la récession, le commerce international diminue pour la première fois depuis l’aprèsguerreen 1975. Il stagne au tournant des années 1970-1980 avant de reprendre uneprogression rapide à partir du milieu des années 1980. Dès lors, en quinze ans, le commercemondial est à nouveau multiplié par 2,5. La production mondiale, qui constitue le terme decomparaison correct pour les échanges de biens, augmente, quant à elle, à un rythme plusmodéré : il lui faut entre treize et quatorze années pour doubler de 1950 à la fin des années1970. Et cette même production mondiale a « seulement » doublé depuis la veille du premierchoc pétrolier, tandis que le commerce international quadruplait. Les efforts de désarmementdouanier et de libéralisation des secteurs agricole et des services, à l’occasion des cycles denégociation du G.A.T.T. (General Agreement on Tariffs and Trade : Accord général sur lesdroits de douane et le commerce) puis au sein de l’O.M.C., ont donc joué un rôle essentieldans ces évolutions. Les efforts de libéralisation multilatérale consentis à l’occasion de cesdifférents cycles ont été un instrument puissant de promotion des échanges, au même titre quele régionalisme.Les accords régionaux entre pays proches peuvent correspondre à différentsniveaux d’intégration économique. L’accord de libre-échange se distingue de l’uniondouanière, supposant la mise en place d’un tarif extérieur commun, c’est-à-dire un alignementdes droits de douane pratiqués vis-à-vis des pays tiers. Le marché commun y ajoute lamobilité des facteurs, la liberté d’établissement des entreprises et des règles communes de299FONTAGNE L., FREUDENBERG M., Marché unique et développement deséchanges, Economie et Statistique, (326-327): 71-95, 1999.260


concurrence. Le marché unique, étape ultime en ce qui concerne la mobilité des biens et desservices, supprime toutes les entraves réglementaires ou administratives à la mobilité desbiens et des facteurs. Au cours de la décennie de 1990, le commerce intrarégional est passé de42 % à 54 % des exportations des membres de l’A.L.E.N.A (États-Unis, Canada, Mexique) ;de 9 % à 20 % des échanges du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). En Europe,au sein de l’Union européenne à quinze, cette part, qui atteignait déjà 65 % au début desannées 1990, n’a plus augmenté depuis lors, en dépit du processus d’intégration.L’ouverture des économies s’accompagne d’échanges internationaux en rapideprogression. Toutefois, c’est bien l’activité à l’étranger des firmes et les investissementsdirects à l’étranger qui constituent aujourd’hui les vecteurs principaux de la globalisation deséconomies. Cette nouvelle dynamique s’accompagne à son tour d’une transformationprofonde de la nature des échanges internationaux. La production des firmes multinationales,toutes localisations confondues y compris celle des maisons mères, représentait à la fin desannées 1990 environ un quart du produit intérieur brut mondial (U.N.C.T.A.D., 2000). Lesseules ventes à l’étranger des filiales de ces firmes multinationales (c’est-à-dire les ventes surplace de leurs filiales) représentent le double de la valeur du commerce mondial de biens etservices. La production à l’étranger de ces filiales représente la moitié du commerce mondial.Le poids de ces filiales dans la production mondiale a doublé entre le début des années 1980et la fin des années 1990. Le rapport des flux d’investissements directs à l’investissementprivé domestique a quadruplé en vingt ans. Quarante millions de personnes sont aujourd’huiemployées à travers le monde dans 50 000 multinationales détenant 100 000 filiales, contre23 millions au début des années 1980. Sans aucun doute, chacune de ces mesures estimparfaite ; leur conjugaison renvoie toutefois nettement l’image d’une évolution faisant ducommerce international un vecteur parmi d’autres de la globalisation. Cela doit être pris encompte dans les analyses du commerce. Tant que les flux d’investissements directs portaientmajoritairement sur la création de filiales ou d’unités de production à l’étranger (greenfieldinvestment), l’impact sur les échanges était facilement identifiable : dans l’industrie, lesventes sur place de produits finis se substituaient partiellement aux exportations antérieures,tandis que de nouvelles exportations vers les filiales se mettaient en place (biensd’équipement ou composants). La firme ou le pays investisseur tiraient un bénéfice net de ceseffets croisés, notamment aux dépens de concurrents n’ayant pas investi sur place. Lamultiplication des opérations internationales de fusion-acquisition rend aujourd’hui ce schémabeaucoup plus incertain : racheter une entreprise existante aura un impact moins prononcé surles flux de commerce, au moins dans une période intermédiaire de restructuration desopérations du groupe, et cet impact sera de sens indéterminé. En 1999, la part des fusionsacquisitions dans le total des investissements directs internationaux a atteint 80 %.2° La nouvelle nature du commerce internationalCes différentes évolutions ont conduit à un changement drastique de la naturedu commerce international, ayant pour corollaire une évolution tout aussi profonde desthéories explicatives. Une partie importante du commerce international se fait à l’intérieur desfirmes, entre filiales ou entre maison mère et filiales. Les prix pratiqués sont alorsconventionnels, même si des réglementations existent pour limiter leur manipulation à desfins d’évasion fiscale, et les décisions procèdent de logiques d’organisation des firmes(répartition de la production entre filiales par exemple), non de logiques de marché. Lecommerce intra-firme représentait un tiers du commerce mondial au milieu de la décennie de1990. Les échanges de biens non finis se développent en accord avec cette nouvelle logiquede globalisation. Au sein des pays industrialisés, la moitié des échanges portent sur des261


produits intermédiaires, « réintroduits » dans le processus de production. L’exemple type estla fabrication d’un micro-ordinateur organisée en stades productifs successifs dissociés dansl’espace (conception, fabrication des composants, assemblage). On observe une divisioninternationale des processus productifs souvent assimilée par extension au phénomèned’outsourcing 300 (LASSUDRIE-DUCHENE, 1982 301 ; FONTAGNE 1991 302 ; FEENSTRA etHANSON, 1996 303 ) ; celui-ci est défini comme l’importation de composants et de piècesdétachées ensuite incorporés dans la production – voire, au sens large, comme l’importationde biens finis par des firmes qui les revendent sous leur propre marque. Les échangescommerciaux sont de plus en plus souvent croisés : plutôt que d’exporter des automobilespour importer des produits pharmaceutiques dans une logique classique de divisioninternationale du travail, un pays exportera et importera des automobiles comme des produitspharmaceutiques. On parlera alors d’échanges intrabranche par opposition aux échangesinterbranche (GRUBEL et LLOYD, 1975 304 ). Selon la classification des produits souventretenue pour l’étude des échanges internationaux – classification type du commerceinternational à trois chiffres –, les quatre cinquièmes des échanges européens seraientintrabranche. Naturellement ces différentes évolutions ne sont pas indépendantes : une partiedes échanges intrabranche est intra-firme, une partie porte sur des biens intermédiaires, etc.Le commerce international a fait l’objet d’une analyse scientifique au tournantdu XVIII e siècle, s’opposant à la doctrine mercantiliste alors en vigueur, qui voyait là un jeu àsomme nulle. Amorcée par le « père de l’économie politique », Adam SMITH, cette nouvelleanalyse du commerce international, visant à montrer au contraire que le commerce entrenations procure un gain net, sera approfondie par David RICARDO 305 , puis, au XX e siècle, parEli HECKSCHER 306 , Bertil OHLIN et Paul SAMUELSON 307 .300 L’outsourcing ou encore externalisation.301L’un des apports de Bernard LASSUDRIE-DUCHENE est d’avoir compris etexpliqué, il y a déjà plus d’une vingtaine d’années, le fait que laspécialisation internationale et les avantages comparatifs des nations nedoivent pas être observés seulement au niveau des produits finals maisaussi au niveau des morceaux des processus de production concourant à lafabrication d’un bien final. Dans son article de 1982, puis dans un ouvragede 1986, Importation et production nationale, coécrit avec BERTHE<strong>LE</strong>MY etBONNEFOY, Bernard LASSUDRIE-DUCHENE démontre, dans un cadre ricardien,l’existence d’un gain à l’échange international spécifique, observé auniveau des segments des processus productifs.302 Les travaux de LASSUDRIE-DUCHENE en 1982 sont prolongés par FONTAGNE en1991.303FEENSTRA R.C. et G.H. HANSON, Globalization, Outsourcing and WageInequality, American Economic Review, n°86, pp. 240-45, 1996.304L'indicateur simple de GRUBEL et LLOYD (1975) mesure la part du commerceintra-branche dans le commerce total d'une branche donnée. Il s'écrit commesuit:avec M i : importations du produit i et X i : exportations du produit i.305 David RICARDO (1772-1823) était un économiste britannique, cf biographiecomplète en fin de thèse.306Eli F. HECKSCHER (1879-1952), élève de David DAVIDSON à l'Universitéd'Uppsala et plus tard de Cassel à Stockholm; HECKSCHER a néanmoinsabandonné ses mentors pour tracer son propre chemin dans l'histoire del'économie et de la pensée économique. Remarquablement prolifique, labibliographie de HECKSCHER revendique plus de mille publications. Sa plus262


Adam SMITH en 1776, en s’opposant aux mercantilistes, avance deuxarguments importants. Le premier argument est celui de l’avantage absolu : l’importation est àl’origine d’un gain à l’échange et il convient d’acheter à l’étranger ce qui y est disponible àmoindre coût. Réciproquement, l’économie nationale exportera les biens pour lesquels elleproduit dans des conditions plus avantageuses. Cet argument est à la fois profondémentmoderne dans son intuition et erroné dans l’utilisation qui en est faite. C’est bienl’importation, suscitant un mouvement de spécialisation et mettant à disposition desproducteurs et des consommateurs une plus grande variété de biens et de services, qui est àl’origine d’un gain. Patrick MESSERLIN 308 en 1998 y voit le premier principe du commerceinternational et Bernard LASSUDRIE-DUCHENE et al. en 1986 parlent d’« importationproductive 309 ». Toutefois, si les coûts absolus de production déterminent les échanges, unpays dont les coûts sont plus élevés que ceux de l’ensemble de ses partenaires ne pourra pas,si l’on s’en tient à l’argument de Smith, exporter de façon profitable. En pratique, il ne semblepas que l’auteur ait cru bon d’approfondir cet aspect ; mais l’histoire a retenu cette critique del’apport de SMITH, due à David RICARDO, plutôt que la justesse de l’intuition. Le secondargument concerne la taille des marchés : le principe de division du travail, dont SMITH faitun moteur de la croissance, est borné par l’étendue du marché. Ce principe, qui s’applique enéconomie fermée, peut se transposer en économie ouverte : ouvrir l’économie, c’est participerà un plus grand marché et bénéficier de techniques par conséquent plus efficaces. Toute lathéorie moderne du commerce international reprend cette idée, en invoquant notamment les« économies d’échelle internationales » avec ETHIER 310 en 1979.RICARDO a résolu la difficulté, laissée en suspens par SMITH, relative à lanécessité d’un avantage absolu de chaque pays pour au moins un bien en montrant que mêmela participation d’un pays désavantagé dans tous les biens est à l’origine d’un gain net, LesPrincipes de l'économie politique et de l'impôt (On the Principles of Political Economy andTaxation) en 1817 constituent le premier ouvrage scientifique d’économie internationale.Deux apports distincts doivent être mentionnés : le principe d’avantage comparé, qui corrigeSMITH et va constituer le socle de toute l’approche classique du commerce international ; lapossibilité d’un échange fondé sur des différences d’efficacité de production entre pays. Leprincipe d’avantage comparé est simple mais contre-intuitif. Paul SAMUELSON, Prix Nobeld’économie en 1970, a affirmé que c’était le principe économique le plus difficile àcomprendre ; Paul KRUGMAN, économiste phare de la nouvelle économie internationale,affirme plus radicalement pour sa part que ce principe ne peut pas être compris... En réalité,ce principe combine l’idée du coût d’opportunité, chère aux économistes, à celle d’unajustement des balances de paiements par les variations du taux de change. Pour un individu,le coût d’opportunité d’une activité est ce que le même temps passé à une autre activitépourrait rapporter. C’est ainsi que votre médecin, dont l’efficacité dans le diagnostic estrelativement plus grande que dans la prise de rendez-vous, a intérêt à employer une secrétaire.RICARDO ajouterait : même s’il est plus efficace que sa secrétaire dans les deux activités. Dela même façon, un pays a intérêt à concentrer ses ressources dans les activités où il estrelativement plus efficace. Quant à l’ajustement, l’idée est simple : un pays désavantagé danscélèbre contribution aux sciences économiques est son article de 1919 qui adévoilé le Modèle HECKSCHER-OHLIN-SAMUELSON du commerce international.307 Paul Anthony SAMUELSON, né en 1915 à Gary, Indiana (États-Unis), est unéconomiste américain, prix Nobel en sciences économiques en 1970.308 Patrick MESSERLIN, Le Commerce international, PUF, Paris, 1999.309LASSUDRIE-DUCHENE, B., BERTHE<strong>LE</strong>MY, J.-C. & BONNEFOY, F., Importation etProduction Nationale, Economica, Paris, 1986.310W. ETHIER, National and International Returns to scale in the moderntheory of international trade, in American Economic Review, 72, 1982.263


toutes les activités verra son taux de change se déprécier jusqu’au point où ce désavantagesystématique disparaîtra pour certaines activités, en monnaie internationale. Tel pays endéveloppement sera désavantagé pour toutes les activités, mais moins pour la confectiontextile que pour l’industrie aéronautique. Après ajustement du taux de change, ce pays pourrase spécialiser, selon son avantage comparatif, dans la confection. Dans la vision ricardiennede l’avantage comparatif, les différences de prix relatifs sont liées aux conditions deproduction différentes d’un pays à l’autre. Les différences de technologie expliquent alors lesspécialisations internationales et cela constitue le second apport majeur de RICARDO. Lathèse du cycle de vie des produits de VERNON en 1966, prolongement naturel de la théoriericardienne, a récemment été validée par FEENSTRA et ROSE 311 en 2000. Les produitsnouveaux apparaissent dans les pays les plus innovants, qui les exportent. Au cours de leurcycle de vie, ces produits deviennent progressivement plus anciens, sont abandonnés par lespays innovateurs et produits chez des concurrents qui, à leur tour, les exportent. Nonseulement l’existence de ce cycle est avérée, à un niveau fin et sur une longue période, mais laposition de chaque pays dans le cycle est corrélée à ses performances économiques en termesde productivité et de taux de croissance.La théorie néo-classique, sur la base de l’apport d’Eli HECKSCHER et deBertil OHLIN, va systématiser l’approche en termes d’avantage comparatif en donnant unenouvelle explication aux différences de prix relatifs, les différences de dotations nationales enfacteurs de production, et en intégrant le raisonnement dans un cadre d’équilibre général deconcurrence parfaite. Le cadre d’équilibre général considère que les conditions derémunération et d’emploi sur les marchés de facteurs (travail qualifié ou non qualifié, etc.)sont déterminées de façon interdépendante par les conditions d’équilibre sur les différentsmarchés des biens. Ce cadre d’analyse est commun à de nombreuses approchescontemporaines du commerce international ; ici, de surcroît, l’idée de concurrence parfaiterenvoie notamment au fait que les firmes n’ont pas de pouvoir de marché (elles n’influencentpas le prix qui se forme). HECKSCHER en 1919 et OHLIN en 1933 sont souvent cités maisont été peu lus. Paul KRUGMAN en 1999 reconnaît lui-même ne pas avoir lu OHLIN,jusqu’à une conférence récente. Et l’article séminal d’OHLIN, initialement publié en suédois,n’a fait l’objet d’une traduction définitive en anglais qu’en 1991. C’est à travers la lecturequ’a faite SAMUELSON de ce qu’il qualifie lui-même de « travail d’un génie », l’articled’HECKSCHER dans sa traduction initiale, et du travail précoce d’OHLIN, élève de cedernier et Prix Nobel en 1977, que la théorie factorielle de l’échange est devenue leparadigme dominant jusqu’à la révolution intellectuelle de la concurrence imparfaite. Le pointde départ consiste à s’appuyer sur le principe de l’avantage comparatif pour montrer commentl’échange international affecte la distribution des revenus entre les différents facteurs deproduction, à l’intérieur des pays. HECKSCHER en 1919 énonce la loi des coûts comparésdans une formulation mettant en évidence à la fois le rôle de l’importation et le bénéfice de laspécialisation déjà évoqués à propos de RICARDO : « Un tel accroissement de satisfaction seproduit quand la loi des coûts comparés joue, c’est-à-dire lorsqu’on peut satisfaire un besoinbeaucoup plus facilement de façon indirecte, en fabriquant un bien qui peut être échangécontre le produit désiré. » Il reste à donner aux coûts comparés une formulation établissantune relation simple entre rémunération des facteurs et prix des biens pour obtenir la relationrecherchée entre commerce et distribution des revenus. On suppose notamment un cadre deconcurrence parfaite et des rendements constants à l’échelle – autrement dit, augmenter lataille des unités de production ne réduit pas les coûts unitaires. L’hypothèse ricardienne de311 FEENSTRA, R. , ROSE, A. , Putting Things in Order : Trade Dynamics andProduct Cycles. Review of Economics and Statistics, Vol. 82, No.3, pages369-82, 2000.264


facteurs complémentaires (« un homme plus une pelle » dans chaque activité) et detechnologies différentes entre pays est abandonnée : les facteurs sont substituables (on peutremplacer les ouvriers par des machines si les salaires augmentent) et les technologiesidentiques entre les pays (à salaire donné, l’intensité capitalistique et l’efficacité serontidentiques dans différents pays pour une même activité). Les pays relativement abondammentdotés dans un facteur, relativement moins coûteux, seront avantagés dans les productionsincorporant relativement intensivement ce facteur : c’est le théorème HECKSCHER- OHLIN(H.O.) des spécialisations à l’échange. Pour revenir sur un exemple déjà utilisé, le pays endéveloppement se spécialise dans la confection car il s’agit d’une activité intensive en maind’œuvrenon qualifiée et qu’il dispose d’une telle main-d’œuvre relativement abondante etbon marché.3° Les effets distributifs du commerce internationalLes activités concurrencées par les importations voient leur prix baisser etinversement pour les activités avantagées. Cela entraîne une modification des revenus dans lesens suivant : le facteur employé relativement intensivement dans la production du bien dontle prix baisse (augmente) verra sa rémunération baisser (augmenter). C’est le théorème deSTOLPER-SAMUELSON 312 d’effet du commerce sur la distribution des revenus. Ainsi, dansnotre exemple, le salaire des non-qualifiés augmente dans le pays en développement. Lemécanisme est le suivant, dans un modèle à deux biens et deux facteurs : l’industrie qui estconcurrencée par les importations libère beaucoup du facteur rare et peu du facteur abondant,tandis que l’industrie se développant à l’exportation emploie beaucoup du second type defacteur et peu du premier. En l’absence de mobilité internationale des facteurs, l’ajustementpar les prix fait augmenter la rémunération du facteur relativement abondant (demande enexcès pour ce facteur) et baisser celle du facteur relativement rare (offre en excès). On peutmontrer que les mouvements de prix des facteurs sont plus que proportionnels auxmouvements de prix des biens : c’est l’effet d’amplification (de JONES). En combinant lesévolutions (opposées) de rémunérations des facteurs dans les pays importateur et exportateur,on obtient le principe d’égalisation internationale des rémunérations de facteurs, susceptibled’apparaître sous des conditions assez restrictives : notamment, les pays ne doivent pas êtretrop différents au départ. Ce principe est couramment présenté sous le nom du théorèmeHECKSCHER-OHLIN-SAMUELSON (H.O.S.). Ces résultats sont facilement établis dans lecadre simplifié d’un modèle comportant le même nombre de biens que de facteurs deproduction. Toutefois, la réalité est très différente : le nombre de biens est très supérieur aunombre de facteurs et le principe de détermination des spécialisations par les comparaisons de312 Le théorème de STOLPER-SAMUELSON. La figure illustre le cas où les deuxsecteurs produisent une valeur égale et où X1=1. Une augmentation de Pprovoque un déplacement vers la droite de l'isoquant de production dusecteur 2, mais laisse inchangé celui du secteur 1. la pente de la nouvelledroite d'iso coût est moins inclinée que la précédente, ce qui traduit laMis en forme : Espace Avant: 0 pt, Après : 0 ptbaisse de W = w/r.265


dotations factorielles ou de rémunérations relatives des facteurs ne peut plus être utilisé telquel. Cette découverte simultanée de James MELVIN et de Jaroslav VANEK en 1968 estrestée sous l’expression de théorème HECKSCHER-OHLIN-VANEK. Au-delà des aspecttechniques, l’intuition sous-jacente est décisive pour l’approche contemporaine : depuisVANEK, on considère que ce ne sont pas des produits qui sont échangés, mais des services defacteurs de production. À titre d’exemple, ce ne sont pas des articles d’habillement qui serontexportés par un pays en développement, mais des services du travail non qualifié. Les effetsdistributifs déjà mentionnés ne sont pas affectés, car ces services viennent s’ajouter, sur lemarché du travail du pays importateur, à l’offre nationale des services du travail non qualifié,dont ils réduisent la rémunération. Par contre, les spécialisations deviennent indéterminées :chaque pays exporte, de façon nette (en tenant compte des services de facteurs contenus dansles importations et exportations totales du pays considéré), les services de ses facteurs enabondance relative. Finalement, l’impact attendu du commerce international sur lesrémunérations nationales dépend de la différence de contenu en services de facteurs entre laproduction nationale et le panier de consommation nationale. Ces évolutions de long termesupposent une parfaite mobilité des facteurs entre les différents emplois au sein de chaquepays : la théorie montre que, à cet horizon, le commerce international fait des « gagnants »mais aussi des « perdants » au sein de chaque pays, le gain des premiers l’emportant sur laperte des seconds. Cette vision du conflit distributif lié au commerce est toutefois plusintéressante à court terme, lorsqu’un des facteurs au moins est spécifique à une activité.Ronald JONES en 1971, développant une intuition de Jacob VINER, montre que, à courtterme, le conflit d’intérêt est déplacé. Ce sont les facteurs spécifiques qui sont les principauxbénéficiaires (victimes) des hausses (baisses) de prix des biens à la production auxquels ilsconcourent. Et ce que perd un facteur spécifique, dans une industrie, l’autre facteurspécifique, dans l’autre industrie, le gagne. Quant au facteur mobile entre les industries, sasituation évolue désormais dans un sens indéterminé.La théorie classique du commerce international, en particulier dans sa versionfactorielle qui vient d’être rappelée, a été confrontée à des observations empiriquesinattendues. Le paradoxe de <strong>LE</strong>ONTIEF 313 est la première. Le futur Prix Nobel cherche en1953 à vérifier que le contenu en facteurs de production des échanges américains correspondà celui qui est prédit par la théorie, et donc que le commerce américain est caractéristiqued’un pays relativement largement doté en capital. Il obtient le résultat inverse : « ...ce paysparticipe à l’échange international en vue d’économiser son capital et d’utiliser son surplus demain-d’œuvre... ». L’auteur en conclut que les travailleurs américains sont plus productifs,relâchant à cette occasion le principe d’identité internationale des fonctions de production à labase de la théorie. Cette réfutation est à l’origine d’une longue controverse portant sur leshypothèses, la méthode, l’interprétation des résultats enfin, controverse rendue inextricable enraison de l’imbrication de trois dimensions : dotations en facteurs technologie de productionet flux de commerce. Les difficultés rencontrées pour vérifier le théorème HECKSCHER-313 Dans les années cinquante, l'auteur cherche à connaître les proportionsde travail et de capital incorporées aux divers échelons de la productionaméricaine. Il montre alors que les Etats-Unis exportent des biens moinsintensifs en capital que ne le sont leurs importations, résultat paradoxalpour un pays développé devant plutôt exporter des biens à fort contenucapitalistique. Ce résultat, connu sous le nom de "paradoxe de <strong>LE</strong>ONTIEFF",entre en contradiction avec le théorème de HECKSCHER-OHLIN-SAMUELSON (HOS).On a expliqué ce paradoxe par la différence des fonctions de productionentre les pays, par le protectionnisme sectoriel (qui pèse sur lesimportations intensives en travail), et par la non prise en compte d'untroisième facteur de production, les ressources naturelles, qui sontsusceptibles de modifier les résultats statistiques.266


OHLIN-VANEK, postérieur à <strong>LE</strong>ONTIEF, doivent être également mentionnées. Le contenunet en services de facteur des échanges d’un pays est théoriquement déterminé par la dotationrelative de celui-ci en facteurs, ce qui constitue une proposition aisément testable. Or lesrésultats concernant l’abondance en capital sont corrects dans un cas sur deux – ceux qui sontobtenus sur les différentes catégories de travail étant sensiblement meilleurs. Sauf à relâcherl’hypothèse d’identité internationale des technologies de production, comme l’a fait Wassily<strong>LE</strong>ONTIEF dans l’interprétation de ses propres résultats (TREF<strong>LE</strong>R, 1993 314 ), l’approchecontemporaine de l’avantage comparatif ne fait pas beaucoup mieux qu’un tirage au hasard.Cela suggère une vision moins restrictive de l’avantage comparatif, réintroduisant uneproblématique plus ricardienne. La seconde difficulté empirique est relative à la progressiondes échanges intrabranche à l’occasion des épisodes d’intégration commerciale. Ainsi, lors dulancement du Marché commun européen à la fin des années 1950, l’abaissement des barrièresaux échanges aurait dû entraîner un mouvement de spécialisation des pays membres, ainsi quele prévoit la théorie classique du commerce international. À l’inverse de ce résultat attendu,les structures productives des pays sont devenues de plus en plus similaires et la part deséchanges intrabranche a fortement augmenté. Le même phénomène s’est reproduit lors del’élargissement à l’Espagne et au Portugal, pays dont les échanges sont devenus à leur tourplus intrabranche. Une abondante controverse s’est engagée, concomitante d’un profondbouleversement de la théorie : l’abandon des hypothèses de rendements constants à l’échelleet de concurrence parfaite allait être à l’origine d’un véritable renouvellement de paradigme.L’affinement des méthodes a toutefois permis de souligner que l’élément le plus dynamiqueétait la progression des échanges croisés de produits de qualité différente, réintroduisant unélément de spécialisation des pays, sur les gammes de qualité avec FONTAGNE etFREUDENBERG en 1999 315 . Concurrence parfaite, produits homogènes et rendementsconstants à l’échelle soutiennent l’édifice de la théorie classique du commerce international.Relâcher ces hypothèses en reconstruisant la théorie du commerce international sur les basesde la micro-économie et de l’économie industrielle a permis de déboucher sur des résultatsnouveaux. Paul KRUGMAN a joué un rôle décisif dans cette entreprise de reconstruction.L’existence de rendements d’échelle croissants suppose que la production augmente plus viteque la taille des unités de production (rendements internes) ou que la taille de l’industrie(rendements externes). Ces deux dimensions du problème ne sont pas aisément dissociablessur le plan empirique, car on dispose généralement de données d’industries et non de firmes.Sur le plan théorique, cette distinction est importante, car seules les économies externespréservent la concurrence parfaite. Des économies internes incitent au contraire les firmes àgrandir : elles y trouvent la possibilité d’adopter des comportements stratégiques lorsqu’ellesse retrouvent en petit nombre ; cela limite par ailleurs la variété de produits qu’une industried’une taille donnée peut offrir à ses clients. Depuis la fin des années 1970, toute la théorie ducommerce international a été réécrite sur la base de ces principes. La validation empirique dunouvel édifice est en cours depuis la fin des années 1990. Les coûts unitaires baissent avec ledéveloppement des industries, au sein d’un pays, dès lors que des externalités positivesapparaissent : émergence de qualifications spécifiques, plus grande diversité de fournisseurs àproximité, etc. Dès lors, la taille (de la production nationale) compte. Cette idée est nouvellepuisque l’on ne peut plus se contenter de raisonner en termes relatifs, comme dans la théorieclassique du commerce. Un avantage initial sera cumulatif, puisque les gains de parts demarché à l’ouverture permettront de renforcer la différence de coût. Cette différence de taillepeut provenir de la taille du pays (son produit national brut), de préférences différentes des314TREF<strong>LE</strong>R, D. ,« International Factor Prices Differences : Leontief wasright ! », in Journal of Political Economy, vol. 101, pp. 961-965, 1993.315 FONTAGNÉ L., FREUDENBERG M., Endogenous Symmetry of Shocks in a MonetaryUnion, Open Economies Review, 10, 1999.267


consommateurs, de subventions publiques, etc. Elle peut également provenir d’un avantagecomparatif. Les activités à rendements croissants tendront finalement à être beaucoup plusconcentrées dans l’espace. Et tout processus d’intégration devrait renforcer cette tendance àleur concentration. Mais l’avantage comparatif, au sens classique, n’est plus un préalable à laspécialisation des pays. Même si tout est identique (technologie, demande, taille) dans deuxpays s’ouvrant aux échanges réciproques, la production à rendements croissants d’un biensera en effet nécessairement concentrée dans l’un d’entre eux à l’équilibre.Lorsque la production d’un bien implique des coûts fixes (mise au point duproduit, investissements en publicité, etc.), ceux-ci doivent être financés, ce qui suppose unemarge sur chaque unité vendue, et répartis sur un grand nombre d’unités vendues, ce quisuppose un élément de monopole (un élément de différenciation faisant du bien vendu un bienunique non concurrencé par d’autres). Dans les deux cas, la concurrence parfaite doit êtreabandonnée. Plus généralement, la concurrence imparfaite distingue les situations deconcurrence de petit nombre impliquant une interdépendance stratégique des firmes, dessituations de monopole sur le produit et de libre entrée dans l’industrie (concurrencemonopolistique). Lorsque les firmes sont en nombre réduit sur un marché, les décisions prisesont un impact direct sur les concurrents et doivent tenir compte des actions de ces derniers.L’archétype de cette situation est le modèle de commerce international à deux firmes eninterdépendance stratégique imaginé par James BRANDER 316 et Paul KRUGMAN en 1983.Chacune des deux firmes vend un produit identique en monopole sur son marché national.Leur variable de décision est la quantité produite. À l’ouverture aux échanges, les quantitéstotales vendues augmentent sur chaque marché. Le prix baisse, ce qui est favorable auconsommateur, mais ce dernier reporte nécessairement sa consommation pour partie sur lebien produit à l’étranger qui a donc dû supporter un coût de transport, ce qui constitue uneperte d’efficacité. Chaque firme ayant un taux de marge plus faible à l’exportation que sur sesventes nationales, en raison des coûts de transport, on parle de dumping réciproque. Lecommerce est de nature intrabranche puisque les produits sont identiques. L’effet net sur lebien-être des consommateurs est ambigu et dépend des coûts de transport.En 1979, Paul KRUGMAN applique au commerce international le cadreconcurrentiel imaginé par Avinash DIXIT et Joseph STIGLITZ 317 en 1977. Le modèleDIXIT-STIGLITZ-KRUGMAN 318 est depuis lors devenu le cadre théorique de référence pourexaminer les questions de commerce dès que les questions d’interdépendance stratégique nesont pas centrales. Kelvin LANCASTER 319 en 1980 a indépendamment proposé une316M. BRANDER est professeur de commerce international, Asie-Pacifique, àla faculté de commerce de l'Université de Colombie-Britannique. Il a étédirecteur-rédacteur en chef de la Revue canadienne d'économique de juillet1997 à juin 2001. Il est directeur de la critique des livres et de lachronique d'opinions de la Revue canadienne d'économique, associé derecherche pour le National Bureau of Economic Research et coordonnateur dela recherche auprès de l'Entrepreneurship and Venture Capital ResourceCentre.317DIXIT, Avinash K & STIGLITZ, Joseph E, Monopolistic Competition andOptimum Product Diversity, American Economic Review, American EconomicAssociation, vol. 67, pages 297-308, 1977.318En 1979, Paul KRUGMAN applique au commerce international le cadreconcurrentiel imaginé par Avinash DIXIT et Joseph STIGLITZ en 1977. Lemodèle DIXIT-STIGLITZ-KRUGMAN est depuis lors devenu le cadre théorique deréférence pour examiner les questions de commerce dès que les questionsd'interdépendance stratégique ne sont pas centrales.319L’économiste australien Kelvin LANCASTER (1924-1999) applique aucommerce international son analyse de la demande. Chaque producteur268


formulation qui aboutit à des résultats similaires, mais paye le prix d’un plus grand réalismede ses hypothèses par une complexité qui en limite l’application. On considère ici des produitsdifférenciés par des attributs mineurs, mais issus d’une même combinaison productive.Chaque firme a le monopole sur une variété différenciée, en raison du monopole naturelconféré par les coûts de mise au point. L’entrée dans la branche est libre : les concurrentspotentiels peuvent donc librement proposer de nouvelles variétés, en supportant à leur tour uncoût fixe de mise au point pour chacune d’elles. Le nombre de variétés offertes est limité parl’étendue du marché (on retrouve l’idée d’Adam SMITH) en raison des coûts fixes. Àl’équilibre, les marges réalisées par les firmes couvrent juste les coûts fixes : il n’y a pas deprofit justifiant la poursuite des entrées. Le consommateur considère toutes les variétéscomme équivalentes – dans le cadre de modèles opérationnels, cette hypothèse est relâchée –et sa satisfaction marginale décroît avec la quantité qu’il consomme d’une variété donnée. Lafaçon optimale d’allouer sa dépense est donc de répartir sa consommation de façon égale surl’ensemble des variétés. À l’ouverture à l’échange, le nombre de variétés augmente, maismoins que du nombre de variétés étrangères : il y a en effet des sorties de la branche, car lesfirmes des deux pays, confrontées à une demande plus sensible aux écarts de prix, réduisentleurs marges, grandissent et réalisent des économies d’échelle. On obtient finalement troisrésultats. Le commerce accroît la variété, ce qui augmente le bien-être des consommateurs ou,dans des modèles plus complexes, l’efficacité des producteurs utilisant les importations enconsommation intermédiaire. L’ouverture au commerce peut être assimilée à un chocconcurrentiel : supprimer les entraves aux échanges réduit la protection naturelle offerte par ladistance. Les échanges sont intrabranche, dans la mesure où toutes les variétés nationales sontconsommées à l’étranger et réciproquement.La synthèse proposée par Elhanan HELPMAN et Paul KRUGMAN 320 en 1985en termes d’équilibre intégré a permis de dépasser l’opposition paradigmatique entre avantagecomparatif et concurrence imparfaite, en donnant une nouvelle interprétation de l’apport deJaroslav VANEK. Ils considèrent une situation initiale (théorique) d’intégration parfaite del’économie mondiale : les prix des biens et les rémunérations des facteurs sont identiquespartout. La question est alors de savoir sous quelles conditions un découpage arbitraire decette économie intégrée en économies nationales différemment dotées en facteurs permet dereproduire les conditions de départ. Ce cadre abstrait permet d’intégrer différentes structuresde marché, en concurrence parfaite ou imparfaite. Il apparaît que l’écart de dotation factorielleentre les pays (pour l’essentiel leur écart de niveau de développement) renforce le caractèreinterbranche des échanges, tandis que la similarité des pays conforte l’échange intrabranche.Ce résultat est tout à fait conforme aux observations. Les pressions redistributives associées àl’échange sont d’autant plus intenses que l’échange est interbranche et donc que les pays sontdifférents. Enfin, lorsque les pays sont trop différents, la seule mobilité des biens ne pourraassurer l’égalisation des revenus de facteurs. Au total, la théorie classique du commerceinternational, favorisant les explications en termes d’avantage comparatif, rendrait mieuxs’attache à donner de son produit une image "différente" de manière àexploiter le goût des consommateurs pour la différence, le consommateurrecherche en fait une "variété idéale" du produit, chaque producteurréalisant une "variété réelle" de ce produit. Dans ces conditions même siles technologies et les dotations factorielles sont identiques, l’échangeaugmente le bien être et aura lieu parce qu’il augmente le nombre de"variétés offertes". Puisque les deux pays ont des marchés importants pourdes produits d’une même catégorie, ils doivent les différencier pourpouvoir séduire les clients étrangers.320 E. HELPMAN et P. KRUGMAN, Market Structure and Foreign Trade, WheatsheefBooks, Harvester Press, M.I.T., 1985.269


compte des échanges (en concurrence parfaite) entre économies très différentes. À l’inverse,les échanges entre économies similaires seraient mieux expliqués par les nouvelles approchesen concurrence imparfaite accordant une place centrale aux rendements croissants, à ladifférenciation des produits et aux stratégies des firmes.Le modèle de concurrence monopolistique du commerce internationalcomporte, en creux, une intuition dont la portée va rapidement s’avérer décisive : si l’onsubstitue à la mobilité des biens celle du facteur de production, et si les deux pays sontinitialement de taille identique, l’équilibre initial de localisation (la moitié des firmes danschaque pays) est stable. Par contre, si l’un des deux pays est initialement légèrement plusgrand, les économies d’échelle y rendront la production plus efficace. Le revenu réel y seraalors plus élevé, et la variété offerte plus large. Cela constituera un motif suffisant à lamobilité du facteur qui viendra s’agglomérer dans la localisation la plus attractive.Approfondissant cette idée, Paul KRUGMAN en 1991 provoque le renouveau de l’économiegéographique. Deux facteurs apparaissent alors libérer les forces d’agglomération : le niveaudes économies d’échelle et la fraction de la dépense totale réalisée sur les biens issusd’activités à rendements croissants. S’y oppose l’importance des coûts de transport, ou plusgénéralement de transaction. Une lecture trop rapide de cette nouvelle littérature a faitcraindre que l’approfondissement de l’intégration européenne débouche sur des phénomènesincontrôlés d’agglomération des activités, divisant l’Europe en un centre prospère et unepériphérie, et relançant de façon corollaire les processus de spécialisation. En réalité, lesconditions initiales peuvent jouer contre les effets d’agglomération et ces derniers peuventjouer plus au niveau régional qu’au niveau des nations.Ces questions de localisation doivent également être analysées du point de vuedu choix des firmes entre exporter ou produire à l’étranger. En réalité, un arbitrage s’imposeentre réaliser des économies de coûts de transport et tirer parti des économies d’échelle enconcentrant la production dans l’espace. L’issue de ce choix dépend donc des caractéristiquestechniques des activités et de l’éloignement des marchés. James MARKUSEN 321 en 1995montre que si les économies d’échelle sont élevées au niveau des firmes et faibles au niveaudes unités de production, alors la multinationalisation des firmes et l’essaimage des filialesapparaîtront comme une bonne solution, et cela d’autant plus que les coûts de transport (ouplus généralement les barrières aux échanges) seront élevés. Plus généralement, entre payssimilaires en taille, en dotation factorielle ou en capacité technologique, la globalisationdevient dominée par des firmes multinationales, dont l’activité progresse plus vite que leséchanges.4° La mondialisation et la croissanceLa mondialisation a placé la diffusion du progrès technique et le commerceextérieur au cœur de la croissance et du développement. Pourtant, rarement un phénomèneéconomique aura été aussi décrié. Dans son ouvrage La Grande Désillusion (Fayard, 2002) –traduction française de Globalization and its Discontents 322 , Joseph STIGLITZ revient sur lesfailles du système. Certes, la mondialisation s’est révélée être un formidable instrument dedéveloppement. Le miracle asiatique en est la plus parfaite illustration. Mais elle a contribuédans le même temps à accroître les interdépendances des économies et, ce faisant, leur321MARKUSEN J., The Boundaries of Multinational Enterprises and the Theoryof International Trade, Journal of Economic Perspectives, 1995.322 STIGLITZ, J., Globalization and Its Discontents (La grande désillusion),Paris, Plon (et Livre de Poche), 2003.270


sensibilité à des chocs extérieurs, ainsi que les inégalités dans le monde. Toutefois, selonSTIGLITZ, plus que la mondialisation en elle-même, c’est la manière dont elle a été gérée quiest condamnable. Si les défaillances des marchés, dont la mondialisation est porteuse,justifient l’intervention des États et des organisations supranationales, seules susceptibles,selon la logique keynésienne, de garantir la stabilité économique et la justice sociale, force estde constater, à la lumière des crises internationales observées depuis le début des années1990, que les politiques économiques qui ont été menées ont manqué ces objectifs.Au centre de la critique de Joseph STIGLITZ figurent les politiques conduitesdepuis les années 1980 par les institutions internationales. S’éloignant peu à peu des principesqui avaient présidé à leur création, ces dernières, parmi lesquelles le Fonds monétaireinternational, l’Organisation mondiale du commerce et, dans une moindre mesure, la Banquemondiale, dont STIGLITZ fut un temps le vice-président, auraient cédé à un certaindogmatisme, fondé sur le culte du marché, se faisant par là même les instruments d’intérêtsprivés, au détriment du bien-être collectif. L’environnement, la justice économique et socialeauraient ainsi été sacrifiés sur l’autel de la finance internationale, et la sphère réelle, assujettieà la sphère financière. Plus préoccupant encore, les politiques de développement prônées parles institutions internationales, fondées sur le « consensus de Washington », qui préconisel’austérité budgétaire, la libéralisation des mouvements de capitaux, mais aussi des biens etdes services, et la privatisation d’entreprises publiques, se seraient finalement révélées contreproductives.Conçue à l’origine pour des pays latino-américains, dont les économies secaractérisaient par des déficits publics élevés, une hyperinflation et un système de productionpeu efficient, cette politique normative, érigée en véritable credo par le F.M.I., est peu à peudevenue une fin en soi et a été appliquée de manière aveugle à de nombreux pays endéveloppement, sans que son opportunité soit soumise à examen. C’est ainsi qu’au cours desannées 1990, le F.M.I. a conditionné l’octroi de prêts au respect des préceptes du consensusde Washington ; ce qui s’est révélé, dans de nombreux cas, catastrophique pour les économiesdes pays qui s’efforçaient de les suivre en tout point. L’ouverture des frontières commercialess’est révélée inégale, les pays industrialisés maintenant des barrières tarifaires tandis que lespays en développement assistaient impuissants à la déliquescence de leur tissu productif local.De la même manière, la libéralisation des capitaux en Asie du Sud-Est, dans la mesure où ellene s’est pas accompagnée de la mise en place d’une réglementation prudentielle suffisante, afavorisé l’adoption de comportements spéculatifs, notamment pour les investissements decourt terme, ou bien l’essor de prêts non performants lié à une mauvaise évaluation desrisques, qui ont largement contribué à fragiliser le système financier de ces économies etexpliquent en grande partie la crise financière de 1997. Dans les économies en transition, etplus particulièrement en Russie, le soutien indéfectible à la thérapie de choc, symbolisée parla privatisation massive des entreprises publiques, s’est soldé par un pillage des actifsnationaux et l’émergence de monopoles privés. Ce dernier exemple illustre par ailleurs lecaractère souvent inadapté des politiques fondées sur le consensus de Washington, dans lamesure où celui-ci suppose l’existence préalable d’une économie de marché, condition quiétait loin d’être vérifiée dans l’U.R.S.S. des années 1990.Au-delà de leur soutien à des politiques de développement contestables, lesinstitutions internationales ont également failli, selon STIGLITZ, dans la gestion des criseséconomiques et financières qui ont jalonné les années 1990. En Asie du Sud-Est, dans leséconomies en transition ou dans les pays d’Amérique latine, la lutte contre l’inflation, au prixde l’austérité budgétaire et du maintien des taux d’intérêt à des niveaux élevés, a contribué àl’affaiblissement de la demande interne, compromettant du même coup la reprise del’économie mondiale. Dans ce contexte, après avoir suscité tant d’espoirs, la mondialisation271


nous condamne-t-elle au désenchantement ? À cette question, Joseph STIGLITZ répond par lanégative. D’une part, l’expérience de pays tels que la Malaisie, la Pologne ou encore la Chine,qui se sont engagés dans des voies alternatives, montre que des politiques graduelles, prenanten compte des spécificités économiques et sociales des pays, peuvent conduire à des résultatsencourageants. D’autre part, l’analyse des crises internationales et des politiques dedéveloppement a moins remis en question la légitimité de l’intervention des États ou desorganisations internationales que les modalités de leur action. De fait, des réformesapparaissent nécessaires. À cet égard, STIGLITZ propose quelques pistes de réflexion afin decorriger les effets déstabilisateurs de la mondialisation. Parmi celles-ci, la mise en place d’uneréglementation bancaire adaptée aux spécificités de chaque pays capable de contenir lesrisques liés à une libéralisation excessive des marchés de capitaux et de garantir la solvabilitédu système bancaire, ou encore l’élaboration d’une loi sur les faillites permettant d’axer lagestion des crises davantage sur les restructurations d’entreprise que sur le droit descréanciers. Autre piste avancée, la réforme des institutions internationales, avec notammentune redéfinition plus restrictive de leur champ d’action et une amélioration de la transparencedans le processus de décision. Loin de céder au désenchantement, l’ouvrage de STIGLITZ,par les voies de réformes qu’il propose pour améliorer l’efficacité de la politique économique,contribue à redonner à cette dernière ses lettres de noblesse.La mondialisation, au sens général du terme, constitue à la fois le processus etle résultat du processus selon lequel les phénomènes de divers ordres (économie,environnement, politique, etc.) tendent à revêtir une dimension proprement planétaire. C’esten ce sens que l’on peut citer la célèbre observation de Paul VA<strong>LE</strong>RY 323 : « Le temps dumonde fini commence ». « Quoi de plus remarquable et de plus important, poursuivait-il, quecet inventaire, cette distribution et cet enchaînement des parties du globe. [...] Une solidaritétoute nouvelle, excessive et instantanée, entre les régions et les événements est la conséquencedéjà très sensible de ce grand fait. » Plus précisément, le terme renvoie en particulier auxdomaines économique et financier, où les effets du processus sont particulièrement sensibles.Celui-ci s’est d’abord nourri du développement considérable des échanges commerciaux aucours des dernières décennies, puis de celui des investissements directs. Il débouche sur unetroisième étape, la « globalisation », caractérisée par l’organisation de réseaux de productiontransnationaux grâce à l’association de l’informatique et des télécommunications, et à lacirculation instantanée de l’information. Le phénomène, qui ne se réduit donc pas à uneinternationalisation accentuée, tend à vider de son sens la notion de marché intérieur captif etconcourt notamment à la « délocalisation », c’est-à-dire à l’externalisation des activitésproductives. Ainsi que l’analyse Robert REICH dans L’économie mondialisée 324 en 1993,l’entreprise-réseau devient étrangère à la question de la nationalité, posant ainsi d’une manièrequi peut se révéler aiguë la question de la solidarité nationale. De façon comparable, laglobalisation financière, qui désigne l’interdépendance des marchés de capitaux depuis leurdéréglementation au cours des années 1980, met à l’épreuve le statut des monnaies nationales,autrement dit la marge de manœuvre des États.L’économie mondiale est entrée en 1998 dans une zone de haute instabilité,lourde de menaces tant pour la poursuite de la croissance dans les pays occidentaux que pourl’avenir du processus de globalisation de l’économie. L’opposition conjoncturelle entre larécession profonde dans laquelle s’enfoncent le Japon et une partie de l’Asie en323Extrait de VA<strong>LE</strong>RY, Paul, Regards sur le monde actuel, Paris: LibrairieStock, DELAMAIN et BOUTEL<strong>LE</strong>AU, Collection «Les auteur(e)s classiques», 216pages, 1931.324 REICH Robert, L'économie mondialisée, Economica, Paris, 1993.272


développement, d’une part, et la bonne santé apparente des économies européennes etaméricaine, d’autre part, masque mal en effet la puissance déstabilisatrice de l’ondedépressive qui s’est propagée tout au long de l’année depuis le Sud-Est asiatique versl’Amérique latine en passant par la Russie, avant de faire sentir ses premiers effets en Europe.La dimension systémique du phénomène de contagion financière n’a été que tardivementappréhendée par les dirigeants des grands pays industrialisés. L’idée que la conjonctureoccidentale, portée par le dynamisme de la consommation aux États-Unis et la perspective del’union monétaire en Europe, pouvait rester imperméable aux effets de la crise asiatique,devenue entre temps crise financière internationale, a continué de prévaloir un temps, en dépitdu savoir accumulé sur l’intensité du processus d’intégration économique mondiale. Ce n’estqu’à l’automne qu’une stratégie anticrise devait prendre forme aux États-Unis, et susciter uncertain écho au Japon, puis en Europe. Si elle marque la fin d’un cycle financier, la crise deséconomies émergentes n’en coïncide pas moins avec l’avènement d’une nouvelle èremonétaire, dont témoigne la création en juin de la Banque centrale européenne, la délimitationde l’Euroland et la décision historique prise en décembre par les onze banques centrales despays constituant cette zone de baisser simultanément leurs taux d’intérêt un mois avant lepassage à la monnaie unique.Initialement locale, la crise ouverte par la dévaluation du bath thaïlandais enjuillet 1997 s’était diffusée en fin d’année à la majeure partie des économies dynamiquesd’Extrême-Orient (Chine et Taiwan exclues) avant de se propager en 1998 aux autreséconomies émergentes. Au niveau régional d’abord, la crise qui a déstabilisé la Thaïlande,l’Indonésie, Hong Kong, la Corée du Sud, la Malaisie et, dans une moindre mesure, lesPhilippines et Singapour peut être décrite comme une crise d’engorgement financier. Depuisle début de la décennie, ces pays bénéficiaient d’un afflux de capitaux hors de proportion avecleurs capacités d’absorption. L’attrait des marchés financiers locaux pour les investisseursétrangers résultait à la fois du vaste mouvement de libéralisation financière encouragé par lesinstitutions internationales (F.M.I. et Banque mondiale) et du dynamisme économiqueextraordinaire de la région dans son ensemble. L’atonie de la croissance en Europe pendant lamajeure partie de la décennie et la récession japonaise libéraient par ailleurs une épargneconsidérable que les fonds de placements internationaux canalisèrent massivement vers cesnouveaux paradis financiers. De 1990 à 1996, pas moins de 500 milliards de dollars en termesnets furent ainsi prêtés, placés ou investis dans les pays d’Extrême-Orient (Chine incluse). Larentabilité de ces placements et investissements était logiquement conditionnée par la stabilitédes taux de change des pays de la région vis-à-vis du dollar américain. Celle-ci ne pouvaittoutefois être assurée que tant que les déficits des balances courantes étaient maintenus dansdes limites raisonnables et que la compétitivité des économies locales était préservée. Cesdeux conditions, étroitement interdépendantes, ont cessé d’être respectées dans un certainnombre de pays à partir du milieu de la décennie. La compétitivité des économies d’Asie duSud-Est et de la Corée du Sud fut tout d’abord affectée par la dévaluation de 50 % du yuanchinois en 1994. Devenue en l’espace de quinze ans un compétiteur redoutable sur une largepartie des créneaux industriels occupés par les pays de la région, la Chine n’a pas hésité àdévaluer sa monnaie dès que les premiers signes de déséquilibre extérieur sont apparus en1993. Moyennant quoi, son solde courant est repassé les années suivantes dans une positionconfortablement excédentaire, en dépit d’une croissance rapide. Un second développementmonétaire profondément déstabilisant pour les économies de la région fut la remontée dudollar par rapport au yen à partir du printemps 1995. La plupart des pays de la régionpratiquant une politique de change fixe par rapport au dollar, l’appréciation de ce dernier aminé la compétitivité de leurs exportations par rapport aux produits japonais et européens.Conjuguée au creusement des déficits courants, l’appréciation des taux de change réels devait273


saper la confiance dans la pérennité des parités en vigueur et provoquer tôt ou tard la fuite descapitaux. Elle devait aussi jouer un rôle important dans la propagation régionale de la crise.Dans un contexte de forte intégration régionale, la chute des monnaies les plus faibles était eneffet synonyme d’appréciation réelle pour les autres monnaies de la région, qui devenaientainsi de plus en plus exposées aux attaques spéculatives.À cet effet de contagion monétaire s’ajoute un effet de contagion financière,les pertes enregistrées dans un pays à la suite d’une dévaluation encourageant les opérateurs àse désengager des marchés perçus comme les plus exposés au risque de change. Autoentretenuepar les comportements mimétiques des agents, la fuite des capitaux provoquel’effondrement des réserves de change, qui entraîne celui des taux de change. Celui-ci estd’autant plus brutal que les placements financiers à court terme jouaient un rôle importantdans le financement extérieur passé et que le processus de libéralisation financière étaitavancé. De façon significative, la Chine et Taiwan, qui ont réussi à préserver une positioncourante excédentaire et qui n’ont pas démantelé leurs contrôles des changes, ont été épargnéspar la crise financière en 1998. La dévaluation des monnaies locales, qui a pu atteindre 80 %dans le cas de l’Indonésie, place à son tour des pans entiers de l’économie et notamment dessystèmes financiers en situation de faillite virtuelle. En Thaïlande, en Indonésie et en Coréedu Sud, la cessation de paiement n’a pu être évitée que par l’intervention de la communautéfinancière internationale, qui a dû mobiliser en un temps record plus de 100 milliards dedollars. L’action correctrice exigée par le F.M.I. en contrepartie du soutien international aaccru à son tour la spirale récessive. Fidèle à sa conception traditionnelle de l’ajustement, leF.M.I. a en effet exigé de ces pays, outre des réformes structurelles (dans le secteur financiernotamment), un resserrement des politiques budgétaires et monétaires. Si ces mesures ontpermis de stabiliser un temps les taux de change, leur impact déflationniste fut tel que lesgouvernements de la région ont été progressivement amenés à prendre leurs distances vis-àvisdu Fonds. En septembre 1998, la Malaisie décidait de réintroduire le contrôle des changes,s’autorisant ainsi à découpler sa politique monétaire de sa politique de change. Si elle devaitse confirmer, cette évolution serait de nature à encourager à terme la création d’outilsrégionaux de régulation financière (le fameux Fonds monétaire asiatique proposé en 1997 parle Japon et bloqué jusqu’à présent par les États-Unis) et monétaire (un système monétaireasiatique pourrait devenir à l’ordre du jour), des outils de nature à remettre en cause laprépondérance des institutions de Bretton Woods dans la régulation financière internationale.L’autre vecteur essentiel de diffusion de la crise asiatique 325 est son impact sur le commercemondial. Cet impact est double. Il porte à la fois sur le volume des échanges, dont lacroissance est passée de 10 % en 1997 à moins de 4 % en 1998, et sur les prix des produitsde base. Les cours des matières premières, exprimés en dollars, ont ainsi chuté de près de 15% en 1998 tandis que le prix du pétrole s’effondrait, de 20 dollars le baril à l’automne 1997 àmoins de 10 dollars à la mi-décembre 1998.Reliant l’Orient à l’Occident, la Russie n’avait certes pas besoin des retombéesde la crise asiatique pour susciter les inquiétudes les plus sérieuses. Dépendant depuisplusieurs années des capitaux étrangers pour financer un déficit budgétaire considérable, ellesubit de plein fouet la chute du prix du pétrole et la contraction des marchés asiatiques, quiabsorbaient jusque-là la majeure partie de son acier. À la mi-août 1998, soit moins d’un moisaprès la signature d’un accord avec le F.M.I. portant sur 22 milliards de dollars de nouveauxcrédits, la spéculation se déchaînait contre le rouble, qui était dévalué et perdait en quelquessemaines 75 % de sa valeur. Simultanément, les autorités déclaraient un moratoire sur unepartie de la dette extérieure, provoquant la suspension des crédits du F.M.I. À peine le domino325 Le monde diplomatique, mai 1998.274


usse était-il tombé que les marchés portaient leur attention sur un autre gros débiteur endifficulté : le Brésil. Début septembre, le real brésilien était attaqué et les efforts de la Banquecentrale pour le défendre faisaient fondre les réserves de change au rythme de 1 milliard dedollars par jour. La défiance se généralisait alors vis-à-vis de l’ensemble des marchésémergents, provoquant la quasi-faillite de Long Term Capital Management, L.T.C.M., l’undes principaux fonds de placement américain. Déstabilisées par la montée des rendementsexigés sur une partie des titres à long terme, affolées par le pessimisme des prévisions surl’économie mondiale, les bourses s’effondraient. Aux États-Unis, Wall Street perdait, à la find’août, plus de 10 %, soit la chute la plus brutale depuis l’invasion du Koweït par l’Irak enaoût 1990. En Europe, la baisse approchait 20 %.Si certains doutes pouvaient subsister concernant le caractère systémique de lacrise des marchés émergents, l’assèchement des marchés financiers mondiaux en septembre1998 devait les balayer. Fort logiquement, la réaction devait venir du conseil de la banqued’émission de la monnaie internationale, la Réserve fédérale américaine (Fed). À troisreprises en moins de deux mois, la Fed décidait d’abaisser son taux d’intervention d’un quartde point, donnant à la politique monétaire une orientation a priori peu orthodoxe au regard desdonnées immédiates de la conjoncture américaine. À l’automne de 1998 en effet, le taux dechômage était aux États-Unis à son plus bas niveau depuis la fin des années 1960 (4,4 %),l’expansion se poursuivait sur un rythme rapide et le déficit courant ne cessait de se creuser.L’attitude de la Fed était cependant dictée par la situation des marchés de capitaux et ladégradation des bilans des intermédiaires financiers. La crise des économies émergentes eneffet a fortement pesé sur les bilans des banques et autres institutions financières. Comptetenu de l’ampleur des créances douteuses, celles-ci répugnent à accroître leur exposition aurisque. Le credit crunch, situation expérimentée au début des années 1990 dans laquelle lesintermédiaires financiers ne peuvent pas ou ne veulent pas prêter, menaçait à nouveau. Labaisse des taux d’intérêt à court terme permettait de parer à ce risque en évitant quel’ajustement sur les marchés financiers se fasse par une remontée générale des taux longs.Simultanément, elle entraînait une baisse du dollar qui donnait un ballon d’oxygène auxentreprises américaines face à la compétition asiatique. Elle soulageait enfin la situation deséconomies émergentes dont les dettes sont libellées en dollars. Pour que les choses soient bienclaires, la Fed organisait fin septembre le sauvetage de L.T.C.M., le fameux hedge fundcomptant dans sa direction les deux Prix Nobel d’économie de 1997, dont l’exposition aurisque était estimée à plus de 100 milliards de dollars, investis un peu partout dans le monde.La confiance ne pouvait toutefois être restaurée sur les marchés financiers que si la vague depanique déclenchée par le moratoire russe était enrayée. L’action de la Fed était relayée sur cepoint par l’intervention du Trésor américain en vue de stopper l’hémorragie financière dontétait désormais victime le Brésil. Cela supposait de renflouer les caisses du F.M.I., vidées parles interventions successives en Thaïlande, Corée du Sud, Indonésie et Russie. Début octobre,le Congrès américain, après une longue obstruction, votait la participation américaine(18 milliards de dollars) à l’augmentation des ressources du Fonds (90 milliards en tout)décidée un an plus tôt en septembre 1997. Début novembre, les pays du G7 décidaient dedoter le F.M.I. d’une nouvelle facilité financière destinée aux pays exposés à un risque decontagion financière internationale et poursuivant des plans d’ajustement sous la conduite duFonds. Le 14 novembre, un accord était signé avec le Brésil par lequel le F.M.I., la Banquemondiale, les États-Unis et d’autres pays mettaient à la disposition de Brasilia 42 milliards dedollars. La diffusion de la crise financière était enrayée, tandis que le gouvernement brésiliens’engageait à réduire d’un tiers un déficit public estimé à 64 milliards de dollars. Les États-Unis s’employaient enfin à convaincre les autres membres du G7 de contribuer aurétablissement de la confiance par des mesures appropriées : plan de sauvetage des banques et275


elance budgétaire au Japon, baisse des taux d’intérêt en Europe. Menaçant aux États-Unis, lecredit crunch est depuis plusieurs années une réalité au Japon. Avec 600 milliards de dollarsde créances douteuses inscrites officiellement à leurs passifs, les banques japonaises sont dansl’incapacité d’accorder de nouveaux prêts, malgré les efforts de la Banque centrale qui aréduit le taux d’intérêt au plancher historique de 0,25 %. À la suite d’intenses pressionsaméricaines, le Parlement japonais finissait par adopter en octobre un plan de recapitalisationdes banques qui pourrait se traduire par l’injection de près de 500 milliards de dollars dans lesystème bancaire. À deux reprises en six semaines, le gouvernement affichait sadétermination d’assainir le système bancaire en prenant le contrôle de deux banquesimportantes menacées de faillite (Long-Term Credit Bank of Japan, fin octobre, et NipponCredit Bank Ltd. en décembre). La politique budgétaire prenait aussi une orientation plusactive avec la décision en novembre d’ajouter 50 milliards de dollars au budget japonais dontun volet d’aide aux pays asiatiques en difficulté. La réponse des marchés financiers ne devaitpas tarder. Stimulées par la détente monétaire aux États-Unis, la réaffirmation du leadershipaméricain et la relance de la coopération internationale, les Bourses se redressaientvigoureusement de Hong Kong à New York. Fait non moins significatif, les pays latinoaméricainsretrouvaient l’accès aux marchés obligataires internationaux après un an de quasiexclusion.Émergeant enfin d’une longue phase d’atonie économique, l’Europe sembleavoir récolté en 1998 les premiers fruits de sa marche laborieuse vers l’union monétaire.Fortement autocentrée, l’économie européenne n’a été dans un premier temps quemodestement affectée par la crise asiatique. Si la crise financière internationale n’a pasépargné les places européennes à l’automne 1998, elle a surtout mis en relief, a contrario, lacrédibilité du projet d’union monétaire. Celui-ci avait enfin pris corps au printemps avec ladésignation, parmi les candidats au passage à la monnaie unique, de onze pays de l’Unionsatisfaisant les conditions (assouplies) de convergence monétaire et financière définies àMaastricht sept ans plus tôt, avec la fixation des taux de conversion des monnaies en euro etavec la nomination des dirigeants de la Banque centrale européenne. En d’autrescirconstances, les turbulences financières de l’automne auraient été de nature à déstabiliser lesmonnaies les moins fortes du système monétaire européen. Au début de 1995 par exemple, lachute du dollar contre le mark avait fait plonger la lire italienne et forcé la Banque de France àrelever son taux d’intérêt de plusieurs points, étouffant la reprise en cours de l’activité. Il n’enfut rien cette fois-ci. Malgré le repli du dollar, le plus fort enregistré en un seul mois depuisquatre ans, les parités croisées des onze monnaies participant à l’union monétaire et les tauxd’intérêt nationaux demeurèrent remarquablement stables. Un début de spéculation contre lalire en août fut aisément enrayé, révélant le statut nouveau conféré par les marchés à lamonnaie italienne du fait de sa participation à l’euro. L’idée d’une insularisation de lacroissance européenne ne devait toutefois pas résister aux faits. Alarmées par la multiplicationdes signes de ralentissement économique, encouragées par l’absence de toute pressioninflationniste, pressées d’agir par leurs gouvernements respectifs, les banques centrales desonze pays composant l’Euroland décidaient début décembre de ramener simultanément leurtaux d’intérêt à 3 % (3,5 % en Italie, dans un premier temps), devançant d’un mois leparachèvement de la convergence des taux. De façon significative, le Danemark et la Suède,qui conserveront leur indépendance monétaire, suivaient le mouvement. Si l’on ajoute lesréductions intervenues les mois précédents en Italie, en Espagne, au Portugal et en Irlandedans le cadre de la convergence monétaire et à la baisse des taux britanniques, la réductioneffective des taux d’intérêt en Europe au cours des derniers mois de 1998 serait de l’ordred’un point en moyenne. Enfin concrétisée, la détente monétaire européenne pourraitcontrecarrer la tendance à l’appréciation de l’euro, qui résulte à la fois de la faiblesse du dollar276


et des effets de réallocation de portefeuille à l’échelle mondiale. Ces effets s’annoncent enparticulièrement sensibles en Asie, région qui concentre une large partie des réservesmondiales de devises. Conscients de leur dépendance excessive à l’égard du dollar américain,désireux d’élargir leurs marges de manœuvre face aux pressions économiques et politiquesdes États-Unis, les pays de cette région pourraient favoriser la montée en puissance de l’euroen diversifiant leurs portefeuilles de titres internationaux. S’il se confirmait et prenait del’ampleur, ce mouvement pourrait rendre plus difficile le financement du déficit croissant dela balance des paiements américaine et menacer à terme le statut de monnaie internationale dudollar.5° La mondialisation et les entreprisesEn cette fin de siècle, les entreprises évoluent dans un environnement mondialsoumis à des transformations radicales. La fin de l’affrontement idéologique Est-Ouest entredeux entités dominantes marque l’avènement d’une nouvelle géographie économiquecaractérisée par la multiplicité des échiquiers d’action : l’échiquier de la mondialisation deséchanges, sur lequel s’affrontent les entreprises multinationales, celui des zones économiques(Union européenne, Accord de libre-échange nord-américain, zone Asie-Pacifique), celui deséconomies nationales et celui des régions. Fait rarissime dans l’histoire économique mondiale,aucun pays ne domine, mais plusieurs nations s’opposent en une confrontation commercialeexacerbée.Les entreprises, les États et les régions, désormais engagés dans une logiqueparadoxale de coopération-concurrence, sont contraints de définir leurs stratégies en fonctiond’une nouvelle grille de lecture et d’interprétation de cet environnement multiple, mouvant etimprévisible. L’efficacité de ces stratégies repose alors sur le déploiement de véritablesdispositifs d’intelligence économique qui instituent le pilotage stratégique de l’informationcomme levier majeur au service de la performance économique et de l’emploi. L’intelligenceéconomique se définit comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche,de traitement, de distribution et de protection de l’information utile aux acteurs économiqueset obtenue légalement (Commissariat général du plan). Elle prolonge les différentes actions deveille et de protection du patrimoine, en intégrant précisément les stratégies d’influence et lesréalités culturelles liées à chaque entreprise, à chaque région. Trois fonctions majeures lacaractérisent : la maîtrise du patrimoine scientifique et technologique, la détection desmenaces et des opportunités, l’élaboration de stratégies d’influence au service de l’intérêtnational et/ou de l’entreprise. L’intelligence économique constitue ainsi un outil à part entièred’interprétation permanente de la réalité des marchés, des techniques et des modes de penséedes concurrents et des partenaires, de leur culture, de leurs intentions et de leurs capacités àmettre celles-ci en œuvre.La lutte pour la suprématie économique mondiale se déroule selon une logiqued’interdépendance qui conduit chacun des acteurs à tisser de multiples réseaux et à rechercherdes alliances avec ses concurrents. Dans ce contexte, l’analyse des systèmes d’intelligenceéconomique les plus performants s’impose comme une priorité. Contrairement à la réalitéaméricaine, les systèmes japonais et allemand ont une histoire longue. Ils se sont en outreconstitués dès l’origine sur la base de synergies collectives fortes entre acteurs publics etprivés. Le système japonais d’intelligence économique prit naissance progressivement aucours de l’ère Meiji. Les élites japonaises ont développé une culture dynamique du secret, afinde préserver l’indépendance économique de leur pays face aux exigences des Étatsoccidentaux. L’usage intensif et collectif de l’information économique fut le vecteur de277


l’édification de la puissance industrielle japonaise, aujourd’hui consacrée à une politique deconquête des marchés mondiaux. Cette politique d’expansion économique et de transpositiondes acquis technologiques occidentaux a suscité, à l’échelle de la planète, d’innombrablesréseaux d’influence et de collecte d’informations.Complexe et coûteux, le dispositif japonais repose sur des méthodesd’appropriation sophistiquées telles que les échanges de chercheurs, les alliances stratégiques,le rachat de petites sociétés d’innovation ou le lancement de grands programmes mondiaux derecherche (Human Frontiers). Ce dispositif animé par le ministère du Commerce extérieur etde l’Industrie (M.I.T.I.) et les grands groupes s’appuie sur de multiples canaux decommunication assurant la cohérence, l’évaluation et la réorientation permanente du système.La pratique allemande de l’intelligence économique jouit également d’une mémoirehistorique longue. L’esprit collectif qui l’anime trouve ses origines, à partir du XIII e siècle,dans l’organisation commerciale de la Ligue hanséatique, véritable réseau d’affaires et depilotage de l’information économique entre marchands, commis voyageurs et financiers. AuXIX e siècle, le jeune État allemand incite banquiers et industriels à coopérer, afin de pallier safaible crédibilité financière et de contester la suprématie anglaise. Cette volonté fondeaujourd’hui l’organisation des flux d’informations, qui convergent vers le cœur stratégiqueallemand constitué par les banques, les grands groupes industriels et les compagniesd’assurances. Le système allemand d’intelligence économique mobilise efficacement unensemble élargi d’acteurs (membres de la diaspora allemande dans le monde, syndicatsouvriers ou sociétés de commerce international, au nombre d’environ six mille). La capacitéd’élaboration de véritables stratégies de positionnement sur les marchés mondiaux allie lacoopération politique et culturelle à la coopération économique et technologique. Lesfondations proches des partis politiques, comme la fondation Konrad ADENAUER 326 , jouentici un rôle essentiel. Implantées à l’étranger, elles contribuent en tant qu’instrumentd’influence à diffuser le modèle économique et culturel allemand, tout en alimentant lesréseaux d’information.L’économie américaine, pour sa part, dispose d’un véritable arsenal dans ledomaine de l’intelligence économique. Mais, contrairement au Japon ou à l’Allemagne, cetarsenal pâtit d’un déficit d’efficacité collective. À partir des années 1950, la pratique del’“intelligence concurrentielle” (competitive intelligence) s’est développée dans les grandesentreprises, mais elle ne fonctionnait que dans le cadre de la concurrence acharnée que selivraient des groupes tels que Ford et General Motors sur leur marché domestique.L’intensification de ces pratiques a entraîné deux conséquences majeures pour l’économieaméricaine. D’une part, les États-Unis possèdent aujourd’hui le premier marché privé del’information, animé par un objectif de rentabilité immédiate au détriment de toute recherched’efficacité collective. D’autre part, l’orientation domestique des pratiques d’intelligenceéconomique a faussé la perception des menaces concurrentielles extérieures. Longtempsmasquées par l’hégémonie américaine, celles-ci se sont révélées brutalement aux entreprisesdans les années 1980. Le gouvernement américain a pris récemment conscience de l’enjeu del’intelligence économique. Au sein de l’Administration Clinton, un courant favorable à lapromotion des secteurs industriels clés de l’économie américaine est à l’origine de la créationd’un Conseil de sécurité économique destiné à éclairer le président dans ses choix et àapporter les solutions utiles contre les agressions économiques extérieures.326 La fondation Konrad ADENAUEUR est liée au mouvement chrétien-démocrate.Cf annexe 14 en fin de thèse.278


L’analyse comparée des systèmes d’intelligence économique dans le monde aété conduite de façon approfondie pour la première fois en France au sein du groupe de travaildu Commissariat général du plan, présidé par Henri MARTRE 327 en 1994. Il ne s’agissait pasde rechercher des modèles à transposer, mais de concevoir une grille de lecture innovante,révélatrice des points forts et des lacunes du pays en la matière. Or, à l’heure où lacompétition sur les marchés mondiaux appelle à la mobilisation collective des capacitésoffensives et défensives des acteurs économiques, le dispositif d’intelligence économiquefrançais demeure très en retrait de l’efficacité requise par les enjeux. Les entreprises et lesbanques disposent pourtant d’un riche passé dans la pratique de l’intelligence économique. Audébut du siècle, les “voyageurs” de la société Michelin constituaient un véritable réseau deveille stratégique. Actifs sur les marchés étrangers, ils identifiaient les opportunitéscommerciales et orientaient par leurs informations les décisions d’implantation internationalede l’entreprise. Sait-on que le Crédit lyonnais, sous la III e République, étaitinternationalement à la pointe des actions de gestion offensive de l’information ? L’absenced’une culture écrite de l’intelligence économique et la mauvaise gestion du secret ont entravéla transmission cohérente de ces savoir-faire essentiels. Il en résulte de nombreuses lacunesdans le dispositif français, aujourd’hui embryonnaire et éclaté, ainsi qu’une prise deconscience relative par les décideurs du rôle joué par la gestion stratégique de l’informationdans la compétitivité et dans la défense de l’emploi.Trois freins majeurs s’opposent encore à une large diffusion de l’intelligenceéconomique. En premier lieu, sa pratique dans les entreprises ne repose que sur une culturepropre à certains métiers. La veille stratégique n’est ainsi développée qu’au sein d’entreprisessensibilisées de secteurs en alerte, tels que l’aéronautique, les télécommunications, l’énergieou la chimie. Le savoir-faire accumulé y est entretenu par les seuls spécialistes. Il faitrarement l’objet d’une concertation ou d’une diffusion régulière. Par ailleurs, les deuxfonctions “informatives” clairement identifiées par les entreprises sont la protection dupatrimoine industriel et la veille technologique. Essentiellement développées dans les grandsgroupes, elles sont orientées vers l’innovation et la commercialisation des produits, etattestent de ce fait d’une conception partielle de l’intelligence économique, plus défensivequ’offensive. Enfin, le dispositif français est caractérisé par la faiblesse du marché privé del’information et par la prédominance de l’État. Issu d’une tradition historique, le dispositifpublic de collecte et de diffusion de l’information économique, scientifique et techniquedemeure cloisonné et dispersé. En outre, malgré la diversité des flux de données, lesentreprises sont confrontées à une offre publique inadaptée à leurs besoins opérationnels,notamment lorsqu’il s’agit d’informations relatives aux marchés étrangers. Ainsi les lacunesdu dispositif français d’intelligence économique conduisent à une évaluation floue desmenaces et des opportunités, ainsi qu’à un déficit d’ajustement stratégique. Ces carences serévèlent précisément dans la méconnaissance des dispositifs étrangers les plus offensifs,notamment de leur capacité à construire des stratégies d’influence au service de leur propreintérêt national.327Rapport Martre à propos de l'évaluation des pratiques nationales enintelligence économique. Ce concept d'intelligence économique concerne lamaîtrise et de la protection de l'information stratégique utile pour tousles acteurs économiques. L'intelligence économique se pratiquait déjà auMoyen-Age. Mais ce sont les Anglais qui les premiers l'ont développée, il ya cinq cents ans. Les Japonais l'ont systématisée dans les années 50 et lesAméricains l'ont conceptualisée en 1986. En France, le rapport MARTRE,point de départ du mouvement, date de 1994. Un comité pour l'intelligenceéconomique a ensuite travaillé avec Bernard ESAMBERT en 1996. Puis, en2003, Bernard CARAYON a remis un rapport sur le sujet au Premier ministre.279


L’analyse comparée des systèmes d’intelligence économique dans le monde amis en lumière trois points saillants : l’information constitue un atout essentiel de lacompétitivité des économies les plus offensives ; la rentabilité de l’information, pour uneentreprise, réside dans l’exploitation légale des 90 % d’informations “ouvertes” ; les nationset les entreprises qui développent une pratique collective de l’information et savent mobiliserla dimension culturelle dans la compétition mondiale bénéficient d’un avantage concurrentieldéterminant. À cet égard, la méconnaissance de l’intelligence économique comme la maîtriseinsuffisante des réseaux d’information constituent des risques réels pour les entreprisesfrançaises quotidiennement confrontées aux stratégies construites de leurs partenaires et deleurs concurrents. L’exemple des coopérations industrielles avec l’étranger le montre bien : lepartenaire qui contrôle les flux d’intelligence économique au sein de la dynamique de l’accordsaura inévitablement tirer profit de l’asymétrie qu’il aura instaurée dans le rapport de forces,et cela quelle que soit l’issue de l’accord. Dans le domaine des technologies clés, l’absence demaîtrise des réseaux d’information peut ainsi conduire à une suprématie irréversible desconcurrents. On conçoit alors la nécessité pour la France de renforcer ses outils de diagnosticet d’influence, non seulement au sein de l’Union européenne, face aux stratégies mises enplace par les États membres qui disposent de savoir-faire établis en intelligence économique,mais surtout au regard des défis posés par les réseaux d’alliances stratégiques mondiaux quise tissent actuellement entre les États-Unis et le Japon dans le domaine des hautestechnologies. Dans ce contexte, l’évolution vers une culture ouverte et collective del’information s’impose. Elle est indissociable de l’élaboration d’une vision partagée desobjectifs et appelle une révision des modes de réflexion et des comportements de l’ensembledes acteurs, comme le souligne le rapport du groupe Martre. À ces derniers, l’apprentissage del’ère stratégique impose désormais de savoir conjuguer la stricte logique productive etcommerciale et l’interprétation de facteurs culturels des environnements multiples. Ils nepourront orienter efficacement les dispositifs de veille et d’influence sans vision de long termeni forte cohérence prospective. Ainsi, dans les entreprises, les états-majors des groupes et lesresponsables des P.M.E.-P.M.I. doivent s’impliquer dans la mise en œuvre de l’intelligenceéconomique en explicitant et en hiérarchisant leurs besoins en informations selon desorientations clairement définies. La création d’une fonction d’animateur de l’intelligenceéconomique doit accompagner la mise en place d’une organisation flexible fonctionnant enréseau. Il revient à l’État de jouer ici un rôle incitatif puissant et d’orienter efficacement lesmissions des administrations concernées. La veille technologique et économique, orientéevers leurs besoins et ceux des entreprises, devrait constituer une priorité absolue pourconcevoir des visions stratégiques adaptées aux pôles multiples de l’économie mondiale.L’État doit se doter en outre d’une véritable doctrine de la sécurité économique, en s’appuyantsur le nouveau Code pénal, qui élargit le champ de la protection des intérêts fondamentaux dela nation au potentiel économique et technologique des entreprises. À l’échelle des régions,trois priorités s’imposent aux acteurs locaux, qui doivent bâtir leurs stratégies surl’intensification croisée des actions de développement local, sur des alliances interrégionales,nationales et européennes, ainsi que sur des réseaux d’appui à l’exportation associant lesentreprises, les collectivités territoriales et les services compétents de l’État. L’efficacitécollective de ces pôles essentiels d’un système d’intelligence économique national à bâtir nesaurait être atteinte sans une urgente redéfinition du rôle des organisations professionnelles etdes banques dans le recueil, le traitement et la distribution de l’information et sans la créationd’enseignements académiques et professionnels spécifiques dans le domaine de l’intelligenceéconomique. À peine les enjeux de l’intelligence économique sont-ils posés en France quedéjà leur pertinence s’impose pour les institutions de l’Union européenne et que se révèlenécessaire l’engagement d’une réflexion sur les outils et la finalité de la démarche. On a citél’exemple des réseaux planétaires d’alliances nippo-américains dans le domaine des hautes280


technologies et de l’information. Au risque de dépendance stratégique ainsi créé pour ellel’Union européenne doit répondre par l’affirmation d’une forte identité culturelle. Seule unedémarche d’intelligence économique concertée permettra un rééquilibrage maîtrisé desrapports de forces au sein de ces réseaux mondiaux. La Commission des Communautéseuropéennes ne s’y est pas trompée qui, dans une communication intitulée Une politique decompétitivité industrielle pour l’Union européenne en septembre 1994, propose de “tirer partides atouts de l’Union européenne dans l’exploitation du nouveau concept de l’intelligenceéconomique, qui constitue l’un des aspects majeurs de la société de l’information” 328 . Demême, le développement sans précédent de l’illégalité économique (circuits mafieux,contrefaçons, etc.) exige une réponse européenne qui ne peut tolérer aucune erreurd’appréciation. À travers la diffusion de nouvelles règles de gestion de l’information n’est-cepas, en fin de compte, l’enrichissement démocratique de nos sociétés qui est en jeu ?Répondant au besoin urgent d’appréhender l’économie dans un autre langageque celui, réducteur, de la simple compétitivité, l’intelligence économique ne propose nimodélisation ni vision miraculeuse des échanges, simplement une démarche qui s’attacheinlassablement à déchiffrer indices et signes, à interpréter, à écouter et à comprendre. Cecomportement cognitif fait référence à une forme d’intelligence, la mètis grecque, ouintelligence rusée, longtemps occultée par la pensée trop rationnelle et la science triomphante,et qu’il convient à présent de réinterroger, afin de mieux définir les outils de l’intelligenceéconomique. “Engagée dans le devenir et l’action, la métis, rappellent Marcel DETIENNE etJean-Pierre VERNANT 329 , est bien [...] un mode du connaître ; elle implique un ensemble [...]d’attitudes mentales, de comportements intellectuels qui combine le flair, la sagacité, laprévision, la débrouillardise, l’attention vigilante...” Multiple et polymorphe, “elle s’appliqueà des réalités fugaces, mouvantes [...], qui ne se prêtent ni à la mesure précise ni auraisonnement rigoureux”.La mondialisation de l’économie pose une menace nouvelle sur le droit dutravail. Cette menace se manifeste tant à l’endroit des mécanismes juridiques dont l’effectivitéest conditionnée par les limites territoriales nationales qu’à l’égard de l’équilibre des pouvoirsqui est recherché entre les acteurs sociaux dans l’élaboration des règles juridiques. Le droit dutravail n’est pas sans moyen pour réagir et s’adapter à un environnement plus mondialisé.Cette adaptation, tant sur le plan juridique, national, qu’international, est toutefois tributaired’une volonté politique de la favoriser et de la capacité de l’acteur syndical de l’induire et dela soutenir. C’est là que la mondialisation de l’économie risque de produire ses effets les pluspervers. Les nouvelles tendances observées dans l’économie, particulièrement samondialisation ou son internationalisation, affectent le contenu et l’efficacité du contenu dudroit du travail. La nouvelle conjoncture économique, caractérisée notamment par unemobilité internationale accrue du capital a-t-elle définitivement sonné le glas des institutions àla base de la réglementation de la relation de travail ? Ces institutions, demeurées jusqu’icilargement prisonnières des frontières nationales ont-elles perdu toute faculté d’adaptation faceaux nouvelles contraintes générées par le contexte économique ? De même, les formestraditionnelles de réglementation institutionnelle et étatique sont-elles dépourvues de touteefficacité dans cette nouvelle conjoncture ? Nous n’avons pas la prétention de répondre àtoutes ces questions. Nous nous limiterons plutôt à dégager quelques tendances d’évolutionfondées sur la capacité des acteurs sociaux à intégrer à l’intérieur des institutions et de la328Commission des Communautés européennes de septembre 1994.329DETIENNE, M., VERNANT, JP., Les ruses de l’intelligence, la métis desGrecs, Flammarion, 1992. Jean-Pierre VERNANT (1914- ) est reçu major del'agrégation de philosophie en 1937, cf biographie en fin de thèse.281


églementation de droit du travail domestique et international, les secousses créées par lamondialisation de l’économie. Ces tendances démontrent que le droit du travail n’est pas sansmoyen face au nouvel environnement économique et il serait erroné d’anticiper son évolutiond’une façon trop déterministe.Nous envisageons ici le droit du travail comme l’ensemble des règles étatiquess’appliquant à la prestation de travail salariée et qui a comme fonction première la protectiondu salarié, subordonné juridiquement et, souvent, économiquement à son employeur, contreles iniquités et les abus que peut engendrer le libre marché dans la détermination desconditions de travail. Le droit du travail doit aussi cependant être perçu, à l’instar de touteautre politique étatique, comme le résultat d’un jeu de pouvoir entre les différents acteurssociaux 330 . La mondialisation de l’économie menace l’équilibre actuel du droit du travail, quecelui-ci soit perçu d’une façon ou de l’autre. Par contre le droit interne recèle certainesfacultés d’adaptation à l’internationalisation de l’économie. De plus, toute action de l’Étatvisant à assurer certains acquis sociaux dans un contexte de mondialisation doit aussi misersur un niveau transnational ou international de régulation. Quels sont les effets de lamondialisation de l’économie ? Est-elle source d’insuffisance du droit du travail interne ? Sinous considérons que la mondialisation de l’économie n’est pas un phénomène nouveau,seule la fluidité du capital d’investissement, sa rapidité de circulation et la disparition desbarrières techniques et financières à ses mouvements internationaux le sont. Lamondialisation de l’économie, c’est aussi cette capacité accrue qu’ont les entreprises detransporter ou de délocaliser leurs activités de production au-delà des frontières nationalesCette capacité nouvelle, conférée principalement par des avancéestechnologiques remarquables, est aussi favorisée par la libéralisation des échangescommerciaux internationaux partout dans le monde. La mondialisation de l’économie, ensomme est une internationalisation accrue du commerce, du capital d’investissement, de lafinance, des entreprises, de la technologie et de la production. Il importe toutefois desouligner qu’il n’y a pas unanimité sur la notion de mondialisation, encore moins sur sonampleur et ses effets. Même si celle-ci s’accroît et qu’elle est favorisée tant par des percéesd’ordre technologique que par des politiques étatiques, il ne faudrait pas en exagérer la portée.La production des biens et services s’effectue encore aujourd’hui très largement au seind’entreprises exclusivement domestiques.La mondialisation de la production et des échanges commerciaux a pour effetsde modifier sensiblement l’environnement dans lequel évolue l’acteur patronal qui, sur le planéconomique, a beaucoup moins de barrières dissuasives dans la détermination de lalocalisation de ses activités : il peut choisir à moindre coût le lieu qui permet un rendementoptimal. Une entreprise disposant de la possibilité de transporter sa capacité de productiond’un pays à l’autre peut amener le mouvement syndical et l’État à revoir à la baisse laréglementation entourant la prestation de travail salarié dans une société donnée. Cesinstitutions, que ce soit le syndicalisme et la négociation collective ou l’État et sa législation,demeurent largement prisonnières des frontières nationales alors que le capital, favorisénotamment par l’évolution technologique et la libéralisation du commerce au planinternational, peut se servir de sa mobilité accrue pour imposer son agenda dans sesnégociations avec ses institutions nationales. Même si l’État continue d’intervenir pour fixer330Ces conceptions du droit du travail découlent de la façon dont onperçoit le rôle de l'État lui-même. La première conception s'appuie surtoutsur une conception unitariste de l'État alors que la seconde découle d'unevision pluraliste de l’État.282


d’autorité les conditions de travail protégeant les plus faibles ou mettant en place de politiquespubliques, il reste que le cadre de la négociation collective permet structurellement d’intégrerla dimension du marché économique dans la détermination des conditions de travail. Cetteflexibilité d’adaptation fragilise actuellement la négociation collective. L’institutiontraditionnelle de la négociation collective atteint de nouvelles limites dans un environnementoù la mondialisation des échanges commerciaux et de la production s’est accrue. Cesnouvelles limites tiennent à la fois aux difficultés que rencontre le syndicalisme dans sondéveloppement comme institution et aux modifications dans l’équilibre du pouvoir à la tablede négociation. La mondialisation de la production et de l’économie est aussi susceptible deprocurer un argument avantageux à plusieurs employeurs lors de la négociation de laconvention collective. La partie patronale peut dorénavant brandir avec beaucoup plus decrédibilité la menace de transfert de la production dans un autre pays où les contraintes sur leplan des conditions de travail sont moindres. Cet argument modifie l’équilibre des pouvoirs àla table de négociation et peut inciter les représentants syndicaux à diminuer l’ampleur deleurs revendications et même à accepter les demandes de concessions patronales selon lerisque réel de délocalisation de l’établissement.. La décision de s’implanter dans un pays peutêtre subordonnée à une négociation avantageuse pour l’employeur, en réaction contre uneaction syndicale jugée trop exigeante. Les pressions pour la déréglementation, quoique sousdes modalités qui peuvent varier, existent bien dans tous les cas.Outre la négociation collective, la mondialisation de l’économie fait aussipeser une nouvelle menace sur l’action normative de l’État à l’égard des conditions de travail.Elle procure en effet au capital et à l’entrepreneur la possibilité réelle de prendre en compte lecontenu de la réglementation étatique locale en matière de travail avant de décider d’un lieud’investissement ou d’établissement. Dans un contexte de lutte acharnée entre États pourattirer l’emploi et diminuer ainsi le chômage, le résultat est simple. Il y a dorénavantcompétition réelle entre États pour attirer l’investissement et le contenu de la réglementationnationale du travail fait partie de cette compétition. Cela place une pression énorme sur lesgouvernements des pays dont la réglementation du travail est socialement avancée. Il y a dèslors danger que cette compétition entraîne un mouvement vers le bas des réglementationsnationales, l’étalon de la comparaison étant fixé par les États dont la réglementation du travailest la moins développée. La mondialisation rend plus difficile l’atteinte d’un équilibre entre lecapital et le travail dans la législation ouvrière, car sa recherche ne se fait plus seulement enconsidérant les différents courants et intérêts à l’intérieur de la société touchée par lalégislation. La mondialisation entraîne nécessairement la prise en compte de considérationsextérieures à la société, en comparant plus systématiquement l’orientation nationale avec celledes États compétiteurs, et plus particulièrement celles des pays qui sont au sein d’un espaceéconomique intégré favorisant l’exercice des libertés économiques.Le pouvoir stratégique accru que confère au capital la mondialisation luipermet de négocier directement avec les États nationaux pour tenter d’obtenir de meilleuresconditions d’investissement. Cette réalité n’est pas nouvelle, les firmes multinationales ayanttraditionnellement négocié avec les gouvernements en vue de la création de zones franches oud’enclaves dans lesquelles les droits du travail ne sont pas appliqués (de fait ou de droit). Lamondialisation de l’économie, et la nécessité pour les pays les plus industrialisés d’attirer lesinvestissements pour permettre la création d’emplois ont toutefois conduit à la formulation detelles exigences, même dans ces derniers pays. La mondialisation de l’économie permet doncl’exercice de pressions importantes sur l’État pour qu’il procède à la révision de ses normesde travail. D’ailleurs, la déréglementation du travail salarié, à l’instar de celle s’appliquant àd’autres secteurs de la vie économique, apparaît comme une politique choisie bien plus que283


comme une simple fatalité imposée par le contexte économique mondial. La mondialisationexige un modèle social plus pertinent. Pour le sociologue Pierre-Eric TIXIER « l’élaborationd’un modèle social plus pertinent sera l’un des enjeux majeurs des prochaines années pourfaire face à la mondialisation » 331 Professeur à l’IEP de Paris et chercheur au Centre desociologie des organisations, il explique que « plus le marché est présent, plus les capacitésd’interactions de l’entreprise avec l’environnement socio-économique deviennentstratégiques, plus le syndicalisme est questionné sur sa capacité à débattre des orientationsstratégiques et à codéfinir des politiques de stabilité ». Il souligne aussi le rôle dumanagement qui doit dans un même temps, au nom d’une politique de développementdurable, se poser la question du débat avec les différentes forces sociales. Considérant que lesentreprises publiques peuvent être vues comme « une sorte de laboratoire social duchangement », Pierre-Eric TIXIER estime qu’au cours des dernières années, « les élites n’ontpas ouvertement assumé » leurs choix politiques : « aller vers un modèle européen et faireface à la mondialisation ». Conseiller auprès de l’association Entreprise et personnel, M.TIXIER estime en particulier que « les orientations frileuses du gouvernement JOSPIN 332s’expliquent en partie par un véritable syndrome de l’automne 1995 » (mise en échec du planJUPPE sur les retraites). Il explique que la partie de cache-cache des politiques français sur ladisparition des monopoles laisse le social en état d’apesanteur ; « les règles du jeu antérieuresne sont plus légitimes sans qu’appariassent clairement de nouvelles régulations ». « Larésistance des corporatismes trouve ses ressources dans l’absence de partage du choix deréforme, les faiblesses de négociations et l’absence de pédagogie des dirigeants » affirme-t-ilen constatant « l’épuisement d’un système fondé avant tout sur le conflit comme ressource duchangement ». M. TIXIER considère comme « un facteur aggravant » l’insuffisante formationdes dirigeants à la gestion sociale », « dernière roue du carrosse dans les stratégies dechangement ». « Les services publics à la française » n’auront en particulier, selon lui, de« légitimité » que s’ils « offrent des services plus larges, de bonne qualité et à prix compétitifpar rapport aux autres pays ».Face à la mondialisation, les ajustements du droit interne sont nécessairessurtout dans un environnement économique plus intégré sur le plan mondial ; l’État nationaldispose toujours d’un pouvoir considérable. En fait, plusieurs moyens s’offrent auxgouvernements nationaux pour réagir à la menace que représente la mondialisation pour laprotection des travailleurs. Parmi ceux-ci, les modifications au contenu du droit interne sontparticulièrement intéressantes. C’est plutôt dans la pratique des relations patronales -syndicales et dans le contenu des conventions collectives que dans les effets du nouvelenvironnement économique se sont faits davantage sentir. Il semble qu’à l’heure de lamondialisation de l’économie, on puisse observer un foisonnement d’expériences departenariat permettant aux parties de délaisser quelque peu l’affrontement pour s’engagerdavantage sur la voie de la concertation et de la résolution efficace des conflits. On note unebaisse sensible des conflits de travail, les acteurs sociaux recourent plus fréquemment à denouveaux modes de négociation et de résolution des conflits moins conflictuels et davantagesusceptibles de résoudre pacifiquement les différents. De la même façon, les stratégies et lediscours du mouvement syndical ont changé. Les syndicats semblent avoir quelque peudélaissé leurs traditionnelles revendications salariales pour s’accrocher davantage à la331 TIXIER, Pierre-Eric, conclusion de Du monopole au marché. Les stratégiesde modernisation des entreprises publiques, la Découverte, Coll. « Textes àl’appui », 200 pages, 2002.332Lionel JOSPIN, né en 1937, est un homme politique français, Premierministre de 1997 à 2002. Cf biographie complète en fin de thèse.284


protection et au maintien de l’emploi. En échange de garanties sur ces points, ils se sontmontrés plus enclins à céder du terrain sur le plan de la flexibilité et des coûts liés au travail.Cette transformation dans les stratégies et les enjeux de la négociationcollective s’est aussi reflétée dans le contenu des conventions collectives. On relève parexemple aujourd’hui une recrudescence des clauses concernant la sous-traitance, les horairesde travail flexibles et la formation de la main-d’œuvre. La négociation collective demeure uneoption névralgique pour le droit du travail en quête de voies d’ajustement au nouveaucontexte économique. En France et dans l’Union européenne, la législation sur lelicenciement économique oblige l’employeur qui supprime des postes à communiquer auxreprésentants du personnel tous les documents utiles à la compréhension de la décisionpatronale. Le tribunal exerce également un contrôle serré des motifs de licenciement, enparticulier à l’occasion de délocalisations. Il doit s’agir, de licenciements économiquesjustifiés par la « nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ». Il demeure tout demême que l’obligation de reclassement, qui s’impose à l’heure actuelle en France dans lecadre de tous les licenciements économiques comme une obligation implicite du contrat detravail, a permis d’atténuer les conséquences de ce choix de délocalisation d’activités pour lessalariés. Cette obligation de reclassement, qui s’impose tant dans le cadre de licenciement deportée nationale qu’internationale, oblige l’employeur à rechercher dans toutes les unités del’entreprise les possibilités effectives d’emploi, même si ces dernières comportent unemobilité géographique ou professionnelle, ou toute autre modification substantielle.Le droit prétorien français a donc reconnu sur le terrain du licenciement lalégitimité des décisions économiques de l’employeur motivées par la nécessité d’uneréorganisation internationales des activités de production. Il reste que ce droit démontre qu’iln’est pas inconcevable, afin de protéger l’emploi, d’une part de proposer un contrôle réel de ladécision de délocalisation et, d’autre part, d’imposer à l’employeur le coût social de ladélocalisation 333 , ne serait-ce que par une interprétation audacieuse des obligations inhérentesau contrat de travail, dans le cadre de cette obligation de reclassement. Dans le cadre françaiset européen, l’intervention du législateur national et communautaire est essentielle. Celle-ciest relayée par la volonté des tribunaux d’ajuster le droit du travail au contexte économiqueinternational, à la fois en constatant l’existence de ce nouveau contexte et en réorganisant laprotection des travailleurs autour, d’une part, de la visibilité et de la transparence des donnéeséconomiques et, d’autre part, d’un contrôle plus serré des suppressions d’emplois et de leursconséquences sociales sur le territoire national. Le développement et l’accélération de lamondialisation de l’économie et de la production et les insuffisances du droit national dutravail qui en résultent interpellent un autre niveau de régulation sociale, le niveausupranational. L’apparition d’espaces économiques supranationaux et internationauxengendre le besoin d’élaborer aussi un espace social correspondant. Les règles du libremarché ne peuvent davantage réguler de façon satisfaisante cet espace social supranational.Des mécanismes conçus depuis longtemps présentent un intérêt renouvelé. De la même façon,la négociation collective transnationale offre des possibilités incontestables de régulationsociale dans un espace économique élargi. La clause sociale insérée dans les traités de333COUTURIER, Gérard, Quel avenir pour le droit de licenciement ?Perspectives d'une régulation européenne, Droit social, no 1, janvier, 75–84, 1997. "La libre sauvegarde de la compétitivité apparaît comme unedonnée de droit économique, de droit de concurrence, comme le libre accèsau marché ou le libre établissement. Mais on peut envisager un correctif :l'entrepreneur aurait dans "le pays abandonné" à assumer le "coût social"économique évident que représente la faculté d'opérer sur toutes lesparties du globe.285


commerce ou d’intégration internationale est un mécanisme qui est souvent perçu comme lasolution la plus appropriée. Des mécanismes existants de régulation supranationale existent etsont relativement pertinents d’autant que la question du lien entre le commerce internationalet la régulation sociale n’est pas nouvelle. L’Organisation Internationale du Travail (OIT), quicélébre en 2006 ses 87 ans d’existence, fut créée pour répondre aux besoins qu’engendrait celien. L’Organisation a présidé à l’élaboration d’un véritable code international du travailcomprenant plus de 175 conventions et 180 recommandations. Cependant, l’absence deratification des conventions par un grand nombre d’états, aucune obligation n’existant à cechapitre, comme l’absence de sanctions contraignantes pour toute violation par un État d’uneconvention qu’il a au préalable ratifiée, en ont depuis longtemps limité l’efficacité. L’exempledu Mexique qui a ratifié près de 75 conventions de l’O.I.T. mais qui les applique de façonlaxiste le démontre bien. Malgré l’insuffisance des mécanismes reliés à l’O.I.T. pour assurer àeux seuls une dimension sociale satisfaisante aux différentes formes d’intégration économiqueinternationale, leur rôle demeure aujourd’hui essentiel. Les conventions de l’O.I.T.fournissent un code du travail élaboré qui peut servir de guide et de modèle dans lesdifférentes manifestations de la mondialisation. De la même façon, l’expertise de l’O.I.T. estun atout précieux pour les parties qui s’engagent dans l’élaboration ou dans l’application d’uninstrument supranational de régulation sociale. L’OIT peut en effet fournir une aide techniquesubstantielle à ce chapitre.A l’opposé de l’O.I.T., l’intégration communautaire européenne propose unmodèle beaucoup plus contraignant en vertu duquel les partenaires ont confié à un organesupranational le mandat de veiller à ce que la construction de l’espace économiquecommunautaire soit accompagnée de l’élaboration d’une véritable dimension sociale.L’objectif à la base de « l’Europe sociale » vise l’harmonisation vers le haut de la protectionsociale existant sur le plan national tout en respectant le principe de la subsidiarité. Lors d’unconflit social, une menace ou une contrainte à connotation économique peut avoir uneefficacité nouvelle dans un contexte de mondialisation de l’économie. Une négociationtransactionale est alors intéressante dans la mesure où les espaces internationaux intégrés surle plan économique et commercial peuvent constituer un terrain propice pour ledéveloppement de différentes formes de négociation collective transnationale, à l’échelle del’espace économique. Il est permis de penser que les acteurs sociaux répondent à uneinternationalisation du capital la constitution de stratégies coordonnées ou communes auniveau de l’espace économique. Cependant nombre de facteurs ont rendu un teldéveloppement très difficile. Il suffit ici de mentionner les différences marquées entre lessystèmes nationaux de relation du travail, l’absence de structures internationales favorisant untel niveau de négociation et ce tant du côté patronal que syndical, ainsi qu’une concurrencecertaine des travailleurs de chacun des pays pour l’obtention et la conservation des emplois.Le « dialogue social », longtemps ignoré, émerge aujourd’hui comme unvéritable mode de régulation sociale au sein de l’espace économique communautaire. Desentreprises multinationales établies dans l’Union européenne ont développé des instances denégociation avec des organisations syndicales représentant des travailleurs des filialesimplantées en Europe. Ces instances ont le mandat de négocier des accords instaurant des« comités d’entreprise européens », organes d’information et de consultation sur tous lesaspects transnationaux intéressant l’entreprise. Une directive européenne en date du22 septembre 1996, rend obligatoire la négociation d’un tel accord dans les entreprises de plusde 1 000 salariés ayant au moins deux filiales dans la communauté européenne. La directivecontraint les entreprises qui contrôlent le groupe de dimension communautaire à réunir lesreprésentants des travailleurs de chaque établissement situé dans la communauté européenne286


autour d’une table de négociation. L’autonomie collective des parties demeure toutefoisentière puisqu’elles peuvent renoncer à signer un accord de représentation (à la majorité desdeux tiers des représentants des filiales présentes à la table de négociation) ou conclure unaccord constituant un comité ayant une composition et une cohérence librement définie. Dansl’hypothèse où aucun accord ne peut être trouvé dans un délai de trois ans, la directive fixe unmodèle de comité d’entreprise européen; il doit être informé et consulté sur toutes questionsqui concernent « l’ensemble de l’entreprise communautaire » ou au moins deuxétablissements, et en particulier sur les mesures touchant « sa structure, sa situationéconomique, l’évolution probable de ses activités, la production et les ventes, la situation etl’évolution probable de l’emploi, les investissements, l’introduction de nouvelles méthodes detravail, ou de nouveaux procédés de production, la réduction de taille ou la fermetured’établissements » (art.2). Le comité se réunit une fois l’an et peut être amené à se réunir defaçon exceptionnelle, notamment en cas de délocalisation (art.3, prescriptions subsidiaires).La directive vise donc l’instauration d’une obligation de négocier au plan transnational afin depermettre aux travailleurs, quel que soit le pays concerné au sein de la Communauté,d’obtenir une information annuelle sur les orientations de la politique économique del’entreprise et les décisions essentielles affectant l’emploi et l’organisation du travail. Cetteinformation permet, du côté patronal, de faire connaître les politiques arrêtées au niveau del’entreprise et de faire comprendre l’exigence des restructurations aux représentants destravailleurs. Du côté syndical, l’instauration d’un tel comité d’entreprise génère uneexpérience commune de représentation au niveau international ainsi qu’une possibilité decordonner action et stratégies au niveau même de l’entreprise, au-delà du niveau strictementnational.A l’heure actuelle, le champ de la négociation transnationale s’est seulementdéveloppé au niveau décentralisé des entreprises de dimension communautaire, en vue de lamise en place d’une instance transnationale de représentation. Parallèlement toutefois, ledialogue social européen prend forme dans de nombreux secteurs économiques et s’articuleautour de concertations ou de véritables négociations entre partenaires sociaux européens(Commission européenne en 1995). Par contre, la conclusion de conventions collectiveseuropéennes se heurte en pratique à l’absence d’un statut juridique uniforme dans les Étatsmembre. De plus, une telle pratique suscite de nombreuses réserves au sein du patronat quiprône de préférence la négociation décentralisée. Cependant, depuis l’entrée en vigueur del’Accord social de Maastricht, les partenaires sociaux ont au moins la possibilité de négocierla création de la norme sociale communautaire. Par exemple, le congé parental d’éducationinstitué par un accord collectif signé le 14 décembre 1995 par les partenaires sociauxeuropéens est généralisé par une directive communautaire le 3 juin 1996. Les partenairessociaux européens ont donc acquis la possibilité de négocier les normes d’harmonisation dansl’espace social européen. L’expérience communautaire européenne suggère que lanégociation collective transnationale, pratiquée au niveau de l’espace économique, estnécessaire à l’élaboration du volet social de l’intégration internationale. Une telle forme denégociation exerce une double fonction. Au niveau de l’entreprise multinationale elle-même,elle permet la divulgation d’une information et donc la visibilité des décisions économiquespar nature transnationales. Au niveau de l’espace économique, elle mène à l’élaboration denormes communes minimales dont l’existence permet de limiter l’intérêt des délocalisationsd’entreprise et, du coup, de contribuer à contrer le phénomène de la spirale vers le bas (race tothe bottom) en matière de protection sociale au sein de cet espace.287


L’insertion à l’intérieur d’un traité de commerce international ou d’intégrationéconomique régionale d’une disposition imposant aux parties le respect de certaines normesreliées au travail est aussi une solution souvent proposée pour répondre aux défis de naturesociale que pose la mondialisation. Le but de ce qui est appelé la clause sociale est double,garantir certains droits aux travailleurs de l’espace couvert par le traité tout en évitant que lestermes de la concurrence commerciale ne soient faussés par la violation systématique de cesdroit. Il ne s’agit pas ici de reprendre le débat sur l’opportunité de recourir à la clause socialeni de revoir systématiquement les questions et problèmes qu’elle soulève mais plutôt de tirerquelques conclusions. Il est imposé aux pays l’obligation d’appliquer et de faire respecter defaçon efficace sa législation interne du travail à l’intérieur de son territoire national. Enn’établissant aucune norme supranationale, la souveraineté de chaque État demeure intacte.Onze principes en matière de protection sociale sont énumérés, ces principes contiennent tousles droits qui sont assurés aux travailleurs salariés dans toute démocratie avancée sur le plande la protection sociale. La coopération et la consultation entre partenaires pour poursuivreson objectif et, dans cette perspective permet l’échange d’information et les discutions entreles partenaires sur le contenu de leur législation nationale respective et de son application.C’est ainsi qu’une partie au traité peut formuler une demande d’information à une autrepartie sur chacun des onze principes mentionnés plus haut. Des sanctions de naturefinancières sont prévues lorsque les mécanismes de coopération et de consultation ne suffisentpas à régler de façon harmonieuse les différends pouvant surgir dans son application. Cessanctions ne s’appliquent par contre qu’en cas de violation d’un nombre très restreint deprincipes. En effet, un système fort complexe de procédures intervenant à différents paliersfait en sorte qu’ultimement, une sanction ne peut être imposée que dans des cas de violationsystématique des normes relatives au travail des enfants, à la santé et sécurité au travail et ausalaire minimum.Cette clause sociale a suscité de nombreuses critiques lors de son adoption. Onla percevait comme le résultat de compromis inacceptables alors qu’elle n’avait aucune dent.Bref, on ne voyait pas en quoi un tel accord pouvait contribuer à limiter l’ampleur dudumping social et des délocalisations d’entreprises. Les premières années d’application de cetraité ont néanmoins produit des résultats certes modestes, mais qui exigent de nuancerquelques peu les critiques émises antérieurement. Les activités de coopération et d’échanged’informations permettent aux représentants officiels et aux acteurs sociaux de chaque paysde se connaître et d’établir un réseau de communication entre eux. L’établissement de telsréseaux s’avère essentiels, particulièrement au niveau du mouvement syndical. Même si onpeut juger plutôt positivement ses premiers résultats, il s’agit d’une clause sociale particulières’insérant dans un contexte singulier. Il est loin d’être certain que cette clause puisse êtrereproduite facilement ailleurs, particulièrement lorsqu’il existe des différences marquées dansles niveaux de protection assurés par la législation formelle du travail des pays impliqués. Deplus, ces acquis ne reposent que sur l’efficacité de l’opprobre publique et demeurent bienfragiles. Un durcissement de la position des administrations gouvernementales pourraitannihiler ces développements. Par ailleurs, il faut bien réaliser qu’une clause sociale ne viseavant tout que le secteur d’un pays qui est partie au commerce international. Toutel’économie informelle d’un pays, de même que celle tournée vers la production de biens etservices destinés à la consommation domestique ne peuvent être touchées directement par lesbénéfices d’une clause sociale. Le droit du travail, même dans une économie plus intégrée surle plan international, ne peut compter sur une telle clause pour se développer. Il demeure qu’ils’agit là d’un outil qui doit être intégré dans la panoplie des stratégies à la disposition desÉtats qui veulent maintenir leurs acquis sociaux malgré les effets de la mondialisation.288


Nous pouvons tirer les conclusions suivantes : le droit du travail n’est pas uneenclave protégée, à l’abri des courants idéologiques et sociaux touchant une société donnée. Acet égard, il est clair qu’actuellement, cette branche du droit, comme les autres est assujettie àla cure imposée par l’idéologie noélibérale prévalant dans l’ensemble des sociétésoccidentales. Amincissement de la réglementation étatique des activités économiques, lutte audéficit budgétaire de État et affermissement des libertés individuelles sont des politiques,voire des credo, qui laisseront des empreintes profondes sur l’évolution contemporaine dudroit du travail. La mondialisation de l’économie doit être perçue comme un élément, parmid’autres, influant le cours de cette évolution. La mondialisation de l’économie est toutefoisun phénomène important dans l’évolution du droit du travail. Avant d’être une réalitéincontournable imposant une direction donnée sur la réglementation étatique du travail, c’estsurtout l’occasion d’insister sur la nécessité d’une réforme du droit du travail à la lumière desprincipes de l’économie néolibérale. Il s’agit d’éliminer les rigidités, les irritants, les coûtsinutiles du facteur travail pour atteindre un niveau de compétitivité permettant de tireravantage de la mondialisation. Le droit du travail n’est pas sans moyen pour réagir et prendreen compte le phénomène de la mondialisation, pour protéger les travailleurs. Si l’évolutiontechnologique et la réorganisation du travail qui l’accompagne posent de sérieux défis quantaux moyens à prendre pour poursuivre sa mission, le droit du travail est avant tout dépendantde la volonté politique lorsque vient le temps d’en définir les orientations. Il ressort le besoinpour le droit du travail de répondre à la mondialisation par des modifications pouvant semettre en place avec la rapidité nécessaire pour s’ajuster aux transformations provoquées parl’accélération des échanges économiques. L’accroissement des moyens donnés auxpartenaires sociaux dans le cadre de la négociation collective nationale ou transnationalepermet d’offrir aux travailleurs des moyens juridiques mieux adaptés au contexte économiquede délocalisation et de transformation des activités de production. L’amélioration de cesmoyens passe par une accessibilité accrue à l’information de nature économique pour lestravailleurs et leurs représentants. Dans le cadre de la mondialisation, le travail et l’économies’en trouvent modifiés surtout dans la mesure où «L’Europe occidentale n’est plus la zonedominante dans le monde.» Cette remarque du secrétaire d’État américain WarrenCHRISTOPHER 334 , dans une interview publiée en octobre 1993, reflétait une arrière-penséepolitique — c’était quelques semaines avant le sommet Asie-Pacifique de Seattle, alors quel’Europe faisait de la résistance dans les négociations du G.A.T.T. (General Agreement onTariffs and Trade) —, mais elle soulignait un risque réel, qui concerne d’ailleurs aussi bienles États-Unis: un déplacement du centre de dynamisme de l’économie mondiale vers les paysnouvellement industrialisés d’Asie. Non seulement ceux-ci ont ignoré le chômage et larécession, mais ils ont contribué, par une concurrence industrielle accrue, à ceux des nationsindustrialisées. Les données macro-économiques publiées à la fin de l’année 1993 ontconfirmé que le processus était déjà bien engagé.Le Fonds monétaire international (F.M.I.) a fait état d’une sensibleamélioration de la conjoncture mondiale, estimant la croissance à 2,2 % pour 1993, contre1,7 % en 1992. Mais la performance est contrastée. Les nations industrialisées voient leurexpansion se réduire de 1,7 % à 1,1 %, alors que celle des pays en voie de développementprogresse de 5,8 % à 6,1 %. Parmi ces derniers, les pays d’Asie accentuent leur avance avecune croissance passant de 7,8 % en 1992 à 8,7 % en 1993 335 . Cet écart reflète à la fois ledéveloppement des échanges intra-asiatiques et la surchauffe de l’économie chinoise. Les334Warren Minor CHRISTOPHER né le 27 octobre 1925 dans le Dakota du Nordest un diplomate américain qui fut Secrétaire d'état aux affairesétrangères de 1993 à 1997 durant le premier mandat de Bill CLINTON.335 Données du FMI 1993.289


chiffres publiés à la fin de l’année par l’Organisation de coopération et de développementéconomiques (O.C.D.E.) pour les économies dynamiques d’Asie (E.D.A.) – un groupe de sixpays: Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong, Singapour, Thaïlande et Malaisie – constituent uneréférence plus homogène en la matière: la croissance est estimée pour 1993 à 5,7 %, contre5,6 % en 1992 (Perspectives économiques). Ces données comparées – celles des paysindustrialisés d’une part et celles des E.D.A. de l’autre – sont étroitement liées au débat surles aspects internationaux de la politique économique en 1993, dont les principaux thèmes ontété la création ou l’élargissement des groupes économiques régionaux, l’approfondissementdu système commercial multilatéral et les délocalisations industrielles, avec le prolongementsocial que constituait le problème de l’immigration. Le millésime 1993, sous ce rapport, faitfigure d’année charnière. Les principaux événements qui l’ont marquée ont été la conclusiondes négociations du cycle de l’Uruguay (Uruguay Round), l’entrée en vigueur du traité surl’Union européenne, la ratification de l’Accord de libre-échange nord-américain (A.L.E.N.A.)et l’amorce d’une coopération économique entre les pays riverains du Pacifique.Les aspects nouveaux du cycle économique se distinguent et chaque cycleéconomique comporte, de la part de ses acteurs, des erreurs d’appréciation, dont ilss’efforcent de tenir compte lors du suivant. Le laxisme fiscal et monétaire avait été, au coursdes années 1960 et des premières années 1970, le tribut illusoirement payé au plein-emploi.La décennie suivante, marquée par les deux chocs pétroliers, connut successivement ungonflement des investissements publics (ce qui n’empêcha pas la «stagflation») et un recoursprépondérant à la politique monétaire. Priorité ayant été donnée, dans les années 1980, à lastabilisation, le point haut de l’inflation en 1990 s’est situé à un niveau nettement inférieur àceux de 1974 et de 1980. Cette politique de rigueur a eu pour première conséquence deréduire le rapport entre la croissance et la création d’emplois. Mais elle devrait être bénéfiqueà plus long terme: comme le souligne l’O.C.D.E., «cela aidera à créer des conditionséconomiques plus propices à une progression durable des investissements productifs, de laproduction et de l’emploi que celles qui existent depuis le début des années 1960». C’était là,toutefois, dans la gamme des principaux agrégats macro-économiques, à peu près la seuleréussite dont on pût se prévaloir, avec son corollaire qui était la décrue des taux d’intérêt. Ellea été acquise par la modération salariale. Les politiques adoptées pour obtenir ce résultat ontcontribué à la détérioration de la situation de l’emploi. C’est à cette perversion d’une stratégieéconomique «vertueuse» que les gouvernements et les grandes institutions ont cherché àéchapper en 1993. Ils ne devaient en principe adopter de mesures de stimulation que dans lecas où ces dernières étaient compatibles avec le maintien de la stabilité monétaire, ce quiimpliquait des approches différentes d’un pays à l’autre, tant en ce qui concerne lesinstruments de la politique économique que le moment choisi pour les utiliser. Le processusétait déjà largement engagé aux États-Unis, avec les baisses successives de taux de la Réservefédérale. L’Europe, pour sa part, s’est scindée entre les pays ayant maintenu leur devise ausein du système monétaire européen (S.M.E.) et les autres. Les premiers, parmi lesquels laFrance, le Danemark et les pays du Benelux, ont baissé leurs taux dans le sillage des décisionsde la Bundesbank. Les autres, notamment le Royaume-Uni et l’Italie, ont profité de leurliberté monétaire recouvrée pour diminuer le loyer de l’argent, ce qui a stimulé à la foisl’activité et les exportations — mais une telle politique ne peut avoir d’effet positif que dansle court terme. Le Japon, quant à lui, a réagi, comme précédemment en pareille circonstance,par des programmes de travaux publics dont le financement lui était permis par une relativeaisance budgétaire.290


Parmi les économies industrialisées, les pays anglo-saxons ont tiré leur épingledu jeu mieux que les autres, étant plus enclins à un comportement de stop and go, cettealternance d’essor et de ralentissement plus accusés chez eux qu’ailleurs. Cependant, etnotamment aux États-Unis (un pays qui compte pour 37,7 % dans la production de la zone del’O.C.D.E.), la reprise connaissait une modération inhabituelle en cette période du cycle, cequi réduisait d’autant l’effet d’entraînement sur les pays partenaires. Les divers profils ducycle conjoncturel des pays industrialisés, tels qu’ils ont été tracés par l’O.C.D.E. pour 1990-1995, se distinguent nettement de ceux des périodes de 1972-1978 et de 1979-1985: celui duproduit intérieur brut (P.I.B.) réel est moins accusé, tant en ce qui concerne la décroissancedans les trois années précédant le point bas que dans la remontée au cours de la période dereprise; la courbe du chômage se maintient au-dessus des deux autres et, contrairement àcelles-ci, ne s’infléchit guère après son point haut; la courbe de l’inflation (déflateur du P.I.B.)du cycle actuel se situe nettement au-dessous des deux autres. Ce dernier point reflète nonseulement la mollesse de la reprise, mais aussi une plus grande discipline en matières fiscaleet monétaire, une attitude particulièrement notable en Europe en raison des contraintes deconvergence imposées par le traité de Maastricht. Les participants au mécanisme de changedu S.M.E. ne se sont pas prévalus de l’élargissement à 15 % (contre 2,25 % précédemment)des marges de fluctuation pour abandonner la rigueur monétaire. Le premier aspect de lacomparaison des cycles — le profil moins accusé dans la variation du P.I.B. — a tenu auxdivergences des performances parmi les principaux acteurs du monde industrialisé: leredressement confirmé ou amorcé dans les pays anglo-saxons, États-Unis en tête, n’acompensé qu’en partie le ralentissement en Europe et au Japon.La conjoncture de l’Europe continentale a continué d’être bridée en 1993 parles difficultés économiques de l’Allemagne, malgré le redressement amorcé dans lesnouveaux Länder. En raison du caractère tardif des économies budgétaires adoptées à Bonn,la Bundesbank n’a desserré que très progressivement le carcan monétaire, ce qui a affecté lespays dont la monnaie était ancrée au Deutsche Mark (la France, le Danemark, l’Autriche etles membres du Benelux). Indépendamment de ce facteur, le poids économique del’Allemagne est tel que sa récession ne pouvait qu’empêcher ses partenaires d’échapper à laleur. Celle du Japon, venue en contrecoup des excès de la spéculation boursière etimmobilière des années précédentes, a été une des pires que le pays ait connues depuis laSeconde Guerre mondiale. L’éclatement de la «bulle» spéculative en 1990, sous l’effet de lahausse des taux d’intérêt, a eu en effet pour conséquence durable d’amputer gravement lesratios de capitalisation des banques et, par là, de tarir l’émission de nouveaux crédits. Lesbonus, qui représentent une part souvent importante de la rémunération des salariés, ont étéréduits ou supprimés par les employeurs. Le marché du travail s’est dégradé au point que ledogme de l’emploi à vie dans les grandes entreprises a commencé à être mis en cause. Lacrise de la consommation dans l’archipel a entraîné une forte baisse des importations deproduits de luxe et des investissements japonais à l’étranger. Le frein que l’ajustementfinancier exerce encore sur la reprise économique se constate dans un environnement pluslarge. Se référant aux données qui concernent les pays anglophones de la zone, le Japon et lespays nordiques, l’O.C.D.E. constate que, en dépit du désendettement entrepris par lesménages et les entreprises et du resserrement du crédit bancaire, la correction n’est pas encorearrivée à son terme. «Les signes de tension financière sont [...] loin d’avoir disparu, estimentles experts de l’organisation, si l’on en juge par le niveau encore excessivement élevé desratios d’endettement du secteur non financier et par l’atonie des marchés de l’immobilierd’entreprise.» L’effet négatif de la lutte contre l’inflation sur l’activité économique a étécalculé par Lawrence BALL, un économiste de Princeton, à partir des données macroéconomiquesrelatives aux principaux pays industrialisés pour les périodes de désinflation291


survenues depuis 1960. Dans un article publié à l’automne de 1993, il s’est efforcé dedémontrer que l’impact variait, selon les pays, en fonction de la durée de la périoded’ajustement et de l’agencement des conventions salariales. Pour les neuf pays considérés, il acalculé un «ratio de sacrifice» exprimant la perte de production potentielle par rapport à labaisse de l’inflation tendancielle. Au cours de la période étudiée, ce ratio s’est établi à 1,4, cequi signifie que l’abaissement de 1 point du taux d’inflation leur a coûté, dans leur ensemble,1,4 point de croissance. A contrario, on pouvait estimer que la désinflation à laquelle étaientparvenus les pays industrialisés à la fin de 1993 les affranchirait d’un obstacle vers laréalisation de la croissance potentielle.La montée du chômage a été dénoncée comme le problème économiquenuméro 1 au sommet des sept grandes puissances industrielles (G7), les 8 et 9 juillet 1993 àTokyo, et à l’assemblée annuelle du F.M.I. et de la Banque mondiale, à la fin de septembre àWashington. Le fléau, estimait-on, devait affecter 35 millions de personnes dans les paysindustrialisés en 1994. Les recommandations faites par ces instances étaient d’ordre général:accroître l’efficacité du marché du travail, améliorer l’éducation et la formation, encouragerl’épargne et l’investissement, préserver le système commercial multilatéral, tenir compte duvieillissement de la population, perfectionner les marchés financiers. La problématique cernéepar le rapport intérimaire sur l’emploi publié le 20 juillet par l’O.C.D.E. était plus étroitementciblée. Selon ce document, les pays membres de l’Organisation ne pourront échapper à lafatalité du chômage que par une stratégie globale de valorisation des ressources humaines,formant un «cercle vertueux» avec l’amélioration des performances économiques. Suivant encela l’exemple donné par le Japon depuis plus de deux décennies, les puissances occidentalesdevraient accroître leurs avantages comparatifs en se spécialisant, plus que par le passé, dansles productions à haute valeur ajoutée. Il faut, estiment les auteurs, «faciliter la réorientationdes structures de production entreprise dans les pays de l’O.C.D.E. qui se détournent desemplois peu qualifiés à bas salaires au profit d’emplois très qualifiés et à salaires élevés».Cela suppose un effort accru dans le domaine de l’éducation, de la formation et de larecherche-développement. Des pays comme Taïwan ou Singapour n’avaient pas attendu lesconseils des experts du château de la Muette pour «délocaliser», depuis plusieurs années,leurs productions à haut contenu de main-d’œuvre vers d’autres pays où les salaires sontnettement moins élevés. Mais ce qui est relativement facile pour des nations qui bénéficientde transferts technologiques l’est beaucoup moins pour celles qui figurent dans le peloton detête de l’innovation, dont les coûts s’accroissent de façon exponentielle.La logique tracée par l’étude de l’O.C.D.E. conduisait à la condamnation duprotectionnisme: il faut permettre à la concurrence d’éliminer les producteurs les moinsefficaces, et les autres finiront par imposer leurs normes d’excellence. Il faut aussi permettreaux pays en développement d’exporter des produits pour lesquels le facteur de la maind’œuvreconstitue un atout dont ne disposent pas les pays riches. Pourtant la main d’œuvredans les pays en voie de développement devient un atout pour les pays riches qui délocalisentleur production en créant des sites dans ces pays, réduisant ainsi leurs coûts de production.292


B. <strong>LE</strong>S DELOCALISATIONSUn récent rapport du Conseil d’Analyse Économique explique que " Ladélocalisation se définit comme la fermeture d’une unité de production en France, suivie desa réouverture à l’étranger, en vue de réimporter sur le territoire national les biens produits àmoindre coût, et/ou de continuer à fournir les marchés d’exportation à partir de cette nouvelleimplantation. " 336 . Cette définition est cependant très restrictive, et comme le rappelle F.BENAROYA 337 le terme de délocalisation recouvre également le recours à la sous-traitanceinternationale, qui n’implique pas de mouvements de capitaux, et l’on pourrait définir lesdélocalisations de manière plus large par le déplacement de la production de biens et servicesd’un pays à un autre. C’est également à la sous-traitance que renvoie le termed’externalisation, qui correspondait dans les années quatre-vingt à l’exécution de certainesactivités de l’entreprise à l’extérieur de celle-ci, mais semble avoir pris récemment un sensplus restreint lié aux activités de service à distance.Les délocalisations « consistent, pour des produits qui pourraient être fabriquéset consommés dans une même aire géographique, à séparer les lieux de production ou detransformation des marchandises, des lieux de leur consommation. En d’autres termes, ils’agit pour le gestionnaire de fabriquer là où c’est le moins cher pour vendre là où il y à dupouvoir d’achat ». Cette définition figure en introduction du rapport d’information sur lesdélocalisations des activités industrielles et de services hors de France présenté par JeanARTHUIS 338 , président d’un groupe de travail constitué, sur ce thème, au sein de lacommission des finances du sénat, dont il est le rapporteur général.Le constat est particulièrement alarmiste, il fait état de l’accélération d’un« exode de l’emploi », touchant de nouveaux secteurs : les services (informatique, télétravail,services traditionnels), l’agriculture et l’agroalimentaire mais également, les industrieslourdes ou semi-lourdes (métallurgie, industrie mécanique). Après l’Asie du Sud-est, la Chineou encore le continent indien, une « délocalisation généralisée » en provenance des pays del’Est est d’actualité. Au total, on estime que ce sont entre trois et cinq millions d’emplois quisont susceptibles, à terme, d’être menacés par les délocalisations. Le rapport insistenotamment sur les facteurs d’accélération des délocalisations propres à la France : Poids desprélèvements obligatoires sur les coûts de production ( financement de la protection sociale,notamment ) ; stratégie commerciale liée à la recherche des prix les plus bas ( pression336FONTAGNE, L. et LORENZI, J-H., Désindustrialisation, délocalisations,Rapport du CAE n° 55, La Documentation Française, 2005.337BENAROYA F., Le point sur... les délocalisations, in FONTAGNE L.,LORENZI J.-H., 2005, Désindustrialisation, délocalisations, Conseild’Analyse Économique, Paris, La Documentation française.338 Extrait du Blog de Jean ARTHUIS le 23.03.2006, « Le Sénat vient de voterle projet de loi sur les offres publiques d'acquisition (OPA). Je doute quece texte mette les sociétés côtées en bourse à l'abri d'offres hostiles. Ilest bien sûr vital de tout faire pour préserver la présence sur notreterritoire des centres de décision. A condition de se préoccuper aussi desactivités et des emplois, même si sur cette exigence le fatalisme a régnéces dernières années. J'observe à cet égard que la plupart des entreprisesdu CAC40 réalisent désormais l'essentiel de leurs activités et de leursrésultats hors de France. Dans l'arsenal des moyens de lutte contre lesdélocalisations de centres de décision, la promotion du statut mutualisteou coopératif me semble digne d'intérêt. Ce statut peut être l'antidote desexcès de la financiarisation. C'est en cela que le projet de rapprochemententre le groupe des Caisses d'Epargne et celui des Banques Populaires avaleur d'exemple.293


exercée par les grands groupes de distribution sur les fournisseurs ) ; banalisation duphénomène par les pouvoirs publics ( absence de directives en matière d’achats publics ;enfin, mauvaise appréhension des conséquences des délocalisations, s’agissant en particulierdes menaces graves pesant sur l’emploi ( monté du chômage dans des secteurs commel’électronique, le textile ou la chaussure). Outre les mesures préconisées au plan national(« rebudgétisation » des charges salariales pesant sur la production, relèvement de l’impôt surla consommation, correction de la taxe professionnelle au profit des entreprises de maind’œuvre,création d’un label d’origine, recherche d’un partenariat entre distributeurs,producteurs et consommateurs...), les auteurs du rapport insistent sur « l’urgence d’une prisede conscience communautaire de l’enjeu politique et social des délocalisations ». Lacommunauté économique européenne doit notamment obtenir de ses partenaires unrelèvement sélectif des droits de douane dans les secteurs les plus touchés par lesdélocalisations, et mettre en place un système de taxation spécifique des flux transfrontaliersd’échanges de données en fonction de leur origine ; le principe de la préférencecommunautaire doit, par ailleurs, être systématisé.Il y a une vingtaine d’années, les industries manufacturières traditionnelles,comme le textile, ont commencé à se délocaliser massivement, c’est-à-dire à transférer leursusines vers des pays à bas coût de main d’ouvre. Implicitement, l’industrie promettait à sessalariés occidentaux de leur réserver les emplois qualifiés, en particulier dans les secteurs detechnologie (micro-informatique, téléphonie) et sur la partie noble de l’activité industrielle:recherche, design, marketing. Avec les récentes décisions d’Alcatel, de Philips et d’Ericsson,c’est une sorte de pacte tacite qui est en train de se rompre.La délocalisation est devenue quasiment la règle dans le textile etl’habillement, suivant le « modèle Nike », du nom de la firme d’articles de sport, qui soustraitetoute sa production en Asie pour ne se consacrer qu’à la gestion de sa marque et de sesmagasins et au design de ses produits. En France, le textile et l’habillement ont perdurespectivement 58 % et 50 % de leurs effectifs en quinze ans. Mais le phénomène concerneaussi des pans entiers d’autres industries, notamment celles qui étaient censées demeurer lefer de lance des pays développés. Téléviseurs, PC et aujourd’hui téléphones mobiles ont prisle chemin des pays à main d’ouvre bon marché, au fur et à mesure qu’ils devenaient desproduits de consommation de masse. L’automobile n’échappe pas à la règle.Les services, que l’on a longtemps cru à l’abri, sont à leur tour tentés par ladélocalisation : installation de systèmes de réservation de compagnies aériennes en Inde,recrutement de chauffeurs routiers bulgares pour conduire des camions allemands sur lesroutes de France, déplacement de centres d’appels au Maroc. A la délocalisation classiques’est ajoutée un deuxième phénomène de »désintégration » industrielle: l’externalisation,c’est-à-dire le transfert d’usines ou d’activités entières à des entreprises spécialisées.Commencée par les services périphériques (administratifs, informatique, logistique, servicesgénéraux), cette évolution touche désormais au cœur de l’activité des entreprises qui lapratiquent. C’est le modèle Coca-Cola, qui a transféré depuis des années sa production à desembouteilleurs professionnels, plus ou moins contrôlés par la compagnie d’Atlanta. Lesemplois sont préservés, au moins dans un premier temps, mais la baisse des coûts se faitsouvent au détriment des salariés, qui perdent dans leur changement d’employeur un statut,des avantages, une sécurité, se retrouvant rétrogradés au rang de sous-traitants. Lorsque dessuppressions de postes interviennent, elle se passent dans l’arrière-cour des grands groupes, etsont ainsi moins médiatisées. Les salariés des pays développés sont en droit de se demanderce qu’ils ont gagné au change. Lucides, ils sentent bien que tout le monde ne pourra pas être294


ingénieur de recherche ou spécialiste du marketing. Du reste, les emplois sous-qualifiés n’ontpas disparu, loin s’en faut. Ils se sont déplacés, dans les services notamment. Les grandsemployeurs d’aujourd’hui sont les enseignes de la grande distribution, celles-là même quifurent à l’origine de la délocalisation en exigeant des prix toujours plus bas de leursfournisseurs. Leurs pratiques sociales - emplois précaires, petits chefs, horaires décalésrappellentétrangement celles en vigueur dans l’industrie des années 1960 et 1970. Une sortede retour à la case départ. Seule consolation: ces emplois ne sont pas délocalisables. Pasencore, du moins, tant qu’Internet n’a pas démontré sa compétitivé dans le commerce enligne, ce qui manifestement ne saurait tarder.Dans la synthèse du rapport d’information de juin 1993 339 une accélération desdélocalisations est mise en évidence. Ces délocalisations se déroulent en trois temps que nouspouvons comparer à des engrenages puisqu’une fois que l’opération est amorcée, elle vajusqu’au bout. Phénomène en progression, corollaire et générateur de la mondialisation del’économie, les délocalisations se trouvent au cœur des problématiques de l’emploi.Délocaliser, c’est séparer les lieux (ou pays) de fabrication ou de transformation desmarchandises de leurs lieux (ou pays) de consommation. C’est déplacer l’activité productivedes entreprises vers des pays étrangers. La production délocalisée s’effectuant en dehors duterritoire national, elle offre ses emplois aux résidents des pays d’accueil. C’est pourquoi lesdélocalisations sont avancées pour expliquer, en partie, la montée du chômage dans lamajorité des pays développés. Pour l’entrepreneur, la délocalisation répond à une contraintede gestion: produire là où c’est le moins cher et vendre là où il y a du pouvoir d’achat.Plusieurs facteurs ont déterminé le développement des délocalisations. Le plus déterminantest le coût du travail. En 1993, une étude de la Direction de la recherche économique a montréque le salaire horaire moyen français était de 8,38 € (55 F). Ce même salaire est de 2,29 €(15 F) en Tunisie, de 1,68 € (11 F) en Hongrie, de 1,37 € (9 F) en Chine, de 0,76 € (5 F) enPologne, de 0,61 € (4 F) aux Philippines et descend jusqu’à 0,23 € (1,5 F) au Viêt-nam et 0,18€ (1,2 F) à Madagascar. Ainsi, un travailleur en Hongrie coûte 5 fois moins cher qu’untravailleur français et un travailleur malgache pratiquement 46 fois moins cher. Les gains deproductivité que permettent de tels écarts de coût de main-d’œuvre fournissent aux entreprisesqui délocalisent leur production une compétitivité accrue sur les prix. Mais l’avantage dufaible coût de la main-d’oeuvre n’explique pas à lui seul l’émergence et la multiplication desdélocalisations.Les pays à faible taux horaire offrent également une main-d’œuvre de plus enplus qualifiée. Les pays se spécialisant dans certaines productions (l’horlogerie à Hongkongou les logiciels informatiques en Inde), les travailleurs connaissent de mieux en mieux leurmétier. Ces pays offrent également certaines flexibilités du travail que l’on ne trouve pas enEurope. Le travail le samedi et le dimanche en Tunisie ou une législation sociale quasiinexistante en Thaïlande permettent aux entreprises de disposer d’une main-d’œuvrebeaucoup plus disponible et malléable. Ces pays pratiquent également des politiquesincitatives pour attirer les productions étrangères. Il s’agit généralement de tarificationsdouanières privilégiées (en Thaïlande, on ne paie pas de droits de douane sur les importationssi les marchandises sont exportées après transformation), de dispositions juridiques facilitantles transferts financiers (au Maroc, par exemple) ou encore de fiscalités attractives (on ne paiepas d’impôt sur les bénéfices à Taiwan).339Sénat, rapport d'information présenté par Jean ARTHUIS sur lesdélocalisations des activités industrielles et des services hors de France,juin 1993.295


Par ailleurs, les coûts de transport et de communication, qui relativisent lesavantages trouvés dans les pays étrangers, ont fortement baissé depuis la décennie 1980. Lecoût du fret maritime a diminué de 40 % entre 1985 et 1992, celui du fret aérien de 30 %entre 1985 et 1993, et le prix de la communication France-Japon a été divisé par deux en huitans. Mais si le nombre des délocalisations s’est fortement accru depuis le milieu des années1980, c’est surtout parce que la récession économique a ramené la concurrence sur le prix desproduits. En période de crise, le prix devient le facteur déterminant de la décision d’achat. Lesgains de productivité obtenus par la délocalisation répondent parfaitement aux nouvellesexigences des consommateurs. La délocalisation fait baisser l’emploi et donc les revenus, cequi entraîne une pression à la baisse sur les prix et incite les entreprises à délocaliser. Puisqueles principaux avantages d’une délocalisation portent sur des économies du coût du facteurtravail, tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière. Ce sont surtout les secteurstraditionnels ou les produits banalisés qui sont concernés (ils contiennent généralement unepart élevée de coût de main-d’œuvre dans le prix de revient). Dans le textile, le coût de lamain-d’œuvre représente un peu plus de 60 % du prix de revient et, pour un salarié du textilefrançais, on peut employer 35 Vietnamiens ou 70 Russes. Le marché français de la chaussure(330 millions de paires consommées par an) a pour les mêmes raisons subi les délocalisationset généré du chômage: les deux tiers des chaussures vendues chaque année en France sontimportées (plus de la moitié proviennent d’Extrême-Orient) et 10 millions de pairessupplémentaires importées représentent 2 500 emplois de moins. Les secteurs de l’horlogerieou du jouet ont également connu la délocalisation. Ces secteurs traditionnels à forte intensitédu facteur travail sont aujourd’hui rattrapés par des produits plus techniques. Les produitstechnologiques et standardisés (téléviseurs, magnétoscopes, radios, réveils, micro-ordinateurs,etc.) sont très souvent fabriqués ou assemblés dans des pays d’Asie.Aujourd’hui, avec le développement des télécommunications, ce sont lesservices qui se délocalisent. La saisie des arrêts de la Cour de cassation s’effectue en Chine,les programmeurs français coûtent cinq fois plus chers que leurs homologues indiens quifournissent une qualité équivalente, etc. Pourtant, si les délocalisations sont une menace pourl’emploi dans les pays développés, elles seront à terme limitées par la croissance des pays endéveloppement. Taiwan, un des premiers pays à avoir accueilli des productions étrangères, avu son taux horaire augmenter à mesure de son essor. Celui-ci dépasse aujourd’hui les 23 F etn’est plus que deux fois inférieur au taux français. Néanmoins, en attendant l’égalisation desniveaux de vie, les délocalisations se présentent comme un des principaux enjeuxéconomiques que les pays développés devront affronter dans les décennies à venir.Au plan strictement économique, la délocalisation des industries de maind'oeuvre apparaît comme un mouvement qui, ancien et continu, doit pourtant être précisémentdéfini. Toutes les mutations et restructurations industrielles ne sont en effet pas, ou ne setraduisent pas, par des délocalisations 340 . Toutes les décisions des entreprises de s'implanter àl'étranger n'en sont pas nécessairement non plus. Un cadrage analytique préalable, éclairé parla théorie économique, est donc indispensable avant d'examiner les déterminants desdélocalisations, puis les caractéristiques, propres à la France ou communes à l'ensemble despays industrialisés, qui rendent aujourd'hui le phénomène plus visible. La délocalisations'inscrit, au côté d'autres réalités, dans un mouvement général et permanent de mutation del'industrie française. Les délocalisations doivent se lire, à la fois, comme la conséquence duprincipe de libre concurrence et la résultante de la spécialisation internationale conforme à lathéorie ricardienne des avantages comparatifs. Mais elle est aussi et surtout placée au coeur de340 Bernard MARIS, Anti manuel d'économie, Bréal, 2003.296


la dynamique de « destruction créatrice » de l'économie décrite par JosephSCHUMPETER. 341L'économie mondiale contemporaine est régie par le principe de concurrence.Pour être compétitives et maintenir ou augmenter leurs parts de marché, les entreprisesdoivent notamment optimiser leur organisation productive afin de réduire leurs coûts(d'acquisition foncière, de production, de transport, d'accès au marché, etc.). L'un des vecteursde cette constante recherche est la localisation adéquate des facteurs de production au regarddes conditions dans lesquelles s'accomplit le processus productif et l'accès au marché.Traditionnellement, la concurrence entre entités économiques au sein d'un espace national estencadrée par des règles, fixées par l'Etat et destinées à en assurer le jeu loyal pour le rendreacceptable par les acteurs eux-mêmes. Mais la nouvelle donne du principe de concurrencedans le monde contemporain est plus difficile à appréhender puisque plusieurs niveaux deconcurrence coexistent désormais : le terrain où se joue une partie toujours croissante de laconcurrence entre les firmes est devenu mondial et non plus seulement national. En étendantainsi le champ des possibles, l'ouverture des économies a profondément modifié lesconditions d'exercice de la concurrence.Tout d'abord, le nombre des acteurs participant à son « jeu » aconsidérablement augmenté, dès les années 1970 avec l'entrée du Japon puis de plusieursautres Etats asiatiques, mais surtout depuis les bouleversements géopolitiques du début desannées 1990 tels que l'effondrement du bloc soviétique et l'abandon progressif du dirigismeéconomique dans de nombreux autres pays, dont les plus exemplaires sont l'Inde et la Chine.Cet élargissement du champ concurrentiel a certes offert aux entreprises occidentales denouveaux débouchés et d'incontestables opportunités de croissance ; mais il les a aussiexposées à la concurrence, parfois agressive et difficilement supportable, que ces économiesdynamiques leur imposent. Car la concurrence est un principe de perpétuel mouvement quioblige à une lutte de tous les instants.La mondialisation des relations économiques a alors rendu nécessaire lacréation d'autorités de régulation susceptibles de se substituer aux Etats pour garantir laloyauté des relations commerciales internationales. Celles-ci peuvent accompagner un projetpolitique de plus grande ampleur, comme le font les institutions européennes chargées,notamment, de contribuer juridiquement à l'édification du marché intérieur (Conseil desministres, Parlement européen, Commission européenne), d'assurer le respect des règles ainsiédictées (Cour de justice des Communautés européennes) et d'organiser les relationséconomiques et commerciales de l'Union européenne avec d'autres ensembles régionaux(Commission). Plus modestement, ces institutions peuvent simplement avoir pour objet defixer des règles de libre-échange propres aux pays appartenant à un espace géographiquelimité et régional et ayant décidé d'organiser leurs rapports commerciaux : tels sont par341 La destruction créatrice désigne le processus de disparition de secteursd'activité conjointement à la création de nouvelles activités économiques.Cette expression est fortement associée à l'économiste Joseph SCHUMPETER.Dans les économies capitalistes, toute innovation technologique importanteentraîne un processus de destruction créatrice. L’expression futpopularisée par SCHUMPETER dans son livre Capitalisme, socialisme etdémocratie publié en 1942. L’idée remonte au philosophe FriedrichNIETZSCHE, mais la formulation elle-même a été proposée pour la premièrefois par l’économiste Werner SOMBART. Bien qu’étant conservateur,SCHUMPETER tira une grande partie de sa compréhension de la destructioncréatrice des œuvres de Karl MARX.297


exemple l'ASEAN 342 en Asie du Sud-Est, le Mercosur 343 en Amérique du Sud et l'A<strong>LE</strong>NA 344en Amérique du Nord. Il a enfin paru indispensable, compte tenu du développement de laglobalisation, d'instituer l'Organisation mondiale du commerce (OMC), structure collectivechargée depuis janvier 1995, en application de l'accord international signé à Marrakech le14 avril 1994, de définir et de faire approuver par les Etats des règles commerciales assurantune concurrence loyale, et de sanctionner, par un organe de règlement des différends, leurviolation.Dans ce cadre régulé sur plusieurs niveaux, les entreprises les plus importantes,mais aussi, et de plus en plus, les petites et moyennes entreprises, doivent ainsi appréhenderleur organisation, notamment productive, dans l'espace mondial pour s'adapter avec profit à laconcurrence. Or, lorsque le mode de production n'est pas intimement lié au territoire, les Etatssont moins considérés comme des arbitres du jeu concurrentiel que comme des terrains delocalisation possible des activités des entreprises. Ainsi, les Etats eux-mêmes sont devenusaujourd'hui les acteurs de ce jeu, cherchant tout à la fois à éviter que leurs entreprisesnationales pâtissent de la concurrence internationale et à attirer sur leur territoire le plusd'activités possible.Les délocalisations, telles qu'elles sont entendues communément 345 ,apparaissent alors, sous cet angle, comme une expression manifeste de la mise en oeuvre duprincipe de la concurrence au niveau mondial. Les raisonnements des économistes libéraux duXIX e siècle sont fondés sur l'hypothèse que la localisation des industries entre les nationsdépend de leurs dotations en facteurs de production et donc du coût de ces derniers. Ainsi, unpays se spécialise dans les productions pour lesquelles il bénéficie d'un avantage en termes decoût : avantage absolu, aux yeux d'Adam Smith qui estimait, à la fin du XVIII e siècle, qu'unpays pouvait participer à l'échange mondial s'il produisait un bien moins cher que tous lesautres pays ; avantage comparatif, selon David Ricardo, qui affina l'analyse quelquesdécennies plus tard en soulignant que deux pays ont intérêt à échanger en se spécialisant dansla production d'un bien pour lequel leur avantage comparatif en termes de coût est le plusmarqué 346 . Ainsi, la répartition des industries entre les nations dépendrait de leurs dotationsen ressources naturelles nécessaires à la production : l'existence de mines, par exemple, ou lacapacité de production agricole.342ASEAN : Association des nations du Sud-Est asiatique, créée dès août1967 par cinq Etats de la région et constituée aujourd'hui de dix membres343 Mercosur : Marché Commun du Cône Sud créé en mars 1991 par quatre Etatsd'Amérique du Sud, constitué dans sa forme la plus élargie (Mercosur +) parhuit membres.344A<strong>LE</strong>NA : Accord de Libre-Échange Nord-Américain conclu en janvier 1994par les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.345Selon ce principe de recherche des meilleures conditions productives,les transferts d'entreprises à l'intérieur d'une même entité nationale onten effet toujours existé sans pour autant être qualifiées de« délocalisations ». Elles continuent au demeurant à être très importantes- voir à cet égard Les transferts interrégionaux d'établissements. Forteprogression entre 1996 et 2001 - Nadine JOURDAN -INSEE Première n° 949 -Février 2004.346Cf annexe 15 en fin de thèse sur la théorie ricardienne de l'avantagecomparatif.298


L'apport théorique de Eli HECKSHER et Bertil OHLIN au début duXX e siècle, enrichi peu après par Paul SAMUELSON (modèle « HOS »), a permis d'identifierles différences de dotations en facteurs de production comme sources des avantagescomparatifs : un pays a intérêt à se spécialiser dans la production du bien qui utiliseintensément le facteur dont il est relativement plus doté que son partenaire commercial. Eneffet, la localisation des entreprises n'était plus, à cette époque, aussi étroitement liée qu'ausiècle précédent à la proximité des matières premières. Selon le modèle HOS, le commerceinternational ne s'organise plus essentiellement selon le principe de complémentarité imaginéoriginellement par RICARDO (les pays riches en mines de charbon et de fer, par exemple,produisant de l'acier), mais en fonction de la concurrence qui s'exerce en matière de coûts dutravail et du capital pour toute production librement localisable. Ainsi, la spécialisation despays à bas salaires, c'est-à-dire bénéficiant d'une abondance du facteur travail relativementaux pays industrialisés, se fera mécaniquement dans la production de produits banalisés,laquelle mobilise essentiellement une main d'oeuvre peu qualifiée et/ou des investissementslégers, contrairement à la production de biens hautement intensifs en capital, ou de produitsinnovants obtenus grâce à une technologie nécessitant du travail qualifié.Le consommateur, dont l'intérêt est d'acheter au plus bas prix un produit àqualité donnée, est en dernière analyse le moteur de la concurrence. En écartant délibérémentun certain nombre de facteurs pour simplifier le raisonnement, on peut affirmer que de soncomportement dépend ainsi en partie le rythme de l'activité économique et, de ce fait, leniveau d'emploi. Toutefois, dans un cadre d'échanges mondialisé, cet impact n'est pas direct.Comme le relevait Claude VIMONT 347 , l'avantage que le consommateur retire en termes depouvoir d'achat pour avoir acquis un bien à moindre coût peut aussi bien être utilisé à acquérirdes biens et services étrangers supplémentaires qu'à acquérir de nouveaux biens ou servicesnationaux.L'augmentation des importations de biens à faible coût fait, en application duprincipe de la concurrence, disparaître les entreprises locales (ou les incite à délocaliser leuroutil industriel pour, elles-mêmes, importer leur production sur le marché domestique) et, enconséquence, diminuer le nombre des emplois locaux à faible qualification. Pour parvenir àun équilibre commercial, il convient de compenser ce surplus d'importations par unaccroissement des exportations de produits à haute valeur ajoutée, obtenus grâce à laqualification élevée de la main d'oeuvre nationale. La perte d'emplois peu qualifiés est donccontrebalancée, afin d'équilibrer la balance courante, par la création d'emplois très productifset mieux rémunérés. Cependant, et c'est là que le bât blesse, ces emplois sont structurellementmoins nombreux : ainsi, affirme Claude VIMONT, dans les conditions actuelles d'exercice dela loi de RICARDO, la spécialisation par avantage comparatif se traduit inéluctablement parune baisse du niveau de l'emploi lié au commerce extérieur dans les pays les plusindustrialisés.L'analyse présentée lors de son audition devant le groupe de travail par Pierre-Noël GIRAUD, directeur du Centre de recherche en économie industrielle (CERNA) del'Ecole nationale supérieure des mines de Paris, se situe dans le prolongement de ceraisonnement : la destruction inéluctable de l'emploi dans les secteurs exposés à laconcurrence internationale et caractérisés par des désavantages comparatifs a pourconséquence d'accroître le nombre de chômeurs, sauf à parvenir à créer suffisamment denouveaux emplois à haute valeur ajoutée dans les secteurs compétitifs, qui exportent en raison347Claude VIMONT, Le commerce extérieur français, créateur ou destructeurd'emplois ? - Economica - 1993.299


de leur avantage comparatif favorable, ou à augmenter le nombre des emplois dans lessecteurs abrités de la concurrence internationale, en soutenant la demande domestique debiens et services protégés de celle-ci.L'économiste Joseph SCHUMPETER, en centrant ses travaux sur la notion dedéséquilibre créateur, a considérablement enrichi l'analyse économique traditionnelleconsacrée aux structures de marché et à la formation des prix dans une économie de circuit.Ce faisant, il a apporté un éclairage très novateur à l'étude du commerce international. Ledéséquilibre créateur identifié par SCHUMPETER est l'innovation qui vient romprel'économie de circuit, dans laquelle le profit tend à s'annuler. En effet, en théorie, le profitattire d'autres entrepreneurs, ce qui entraîne une augmentation de l'offre accompagnée, enapplication du principe de la concurrence, d'une baisse des prix les rapprochanttendanciellement des coûts de revient et amenuisant donc le profit jusqu'à le faire disparaître.Si dans aucune économie de marché ce phénomène ne se poursuit jusqu'à son terme, c'estgrâce à l'innovation. Pour SCHUMPETER, celle-ci peut prendre cinq formes : la fabricationde biens nouveaux, l'application de nouvelles méthodes de production, l'ouverture denouveaux débouchés, l'utilisation de nouvelles matières premières et la mise en oeuvre d'unenouvelle organisation du travail.Ces innovations, survenant en « grappes », c'est-à-dire à termes irréguliers etde manière en général groupée, sont à l'origine du processus de croissance mais portentégalement en elles les conditions de la dépression : selon SCHUMPETER, « la seule cause dela dépression, c'est l'essor ». En effet, en créant de nouveaux produits, techniques et marchés,l'innovation détruit les produits, techniques et marchés en place en les rendant obsolètes. Lemouvement est alors continu : les anticipations de profits élevés dans les branches novatricesy stimulent les investissements, mais l'accroissement de la production dans ces branchesentraîne bientôt une baisse du profit et l'épuisement de la croissance, qui ne reprend qu'avec lagrappe suivante d'innovations.Cette théorie économique présente une double vertu : explicative et optimiste.Elle justifie en effet les restructurations de l'économie par la rupture introduite parl'innovation ; elle présente en outre ces ruptures comme salutaires puisque, sans elle, lacroissance s'essoufflerait. Les crises économiques se trouvent ainsi réhabilitées parce qu'ellessont nécessaires : c'est en elles que l'essor prend racine. La destruction est créatrice. C'est cequ'a démontré dans le milieu des années soixante, en appliquant ce principe aux échangeséconomiques internationaux, l'économiste américain Raymond VERNON. Sa théorie du« cycle productif » 348 explique ainsi, pour les produits dits « matures » ou encore « banalisés »(production de masse, coûts de production bas, faible valeur ajoutée), le transfert du processusde production des pays industriels, créateurs d'innovations, vers les pays à bas salaires.348 La notion de cycle de vie du produit de Raymond VERNON est la suivante :La politique commerciale suit un produit tout au long de sa vie et s’adapteaux différentes étapes qui constituent le cycle de vie du produit et quinécessitent des actions particulières et adaptées. Même si l’on peut direque chaque produit lancé sur le marché suit ce cycle de vie, il n’en restepas moins que la durée et l’amplitude des différentes phase ne sont pas lesmêmes selon les produits analysés.300


Graphique XXVIII : Cycle de vie d’un produit 349A la lecture de la théorie schumpeterienne et de ses développements dans lecadre mondial, les délocalisations, manifestations de crises sectorielles et symptômes del'abandon de segments de production devenus obsolètes, apparaissent ainsi au planéconomique comme un phénomène naturel et intrinsèque à toute économie dynamique.Leur impact sur l'emploi n'est toutefois pas nécessairement négatif. Comme lefait observer Pierre-Noël GIRAUD 350 , la destruction inévitable d'emplois exposés provoquéepar l'accroissement des échanges, même équilibrés, entre pays riches et pays à bas salaires,n'implique pas mécaniquement une hausse du chômage : « En dynamique, tout dépend desrythmes relatifs de destruction d'emplois exposés et de création d'emplois compétitifs » 351 .Cette vision dynamique de destruction/création d'emplois permet de considérer différemmentles délocalisations, en les ramenant à un maillon d'un processus de long terme dont l'issuen'est pas écrite d'avance.Sans pour autant perdre en pertinence, le cadre théorique tracé ci-dessus setrouve aujourd'hui bousculé par l'émergence de caractéristiques nouvelles de l'échangeconcurrentiel international : les unes tiennent aux acteurs, à leur taille et à leurs compétences,les autres aux secteurs sur lesquels s'exerce la compétition.349Technologie, innovation, cycle du produit et commerce international :Raymond VERNON, en mai 1966, va insister sur le rôle de l'innovation,génératrice de produits nouveaux dans les pays industrialisés ayant uneforte demande interne. Le théoricien du cycle de vie du produit (en 4phases : émergence, croissance, maturité et déclin), a montré le caractèretransitoire de l'avantage comparatif ainsi obtenu : lorsque le produit sebanalise, le prix des facteurs, et donc la spécialisation ricardienne,retrouve son importance.350Pierre-Noël GIRAUD, L’inégalité du monde. Economie du mondecontemporain, Ed. Gallimard, collection Folio, Poche, 1996.351CORDELLIER, S et DIDIOT, B, Délocalisations, emploi et inégalités,« L'Etat du monde. Annuaire économique et géopolitique mondial », EditionsLa Découverte, 1995.301


Bien que la globalisation des échanges économiques internationaux ne soit pas,pour les pays industrialisés, une donnée nouvelle, ses conséquences sur les économiesnationales ont toutefois pris une autre dimension que par le passé en raison de l'ouverture etde la participation croissante des pays en développement (PED) aux échanges internationauxdepuis les années 1980. Ainsi, la part des produits manufacturés dans les exportations desPED est passée de 20 % en 1980 à 80 % en 2000, et même à 90 % pour l'Asie de l'Est selonFrédérique SACHWALD, responsable des études économiques de l'Institut français desrelations internationales (IFRI). Nombre de ces pays sont donc désormais devenus de grandsexportateurs de produits manufacturés, venant ainsi concurrencer directement les paysindustrialisés sur leur pré carré traditionnel.Mais longtemps restreinte à un petit nombre de pays à bas salairesgénéralement peu peuplés, désignés comme les « nouveaux pays industrialisés 352 », tels les« dragons » d'Asie du Sud-Est (Corée, Taïwan, Singapour), la compétition s'élargitmaintenant aux Etats que Pierre-Noël GIRAUD 353 a le premier qualifié de pays à bas salaireset à capacités technologiques 354 : la Chine, l'Inde, le Brésil, les pays d'Europe centrale etorientale appelés PECO 355 . Or, certain d'entre eux - désignés parfois par l'acronyme « BRIC »(Brésil, Russie, Inde, Chine) - sont considérablement plus peuplés que les premiers NPI etdotés de plus grandes capacités technologiques, héritées de leur passé industriel -souventsocialiste - ou transférées par les firmes multinationales. Cette double caractéristique présenteune redoutable particularité pour l'économie du monde, et singulièrement pour les systèmesproductifs occidentaux. D'une part, les niveaux de salaires dans les secteurs exportateurs deces PBSCT resteront durablement bas, bien que significativement supérieurs à ceux de lagrande majorité de leur population, en raison de l'énorme poids des masses rurales et dusecteur informel à très faible productivité qui pèsent sur leurs marchés internes du travail.D'autre part, les capacités technologiques de ces pays sont aujourd'hui similaires, sinonidentiques, à celles des pays industrialisés : la conjonction de cette compétence, d'une maind'oeuvre très qualifiée et en nombre important - celui-ci étant relatif à leur population totale -,ainsi que de niveaux de salaires durablement faibles, confère aux PBSCT un avantageconcurrentiel significatif. Et cette nouvelle compétition ne fait que commencer car leurouverture récente à l'économie mondiale va s'amplifier.352 NPI : Nouveaux Pays Industrialisés.353 Pierre-Noël GIRAUD, Les causes des inégalités croissantes dans les paysriches, in Etudes - Juin 2003.354PBSCT : pays à bas salaires et à capacités technologiques.355Les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) sont une notion quiregroupe depuis les années 1980 les anciens pays communistes du centre etde l’est de l’Europe : les 4 de Visegràd : la Pologne, la Républiquetchèque, la Slovaquie et la Hongrie auxquels s’ajoutent les anciennesrépubliques yougoslaves du nord, la Slovénie et la Croatie avec lesanciennes républiques yougoslaves balkaniques que sont la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine, les autrespays balkaniques comme la Roumanie, la Bulgarie, l’Albanie avec lesrépubliques baltes comme l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie auxquelless’ajoutent les républiques post-soviétiques occidentales telles que laBiélorussie, l’Ukraine, la Moldavie et la Russie. Cette notion est àdistinguer de l’Europe centrale et de l’Europe médiane (Mitteleuropa, maisce terme est mal vu de part son association à un colonialisme allemand).Contrairement à ce que certains pensent, PECO ne signifie pas Pays Ex-COmmunistes, même si tous les PECO étaient bien communistes (mais lecontraire n’est pas vrai : les républiques anciennement communistes d’Asiecentrale ne sont pas des PECO).302


Si l'intérêt du libre-échange entre zones de niveau de développementcomparable n'est qu'exceptionnellement contestée, les conséquences des échanges croissantsentre pays industrialisés et pays à bas salaires en industrialisation rapide suscitent quant àelles une inquiétude unanimement partagée. Même les économistes les plus libéraux,convaincus que les deux types de pays gagnent en moyenne au libre-échange, conviennentque des pertes peuvent, sur une période de transition relativement longue, être enregistréesdans les pays riches. Certains, comme le prix Nobel Maurice ALLAIS 356 , en sont mêmeconduits à prôner un retour à des mesures protectionnistes à l'égard de ces pays, que d'autresaccusent par ailleurs de « dumping » social ou environnemental.La question ainsi posée aux Etats industriels, qui dépasse au demeurantlargement le cadre des seules délocalisations, est finalement de déterminer, dans ce contextenouveau que Dominique ROUX qualifie d'hyper-concurrence mondiale 357 , quel est le degréde concurrence acceptable - politiquement plutôt qu'économiquement - entre pays riches etpays à bas salaires. Cette question avait été très précisément identifiée par notre collègueJean ARTHUIS, dont le rapport d'information 358 avait pour exergue les mots suivants :« Quand les prix défient toute concurrence, il n'y a plus de concurrence ».Tout comme le principe de concurrence, la problématique ricardienne a elleaussi évolué. Ainsi que le faisait remarquer Mme Frédérique SACHWALD 359 lors de sonaudition, la caractéristique de l'économie contemporaine réside dans la fragmentation desprocessus de production. D'une spécialisation par produit selon les pays, on est passé à unespécialisation par stade du processus de production au sein d'une même industrie.Mme SACHWALD relevait que cette fragmentation s'était approfondie depuis les années1980, les pays émergents étant parvenus à accroître progressivement leur capacité à sepositionner sur des stades toujours plus sophistiqués, y compris le design ou certains travauxde développement. Ainsi, en forçant un peu le trait, il est par exemple possible pour uneentreprise multinationale de maintenir les activités de conception, de création et decommercialisation en Europe ou aux Etats-Unis, de délocaliser la production dans un pays àbas coût de main d'oeuvre, comme la Chine, et de réaliser le traitement des données relatives àla clientèle en Inde. Le fonctionnement de l'entreprise Dell illustre d'ailleurs parfaitementcette nouvelle forme d'organisation économique.La division internationale du travail peut ainsi prendre la forme d'unespécialisation « verticale » par pays sur chaque stade du processus productif, spécialisationqui se traduit soit par l'émergence d'entreprises positionnées sur un stade particulier deproduction, soit par la répartition au sein d'une firme mondiale des différents stades deproduction entre divers pays.Ce sont les firmes transnationales qui, pour l'essentiel, font jouer cetteconcurrence sur chaque stade du processus productif : à la faveur de l'accélération de latransnationalisation à partir des années 1980, elles sont désormais au centre de la dynamiqueconcurrentielle et remettent dès lors en cause les fondements de l'échange international.356 Maurice ALLAIS, La mondialisation, la destruction des emplois et de lacroissance : l'évidence empirique, Clément Juglar, 1999.357Dominique ROUX, Laborgistique : nouvelle stratégie pour le management,Economica, 2004.358 Jean ARTHUIS Rapport d'information du Sénat n° 337, 1992-1993.359 Frédérique SACHWALD, Les migrations de la recherche, in Sociétal n° 42,2003.303


Comme le souligne Michèle RIOUX 360 , les firmes transnationales sont aujourd'huiresponsables des deux tiers du commerce mondial, dont un tiers prend la forme de commerceintra-firme. Le commerce international, analyse-t-elle, est ainsi devenu un commercetransnational : s'il traverse les frontières nationales, c'est de plus en plus au sein même desentreprises et, en cela, il est moins d'abord régi par le marché que par les décisions et lesstratégies des firmes. Outre les impératifs liés à la spécialisation des territoires selon leursavantages comparatifs, la nature de la demande finale dans chacun des pays, ou encore lapossibilité de réaliser des gains de productivité par la recherche d'économies d'échelles,peuvent également jouer un rôle structurant dans la localisation des centres de production ausein d'un même groupe.Une illustration de ce type d'arbitrage intra-firme a été fournie par Yan<strong>LE</strong>PAPE, économiste régional auprès de la direction des relations économiques extérieures(DREE). Il a évoqué le cas d'un grand fabricant de lave-linge, qui produisait deux modèles,l'un avec ouverture par le haut et l'autre avec ouverture frontale, dans deux usineseuropéennes, l'une située en France, l'autre dans un PECO. La taille critique d'une usine sesituant autour d'un million d'unités produites par an, l'ensemble de la production de la ligne« ouverture par le haut » a été transféré en France tandis que l'autre l'était intégralement dansla seconde usine. Une telle réorganisation « horizontale » des processus productifs a permisd'améliorer la profitabilité de la firme. Ainsi, une multinationale pourra décider de ne plusproduire tous ses produits dans tous les pays où elle est implantée, mais de spécialiserchacune de ses usines dans un produit et d'importer/exporter les autres afin de maximiser leséconomies d'échelle et de minimiser les coûts de transaction (notamment, les coûts d'accès aumarché et les coûts de transport).La preuve est ici apportée que la théorie ricardienne de spécialisation selon lesavantages comparatifs est devenue d'une lecture plus subtile, les avantages comparatifss'entendant désormais sur des segments du cycle de production, et la structure de la demandepouvant peser au même titre que l'organisation de l'offre sur la localisation des centres deproduction.La théorie de la destruction créatrice mérite elle aussi d'être réactualisée dansle nouveau contexte de globalisation, à la lumière des possibilités d'observation statistiqueétendues dont disposent aujourd'hui les économistes. Comme l'a analysé SCHUMPETER, ladynamique naturelle de l'économie conduit à une transformation continuelle du processus deproduction, qui s'exprime notamment sur le marché du travail : chaque jour, des emplois sontdétruits et d'autres créés, dans un relatif équilibre d'ensemble. Lors de son audition devant legroupe de travail, Pierre CAHUC, professeur à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne etchercheur au Centre de recherche en économie et statistiques (CREST), a ainsi indiqué qu'enFrance, environ 10.000 emplois étaient détruits quotidiennement, et à peu près autant étaientcréés (soit quelque 2,4 millions d'emplois par an, ce qui représente 15 % de la population dusecteur marchand non-agricole). Seul le solde de cette balance, qui n'en représente que moinsde 0,5 %, constitue en fin d'année l'apparence visible de la création ou de la destruction netted'emploi. Dans son récent ouvrage réalisé avec André ZYLBERBERG 361 , Pierre CAHUC360Michèle RIOUX, Globalisation économique et concurrence, in Etudesinternationales - Volume XXXIII/n°1, Mars 2002.361Pierre CAHUC, André ZYLBERBERG, Le chômage, fatalité ou nécessité ?Flammarion, 2004.304


ajoute que, sur les 30.000 départs quotidiens, volontaires ou non, de salariés de leur emploi 362 ,seuls 600, soit 2 %, résultent d'un licenciement économique, et 150 « seulement » sontconcernés par une procédure collective. On observera à cet égard qu'à l'évidence, les effetsdes délocalisations sur le niveau global de l'emploi ne constituent qu'une toute petite partie dece mouvement économique général. Ainsi, la création et la destruction d'emplois est unphénomène de long terme qui s'exprime par une incessante et massive recomposition dutravail et joue un rôle fondamental dans la croissance : cette réallocation de la main d'oeuvreserait en effet à la source de 85 % des gains de productivité.Mais cette transformation continuelle du processus de production s'exerce deplus en plus à l'échelle internationale, à mesure que les flux de capitaux et de biens deviennentaisés et augmentent en conséquence. Les mouvements de capitaux se sont en effet développésentre pays riches, mais s'étendent de manière croissante au reste du monde. De même, ladiminution tendancielle des coûts de transport concourt à la mobilité croissante desmarchandises. Enfin, la réduction accélérée du coût de transmission des données numériséestransforme totalement les conditions d'élaboration des processus de production, l'effacementdes distances auquel contribue la diffusion de l'Internet participant alors à la création d'un« village mondial » au sein duquel les entreprises font leurs arbitrages. Seul le facteur travailconnaît une « visquosité » à la mobilité, les mouvements migratoires des populations étantconsidérablement moins importants que ceux des capitaux, des biens et des services. Ainsi, lamain d'oeuvre apparaît comme une variable d'ajustement des mouvements économiquestransfrontaliers.Or, si la destruction est, conformément à la théorie schumpeterienne, créatriceà l'échelle internationale, il n'est pas avéré qu'elle le soit à l'intérieur d'un sous-ensemblenational du « grand tout » mondial. La « destruction », qui se manifeste à l'échelle nationale,au pire, par des fermetures d'entreprises victimes de la concurrence internationale, au mieux,par des restructurations ou des délocalisations pour permettre la survie de l'entreprise, setraduit par des pertes d'emplois. Mais rien ne permet d'affirmer in abstracto que cette« destruction » est compensée par la « création », au sens de SCHUMPETER, sur le mêmeterritoire. C'est pourquoi, au plan conjonctuel, les délocalisations posent tant de difficultéssociales, pour les travailleurs qui en sont victimes, et territoriales, pour les espacesgéographiques qui les affectent.L'appel à la théorie économique incline donc à considérer les délocalisations,au même titre que d'autres symptômes de la destruction créatrice, comme un phénomène nonseulement inéluctable, mais positif pour l'ensemble de l'économie, car nécessaire à sacroissance. Cependant, ses conséquences pratiques pour un territoire, notamment en termed'emploi, ne sont pas toujours immédiatement favorables.La rationalité du point de vue de l'entreprise, qui choisit logiquement delocaliser ses activités dans les endroits où sa rentabilité est optimale, n'a ainsi rien de communavec la logique étatique, qui tend à maximiser le bien-être social sur un territoire donné : laraison d'entreprise n'est pas la raison de l'Etat. Aussi celui-ci doit-il en permanence, nonseulement adapter le cadre général dans lequel s'inscrit l'activité économique afin de lafavoriser au regard de l'environnement international, mais aussi veiller à ce que les bénéficesde la croissance soient équitablement répartis entre les territoires et les individus. A l'échelle362La moitié de ces mouvements correspond à des fins de contrat à duréedéterminée.305


d'un pays, il s'agit en effet de mettre en balance le gain que le consommateur obtient du libreéchangeet le préjudice que subit le citoyen/producteur en raison de l'éventuel affaiblissementde la vitalité de son territoire, lorsque ce dernier perd des emplois. Ce constant soutien auxadaptations territoriales et sociales nécessaires doit, à cet égard, être assuré en étroite liaisonavec les collectivités locales.Définir les délocalisations soulève de grandes difficultés tant cette notion estpolymorphe. A une notion relativement circonscrite s'est substituée aujourd'hui, dans le débatpublic, une acception beaucoup plus étendue qui en dénature parfois la compréhension. Or, larecherche de solutions efficaces aux difficultés sociales et territoriales qu'elle soulève rendnécessaire que le diagnostic soit fondé sur une analyse claire, exempte d'approximations.Au sens le plus strict, la délocalisation consiste à changer de lieu une unité deproduction : on désigne alors par ce substantif l'ouverture d'une unité productive à l'étranger,concomitante 363 à la fermeture d'une unité locale, sans que soit affectée la destination desbiens produits : marché domestique, ce qui implique alors un flux nouveau d'importations, oumarchés étrangers, ce qui diminue les flux d'exportation. Dans une deuxième acception,dérivée de la première, la délocalisation désigne le recours à la sous-traitanceproposée par une société étrangère afin de fournir des biens auparavant produits localement.Dans ce cas encore, que l'anglais désigne sous le terme d'« outsourcing » ou de« sourcing » 364 , les biens produits à l'étranger sont réimportés sur le marché d'origine où ilsont vocation à être commercialisés, comme substitution aux biens auparavant produitslocalement.Enfin, certains qualifient aussi de délocalisation la création d'une nouvelleunité de production à l'étranger plutôt que sur le territoire national, sans réduction de l'activitédomestique. La situation est dans ce cas plus complexe, selon qu'on considère quel'augmentation des capacités de production aurait pu être assurée localement ou non, pourdifférentes raisons tenant à la situation géographique des marchés concernés, aux coûts detransports, aux droits de douane ou à diverses contraintes non tarifaires. Dans le premier cas,en effet, l'extension sémantique est encore envisageable puisqu'on peut admettre que ladécision d'investissement résulte bien d'une analyse d'opportunité entre territoires, national etétranger, et que le choix de la seconde branche de l'alternative « prive » l'économiedomestique d'une capacité productive supplémentaire. Dans le second cas, en revanche, on nesaurait légitimement parler de délocalisation dès lors qu'en tout état de cause, le site nationaln'aurait pas été retenu, la pénétration du marché étranger devant obligatoirement passer parune installation du site de production dans le pays ou la zone visés.Trois significations du mot « délocalisation » désignent donc une forme desubstitution de la force productive étrangère à celle nationale, qui ont pour caractéristiquecommune d'avoir théoriquement une incidence négative directe sur l'emploi national. En effet,l'entreprise arrête de produire dans un pays donné, ou s'abstient d'y augmenter ses capacités de363Cette concomitance théorique n'excluant évidemment pas des délaisvariables de quelques mois pour, en pratique, assurer la transition.364 Terme auquel la Commission de terminologie et de néologie économique etfinancière s’est proposé de substituer le mot françaisd'« extériorisation ». Cette traduction a été acceptée successivement parla Commission générale de terminologie, puis par l'Académie française, elleest devenue d'emploi obligatoire pour les services de l'Etat, aprèspublication au Journal officiel.306


production, afin de fabriquer ou de faire fabriquer dans un autre pays sous formed'investissement direct ou de sous-traitance. Toutefois, le lien entre délocalisation et niveau del'emploi n'est pas strictement mécanique. L'emploi peut en effet bénéficier en définitive de ladélocalisation d'une partie du processus productif dès lors qu'elle permet à l'entreprise demaintenir ou d'accroître sa rentabilité et, ainsi :- soit d'éviter l'affaiblissement de sa position concurrentielle et son éventuelleliquidation, qui se traduiraient par une perte d'emplois supérieure à celle qui résulteeffectivement de la délocalisation ;- soit d'accroître ses parts de marché et sa production, accroissementsusceptible de la conduire à recruter de nouveaux salariés, le cas échéant sur des métiersdifférents pour accompagner l'innovation et la montée en gamme.Mais dans le débat sur les incidences des délocalisations sur l’économie, lesens du terme « délocalisations » s'est subrepticement étendu, allant jusqu'à viser toutefermeture d'entité productive, toute cessation d'activité, sans qu'elle résulte explicitementd'une volonté de réallocation des facteurs de production dans un souci d'optimisation de lalocalisation de la production à l'échelle mondiale. Or, toute fermeture d'usine n'estévidemment pas la contrepartie d'une délocalisation. Outre que la réallocation des moyens deproduction est parfois strictement locale 365 , une telle fermeture peut d'abord n'être que lerésultat d'une amélioration de la productivité du facteur travail qui, précisément, conduit àcréer la même quantité de biens avec un nombre inférieur de salariés. La rationalisation duprocessus productif la raison essentielle des mouvements d'emploi en France. Par ailleurs,l'interruption d'un processus productif est aussi souvent la conséquence de l'application duprincipe de concurrence, lorsqu'il est entendu comme un jeu à somme nulle : dans un marchéconstant, si des entreprises gagnent des parts de marché, cela signifie obligatoirement qued'autres en perdent, jusqu'à éventuellement être contraintes de déposer leur bilan. Lorsque laconcurrence se joue sur le terrain planétaire, le fait que le « gagnant » soit localisé ailleurs quele « perdant » est alors à tort interprété comme une délocalisation, nom nouveau donné à laperception locale du processus de concurrence internationale. Il apparaît ainsi que, dans ledébat public, le terme « délocalisations » exprime plus souvent un sentiment d'arrachementlocal plutôt qu'une réalité économique unanimement circonscrite. Le manque de rigueur de sadéfinition n'est d'ailleurs peut-être pas sans rapport avec la fortune qu'il connaît depuisquelques temps. En ne recouvrant pas exactement les concepts usuels auxquels recourenttraditionnellement les économistes, il est alors, étymologiquement parlant, une notionproprement politique, c'est-à-dire relative à la polis, la cité. On qualifie donc de délocalisationtous mouvements d'entreprises conduisant à la substitution délibérée d'une productionnationale par une production étrangère. Il a donc seulement retenu, sous ce concept, lestransferts d'un site domestique à un site étranger, l'« extériorisation » à l'étranger, ainsi que lesinvestissements de capacité à l'étranger qui auraient sans doute pu être effectués sur leterritoire national si un certain nombre de conditions attractives y avaient été réunies.Le consensus trouvé sur le sens économique du terme « délocalisation »n'empêche cependant pas un autre débat sur la manière dont le phénomène peut êtreappréhendé en pratique et suivi par les outils statistiques dont disposent les économistes. Lephénomène des délocalisations ne saurait en effet être strictement assimilé à des notionspourtant bien cernées par les économistes et qui lui sont apparentées : les investissements365 Voir Les transferts interrégionaux d'établissements - Op. cit. A titred'illustration, STMicroelectronics a renoncé à son site purement industrielde Rennes tout en développant son site de Crolles, sur lequel cohabitentrecherche et développent et production industrielle.307


directs à l'étranger, la structure du commerce extérieur et la transformation de l'outil productifindustriel.Flux de capitaux en provenance de France et à destination de l'étranger, lesinvestissements directs à l'étranger (IDE) recouvrent tant les prises de participations dans lecapital de sociétés étrangères par des investisseurs français ou les échanges financiers entrestructures appartenant à un même groupe (prêts, avances, augmentations de capital), que lesinvestissement dits « greenfields », c'est-à-dire contribuant, directement ou par associationavec d'autres investisseurs, par joint-venture, etc., à la création de capacités productivesnouvelles à l'étranger (création d'une entreprise ou extension des capacités de productiond'une entité déjà existante). Cet indicateur, qui est très précisément observé par leséconomistes à partir de séries établies, au plan national, par la Banque de France et parl'Agence française des investissements internationaux (AFII) 366 , n'est cependant pastotalement pertinent pour déterminer l'ampleur des délocalisations. En effet, la prise departicipation peut tout d'abord n'avoir qu'un objectif financier, qui ne se traduit pasimmédiatement dans l'économie « réelle » : ainsi, les fusions-acquisitions représentent près de80 % des IDE entrants en France. De plus, nombre de décisions d'investissement à l'étrangerne répondent qu'à une nécessité d'accès direct au marché étranger, sans influence aucune surl'outil productif domestique. Enfin, et à l'inverse, les IDE ne révèlent pas le recours à la soustraitanceétrangère, qui est pourtant une forme de délocalisation quand elle conduit à unesubstitution entre les mains d'oeuvre nationale et étrangère.Le deuxième indice permettant d'évaluer l'importance des délocalisations est ladégradation de la balance commerciale industrielle ou, à tout le moins, la modification de sastructure. Au plan global, la détérioration du solde des échanges extérieurs dans un secteurindustriel considéré témoigne normalement soit de l'affaiblissement des capacitésexportatrices du pays (diminution des exportations), soit de l'incapacité de l'outil deproduction national à satisfaire l'augmentation de la demande domestique (augmentation desimportations), soit naturellement des deux mouvements cumulés. Cet indicateur de lacompétitivité de l'économie peut être révélateur des délocalisations lorsqu'on se livre à uneanalyse combinée, par poste et par zone, de l'évolution des échanges sur une certaine période :la diminution des exportations d'un certain nombre de produits et l'augmentationconcomitante des importations de ces mêmes produits, en provenance notamment des paysémergents, en est un signe important, surtout s'il accompagne une diminution des emploisdans les secteurs productifs concernés. On relèvera toutefois qu'à l'instar des IDE, l'indicateurdu commerce extérieur n'est toutefois pas totalement probant : la dégradation du soldecommercial peut simplement traduire une perte de compétitivité indépendante de toutmouvement de délocalisation, ou encore résulter d'effets de change, notamment entre l'euro etle dollar, masquant pendant un moment les mouvements de l'économie réelle.Les mutations du secteur industriel sont improprement qualifiées de« désindustrialisation » 367 , terme souvent associé aux délocalisations dans le débat public etqui désigne communément la conjugaison de trois phénomènes.366 Les champs statistiques des données recensées par ces deux organismes nese recouvrent pas, l'indicateur retenu par l'AFII, à savoir les engagementsfinanciers associés aux investissements, étant globalement plus réduit.367Rapport n° 1625 de la Délégation à l'aménagement et au développementdurable du territoire de l'Assemblée nationale - Op. cit.308


Le premier est la diminution de la part de l'industrie dans le produit intérieurbrut (PIB). Cette diminution peut être absolue, comme certains secteurs de l'industriebritannique l'ont connue : elle traduit dans ce cas un mouvement de désindustrialisation strictosensu. Mais elle est en réalité le plus souvent relative. Cette relativité s'apprécie alors soit àl'aune de la répartition des secteurs 368 au sein d'un même ensemble national, soit à celle de larépartition de la production industrielle au plan mondial. Dans l'un comme l'autre de ces deuxcas cependant, la diminution de la part de l'industrie peut apparaître malgré une haussecontinue de la production industrielle. Dans la première hypothèse, elle s'explique par unecroissance du PIB supérieure à celle du secteur industriel, qui est pour l'essentiel due, dans lespays de l'OCDE, au dynamisme plus fort du secteur des services et aux effets-prix 369 . Dans laseconde hypothèse, elle résulte d'une hausse de la production industrielle mondiale plusimportante que celle de la production industrielle domestique : par exemple, la part del'industrie des Etats développés diminue relativement dès lors que l'entrée sur les marchés denouveaux Etats producteurs suffit à absorber le surplus de la demande mondiale.Le deuxième est l'évolution de la balance des échanges extérieurs et latransformation de sa structure. Au plan relatif, la diminution de la part de l'industrie au profitde celle des services souligne effectivement la mutation de notre économie vers le secteurinformel. Au plan absolu, la diminution des résultats nets des échanges industriels témoigned'un affaiblissement de l'outil industriel dans la compétition internationale. Mais là encore, lesanalyses doivent s'affiner : ainsi, d'un point de vue strictement économique, on ne peut pasinvoquer la « désindustrialisation » lorsque la dégradation du solde commercial résulte d'unecroissance des importations dont le taux est inférieur ou égal à celui de la demandedomestique en biens industriels, puisque le complément nécessaire à la satisfaction de cettedemande est bien assuré par un accroissement de la production industrielle nationale.Le troisième phénomène consiste en la perte d'emplois industriels : l'emploiindustriel a ainsi reculé de 20 % en dix ans dans la zone euro, selon les estimations avancéespar Lionel FONTAGNE, directeur CEPII, et Sébastien JEAN, économiste senior au CEPII.Cette perte d'emploi est, elle, liée pour l'essentiel aux gains de productivité du secteurindustriel, qui sont historiquement et tendanciellement très importants, de l'ordre de 5 % paran. Ainsi, l'emploi industriel peut diminuer quand bien même la production industrielleaugmente 370 .Quelles que soient les réserves méthodologiques que suscite chacun des troisindicateurs pris individuellement, force est de constater que le cumul d'un moindre poids dansla production nationale, d'un déficit extérieur et d'une perte d'emplois concerneessentiellement quelques secteurs industriels, bien connus par ailleurs pour avoir été depuis368C'est très exactement le cas que connaît la France : le poids relatif envaleur du secteur industriel dans le PIB national est passé de 29,1 % en1980 à 19,8 % en 2002 parce que, à la fois, la croissance annuelle de savaleur ajoutée en volume (+ 1,5 % entre 1980 et 1990, puis + 2,1 % entre1990 et 2002) et celle de ses prix (respectivement + 4,9 % et - 0,1 %) onttoutes deux été plus faibles sur la période que celles autres secteurs del'économie (soit + 2,5 % et + 1,9 % pour la valeur ajoutée, et + 6,0 % et369 + 1,6 % pour les prix).370 Situation dans laquelle se trouve également la France : le poids relatifdu secteur industriel dans la structure de l'emploi national est passé de24,4 % en 1980 à 15,9 % en 2002 en raison d'une croissance annuelle de saproductivité (+ 3,2 % entre 1980 et 1990, puis + 3,4 % entre 1990 et 2002)bien supérieur à celle autres secteurs de l'économie (+ 2,2 % et + 1,2 %).309


une trentaine d'années au coeur des processus de délocalisation : cuir, chaussures,habillement, textile, équipement du foyer, construction navale et automobile.C'est que, sans être totalement identiques, les deux phénomènes s'entretiennentmutuellement. On peut ainsi résumer, de manière simplifiée, le mouvement qui a affecté lessecteurs cités ci-dessus : en raison de leurs faibles coûts de production, les pays émergentsgagnent des parts du marché industriel et dégagent une rentabilité élevée, ce qui a pourconséquence d'y attirer des investissements (délocalisation) ; du fait de la lenteur de laréduction de la capacité de production dans les pays de l'OCDE, la capacité mondiale devientexcessive et provoque une baisse des prix, qui amoindrit la rentabilité de l'industrie dansl'OCDE « désindustrialisation »). Comme l'atteste ce raisonnement, exposé parFrédérique SACHWALD, les notions de délocalisation et de désindustrialisation sont doncdistinctes et ne peuvent être confondues, mais sont cependant étroitement liées. On ne peutenfin assimiler ces deux notions l'une à l'autre en raison du fait que la délocalisation ne toucheplus désormais que la seule industrie. En effet, de nombreuses activités de services 371 sontaujourd'hui affectées par des mouvements de délocalisation pure : centres d'appel, servicesfinanciers et commerciaux, ainsi que les activités de recherche-développement et, au sein decelles-ci, non plus seulement la conception assistée par ordinateur (CAO), mais aussi l'écrituredes spécifications ou la simulation industrielle.Le phénomène de délocalisation apparaît difficile à mesurer : quand y a-t-ilréellement transfert d'implantation d'une activité de production vers l'étranger ? Commentavoir la certitude que la production à l'étranger est un substitut à la production intérieure ?Dans quels cas peut-on établir un lien de causalité direct entre l'investissement direct àl'étranger et l'emploi ? Au-delà des effets directs, comment, à l'échelle mondiale, évaluer leseffets indirects dérivant du fait que, par exemple, la valeur ajoutée d'un bien électroniquevendu par une firme américaine et importé par la France a été réalisée en grande partie enAsie ?Seul un suivi précis combinant observations macro-économiques des grandsagrégats (IDE, balance commerciale, production et emploi industriels) et analyses microéconomiquesdes motivations et des effets des investissements français à l'étranger permettraitd'apprécier, sur une période donnée, l'amplitude réelle des délocalisations. Or, aucune étudestatistique probante n'existe aujourd'hui en France, pas davantage d'ailleurs que dans laplupart des autres Etats de l'OCDE. Aussi pour quantifier le phénomène et mesurer les pertesd'emplois induites dans les pays riches par l'échange avec les pays à bas salaires, leséconomistes avancent avec prudence en s'appuyant sur l'analyse des grands agrégats. Quelsque soient les critères retenus, les délocalisations n'étaient pour l'instant pas un phénomènestatistique important, et que leurs effets sur la capacité industrielle du pays comme surl'emploi étaient extrêmement limités. M. Jean-Pierre AUBERT, chef de la Missioninterministérielle sur les mutations économiques 372 au ministère des affaires sociales, dutravail et de la solidarité, a présenté, les estimations établies par la Direction des relations371Il convient toutefois de souligner que la distinction entre industrieset services est de plus en plus délicate à établir, notamment en raison duphénomène d'extériorisation des services en dehors des entreprisesindustrielles. Aujourd'hui, selon les informations fournies au groupe detravail par Jean-Paul MINGASSON, Directeur général de la DG Entreprises àla Commission européenne, plus de la moitié des services prestés dansl'Union européenne sont destinés aux entreprises.372 MIME : Mission interministérielle sur les mutations économiques.310


économiques extérieures 373 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Selon laDREE, les délocalisations auraient représenté en 1999-2000 moins de 5 % desinvestissements sur les pays proches (PECO et Maghreb) et moins de 1 % sur les marchéslointains. Par une autre méthode, la DREE aboutit à une estimation haute de 4 % du total desIDE, soit 19 milliards d'euros sur la période 1997-2001. De son côté, M. Yann <strong>LE</strong>PAPE aindiqué que des estimations internationales considéraient qu'en 2002, 20 à 25 % des IDE versles PECO correspondraient à des délocalisations. Ce taux serait toutefois moindre dans le casfrançais dans la mesure où environ 75 % des IDE français dans les PECO sont dirigés vers lesecteur des services, contre 50 à 55 % en moyenne générale. D'ailleurs, des évaluationsmenées en 2002 par les douze missions économiques de la DREE dans les PECO ont recenséenviron 400 opérations d'investissement assimilables à des délocalisations, ne représentantque 10 % de l'ensemble des opérations françaises vers ces pays, soit 2 milliards d'euros. Entout état de cause, ces sommes sont à relativiser face au montant global de la formation brutede capital fixe (FBCF), c'est-à-dire l'investissement, lequel s'est élevé, pour la France, à prèsde 300 milliards d'euros en 2002, ou encore face tant aux 54 milliards d'euros d'IDE entrantsque la France a reçus cette année-là qu'aux 66,5 milliards d'euros sortants, en repli de 36 %par rapport à 2001. Au reste, c'est ce pourcentage de 10 % que M. Patrick DEVEDJIAN,ministre délégué à l'industrie, a présenté comme étant probablement le taux maximum, auniveau global, des investissements français à l'étranger correspondant à ce qu'on peut qualifierde délocalisations. Par ailleurs, indépendamment du niveau exact de la proportion des IDEsortants constituant des délocalisations, l'impact de ces IDE sur l'emploi reste sujet àdiscussion, en particulier s'agissant des investissements « greenfields ». Nul n'est en mesureaujourd'hui d'établir quantitativement la part des délocalisations dans les évolutions del'emploi industriel français. Plusieurs signes indiquent toutefois qu'il ne saurait s'agir,globalement, d'un mouvement de grande ampleur.Les quelques rares études portant précisément sur ce sujet réalisées à l'étrangersont toutes convergentes :- ainsi, les statistiques du ministère du travail américain évaluent à seulement 2 % du total lenombre des licenciements de plus de 50 personnes dus à des délocalisations ou à unecompétition étrangère entre 1998 et 2003 374 ;- au Japon, pays qui a pourtant fait de la délocalisation dans sa zone d'influence un axe depolitique économique clairement assumé, une étude du RIETI évalue à 62.000 le nombre desemplois directs perdus en 2001 consécutivement aux IDE nippons en Asie 375 ;- enfin, une toute récente enquête menée Outre-Rhin sur les conséquences des investissementsallemands et autrichiens dans les PECO entre 1990 et 2001 indique que le nombre total desemplois détruits en Allemagne s'élève sur la période à environ 90.000 376 .Encore doit-on observer que tous ces calculs ne prennent pas en compte lescréations d'emplois induits dans d'autres secteurs ni, naturellement, les pertes d'emplois quiauraient pu résulter d'une absence de délocalisation. La France étant probablement encoremoins sujette aux délocalisations que les trois Etats ci-dessus, il est probable que lesproportions seraient similaires et donc, d'un strict point de vue macro-économique,373 DREE : Direction des relations économiques extérieures.374 Source : questionnaire aux missions économiques et financières.375 RIETI, N.H., Les IDE japonais et la désindustrialisation, 2001, Mimeo.WOOD A., 1995.376Dalia MARIN, A Nation of Poets and Thinkers - Less so with EasternEnlargement ? Autria and Germany, Centre for Economic Policy Research, CEPRDiscussion Paper 4358 - Mai 2004.311


elativement négligeables au regard des 10.000 destructions quotidiennes d'emploi rappeléespar CAHUC et ZYLBERBERG dans leur récent ouvrage 377 .Par ailleurs, les investissements à l'étranger des entreprises optant pour unestratégie d'internationalisation et de conquête de nouveaux débouchés sont globalementsource d'emplois et constituent un soutien à l'équilibre de la balance commerciale. Selon laDREE, les dix secteurs industriels qui ont le plus investi à l'étranger (pour un montantd'environ 37 milliards d'euros, soit 60 % des flux cumulés) entre 1997 et 2000 ont créé, àl'exception de la chimie et du raffinage, près de 100.000 emplois domestiques nouveaux. Deleur côté, Lionel FONTAGNE et Sébastien JEAN ont indiqué que la production dans desfiliales étrangères ne pouvait être systématiquement assimilée à une substitution à laproduction française, c'est-à-dire à ce qui caractérise les « délocalisations ». A cet égard, ilsont présenté les résultats d'une étude du CEPII portant sur l'industrie qui conclut qu'investir àl'étranger aboutit généralement à une amélioration, in fine, de la balance commerciale du paysinvestisseur. Selon les estimations du CEPII, 1 euro investi à l'étranger génère 0,59 eurod'exportations et 0,24 euro d'importations, soit un excédent commercial de 0,35 euro dont onpeut penser qu'il est positif en terme d'emploi. En outre, les économistes du CEPII observentque les IDE peuvent accélérer la hausse de la demande relative de main d'oeuvre qualifiée,notamment parce qu'ils créent des besoins en tâches de supervision et de liaison. De ce pointde vue, les IDE, et donc, en partie, les délocalisations, sont bénéfiques à l'économie car ellesrenforcent sa capacité exportatrice.L'observation empirique tendrait donc à rejoindre la théorie économique : auplan macro-économique, les délocalisations auraient un impact faible, voire discutable, en cequi concerne tant la dynamique économique que l'évolution du marché de l'emploi.Cependant, quelles que soient les mesures quantitatives du phénomène, les délocalisationsexistent bel et bien : elles sont durement ressenties localement. Quand un bassin industrielperd massivement des emplois du fait de la globalisation de l'économie, ce sont des centainesvoire des milliers d'hommes et de femmes, et donc de familles, qui vivent une formed'exclusion de la compétition mondiale, exclusion que d'aucuns peuvent d'ailleurs ressentircomme vexatoire. C'est finalement la vie entière de ce bassin qui est menacée et c'est cetraumatisme-là qui justifie l'écho donné aux délocalisations, plutôt que la quantité objectived'emplois concernés. Un décalage évident apparaît entre l'entreprise, à qui la délocalisationapporte une solution, et le territoire où elle est implantée, qui vit cette délocalisation commeun problème. A cet égard, la délocalisation est bien davantage un enjeu territorial plutôtqu'économique. En outre, si sa mesure laisse penser aujourd'hui qu'il est de faible ampleur, lemouvement des délocalisations est une tendance lourde dont certains estiment qu'il est appeléà une accélération forte dans les années qui viennent.1° Les délocalisations : définitions et motivations 378Les délocalisations recouvrent deux réalités :- les délocalisations au sens strict correspondent au transfert d'une partie del'appareil productif vers l'étranger, c'est à dire la fermeture d'unités de production en France,377CAHUC, P., ZYLBERBERG, A., Le chômage, fatalité ou nécessité ?Flammarion, 2004.378Rapport de la CPCI(Commission Permanente de Concertation Pourl’Industrie) 2005.312


suivie de réouverture à l'étranger, afin de réimporter sur le territoire national l'essentiel desbiens produits à moindre coût et continuer à desservir les mêmes clients ;- les délocalisations au sens large correspondent au recours à la sous-traitanceinternationale. Il y a bien transfert de l'activité mais sans investissement dans le pays d'accueil: le donneur d'ordres confie à une compagnie située dans un autre pays la réalisation d'unetâche de service ou de production industrielle jusqu'alors effectuée sur le territoire national.Dans le premier cas - la délocalisation au sens strict -, il y a déménagementd'unité de production, via un investissement à l'étranger ; celui-ci ne donne néanmoins pasobligatoirement lieu à un flux d'investissement direct et n'est pas nécessairement observabledans la balance des paiements. Dans le second cas - la délocalisation au sens large -, onconsidère le plus souvent implicitement que la caractéristique de l'opération est la constatationex post de flux d'importations pour continuer à desservir les clients français.Cette présentation est cohérente avec la typologie retenue par l'OCDE. Leterme « offshore in-house », délocalisation au sens strict, correspond à la production àl'étranger par les propres filiales de la firme et le terme « offshore outsourcing » correspond àla production à l'étranger par les firmes non affiliées.Tableau 8 : Option de production par une entreprise ou un grouped’entreprises 379 .ProductionLocalisation Internalisée (in-house) Externalisée (outsourcing)À l'intérieur du pays(domestic)À l'étranger (offshoring)Production à l'intérieurde l'entreprise et du paysProduction à l'intérieur dugroupe auquel appartientl'entreprise mais à l'étranger(par ses propres filiales àl'étranger) (offshore inhousesourcing).Production à l'extérieur del'entreprise mais à l'intérieurdu pays (domesticoutsourcing).Production à l'extérieur del'entreprise (ou du groupe) età l’extérieur du pays par desfirmes non affiliées(offshore outsourcing).Les motivations des délocalisations, que ce soit au sens strict (avec transfertd'activité à l'étranger) ou avec recours à la sous-traitance internationale sont diverses.Économistes et cabinets de conseil s'accordent sur le fait que les délocalisations ne sont que lapartie émergée d'un phénomène bien plus large de réorganisation des firmes sur une basemondiale 380 .Traditionnellement, deux types de stratégies des firmes sont distingués :- les investissements horizontaux répondent à la motivation d'accès au marché.Ils ont pour objectif de rapprocher les nouvelles capacités de production des régions où lademande est en forte croissance ;- la division verticale du travail (et en particulier les investissements verticaux)cherche à tirer profit des différences de coûts des facteurs et répond aux arguments379 Source : OCDE380 FONTAGNE et LORENZI, Désindustrialisation, délocalisations, Rapport CAE,2005.313


traditionnels d'avantages comparatifs. Elle a pour conséquence une fragmentation croissantedu processus de production, avec une spécialisation des filiales sur des segments de la chaînede valeur ajoutée.Sous la pression concurrentielle forte de nouveaux concurrents dans lecommerce international, les firmes recherchent de nouvelles sources de gains de productivité,se recentrent sur les activités où elles sont les plus efficaces et recherchent des avantagescomparatifs nouveaux. Explorant au maximum les possibilités techniques de la décompositiondes produits en sous-ensembles disjoints, les firmes fragmentent leur processus de productionet tirent profit des différentiels de coûts. Elles bénéficient aussi de la forte réduction des coûtsde communication (Internet), de transport et de droits de douane. Elles arbitrent enfin entreexploitation des rendements d'échelle croissants, par réduction du nombre d'unités deproduction efficaces, et proximité avec la demande, ce qui permet de minimiser les coûts detransport mais multiplie les coûts fixes. Elles se réorganisent donc sur une base mondiale oùla dichotomie entre investissements horizontaux et verticaux n'a plus vraiment designification.Économistes et cabinets de conseil s'accordent aussi pour établir une hiérarchiedes déterminants de la localisation des firmes :- la demande et le potentiel marchand sont cruciaux ;- les coûts de production sont aussi importants ;- les effets d'agglomération ne doivent pas être négligés : la présence d'un tissuproductif local attractif permet de créer des pôles de compétence dans certains secteurs ;- la fiscalité a aussi son importance, mais n'est pas un déterminant majeur : uneaugmentation d'un point du taux d'IS entraîne une baisse des Ide de 3,3 %.Enfin, comme le soulignent plus spécifiquement les cabinets de conseil,certains éléments sont jugés aggravants et, cumulés avec les facteurs déterminants, peuventdéclencher des décisions de localisation à l'étranger. Sont généralement cités par les chefsd'entreprises :- la dévaluation de l'activité industrielle ;- les pratiques jugées bureaucratiques de l'administration.2° Impact et mesures des délocalisationsLes mesures statistiques directes de repérage des délocalisations s'attachent àdécompter les présomptions de suppressions d'emploi directement liées aux délocalisations.Les mesures statistiques indirectes, telles les importations directes en biens manufacturés enprovenance des pays émergents effectuées par les entreprises industrielles localisées enFrance ou les investissements directs à destination de ces pays, permettent seulementd'appréhender l'ampleur du phénomène et d'apprécier son évolution.La seule mesure statistique directe existant en France sur les présomptions dedélocalisation est celle récemment effectuée par l'Insee 381 . Les présomptions de délocalisation381Par AUBERT et SILLARD en 2005 avec la contribution de Laurence Bloch del’Insee. AUBERT P. et P. SILLARD, Délocalisations et réductions d'effectifsdans l'industrie française, document de travail INSEE, G 2005/03, avril2005, et « L'économie française » - Comptes et dossiers 2005-2006.314


sont détectées dans une entreprise ou un groupe lorsque deux conditions sont observées demanière concomitante :- forte réduction des effectifs au sein d'un de ses établissements, au cours d'une courtepériode de temps. Cette réduction d'effectifs correspond soit à une forte réduction du volumede travail (au moins 25 % du volume initial), soit à la fermeture de l'établissement, dans unepériode de trois années maximum, c’est le cas pour l’entreprise X;- augmentation forte des importations pour le type de bien auparavant produit enFrance, dans une période de trois années maximum. Le montant de cette augmentationd'importation représente au moins une certaine fraction de la production française supprimée.La création du flux d'importation et la réduction d'effectifs ne se produisent pasnécessairement la même année, mais le décalage temporel entre ces deux événements ne doitpas excéder deux ans.Ces deux conditions permettent de repérer les présomptions de délocalisationdans sa définition large, de plus non restreinte aux pays à bas coût de main-d'oeuvre. Lechamp retenu est celui de l'industrie hors énergie. Les données utilisées rapprochentdifférentes sources relatives à l'industrie, pour l'essentiel des données administratives :- les données douanières, qui précisent par entreprise la valeur des biens importés parnature de bien et par origine ;- le répertoire Sirene d'établissements et d'entreprises ;- les DADS (déclarations annuelles de données sociales) qui donnent l'emploi parétablissement ;- des sources qui permettent de reconstruire au cours du temps le périmètre de l'entitédécisionnaire, le groupe ou l'entreprise indépendante.Selon cette étude 382 , les délocalisations n'auraient touché qu'un nombre limitéd'emplois de l'industrie française : 13 500 par an en moyenne entre 1995 et 2001, soit 0,35 %par an des emplois industriels. Un peu moins de la moitié des présomptions de délocalisation(6 400, soit 0,17 % des emplois industriels) sont à destination des pays à bas salaires. Parmices pays, la Chine constituerait la principale destination, loin devant l'Europe de l'Est,l'Afrique du Nord, l'Amérique du Sud et les autres pays d'Asie. Les délocalisationsdécomptées ici seraient donc un peu plus nombreuses à destination des pays développés ets'inscriraient surtout dans le cadre des restructurations des grands groupes multinationaux.Enfin, toujours selon cette étude, certaines zones d'emploi auraient été fortement touchées parles délocalisations durant ces années, alors que d'autres auraient été relativement moinstouchées. Il est néanmoins difficile de déterminer si des zones sont plus vulnérables qued'autres.Cette étude permet de repérer uniquement les présomptions d'emploisdélocalisés, et non les licenciements puisque certains salariés peuvent être repris dans d'autresétablissements du groupe. En outre, elle ne permet pas de mesurer les effets induits desdélocalisations d'un groupe donné sur ses clients et fournisseurs, que ce soit dans le secteur, larégion ou l'économie française. Cette étude a enfin l'inconvénient d'apporter un repéragestatistique à la fois tardif et en moyenne du phénomène (en moyenne annuelle sur les années1995-2001). Les effets de bord empêchent en effet d'effectuer un constat sur son évolution audébut des années 2000. Au-delà de cette étude ponctuelle réalisée par l'Insee, mais dontl'actualisation est tout à fait possible, il existe d'autres indicateurs permettant, avec une382Rapport de la CPCI 2005 d’après les chiffres fourni par le SESSI :Service des études et statistiques industrielles.315


certaine approximation certes, de suivre annuellement l'évolution des délocalisations enFrance.Tableau 9 : Emplois délocalisés (moyenne annuelle 1995-2001) selon lesprincipaux pays de destination des délocalisations 383 .Pays à bas salaires 6 370 emplois délocalisés par an Pays développés 7 175 emplois délocalisés par andont % dont %Chine 30 Espagne 16Brésil 8 Italie 15Maroc 8 Allemagne 14Tunisie 8 États-Unis 13République tchèque 6 Belgique 10Inde 5 Royaume-Uni 8Pologne 5 Pays-Bas 7Vietnam 4 Suisse 4Roumanie 4 Portugal 2Bulgarie 3 Irlande 2Indonésie 2 Suède 2Turquie 2 Finlande 1Venezuela 2 Japon 1Malaisie 1Madagascar 1Guinée 1Lituanie 1Hongrie 1Russie 1Lecture : sur la période 1995-2001, 6 370 emplois seraient en moyennesupprimés chaque année dans le cadre d'une délocalisation vers un pays à bas salaires. Parmices suppressions d'emplois, 30 % se feraient par délocalisation vers la Chine, 8 % pardélocalisation vers le Brésil, etc.T2 - Emplois délocalisés (moyenne annuelle 1995- pays de destinationCitons-en deux :1 - Les importations directes en biens manufacturés en provenance des pays émergentseffectuées par les entreprises industrielles localisées en France. Liées non seulement auxinvestissements de délocalisation au sens strict et à la sous-traitance mais aussi audéveloppement des approvisionnements auprès des pays émergents, elles majorentprobablement le phénomène. Selon les estimations du Sessi, ces importations représentaienten 2003 3 % de la production, 7,5 % des importations de biens manufacturés en France et 16% des importations de biens manufacturés de ces entreprises. Ce chiffre a progressé au coursdes années quatre-vingt-dix, de 9 % en 1993 à 16 % en 2000, pour se stabiliser par la suite ;la progression des importations en provenance des Peco et de la Chine était compenséepar l'érosion de celles en provenance des autres pays émergents d'Asie 384 .2 - Les statistiques de flux d'investissements directs à l'étranger. Répondant à d'autresobjectifs que la mesure de la délocalisation, elles ne mesurent pas certains transferts d'activitéintragroupe ni la sous-traitance internationale ; elles prennent en compte, en revanche, lesinvestissements horizontaux qui ne relèvent pas de la délocalisation (lorsque l'on peutdistinguer clairement l'investissement horizontal de l'investissement vertical). Les flux d'Idede la France vers les pays émergents ont connu deux vagues d'expansion - une en 1995- 1996383 Source : Insee, Champ : industrie hors énergie.384 Rapport CPCI 2004.316


et une en 2000-2001- mais leur ampleur reste limitée : ils représentaient, en 2001, 11 % desinvestissements directs français à l'étranger, proportion inférieure à celles mesurées pourl'Union européenne et les États-Unis. Les mesures statistiques existantes - directes etindirectes - des délocalisations relativisent donc l'ampleur du phénomène pour la France.3° L'impact global sur l'emploiLe repérage des emplois détruits du fait des délocalisations n'est en rien unemesure de l'impact à court - moyen terme des délocalisations sur l'emploi de l'entreprise. Iln'existe en effet pas de situation de référence : que se serait-il passé si l'entreprise n'avait pasdélocalisé ? A fortiori, ce repérage ne permet pas de mesurer l'impact sur le marché du travailfrançais. L'investissement direct à l'étranger (IDE) d'une entreprise n'a théoriquement pas uneffet clairement déterminé sur ses performances domestiques. Tout dépend de l'exploitationdes économies d'échelles induites, des modifications de la composition de sa demande eninputs ou encore des transferts de technologie. Si la relocalisation diminue les coûts deproduction de la firme, elle peut entraîner à la fois une hausse de la production et de l'emploi.La firme peut aussi tirer bénéfice des transferts de technologie et d'un accès plus aisé auxmarchés étrangers. Les travaux empiriques déjà menés sur ce thème par HANSON et ALII, en2001 et 2003 concluent généralement que l' IDE n'a pas d'effet négatif sur les activitésdomestiques. Ils sont néanmoins effectués à des niveaux relativement agrégés, sectoriel ourégional, à l'exception d'une étude récente menée par BARBA-NAVARETTI etCASTELLANI en 2004 385 plus novatrice, qui s'est spécifiquement intéressée à l'impact sur lesfirmes concernées (dans le cas précis des firmes italiennes). En comparant les firmesconcernées à un contre factuel approprié, ce qui se serait passé si la firme n'avait pasdélocalisé, cette étude met en évidence que les Ide ont un impact positif sur la croissance de laproduction et de la productivité domestique des firmes concernées ; ils n'ont, en revanche, pasd'effet significatif sur l'emploi domestique. Des travaux de ce type sont en cours de réalisationafin d'évaluer l'impact des implantations à l'étranger sur l'emploi dans l'industrie en France.Comme le commerce international dans son ensemble, la sous-traitanceinternationale et les importations de biens intermédiaires modifient non seulement la structurede la demande de travail entre activités mais aussi au sein de chaque activité. Ellesaugmentent ainsi la demande de travail qualifié relativement à celle du travail non qualifié ausein de chaque activité. De nombreux travaux ont contribué à évaluer cet impact aux Etats-Unis, il s’agit de FEENSTRA et HANSON 386 en 1996 puis pour la France, les travaux récentsde V. STRAUSS- KAHN 387 en 2003. A partir de tableaux input - output et d'estimation dedemande de travail, ils montrent que la spécialisation verticale expliquerait 25 % de ladiminution de la part du travail non qualifié dans l'emploi de l'industrie sur les années 1985-1993 ; le reste serait attribuable au progrès technique biaisé en défaveur du travail nonqualifié. La montée de l'Inde et de la Chine, fait naître des inquiétudes sur l'avenir de certainsservices tel que l'informatique…Les délocalisations et la sous-traitance de services font aussil'objet d'une attention croissante des médias ces derniers temps dans les grands paysdéveloppés, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. À croire certains instituts privés,385 BARBA NAVARETTI G. et CASTELLANI, D.,Investments Abroad and Performanceat Home. Evidence from Italian Mutinationals, NBER, Working Paper xxx,janvier 2004.386FEENSTRA R.C. et HANSON, G.H., Globalization,Outsourcing and WageInequality, American Economic Review, n°86, pp. 240-45, 1996.387 STRAUSS-KAHN V., The Role of Globalization in the Within-Industry ShiftAway from Unskilled Workers in France, NBER, Working Paper 9716, mai 2003.317


les emplois d'informaticiens sont à terme condamnés à être tous délocalisés vers l'Inde et laChine. Actuellement, les délocalisations de services émanent essentiellement des pays anglosaxonset la France est encore peu touchée d’après une étude de Letournel 388 en 2004. Lesdélocalisations de services posent néanmoins un problème nouveau par rapport auxdélocalisations industrielles des dernières décennies. Si le processus semble concernermajoritairement des emplois peu qualifiés, il génère aussi un transfert de personnelshautement qualifiés et affecte des secteurs très dynamiques et innovants, jusque-là épargnés.Selon des travaux récents D’AMITI et de WEI 389 en 2005, concentrés sur les délocalisationsde certains services - services informatiques et autres services aux entreprises (comptabilité,opérations de back-office, …) -, à partir des États-Unis et du Royaume-Uni, l'intensité durecours à la sous-traitance internationale de ces services augmente régulièrement mais restelargement inférieure, dans une proportion d'un dixième, à celle de produits manufacturés.Enfin, si le recours à la sous-traitance internationale de services avait effectivement un légerimpact négatif sur l'emploi par activité à un niveau fin de la nomenclature, cet effetdisparaîtrait toutefois à un niveau plus agrégé, ce qui indiquerait une réallocation sectorielledes emplois.En conclusion, rappelons que, dans la théorie économique, la délocalisation etla sous-traitance internationale ont des effets similaires aux autres formes de développementdes échanges entre pays industrialisés et émergents. Ils s'inscrivent dans une logique despécialisation internationale où en principe tous les pays sont gagnants. Les consommateurs(du pays qui délocalise) bénéficient de la baisse de prix de nombreux biens de consommationet voient leur pouvoir d'achat augmenter. Les entreprises qui absorbent dans leur processus deproduction une part croissante d'importations à bas prix en provenance des pays du Sudréalisent des gains de productivité. Les délocalisations et la sous-traitance favorisent aussi ledéveloppement d'une demande solvable dans le pays émergent d'accueil : les exportationsfrançaises à destination de ce pays, à fort contenu en main-d'oeuvre qualifiée, bénéficient d'uneffet d'entraînement. L'impact à moyen terme sur l'emploi du pays qui délocalise estglobalement positif s'il a pu développer des activités plus qualifiées et si la main-d'oeuvre a puse réallouer vers ces activités. À court terme, les impacts négatifs peuvent être en revanchetrès importants. Certaines industries seront fortement touchées. Certains bassins d'emploi leseront aussi. La main-d'oeuvre non qualifiée risque enfin d'être particulièrement affectée : lesinégalités salariales entre la main-d'œuvre qualifiée et la main-d'oeuvre non qualifiée peuvents'élargir ou l'emploi des non-qualifiés diminuer.4° Les étapes de la délocalisationOutre les différences imparables des coûts de main-d’œuvre et les progrèsincontestables dans la qualité des produits offerts, cette accélération s’explique par : Un engrenage technique, ce mouvement, dans un premier temps, se propage entre lesentreprises d’un même secteur. Pour beaucoup d’entreprises, la délocalisation est d’abord unechance ou une opportunité, puis devant l’extension et la banalisation du phénomène, devientvite une contrainte pour les entreprises du secteur de production. Le mouvement se développeensuite dans toute la filière de production et se diffuse de secteur à secteur. Ainsi, la388<strong>LE</strong>TOURNEL J. Les délocalisations d'activités tertiaires dans le monde eten France, DGTPE, Analyses économiques, n° 55, novembre 2004.389AMITI, M. et WEI, S-J, Fear of Service Outsourcing, Economic Policy,avril 2005, pp. 307-347, 2005.318


délocalisation remonte en amont (habillement-textile) ou descend en aval (production dejouets-contrôle des normes). Un engrenage géographique avec l’émergence de nouvelles zones de délocalisation(délocalisation en cascade du type Taïwan-Chine, Ile Maurice, Madagascar), et puis des paysde l’Est qui naissent au commerce international. Un engrenage social où « en récession, le prix est, de façon caricaturale, le déterminant del’achat ». La récession crée elle-même un nouvel engrenage économique qui se superpose àl’engrenage technique : délocalisation-chômage-pression sur les revenus pression sur lescoûts-délocalisation.Cette accélération est manifeste, avec trois étapes successives : Les délocalisations de la première génération dans les secteurs traditionnels de produits degrandes consommation : habillement, chaussures (10 millions de paires importéesreprésentent 2.500 emplois en moins), jouets, horlogerie, électronique ; Les délocalisations de la seconde génération, qui abordent les services et l’immatériel.C’est le cas de l’informatique et, d’une façon générale, du télétravail. Les opérations de saisiereprésentent en particulier un marché gigantesque (50 milliards de dollars dans le monde enl’an 2000) et sont aisément délocalisables (catalogues des grandes bibliothèques...). Laprogrammation informatique est également touchée, notamment par les propositions dessociétés indiennes de logiciels : « en coûts, en productivité et en qualité, les Français sontbattus sur les trois tableaux ». De 50.000 à 80.000 informaticiens sont menacés dans lesprochaines années. La troisième étape, celle du hardware et de la construction des matériels suivrainévitablement car le savoir-faire se transmet nécessairement au cours de ces opérationscroisées.C’est aussi le cas des services traditionnels, avec l’aide aux gestions desentreprises (comptabilité...), voire les services de soins (cas des prothèses dentaires fabriquéesen Chine), et même les contrôles des normes de qualité des produits : les sociétés européennesqui effectuent ces contrôles se délocalisent à leur tour par création de filiales en Chine. Il y asurtout la menace de délocalisations généralisées de la troisième génération, qui pourrait venirnotamment des pays de l’Est. Cette menace n’est pas encore bien perçue en Europe, alorsqu’elle l’est davantage par des pays qui actuellement bénéficient déjà des sous-traitancesoccidentales. Le risque est très différent en raison d’un potentiel industriel considérable et del’absence totale de toutes contraintes (contraintes culturelles, transport...).Cette délocalisation pourrait alors toucher tous les secteurs : L’industrie, y compris dans les secteurs protégés : « Dans l’industrie mécanique, si laconcurrence des pays de l’Est se manifestait, elle serait brutale, sans appel et provoquerait desravages en deux - trois ans » ; L’agriculture et surtout l’agro-alimentaire, dont les productions pourraient « basculer » enEurope de l’Est, notamment sur la pression des réseaux de distribution internationaux.L’Europe se transforme peu à peu en un vaste supermarché où s’échangent desproduits fabriqués ailleurs. Le terrain est favorable en France et nous pouvons mettre enévidence quatre facteurs d’accélération des délocalisations propres à la France. La pressionsur les coûts, par les biais d’un système de prélèvements obligatoires pénalisant pourl’entreprise et l’emploi. L’entreprise se trouve sollicité pour assurer le financement de laprotection sociale, les ressources de l’état et des collectivités locales, le mécénat culturel, le319


sponsoring sportif, la formation des jeunes, la défense de l’environnement... Toutes cesimpositions et contraintes majorent les coûts des produits français et handicapent lesentreprises. La pression sur les prix : La distribution moderne a joué un rôle de courroie detransmission privilégiée du phénomène soit par le biais de la pression sur les fournisseursfrançais, soit par les possibilités d’achat direct auprès des fournisseurs des pays tiers que leurconférait leur conférait leur grande puissance commerciale et financière ( les principauxgroupes de distribution réalisent 500 milliards de chiffre d’affaires), soit, enfin et surtout parune stratégie commerciale qui consiste à « chercher le meilleur produit au meilleur prix,partout où il se trouve, en France, en Europe, et dans le monde... ». La grande distributionfrançaise pourrait à son tour subir les conséquences du phénomène qui pourrait bientôt lui êtreimposé de l’extérieur, notamment par la grande distribution allemande qui bénéficiera tôt outard des prix incomparables d’Europe de l’Est. L’attitude de l’État contribue à banaliser le phénomène par un allégement des contraintes(exemple de la marine marchande) ou des comportements hésitants (cf. attitude sur le salonmondial des délocalisations) et surtout par l’absence de directives, notamment en matièred’achats publics. En l’absence de recommandations des pouvoirs publics, le commissariat des arméess’est notamment engagé dans la voie des délocalisations. Les achats sont encore modestes,mais augmentent très vite. Le gestionnaire chargé de la bonne gestion des crédits publics n’estpas responsable de ce glissement, en revanche, l’absence de stratégie et de ligne de conduiteest particulièrement grave. Un contrat de 90.000 survêtements à une société délocalisée-MP11, fait économiser 82.329,62 euros (540.000 francs) à l’armée de terre mais représente unsurcoût net pour la collectivité de 0,87 million d’euros (5,7 millions de francs), compte tenudes emplois supprimés...Une mauvaise appréhension des conséquences des délocalisationsqui entraîne : Des effets sur l’emploi ; il y a une forte présomption du lien délocalisation/chômage. Enquinze ans, les trois secteurs principaux touchés par les délocalisations (électronique, textilehabillement,chaussures) ont perdu la moitié de leurs effectifs, soit 470.000 emplois. En outre,la délocalisation entraîne un recentrage des fonctions sur la distribution, la commercialisationet la publicité. Nike, prototype des délocalisations, fait travailler 75.000 personnes et enemploie 600... soit moins de 1 %. Adidas a totalement délocalisé sa production.L’accélération des délocalisations entraîne une menace grave sur l’emploi. Des inégalités ; les effets sur l’emploi sont couplés d’inégalités sociales majeures, car, audébut du processus, c’est celui qui vend le moins cher qui gagne le plus d’argent (lesdélocalisations font baisser les prix à la marge, mais les marges, elles, augmentent). Lesrisques, encore très faibles, sur la qualité et la sécurité des produits, pourraient s’aggraveravec la délocalisation de contrôle des normes.Enfin, sur le plan international, l’idée selon laquelle les délocalisationsaugmentent la richesse des pays qui accueillent les sous-traitances étrangères, cache en réalitéune immense et intolérable exploitation, notamment par le jeu des délocalisations en cascade,doublée en Europe d’une immense duperie car la délocalisation appauvrit les riches sansenrichir les pauvres et d’une intolérable hypocrisie car le consommateur multiplie lesexigences sociales mais achète des produits fabriqués dans des pays qui n’en n’ont aucune.L’État ne peut prendre le risque de voir se fracturer le pacte social. L’Europe paraît désormaisau pied du mur : ou bien elle ajuste ses standards de vie, de protection sociale, à ses capacitésréelles de protection ou elle garde ses exigences, et elle accroît ses protections. En attendantde prendre une décision les délocalisations ont tendances à s’intensifier, le rôle des pays del’Est, accueillant les entreprises qui délocalisent se confirme. Les sites de production partent320


vers les pays où la main d’œuvre est moins chère et les salariés des pays qui délocalisentn’ont plus d’emploi. Des conventions collectives existent pour réglementer certains videslaissés par ces nombreux départs.C. <strong>LE</strong>S CONVENTIONS COL<strong>LE</strong>CTIVESLa technique de la convention collective, généralement utilisée pourréglementer les conditions de travail des salariés d’un cadre professionnel donné, est connuedans la plupart des pays, quel que soit leur régime économique et social. Dans les pays anglosaxons,où la législation du travail est demeurée longtemps peu développée, la conventioncollective, librement négociée entre syndicats d’employeurs et de salariés, joue un rôleessentiel. La convention collective de travail existe aussi dans l’ex-Union soviétique où, dansle cadre d’une économie planifiée, la marge de négociations est bien moindre, le contenu et laportée des conventions collectives se déterminant alors essentiellement d’après les objectifsdu Plan. Les pays de la Communauté européenne ont aussi recours à la négociation collective.Son rôle est également important dans les pays d’Afrique ou en Asie. Certes, il serait illusoired’inférer de cette constatation l’existence d’une similitude du régime juridique desconventions collectives dans ces divers pays, alors que les particularismes nationaux sontparfois, en cette matière, comme dans bien d’autres, profondément marqués. Il n’en reste pasmoins que l’extrême diffusion de la convention collective comme procédure de nature à réglerles différends entre employeurs et salariés est un fait qui mérite de retenir l’attention. Ilrévèle, en effet, que la négociation collective, qu’elle soit engagée à l’initiative des principauxintéressés ou sous l’impulsion des pouvoirs publics, répond à un besoin directement ressentipar les organisations professionnelles, patronales et ouvrières, ou à des impératifs sociauxperçus par les représentants des pouvoirs publics. Il apparaît dès lors nécessaire, avant dedéfinir la place de la convention collective au sein de l’ordonnancement juridique etd’apprécier son importance en tant qu’élément de l’organisation sociale, d’étudier en premierlieu la négociation collective qui précède nécessairement la signature d’une conventioncollective.Une négociation collective met en présence des partenaires qui, chacun,abordent la discussion avec des préoccupations qui leur sont propres; la négociation sedéroulera selon une certaine procédure, le cadre professionnel en sera, selon les cas, plus oumoins large; son objet portera le plus souvent sur la réglementation des conditions de travail,encore que l’on puisse aisément déceler, à l’époque moderne, un élargissement du champd’utilisation traditionnel de la négociation collective qui a désormais vocation, en France, àconnaître de «l’ensemble des conditions d’emploi et de travail et des garanties sociales» dessalariés 390 .Un employeur isolé peut, certes, conclure avec le ou les syndicatsreprésentatifs du personnel de son entreprise un accord collectif qui sera limité, dans sonchamp d’application, à l’entreprise qu’il dirige. Dès l’instant toutefois où le champd’application professionnel de la convention dépasse le cadre d’une entreprise, pour s’étendreà une profession ou à une branche d’activité, seules les organisations professionnellesregroupant les employeurs et les salariés du secteur professionnel éventuellement concernépar l’accord à conclure sont compétentes pour engager la négociation collective préalable. Lesreprésentants du milieu professionnel aborderont bien entendu cette négociation avec leurspréoccupations propres et compte tenu de leurs intérêts; on peut craindre dès lors, surtout s’ils’agit d’une convention collective «recouvrant» une branche d’activité économiquement390 Art. L. 131-1 du Code du travail.321


importante au sein de laquelle travaillent des dizaines, voire des centaines de milliers desalariés, que ne soit perdu de vue, par les négociateurs, l’intérêt général dont l’État est legardien naturel. Les répercussions de l’accord sur le plan économique et social peuvent êtred’une importance telle qu’il n’est plus possible au pouvoir étatique de se désintéresser de lanégociation collective, en laissant les mains entièrement libres aux partenaires sociaux. Sansintervenir directement dans la négociation, il va néanmoins la contrôler. L’analyse del’attitude patronale devant les conventions collectives et de celle des salariés doit donc, àl’époque moderne, s’accompagner d’une étude de l’attitude de l’État.Alors que la forme syndicale est presque toujours exigée pour la représentationouvrière, il n’en va pas de même en ce qui concerne la représentation patronale qui peut, leplus souvent, être tout aussi bien assurée par un syndicat que par un groupement d’une formejuridique différente, par exemple de type associatif. Ces organisations patronales aborderonten bien des cas la négociation collective avec une certaine réserve. Les employeurs françaisconsidèrent souvent que la législation est suffisamment favorable aux salariés et qu’elle faitpeser sur les entreprises des charges très lourdes qu’il serait inopportun d’aggraver par desdispositions conventionnelles. Les conditions dans lesquelles se déroulent les négociationscollectives sont moins favorables aux patrons que ne le serait une discussion individuelleopposant un employeur déterminé à un employé isolé. La convention collective ayant pourobjet de placer le salarié au niveau du patron pour établir sur le plan collectif les conditionsd’un véritable dialogue qui ne sont pas réunies à l’échelle individuelle, l’employeur enacceptant que le débat soit porté sur le terrain collectif abandonne souvent à regret uneposition qui lui est favorable. Si, pour les employeurs, la conclusion d’une conventioncollective n’est pas sans présenter des avantages, l’importance réelle de ceux-ci doit êtreappréciée en tenant compte des inconvénients que, dans l’esprit des intéressés, présente un telaccord.Sur le plan économique, il est couramment affirmé que la conventioncollective atténue la concurrence entre employeurs en égalisant leurs charges sociales. Lemarché du travail étant assaini par «une règle du jeu», la détermination des salaires ne seraitplus, pour les patrons liés par la convention collective, l’occasion de surenchères coûteuses.Étant conclue pour une certaine durée, la convention collective stabiliserait dans le temps lesconditions de travail, facilitant ainsi l’effort de prévision des chefs d’entreprise. Cette thèse,exagérément optimiste, ne peut être admise qu’avec réserve. Il est inexact d’affirmer que,dans tous les systèmes juridiques, le chef d’entreprise peut, après la signature d’uneconvention, compter sur une stabilisation des rapports sociaux suffisamment longue pour luipermettre une plus saine gestion de l’entreprise, informé qu’il serait avec précision del’évolution des salaires et des conditions de travail de ses employés pendant une duréeconnue. En France par exemple, dans la mesure où l’article L. 35-2 du Code du travail prévoitqu’il est toujours possible d’insérer dans un accord d’établissement ou dans un contratindividuel de travail des conditions plus favorables pour les salariés que celles qui sontinsérées dans les conventions collectives, l’effet apaisant attendu de la signature de celles-ciest compromis. En vertu de cette règle, la convention collective constitue non un plafond maisun plancher sur lequel peut s’appuyer la surenchère de tel patron économiquement prospèreou d’esprit social plus avancé. Avant comme après la signature de l’accord, du fait de ces«francs-tireurs», la concurrence patronale continuera à jouer à sens unique au profit dessalariés, sur le marché du travail, en période de plein emploi notamment. Outre que laconvention collective, en substituant un régime contractuel à une décision unilatérale, limiteun absolutisme patronal auquel certains employeurs demeurent attachés, les représentants desmilieux patronaux font encore valoir que, du fait de la généralisation de la clause dite «du322


maintien des avantages acquis» qui tend à devenir une clause de style dans les conventionscollectives, il est pratiquement impossible de revenir, à l’expiration de la convention, sur desavantages qui n’avaient été consentis aux salariés que pendant la validité de celle-ci. Lasignature d’une convention collective, enfin, est de nature à mettre en difficulté les entreprisesmarginales, soumises désormais à une loi commune trop rigoureuse pour elles.Quant aux avantages retirés, sur le plan social, de la signature d’uneconvention collective, ils sont d’inégale importance d’un pays à l’autre, selon que pèse ou nonsur les parties signataires une obligation «de paix sociale» pendant la durée de l’application del’accord. Même dans les pays où, comme en France, cette obligation n’a qu’une portée assezmince, la convention collective joue un rôle apaisant dans les rapports sociaux et il esttraditionnel de la comparer à un traité de paix entre classes sociales. C’est le plus souventdans la mesure où elle leur ménage une «pause» dans les affrontements sociaux que lesemployeurs se montreront favorables à la signature d’une convention collective.Les motifs mis en avant par les employeurs pour justifier leur refus de concluredes accords collectifs sont, pour les syndicats ouvriers, autant d’incitations à les obtenir.L’utilisation de cette technique n’a pas été admise sans difficultés. L’idéologierévolutionnaire qui anima à l’origine les syndicats et notamment les syndicats français a,pendant longtemps, freiné la conclusion des conventions collectives. Dans une perspective delutte des classes, ce «traité de paix», selon l’expression de Georges SCEL<strong>LE</strong> 391 , que constituela convention collective ne peut être envisagé qu’avec défaveur comme un signed’affaiblissement de l’esprit combatif de la classe ouvrière. Si l’institution est aujourd’huientrée dans les mœurs syndicales, il arrive que des résistances se manifestent qui limitent auminimum les engagements pris par les syndicats de salariés, certains d’entre eux s’efforçantd’expurger du texte des accords tout ce qui pourrait être considéré comme l’amorce d’unecollaboration de classes. Toutefois, les réserves exprimées par les milieux syndicalistesouvriers se fondent plus sur des considérations d’opportunité et d’efficacité pratique que surdes motifs idéologiques parfois vieillis. La crainte de la formation de « syndicats maison »,qui n’auraient pas une indépendance suffisante vis-à-vis de l’employeur pour traitervalablement avec celui-ci, est souvent la véritable raison d’une méfiance qui se manifestesurtout à l’encontre de la négociation d’accords d’entreprise ou d’établissement. Les syndicatsentendent ne pas être gênés par la conclusion d’une convention collective dans l’utilisation deleurs armes traditionnelles, telle la grève, dont le déclenchement peut être soumis par le textede l’accord à des conditions restrictives, comme l’est l’obligation de respecter un préavis.La convention collective présente néanmoins l’avantage de valoriser lesyndicat vis-à-vis de ses adhérents. En rétablissant sur le plan collectif un équilibre quin’existe pas sur le plan individuel dans les rapports entre employeurs et salariés, elle apparaîtcomme une des réalisations par laquelle les organisations syndicales démontrent leurefficacité, leur nécessité et l’importance de leur rôle dans la vie de la nation. En toutehypothèse, il est avantageux de consacrer par un texte un progrès social que l’orientationmême du droit du travail rend irréversible.391Georges SCEL<strong>LE</strong> (1878-1961) Règles générales du droit de la Paix,R.C.A.D.I. IV, pp.331-697, 1933. Il a représenté la France dans lesorganismes internationaux et a participé à des cabinets ministériels. Cfbiographie complète en fin de thèse.323


1° L’ÉtatL’État, qui a la responsabilité de l’ordre public, est directement intéressé aumaintien de la paix du travail. La conclusion de conventions collectives ayant sur les rapportssociaux un effet apaisant, l’utilisation fréquente de ce procédé ne présente, au premier abord,que des avantages pour l’organisation étatique. Si l’apaisement des tensions existant entre lesdifférents groupes sociaux est souhaitable, il ne peut être obtenu à n’importe quel prix. Avecla convention collective, les intéressés eux-mêmes forgent leur propre loi. On peut craindre,comme il arrive lorsqu’une réglementation d’origine professionnelle s’élabore en marge de laréglementation légale, que des préoccupations particularistes et égoïstes ne fassent perdre devue un intérêt général dont l’État est le garant. Un apaisement, peut-être provisoire, d’unconflit particulier ne saurait être obtenu aux dépens d’un ordre social et économique fragile.Aussi bien, l’État, en se déchargeant sur des professionnels de questions parfois délicates quifont l’objet des conventions collectives, ne peut se dessaisir de ses prérogativestraditionnelles. L’expérience prouve que l’effet d’une convention ou d’un accord collectifpeut aller bien au-delà du cadre relativement étroit des parties signataires et des textes qu’ellesont pu signer. Cette préoccupation est évidente dans les pays d’économie socialiste oùl’exécution correcte du plan serait compromise par des conventions collectives concluesd’une façon anarchique. Dans les pays occidentaux, il arrive que les parties intéresséesempruntent les voies du progrès social plus rapidement que l’État ne l’aurait prévu, comptetenu de considérations économiques et financières. En France, l’État, qui n’est pasuniquement souverain mais également chef d’entreprise, peut d’autant moins se désintéresserdes négociations collectives menées dans le secteur privé que les revendications de sonpersonnel peuvent s’appuyer sur l’exigence de la «parité» entre les rémunérations du secteurpublic et celles du secteur privé. La «démocratie économique» mise en œuvre par lessyndicats ouvriers et patronaux à l’occasion de la conclusion de conventions collectives nepeut, dès lors, jouir dans ses rapports avec la démocratie politique que d’une liberté surveillée.La négociation collective peut être engagée et poursuivie à l’initiative desorganisations professionnelles intéressées, selon des modalités dont elles seront entièrementmaîtresses. Il faut toutefois tenir compte de l’interférence possible des procédures de solutiondes conflits collectifs de travail par voie de médiation ou d’arbitrage, dont la mise en œuvrepeut conduire à la signature d’une convention collective mettant fin au conflit. La plupart dutemps, la négociation sera engagée et suivie en dehors de ces procédures exceptionnelles,d’une façon en quelque sorte «informelle». Dans certains pays, le contact direct entre lesparties est le seul mode admis pour la conclusion de la convention collective. Ainsi, enAllemagne, la liberté contractuelle constitue le principe de base de la conclusion de celle-ci,en dehors de toute influence de l’État. La situation est sensiblement la même en Italie, enBelgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg et en France. C’est là le mode normal, encore queles législations de ces différents pays connaissent également une deuxième forme denégociation qui ressortit au cadre d’un organisme officiel: «commissions paritaires» enBelgique, «office national de conciliation» au Luxembourg, «commissions mixtes» en Francepour la conclusion de conventions collectives susceptibles d’extension. Dans aucun de cespays, l’autorité publique ne prend la décision en imposant un arbitrage obligatoire ou en sesubstituant aux parties en cas de désaccord. Il s’agit seulement, en France par exemple, sousl’autorité d’un représentant du ministre des Affaires sociales, de favoriser par la réunion decette sorte de petit «parlement professionnel» que constitue une «commission mixte» laconclusion de conventions collectives d’une importance particulière, dans la mesure où ellespeuvent ultérieurement être étendues à des tiers. En Belgique et au Luxembourg, les«commissions paritaires», d’un côté, et «l’office national de conciliation», de l’autre, ont été324


conçus avec l’objectif, au départ plus large, de favoriser la conclusion de toute espèce deconvention collective en général.La liberté de principe reconnue aux négociateurs ne va pas toutefois sanscertaines limitations qui sont autant de «garde-fous» destinés à éviter que ne soit signée uneconvention socialement régressive ou qui ne correspondrait pas aux vœux des intéressés.Ainsi, en France, il est prévu par le Code du travail (art. L. 132-4) que la convention etl’accord collectif de travail peuvent en principe «comporter des dispositions plus favorablesaux salariés que celles des lois et règlements en vigueur». Les représentants des organisationsprofessionnelles qui négocient une convention collective doivent, pour signer valablement unaccord, avoir été très spécialement habilités à le faire par l’organisme qui les a délégués 392 .L’exigence de la « représentativité » des organisations syndicales, parties à la négociation, quiest fréquente, trouve son explication par des considérations analogues.Le cadre de la négociation est très variable, tant en ce qui concerne le domained’application territorial que le domaine d’application professionnel de l’accord envisagé. Àcondition, en effet, d’être négociée par des organisations professionnelles suffisammentreprésentatives dans la zone territoriale d’application envisagée, la convention collective peut«couvrir» toute la surface d’un pays, d’une région, d’une localité déterminée ou s’appliquerseulement à une seule entreprise ou à un seul établissement. La liberté de principe reconnueaux organisations professionnelles en ce domaine peut conduire à la superposition de diversstatuts professionnels qu’il convient alors de concilier. De même que la convention collective,hiérarchiquement inférieure à la loi dans l’ordonnancement juridique, ne peut méconnaîtrecelle-ci, sinon pour l’améliorer, de même les conventions collectives régionales ou localesdoivent respecter les prescriptions de la convention nationale qu’elles ont seulement lapossibilité d’améliorer dans un sens favorable aux salariés. Il est vrai que, depuis 1982, lapossibilité de conclure des accords «dérogatoires», essentiellement en «retrait» par rapport àla convention de niveau supérieur, vient quelque peu modifier la règle traditionnelle ci-dessusrappelée.À l’intérieur de la zone territoriale d’application prévue, toutes les entreprisesne seront pas automatiquement assujetties à l’accord. Il pourra en être ainsi lorsque laconvention aura été conclue dans un cadre interprofessionnel. Un tel choix, possible lorsqu’ils’agit de mettre sur pied, par exemple, un régime de protection sociale contre le risque dechômage total ou partiel, ne peut le plus souvent être envisagé du fait des trop grandesdisparités existant entre des entreprises appartenant à des secteurs professionnels différents.Aussi bien, la plupart du temps, les parties signataires choisiront-elles comme domaineprofessionnel de leur accord la «branche d’activité» qui regroupe des entreprises ayant unesimilitude d’activités économiques ou, plus rarement, tel ou tel «métier»; l’accord régit alorsla totalité des individus, quelle que soit leur entreprise, qui occupent le même emploi oueffectuent le même travail. Soucieux d’assurer à la convention collective une assietteprofessionnelle aussi large que possible, le législateur impose parfois aux négociateurs deconclure leur convention dans le cadre de leur branche d’activité. Ce fut longtemps le cas enFrance pour les conventions collectives susceptibles d’extension. En général, les partiessignataires jouiront là d’une très grande liberté. Même lorsqu’elles sont obligées, comme dansl’hypothèse évoquée ci-dessus, de conclure la convention dans le cadre d’une «branched’activité», le caractère vague de cette notion, empruntée à la science économique sansqu’elle ait été suffisamment précisée pour être transposée dans le domaine du droit, leur laissepratiquement les mains libres pour modeler le domaine professionnel de la convention.392 Art. L. 132-3 du Code du travail.325


En général, la convention de droit commun peut être conclue aussi bien dans labranche d’activité que sur le plan d’une profession déterminée. Les négociateurs se heurterontd’ailleurs, ici, davantage à des obstacles de fait que de droit. Plus le cadre professionnel estvaste, plus l’hétérogénéité des intérêts mis en cause rendra difficile l’heureuse conclusion dela négociation. Au contraire, le choix d’un cadre professionnel plus restreint permettra plusaisément la signature de la convention du fait de l’homogénéité des intérêts concernés. Laliberté relative reconnue en la matière aux négociateurs ne va pas jusqu’à leur permettre, àl’occasion de la délimitation du «tracé» professionnel, d’englober à l’intérieur de celui-ci dessecteurs que le législateur aurait entendu expressément soustraire à la négociation collective(les entreprises publiques «à statut» par exemple).L’article 31 a du livre Ier du Code du travail français a longtemps caractériséla convention collective par son objet, en précisant qu’elle déterminait les «conditions dutravail». On pouvait alors se rallier à une conception restrictive ou extensive de cette notion.Au sens strict, l’expression «conditions du travail» désigne les conditions auxquelles serontconclus les contrats individuels de travail. Au sens large, elle s’applique à l’organisationsociale de la profession ou de l’entreprise. Le choix entre l’une ou l’autre de cesinterprétations a moins d’importance que précédemment dans la mesure où la loi du13 novembre 1982 a fait sienne une conception très large du rôle de la négociation collective:elle concerne «l’ensemble des conditions de travail et d’emploi et les garanties sociales dessalariés».Limitée d’abord à la réglementation des conditions du travail, l’utilisation de latechnique de la convention collective s’est par la suite répandue. Alors qu’à l’origine il n’yavait que les conventions collectives de travail, il existe à l’époque moderne beaucoup deconventions collectives qui, du fait de leur objet différent, ne méritent plus exactement cettequalification. On citera notamment les conventions collectives de «sécurité sociale» dont lebut est d’organiser de manière complémentaire la protection des travailleurs salariés contrecertains risques sociaux. C’est grâce à ces conventions que des innovations capitales ont étéintroduites en droit français; deux conventions collectives nationales interprofessionnellessignées par le C.N.P.F. et les grandes confédérations syndicales sont à l’origine desallocations complémentaires d’aide aux travailleurs sans emploi, versées par les Associationspour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC): Convention collective nationale(C.C.N.) du 31 décembre 1958, et des régimes complémentaires de retraite et de prévoyancedes cadres et des salariés (C.C.N. du 14 mars 1947 et C.C.N. du 8 décembre 1961). On noteraégalement, en Belgique, la signature de conventions que l’on peut qualifier de«programmation sociale», qui témoignent de la volonté des négociateurs d’assurer un progrèssur le plan social tout en tenant compte des données économiques. Enfin, la signature de la«convention sociale» de la sidérurgie de l’Est permet de déceler une évolution analogue.La convention collective est désormais utilisée hors de son domained’application initial. Elle est devenue l’une des techniques le plus couramment employéesentre groupes sociaux pour régler de façon durable, en dehors de l’intervention directe del’État, les questions, quelles qu’elles soient, intéressant les collectivités en présence. Dans sondomaine originel, celui des relations de travail, où son expansion a été spectaculaire, la faveurpour la négociation collective a été telle, de la part des pouvoirs publics et des organisationssyndicales de salariés, qu’a été affirmé, en droit positif, le droit des salariés à la négociationcollective.326


2° Le droitUn droit à la négociation collective a été octroyé en France. Il a été reconnu endeux étapes aux salariés: par la loi du 13 juillet 1971 d’abord, qui en pose le principe, sanstoutefois en tirer dès ce moment des conséquences concrètes. Il est vrai que le problème àrésoudre n’est point simple et qu’il rappelle celui de la quadrature du cercle: commentconcilier en effet l’affirmation d’un droit à la négociation collective, assorti de sanctionsciviles ou pénales tendant à le rendre efficace, et la liberté contractuelle en vertu de laquellechacun est libre de s’engager ou non dans la voie d’une négociation ? Aussi bien le rapporteurdu projet de loi pouvait-il, à ce propos, plaisamment remarquer devant l’Assemblée nationaleque si «l’on peut bien mener un cheval à l’abreuvoir, on ne saurait le forcer à boire». Ce futdonc un droit sans sanction – et à ce titre risquant de demeurer à l’état d’enveloppe vide – quifut en 1971 affirmé. Malgré la difficulté de l’entreprise, une deuxième étape a été franchieavec la loi du 13 novembre 1982 sur la négociation collective qui organise l’exercice de cedroit: «dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicalesd’organisations représentatives, l’employeur est tenu d’engager chaque année une négociationsur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail» 393 . Cetteobligation, si elle est inconnue par l’employeur, est assortie de sanctions pénales. Par ailleurs,en vertu de l’article L. 132-12 du Code du travail, «les organisations qui sont liées par uneconvention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent au moins unefois par an pour négocier sur les salaires et, au moins une fois tous les cinq ans, pourexaminer la nécessité de réviser les classifications». L’obligation de négocier ainsi formuléeest donc entrée dans les mœurs. Il en est résulté, tout au moins au niveau de l’entreprise, unevéritable efflorescence conventionnelle qui, plus que jamais au sein de l’ordonnancementjuridique, est de nature à poser le problème de la détermination de la place de la conventioncollective.Un juriste italien, CARNELUTTI, a un jour plaisamment affirmé que laconvention collective avait «un corps de contrat et une âme de loi». Sous sa forme de boutade,cette affirmation recouvre une large part de vérité car elle traduit bien l’ambiguïté de la placede la convention collective au sein de l’ordonnancement juridique. Cela est vrai surtoutlorsque l’on envisage les rapports de la loi et de la convention collective au stade del’élaboration. La convention collective emprunte ensuite à la loi une part de sa majesté aucours de l’application, sans que toutefois puisse être méconnue la nécessaire suprématie de laloi dans la hiérarchie des normes juridiques.Les rapports entre la convention collective et les contrats individuels de travailqu’elle a pour but de régir sont plus simples. Les rapports entre la loi et la conventioncollective sont complexes. On peut néanmoins affirmer que la primauté de la loi sur laconvention collective se marque dans le fait que le régime juridique de la seconde est toujoursdirectement ou indirectement défini par la première. Une convention collective ne peut avoirvaleur juridique que si elle a été négociée et conclue selon les lois en vigueur, et si celles-ci necomportent pas de dispositions spéciales en ce domaine; on peut cependant affirmer que si lelégislateur n’a pas manifesté une volonté contraire, il a tacitement autorisé la négociationcollective et laissé, dans le cadre juridique existant, les mains libres aux négociateurs. Laplupart du temps, étant donné l’importance sociale de tels accords appelés à régir parfois descentaines de milliers de salariés, le législateur intervient, soit au point de vue de la forme(exigence d’un écrit), soit, plus rarement, au point de vue du fond (certaines clauses devantfigurer obligatoirement dans l’accord dont le contenu est en quelque sorte prédéterminé:393 Art. L. 132-27 du Code du travail.327


procédure de révision, de dénonciation, etc.). S’il existe bien, dans chaque pays, un «régimelégal» des conventions collectives de travail qui est, selon les cas, plus ou moins élaboré, cenécessaire rappel de la subordination de principe de la norme inférieure à la norme supérieurene suffit pas à donner une vue exacte des liens très particuliers qui unissent loi et conventioncollective. L’articulation des deux normes n’obéit pas partout aux mêmes principes. Encoreque l’on puisse souvent chercher dans tel système national des emprunts partiels à un autresystème où la convention collective dans ses rapports avec la loi joue un rôle différent, il estpossible d’affirmer que, selon les cas et les pays, la convention collective assure l’applicationeffective de la loi, permet de pallier ses insuffisances et, enfin, l’améliore en la prolongeant eten la dépassant dans un sens plus favorable aux salariés; à l’époque moderne, le dynamismede la négociation collective s’est révélé tel que la convention collective a parfois remis encause la loi elle-même, qui de plus en plus fréquemment apparaît, dans le domaine desrelations de travail, comme une loi «négociée».3° La loiLa convention collective est un facteur d’application de la loi qui est pardéfinition impersonnelle et générale. Il peut donc être utile de recourir à une norme «relais»qui, plus proche de la réalité, pourra plus aisément la régir. La convention collective peutopportunément jouer ce rôle. Cela fut vrai surtout dans les pays à économie planifiée et toutparticulièrement en ex-U.R.S.S. Pour la doctrine soviétique, le contrat collectif se présentaitcomme une forme de mobilisation des masses ouvrières en vue de l’accomplissement et dudépassement des plans; il s’agit, dans le texte de la convention collective, moins dedéterminer les devoirs des deux parties signataires conçues comme des obligationsréciproques que de spécifier leurs obligations «conjointes» relatives à l’exécution du plan(M. GREYFIE DE BEL<strong>LE</strong>COMBE 394 en 1958). Dans les pays socialistes, la technique de laconvention collective fut l’une des plus utilisées pour relayer l’action du législateur et larendre plus efficace. Dans les pays non socialistes, il arrive aussi que la négociation collectivepermette de revivifier des textes légaux peu ou mal appliqués. C’est notamment le cas dans lesecteur agricole.La convention collective pallie les insuffisances de la loi en étant uneinstitution protéiforme. La convention collective qui, ici, ne puise force et justification quedans une loi dont elle est le «relais», va s’épanouir ailleurs avec d’autant plus de force quecette loi est lacunaire voire inexistante. L’observation peut être faite souvent dans les paysanglo-saxons, où le droit du travail «légal» est peu développé. La technique de la conventioncollective de travail est couramment en usage aux États-Unis où elle a trouvé un terrain trèsfavorable. Des questions qui, en France, sont pour la plus grande partie résolues par lalégislation (congés payés, pensions et retraites, prérogatives des représentants du personnel)font l’objet en Amérique de négociations entre employeurs et salariés. La législation dutravail, moins envahissante qu’en droit français, laisse à la négociation collective un champd’action plus étendu. L’implantation syndicale beaucoup plus forte qu’en France favorise laconclusion de nombreuses conventions collectives. Le milieu professionnel, soucieux d’éviterune intrusion législative extérieure, va lui-même «sécréter» sa propre loi, parfaitementadaptée aux nécessités de la branche d’activité concernée, ou plus souvent de l’entrepriseconsidérée; c’est en général à ce niveau que l’accord est conclu et appliqué.394 GREYFIE DE BEL<strong>LE</strong>COMBE, Louis, Les conventions collectives de travail enUnion soviétique, 172 p. Editions de l'EHESS, 1958.328


On peut faire des observations analogues sur la situation en Grande-Bretagne.Il a longtemps été difficile de convaincre les juristes anglais de l’existence d’un corps deprincipes légaux pouvant constituer le «droit du travail». La législation applicable avait uncaractère négatif soit pour éliminer les conséquences de décisions dans lesquelles lestribunaux avaient appliqué les principes du droit commun, soit pour empêcher les actesd’hostilité collectifs ou individuels dans les rapports du travail. Elle créait des exceptions auxprincipes du droit commun plutôt que des principes positifs de droit du travail. La négociationcollective a pris une grande extension en Grande-Bretagne à une époque où les syndicatss’étaient assuré, dans de nombreuses branches de l’économie, une position assez forte pourleur permettre de revendiquer le règlement collectif des salaires et autres conditions de travail,sans que leur puissance politique soit suffisante pour leur permettre d’obtenir uninfléchissement de la législation en leur faveur. Pour la majorité des travailleurs, lemécanisme de la négociation collective ne cesse de produire un corps de normes et degaranties, qui les a incités à se passer de l’intervention de la loi (O. KAHN-FREUND,1967 395 ). Les règles sur la conclusion et la résiliation du contrat de travail et sur ses pointsprincipaux: salaires, durée du travail, congés payés, relèvent de la négociation collective.Cette politique d’abstention ou de non-intervention du législateur, ce que l’on aappelé le «laisser-faire collectif», est vivement controversée. Une négociation collectiveefficace ne peut en effet être engagée que par un syndicalisme fort. Or, dans certainesbranches, même en Grande-Bretagne, on peut penser que les syndicats ne sont pas assezimplantés pour pouvoir élaborer seuls, en dehors de toute intervention législative, uneréglementation suffisamment protectrice de leurs mandants. Surtout, on a pu faire valoir quel’attitude britannique traditionnelle envers les lois réglant les rapports de travail est fondée surune hypothèse aujourd’hui contestée, selon laquelle les salaires et les autres conditions detravail peuvent être réglés d’une manière compatible avec l’intérêt général par le jeuréciproque des forces de la direction et du travail. Dans le cadre d’une politique économiqueglobale, définie par le gouvernement, il peut être dangereux de laisser une trop grandeinitiative aux dirigeants des milieux professionnels. Le gouvernement travailliste lui-mêmes’était un temps en 1966 préoccupé des risques de «dérapage» économique et avait «bloqué»les augmentations de salaires décidées, à l’issue de négociations collectives, par lespartenaires sociaux. Dès cette époque, le droit légal du travail avait connu un certaindéveloppement aux dépens du droit conventionnel. La vigilance du gouvernementconservateur à l’égard des syndicats, volontiers taxés d’impérialisme, n’a fait qu’accentuercette tendance.Pour ce faire, la convention collective prolonge et dépasse la loi, en effetlorsque le régime juridique des relations de travail est pour l’essentiel déterminé par la loi, ilest dans la nature de la convention collective de permettre une amélioration du système légal,dans un sens favorable aux salariés. Cela est expressément prévu en droit français par le Codedu travail (L.132-4) selon lequel la convention peut mentionner des dispositions plusfavorables aux travailleurs que celles des lois et règlements en vigueur. Les organisationsprofessionnelles ont très largement utilisé les possibilités qui leur étaient offertes et la voie dela convention collective s’est révélée dans bien des cas plus propre à assurer le progrès socialque la traditionnelle voie législative. Les conventions collectives ont tout aussi bien amélioréce qui existait déjà que créé de toutes pièces des institutions nouvelles, lorsque le besoin s’enest fait sentir. C’est tout le droit du travail qui a été «retouché», amélioré par la signature demilliers de conventions collectives et d’accords d’entreprise.395KAHN-FREUND, O., Comparative law as an academic subject, Ed. OxfordUniversity Press, 1965. Cf biographie complète en fin de thèse.329


Il arrive souvent que le législateur, conscient des avantages que les salariéspourraient retirer de l’application de la convention collective, confie au ministre du Travail etde l’Emploi le soin d’étendre l’application de la convention à tous les employeurs et salariésappartenant à la branche d’activité concernée par l’accord collectif. Ainsi, en France, leministre du Travail et de l’Emploi procède à l’extension par arrêté ministériel. Celui-ci nemodifie pas la nature juridique de la convention collective qui demeure d’après lajurisprudence du Conseil d’État «un contrat de droit privé» (C.E., 4 mars 1960). Son seuleffet, mais essentiel, est de rendre la convention collective obligatoire pour tous lesemployeurs et travailleurs compris dans son champ d’application professionnel et territorial(Code du travail, livre Ier, art. 31 j , 1 er alinéa), sans qu’il y ait lieu de distinguer dès lors entreles entreprises affiliées à un syndicat signataire de la convention, ou ayant adhéré à celle-ci, etcelles qui lui sont demeurées juridiquement étrangères. La vertu contraignante de laconvention est renforcée par un contrôle de l’Inspection du travail et par des sanctions pénalesen cas de violation des dispositions relatives aux salaires.Si la convention collective dépasse la loi elle la remet aussi en cause, c’est uneévolution singulière – due pour l’essentiel à l’évolution défavorable de la conjonctureéconomique – qui a caractérisé, singulièrement depuis 1982, les rapports de la loi et de laconvention collective. Pendant des décennies, la convention collective, dans un contexteéconomique favorable, a pu, au grand bénéfice des salariés, améliorer le régime légalconsidéré comme une sorte de «minimum social garanti» (G. CAMERLYNCK et G. LYON-CAEN 396 ) ayant vocation à être amélioré par la voie de la négociation collective – les«avantages acquis» qui, par stratifications juridiques successives, s’étaient accumulés étaientconsidérés comme intangibles. La crise économique, à partir de 1973, a entraîné sur lesystème conventionnel des effets dévastateurs: le «toujours plus» conventionnel s’est avéré,dans ce contexte, hors d’atteinte; plus grave encore, le simple «maintien» de ce qui avait étéprécédemment acquis a posé problème. C’est dans ces conditions que la loi du 13 novembre1982 sur la négociation collective a autorisé la conclusion de conventions ou d’accordscollectifs d’entreprise «dérogatoires» (art. L. 132-26) qui peuvent se révéler être «en retrait»par rapport à la loi. Certes, il faut que la loi elle-même – qui va être écartée – autorise unetelle « dérogation », et un «garde-fou» a été prévu, le droit d’opposition des organisationssyndicales représentatives non signataires d’un tel accord ayant recueilli les voix de plus de lamoitié des électeurs inscrits lors des dernières élections sociales dans l’entreprise. Certes, unetelle possibilité, par la fluidité qu’elle introduit dans un mécanisme jusqu’ici caractérisé parune extrême rigidité, peut favoriser la signature d’accords dits «donnant donnant» ou enéchange de l’abandon de tel avantage «acquis», tel autre jusqu’alors revendiqué – et de naturedifférente – pouvait, à cette occasion, être obtenu.Il n’en reste pas moins que, malgré les précautions prises, la loi du travail,d’essence protectrice, peut être écartée. Cette mise à l’écart est rendue possible dans undomaine traditionnellement considéré comme «sensible» et marqué du signe de l’ordre public,celui de la durée du travail. Ce fut le cas, dès 1982, puisque, en sus de la question des salaireseffectifs obligatoirement abordée, la durée effective et l’organisation du temps de travail ontdû, dans le cadre de la négociation annuelle, être, au niveau de l’entreprise, également traitées(art. L. 132-27 du Code du travail). La loi du 19 juin 1987 sur la durée et l’aménagement dutemps de travail 397 permet également d’écarter certains textes légaux ou réglementaires soit396CAMERLYNCK (G. H.) et LYON-CAEN (GERARD), Droit du travail, 6èmeédition, Ed. Dalloz, 1973.397 Loi relative à la durée et à l’aménagement du temps de travail, Loi n°87-423 du 19 juin 1987 parue au JO du 20 juin 1987.330


par une convention ou accord collectif conclu au niveau d’une branche d’activité et étendu,soit par une convention ou accord d’entreprise ou d’établissement. Avec le consentement dulégislateur, la loi elle-même s’efface devant la convention ou l’accord collectif de travail. Uneautre manifestation de l’évolution singulière qui affecte les relations de la loi et de laconvention collective de travail peut être décelée dans l’apparition d’un phénomènenouveau – et pour partie inattendu –, celui de la loi négociée.La loi est l’expression de la volonté générale... Tel est l’axiome fondamentalsur lequel repose, en principe, dans une société démocratique, toute construction juridique.Traduit-il aujourd’hui, en matière sociale et plus particulièrement en droit du travail, la réalité? On peut pour le moins s’interroger alors que, depuis le début des années soixante-dix, laplupart des grandes lois votées en matière de droit du travail n’ont fait que reprendre lesdispositions d’accords antérieurs conclus par les partenaires sociaux, qu’il s’agisse de la loi du16 juillet 1971 sur la formation professionnelle qui a repris les accords du 9 juillet 1970; de laloi du 19 janvier 1978 sur la mensualisation qui a repris les dispositions de l’accord du11 décembre 1977; ou encore de la loi du 3 janvier 1975 qui a repris les dispositions desaccords du 10 février 1969 sur la sécurité de l’emploi et du 14 octobre 1974 surl’indemnisation du chômage économique. En ces diverses hypothèses, le législateur – sansdessein préalable semble-t-il – s’était contenté d’entériner les «avancées» d’un droitconventionnel après que la voie de la réforme législative eut ainsi été dégagée. C’est uneétape supplémentaire qui a été franchie en 1986: la loi du 3 juillet 1986 supprimant, en deuxtemps, l’autorisation administrative de licenciement (appelée à disparaître au plus tard le1 er janvier 1987), invitant expressément les partenaires sociaux à engager des négociations surles conditions d’exercice du droit du licenciement, le législateur s’engageant lui-même – àl’avance – à prendre en compte dans une loi nouvelle le résultat desdites négociations,l’engagement pris a été tenu dans la loi du 30 décembre 1986 sur les procédures delicenciement qui a «repris» l’accord interprofessionnel du 20 octobre 1986 sur la sécurité del’emploi précédemment conclu, comme l’avait souhaité le législateur à l’occasion de la loi du3 juillet 1986... Le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi à l’occasion des débatsparlementaires ayant précédé le vote de la loi du 30 décembre 1986, affirma qu’il s’agissait dereprendre «l’accord, tout l’accord, rien que l’accord...», et cette formule revint dans ladiscussion comme un leitmotiv. Certes, le texte en définitive voté s’est sur certains pointsécarté de l’accord, mais, pour l’essentiel, celui-ci transposé dans la loi a connu unetransmutation de sa qualité juridique. Une telle évolution, dont le rythme s’est accentué,mérite de retenir l’attention. Certes, compte tenu des orages que trop souvent engendrel’exercice d’un pouvoir législatif, empreint d’une majesté souvent déphasée par rapport àl’évolution de la société moderne, on conçoit que le législateur ouvre fréquemment lecommode parapluie du droit conventionnel, et la concertation, à notre époque, est dotée devertus que nul ne conteste. Mais c’est en définitive une loi bien humble que celle dont lalégitimité, pour partie tout au moins, doit être recherchée, non plus dans la volonté desreprésentants du peuple mais dans celle des représentants de la profession, fussent-ils«représentatifs».Les rapports de la convention collective et du contrat de travail sont moinscomplexes que ceux qui unissent la convention collective à la loi. Alors que la conventioncollective peut suppléer la loi, il est tout à fait exclu que la conclusion d’une conventioncollective puisse remplacer la signature d’un contrat individuel de travail qui, seul, peut créerentre un salarié et un employeur un lien juridique de subordination. La convention collective aseulement pour objet de déterminer les conditions auxquelles devront satisfaire ultérieurementles contrats individuels de travail auxquels elle est hiérarchiquement supérieure. Ils lui sont331


donc automatiquement soumis et doivent respecter ses conditions, si toutefois l’entreprise ausein de laquelle ces contrats de travail doivent être exécutés entre bien dans le domained’application professionnel et territorial de l’accord, soit que l’employeur appartienne à l’unedes organisations syndicales signataires ou adhérentes à la convention, soit qu’un arrêtéd’extension l’y ait obligatoirement assujetti. Dans les rapports entre convention collective etcontrat individuel de travail, il se pose un problème analogue à celui des rapports de la loi etde la convention collective. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de faire respecter lahiérarchie des règles juridiques en assurant la soumission de la règle inférieure à la règlesupérieure, tout en tenant compte du particularisme du droit du travail qui admet qu’une règlehiérarchiquement inférieure puisse déroger à la règle supérieure, à condition que ce soit enfaveur du salarié. Cela ressort clairement de l’article L. 135-2 du Code du travail, selon lequel«lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord collectif detravail, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf dispositions plusfavorables».La soumission du contrat individuel de travail à la convention collective estassurée avec une grande rigueur grâce à l’utilisation d’une technique exceptionnelle dans ledroit français, celle de la substitution des clauses de la règle hiérarchiquement supérieure àcelles de la règle inférieure qui par hypothèse la méconnaîtrait. C’est là l’effet automatique dela convention collective qui est admis en raison de ses avantages sur le plan pratique. Lesclauses contraires de l’accord individuel sont automatiquement supprimées pour êtreremplacées par celles de la convention collective.Constamment utilisée et depuis déjà assez longtemps, la convention collectiveest devenue l’un des éléments essentiels de l’organisation sociale. Son rôle est aujourd’huiquadruple: elle est un important facteur de promotion sociale, de paix sociale, de progrèssocial; elle est utilisée, enfin, comme technique privilégiée d’organisation de l’entreprise.L’importance de la loi du travail ne doit pas, certes, être sous-estimée. Elleconstitue, au moins dans certains pays comme la France, un «minimum social garanti» surlequel les salariés peuvent compter quelles que soient les insuffisances du systèmeconventionnel. Bien qu’elle soit votée par des représentants élus, la loi n’en demeure pasmoins extérieure à ceux auxquels elle s’applique et qui bien souvent la subissent plus qu’ilsne l’acceptent. Or, par la convention collective, les organes de la démocratie politique laissentle soin de régler les problèmes difficiles à ceux qui les connaissent parce qu’ils les vivent (J.RIVERO 398 , 1951). L’apparition de la convention collective doit être rapprochée du relatifeffacement de la démocratie politique devant la montée de la démocratie sociale. Lesreprésentants des pouvoirs politiques, Parlement et autorités réglementaires, se déchargent surles syndicats, organes de la démocratie sociale, d’une manière essentielle (J. RIVERO, etJ. SAVATIER 399 , 1966). Si un tel «transfert» ressemble parfois à une démission, il n’en reste398J. RIVERO, professeur à l' Université de Droit, d'Economie et deSciences sociales de Paris.399J. RIVERO et J. SAVATIER, Droit du travail, Thémis Droit, P.U.F., Ed.1991, p.82. Loi du 24 juillet 1966. La distinction " entre lesintermédiaires agissant comme mandataires indépendants et ceux agissant àtitre de représentants salariés est souvent difficile. L'application desprincipes généraux conduirait à rechercher, dans chaque cas particulier, sil'intéressé se trouve dans un rapport de subordination à l'égard del'entreprise pour le compte de laquelle il travaille. Beaucoup dereprésentants de commerce jouissant d'une grande liberté d'action dansl'organisation de leur travail, conservant à leur charge certains fraisprofessionnels, et rémunérés seulement par une commission, seraient alors332


pas moins que, pour les représentants du milieu professionnel, le droit conventionnel présente,par rapport au droit d’origine, légal, des avantages évidents, parce que consenti par lesintéressés et modelé par eux. Le succès de l’institution s’explique aussi du fait qu’enparticipant, par l’intermédiaire de leurs représentants syndicaux, à l’élaboration de leur propreloi professionnelle les salariés ont le juste sentiment d’assurer eux-mêmes leur destin. Est-ilmeilleure technique de «promotion sociale» ?Si l’apaisement social ne peut être obtenu par la seule négociation collective,qui en aucun cas ne saurait être considérée comme la panacée devant mettre fin à toutes lestensions qui opposent traditionnellement employeurs et salariés, il n’en reste pas moins que lasignature d’un accord collectif met très souvent fin à une grève ou à un lock-out. Laconvention intervient alors comme «un traité de paix entre classes sociales». La signatured’une convention collective limite également les risques de conflits ultérieurs en apportantune solution sur les points controversés. Enfin, pendant sa durée d’application, tous lesconflits entre employeurs et salariés assujettis à la convention, ou certains d’entre eux,peuvent être interdits de façon à préserver la «paix du travail». La convention collective ayanten effet pour but de stabiliser les rapports des parties pendant la durée de l’accord,l’apaisement recherché ne serait pas atteint si, pendant le cours même de l’exécution, l’un descontractants cherchait, en faisant pression sur l’autre, à obtenir une modification de l’accordinitialement conclu. La portée exacte de cette obligation de «paix du travail» prête àdiscussion et varie suivant les pays. En Scandinavie, par exemple, le recours à la force pourrechercher la modification de la convention collective en vigueur est interdit, les autresprocédés restant permis. Pour cette raison, la question de savoir si les mesures de force sontdirigées contre une convention collective est devenue extrêmement importante et alimentedevant les tribunaux du travail un important contentieux. En France également, les partiessignataires d’une convention collective s’interdisent tous moyens de pression, tels que grèveou lock-out, tendant à obtenir une modification prématurée de la convention, mais ellesconservent le droit de provoquer un conflit collectif sur tous les points qui ne sont pas régléspar la convention collective. Et seules les organisations signataires sont liées par des clauseslimitant le recours au conflit collectif. Les membres de ces organisations sont en effet libresde recourir à un conflit collectif du travail pour obtenir des modifications de la convention. Àcondition de ne pas avoir incité ses membres à agir de la sorte, le syndicat n’est pasresponsable des agissements des syndiqués qui remettraient en cause la convention collectiveavant la date de son expiration normale. Par là même apparaît en droit français le caractèrelimité de l’obligation de «paix du travail». Un aménagement conventionnel est certespossible; il peut tendre à renforcer le caractère contraignant de l’obligation qui pèse sur lesparties à la convention, mais une clause de paix sociale absolue, interdisant totalement lerecours à la grève pour quelque cause que ce soit, pendant la durée d’application de laconvention collective, paraît peu compatible avec la reconnaissance constitutionnelle du droitde grève. C’est surtout dans les pays de la Communauté et essentiellement en Allemagne quel’on trouve assez souvent des clauses de cette nature dans le texte des accords collectifs. Leureffet apaisant est discuté: là où on les rencontre se produit nécessairement une tension lors durenouvellement de la convention collective, parce que les partenaires sociaux savent que c’estconsidérés comme des mandataires, et non comme des salariés bénéficiairesd'un contrat de travail. Mais les avantages accordés aux salariés ontincité les organisations professionnelles de représentants de commerce àréclamer le statut de salariés. Depuis une loi du 10 juillet 1937, modifiéeen 1957 et 1973 (C. Trav., art. L. 751-1 et s.), les représentants decommerce bénéficient d'un statut de salariés comprenant des avantagesdérogatoires au droit commun en matière d'indemnités de clientèle, s'ilsremplissent certaines conditions. "333


à ce moment-là qu’il faut revendiquer pour ne pas risquer d’attendre encore un an ou deuxpour obtenir tel ou tel collective s’est révélée à l’usage un facteur essentiel de progrès social.Les organisations avantage. La convention professionnelles ont très largement utilisé lespossibilités qui leur étaient offertes, et la voie de la négociation collective est apparue pluspropre à assurer le progrès social que la traditionnelle voie législative. L’expérience prouve eneffet que, lorsque les travailleurs ont acquis par la voie de la négociation collective uneamélioration de leurs conditions, l’avantage ainsi obtenu le sera généralement de façondéfinitive, les employeurs n’osant pas en fait ou ne pouvant pas en droit revenir sur unavantage consenti aux salariés. Fréquemment, les syndicats de travailleurs obtiennent, dansles conventions collectives, l’insertion de la clause de «maintien des avantages acquis» quitend à devenir une clause de style par laquelle ils entendent juridiquement se prémunir contretoute régression. Le législateur lui-même, en 1982, s’est efforcé de limiter les effets d’unedénonciation en prévoyant pendant une certaine durée le maintien des avantages individuelsacquis, tant, tout au moins, qu’une nouvelle convention n’aura pas été substituée à laprécédente 400 .Si, une fois la convention venue à expiration, un employeur est juridiquementfondé à expurger des contrats individuels de travail les clauses favorables qui n’y avaient étéque provisoirement insérées, pendant la durée de l’accord collectif, il n’en reste pas moinsque, de crainte de déclencher dans son entreprise un conflit collectif, il se gardera la plupartdu temps de tirer toutes les conséquences de la dénonciation de l’accord ou de son arrivée àexpiration. Dans une perspective de progrès social, la convention collective présentel’avantage de permettre une «cristallisation» de l’acquis; elle permet aussi, et c’est là sa raisond’être, d’améliorer une loi du travail qui joue toujours un rôle de plancher, sans être jamais unplafond. La législation du travail française «baigne» tout entière dans le droit conventionnel.Grâce à la négociation collective, les salariés ont pu, là où la législation était lacunaire ouinsuffisante, obtenir d’importants avantages (garantie de conservation de l’emploi en cas demaladie; garantie de carrière, en matière d’avancement notamment; indemnité delicenciement proportionnelle à l’ancienneté; régime complémentaire de retraite). Ce rôletraditionnel de la négociation collective continue certes à être assuré et la conventioncollective aujourd’hui comme hier est un secteur privilégié du progrès social. On ne peuttoutefois manquer de souligner combien les perspectives classiques sont ici modifiées depuisqu’a été reconnue (1982) la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure des accords«dérogatoires» qui peuvent se révéler être «en retrait» par rapport à la règle légale, ou tout aumoins (si l’appréciation de leur caractère pose ou non aux salariés un problème) se révélerdifférents par rapport à celle-ci. Cette évolution porte témoignage du rôle nouveau que lelégislateur entend, tout au moins implicitement, assigner à la convention collective: celui d’uninstrument d’organisation de la collectivité humaine que constitue l’entreprise.Le rôle n’est pas entièrement nouveau: dès 1945, en effet, il avait été prévu quedes accords collectifs conclus entre le chef d’entreprise et les représentants des organisationssyndicales représentatives du personnel de l’entreprise ou de l’établissement pourraient, dansle cadre de protocoles préélectoraux, répartir les sièges à pourvoir entre les différentescatégories de personnel ou encore organiser les élections si la nature de l’entreprise lejustifiait au niveau des différents établissements composant ladite entreprise. D’ores et déjà, lanégociation collective se voyait attribuer un rôle important dans l’organisation de l’entrepriseconçue comme une institution particulière dont il n’est pas souhaitable qu’à notre époque –démocratie économique oblige – les structures soient définies sans qu’à cette occasion cesdifférentes composantes aient à en connaître.400 Art. L. 132-8 du Code du travail.334


Très tôt, par conséquent, il a été admis que la convention collective de travailn’avait pas seulement et exclusivement pour objet l’amélioration de la condition des salariésmais avait également vocation à être utilisée pour «structurer» l’entreprise conçue comme uneinstitution, obéissant à la logique propre et qui ne saurait être confondue – car elle transcendeles uns et les autres – ni avec la seule personne du chef d’entreprise, ni avec la collectivité dupersonnel. Ce rôle «structurant» de la négociation collective n’eut à l’origine qu’uneimportance limitée, mais il en a été différemment par la suite. Prenant acte de cette évolution,F. LOUBEJAC 401 en 1986 a pu affirmer: «Qui ne voit que le droit du travail pousse, depuisplusieurs années, des ramifications qui ne sont pas directement orientées vers la protection dessalariés ? Nombre de textes organisent avant tout une gestion concertée des ressourceshumaines dans l’intérêt commun de l’entreprise et des travailleurs...» Dès lors, le droitconventionnel lui aussi ne peut qu’être, pour partie tout au moins, le reflet d’une telleévolution dont porte par exemple témoignage la loi du 19 juin 1987 sur la durée etl’aménagement du temps de travail: lorsque le texte en matière de modulation du temps detravail ou de «récupération» des heures perdues autorise la conclusion, au niveau de labranche ou de l’entreprise, de conventions et accords collectifs s’écartant de règles légales –d’essence protectrice – jusqu’ici considérées comme intangibles et marquées du sceau d’unordre public absolu, il s’agit autant, sinon plus, de structurer, d’organiser l’entreprise, que derenforcer – ou plus modestement de maintenir – la protection jusqu’alors assurée aux salariésdont les intérêts étaient, par priorité, pris en compte. À ce droit du travail tout entier orientévers la protection et l’amélioration de la condition des salariés succède un droit du travailquelque peu déboussolé, dont l’aiguille oscille constamment entre la protection des salariés etla prise en compte des intérêts de l’entreprise. Tout comme le droit légal, le droitconventionnel du travail connaît ces oscillations, et un point d’équilibre n’a pu encore êtretrouvé.Le rôle de la convention collective dans les divers domaines ci-dessus évoquésest aujourd’hui essentiel. Cependant, il convient de ne pas tenir pour négligeables les effetsbénéfiques que l’on peut attendre, dans les rapports sociaux, de l’intervention du législateur.Le mécanisme conventionnel peut, dès l’origine, être «grippé» si l’un des protagonistessociaux se refuse obstinément à engager une négociation. Or, très souvent, les chefsd’entreprise qui occupent une position de force n’entendent pas l’abandonner pour sesoumettre aux aléas d’une négociation collective à l’issue de laquelle ils consentirontnécessairement aux salariés quelques avantages supérieurs à ceux qui sont prévus par la loi oupar les conventions déjà existantes. Une négociation collective efficace suppose aussi, ilconvient de ne jamais l’oublier, un syndicalisme fort, alors que, dans bien des branchesd’activité, les salariés ne sont pas syndiqués ou le sont insuffisamment. Aussi bien, est-ceseulement dans une combinaison de ces deux normes juridiques, loi du travail d’une part,convention collective de travail de l’autre, que peut être assuré le succès d’une politique deprogrès social.Si les conventions collectives couvrent un large domaine concernant le travailelles devaient aussi s’attacher au non travail, aux solutions mises en place pour pallier lechômage. Les conventions de conversion sont un recours régulièrement mis en place dontl’efficacité peut varier en fonction de la santé économique du pays. Un salarié peut bénéficierd’une convention de conversion si son emploi doit être supprimé dans le cadre d’unlicenciement pour motif économique. Il doit être lié par un contrat à durée indéterminée(CDI). Si l’entreprise n’est pas assujettie à un plan social, l’employeur doit obligatoirement401 LOUBEJAC, F., Aménagement du temps de travail : un projet à contre-sens?Droit social, 1986.335


proposer d’adhérer à la convention de conversion à l’issue de l’entretien préalable aulicenciement économique.Pour faciliter un reclassement rapide, l’ASSEDIC accorde des avantages àl’employeur qui embauche un adhérent à la convention de conversion : prime à l’embauche; si le nouvel ou futur embauché doit être formé, remboursement partiel ou total du coût de formation.Si l’entreprise est assujettie à un plan social, l’employeur doit informer sesemployés de cette possibilité. Afin de pouvoir en bénéficier, ces derniers doivent : Être totalement privé d’emploi Avoir au moins deux ans d’ancienneté (ou moins si accord d’entreprise) Être physiquement apte à l’exercice d’un emploi Être âgé de moins de 57 ans.Toute entreprise du secteur privé qui cotise à l’assurance chômage quelle quesoit sa forme juridique (société, artisan, libéral, etc.) est concernée ainsi que toute entreprisedu secteur public qui a choisi d’adhérer au régime d’assurance chômage par une optionvolontaire. Pour bénéficier de la prime à l’embauche, l’entreprise doit embaucher un adhérentà une convention de conversion depuis moins de 2 mois. La convention doit aider les salariésappelés à être licenciés pour motif économique à se reclasser rapidement. L’adhérent doitbénéficier d’un pré-bilan évaluation-orientation afin d’évaluer ses acquis et d’apprécier lanécessité d’une formation.Il peut bénéficier : D’une formation d’orientation pour définir un projet professionnel. D ‘une formation d’insertion pour une remise à niveau de ses connaissances D’une formation d’adaptation à un emploi.Les actions de formation ne visent pas un changement radical de carrière etsont limitées à 300 heures. Il peut bénéficier : D’aides au reclassement (entretiens suivis par un personnel spécialisé) D’aides à la mobilité (aides pour se rendre à un entretien d’embauche).Une fois par mois, au cours des 6 mois de la convention, il doit bénéficier d’unentretien avec l’équipe technique de reclassement à l’ANPE pour faire le point sur sasituation. Si l’entreprise n’est pas assujettie à un plan social, l’employeur doit obligatoirementproposer d’adhérer à la convention de conversion à l’issue de l’entretien préalable aulicenciement économique. Si l’entreprise est assujettie à un plan social, l’employeur doitinformer le salarié de cette possibilité et lui remettre un document d’information fourni parl’ASSEDIC contenant un bulletin d’adhésion, lors de la dernière réunion du comitéd’entreprise ou des délégués du personnel. L’employeur lui remet également une convocationà un prébilan d’évaluation et d’orientation. Le salarié dispose d’un délai de réflexion de 21jours pour donner sa décision d’adhérer ou non à la convention. Ce délai est réduit à 15 jourslorsque l’entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire. Le Prébilan d’évaluationorientationest obligatoirement proposé pendant la période de réflexion. Il est destiné àinformer sur le dispositif des conventions de conversion pour que la personne concernéepuisse le comparer à d’autres dispositifs, afin de l’éclairer dans ses choix. Il se déroule dans336


l’entreprise ou dans un lieu mis à disposition par l’entreprise ou l’ANPE. Si le salarié reçoit salettre de licenciement avant l’expiration du délai de 21 jours, cette lettre doit mentionner ledélai dont il dispose encore pour adhérer à une convention de conversion. Il doit renvoyer àson employeur le bulletin d’adhésion avant l’expiration du délai de 21 jours. Dès réception dubulletin d’adhésion, l’employeur lui remet la demande d’allocation de conversion qu’il doitcompléter et signer. Il doit la déposer, accompagnée d’une copie de sa carte d’assuré social etd’une pièce d’identité, à l’ASSEDIC. Il percevra l’allocation à compter de la fin de soncontrat de travail. A l’issue de la convention, s’il n’a pas pu être reclassé, il peut bénéficierdes allocations de chômage. La durée de ses droits à l’allocation unique dégressive (AUD) autaux normal de base est réduite de 75 jours, sauf dans certains cas particuliers.A l’issue de la convention, s’il est reclassé dans un nouvel emploi et qu’il abesoin d’un stage, son nouvel employeur peut alors bénéficier de la prise en charge des fraisde formation. Cette mesure s’applique à condition que le capital des 300 heures de formationdont dispose l’adhérent à une convention de conversion n’ait pas été entamé. Si la personneest recrutée, pour une durée d’au moins six mois, dans les deux premiers mois de laconvention de conversion, le nouvel employeur peut toucher une fraction des deux moisd’indemnité de préavis versée par le précédent employeur à l’ASSEDIC. Ce montant seraréduit en cas de maintien du versement de l’allocation spécifique de conversion au salariéreprenant une activité réduite.Si le salarié choisit d’adhérez à la convention de conversion,son contrat de travail est rompu d’un commun accord avec l’employeur. Il n’a pas à effectuerde préavis, mais les indemnités correspondant à deux mois de préavis ne lui sont pas versées.La date de fin de contrat peut être reportée dans la limite de deux mois, s’il en convient avecson employeur. Ce report n’allonge toutefois pas le délai de réflexion.L’adhérent a droit à des indemnités de rupture de contrat. Il bénéficie : D’une indemnité dont le montant est celui de l’indemnité de licenciement légale ouconventionnelle calculée sur la base de l’ancienneté qu’il aurait acquise s’il avait effectué sonpréavis. De la fraction excédant les 2 mois, si l’indemnité de préavis devait être supérieure à deuxmois.Les salariées dont le congé de maternité ou d’adoption débute pendant laconvention de conversion peuvent bénéficier, au terme de leur congé, de la durée de laconvention restant à courir à la date de début du congé de maternité. Pour les salariés encongé parental d’éducation licenciés pour motif économique en cours de congé, la duréed’indemnisation en allocation spécifique de conversion est ramenée à quatre mois de date àdate. Dans ce cas, le montant de l’allocation de conversion est calculé sur la base de 70,4 %du salaire journalier de référence. L’Assedic verse une prime dont le montant varie enfonction de la date d’embauche. Le contrat de travail doit être conclu pour une durée au moinségale à 6 mois. Si l’employeur estime nécessaire de faire suivre une formation à l’adhérent,avant ou après son embauche, il peut obtenir de l’Assedic la prise en charge du coût de cetteformation, à condition que celle-ci soit d’une durée de 300 heures au maximum et qu’ellecommence avant la fin de la période des 6 mois de la convention de conversion du salarié.L’UTR (l’Unité Technique de Reclassement) apprécie l’opportunité de la formation et soncoût. L’adhérent perçoit l’allocation de conversion pendant six mois à compter du lendemainde la fin du contrat de travail, elle est versée mensuellement. Son montant est égal à 83,4 %du salaire brut antérieur pendant les deux premiers mois et à 70,4 % pendant les quatre moissuivants. Le montant de l’allocation ne peut être inférieur au montant de l’allocation unique337


dégressive (AUD) que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas opté pour la convention deconversion. L’allocation minimale est de 22,86 € (149,94 F) par jour au 01/07/1999.Les retenues sur l’allocation sont diverses : La contribution sociale généralisée (CSG): 6,2 % du montant de l’allocation diminué d’unabattement forfaitaire de 5 % pour frais professionnels. La cotisation de sécurité sociale: 0,75 % du montant de l’allocation. La cotisation de retraite complémentaire: 1,2 % du montant du salaire antérieur. La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS): 0,5 % du montant del’allocation après déduction de 5 % pour frais professionnel.Le salarié peut, au cours de sa période d’indemnisation, reprendre une activitéréduite ne dépassant pas 136 heures par mois. Le salaire perçu durant cette activité réduite nedoit pas dépasser 70 % des rémunérations brutes mensuelles prises en compte pour le calculde son indemnisation. Le nombre de jours d’indemnisation (J) est ainsi calculé :J = salaire brut mensuel de l’activité réduitesalaire journalier (ayant servi de base au calcul de l’allocation).Le dispositif ADAPT-STEER (Adaptation des salariés aux mutationsindustrielles et à l’évolution des systèmes de production) permet à une entreprise qui souhaiteembaucher un adhérent en convention de conversion de lui faire effectuer, dans un des paysde l’Union européenne, un stage de 3 à 8 semaines. Le coût de la formation est entièrementpris en charge. L’entreprise d’accueil peut être une filiale, un fournisseur, un client del’entreprise d’embauche.... L’adhérent bénéficie des prestations d’assurance maladie,maternité, invalidité, décès (remboursement des soins, indemnités journalières, rentes). Ladurée de la convention est prise en compte pour le calcul de la retraite. Il bénéficie égalementde la protection contre les accidents du travail. Pour régler les formalités administrativesl’employeur doit contacter l’Unité Technique de Reclassement chargée du reclassement dusalarié. L’UTR l’informe utilement sur les démarches à effectuer pour obtenir la prime àl’embauche et sur le dispositif ADAPT-STEER. Pour l’aide à la formation, l’UTR précise leplan de formation avec l’entreprise et rédige la convention pour l’Assedic.Textes de référence : Accord national interprofessionnel sur l’emploi du 20octobre 1986 et ses avenants. Loi n°.89-549 du 2/8/89 relative à la prévention du licenciementéconomique et au droit à la convention de conversion des salariés. Accord nationalinterprofessionnel sur l’emploi du 19/12/96, 22/12/93 et avenant du 9/12/1994 portantreconduction du dispositif des Conventions de conversion. Code du travail : articles n.L.321-6, L.321-6-1, L.321-13-1 et L. 322-3Les informations sont disponibles auprès des représentants du personnel ou desorganisations syndicales, de la Direction départementale du travail, de l’emploi et de laformation professionnelle (DDTEFP), de l’ANPE, de l’ASSEDIC, du service Info-Emploi duministère de l’Emploi et de la Solidarité.Pour trouver des candidats qui ouvrent droit à ces aides et obtenir desinformations complémentaires, les entreprises peuvent s’adresser à l’UTR (Unité Techniquede Reclassement) dont elles dépendent. S’agissant d’ADAPT-STEER, les contacts sont àprendre avec la Direction Générale de l’ANPE, la Mission Placement International, le serviceInfo-Emploi du ministère de l’Emploi et de la Solidarité. La convention de conversion est un338


contrat conclu entre l’ANPE (UTR) et l’adhérent pour la construction puis la réalisation deson projet de reclassement. Elle dure six mois de date à date, sans prolongation possible etpeut être interrompue à tout moment si l’adhérent reprend un emploi.Une allocation spécifique de conversion est versée chaque mois si l’adhérent arempli et retourné à l’ASSEDIC sa carte d’actualisation.Le versement de cette allocation cesse : Si l’adhérent n’accompli plus les obligation liées à l’exécution de la convention : abandonsans motif d’une action de formation, refus non légitime des actions proposées par l’UTR,non réponse aux convocations à l’entretien mensuel; dès que l’adhérent retrouve un emploi; à l’expiration des six mois de date à date de la période de conversion; lors de l’octroi de l’aide à la création d’entreprise, lorsque l’adhérent perçoit des indemnités journalières de la Sécurité Sociale, au titre del’assurance maladie, maternité, accident du travail, maladie professionnelle; Si l’adhérent est appelé au service national.L’employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement parlettre recommandée avec demande d’avis de réception 402 ; La date de présentation de la lettrerecommandée fixe le point de départ du délai-congé. « Cette lettre ne peut être expédiéemoins d’un jour franc après la date pour laquelle le salarié a été convoqué en application desdispositions de l’article L. 122-14 » [1].« Toutefois, si le salarié est licencié individuellement pour un motif d’ordre économique ous’il est inclus dans un licenciement collectif d’ordre économique concernant moins de dixsalariés dans une même période de trente jours, la lettre prévue au premier alinéa du présentarticle ne peut lui être adressée moins de sept jours à compter de la date pour laquelle lesalarié a été convoqué en application de l’article L. 122-14. Ce délai est de quinze jours en casde licenciement individuel d’un membre du personnel d’encadrement tel que défini autroisième alinéa de l’article L. 513-1 » [2].« En l’absence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, les délais visés àl’alinéa précédent sont respectivement de quatre jours et de douze jours » [4].« Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables en cas de redressementet de liquidation judiciaires » [3].« En cas de licenciement collectif pour motif économique concernant au moins dix salariésdans une même période de trente jours, la lettre prévue au premier alinéa du présent article nepeut être adressée avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 321-6 » [2].« Lorsque le licenciement pour motif économique d’un salarié est notifié au cours du délai deréflexion prévu au quatrième alinéa de l’article L. 321-6 ou au premier alinéa de l’article L.321-6-1, la lettre mentionne le délai de réponse dont dispose encore le salarié pour accepterou refuser la convention de conversion. Elle précise, en outre, que le licenciement ne prendeffet, dans les conditions prévues au premier alinéa, qu’en cas de refus du salarié d’adhérer àla convention » [5].octobre 1994.Notes : Les dispositions du quatrième alinéa sont entrées en vigueur le 1 erOrigine : D. n° 74-808, 19 sept. 1974, portant mise à jour du Code du travail402 Art. L122-14-1, D. n° 74-808, 19 sept. 1974.339


Textes modificatifs :[1] L. n° 95-116, 4 févr. 1995, portant diverses dispositions d’ordre social[2] L. n° 86-1320, 30 déc. 1986, relative aux procédures de licenciement[3] L. n° 94-475, 10 juin 1994, art. 96 ; L. n° 94-679, 8 août 1994, portant diversesdispositions d’ordre économique et financier[4] L. n° 91-72, 18 janv. 1991, relative au conseiller du salarié[5] L. n° 89-549, 2 août 1989, modifiant le Code du travail et relative à la prévention dulicenciement économique et au droit à la conversionJurisprudence : Effet rétroactif Cass. soc., 6 déc. 1990, n 88-44.884. Unlicenciement ne peut avoir d’effet rétroactif.Délais : Cass. soc., 24 oct. 1985, n° 83-41.621. Un délai de réflexion d’un jourfranc entre l’entretien et la notification est impératif ; Si l’entretien préalable a lieu le 20octobre et la notification du licenciement le 22 octobre, la procédure est irrégulière.Cass. soc., 5 avril 1990, n° 87-45.532 Aucun autre délai que celui posé par l’alinéa 2 del’article L.122-14-1 du code du travail ne s’impose à l’employeur entre l’entretien préalable etla notification du licenciement. L’écoulement d’un délai de plus d’un mois ne vicie pas laprocédure.Cass. soc., 6 déc. 1990, n° 88-45.760 Retard dans le prononcé du licenciement aprèsl’entretien préalable ; Aucun retard ne peut priver l’employeur du droit d’invoquer l’existenced’une faute grave.Cass. soc., 24 janv. 1991, n° 89-40.263 L’article L. 122-4-1 du Code du travail ne fixe aucundélai maximum entre l’entretien préalable et la lettre de licenciement.Pour en savoir plus : Lamy social nos 3067 et s.Art. L122-14-2 (L. n° 86-1320, 30 déc. 1986) L’employeur est tenu d’énoncerle ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l’article L. 122-14-1. « Lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre delicenciement doit énoncer les motifs économiques ou de changement technologique invoquéspar l’employeur. En outre, l’employeur est tenu, à la demande écrite du salarié, de lui indiquerpar écrit les critères retenus en application de l’article L. 321-1-1. « Lorsque le licenciementest prononcé pour un motif économique, mention doit être faite dans la lettre de licenciementde la priorité de réembauchage prévue par l’article L. 321-14 et de ses conditions de mise enoeuvre » [1].licenciement.Origine : L. n° 86-1320, 30 déc. 1986, relative aux procédures deTextes modificatifs : [1] L. n° 89-549, 2 août 1989, modifiant le Code dutravail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion.Jurisprudence : Priorité de réembauchage. Cass. soc., 30 mars 1993, n° 91-42.266 Absence de mention dans la lettre de licenciement ; attribution de dommages-intérêts ;montant ; appréciation souveraine du juge du fond. Cass. soc., 16 déc. 1997, n° 96-44.294. Laméconnaissance par l’employeur des dispositions de l’article L.122-14-2, dernier alinéa, duCode du travail cause nécessairement au salarié un préjudice que le juge doit réparer par uneindemnité. Si le salarié démontre, en outre, que l’omission de mentionner dans la lettre de340


licenciement la priorité de réembauchage l’a empêché d’en bénéficier, l’indemnité spécialeprévue par l’article L.122-14-4, dernier alinéa, est due.Motivation : Cass. soc., 30 juin 1993, n° 92-41.073 Lettre de notification sebornant à invoquer la faute grave du salarié ; motif imprécis équivalant à une absence demotifs ; licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (article L. 122-14-5 du Code dutravail).Cass. soc, 14 mai 1996, n° 94-45.499 Lettre de licenciement ; griefs matériellementvérifiables ; motivation suffisante ; manque de compétence ; manque de projet concret surl’organisation su service ; échec dans les relations avec les collaborateurs ; mécontentementde la clientèle.Lettre de licenciement ; Cass. soc., 20 janv. 1993, n° 91-41.931 simpleréférence à un licenciement collectif pour motif économique ; insuffisance ; licenciement sanscause réelle et sérieuse.Cass. soc., 5 nov. 1992, n° 91-42.430 Motif complémentaire de licenciement énoncé dans uncourrier adressé au salarié le lendemain de l’envoi de la lettre de licenciement ; refus légitimede la cour d’appel d’en prendre considération ; seuls doivent être examinés les motifs dulicenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.Cass. soc., 19 mars 1998, n° 96-40.391 Selon l’article L.122-14-2 du Code du travail,l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de notificationdu licenciement, peu important l’aveu antérieur du salarié. Viole ce texte la Cour d’appel qui,pour débouter un salarié licencié de ses demandes en paiement d’indemnités diverses, énonceque l’employeur n’est pas tenu de motiver la lettre de licenciement quand, par son aveu, avantla lettre de rupture, le salarié a reconnu la réalité des fautes motivant la rupture du contrat.Cass. ass. plèn., 27 nov. 1998, n° 96-44.363 La référence dans la lettre de licenciement auxmotifs énoncés dans la lettre de convocation à l’entretien préalable ne constitue pas l’énoncédu motif exigé par la loi.Cass. soc., 2 déc. 1998, n° 96-44.363 Copie de la lettre de convocation à l’entretien préalable;annexe à la lettre de licenciement ; partie intégrante de la lettre de licenciement ; énonciationdes motifs suffisante.Cass. soc., 7 nov. 1991, n° 90-43.594 Absence de motifs précis dans la lettre de notificationdu licenciement ; licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; juridiction prud’homalenon tenue de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision pénale qui n’est pas susceptibled’influencer la décision de la juridiction civile.Cass. soc., 25 oct. 2000, n° 98-44.086 L’obligation qu’a l’employeur d’énoncer le ou lesmotifs de licenciement dans la lettre de notification est applicable au salarié qui adhère à uneconvention de conversion. Il en résulte que la lettre de licenciement doit mentionner lesraisons économiques et leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail et que l’énoncéd’un motif imprécis équivaut à une absence de motif. Ainsi la seule énonciation dans la lettrede difficultés occasionnées par des grèves et de problèmes de succession provoqués par ledécès de l’associé majoritaire ne constitue pas l’énoncé du motif exigé par la loi.Cass. soc., 29 nov. 1990, n° 88-44.308 Lettre de notification d’un licenciement prononcé àtitre disciplinaire ; absence de motif précis équivalant à une absence de motifs ; droit pour lesalarié à une absence de motifs ; droit pour le salarié à une indemnité de préavis, à uneindemnité de congés payés correspondant au préavis et à une indemnité de licenciement pourlicenciement sans cause réelle et sérieuse.Cass. soc., 20 mars 1990, n° 89-40.515 Impossibilité d’invoquer d’autres motifs que ceuxcontenus dans la lettre de licenciement.341


Cass. soc., 10 janv. 1995, n° 92-44.800 Licenciement disciplinaire ; défaut de motivation dela lettre de licenciement ; motifs allégués au cours des entretiens qui ont précédé lelicenciement ; motifs inopérants.Cass. soc., 17 févr. 1998, n° 97-41.409 Lettre de licenciement insuffisamment motivées ;indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; paiement par l’employeur d’uneprovision ; obligation n’étant pas sérieusement contestable.Cass. soc., 26 mai 1999, n° 97-40.803 Si le moyen tiré du défaut de motivation de la lettre delicenciement n’a pas été soulevé par le salarié devant les juges du fond, il est nécessairementdans le débat. Il appartient donc aux juges de rechercher, au besoin d’office, en respectant leprincipe du contradictoire si la lettre de licenciement énonce le ou les motifs du licenciement.Le fait d’énoncer dans la lettre de licenciement, qu’en raison des résultats largementdéficitaires de l’entreprise, le département gestion réseau a fait l’objet d’une restructurationavec suppression des hiérarchies intermédiaires entraînant la suppression du poste du salariéconstitue le motif précis, matériellement vérifiable exigé par la loi.Signature de la lettre Cass. soc., 29 juin 1999, n° 97-42.208 Pour êtrerégulière, la lettre de licenciement doit être signée. Toute irrégularité de la procédure delicenciement entraîne pour le salarié un préjudice que l’employeur doit réparer et qu’ilappartient au juge d’évaluer. C’est à tort qu’une Cour d’appel déboute un salarié, dont la lettrede licenciement n’avait pas été signée, de sa demande en paiement de dommages-intérêts, auprétendu motif que l’intéressé ne justifiait d’aucun grief.Redressement judiciaire Cass. soc., 18 nov. 1998, n° 96-42.378 Une Courd’appel énonce exactement que la lettre de licenciement qui se borne à faire référence à unjugement adoptant un plan de redressement n’est pas motivée, dès lors qu’il n’est pas précisédans la lettre de licenciement que le jugement avait autorisé les licenciements pour motiféconomique.(D. n° 74-808, 19 sept. 1974) Si le licenciement d’un salarié survient sansobservation de la procédure requise à la présente section, mais pour une cause « réelle etsérieuse» [1], le tribunal saisi doit imposer à l’employeur d’accomplir la procédure prévue etaccorder au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à unmois de salaire ; si ce licenciement survient « pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse »[1], le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de sesavantages acquis ; en cas de refus par l’une ou l’autre des parties, le tribunal octroie au salariéune indemnité. Cette indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois,est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité prévue à l’article L. 122-9. « Le tribunalordonne également le remboursement par l’employeur fautif aux organismes concernés detout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de sonlicenciement au jour du jugement prononcé par le tribunal, dans la limite de six moisd’indemnités de chômage par salarié concerné » [1]. « Ce remboursement est ordonnéd’office par le tribunal dans le cas où les organismes concernés ne sont pas intervenus àl’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. Une copie certifiéeconforme du jugement est adressée par le secrétariat du tribunal à ces organismes. Sur lefondement de ce jugement et lorsque celui-ci est exécutoire, les institutions qui versent lesallocations de chômage peuvent poursuivre le recouvrement des indemnités devant le tribunald’instance du domicile de l’employeur et selon une procédure fixée par décret » [2]. « Dansles mêmes conditions, lorsque le licenciement est jugé comme ne résultant pas d’une fautegrave ou lourde, une copie du jugement est transmise à ces organismes » [3]. « Lorsque lesalarié est inclus dans un licenciement collectif pour motif économique et que la procédurerequise à l’article L. 321-2 n’a pas été respectée par l’employeur, le tribunal doit accorder ausalarié une indemnité calculée en fonction du préjudice subi » [1]. « En cas de non-respect de342


la priorité de réembauchage prévue à l’article L. 321-14, le tribunal octroie au salarié uneindemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire » [4].Origine : D. n° 74-808, 19 sept. 1974, portant mise à jour du Code du travailTextes modificatifs : [1] L. n° 86-1320, 30 déc. 1986, relative aux procéduresde licenciement [2] L. n° 79-44, 18 janv. 1979, portant modification des dispositions du titre Idu livre V du Code du travail relatives aux conseils de prud’hommes [3] L. n° 92-1446, 31déc. 1992, relative à l’emploi, au développement du travail à temps partiel et à l’assurancechômage [4] L. n° 89-549, 2 août 1989, modifiant le Code du travail et relative à la préventiondu licenciement économique et au droit à la conversion.Textes d’application : C. trav., art. D. 122-9Textes en relation : C. trav., art. L. 122-14-14 à L. 122-14-18, L. 122-24-1 àL. 122-24-3 et L. 514-1 à L. 514-15 CGCT, art. L. 2123-1 et s. et L. 3213-1 et s. L. n° 82-847,6 oct. 1982, art. 33 L. n° 85-772, 25 juill. 1985 C. fam., art. 16 C. rur., art. L. 515-1 à L. 515-5CSS, art. L. 142-5, L. 231-9 à L. 231-12.Jurisprudence : Date d’appréciation Cass. soc., 2 févr. 1999, n° 96-40.773 Lesdispositions de l’article L. 122-14-4 du Code du travail ne sont pas applicables aulicenciement des salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et auxlicenciements opérés par les employeurs qui occupent habituellement moins de onze salariés.Une Cour d’appel, qui relève que le salarié, engagé le 1 er juillet 1986, avait été licencié parlettre du 2 juin 1988 reçu le 3 juin 1988, s’est placé à bon droit à la date de présentation de lalettre de licenciement pour apprécier si ces conditions étaient remplies. Il était soutenu enl’espèce que l’ancienneté du salarié devait être déterminée en prenant en compte la période degarantie d’emploi.Licenciement irrégulier Cass. soc., 18 avril. 1991, n° 89-44.868 Lorsque lesdispositions de l’article L. 122-14-4 du Code du travail ne sont pas applicables, le salarié peutprétendre à la réparation tant du préjudice résultant de la rupture abusive que de celui causépar l’inobservation de la procédure de licenciement.Cass. soc., 9 nov. 1977, n° 76-40.766 La preuve de l’irrégularité de la procédure incombe ausalarié.Cass. soc., 15 déc. 1981, n° 79-42.712 Aucune disposition légale n’interdit à l’employeur deréparer l’irrégularité de procédure qu’il a pu commettre.Cass. soc., 24 oct. 1991, n° 89-44.714 Salarié ayant considéré le licenciement comme définitifet ayant saisi le conseil de prud’hommes; indemnisation du préjudice résultant del’irrégularité de la procédure.Cass. soc., 16 janv. 1985, n° 83-40.448 Le Code du travail ne prévoit pas, en cas delicenciement sans cause réelle et sérieuse, l’allocation d’une autre indemnité pourinobservation des formes du licenciement.Cass. soc., 26 mai 1993, n° 88-42.314 Rupture d’un contrat de travail pour faute ; motifdisciplinaire ; absence de convocation à un entretien préalable dans les conditions de l’articleL. 122-41 ; indemnité distincte, au profit du salarié, de celle réparant le préjudice causé par larupture abusive.Cass. soc., 7 juill. 1988, n° 85-44.818 Le salarié qui, en application de l’article L. 122-14 duCode du travail, demande une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,invoque le maximum des droits auxquels il peut prétendre en vertu de ce texte. Sa demande343


tend alors à faire réparer aussi bien le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelleet sérieuse que, le cas échéant, celui résultant de l’irrégularité de la procédure donnant droit àune indemnité égale au plus à un mois de salaire.Cass. soc., 20 juin 1990, n° 85-43.708 Salarié demandant une indemnité pour licenciementabusif ; salarié invoquant le maximum des droits auxquels il peut prétendre ; réparation aussibien du préjudice subi du fait du licenciement que de celui résultant de l’irrégularité de laprocédure.Cass. soc., 6 juill. 1983, n° 81-41.037 Le non-respect de la procédure de licenciementn’entraîne pas la nullité du licenciement.Cass. soc., 17 déc. 1987, n° 86-42.040 Le non-respect de la procédure de licenciement nedonne pas au licenciement un caractère abusif.Cass. soc., 16 mars 1978, n° 76-41.106 Procédure de licenciement irrégulière en la forme ;inutilité de recommencer la procédure.Cass. soc., 22 nov. 1979, n° 78-14.786 Pouvoirs du juge des référés ; incompétence enmatière de nullité du licenciement et de persistance du lien salarial.Cass. soc., 24 oct. 1979, n° 78-40.545 Indemnité prévue en cas de procédure irrégulière ;indemnité ne pouvant être supérieure à un mois de salaire ; appréciation du montant par lesjuges dans les limites du texte.Cass. soc., 12 déc. 1989, n° 87-40.117 La violation des formes du licenciement doit dans tousles cas entraîner une condamnation, fût-elle de principe.Licenciement abusif Cass. soc., 14 nov. 1991, n° 88-44.161 L’article L. 122-14-4 ne limite pas son application aux seuls cas où l’employeur commet un abus ou undétournement de pouvoir.Cass. soc., 7 oct. 1998, n° 96-43.067 Il ne peut être alloué au salarié licencié sans causeéconomique, en plus de l’indemnité fixée à ce titre pour réparer l’intégralité du préjudice subipar suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages-intérêts pour inobservation del’ordre des licenciements. Viole l’article L. 122-14-4 du Code du travail la Cour d’appel quicondamne un employeur au versement de dommages-intérêts pour inobservation de l’ordredes licenciements en plus de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.Cass. soc., 26 avril. 1979, n° 77-15.455 Réintégration du travailleur licencié ; réintégrationprévue dans la seule hypothèse d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et seulement sil’employeur ne s’y refuse pas.Cass. soc., 14 nov. 1980, n° 79-13.372 La réintégration des salariés licenciés sans cause réelleet sérieuse n’est possible que si l’employeur ne s’y oppose pas.Cass. soc., 7 nov. 1985, n° 84-44.661 Réintégration ; incompétence du juge des référés et dujuge du fond.Cass. soc., 31 janv. 1980, n° 78-41.298 Licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;condamnation de l’employeur seulement à une indemnité calculée en fonction du préjudicesubi.Cass. soc., 27 févr. 1980, n° 78-40.731 Appréciation du préjudice subi par le salarié ;indemnité couvrant l’ensemble du préjudice matériel et moral ; appréciation au jour de ladécision du juge pour tenir compte de la situation financière du salarié (perceptiond’allocations de chômage ayant entraîné une réparation seulement partielle).Cass. soc., 22 juin 1993, n° 91-43.560 Indemnité légale due en cas de licenciement sans causeréelle et sérieuse ; indemnité ne pouvant être inférieure à la rémunération brute dontbénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail.Cass. soc., 18 déc. 1975, n° 74-40.477 La disposition légale concernant l’indemnité delicenciement doit être considérée comme ayant une portée générale, applicable chaque fois344


que le licenciement a été effectué sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas deréintégration.Cass. soc., 12 mars 1987, n° 84-41.002 Rupture du contrat de travail dans des circonstancesvexatoires en raison de la brutalité du licenciement ; comportement fautif de l’employeurcaractérisé, ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement ;droit à des dommages-intérêts se cumulant avec l’indemnité de licenciement pour absence decause réelle et sérieuse.Cass. soc., 25 janv. 1989, n° 86-40.688 Réparation du préjudice distinct de celui résultant dulicenciement ; réparation pouvant être assurée par une publication de la condamnation dans lapresse spécialisée.Preuve Cass. soc., 2 déc. 1998, n° 96-44.258 Le salarié peut produire enjustice, pour assurer sa défense dans le procès qui l’oppose à son employeur, les documentsde l’entreprise dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. C’est à tortqu’une Cour d’appel déboute un salarié de sa demande d’indemnité de licenciement sanscause réelle et sérieuse en écartant des débats deux documents qui auraient étéfrauduleusement soustraits à l’employeur par le salarié, alors les documents produits par lesalarié contenaient des informations dont les membres du personnel pouvaient avoirnormalement connaissance. Remboursement des indemnités de chômageCass. soc., 26 mars 1980, n° 78-41.369 Non-respect de la procédure de licenciement ;Licenciement pour cause réelle et sérieuse ; Absence de versement d’indemnités de chômagesupplémentaire pour l’employeur.Cass. soc., 16 mars 1989, n° 86-40.852 En ne visant que les indemnités de chômage, l’articleL. 122-14-4 du Code du travail exclut les indemnités payées au titre du régime de solidarité.Cass. soc., 18 janv. 1989, n° 87-45.591 Les dispositions de l’article L. 122-14-4 prévoyant leremboursement des allocations de chômage ne sont pas contraires aux dispositions de laConvention européenne des droits de l’homme.Cass. soc., 16 juin 1988, n° 85-46.090 Remboursement des indemnités de chômage ;Remboursement ordonné d’office par le tribunal dans le cas où les organismes concernés nesont pas intervenus à l’instance.Cass. soc., 9 mai 1990, n° 87-42.055 L’ASSEDIC ne peut agir par la voie de la tierceopposition contre une décision n’ayant pas ordonné le remboursement des allocations dechômage.Cass. soc., 16 févr. 1987, n° 84-40.131 Remboursement des indemnités de chômage ;ASSEDIC ; Qualité de partie au litige ayant opposé l’employeur au salarié ; Requête enomission de statuer ; Article 463 NCPC.Cass. soc., 12 janv. 1993, n° 88-41.511 Cass. soc., 7 janv. 1992, n° 88-41.584Remboursement des indemnités de chômage ; ASSEDIC ; Requête en omission de statuer ;Article 463 NCPC ; Point de départ du délai d’un an. Cass. soc., 16 juill. 1987, n° 84-45.944Cass. soc., 7 juin 1995, n° 91-43.234 Remboursement des indemnités de chômage; Litigeopposant l’employeur au salarié ; Transaction en cause d’appel ; Dessaisissement de la courd’appel ; Inopposabilité de la transaction à l’ASSEDIC ; Maintien des effets du jugement depremière instance. (L. n° 86-1320, 30 déc. 1986) « A l’exception des dispositions dudeuxième alinéa de l’article L. 122-14 relatives à l’assistance du salarié par un conseiller »[1], les dispositions de l’article L. 122-14-4 ne sont pas applicables aux licenciements dessalariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et aux licenciements opéréspar les employeurs qui occupent habituellement moins de onze salariés. Les salariésmentionnés à l’alinéa précédent peuvent prétendre, en cas de licenciement abusif, à uneindemnité calculée en fonction du préjudice subi.345


Origine : L. n° 86-1320, 30 déc. 1986, relative aux procédures de licenciementsalariéTextes modificatifs : [1] L. n° 91-72, 18 janv. 1991, relative au conseiller duJurisprudence : Effectifs Cass. soc., 1 er avril. 1992, n° 90-43.499Appréciation des effectifs de l’entreprise ; Appréciation à la date de la présentation de la lettrede licenciement. Cass. soc., 5 mai 1983, n° 80-40.707 Une cour d’appel ne peut tenir comptede l’ensemble des effectifs de deux sociétés (d’un groupe), pour la détermination du régimelégal applicable au licenciement d’un salarié, que si ces sociétés avaient été ses employeursconjoints, ce qui ne suffit pas à établir les liens étroits relevés entre elles.Cass. soc., 7 déc. 1978, n° 77-40.327 Société étrangère ayant son siège à l’étranger;Application des dispositions de l’article L. 122-14-6 en fonction uniquement du personnelemployé en France.Cass. soc., 18 janv. 1995, n° 91-41.090 Détermination de l’effectif habituel de onze salariésau regard de l’article L. 122-14-4 du Code du travail ; absence de restriction concernant lessalariés dirigeants de l’entreprise.Ancienneté Cass. soc., 17 oct. 1979, n° 77-41.381 Ancienneté ; prise encompte des périodes de suspension du contrat de travail (en l’espèce pour cause de maladie).Cass. soc., 10 juin 1997, n° 94-42.939 Les dispositions de l’article L.122-14-5 ne sontapplicables qu’aux licenciements des salariés qui ont au moins deux années d’ancienneté dansl’entreprise à la date de présentation de la lettre de licenciementCass. soc., 26 nov. 1987, n° 87-42.331 Détermination des formalités applicables et desconséquences de la rupture du contrat de travail en ce qui concerne le préavis et la procédureà observer ; appréciation à la date de présentation de la lettre de licenciement ; non-incidencedes dates de début et d’expiration du préavis.Indemnités Cass. soc., 30 mai 1990, n° 88-41.329 Indemnités pour procédureirrégulière ; indemnités pour licenciement abusif ; cumul possible (au contraire de l’article L.122-14-4) Lorsque les dispositions de l’article L. 122-14-4 du Code du travail ne sont pasapplicables, le salarié peut prétendre à la réparation tant du préjudice résultant de la ruptureabusive que de celui causé par l’inobservation de la procédure de licenciement.Cass. soc., 28 janv. 1998, n° 95-43.914 En vertu de l’article L.122-14-5 du Code du travail,les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise peuvent prétendre, en casde licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’en cas d’inobservation de la procédurede licenciement, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi. Justifie légalement sadécision un Conseil de prud’hommes qui accorde au salarié à titre de dommages-intérêts unesomme pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une autre somme pour non-respectde la procédure de licenciement.Cass. soc., 11 mars 1998, n° 96-41.350 Le non-respect de la procédure de licenciemententraîne nécessairement un préjudice dont la réparation n’est pas assurée par l’allocation d’unfranc symbolique. Viole l’article L.122-14-5 du Code du travail la Cour d’appel qui pourn’accorder qu’une somme de un franc symbolique à un salarié irrégulièrement licencié énoncenotamment qu’aucun préjudice particulier n’était invoqué par l’intéressé.(D. n° 74-808, 19 sept. 1974) Lorsqu’un salarié, mis par la société au service de laquelle ilétait engagé à la disposition d’une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail,est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer unnouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la sociétémère. Si la société mère entend néanmoins congédier ce salarié, les dispositions de la présente346


section sont applicables. Le temps passé par le salarié au service de la filiale est pris encompte pour le calcul du délai-congé et de l’indemnité de licenciement.Origine : D. n° 74-808, 19 sept. 1974, portant mise à jour du Code du travailJurisprudence : Conditions d’applicationCass. soc., 18 déc. 1984, n° 82-41.412 Aux termes de l’article L. 122-14-8 du Code du travail,la société mère doit fournir au salarié licencié par la filiale étrangère un emploi compatibleavec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère. Les dispositions dece texte ne s’appliquent donc qu’aux salariés qui ont exercé des fonctions dans la société mèreavant d’être mis à la disposition d’une filiale.Effets Cass. soc., 30 juin 1993, n° 89-41.283 Salarié successivement détaché sur le territoirede différents États ; loi applicable au contrat de travail ; législation du Royaume-Uni ; sociétémère ayant toujours conservé la qualité d’employeur ; appréciation de la commune intentiondes parties ; non-application de l’article L. 122-14-8.Cass. soc., 4 déc. 1985, n° 83-41.913 Le fait que le salarié licencié par la filiale étrangère aitreçu de celle-ci des indemnités de rupture ne suffit pas à décharger la société mère del’obligation, découlant de l’article L. 122-14-8 du Code du travail, de lui procurer un nouvelemploi. Si, en application de l’article L. 122-14-8, la société mère qui entend congédier lesalarié doit lui verser des indemnités de préavis et de licenciement en tenant compte del’ancienneté acquise au service de la filiale, les juges du fond ont exactement décidé que cesalarié ne saurait cependant, pour une même période de travail, cumuler les indemnitésversées à ce titre par la filiale qui l’a licencié, avec celles qu’il pouvait obtenir à la suite deson congédiement par la société mère.Cass. soc., 16 janv. 1991, n° 87-42.368 Salarié licencié par une filiale étrangère ; demande derapatriement plus d’une année après le licenciement ; obligation de rapatriement ; absence depreuve du refus des propositions faites au salarié par la société mère.Cass. soc., 6 juill. 1982, n° 80-41.092 Salarié muté dans une filiale étrangère ; licenciementeffectué par la filiale ; obligation de rapatriement de la société mère dès qu’elle aconnaissance du licenciement obligation de lui prouver un nouvel emploi.Licenciement par la société mère, Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-40.544La société mère tenue de réintégrer le salarié après qu’il ait été mis fin au détachement nepeut le licencier qu’en invoquant une cause réelle et sérieuse de licenciement. Chacun desdeux licenciements doit avoir une cause réelle et sérieuse. Cass. soc., 18 mai 1999, n° 96-45.439C’est à tort qu’une Cour d’appel considère comme justifié le licenciement d’un salarié par unesociété mère, après qu’il ait été mis fin à son détachement à l’étranger par un premierlicenciement, en énonçant que la société mère, qui a engagé la procédure de licenciementaprès avoir été avertie des nombreux incidents qui ont émaillé la période d’emploi que lesalarié a effectuée au sein de la filiale étrangère, a fait la démonstration des insuffisancesprofessionnelles et des fautes réelles reprochées au salarié lors de sa mission à l’étranger,alors qu’il lui incombait de statuer séparément sur les deux licenciements successifs etd’examiner si celui prononcé par la société mère avait une cause réelle et sérieuse fondée surdes faits concernant cette entreprise.Pour en savoir plus : Lamy social nos 853 et s.347


La convention du 1 er janvier 1997 relative à l’assurance conversion regroupedes syndicats suivants : le Conseil national du patronat français (CNPF) la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) l’Union professionnelle artisanale (UPA) la Confédération française démocratique du travail (CFDT) la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) la Confédération française de l’encadrement (CFE-CGC) la Confédération générale du travail (CGT) la Confédération générale du travail Force Ouvrière (CGT-FO)Vu les articles L.322-3 et L.353-1 du Code du travail relatifs aux conventionsde conversion ; Vu l’accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986 modifié surl’emploi créant en son chapitre II des conventions de conversion en faveur des salariés dontl’emploi est supprimé pour motif économique ; Vu le protocole du 22 décembre 1986 pourl’application de l’accord interprofessionnel du 20 octobre 1986 sur l’emploi ; Vu l’articleL.353-1 du Code du travail qui confie le recouvrement des contributions destinées aufinancement des allocations et dépenses de fonctionnement prévues par les conventions deconversion aux organismes visés par la convention du 24 février 1984 modifiée relative auxinstitutions de l’assurance chômage ; Vu l’article 2 desdites institutions ; Vu l’article 13 duditaccord qui institue des cellules de conversion dont la mission est de faciliter, par des actionsappropriées, la réinsertion des personnes concernées; Vu le protocole du 6 juillet 1984 relatifaux commissions paritaires interprofessionnelle régionales de l’emploi prévues par l’accorddu 10 février 1969 modifié ; Vu que les cellules de conversion sont composées notamment dereprésentants d’organismes chargés du placement, de l’orientation et de la formation destravailleurs privés d’emploi ainsi que de leur indemnisation ; Compte tenu des dispositionslégales ; Vu l’accord national interprofessionnel du 19 décembre 1996 portant reconductiondu dispositif des conventions de conversion, il s’avère que les conventions de conversion sontmises en place en vue de faciliter le reclassement des salariés qui, à la suite de la suppressionde leur emploi, ne peuvent être conservés dans l’entreprise.L’employeur est donc tenu de proposer une convention de conversion à toutsalarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé, celle-ci leur permet debénéficier de mesures avantageuses pendant les six premiers mois de leur période dechômage. Elles perçoivent un revenu de remplacement au moins égal à celui auquel ellesauraient pu prétendre en restant au chômage et de bénéficier d’actions de formations et desaides au reclassement personnalisées. Pour en bénéficier, il faut réunir plusieurs conditions, etrespecter la procédure. Un règlement est annexé à la convention relative à l’assuranceconversion pour éviter tous ces recours en cassation, les écrits restant encore le plus sûrmoyen de mettre tout le monde d‘accord.348


D. QUELQUES COURANTS DE PENSEELes premiers éléments d’une réflexion économique sur le socialisme sont trèsanciens et l’on ne peut oublier de faire référence à La République de PLATON. Bien au-delàde la suppression de la propriété, l’alternance d’activités, la généralisation du travail manuel,la réduction de la journée de travail (à six heures), le rôle reconnu à l’État dans la direction dela production et dans le partage des fruits du travail, la disparition de l’échange monétaire,l’abondance et le principe de répartition selon les besoins sont déjà présents dans l’Utopie deThomas MORE 403 en 1516. MORELLY 404 systématise ce «modèle» et en établit presque ledétail réglementaire dans son Code de la nature paru en 1755. L’article Économie politiqueécrit par ROUSSEAU 405 pour l’Encyclopédie a un accent socialiste et exalte l’impôtprogressif. Pour réaliser le même objectif «socialiste» d’égalité, l’abbé MABLY 406 se tournede préférence vers des «lois agraires» avec ses œuvres De la législation ou principe des lois,en 1764 et Doutes proposés aux philosophes sur l’ordre naturel et essentiel des sociétéspolitiques paru en 1795.L’approfondissement du capitalisme et le bouleversement des rapports sociauxque suscite le XIXe siècle entraînent aussi bien l’autonomie croissante de l’économiepolitique comme discipline intellectuelle que le développement de certains aspectséconomiques de la pensée socialiste, même si celle-ci ne parvient pas dans l’ensemble àperdre son aspect «moraliste». Au sein de ce foisonnement de théories socialistes, dont uncertain nombre sont encore mal connues, il convient de simplifier et de se contenter dequelques notations. C’est un philosophe, FICHTE 407 , qui écrit L’État commercial privé en1800. Il abandonne les généralités courantes sur la propriété au bénéfice d’une mise en causede la propriété privée: il proclame le droit au travail, il assigne au gouvernement, outre devéritables tâches de planification, la répartition du travail social, la coordination de laproduction et la répartition des revenus, la fixation des prix. Ce rôle autoritaire de l’État nedure que le temps nécessaire pour que les producteurs organisent eux-mêmes leur contrôlemutuel: «Pour une race d’êtres moraux parfaits, il n’y a pas de loi»; c’est l’amorce de lathéorie du dépérissement de l’État. MARX lui-même caractérise en ces termes les «vuespositives» de SAINT-SIMON 408 , FOURIER 409 et OWEN 410 «sur la société future: disparitionde l’antagonisme entre la ville et la campagne, abolition de la famille, de l’industrie privée, dutravail salarié, proclamation de l’harmonie sociale, transformation de l’État en une simple403Thomas MORE (1478-1535), philosophe anglais et grand chancelierd'Angleterre, décapité sur l'ordre d'Henri VIII. Cf biographie complète enfin de thèse.404 MORELLY (1717 env.-env. 1778), Philosophe, auteur du Code de la natureen 1755. Cf biographie complète en fin de thèse.405 Jean Jacques ROUSSEAU (1712-1778) est un écrivain et philosophe genevoisd'expression française. Cf biographie complète en fin de thèse.406Gabriel Bonnot DE MABLY (1709-1785) était un philosophe français. L'abbéMABLY était le frère de Condillac qui était lui aussi philosophe. Cfbiographie complète en fin de thèse.407Johann Gottlieb FICHTE (1762-1814) est un philosophe allemand duXIX e siècle. Cf biographie complète en fin de thèse.408 SAINT-SIMON (1760-1825), Claude Henri de ROUVROY, comte de SAINT-SIMON,lointain cousin du mémorialiste Louis de ROUVROY, duc de SAINT-SIMON,apparaît à la fois comme le dernier encyclopédiste du XVIIIe siècle etcomme le premier socialiste français de l’ère industrielle. «Industriel»,409FOURIER Charles (1772-1837), Cf biographie complète en fin de thèse.410 Robert OWEN, (1771-1858) était un socialiste réformateur gallois. Il estconsidéré comme le « père fondateur » du mouvement coopératif. Cfbiographie complète en fin de thèse.349


administration de la production» (Manifeste du Parti communiste, 1848). FOURIER etOWEN, de leur côté, posent que les conditions du dépérissement de l’État sont réalisées et ilsne s’intéressent qu’à la «gestion des unités de production par les travailleurs eux-mêmes»(H. DENIS). L’industrialisme de SAINT-SIMON, au contraire, suppose bien la suppressiondu «gouvernement des personnes», mais pour lui substituer l’«administration des choses»,c’est-à-dire une forme technocratique mais centralisée d’administration économique.Le XIXe siècle est encore marqué par la pensée de véritables militantssocialistes, voire révolutionnaires: BABEUF 411 , CABET 412 , BLANQUI 413 ... pour ne citer quedes Français. Ils restent plus préoccupés de fournir une analyse critique de l’économie de leurtemps que de réfléchir au contenu d’une société nouvelle, nécessairement socialiste, même sipour BLANQUI «une dictature était nécessaire qui aurait pour tâche de modifier l’ancienordre social et d’introduire le communisme» (G. M. BRAVO) ou si l’économiste danoisL. VON STEIN 414 établit la première distinction du socialisme et du communisme.Ces auteurs ont parfois des disciples et il arrive que leurs «doctrines» donnentlieu à discussions. Mais le véritable débat sur le socialisme ne s’instaure qu’à la suite deMARX. La polémique qui s’engage alors, à partir de PARETO 415 essentiellement, seprolongera jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Elle permet d’éclairer certaines orientationsde l’économie socialiste et doit figurer parmi les «sources» de sa théorie. MARX ne pouvaitfournir une théorie de l’économie socialiste sans abandonner sa méthode même et tomber àson tour dans l’utopie. Mais, tout en refusant de «formuler des recettes pour les marmites del’avenir» 416 , il a une vision globale du socialisme et il la précise dès 1844 : «Le communisme,en tant que dépassement positif de la propriété privée, donc de l’auto-aliénation humaine etpar conséquent en tant qu’appropriation réelle de l’essence humaine par l’homme et pourl’homme, c’est le retour de l’homme à soi en tant qu’homme social, c’est-à-dire humain,retour conscient accompli dans toute la richesse du développement antérieur. Ce communismeest un naturalisme achevé, et comme tel un humanisme; en tant qu’humanisme achevé, il estun naturalisme; il est la vraie solution du conflit de l’homme avec la nature, de l’homme avecl’homme, la vraie solution de la lutte entre l’existence et l’essence, entre l’objectification etl’affirmation de soi, entre la liberté et la nécessité, entre l’individu et l’espèce. Il est l’énigmede l’histoire résolue et il sait qu’il est cette solution [...] Le communisme est la formenécessaire et le principe dynamique du proche avenir, sans être, en tant que tel, le but dudéveloppement humain: la forme achevée de la société humaine 417 .» Il y reviendra ensuite,même s’il ne la développe jamais systématiquement, dans de très nombreuses œuvres et de411 François Noël BABEUF, connu sous le nom de Gracchus BABEUF (1760-1797),révolutionnaire français. Cf biographie complète en fin de thèse.412 Étienne CABET, (1788-1856), théoricien politique français, classé parmiles “ socialistes utopiques ” par Karl MARX et Friedrich ENGELS, qui luiopposent un “ socialisme scientifique ”. Cf biographie complète en fin dethèse.413Louis Auguste BLANQUI dit l'Enfermé, (1805-1881) était unrévolutionnaire républicain socialiste français, associé aux socialistesutopiques. Il doit son surnom “ l'Enfermé ” au fait qu'il passa la plusgrande partie de son existence (près de 35 années) en prison. Cf biographiecomplète en fin de thèse.414 L. VON STEIN, Le Socialisme et le communisme de la France contemporaine,Leipzig, 1842.415Vilfredo PARETO (1848-1923) était un sociologue et économiste italien.Cf biographie complète en fin de thèse.416 MARX, postface de Capital, 1873.417 MARX, les Manuscrits, 1844.350


manière parfaitement cohérente. L’objet de son analyse est la situation de l’homme dans lasociété capitaliste. Il ne pouvait pas ne pas voir en même temps la situation de l’hommenouveau dans cette société socialiste germant de son sein.Certains ont observé que, malgré le désir qu’il en avait, MARX n’a pu sedégager entièrement de toute utopie, et on le comprend du fait de sa passion à discuter detoutes les idées de son temps. Mais, si le socialisme (socialisme achevé, communisme, «modede production du travail associé», ces termes ne semblent pas nettement dissociés) est pourMARX l’objectif vers lequel tendaient sa théorie et sa pratique de militant, ce socialisme esttout autant une nécessité historique appelée par les contradictions qui se développent au seindu capitalisme, en particulier «entre la puissance générale incarnée par le capital, d’une part,et le pouvoir privé du capitaliste individuel, d’autre part». Ces contradictions entraînent «ladissolution de ce rapport en même temps que l’enfantement de conditions générales en vued’une production communautaire sociale. Il s’agit là d’une nécessité...» 418 . C’est parce que lesconditions matérielles et les rapports de production de la société future sont «enveloppés»dans la société présente que l’objectif est réaliste. Cet enfantement ne sera cependant pasautomatique. Bien au contraire, il sera «douloureux» 419 . La lutte de classes est en effet laréalité fondamentale et la classe capitaliste cherchera, d’étape en étape, à résoudre sescontradictions, quitte à en créer de nouvelles, afin de retarder l’avènement, cependantnécessaire, du socialisme. Le prolétariat doit donc s’organiser, car il «doit tout d’abords’emparer du pouvoir politique» 420 . «Mais la classe ouvrière ne peut pas se contenter deprendre tel quel l’appareil d’État et de le faire fonctionner pour son propre compte» 421 . Il nedoit pas seulement «faire changer de main l’appareil bureaucratico-militaire mais le briser» 422 .L’État va devenir superflu, puisque toute distinction de classe est abolie. Alors, «l’État cessed’exister et l’on peut parler de liberté». Et <strong>LE</strong>NINE 423 faisait écho à MARX: «La question dupouvoir est certainement la plus importante de toute révolution. Quelle classe détient lepouvoir ? Tel est le fond du problème.»Cette conquête du pouvoir par la classe ouvrière se manifestera commel’abolition de la propriété privée des moyens de production, la «transformation du capital enpropriété commune». «Le communisme n’enlève à personne le pouvoir de s’approprier desproduits sociaux; il n’ôte que le pouvoir de s’assujettir par cette appropriation le travaild’autrui» 424 . C’est la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ainsi, lesocialisme achevé, c’est bien la propriété collective des moyens de production et le pouvoirpolitique de la classe ouvrière. Et, pour que «la production se trouve sous le contrôle réel et418MARX, C., Le Capital, Livre III, 1867-1894, Paris, Gallimard, LaPléiade, tome 2, 1968.419MARX, C., ENGELS, F., Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt(1875), Paris, Éditions sociales, 1972.420MARX, C., Manifeste du parti communiste, avec ENGELS, 1848, Paris,Gallimard, La Pléiade, 1965.421 MARX, C, Guerre civile en France, 1871. Paris, Ed. sociales, 1972.422MARX, C., lettre à KUGELMAN du 12 avril 1871423Vladimir Ilitch OULIANOV (Влади́мир Ильи́ч Улья́нов), dit <strong>LE</strong>NINE (Ле́нин« l'homme de la Léna »)(1870-1924) est un révolutionnaire et hommepolitique russe, fondateur du POSDR (section russe de la DeuxièmeInternationale), fondateur et dirigeant du parti bolchevik, âme de laRévolution d'Octobre et fondateur de l'URSS. Cf biographie complète en finde thèse.424MARX, C., Manifeste du parti communiste, avec ENGELS, 1848, Paris,Gallimard, La Pléiade, 1965.351


déterminant de la société» 425 , il faut qu’une véritable «centralisation nationale des moyens deproduction», au sens précis que MARX donne à ce terme, qui représente le rassemblement dupouvoir véritable de disposition, constitue la «base naturelle» de la société. MARX élimineainsi tout ce qui pourrait évoquer des collectifs de travailleurs propriétaires de leurs propresmoyens de production et échangeant entre eux les produits de leur travail. La propriétécollective doit se situer au niveau de l’ensemble de la société. «Abandonner le sol à destravailleurs ruraux associés, ce serait exclusivement remettre la société entre les mains d’uneseule classe de producteurs» 426 . Et il précise que ce qui vaut pour l’agriculture vaut aussi pourles mines et les manufactures. Toutefois, cet enfantement demandera du temps. «Entre lasociété capitaliste et la société communiste se situe la période de transformationrévolutionnaire de l’une en l’autre. À cette période correspond également une phase detransition politique où l’État ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire duprolétariat» 427 . La lutte des classes y sera très vive. C’est peu à peu que le prolétariat, seservant de sa suprématie politique, réussira à arracher le capital à la bourgeoisie, à centralisertous les moyens de production, à accroître la masse des forces productives. Tout ce queMARX et ENGELS 428 diront du socialisme devra être compris dans cette perspective, nousfournissant non pas la théorie mais la méthode d’analyse et de compréhension de ce qu’ilsnommaient eux-mêmes «la transition du capitalisme au socialisme».d’ENGELS:1° L’analyse de MARX et d’ENGELSTrois affirmations essentielles caractérisent l’analyse de MARX etPremière affirmation: «Dans la prise de possession sociale des moyens deproduction, la production marchande cesse» 429 . Les moyens de production étant effectivementpossédés et organisés par l’ensemble des travailleurs, les divers procès de production n’ontplus à être reliés par l’échange pour pouvoir fonctionner de manière cohérente. Il n’y a plusd’échange, de marchandise, de prix, de plus-value, de profit, d’intérêt ni de rente. Et, si tel deces mots continue à être employé, son sens est entièrement différent. La loi de la valeur, loid’allocation intersectorielle des ressources et de régulation du système, n’a plus d’objet.Deuxième affirmation: «Dans l’hypothèse d’une production socialisée, lecapital-argent disparaît. La société répartit la force de travail et les moyens de productiondans les différentes branches d’industrie» 430 , et elle le fait en fonction des temps de travailnécessaires à la production des divers biens et de l’utilité sociale de ceux-ci. C’est une autremanière de dire que «le produit total des travailleurs est un produit social » 431 ou que le planest à la fois possible et nécessaire.425MARX, C., Le Capital, Livre III, 1867-1894, Paris, Gallimard, LaPléiade, tome 2, 1968.426 MARX, C., La Nationalisation de la terre, discours prononcé le 15 juin1872.427MARX, C., ENGELS, F., Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt(1875), Paris, Éditions sociales, 1972.428 Friedrich ENGELS (1820-1895) fut un philosophe et théoricien socialisteallemand, grand ami de Karl MARX. Cf biographie complète en fin de thèse.429 ENGELS, Friedrich, Anti-Dühring, Editions sociales.430MARX, C., Le Capital, Livre III, 1867-1894, Paris, Gallimard, LaPléiade, tome 2, 1968.431MARX, C., ENGELS, F., Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt(1875), Paris, Éditions sociales, 1972.352


Cette allocation des ressources entraîne deux autres décisions. D’une part, ilfaut partager le produit entre la consommation et l’accumulation: c’est le choix entre plus detemps libre tout de suite ou plus de biens pour demain. On notera, d’une part, que temps detravail et temps de loisirs cesseront d’avoir une existence antagonique et, d’autre part, que letemps de travail nécessaire s’étendra grâce à la disparition du surtravail soit parce que «lesexigences vitales du travailleur seront plus grandes», soit à cause du «travail nécessaire à laréalisation du fonds social de réserve et d’accumulation» 432 . D’autre part, outrel’accumulation, le produit doit être réparti entre les divers besoins: fonds de réserve et deprévoyance collectives, «consommations de développement», financement del’administration, satisfaction des besoins des travailleurs et de ceux qui ne peuvent travailler.C’est par là que le socialisme assure le développement humain, qui est libération de lacapacité créatrice de chacun et de la société, croissance des forces productives, invention debesoins et de possibilités sans cesse plus importants. Le progrès technique ne sera plusrestreint et infléchi par la stratégie du profit. Les conditions de travail seront respectueuses del’homme. Alors, une fois disparue «l’asservissante subordination des individus à la divisiondu travail et, par suite, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail corporel», le travailne sera plus seulement le moyen de vivre mais «le premier besoin de la vie» 433 .Troisième affirmation: «Là où il n’y a plus de capital, il n’y a plus de travailsalarié» 434 . Bien au-delà du système de répartition, c’est le rapport social constitutif ducapitalisme qui est aboli, les conditions de la répartition ne faisant que refléter celles de laproduction. Pour bien souligner que le travailleur ne vend plus sa force de travail, MARXenvisageait que, «le cas échéant, les producteurs pourraient recevoir des bons leur permettantde prélever sur les réserves de consommation de la société des quantités correspondant à leurtemps de travail» 435 . Et il précisait: «Ces bons ne sont pas de l’argent, ils ne circulent pas».Cette correspondance temps de travail-quantité de biens ne peut déjà plus s’assimiler à lafixation du salaire du travailleur de la société capitaliste, ne serait-ce que parce que cetteégalité vaut pour chacun des travailleurs et pas seulement de manière globale ou en moyenne.Mais derrière une égalité apparente ou formelle se cache une inégalité réelle du fait du «talentinégal des travailleurs», de leur «inégale capacité productive», des différences dans leurssituations de famille, etc. Certes, on ne pourra l’éviter dans la première phase de laconstruction du socialisme. En effet, la société qui vient «d’émerger de la société capitaliste, àtous égards, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancien ordre oùelle a été engendrée», et «le droit ne peut jamais être plus élevé que la structure économiquede la société et le développement culturel qui en dépend». Par contre, dans la phase supérieurede la société communiste, évoquée plus haut, quand le travail sera devenu le premier besoinde la vie, alors la société pourra vivre selon le principe: «De chacun selon ses capacités, àchacun selon ses besoins» 436 .Ainsi se trouve établie chez MARX l’unité du processus de production et duprocessus de distribution et affirmé le principe de cohérence, c’est-à-dire de rationalité dusocialisme, aboutissement et systématisation de toutes les intuitions qui s’étaient exprimées432MARX, C., Le capital, livre I, 1867-1894., coll. La Pléiade, Gallimard,Paris, 1965.433MARX, C., ENGELS, F., Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt(1875), Paris, Éditions sociales, 1972.434 MARX, C., ENGELS, F., Manifeste du parti communiste, 1848435MARX, C., Le capital, livre II, 1867-1894, Paris, Gallimard, La Pléiade,tome 2, 1968.436MARX, C., ENGELS, F., Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt(1875), Paris, Éditions sociales, 1972.353


jusqu’alors. C’est cette cohérence de la société socialiste qui va être discutée dès la fin duXIXe siècle. La théorie du socialisme ne saurait être considérée comme n’intéressant que lespartisans de ce système économique. Avant toute «expérience» socialiste et, par la suite, sanslien avec les débats qu’elle a suscités dans le pays où s’est déroulée la première révolutionsocialiste, les économistes néo-classiques ont abordé de manière indirecte, et en tout casparadoxale, la question de l’économie socialiste.Le système théorique de l’équilibre général, construction la plus élaborée desadversaires de la théorie classique et marxiste, a, en effet, été utilisé à plusieurs reprisescomme image possible d’une économie socialiste, avant de servir de point d’appui desdéfenseurs du socialisme dans le débat célèbre, ouvert en Occident, dans les années 1920, surla rationalité du socialisme. Il peut être alors moins surprenant de constater l’inspiration «néomarginaliste»de certains développements théoriques d’économistes soviétiques de la périodepoststalinienne. Dans la construction théorique de Léon WALRAS 437 , les individus, à la foisconsommateurs et fournisseurs des facteurs de production, maximisent leurs satisfactions; laquantité initiale des facteurs de production, la technologie et les goûts des consommateursétant des données, la détermination de l’équilibre général est détermination tout en mêmetemps des quantités produites et échangées et des prix auxquels se font ces échanges. Les«tâtonnements» ayant lieu «sur le papier», cet équilibre s’établit instantanément. Cet équilibregénéral a été interprété comme la représentation d’une économie pleinement concurrentielle,définie par la parfaite mobilité et la parfaite malléabilité des facteurs de production et par latotale substituabilité des biens et des facteurs de production. WALRAS n’a pas explicité lamorphologie du système qu’il prétendait décrire, et la plupart des auteurs néo-classiquesaffirment facilement que leurs modèles sont compatibles avec n’importe quel type de société.Malgré l’habitude de considérer ces schémas comme représentatifs du fonctionnement ducapitalisme, trois auteurs que l’on ne peut tenir pour acquis à la cause socialiste, FriedrichVON WIESER 438 , Vilfredo PARETO et Enrico BARONE 439 , font de ce schéma la «théoriepure» du socialisme.Pour BARONE, une agence centrale ou un ministère de la production peut sesubstituer au fonctionnement du marché pour réaliser le montant de la production et établirdes prix tels que, étant donné la technologie, les goûts des consommateurs et la quantitéinitiale de facteurs de production, chaque individu se procure le maximum de satisfactions. Lesystème d’équations présenté comme représentatif d’une économie socialiste est identique àcelui par lequel on représentait et on représente le fonctionnement d’une économie capitaliste.Comme lui, il connaît une évolution déterminée. À la limite, on peut même poser le problèmeen sens inverse: l’hypothèse néo-classique de la prévision parfaite revient à supposerl’existence d’un «planificateur omnipotent et omniscient» comme l’écrit F. PERROUX 440 , la437WALRAS, L., L'économie politique et la justice, éd. Économica, 2001.WALRAS, Léon (1834-1910), est un économiste français. Cf biographiecomplète en fin de thèse.438Friedrich Von WIESER est un économiste est un sociologue et économisteautrichien.439Enrico BARONE (1859-1924), économiste italien contribue avec WALRAS etPARETO à l’élaboration de la théorie de l’équilibre général. Cf biographiecomplète en fin de thèse.440Archives de l'Institut de Sciences Mathématiques et EconomiquesAppliquées (publiée avec le concours du C.N.R.S.). La revue a été fondée en1946 par François Perroux pour contribuer au développement d'une "économied'intention scientifique". Son souci était de créer une revue théorique enlien étroit avec la pratique économique, tout en répondant à deuxpréoccupations : faire vivre le pluralisme et soutenir le développement354


concurrence parfaite ainsi entendue s’assimilant alors à la planification parfaite. C’est biend’ailleurs en se référant à un tel «centre» (E. MALINVAUD 441 parle d’un «bureau du plan»que les auteurs contemporains présentent comme schéma d’équilibre général. L’analyse dePARETO et BARONE fournit cette «théorie pure» du socialisme, mais le fonctionnementconcret d’une telle économie est-il pour autant concevable ? À cette question, dès 1920,Ludwig VON MISES 442 répondra négativement. Selon la problématique de l’écoleautrichienne, l’allocation des ressources n’est efficiente que si l’on connaît le degré de raretédes ressources. Il s’exprime par les prix dans le cadre d’échanges effectifs sur le marché.Dans une économie socialiste, où les moyens de production, propriété de l’État, ne font pasl’objet d’échange, aucun critère rationnel ne peut présider à l’allocation des ressources: legaspillage ou le chaos ne peuvent être évités. Quoique sur un mode mineur, F. A. HAYEK 443et Lionel ROBBINS reprennent à leur compte la critique de MISES: une économie planifiéeest concevable théoriquement, mais elle ne peut fonctionner concrètement en raison del’impossibilité technique de la résolution du système d’équations qu’il faut écrire.En 1936, Oskar LANGE 444 , alors influencé par les analyses de HAYEK etROBBINS, réfute l’argumentation de MISES et reconnaît l’importance du calcul économiquedans un système socialiste. Pourtant, l’existence d’un marché n’est pas indispensable; larésolution du système d’équations du schéma d’équilibre général walrasien ne nécessite pasd’actes concrets d’échange. Si les arguments de HAYEK et ROBBINS doivent être pris enconsidération, une procédure institutionnelle peut cependant permettre de résoudre lesdifficultés dans une économie où les moyens de production sont objet de propriété sociale:des prix comptables fixés par une autorité centrale peuvent servir de prix de référence et, parune succession de tâtonnements concrets, permettre de réaliser l’équilibre de l’offre et de lademande. Au mécanisme du marché LANGE proposait, ainsi, de substituer un mécanisme quiconduira au même résultat, mais qui n’en diffère guère cependant puisqu’il maintient une trèsgrande décentralisation.C’est en abandonnant toute référence à l’équilibre général que DOBB 445fournit sa propre réponse à l’argumentation de MISES. En réalité, DOBB refuse de considérerd'une théorie de la dynamique socio-économique. Ce "savoir économiquescientifiquement contrôlé" repose sur la confrontation des observations(enquêtes quantitatives et qualitatives, travaux économétriques) et desinterprétations correspondantes (visions, concepts, lois, théorèmes). Lamise en oeuvre des "dynamiques structurelles" à l'oeuvre en chaque périodede l'histoire exige en effet ce travail permanent d'élaboration et derénovation théoriques. La revue "Economie Appliquée" est une des référencesobligées des étudiants et chercheurs en Sciences Sociales. Son prestiges'étend à l'étranger où elle bénéficie d'une audience certaine. PERROUXFrançois (1903-1987), cf biographie complète en fin de thèse.441 E. MALINVAUD, Leçons de théorie microéconomique, 2ème éd., Paris, Dunod,1971.442Ludwig von MISES, Le Socialisme, Étude économique et sociologique,Éditions M.-Th. Génin, Librairie de Médicis, Paris, 1938.Ludwig von MISES (1881-1973) est un économiste autrichien qui a eu uneinfluence importante sur le mouvement libéral et libertarien moderne. cfbiographie complète en fin de thèse.443 HAYEK Friedrich August Von (1899-1992), Prix Nobel d’économie en 1974,cf biographie complète en fin de thèse.444Lange, O. On the Economic Theory of Socialism, Review of EconomicStudies, Vol. IV, No. 1, 1936. LANGE Oskar (1904-1965), Économistepolonais, cf biographie complète en fin de thèse.445 DOBB, M., Etudes sur le développement du capitalisme, François Maspero,Paris, 1969.355


le problème du calcul économique comme le problème fondamental de l’économie socialiste.Le cadre de l’équilibre général ne peut concerner que l’utilisation efficiente d’un montant deressources données, alors que l’objectif de l’économie socialiste ne peut être quel’accroissement du volume de ces ressources. Dans cette perspective d’accumulation, lacoordination ex ante des décisions est largement supérieure à la coordination ex post queréalise le mécanisme du marché. Paul BARAN 446 va dans le même sens, opposant «de lentesadaptations à des changements plus importants [...], prémisse essentielle à l’application desrègles tirées de l’analyse statique [et] à un choix entre une quantité peu importanted’alternatives technologiques comportant un degré élevé d’indivisibilité et des «coefficientsconstants». Et il conclut, désabusé, que l’office de planification cherchera en vain dans lesouvrages traitant de la théorie économique du socialisme des indications lui permettant devenir à bout de ces complications. Cette réponse nous renvoie à l’ensemble des discussionssur l’interprétation théorique du fonctionnement des économies socialistes contemporaines,alors que la réponse de LANGE renverrait plutôt aux procédures de calcul économique 447préconisées par un certain nombre d’économistes des pays socialistes commeL. V. KANTOROVIC 448 , A. BRODY 449 , J. KORNAI....À partir de 1917, <strong>LE</strong>NINE n’avait plus à définir un socialisme pour l’avenir. Ilavait à en jeter les bases. C’est très souvent à propos de décisions pratiques, dans des notes,des directives, des discours, qu’il formula son analyse théorique: délimitation du secteurd’État, lancement des premières études pour la planification, option en faveur de laproduction prioritaire de biens de production, mais aussi rôle de la lutte des classes au coursde la phase de la dictature du prolétariat et, bien entendu, théorie de l’État. Quand il s’agit depasser à des applications bien plus concrètes, ce qui n’exclut pas le recours à la théorie et nes’en sépare pas, et à partir de l’expérience naissante, <strong>LE</strong>NINE constate la validité de l’analysede MARX et approfondit les questions que pose la première phase de construction dusocialisme. Mais, comme MARX, il sait que les mesures à prendre «seront différentes selonqu’il s’agira de tel pays ou de tel autre» 450 . Précisément, si l’expérience des pays socialistesprise globalement a été assez longue, celle de la diversité des voies de la construction du446 BARAN, Paul A, Economie politique de la croissance, Broché, 1979.447En économie planifiée, le calcul économique de l'efficacité desinvestissements doit tenir compte de paramètres assurant le choix desolutions optimales du point de vue de l'intérêt général. Le paramètre dece type le plus important est le taux (norme) macroéconomique des dépensesd'investissement, déterminé au niveau central. L'auteur rend compte desdiverses méthodes de calcul de ce taux et des formules mathématiquesutilisées. Il aborde successivement, les méthodes utilisant les courbes dechoix des techniques, élaborées par Jan LIPINSKI, les méthodes utilisant lacourbe de production, celles qui sont appliquées quand les courbes deproduction et de choix des techniques ne sont pas connues et la méthodesdes facteurs de solution illustrée par les travaux de L.V. KANTOROVIC et V.NOVOZILOV. Ces diverses conceptions théoriques de recherche du tauxstandard d'efficacité des dépenses d'investissement ne concernent que lesinstallations nouvelles. Aussi, l'auteur envisage-t-il pour terminer lesrapports entre la détermination du taux d'efficacité mentionné ci-dessus etla modernisation des installations anciennes.448KANTOROVICH, L.V. et ALII, L'emploi des méthodes d'optimisation dans lessystèmes automatisés de gestion des branches de l'économie, N° 37 de larevue Economies et sociétés ; Economie en U.R.S.S., Analyses et Etudes, H.CHAMBRE, M. LAVIGNE, Introduction.- I. Théorie économique.449 David BRODY, Métallos de l'acier en Amérique ; la période sans syndicats,Cambridge, Harvard University Press, 1960.450MARX, C., Manifeste du parti communiste, avec ENGELS, 1848, Paris,Gallimard, La Pléiade, 1965.356


socialisme est beaucoup plus brève et donc accroît le risque de théoriser à partir de casparticuliers.Les difficultés de l’analyse proviennent précisément de ce que cette phase deconstruction du socialisme se caractérise par la transformation en profondeur de l’ensembledes rapports de production, une évolution sociale n’étant jamais ni linéaire ni définitive. Or onrepère plus facilement les phénomènes de la circulation que ceux de la production, les formesplutôt que les réalités essentielles. Le langage lui-même peut constituer un écran: le profitsocialiste reste bien formellement une différence entre deux séries de prix, mais ceux-ci sontplanifiés et l’exploitation de l’homme par l’homme a cessé; le «salaire» n’est plus le prixd’une marchandise, mais la part du produit social dont le travailleur dispose pour saconsommation; les catégories marchandes continuent à être «présentes», mais cela n’empêchepas qu’il puisse y avoir dégénérescence de la loi de la valeur, sauf si l’on démontre que lesrapports sociaux qui la fondent se développent. En un mot, on ne se trouve pas devant unmode de production «à l’état pur» (pas même un mode de transition qui serait posé comme unen-soi), mais devant des formations économiques et sociales complexes, c’est-à-direadmettant la dominance de l’un de leurs éléments constitutifs sur les autres et sur lemouvement d’ensemble.Si l’on veut ramener cette complexité à l’essentiel, on constate que certainesunités de production échappent aux décisions du plan en perpétuant des rapports deproduction précapitalistes, capitalistes ou coopératifs et que le plan ne peut pas le négligerpour l’organisation même du secteur qu’il contrôle directement. En outre, pour pouvoir tenircompte de la variété des voies de construction du socialisme (modèles soviétiques, desdémocraties populaires, chinois, cubain, vietnamien, éventuellement yougoslave), l’analysedevrait être diversifiée. À chacun de ces niveaux, préférences et jugements de valeurmodifient l’analyse. On devra cependant se contenter d’observations très généralesregroupées autour de quatre thèmes. Production et circulation des marchandises ne pouvant seréduire l’une à l’autre, il est impossible de les définir par la zone des transferts de biensopposée à celle des échanges de marchandises. Sont du domaine du plan les unités deproduction effectivement dirigées par les organes agissant au nom de la collectivité de tous lestravailleurs, même si elles achètent ou vendent à l’extérieur de cet ensemble: toute autredéfinition conduirait à une définition du socialisme excluant toute liberté de choix de la partdu consommateur.Une telle distinction s’effectue donc à partir de la nature des rapports deproduction. Elle est indifférente aux formes que peuvent revêtir les transferts de biens: ceux-cipeuvent à l’intérieur du domaine du plan s’accompagner de contreparties à formesmonétaires, nécessaires pour la gestion et l’organisation du système de production et lecontrôle de son efficacité, voire se réaliser dans le cadre de quasi-contrats, utilisant des prixqui sont alors des instruments de planification. Le domaine du plan ne saurait s’opposerradicalement à celui du marché. Le marché mondial capitaliste y pénètre avec plus ou moinsd’importance selon la nature des marchandises concernées, même si le fait d’y recourir peutconstituer un moyen d’avancer ultérieurement plus vite vers le socialisme. L’autorité du plann’est pas donnée, mais se construit progressivement: l’existence éventuelle de chômeurs, lemaintien de conditions de travail qui ne permettent pas le plein épanouissement destravailleurs, le recours forcé aux phénomènes régulateurs classiques du capitalisme du type del’inflation, même s’ils prennent la forme de l’organisation des pénuries relatives, l’apparitionde stocks involontaires sont autant de signes de la faiblesse du contrôle de la collectivité surses moyens de production. Cette faiblesse peut être due aussi bien à l’insuffisant357


développement des forces productives, à l’interférence trop puissante du secteur non socialisé(du fait de l’irrégularité de ses ventes ou de ses achats) qu’à l’absence de véritable calculéconomique et social (des erreurs, par exemple, quant au choix des consommateurs, quirévèlent une insuffisante analyse des temps de travail et des utilités sociales des diversproduits).À l’inverse, le plan agit au-delà des frontières de son domaine propre, pourorienter la production agricole en fonction des nécessités de la consommation ou pour réduirela zone du marché mondial capitaliste par l’organisation progressive de la divisioninternationale socialiste du travail. Plan et marché se distinguent certes, mais ne forment pasdeux domaines séparés. Leur articulation et leur interpénétration les modifient l’un et l’autreet constituent un aspect essentiel de la construction du socialisme, qui est l’extensionprogressive du plan. Si un large accord pouvait se réaliser sur les questions précédentes, onpénètre avec les problèmes soulevés par les rapports entre le plan et la détermination des prixet des investissements au cœur d’un débat qui prolonge et renouvelle celui qui s’est développéà l’Ouest dans l’entre-deux-guerres. Il ne peut être résumé sans caricature. Il est trèstechnique, d’une part, et doit beaucoup au large recours aux mathématiques qui caractérisel’ère poststalinienne. Il est essentiellement politique, d’autre part, renvoyant à toutes lesdiscussions sur le niveau de centralisation-décentralisation du plan, sur le taux d’intérêt, surles prix des biens d’équipement, des produits agricoles, des ressources naturelles, voire sur lecaractère économique ou politique que doivent revêtir les stimulants ou les «indicateurs», etc.D’autant plus politique qu’il est en grande partie issu d’une critique de la pratique soviétiquequi consistait à partir d’un prix de revient empirique auquel s’ajoutait une «norme derentabilité» (positive souvent, négative parfois), différente selon les branches, et dont lacohérence n’était pas explicitée.Si peu d’auteurs ont proposé de recourir purement et simplement aux prixmondiaux (sous réserve de les définir), plus nombreux sont ceux qui ont cherché chez MARXles concepts que les économies engagées dans la construction du socialisme pouvaientutiliser. Certains se réfèrent au livre premier du Capital : les prix devraient être égaux auxvaleurs (somme des coûts et d’un «plus» proportionnel aux dépenses de travail).S. STROUMILINE 451 , qui en est partisan, exclut cependant d’utiliser ce principe pour ladétermination du taux d’accumulation. Même si on laisse de côté les difficultés de calcul (lefameux problème dit de la «transformation») ou celles qui tiennent à la détermination de la«valeur» de la force de travail dans le cadre des rapports de production qui excluent le451STROUMILINE partait du principe que le plan est le symbole, un avantage"inné", du socialisme. Mais il avouait en même temps que la théorie de laplanification n'existant pas, la pratique de construction des plans enRussie devançait la réflexion et la recherche dans ce domaine. Le travailde planificateur se composait, d'après lui, de la recherche, dans ledomaine de prévision et de l'analyse des facteurs influençant l'évolution,et de l'art, où le facteur subjectif était important. STROUMILINE insistaitsurtout sur ce dernier facteur subjectif, qui était principalementidéologique, tandis que la science dans la pratique de planification étaitréduite au rôle de "servante" des indications directives. Pour STROUMILINE,il était hors de question d'adapter le plan à la conjoncture économique dumarché. Les méthodes directives et planifiées des administrations devaientremplacer les motivations et les stimulants du mécanisme du marché. Leséchecs économiques en URSS ont toujours été attribués, par STROUMILINE, àl'anarchie des "restes" du marché, et pour palier à de nouveaux attributset règles s'ajoutant aux directives du plan. STROUMILINE, StanislavGoustavovitch (1877-1974); Économiste et sociologue né en Ukraine, cfbiographie complète en fin de thèse.358


salariat, on rencontre les objections de W. BRUS 452 : la société doit émettre des «préférencessociales» quant aux structures de la consommation et de la répartition des revenus; ce principeconduirait à des critères d’investissement tout à fait étrangers aux objectifs du plan. D’autresse réfèrent au livre III du Capital ; les prix devraient être des «prix de production» (sommedes coûts et d’un «plus» proportionnel aux fonds immobilisés). Ce «plus» serait une manièrede prendre en compte les coûts sociaux, mais Charles BETTELHEIM 453 montre les limitesd’une telle prise en compte. Et BRUS fait encore observer qu’une telle règle finirait parorienter les investissements à la résorption des déséquilibres actuels et non au passage de lastructure actuelle à la structure désirée par le plan de l’appareil de production. Ce n’est pas lacombinaison de ces deux principes comme l’explique A. BRODY qui peut résoudre lesproblèmes posés. Il n’est peut-être pas étonnant que l’on ne puisse trouver chez MARX,théoricien du capitalisme, les concepts servant de base à la construction du socialisme.L’apport de L. KANTOROVIC à propos de la programmation linéaire et de la théorieéconomique en Union Soviétique mériterait une longue analyse. Le plan fixe des objectifs etil faut produire un système de prix qui conduise à son exécution, les unités de productioncontrôlées par lui réalisant les règles de «gestion» qui leur sont imposées, les unités deproduction non socialisées restant fidèles à leurs propres mobiles.On peut se demander alors si les évaluations objectivement déterminées queKANTOROVIC propose ne sont pas le résultat de cette constatation que la construction dusocialisme doit recourir à deux «lois» distinctes. E. PREOBRAJENSKY 454 les appelait loi dela valeur et loi de l’accumulation primitive socialiste, BETTELHEIM loi de la valeur et loi derégulation sociale. Ce n’est pas leur dénomination qui importe, mais la compréhension de leurinterpénétration, qui renvoie en la transformant à celle des domaines du plan et du marché:ces deux «lois» interagissent en permanence. Les prix ne sont jamais de pures valeurs, ni depurs prix de production. Ils ne sont jamais exclusivement planifiés, soit du fait des nécessitésdes équilibres comptables, soit du fait des mobiles propres aux unités que le plan ne contrôlepas ou ne contrôle que partiellement. Telle est, schématisée, l’analyse de BRUS. Ainsi, dansl’économie de la construction du socialisme, l’optimum recherché est celui de la satisfactiondes objectifs du plan, d’où la prédominance de l’instance politique, en tant que celle-ci estresponsable de la détermination de ces objectifs.D’une part, la planification constitue une technique économique spécifique:elle met en jeu un ensemble d’institutions plus ou moins centralisées et utilise des méthodesstatistiques et mathématiques destinées à déterminer des optima et à assurer la cohérence del’ensemble des décisions. On ne s’arrêtera pas à ces aspects, car ils ne sont pasfondamentalement caractéristiques du socialisme. D’autre part, et par là il rejoint la naturemême de l’économie socialiste, le plan exprime le pouvoir de la société sur ses propresmoyens de production. On n’insistera pas sur le caractère normatif et impératif du plan: ildécoule de la nature de la propriété des moyens de production. Mais, parce qu’il traduit cepouvoir de la société, il est l’expression fondamentale du pouvoir politique au sein de lasphère de l’économie.452W. BRUS et T. KOWALIK, L'économie et le socialisme selon Oskar LANGE,Revue économies et sociétés, N° 28, Série G, Janvier 1970.453Charles BETTELHEIM (1913-2006) était un économiste et un historienfrançais, cf biographie complète en fin de thèse.454 PREOBRAJENSKY E., La nouvelle économique, Paris, Ed : EDI, 401 P., 1966.359


Pour correspondre à sa vocation, il faut donc que l’autorité planificatrice soit àmême de prendre des décisions qui seront exécutées par les unités de production. Cetteefficacité, selon BETTELHEIM, est essentiellement conditionnée par un développementsuffisant des forces productives. La «centralisation nationale des moyens de production» dontparlait MARX ne peut être assurée sans un niveau élevé de concentration des unités deproduction, et il est juste d’insister aussi sur le rôle des moyens de traitement de l’informationdans l’approfondissement de la planification. Ce serait une erreur de n’y voir qu’un élémentpurement technique. En même temps, le plan ne peut être l’expression du pouvoir de la classeouvrière, de la dictature du prolétariat que s’il est élaboré par cette classe ouvrière. MARXliait la révolution socialiste à la construction de la démocratie. La véritable libération destravailleurs coïncide avec leur pouvoir réel sur l’utilisation de leurs moyens de production.Or, c’est l’ensemble des travailleurs qui est propriétaire de l’ensemble des moyens deproduction, et ce n’est qu’à cette condition qu’une articulation véritable de l’ensemble desprocédés de production peut être mise en place. On ne saurait donc se contenter d’uneparticipation, même active, des travailleurs d’une unité de production aux décisions deproduction la concernant; sauf à n’y voir qu’une première étape. Les travailleurs doiventparticiper à deux types de décisions essentielles qui ne peuvent être prises qu’au niveau del’ensemble de l’économie: la détermination du taux d’accumulation et le choix du modèle deconsommation de longue période.Les travailleurs deviennent maîtres de leurs moyens de production dans lamesure où ils sont maîtres des conséquences de l’utilisation de ces moyens sur leur propreexistence. La fin de la séparation des travailleurs de leurs moyens de production, comme lafin de la séparation des travailleurs de leur produit, passe par une élaboration du plan àlaquelle participent les citoyens non comme «travailleurs dans telle usine», mais comme«travailleurs-consommateurs». Les expériences concrètes ont montré la difficulté de ce quiétait visé: aggravation d’une «aliénation dans le travail» où H. BARTOLI 455 qui privilégiait ledéveloppement des forces productives au détriment des équilibres humains essentiels,production d’une pâle copie des modèles occidentaux de consommation qui détournait del’effort de création de l’homme nouveau que doit construire le socialisme, passivité desmasses.La non-concordance entre les structures de propriété et les rapports sociauxréels s’exprime en particulier dans les aspects multiples du statut des travailleurs au sein del’entreprise. La libération du travailleur passe par l’unité retrouvée du temps de travail et dutemps de non-travail, liée à l’existence d’équipements collectifs socioculturels. L’expériencedes pays socialistes livre des enseignements importants pour la théorie en ce domaine. Elle estaussi liée à une reconsidération totale des conditions de travail et aussi, plus spécialement, del’ergonomie. Ici, les conditions dans lesquelles se sont trouvées concrètement les économiessocialistes les ont empêchées d’avancer beaucoup, et par conséquent les données livrées parl’expérience ne permettent pas encore de jeter les bases d’une analyse théorique approfondie.Les discussions ont porté essentiellement sur la nature de la rémunération du travail, de cequ’il fallait bien encore appeler le «salaire». L’expérience a bien montré que l’ensemblesalaire-prix est le moyen d’assurer à la fois la distribution des revenus et l’orientation de laconsommation. Dès lors, le «salaire» tend à ne plus être un coût de la production, mais ladétermination du partage de la production entre l’ensemble des travailleurs-consommateurs.C’est de la même manière qu’il faut comprendre par exemple l’orientation des kolkhozsoviétiques vers la détermination d’un revenu préalablement fixé, qui s’assimile aux«salaires» de l’industrie. La discussion sur le niveau du «salaire» change alors d’objet. Elle455H. BARTOLI, Economie et Travail humain, ESPRIT, Janvier, 1953.360


est le moyen de la participation des travailleurs à la détermination du niveau général deconsommation, de la structure de celle-ci (les impôts locaux sont le moyen du financementdes équipements collectifs) et donc du rythme d’accumulation, c’est-à-dire finalement dupartage entre temps de travail et temps libre.John MAYNARD KEYNES a été formé à l’université de Cambridge. Élèved’Alfred MARSHALL, il devint lui-même professeur d’économie et enseigna à King’sCollege. De ses nombreux ouvrages, c’est probablement le dernier, la Théorie générale del’emploi, de l’intérêt et de la monnaie 456 , qui est le plus important. Publié à une époque où lemonde sort péniblement de la «grande dépression» déclenchée par la crise économique de1929 et où, dans certains pays comme l’Angleterre, le chômage est devenu permanent, laThéorie générale rompt avec l’analyse traditionnelle; elle explique pourquoi le plein-emploin’est pas automatiquement atteint et conclut, à l’encontre des idées reçues, à la nécessitéd’une intervention de l’État dans la vie économique. Dans le système économique des auteursclassiques, c’est le volume de l’emploi de la main-d’œuvre qui détermine le niveau du revenunational. Réfuté par les faits entre les deux guerres mondiales, ce système fait l’objet descritiques de KEYNES, qui prend pour point de départ l’équilibre sur le marché des produits etservices et sur le marché monétaire, pour aboutir au problème de l’équilibre sur le marché dutravail.Par opposition au modèle classique, le schéma keynésien a attiré l’attention desspécialistes sur les situations de sous-emploi et a conclu à la nécessité d’une intervention del’État qui, tout en sauvegardant au maximum les principes du libéralisme économique, soit denature à mettre fin au chômage permanent. Le système keynésien a eu, de ce fait,d’importants prolongements en matière de politique économique; il a très largement influencél’esprit des actions menées par la puissance publique dans les pays occidentaux jusque dansles années soixante-dix et contribué à faire du plein-emploi un objectif essentiel de cesinterventions. Mais il a également marqué très profondément tout le développement de lathéorie économique. Selon les classiques, si l’on raisonne sur une période de tempsrelativement courte, l’importance du stock de capital et le niveau des connaissancestechniques peuvent être considérés comme donnés: le volume du produit global (Y) dépenddonc uniquement du volume de l’emploi de la main-d’œuvre (N) : Y = f (N). Ce volumed’emploi dépend à son tour du comportement de l’offre et de la demande sur le marché dutravail; sur ce marché, la demande de travail qui provient des entreprises est une fonctiondécroissante du taux de salaire réel, tandis que l’offre provenant des travailleurs estconsidérée comme une fonction croissante de ce même taux. En régime de concurrence, leslibres variations du niveau des salaires et des prix permettent d’aboutir à un équilibre del’offre et de la demande qui est un équilibre de plein-emploi. Lorsque cet équilibre a étéréalisé, le chômage qui peut éventuellement subsister ne peut être qu’un chômage volontaire;si les travailleurs sans emploi exigeaient des salaires moins élevés, ils pourraient se faireembaucher par une entreprise; c’est donc volontairement qu’ils se retirent du marché dutravail; ce ne sont pas de véritables chômeurs.Une fois l’équilibre réalisé sur le marché du travail, le volume de l’emploidétermine automatiquement le produit national, qui est un produit de plein-emploi. Celui-cidonne lieu à une distribution de revenus que les bénéficiaires dépenseront en totalité soit enachats de biens de consommation, soit en achats de biens d’investissement, le taux de l’intérêtassurant sur le marché des capitaux l’égalisation des sommes épargnées et des sommes456 KEYNES, J., Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie,Ed. Les auteurs classiques, 1936.361


investies. La demande globale sera donc suffisante pour absorber tous les biens et servicesproduits (loi des «débouchés»); il ne saurait y avoir ni surproduction générale ou déficiencede la demande au niveau national, ni par conséquent chômage involontaire. Aucuneintervention de l’État dans la vie économique n’est donc nécessaire. L’équilibre sur le marchédes produits et services se définit habituellement au plan national par l’égalité de l’épargne(S) et de l’investissement (I). L’équation prend la forme de S = I. Pour qu’il y ait équilibre, ilfaut, en effet, que l’offre globale de biens et services, c’est-à-dire le produit national (Y), soitégale à la demande (D) de ces mêmes biens et services. L’équation est la suivante, Y = D. Leproduit global (Y) se compose d’une masse de biens de consommation et d’une masse debiens d’équipement qui sont offerts sur les marchés. En contrepartie de la production de cesbiens, une masse de revenus est distribuée, dont le montant est égal à Y. De ces revenus, lesbénéficiaires font deux parts: l’une est dépensée en achats de biens de consommation, l’autreest épargnée; on peut donc écrire que Y = C + S. Les sommes épargnées sont retirées de lacirculation; mais, empruntant ces sommes ou utilisant des crédits bancaires, les entreprisespeuvent acheter des biens d’équipement, c’est-à-dire procéder à des investissements (I). Lademande globale de biens et services peut donc être représentée par la somme de D = C + I.Lorsque l’équilibre est réalisé sur le marché des biens et services, l’offre et la demandeglobales sont égales et Y = D, ou, ce qui revient au même C + S = C + I. D’où l’on tirel’égalité de l’épargne et de l’investissement S = I.Dans le système keynésien, le comportement des agents économiques, en cequi concerne l’utilisation de leurs revenus, est décrit par une propension à consommer ou àépargner en vertu de laquelle l’épargne (S) apparaît comme une fonction croissante du revenu(Y) S = f (Y). Quant à l’investissement effectué par les entreprises, il dépend de l’efficacitémarginale du capital, c’est-à-dire du rendement d’un investissement supplémentaire; encomparant ce rendement au coût financier de l’investissement matérialisé par le taux del’intérêt, on peut déterminer les investissements qu’il est profitable d’effectuer. Il est clair queplus le taux d’intérêt pratiqué par les banques est élevé, moins nombreux sont lesinvestissements rentables; c’est dire que l’investissement global (I) est une fonctiondécroissante du taux d’intérêt (i ) I = (i ). À l’équilibre, nous avons l’égalité suivante, S = I ouS(Y) = I(i ). Cette condition d’équilibre signifie que, pour tout taux d’intérêt donné, il existeune et une seule valeur de Y pour laquelle l’épargne et l’investissement considérés a priorisont égaux et inversement. Ainsi, Y est une fonction de i et inversement. Il résulte deshypothèses posées que Y diminue lorsque i augmente; en effet, un taux d’intérêt plus hautentraîne une diminution de l’investissement et donc de l’épargne qui lui est égale; or, uneépargne plus faible suppose un revenu réel moins important. On peut donc dire que Y est unefonction décroissante de i. Cette fonction est connue sous le nom de «fonction IS».2° Les théoriciens de l’équilibre généralL’équilibre sur le marché monétaire est nécessaire et implique ce queKEYNES introduit explicitement dans l’analyse, l’équilibre suppose l’égalité de l’offre (M) etde la demande (L) de monnaie sous la forme de M = L. Le volume (M) de l’offre de monnaie(ou la quantité de monnaie en circulation) dépend des autorités monétaires et bancaires; onpeut le considérer comme donné. Quant à la demande de monnaie (L), elle dépend de lapréférence pour la liquidité des agents économiques. Une distinction est introduite entre lademande de monnaie pour les transactions et le motif de précaution (L1) et la demande demonnaie pour la spéculation (L2); la première est une fonction croissante du niveau du revenunational nominal (revenu réel multiplié par niveau des prix, soit p Y); la seconde est unefonction décroissante du taux d’intérêt (i).362


Une bonne approximation de l’équation de l’équilibre monétaire M = L est,dans ces conditions, donnée par M/P = KY + L(i). Si le niveau général des prix ( p ) estsupposé constant, l’offre réelle de monnaie (M/p) est également constante pour une quantitéde monnaie en circulation M donnée. La demande de monnaie pour effectuer les transactionset faire face au motif de précaution (L1) est représentée dans l’équation par k Y; elle estproportionnelle au volume du revenu global réel (Y), k étant un coefficient deproportionnalité. Quant à la demande réelle de monnaie pour la spéculation (L2 = L(i )), elleest une fonction décroissante du taux d’intérêt (i ).L’offre réelle de monnaie étant donnée, l’équation monétaire établit unenouvelle relation entre le taux d’intérêt et le revenu réel. Il résulte des hypothèses posées que iet Y varient dans le même sens, ce qui peut s’interpréter en disant que Y est une fonctioncroissante de i. En effet, plus le taux d’intérêt s’élève, plus la demande de monnaie pour laspéculation, L(i ), diminue; puisque l’offre réelle de monnaie (M/p ) est constante, plus demonnaie devient disponible pour assurer les transactions; pour que cette monnaie disponiblesoit utilisée et que l’équilibre monétaire reste assuré, il faut nécessairement que le revenu Ys’élève, un revenu plus important signifiant un plus grand nombre de transactions dansl’économie nationale. Cette relation de même sens entre le taux d’intérêt et le revenu réel estappelée «fonction LM». On dispose de deux équations exprimant respectivement l’équilibresur le marché des produits et services. La première est I(i ) = S(Y), et l’équilibre sur lemarché monétaire est M/p = k Y + L(i ). Ces deux équations expriment deux relations entre letaux d’intérêt (i) et le revenu global réel (Y). De la première, il ressort que Y est une fonctiondécroissante de i ; de la seconde que Y est une fonction croissante de i. La résolution dusystème fournit les valeurs de Y et de i pour lesquelles l’équilibre existe simultanément surles deux marchés considérés. Le problème ne comporte qu’une solution; les deux courbesreprésentatives IS et LM ne se coupent, en effet, qu’en un point, soit P sur le graphique.À ce point correspond sur l’abscisse une valeur du produit global Y qui est leproduit ou revenu national d’équilibre. La réalisation de ce produit d’équilibre peut conduireles entreprises à embaucher un nombre de travailleurs correspondant très exactement àl’effectif de travailleurs disponibles. Dans ce cas, l’équilibre correspondra au plein-emploi surle marché du travail. Mais cette situation est en soi exceptionnelle; il y a plus de chances pourque la coïncidence entre le volume du produit global d’équilibre et le plein-emploi ne seréalise pas, l’hypothèse la plus vraisemblable étant celle du sous-emploi. Supposons qu’enutilisant toutes les ressources en main-d’œuvre disponibles on puisse obtenir un produitglobal plus important que Y, soit Z. Sur le graphique, la verticale issue de Z représente lalimite du plein-emploi. L’équilibre du marché des produits et du marché monétaires’accompagne ainsi d’un déséquilibre sur le marché du travail puisque, sur ce marché, il y aun excès d’offre symbolisé par la distance YZ. La question qui se pose est de savoir si cetexcès d’offre déclenchera des forces susceptibles de rétablir l’équilibre sur le marché dutravail. Le niveau des prix (p ) étant donné, si la concurrence règne entre les travailleurs, ceuxqui sont en surnombre feront baisser le taux de salaire nominal (s ), ce qui entraînera uneréduction des salaires réels (s/p ) et une augmentation de l’emploi. Dans la perspectiveclassique, l’équilibre se rétablira sur le marché du travail au niveau du plein-emploi.La conclusion de KEYNES est différente. Il note d’abord que, dans le mondemoderne, le taux de salaire nominal auquel s’intéressent les travailleurs n’est pas parfaitementflexible dans le sens de la baisse. Dans un environnement institutionnel caractérisé par laprésence des syndicats dans les négociations, il existe un taux de salaire nominal considérécomme un minimum vital et au-dessous duquel aucune rémunération ne peut descendre. Si le363


salaire réel correspondant à ce taux est trop élevé pour que tous les travailleurs soientemployés par les entreprises, la réduction requise du salaire réel (s/p ), dans l’hypothèse où sest bloqué dans le sens de la baisse, suppose une hausse du niveau général des prix (p ) et,par conséquent, un accroissement de la demande globale de biens et services. Cetaccroissement ne peut être provoqué que par une intervention de l’État; il n’a pas de raison dese produire spontanément, étant donné le comportement prêté aux agents économiques en cequi concerne l’utilisation de leurs revenus. En admettant même que la concurrence règne surle marché du travail et que les salaires nominaux puissent baisser librement, le retour au pleinemploine serait pas automatiquement assuré. Si, en effet, la baisse des salaires nominauxallège les coûts de production des entreprises, elle représente en même temps une diminutionde revenus pour un groupe important de consommateurs, les travailleurs. Cette diminution derevenus provoque la réduction des débouchés des entreprises, de telle sorte que les chefsd’entreprise n’ont pas de raison d’embaucher de la main-d’œuvre supplémentaire; le chômagepersistera. Enfin, si les salaires et les prix continuent à baisser tant qu’il y a du chômage, lesencaisses monétaires détenues par les agents économiques prendront de plus en plus devaleur, ce qui équivaudra à un accroissement de l’offre réelle de monnaie. Cette augmentationde l’offre réelle de monnaie devrait, en temps normal, faire baisser le taux d’intérêt, stimulerles investissements et provoquer la reprise de l’activité économique. Pour KEYNES,cependant, si l’activité est faible et le sous-emploi important, ce mécanisme ne se déclencherapas, car le surplus de monnaie sera absorbé par les encaisses de spéculation dès que le tauxd’intérêt aura atteint une valeur critique minimale, de l’ordre de 2 %. À ce moment,l’économie sera dans la «trappe à liquidités»; aucune tendance automatique au plein-emploine se manifestera et un équilibre de sous-emploi s’établira d’une manière durable.On notera pour finir que, dans le modèle classique, il n’y a qu’un niveaud’équilibre possible, celui qui correspond au plein-emploi de la main-d’œuvre. Dans lesystème keynésien, au contraire, il y a autant de niveaux d’équilibre concevables qu’il y a deniveaux possibles de la demande globale de biens et services. Le système keynésien peut êtreprolongé lorsque les pouvoirs publics, principalement, exercent une influence sur l’activitééconomique et le niveau auquel s’établit l’équilibre global en intervenant soit sur le marchémonétaire, soit sur celui des produits et services. Dans le premier cas, leur action se manifestesur une modification de la fonction LM qui décrit l’équilibre monétaire; dans le second cas,elle se traduit par un déplacement de la fonction IS qui représente l’équilibre sur le marchédes biens et services. Le premier type d’action est l’objet de la politique monétaire, le secondcelui de la politique financière.La politique monétaire est constituée par l’ensemble des décisions et desinterventions entreprises par les autorités monétaires (gouvernement et banque centrale) envue d’agir sur l’activité économique. Le principal moyen à la disposition des autorités est lamodification de l’offre nominale de monnaie (M). Mais les pouvoirs publics peuventégalement s’efforcer de modifier les prévisions des agents économiques relatives à l’évolutionfuture du taux d’intérêt; ils peuvent aussi exercer par leurs décisions une influence sur «l’étatde la confiance» et les perspectives de profit des chefs d’entreprise. Dans la lignekeynésienne, la politique monétaire est généralement envisagée comme une action visant àassurer le plein-emploi. L’idée maîtresse qui domine cette politique est la suivante: touteaugmentation de la quantité de monnaie en circulation (due, par exemple, à des opérationsd’« open-market» sous forme d’achats de titres par la banque centrale) réduit le taux d’intérêt;tant que l’économie n’est pas dans la «trappe à liquidités», cette diminution du taux d’intérêtstimule les investissements qui, à leur tour, induisent, grâce aux distributions supplémentairesde revenus qu’ils provoquent, des dépenses nouvelles de consommation; ces dépenses364


additionnelles appellent une augmentation de la production et du volume de l’emploi. Mais lapolitique monétaire peut perdre son efficacité si, comme le soutiennent les auteurs modernes,l’investissement n’est pas sensible aux modifications du taux de l’intérêt. En ce cas, il fautrecourir à la politique financière. Dans l’économie moderne, les pouvoirs publics doiventassurer une quantité de tâches que l’initiative privée n’est pas en mesure d’entreprendre:assurer la défense du pays, rendre la justice, diffuser l’enseignement et la recherche,construire des routes, des hôpitaux et des logements, etc. Ces tâches entraînent des dépensesimportantes dont le financement suppose des recettes. L’État et les collectivités publiques ontdonc un budget; toutes les décisions concernant les recettes et les dépenses publiquesconstituent la politique financière.Les décisions de politique financière influent sur le niveau du produit national;c’est ainsi qu’une augmentation des dépenses de l’État ou de la «consommation publique»provoque, toutes choses égales par ailleurs, un accroissement du produit global. Toutefois, laquestion se pose de savoir d’où proviennent les fonds utilisés par l’État pour acheter les bienset services nécessaires au bon fonctionnement des administrations, car le prélèvement desrecettes publiques peut affecter les décisions de dépense des autres agents économiques,entreprises et ménages. Normalement, les ressources financières de l’État proviennent desimpôts; mais l’État peut aussi emprunter. Or l’impôt et l’emprunt exercent une influence surla structure des dépenses des agents économiques concernés; cette influence doit être prise enconsidération si l’on veut apprécier correctement l’impact des variations de la consommationpublique sur le niveau du revenu global.D’une manière générale, les pouvoirs publics ont le choix entre trois grandespolitiques possibles: modifier les dépenses publiques sans toucher au montant des impôts;modifier les recettes fiscales sans toucher au volume des dépenses; modifier également etsimultanément les dépenses et les recettes. Chacune de ces trois politiques exerce uneinfluence différente sur la mesure dans laquelle les administrations interviennent sur lemarché des biens et services et contribuent à la détermination du niveau d’équilibre macroéconomique;chacune exerce un effet différent sur l’importance de la dette publique puisquetoute dépense non couverte par une recette équivalente donne lieu à un emprunt. Sur ce pointon notera que, si l’État peut agir sur le niveau de l’activité économique sans déséquilibrer sonbudget, dans la perspective keynésienne une véritable politique financière a pour premierobjectif de promouvoir une activité économique telle que tous les biens susceptibles d’êtreproduits trouvent des acheteurs; en d’autres termes, la politique financière d’un gouvernementdoit être jugée d’après les effets qu’elle exerce sur la demande globale et non pas surl’équilibre ou le déséquilibre du budget de l’État. Or, la politique d’équilibre budgétaire,supposant une évolution égale et simultanée des recettes et des dépenses publiques, n’est pasnécessairement la plus efficace. On remarque, en outre, qu’une augmentation des dépensespubliques (à recettes fiscales constantes) est plus stimulante et a des effets « multiplicateurs »plus importants qu’une réduction des impôts d’un même montant (à dépenses publiquesconstantes).Soulignons encore que la politique financière peut agir sur l’activitééconomique par l’intermédiaire d’une modification de la répartition du revenu national. Sicette politique a pour effet de prélever une fraction importante des revenus des citoyensriches, dont la propension à consommer est faible, pour la redistribuer à des catégoriessociales plus modestes dont la propension à dépenser est forte, l’action redistributive ainsiopérée stimulera les dépenses de consommation au détriment de l’épargne, développera lesdébouchés des entreprises et entraînera une augmentation du niveau de l’emploi. Mais il est365


clair que ces considérations ne sont valables que pour une économie en récession, danslaquelle les pressions inflationnistes ne sont pas trop puissantes. Les prolongements politiquesdu système keynésien se sont enfin manifestés en matière de relations économiquesinternationales. Pour relancer une activité insuffisante, il est apparu qu’il pouvait être utile desusciter un excédent de la balance commerciale en développant les exportations et en freinantles importations; cette intervention va à l’encontre du retour actuel au libéralisme deséchanges; elle suppose, d’ailleurs, pour être efficace, que l’économie à laquelle elle s’appliquene soit pas trop dépendante de l’étranger pour ses approvisionnements essentiels. L’influencedu système keynésien sur le développement de l’analyse économique s’est exercée en de trèsnombreux domaines. L’un des apports essentiels de KEYNES est d’avoir définitivementintroduit la monnaie dans les enchaînements qui conduisent l’économie vers sa positiond’équilibre. On peut d’ailleurs noter que, si le schéma keynésien a mis l’accent sur lessituations de sous-emploi, les instruments d’analyse forgés par l’auteur de la Théorie généralede l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie peuvent s’appliquer à l’étude des situations de pleinemploiet de sur-emploi dans lesquelles se manifeste une hausse du niveau général des prix etse posent des problèmes monétaires particulièrement délicats. Lorsque l’activité économiqueest telle que l’on approche de la barrière du plein-emploi, lorsque le volume de l’emploi nepeut plus pratiquement être accru, le produit global réel n’est plus, à court terme, susceptibled’être augmenté. Si, dans ces conditions, la demande globale de biens et services dépasse uneoffre devenue rigide dans le sens de l’expansion, l’équilibre ne peut se rétablir qu’en valeur,par une hausse du niveau général des prix. On est en présence d’un processus d’inflation parla demande. Il convient, toutefois, de souligner que, dans la réalité, les prix commencent àmonter bien avant que le plein-emploi ne soit totalement réalisé dans l’ensemble del’économie. Les autorités monétaires peuvent alors intervenir en restreignant l’offre demonnaie, ce qui fait monter le taux d’intérêt, décourage les investissements, réduit la demandeglobale et stoppe le processus inflationniste. Cependant, dans le monde moderne, une tellepolitique a peu de chances de provoquer la baisse du niveau des prix et des salaires en raisondes résistances des agents économiques intéressés; elle n’est pas apte à stopper une inflationpar les coûts, c’est-à-dire un mouvement de hausse dû à la pression des organisationsprofessionnelles et syndicales et qui n’implique pas nécessairement un excès de la demandeglobale sur l’offre disponible.Un autre prolongement important du système keynésien résulte de l’extensionde l’analyse à la longue période et à l’étude de la croissance économique. Les successeursimmédiats de KEYNES, extrapolant la constatation du chômage permanent à l’évolutionhistorique des économies développées, avaient pronostiqué l’instauration d’une ère destagnation et de maturité économiques. Dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale,la croissance rapide des économies occidentales a orienté les disciples de KEYNES versl’élaboration de modèles de croissance qui décrivent les conditions d’un développementrégulier supposant le maintien de l’équilibre économique au niveau du plein-emploi. Mais lerayonnement de la pensée de KEYNES dépasse le cercle de ceux qui se disent ses disciples.Tous les économistes modernes ont subi son influence; la théorie contemporaine estkeynésienne dans la mesure où elle utilise largement l’analyse en termes de quantités globales(revenu national, investissement et épargne globale, niveau général des prix), où elle recourt àune approche monétaire, où elle élabore des modèles comportant une distinction entre desvariables autonomes et des variables dépendantes. L’importance de ce rayonnement a fait dusystème keynésien la «révolution keynésienne».366


3° Les autres économistes et le chômageSi K. MARX a fait un usage intensif de la notion de classes sociales, lamajeure partie des penseurs du XIXe siècle estime que sa paternité lui est cependantantérieure. Pour MARX, les classes sociales ne sont pas des " agrégats d'individus " mais un"système de positions antagonistes définies par des rapports sociaux". Les rapports deproduction sont à l'origine de la division sociale en deux groupes distincts : les détenteurs desmoyens de production (capitalistes) et ceux qui ne possèdent que leur force de travail(prolétaires). Les classes sociales n'existent que dans le cadre de la lutte des classes, lutte parlaquelle elles prennent conscience d'elles-mêmes, ce qui constitue le moteur de l'histoire.Selon les théoriciens du déséquilibre, les prix des biens et des services ainsi que le salaire sontfixes et tout déséquilibre sur les marchés qu'ils soient des biens et des services ou bien dutravail entraîne un rationnement par les quantités.Dans le cas du chômage classique, le niveau de profit est insuffisant donc lesentreprises n'augmentent pas voire baissent leur production même s'il existe une demande nonsatisfaite. Dans le cas de l'inflation contenue, cela signifie que par rapport à la demande debiens et de services, il y a une insuffisance de main d'oeuvre et de production ce qui conduit àune hausse des prix. Les deux types de chômage, keynésien et classique, sont extrêmementdifficiles à distinguer car ils entretiennent des relations ce qui explique les difficultés à luttercontre. Ainsi, l'évolution des capacités de production qui semble avoir limité la demande detravail à certaines périodes est déterminée par le taux d'investissement, qui lui-même dépenddes perspectives de demande. D'autre part, la compétitivité sur les marchés extérieursinfluence le niveau de la demande extérieure. La faiblesse de la demande étrangère peut êtrele reflet d'une compétitivité insuffisante. En termes de politique économique, tenter deremédier à un chômage keynésien (insuffisance de la demande) par une plus grande flexibilitédu marché du travail ne résout rien tant que les entreprises n'ont pas de commandes ellesn'embauchent pas et cela quel que soit le niveau de salaire. De même, une relance de lademande n'aurait aucun effet sur un chômage de type classique, le coût du travail trop élevénuisant à la rentabilité des investissements.Selon la théorie marxiste, l'exploitation provient du fait que le travailleurproduit plus que ce qui est nécessaire à la reproduction de sa force de travail. L'exploitationprend un aspect volontaire dans le système capitaliste car les contrats de travail entre lesagents (travailleurs d'un côté, capitalistes de l'autre) sont passés librement.Selon la théorie du job search ou chômage prospectif de RUEFF 457 , l'individuprocède à un calcul coût-avantage lors de sa recherche d'emploi. L'information étantimparfaite, il peut être avantageux pour lui de prolonger sa période de chômage afind'acquérir le maximum d'information sur les postes disponibles. Il arbitre entre, d'une part, lecoût (perte de revenus pendant qu'il est au chômage, coûts de l'information, etc.) et, d'autrepart, le revenu futur d'un emploi meilleur. Dans ce cadre, l'indemnisation du chômagediminue le coût de recherche et allonge d'autant la durée du chômage. L'indemnisation duchômage serait également à l'origine de l'existence de la trappe à chômage. La désincitation àreprendre un emploi du fait de l'existence de l'indemnisation du chômage conduit l'individu àaugmenter sa durée au chômage et par la suite ses difficultés à être embauché. Cette trappe sedistingue de celle à pauvreté qui exprime la désincitation à accroître le revenu d'une personne457Jacques RUEFF (1896-1978) est un haut fonctionnaire et économistefrançais. Cf biographie complète en fin de thèse.367


déjà en emploi (accroissement de la durée d'emploi ou effort en vue d'augmenter le taux desalaire).Selon KEYNES et à sa suite les keynésiens, le chômage n'est pas dû à unmauvais fonctionnement du marché du travail. Ils réfutent l'idée de l'existence d'un marché dutravail au sens néo-classique. Les salariés ne peuvent offrir un travail en fonction d'un salaireréel puisqu'ils ne maîtrisent pas les prix des biens et des services. Ils négocient seulement unsalaire nominal. Ce sont les entrepreneurs qui fixent les prix des biens et des services. Leniveau d'emploi dépend des décisions des entrepreneurs qui cherchent à maximiser leur tauxde profit en fonction d'un univers incertain où ils anticipent l'offre et la demande globale. Enconséquence, le niveau d'emploi peut ne pas correspondre au niveau du plein emploi. Si lademande effective (au sens anticipée) est faible, les entrepreneurs fixeront un niveau deproduction faible et toute la population active ne trouvera pas forcément d'emploi.Selon le courant néo-classique, le chômage provient des rigidités dufonctionnement du marché du travail. Le travail est un bien comme un autre qui s'échange surun marché. L'offre de travail vient des salariés. Ces derniers arbitrent entre l'acquisition d'unrevenu grâce au travail et le loisir. Une hausse de salaire peut se traduire par une offresupplémentaire ou bien une réduction, le salarié dans ce dernier cas ayant une préférence pourle loisir. De même il existe un taux de salaire d'acceptation ou salaire de réservation, c'est-àdireun taux de salaire minimum à partir duquel un individu donné passe d'une offre de travailnul à une offre de travail positive. L'offre de travail est fonction croissante du salaire réel. Lademande de travail des entreprises dépend de la productivité marginale du travail et du salaireréel. L'entrepreneur demande du travail jusqu'au point où le bénéfice réalisé par une unitésupplémentaire de travail compense le coût du travail supplémentaire. La demande de travailest une fonction décroissante du salaire réel puisque pour les néo-classiques la productivitémarginale est croissante puis décroissante à partir d'un certain niveau. Si les conditions deconcurrence pure et parfaite sont respectées sur le marché du travail, il existe un niveau desalaire d'équilibre qui permet la satisfaction de l'offre et de la demande de travail. Si l'offre detravail est supérieure à la demande de travail, la baisse du salaire conduit certains offreurs àsortir du marché du travail et des demandeurs à entrer sur le marché. A l'inverse, lorsque lademande est supérieure à l'offre, le salaire augmente ce qui provoque l'afflux d'offreurs detravail et la sortie de demandeurs de travail. Si un déséquilibre persiste, c'est en raison del'existence de rigidités qui empêchent le salaire de se fixer à son niveau d'équilibre et ainsi laréduction de l'écart entre l'offre et la demande de travail. Les dysfonctionnements ou rigiditéssont de plusieurs types : existence d'un salaire minimum, indemnisation du chômage,syndicats, législation sur la protection de l'emploi, politique fiscale et prélèvements sociaux.Pour RUEFF et FRIEDMAN, il résulte que le chômage est d'abord et avanttout volontaire. Si pour les théoriciens néo-classiques tels que SHAPIRO ou STIGLITZ, lesalaire est fonction de la productivité du travail, pour les théoriciens du salaire d'efficience, lavariation de la productivité du travail du salarié dépend de son salaire. Si celui-ci est élevé ilest incité à fournir un effort supplémentaire. Cela peut expliquer la rigidité à la baisse dessalaires. Les chômeurs qui désirent travailler à un salaire inférieur ne trouvent pas à êtreembauchés car les employeurs craignent de perdre les salariés en place dont la productivité estélevée.Quelque soit la théorie de l’emploi appliquée, les effets négatifs sur l’emploientraînent le licenciement et le chômage de salariés qui entrent en convention de conversion.368


E. <strong>LE</strong> LICENCIEMENTLa mise à pied peut être perçue comme une mesure de moindre mal puisquec’est une suspension temporaire du contrat de travail décidée par l’employeur qui s’oppose àce que le salarié exécute son travail et perçoive le salaire correspondant. Plusieurs raisonspeuvent conduire l’employeur à prendre une telle mesure: des motifs économiques, des motifsdisciplinaires, la nécessité, enfin, d’écarter immédiatement un salarié de l’entreprise en raisonde circonstances exceptionnelles. Il convient donc de distinguer la mise à pied pour raisonséconomiques de la mise à pied disciplinaire et de la mise à pied conservatoire.Lorsque l’entreprise connaît de graves difficultés (réduction importanted’activité par exemple), l’employeur peut être amené à mettre à pied tout ou partie dupersonnel. La mesure s’apparente alors au lock-out, à ceci près que le lock-out est une riposteà la grève alors que la mise à pied est ici commandée par des motifs purement économiques,hors de tout conflit collectif du travail. Le but de l’employeur qui prononce une mise à piedéconomique est à l’évidence de décharger l’entreprise en difficulté du poids des salairesqu’elle ne pourra pas — ou pourra difficilement — supporter. Ce faisant, l’employeurméconnaît les engagements résultant pour lui des contrats de travail. Il apporte à ceux-ci unemodification qualifiée de «substantielle» qui permet à chaque salarié d’adopter deux attitudes:soit, confiant en l’avenir et souhaitant avant tout conserver son emploi, il accepte lasuspension provisoire de son contrat; soit il refuse la privation temporaire de travail et desalaire et le fait savoir à l’employeur lequel, s’il persiste, assume la responsabilité d’unerupture qui s’analyse en un licenciement.Les salariés mis à pied pour raisons économiques perçoivent les allocations dechômage partiel versées par l’État, éventuellement une indemnisation complémentaired’origine conventionnelle à la charge de l’employeur, et la rémunération mensuelle minimaleprévue par la loi et pesant en partie sur l’employeur, en partie sur l’État.La mise à pied disciplinaire est prononcée par l’employeur à la suite d’unefaute du salarié. C’est une sanction traditionnelle, inhérente au pouvoir disciplinaire del’employeur et généralement prévue au règlement intérieur de l’entreprise. Elle occupe dansl’échelle des sanctions une position intermédiaire entre les sanctions mineures que sontl’avertissement, le blâme, et les mesures disciplinaires plus lourdes comme la mutation, larétrogradation, le licenciement. En tant que sanction disciplinaire, la mise à pied est soumise àl’ensemble du droit disciplinaire issu de la loi du 4 août 1982, et notamment à la procéduredestinée à protéger les droits de la défense et qui comporte une audition obligatoire du salariédans le cadre d’un entretien préalable. Elle donne lieu, en outre, à un contrôle judiciaireapprofondi. De courte durée (1 à 3 jours généralement), la mise à pied disciplinaire entraîneune suspension du contrat de travail qui dispense le salarié de fournir sa prestation de travailet le prive du salaire correspondant.Bien qu’elle s’en rapproche souvent par ses motivations, la mise à piedconservatoire n’est pas une sanction. Elle ne relève donc pas de la procédure disciplinairemais obéit à des règles spécifiques. Dans tous les domaines où le législateur a institué uneprocédure de protection du salarié, qu’il s’agisse de la rupture du contrat de travail dessalariés investis de fonctions représentatives qui requiert une autorisation administrative, dulicenciement ordinaire soumis depuis la loi du 13 juillet 1973 à des formalités préalables oud’une mesure disciplinaire impliquant, elle aussi, depuis 1982, la mise en œuvre de garantiesprocédurales, est apparue, corrélativement, la nécessité de permettre à l’employeur, dans les369


cas les plus graves, d’écarter immédiatement l’intéressé de l’entreprise, sans être tenud’attendre le terme de la procédure obligatoire. C’est à cette nécessité que répond la mise àpied conservatoire, mesure à effet immédiat mais provisoire, prélude à un licenciement ou àune autre sanction, et qui suppose une situation d’une gravité exceptionnelle, rendant lamesure indispensable.La durée et les effets de la mise à pied sont alors fonction de la durée de laprocédure qui la justifie et de la nature de la mesure définitivement prise. Ainsi, lorsqu’elleest le prélude au licenciement d’un représentant du personnel, la mise à pied conservatoire sepoursuit jusqu’à ce qu’intervienne la décision de l’inspecteur du travail saisi de la demanded’autorisation de licenciement. Si l’autorisation est accordée, elle valide rétroactivement lamesure conservatoire: le salarié est licencié sans reprendre sa place dans l’entreprise et sanspercevoir les salaires correspondant à la période de mise à pied. Dans le cas contraire, lesalarié doit être immédiatement réintégré sans perte de salaire.Pour un licenciement de droit commun, il faut considérer que l’existence d’unefaute grave, qui permet le licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité, justifie de lamême manière la mise à pied et la privation du salaire correspondant. En revanche, si la fautereprochée au salarié se révèle de nature à permettre le licenciement, mais insuffisammentgrave pour justifier la rupture immédiate sans indemnités, le salarié doit pouvoir obtenir lepaiement des salaires couvrant la période de mise à pied. Enfin, lorsque la mise à piedconservatoire n’est pas suivie d’un licenciement, ses effets sur le salaire dépendent de lamesure définitivement prise: la jurisprudence décide en effet que la mise à pied conservatoirene prive le salarié du salaire correspondant que si la sanction qui la suit entraîne desconséquences plus graves pour le salarié que la perte de salaire résultant de la mesureconservatoire. Plus concrètement, la mise à pied spéciale n’a une incidence sur larémunération que si elle est suivie d’une sanction telle qu’un licenciement, une rétrogradation,une mutation ou une mise à pied disciplinaire. Elle ne doit avoir, dans les autres cas(avertissement, blâme), aucune répercussion sur le salaire. La mise à pied est donc unpalliatif, la dernière solution avant le licenciement définitif.La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur est longtempsrestée dominée par le principe selon lequel «le louage de service fait sans détermination dedurée peut toujours cesser par la volonté de l’une ou l’autre des parties». Le salarié licencién’était alors admis à faire valoir que le très hypothétique abus de droit, voie vouée à l’écheclorsque le motif du licenciement était d’ordre technique ou économique, l’employeur étantalors généralement déclaré seul juge de l’intérêt de l’entreprise. Si le principe de la validité dela rupture unilatérale demeure, le licenciement est devenu un acte contrôlé, soumis à uneréglementation très protectrice des intérêts du salarié. Cette réglementation résulteessentiellement des lois du 13 juillet 1973 pour le licenciement individuel et du 3 janvier 1975pour les licenciements économiques, lois récemment modifiées. L’ensemble de ces textes, ensoumettant à des règles particulières les licenciements ayant une cause économique, a associéune division fondée sur les motifs du licenciement à la distinction classique entrelicenciement individuel et licenciement collectif.Le droit commun des licenciements ne concerne que le contrat de travail àdurée indéterminée, le louage de services conclu pour une période déterminée cessant enprincipe à la survenance du terme fixé. Il ne rend pas compte non plus de la spécificité decertains licenciements soumis à des procédures protectrices particulières, tels celui desreprésentants du personnel ou celui des catégories déterminées de salariés (femmes enceintes,370


accidentés du travail...).Tout licenciement, qu’il soit isolé ou qu’il touche plusieurs salariés,qu’il réponde à des considérations d’ordre personnel ou à des impératifs économiques, quellesque soient l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise, doit, depuis 1973, reposer sur une«cause réelle et sérieuse», c’est-à-dire sur un motif exact, objectif et suffisamment grave pourjustifier la rupture. Chaque partie est invitée à apporter des éléments de preuve au vu desquelsle juge forme sa conviction, la Cour de cassation se limitant depuis peu à un contrôle de lamotivation des décisions. Une cause réelle et sérieuse de licenciement peut être trouvée dansle comportement du salarié. Par exemple en cas de faute, d’insuffisance professionnelle, deperte de confiance, d’inaptitude physique, d’absence prolongée nécessitant le remplacementou dans des raisons économiques comme par exemple des difficultés de l’entreprise, uneréorganisation ou une compression de l’effectif.La suppression du poste occupé, qui n’implique pas nécessairement uneréduction de l’effectif, apparaît comme le critère essentiel du licenciement économique. Laqualification est importante, car elle détermine la procédure à mettre en œuvre. Plusieurstypes de procédures sont prévus et parfois se combinent suivant la nature du licenciement. Lelégislateur de 1973 a institué, en faveur du salarié faisant l’objet d’une mesure individuelle delicenciement, une procédure protectrice, à laquelle la loi du 30 décembre 1986 a conféré unchamp d’application tout à fait général.Les formalités à accomplir sont les suivantes: Préalablement au licenciement, l’employeur est tenu de convoquer le salarié à un entretienau cours duquel il énonce le ou les motifs du licenciement envisagé. Intervient ensuite la notification du licenciement, par lettre recommandée avec accusé deréception, qui ne peut être expédiée moins d’un jour franc après la date de l’entretien. Cette lettre doit, si le licenciement est économique ou disciplinaire, contenir les motifs dulicenciement. Dans les autres cas, l’énonciation écrite des motifs n’est obligatoire que si lesalarié en fait la demande.Lorsque le licenciement repose sur un motif économique, les formalités cidessussont complétées ou remplacées par des procédures faisant intervenir les représentantsdu personnel et l’administration du travail. Si le licenciement, bien qu’économique, demeure une mesure individuelle, il est soumis àla procédure de droit commun, simplement complétée par une information a posteriori del’administration. Un délai de sept jours (porté à 15 si le salarié licencié est cadre) doit en outreêtre observé entre l’entretien préalable et l’envoi de la lettre de licenciement. Si le licenciement économique concerne de deux à dix salariés, la même procédure doitêtre mise en œuvre, complétée par une information et une consultation préalable desreprésentants du personnel. Si le licenciement touche plus de dix salariés, la procédure de consultation desreprésentants du personnel et d’information de l’administration est plus contraignante. Enrevanche, les formalités à mettre en œuvre sur le plan individuel sont allégées.À l’obligation d’informer les représentants du personnel s’ajoute la nécessitéde recourir à une démarche plus constructive par l’intermédiaire du plan social, des contratsde conversion et de la négociation obligatoire. Quant à l’autorité administrative, elle n’estplus, depuis la loi du 30 décembre 1986, chargée d’autoriser les licenciements économiques,mais doit seulement être informée du projet de licenciement. Elle s’assure que la procédure deconsultation des représentants du personnel et d’élaboration d’un plan social a bien été mise371


en œuvre, intervient si elle le juge utile sous forme d’avis, mais sans pouvoir bloquer ledéroulement de la procédure.La réalisation, sur le plan individuel, des licenciements est dispensée del’entretien préalable, et un délai de un à deux mois, suivant l’ampleur du licenciement, doitséparer les consultations et l’envoi des lettres de licenciement. Le licenciement s’accompagneen principe du versement par l’employeur au salarié d’une indemnité. Il peut en outre,lorsqu’il est irrégulier, donner lieu à l’application de sanctions. L’indemnité de licenciement,aux effets dissuasifs pour l’employeur, compensatoires pour le salarié, est apparue dans lapratique avant d’être insérée dans les conventions collectives puis consacrée par l’ordonnancedu 13 juillet 1967. Elle est due à tout salarié licencié, ayant deux ans d’ancienneté, sauflorsque le motif du licenciement est une faute grave. Son montant est fixé par la loi à unminimum d’un dixième de mois par année de présence, souvent dépassé par les conventionscollectives ou les contrats individuels. L’indemnité de licenciement se cumule, s’il y a lieu,avec l’indemnité compensatrice de préavis et les indemnités versées en cas de licenciementirrégulier.L’irrégularité d’un licenciement peut résulter du non-respect par l’employeurde ses obligations quant à la forme ou de la méconnaissance des règles de fond dulicenciement. Le licenciement individuel, régulier quant au fond, mais irrégulier quant à laforme, ouvre droit pour le salarié à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois desalaire (cette sanction toutefois ne peut être invoquée que par un salarié ayant deux ansd’ancienneté dans une entreprise occupant au moins onze personnes). S’agissant d’unlicenciement collectif pour motif économique, les irrégularités de procédure sont passiblesd’amendes et peuvent donner lieu, au profit du salarié, au versement d’une indemnité que lejuge détermine en fonction du préjudice subi.L’hypothèse est celle d’un licenciement reposant sur un motif qui n’a pas étéjugé réel et sérieux. Dans ce cas, le salarié (ayant au moins deux ans d’ancienneté dans uneentreprise d’au moins onze personnes) pourra bénéficier d’une réintégration si le juge lapropose et à condition que ni lui ni l’employeur ne s’y oppose. Si la réintégration n’a pas lieu,le salarié percevra une indemnité dont le montant minimal est fixé au salaire des six derniersmois. Dans le domaine des licenciements économiques, la suppression de l’autorisationadministrative a eu l’heureux effet de mettre un terme à une situation extrêmement complexenée d’un inextricable partage des compétences entre les juridictions administratives et lesjuridictions judiciaires, situation qui n’avait pas reçu de solution satisfaisante. L’absence depouvoir de décision de l’administration, qui résulte de la loi du 30 décembre 1986, redonne aujuge du contrat de travail le pouvoir de statuer sur la réalité et le sérieux des motifs invoqués.Lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, il ne peut être arrêté par letribunal qu’après que le comité d’entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel ainsi quel’autorité administrative compétente ont été informés et consultés aux dispositions des articlesL. 321-8 et 321-9 du Code du travail. Le plan précise notamment les licenciements quidoivent intervenir dans le délai d’un mois après le jugement. Dans ce délai, ces licenciementsinterviennent sur simple notification de l’administrateur sans préjudice des droits de préavisprévus par la loi, des conventions ou accords collectifs du travail.372


Lorsqu’en application de l’article 63 de la loi du 25 janvier 1985,l’administrateur ou le débiteur prévoit dans son projet de plan des licenciements pour motiféconomique, il joint au rapport déposé au greffe ou il produit à l’audience les documentssuivants : Le procès-verbal des délibérations du comité d’entreprise ou des délégués du personnelconsultés en application de l’article L. 321-9 du Code du travail. La copie de la lettre informant l’autorité administrative, en application de l’article L. 321-8 du Code du travail, du projet de licenciement. Le jugement arrêtant le plan indique lenombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégoriesprofessionnelles concernées.L’article L.321-8 du Code du travail évoque la situation en cas deredressement judiciaire (ou de liquidation judiciaire), l’administrateur ou, à défaut,l’employeur (ou le liquidateur), suivant les cas, doit informer l’autorité administrativecompétente avant de procéder à des licenciements pour motif économique dans les conditionsprévues aux articles 45, 63, 148-3, 148-4 et 153 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relativeau redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. Selon l’article L. 321-9 du Codedu travail, l’administrateur ou, à défaut, l’employeur (ou le liquidateur, suivant les cas) quienvisage des licenciements économiques doit réunir et consulter le comité d’entreprise ou, àdéfaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues aux premier, deuxième ettroisième alinéas, de l’article L. 321-3 et aux articles L. 321-4, L.422-1, cinquième et sixièmealinéas et L. 432-1 troisième alinéa.D’après l’article L. 321-11, alinéa 5 du Code du travail ; Est passible des mêmes peinesl’employeur, l’administrateur ou le liquidateur qui n’aura pas observé les dispositions prévuesaux articles L. 321-8, deuxième alinéa, et L. 321-9. Le liquidateur qui licencie les salariés doitle faire dans les délais légaux institués par l’article L. 143-11-1 et 2 du Code du travail,notamment dans les délais institué par l’article L. 143-11-1, 1°, 2° et 3°. Dans les mêmesdélais, il engage la procédure de licenciement des salariés protégés, visés aux articles L. 425-1et s. du Code du travail.L’administrateur judiciaire qui envisage des licenciements économiques dansles conditions des articles L. 321-8 et L. 321-9 du Code de travail ou encore des transfertspartiels d’entreprise ou d’établissement au sens des articles L. 425-1, alinéa 6 et L. 436-1,alinéa 5 du Code du travail, réunit le représentant de l’entreprise et les représentants dupersonnel, soit, pour ces derniers, le comité d’entreprise, à défaut les délégués du personnel, àdéfaut le représentant des salariés substitué aux autres représentants du personnel enapplication de l’article L. 139, alinéa 2. Un procès-verbal de la réunion est dressé, et signé del’administrateur judiciaire, du représentant de l’entreprise et des représentants du personnel.Les représentants du personnel sont également informés par l’administrateur,dans les conditions de l’article L. 432-1, alinéa 5 du Code du travail, avant toute décisionrelative à la poursuite d’activité et dans la préparation du plan de redressement, y compris parvoie de cession partielle. Le mandataire de justice chargé de procéder à des licenciements,même en exécution d’une décision du juge, en détermine préalablement le motif réel etsérieux, par qualification précise des faits. Aussi bien la lettre de licenciement que l’acte desaisine du juge aux fins d’autorisation de licenciement énoncent les faits constitutifs du motifdu licenciement, dûment qualifiés. Le seul énoncé de l’existence d’un motif économique, oule seul renvoi à l’article L. 321-1 du Code du travail ou la seule citation dudit texte, ne sontpas considérés comme suffisants.373


Les offres de conventions de conversion ou l’information y relative sontadressées ou remises individuellement à chaque salarié concerné, conformément à l’article L.321-5 du Code du travail. Quand la taille de l’entreprise implique un plan social selon lesarticles. L. 321-4 et L. 321-4-1 du Code du travail, le mandataire de justice demande la priseen charge par la direction Départementale du Travail et de l’emploi de toute cellule dereclassement dont la création serait sollicitée. Dès qu’est envisagé un licenciement collectifl’administrateur procède au recensement des salariés protégés. Sont pris en compte, selon lesdélais légaux, les salariés protégés à raison des fonctions qu’ils ont cessé d’exercer, decandidatures qui n’ont pas abouti ou de candidatures imminentes selon les articles L. 425-1 etL.436-1 du Code du travail, en outre le représentant des salariés dans les conditions de l’art.L. 228 de la loi 85-98. En cas de redressement judiciaire (ou de liquidation judiciaire), toutlicenciement d’un salarié mentionné aux précédents alinéas est soumis à la procédure définiepar les articles L. 412-18, L.425-1 et L.436-1 du Code du travail.Tout licenciement envisagé par l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur,selon le cas, du représentant des salariés mentionné aux articles 10, 139 et 148-1 estobligatoirement soumis au comité d’entreprise, qui donne un avis sur le projet delicenciement. Ce licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travaildont dépend l’établissement. Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise dansl’établissement, l’inspecteur du travail est saisi directement. Toutefois, en cas de faute grave,l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur, selon le cas, a la faculté de prononcer la miseà pied immédiate de l’intéressé en attendant la décision définitive. En cas de refus delicenciement, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. La protectioninstituée en faveur du représentant des salariés pour l’exercice de sa mission fixée à l’article44 cesse lorsque toutes les sommes versées au représentant des créanciers par les institutionsmentionnées à l’article L. 143-11-4 du Code du travail, en application du dixième alinéa del’article L. 143-11-7 dudit code, ont été reversées par ce dernier aux salariés. Lorsque lereprésentant des salariés exerce les fonctions du comité d’entreprise ou, à défaut, des déléguésdu personnel, en application de l’article 139, la protection cesse au terme de la dernièreaudition ou consultation prévue par la procédure de redressement judiciaire.Le licenciement du représentant des salariés désigné en application de l’article10 ou de l’article 139 de la loi du 25 janvier 1985 est régi par les dispositions des articles R.436-1 à R. 436-8 et de l’article R. 436-10 du Code du travail. De par les procédures relativesaux licenciements, L’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans lalettre de licenciement mentionnée à l’article L. 122-14-1. « Lorsque le licenciement estprononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifséconomiques ou de changement technologique invoqués par l’employeur. En outre,l’employeur est tenu, à la demande écrite du salarié, de lui indiquer par écrit les critèresretenus en application de l’article L. 321-1-1. « Lorsque le licenciement est prononcé pour unmotif économique, mention doit être faite dans la lettre de licenciement de la priorité deréembauchage prévue par l’article L. 321-14 et de ses conditions de mise en oeuvre » 458 .La méconnaissance par l’employeur des dispositions de l’article L.122-14-2,dernier alinéa, du Code du travail quant à la priorité de rembauchage cause nécessairement ausalarié un préjudice que le juge doit réparer par une indemnité. Si le salarié démontre, enoutre, que l’omission de mentionner dans la lettre de licenciement la priorité de réembauchagel’a empêché d’en bénéficier, l’indemnité spéciale prévue par l’article L.122-14-4, dernier458 L. N° 89-549, 2 août 1989, modifiant le Code du travail et relative à laprévention du licenciement économique et au droit à la conversion.374


alinéa, est due. Selon l’article L.122-14-2 du Code du travail, l’employeur est tenu d’énoncerle ou les motifs de licenciement dans la lettre de notification du licenciement, peu importantl’aveu antérieur du salarié. Viole ce texte la Cour d’appel qui, pour débouter un salariélicencié de ses demandes en paiement d’indemnités diverses, énonce que l’employeur n’estpas tenu de motiver la lettre de licenciement quand, par son aveu, avant la lettre de rupture, lesalarié a reconnu la réalité des fautes motivant la rupture du contrat. La référence dans lalettre de licenciement aux motifs énoncés dans la lettre de convocation à l’entretien préalablene constitue pas l’énoncé du motif exigé par la loi. L’obligation qu’a l’employeur d’énoncerle ou les motifs de licenciement dans la lettre de notification est applicable au salarié quiadhère à une convention de conversion. Il en résulte que la lettre de licenciement doitmentionner les raisons économiques et leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail etque l’énoncé d’un motif imprécis équivaut à une absence de motif. Ainsi la seule énonciationdans la lettre de difficultés occasionnées par des grèves et de problèmes de successionprovoqués par le décès de l’associé majoritaire ne constitue pas l’énoncé du motif exigé par laloi. Si le moyen tiré du défaut de motivation de la lettre de licenciement n’a pas été soulevépar le salarié devant les juges du fond, il est nécessairement dans le débat. Il appartient doncaux juges de rechercher, au besoin d’office, en respectant le principe du contradictoire si lalettre de licenciement énonce le ou les motifs du licenciement. Le fait d’énoncer dans la lettrede licenciement, qu’en raison des résultats largement déficitaires de l’entreprise, ledépartement gestion réseau a fait l’objet d’une restructuration avec suppression deshiérarchies intermédiaires entraînant la suppression du poste du salarié constitue le motifprécis, matériellement vérifiable exigé par la loi. Pour être régulière, la lettre de licenciementdoit être signée. Toute irrégularité de la procédure de licenciement entraîne pour le salarié unpréjudice que l’employeur doit réparer et qu’il appartient au juge d’évaluer. C’est à tortqu’une Cour d’appel déboute un salarié, dont la lettre de licenciement n’avait pas été signée,de sa demande en paiement de dommages-intérêts, au prétendu motif que l’intéressé nejustifiait d’aucun grief. Une Cour d’appel énonce exactement que la lettre de licenciement quise borne à faire référence à un jugement adoptant un plan de redressement n’est pas motivée,dès lors qu’il n’est pas précisé dans la lettre de licenciement que le jugement avait autorisé leslicenciements pour motif économique.Si le licenciement d’un salarié survient sans observation de la procédurerequise à la présente section, mais pour une cause « réelle et sérieuse », le tribunal saisi doitimposer à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge del’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; si celicenciement survient « pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse », le tribunal peutproposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ;en cas de refus par l’une ou l’autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité.Cette indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, est due sanspréjudice, le cas échéant, de l’indemnité prévue à l’article L. 122-9. « Le tribunal ordonneégalement le remboursement par l’employeur fautif aux organismes concernés de tout oupartie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement aujour du jugement prononcé par le tribunal, dans la limite de six mois d’indemnités dechômage par salarié concerné » 459 .«Ce remboursement est ordonné d’office par le tribunal dans le cas où lesorganismes concernés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître lemontant des indemnités versées. Une copie certifiée conforme du jugement est adressée par le459L. N° 86-1320, 30 décembre 1986, relative aux procédures delicenciement.375


secrétariat du tribunal à ces organismes. Sur le fondement de ce jugement et lorsque celui-ciest exécutoire, les institutions qui versent les allocations de chômage peuvent poursuivre lerecouvrement des indemnités devant le tribunal d’instance du domicile de l’employeur etselon une procédure fixée par décret » 460 .« Dans les mêmes conditions, lorsque le licenciement est jugé comme nerésultant pas d’une faute grave ou lourde, une copie du jugement est transmise à cesorganismes » 461 .Les dispositions de l’article L. 122-14-4 du Code du travail ne sont pasapplicables au licenciement des salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté dansl’entreprise et aux licenciements opérés par les employeurs qui occupent habituellementmoins de onze salariés.Le salarié qui, en application de l’article L. 122-14 du Code du travail,demande une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, invoque le maximumdes droits auxquels il peut prétendre en vertu de ce texte. Sa demande tend alors à faireréparer aussi bien le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse que, lecas échéant, celui résultant de l’irrégularité de la procédure donnant droit à une indemnitéégale au plus à un mois de salaire.Le non-respect de la procédure de licenciement n’entraîne pas la nullité dulicenciement. Il ne lui donne pas plus un caractère abusif. La violation des formes dulicenciement doit dans tous les cas entraîner une condamnation, fût-elle de principe.Il ne peut être alloué au salarié licencié sans cause économique, en plus del’indemnité fixée à ce titre pour réparer l’intégralité du préjudice subi par suite de la perteinjustifiée de son emploi, des dommages-intérêts pour inobservation de l’ordre deslicenciements.La réintégration des salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse n’estpossible que si l’employeur ne s’y oppose pas. La disposition légale concernant l’indemnitéde licenciement doit être considérée comme ayant une portée générale, applicable chaque foisque le licenciement a été effectué sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas deréintégration.Le salarié peut produire en justice, pour assurer sa défense dans le procès quil’oppose à son employeur, les documents de l’entreprise dont il a connaissance à l’occasionde l’exercice de ses fonctions. C’est à tort qu’une Cour d’appel déboute un salarié de sademande d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant des débatsdeux documents qui auraient été frauduleusement soustraits à l’employeur par le salarié, alorsles documents produits par le salarié contenaient des informations dont les membres dupersonnel pouvaient avoir normalement connaissance.460 L. N° 79-44, 18 janvier 1979, portant modification des dispositions dutitre I du livre V du Code du travail relatives aux conseils deprud'hommes.461L. N° 92-1446, 31 déc. 1992, relative à l'emploi, au développement dutravail à temps partiel et à l'assurance chômage.376


L’ASSEDIC ne peut agir par la voie de la tierce opposition contre une décisionn’ayant pas ordonné le remboursement des allocations de chômage. L’indemnité pourprocédure irrégulière et l’indemnité pour licenciement abusif sont cumulables (au contraire del’article L. 122-14-4). Lorsque les dispositions de l’article L. 122-14-4 du Code du travail nesont pas applicables, le salarié peut prétendre à la réparation tant du préjudice résultant de larupture abusive que de celui causé par l’inobservation de la procédure de licenciement. Lenon-respect de la procédure de licenciement entraîne nécessairement un préjudice dont laréparation n’est pas assurée par l’allocation d’un euro symbolique.Lorsqu’un salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à ladisposition d’une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié parcette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploicompatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère. Si lasociété mère entend néanmoins congédier ce salarié, les dispositions de la présente sectionsont applicables. Le temps passé par le salarié au service de la filiale est pris en compte pourle calcul du délai-congé et de l’indemnité de licenciement. 462 Aux termes de l’article L. 122-14-8 du Code du travail, la société mère doit fournir au salarié licencié par la filiale étrangèreun emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la sociétémère. Les dispositions de ce texte ne s’appliquent donc qu’aux salariés qui ont exercé desfonctions dans la société mère avant d’être mis à la disposition d’une filiale. Le fait que lesalarié licencié par la filiale étrangère ait reçu de celle-ci des indemnités de rupture ne suffitpas à décharger la société mère de l’obligation, découlant de l’article L. 122-14-8 du Code dutravail, de lui procurer un nouvel emploi. Si, en application de l’article L. 122-14-8, la sociétémère qui entend congédier le salarié doit lui verser des indemnités de préavis et delicenciement en tenant compte de l’ancienneté acquise au service de la filiale, les juges dufond ont exactement décidé que ce salarié ne saurait cependant, pour une même période detravail, cumuler les indemnités versées à ce titre par la filiale qui l’a licencié, avec celles qu’ilpouvait obtenir à la suite de son congédiement par la société mère. La société mère est obligéede rapatrier le salarié dès qu’elle a connaissance du licenciement ;Il ne peut y avoir de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il n’existe pasde loi précise définissant la cause réelle et sérieuse : ce sont les tribunaux qui décident, Il fautquand même savoir que « cause réelle et sérieuse » ne signifie pas uniquement faute: ainsi unsalarié absent longuement pour raisons de santé pourra être licencié si son absence gênemanifestement l’entreprise. De même, si le salarié refuse une modification importante de sesconditions de travail, il pourra être licencié : cela peut être le cas des salariés qui refusent unediminution de salaire.Il n’existe pas de définition légale de la faute grave: là aussi, les tribunauxapprécient cas par cas. Mais on peut considérer qu’il y a faute grave quand la présence mêmedu salarié dans l’entreprise crée un trouble ou un danger. Ainsi, peuvent être considéréescomme fautes graves -. Les refus d’obéissance, les injures et violences, les absences ouretards fréquents.En cas de faute grave, le salarié : n’a pas droit à l’indemnité de licenciement ; n’est pas autorisé à effectuer son préavis et n’a pas droit à une indemnité.462 D. N° 74-808, 19 septembre 1974, portant mise à jour du Code du travail.377


La faute lourde est une faute grave (voir paragraphe précédent) mais faiteintentionnellement: vol, par exemple ou concurrence envers une entreprise qu’on n’a pasencore quittée (cas du salarié qui essaie d’attirer les clients de son employeur pour l’entreprisequ’il crée).En cas de faute lourde, le salarié: n’est pas autorisé à effectuer son préavis et n’a pas droit à une indemnité de préavis, ne touche pas l’indemnité de licenciement; a n’a pas droit à l’indemnité de congés payés.En fait, il existe deux grands cas de licenciement, le licenciement pour motifpersonnel et le licenciement économique. Les causes doivent être précises, l’employeur doitsuivre une procédure de licenciement déterminée et verser au salarié diverses indemnités.Le licenciement individuel pour motif personnel est possible : pour motif disciplinaire (faute du salarié), pour motif non disciplinaire (inaptitude professionnelle, refus d’une modificationsubstantielle du contrat de travail, maladie...). Le licenciement n’est valable que si le motif enquestion constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.Il n’existe pas de définition légale de la cause réelle et sérieuse, il est toutefoispossible de dire qu’il doit s’agir d’un fait précis, vérifiable et suffisamment important pourjustifier la rupture de la relation de travail, les Tribunaux apprécient au cas par cas la validitédu licenciement au regard des divers éléments de faits. Le licenciement ne peut être basé surdes faits discriminatoires c’est à dire ayant pour cause l’origine, les croyances, l’appartenancepolitique ou syndicale, le sexe, les mœurs, la situation de famille, l’état de santé ou lehandicap (sauf en cas d’inaptitude constatée par le médecin du travail).Il existe différents degrés de fautes qui peuvent constituer des causes réelles etsérieuses de licenciement : faute, faute grave, faute lourde.Il n’existe pas de liste de fautes les classifiant, ici encore ce sont les Tribunauxqui apprécient. L’entreprise a deux mois à compter de la date à laquelle elle a connaissance dela faute pour la sanctionner. Passé ce délai la sanction n’est plus valide, la faute est considéréecomme pardonnée par l’employeur. Selon le degré de gravité, les indemnités versées ausalarié licencié seront différentes. Faute sérieuse : Il s’agit des fautes qui sans être graves ou lourdes justifient lelicenciement. Elles justifient le licenciement du salarié sans toutefois que sa présence dansl’entreprise constitue un trouble grave. Il peut s’agir d’une faute importante ou d’un ensemblede fautes légères et répétées. Le salarié ainsi licencié perçoit l’ensemble des indemnités. Dansla pratique ces licenciements sont assimilées à des les licenciements non disciplinaires, c’estpourquoi on les classe globalement comme licenciements pour cause réelle et sérieuse. Faute grave : La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables ausalarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’uneimportance telle queue rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant lapériode du préavis. De ce fait, le délai entre la connaissance de la faute par l’employeur et la378


sanction est très important. En effet la définition de la faute grave étant liée à l’impossibilitétotale du maintien du salarié dans l’entreprise, une sanction prise avec retard par l’employeurplaide en faveur de l’absence de gravité de la faute. La répétition de fautes simples peutconstituer une faute grave. Sont généralement considérées comme fautes graves, les refusd’obéissance, les injures et violences... La faute grave est privative du prévis et desindemnités de licenciement. Il perçoit donc seulement les indemnités de congés payés. Faute lourde : La faute lourde est une faute grave intentionnelle. Le vol, la concurrenceenvers une entreprise qu’on n’a pas encore quittée (cas du salarié qui essaie d’attirer lesclients de son employeur pour l’entreprise qu’il créée) sont généralement considérées commefautes lourdes.Il faut pouvoir prouver l’inexistence de la faute, le fait que sa gravité rendimmédiatement impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et le fait qu’elle estintentionnelle. En cas de faute lourde, le salarié ne perçoit aucune indemnité et n’est pasautorisé à effectuer son préavis. Lors d’un licenciement pour motif non disciplinaire, il est descas où les relations de travail ne peuvent continuer :perte de confianceinsuffisance professionnellemodification substantielle du contrat de travailLorsque l’employeur propose au salarié une modification des élémentssubstantiels du contrat de travail, celui-ci peut refuser et être licencié. Il a droit alors auxindemnités de licenciement, de prévis et de congés. Sont considérés comme élémentssubstantiels du contrat ceux sans lesquels les parties n’auraient pas contracté. Ainsi laproposition d’un poste de travail éloigné de plusieurs centaines de kilomètres est unemodification substantielle; par contre la modification du lieu de travail dans un rayonraisonnable (banlieue, temps de trajet normaux pour la région, absence de difficultés detransport ...) ne peut être refusée. Il n’est pas possible, par contre, de refuser une modificationnon substantielle du contrat de travail. Le refus serait considéré comme un refus d’obéissanceet pourrait entraîner le licenciement pour faute grave. En cas d’abus par l’employeur(modification substantielle injustifiée, ayant pour but le refus du salarié et son licenciement),le licenciement sera considéré comme abusif.Un employeur peut licencier un salarié malade sous certaines conditions, àsavoir s’il est obligé d’embaucher un remplaçant de manière définitive et si les absencesrépétitives ou prolongées désorganisent le travail, en cas d’inaptitude physique à l’emploiconstatée par le médecin du travail. La plupart des conventions collectives prévoient que lesalarié absent pour maladie ne peut être licencié qu’après un certain délai et à condition queson absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise et que son remplacement définitif soitnécessaire. Si un licenciement intervenait dés les premiers jours d’absence pour maladie, ilserait jugé illégal par le Tribunal. Si l’employeur souhaite rompre le contrat, il doit licencierle salarié en suivant la procédure usuelle et en versant au salarié les diverses indemnités delicenciement. Si c’est un licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents à lapersonne du salarié qui résulte d’une suppression ou transformation d’emploi ou du refusd’une modification substantielle du contrat de travail par le salarié, Il doit être lié à desdifficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les départs négociés sontassimilés à des licenciements économiques.Les salariés licenciés doivent être choisis selon un ordre précis. Uneconvention de conversion doit leur être proposée et ils ont une priorité de réembauchage.379


Selon le nombre de salariés licenciés, les obligations préalables de l’employeur sontdifférentes. Les conditions varient également en cas de mise en redressement ou liquidationjudiciaire de l’entreprise.Les critères choisis pour déterminer l’ordre des licenciements pour motiféconomique sont définis par la convention collective ou à défaut, par l’employeur, aprèsconsultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel quand il en existe.Ces critères doivent tenir compte:Des charges de famille du salarié, en particulier celles de parent isolé,de son ancienneté dans l’entreprise,de toute situation rendant sa réinsertion professionnelle spécialementdifficile, en particulier celle des personnes âgées ou handicapées,de ses qualités professionnelles.Si le salarié licencié en fait la demande écrite, l’employeur doit lui indiquer parécrit les critères pris en compte pour l’ordre des licenciements. Ce dernier doit informer lesalarié licencié de la priorité de réembauchage dont il bénéficie. Il faut pour cela avoir étélicencié pour motif économique et avoir adhéré à une convention de conversion. Cette prioritéest valable un an à compter de la date de rupture du contrat de travail. Pour sa mise en oeuvre,le salarié doit en faire la demande dans un délai de 4 mois à compter de la date de rupture ducontrat de travail et informer, le cas échéant, l’employeur de la qualification acquisepostérieurement au licenciement. L’employeur doit mentionner cette priorité et ses conditionsde mise en oeuvre dans la lettre de licenciement. Il doit également informer le salarié de toutemploi devenu disponible, compatible avec sa qualification. L’employeur doit communiquerla liste des postes disponibles aux représentants du personnel et l’afficher. En cas de nonrespectde la priorité de réembauche, le tribunal octroie au salarié une indemnité minimale de2 mois de salaire sauf si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté ou si l’entreprise occupemoins de 11 salariés, cette indemnité est alors calculée en fonction du préjudice subi. En casde licenciement économique, la lettre doit mentionner les motifs économiques ou dechangement technologique du licenciement, que le licenciement ne prendra effet qu’en cas derefus de la convention de conversion. La possibilité de bénéficier d’une priorité deréembauchage pendant un an à dater de la rupture du contrat et les conditions de sa mise enoeuvre, le délai de réponse dont dispose encore le salarié pour accepter ou refuser laconvention de conversion lorsque le licenciement est notifié au cours du délai de réflexion.1° Les indemnitésLes indemnités sont de nature variable et diverse, l’indemnité compensatricede congés payés est proportionnelle au temps de travail effectué depuis le 1 er juin précédentdéduction faite des jours de congé déjà pris. Elle est due même en période d’essai. Elle estcalculée en tenant compte de la période de préavis. Les salariés licenciés pour faute lourden’ont pas droit à cette indemnité de congés payés.Trois types d’indemnités de licenciement peuvent coexister, celles diteslégales, celles appelées conventionnelles et les indemnités contractuelles. Elles ne sonttoutefois pas cumulables. Le salarié touche toujours celle qui lui est la plus favorable.L’indemnité légale de licenciement prévue par le Code du travail est due à tous les salariésqui comptent au moins 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise. Son montant est égal à 20 heuresde salaire par année de service pour les salariés rémunérés à l’heure, chose très rareactuellement. Elle est de 1/10 ème de mois de salaire par année de travail pour les salariés380


émunérés au mois et de 2/10 ème de mois de salaire pour les salariés licenciés économique. Lamajoration s‘élève à 1/15 de mois par année de travail au-delà de 10 ans d’ancienneté). Elleest calculée sur le salaire moyen des 3 derniers mois dans lequel sont intégrées les primesgénéralisées des 12 derniers mois plus le 13 ème mois.L’indemnité conventionnelle de licenciement prévue par certaines conventionscollectives est due à tous les salariés concernés par cette convention collective. Elle estgénéralement supérieure à l’indemnité légale et lui est dans ce cas préférée. Une indemnitécontractuelle de licenciement peut être prévue dans le contrat de travail signé entrel’employeur et le salarié. Elle est généralement plus importante que les deux précédentes etleur est dans ce cas préférée. Les indemnités légales et conventionnelles de licenciements onttotalement exonérées d’impôt. L’indemnité contractuelle n’est exonérée qu’à hauteur dumontant fixé par la convention collective ou à défaut, au minimum légal (montant del’indemnité légale). Les salariés licenciés pour faute grave ou lourde ne touchent pasd’indemnité de licenciement. Une indemnité compensatrice de préavis est accordée lorsquel’employeur ne veut pas que le salarié effectue son préavis « Elle est égale au montant dusalaire, calculé sur la base du salaire moyen des trois derniers mois. Dans ce cas encore, lessalariés licenciés pour faute grave n’ont pas doit à cette indemnité de préavis. La durée dupréavis varie en fonction de l’ancienneté du salarié, de son statut dans l’entreprise et de laconvention collective dont il dépend éventuellement.La durée légale minimale qui ne s’applique pas en cas de convention collectiveplus favorable est :de 0 à 6 mois d’ancienneté: il existe un préavis, mais sa durée n’est pasfixée par la loi. Elle est déterminée par la convention collective, àdéfaut par les usages.de 6 mois à 2 ans: 1 mois de préavis.pour plus de 2 ans: 2 mois de préavis.Pendant la durée du préavis, le salarié doit accomplir normalement son travail.Il est payé à son salaire habituel. Le salarié doit effectuer ce préavis en totalité sauf accord,écrit de préférence de l’employeur et dans ce cas bien entendu la période non travaillée nesera pas payée. Si le salarié n’effectue pas son préavis, l’employeur peut lui demander desdommages et intérêts. Pendant cette période, le salarié peut chercher un autre emploi ens’absentant pendant un certain temps de son lieu de travail. Cette règle ne figure dans aucuntexte légal mais est généralement fixée par la convention collective ou l’usage de laprofession ou de l’entreprise, qui en prévoit les modalités (souvent 2 heures par jours choisiesen alternance par le salarié et l’employeur). L’employeur peut dispenser le salarié d’effectuerle préavis mais il doit alors le lui payer.Lors du départ du salarié, l’employeur doit lui remettre :son dernier bulletin de salaire qui doit préciser la date de sortie del’entreprise,un certificat de travail qui fait mention de la durée de l’emploi et duposte occupé,une attestation destinée à l’ASSEDIC que l’employeur obtient en lademandant à cette dernière,le reçu pour solde de tout compte qui doit récapituler les sommes qui luisont remises au moment de son départ. Dans la pratique le salarié est leplus souvent obligé de signer ce document pour obtenir paiement de son dûet remise des documents.381


Le salarié a deux mois à compter de sa signature pour contester ce reçu. Cereçu doit impérativement faire mention de ce délai. Cette contestation doit être faite par lettrerecommandée avec accusé de réception et adressé à l’employeur, à défaut de contestationdans le délai, plus aucune demande ne peut être faite en contestation du montant ou de lavalidité du licenciement.Les spécificités du licenciement économique font la différence et sontavantageuses pour le salarié licencié par rapport à un licenciement classique.2° Le licenciement économiqueTout salarié licencié pour motif économique doit recevoir de son employeurune proposition de convention de conversion, cette proposition doit êtrefaite au salarié quelque soit le nombre de salarié de l’entreprise.Tout salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité deréembauchage durant 1 an à compter de la date de licenciement.La notification du licenciement (obligatoirement motivé) s’effectue parlettre recommandée avec accusé de réception 7 jours au plus tôt aprèsl’entretien préalable. Ce délai est ramené à 4 jours dans les entreprisessans représentation du personnel, il est augmenté de 8 jours pour lescadres quand il s’agit d’un licenciement économique individuel.Cette procédure s’applique à toute rupture du contrat de travail fondée sur unmotif économique que ce soit un licenciement économique, mais aussi départ négocié,résultant d’une suppression ou transformation d’emploi, ou d’une modification importante ducontrat de travail, dues à des causes économiques. Des recours sont possibles si le salariés’estime lésé par le licenciement dont il fait l’objet. Il peut saisir le Conseil des Prud’hommes,pour que son action soit valide, il faut impérativement qu’il conteste le reçu pour solde de toutcompte, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à son employeur, dans lesdeux mois de sa signature.A défaut, si l’employeur a reçu la convocation du conseil des Prud’hommesdans ce délai, la procédure sera tout de même valide, sinon ce sera trop tard. Le Conseil desPrud’hommes est saisi par simple demande écrite du salarié déposée au greffe. Le salarié doity préciser le montant de ses demandes et leur cause (salaires, indemnités diverses, frais deprocédure, dommages intérêts,...). Les greffes des Conseil des Prud’hommes disposent deformulaires précis permettant la répartition des demandes. Les demandes peuvent êtremodifiées jusqu’au jour des plaidoiries à condition que l’adversaire soit présent.En cas de société en liquidation judiciaire, il n’y a pas d’audience deconciliation et le FNGS qui prend en charge les salaires restants dus n’en paie qu’une partie,selon un calcul de quotas variant en fonction de la date et du montant des salaires dus.Le licenciement pour motif économique est défini par la loi du 2 août 1989comme celui dont le motif n’est pas lié à la personne du salarié mais résulte soit d’unesuppression ou d’une transformation de son emploi, soit d’une modification substantielle deson contrat consécutive à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Cesdispositions sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant d’une causeéconomique, notamment aux départs négociés 463 .463 Loi N° 92-722 du 29 juillet 1992.382


La loi définitive de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a renforcé lespouvoirs du comité d’entreprise lors de projets de restructuration et de compression deseffectifs. Celui-ci peut formuler des propositions alternatives au projet du chef d’entreprise etse faire assister par un expert comptable, à la charge de l’employeur, dès le début de la miseen oeuvre de la procédure d’information-consultation qui comporte deux réunions du comitéd’entreprise. Le licenciement collectif est constitué dès lors qu’il y a au moins deuxlicenciements ayant une cause économique commune au sein de la même société. Laprocédure est différente selon qu’il s’agit d’un licenciement de deux à neuf salariés parpériode de trente jours ou d’un licenciement de dix salariés et plus par période de trente jours.L’employeur doit consulter les instances représentatives du personnel lorsqu’elles existentpour toute suppression collective d’emploi et leur indiquer notamment les critères retenuspour déterminer l’ordre des licenciements. Dans tous les cas, l’employeur doit proposer auxsalariés une convention de conversion.Procédure applicable aux licenciements de deux à neuf salariés par périodede trente jours: l’employeur doit réunir et consulter le comitéd’entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, sur le projet delicenciement, puis convoquer les salariés individuellement pour l’entretienpréalable suivant les mêmes règles que pour un licenciement individuel. Ildoit notifier les licenciements aux salariés par lettre recommandée ouremise en main propre, dans les mêmes conditions que pour un licenciementindividuel et informer le directeur départemental du travail et de l’emploidu licenciement.Procédure applicable aux licenciements de dix salariés et plus par périodede trente jours: En plus des formalités ci-dessus, à l’exception del’entretien préalable qui n’a pas lieu dans ce type de licenciement,l’employeur doit établir un plan social dans les entreprises d’au moinscinquante salariés et notifier le projet à l’administration.Un plan social doit prévoir des mesures de réduction du temps de travail si celaest possible, des mesures de reclassement interne de mutation, des mesures de formation, desmesures d’aide au départ volontaire et d’aide au retour pour les étrangers, des créationsd’activités nouvelles, ... L’absence de l’une de ces mesures constatées par l’administration,rend la procédure de licenciement nulle. En outre, la Cour de cassation est assez sévère en cequi concerne le contenu de ce plan social. Après préparation du projet de plan social etconsultation des représentants du personnel, l’employeur doit notifier le projet delicenciement à l’administration qui vérifie le sérieux du plan social et le respect des règles deprocédure. Ensuite de la notification à l’administration, l’employeur doit notifier leslicenciements aux salariés par lettre recommandée ou remise en main propre avec énoncé desmotifs dans le délai de trente jours pour un licenciement de moins de cent personnes,quarante-cinq jours pour un licenciement de cent à deux cent quarante neuf personnes,soixante jours pour un licenciement de deux cent cinquante personnes et plus (ces délaispeuvent être inférieurs s’il existe un accord collectif en ce sens).Nous pouvons distinguer deux catégories de licenciement économique, hormisla manière, les deux annonces de suppressions d’emplois, dans la branche biscuits du groupeDanone et chez Marks & Spencer, présentent des similitudes. L’une et l’autre confirment quel’économie française s’aligne progressivement sur des modes de fonctionnement inspirés parle modèle anglo-saxon. Pour le meilleur comme pour le pire. En ce sens, une page est peutêtre en train de se tourner. Au même moment, les grèves de la SNCF et des transports urbainsont fourni l’illustration d’un décalage. Si les salariés de services publics ou parapublicss’inscrivent dans une certaine tradition revendicative de la conflictualité, ce sont les réactions383


d’incrédulité, puis de colère, entendues à Calais, à Ris-Orangis ou devant les portes dumagasin du boulevard Haussmann qui ont frappé. Franck RIBOUD s’est soucié de ne pas tropécorner une image sociale qui, en France, faisait de son entreprise un exemple. Formellement,il a respecté les règles établies et utilisé toute la palette des dispositions prévues pour parvenirà une gestion souple de la crise. Sur ce plan, au moins, le modèle social à la française perdure.A l’inverse, et alors qu’il est dirigé depuis peu par un ancien du groupe de grande distributionfrançaise Promodès, fusionné avec Carrefour, le groupe Marks & Spencer a eu recours auxtechniques les plus déplorables, telles qu’elles sont historiquement pratiquées aux Etats-Uniset, depuis plus récemment, en Grande Bretagne. Pourtant les différences s’atténuent. Pouranticiper les difficultés le groupe Danone Réduit ses effectifs alors qu’il se porte bien, il veutainsi améliorer sa rentabilité pour satisfaire ses actionnaires par la suite. Marks & Spencer,parce qu’il va mal, doit trancher dans le vif. Il lui faut envoyer un signal de sa volonté deredressement pour, qu’en retour, la Bourse salue sa décision par une hausse du cours.L’actualité le prouve, les suppressions d’emplois, avec des motivationsidentiques, se répandent en France. Elles auraient même tendance à se banaliser. Au-delà dejustifications circonstancielles, on peut considérer que cette vague de licenciementsprogrammés n’est jamais que l’envers de la croissance riche en emplois dont on se plaît àsaluer l’émergence, à l’égal de ce qui se produit dans les pays anglo-saxons. La contrepartied’une économie plus réactive qui sait réduire le chômage, et augmenter le volume des emploiscréés, tient dans sa capacité à supprimer des postes rapidement pour maintenir saperformance. Les bons résultats obtenus d’un côté, sont conditionnés, de l’autre, par unerigueur dans la gestion des effectifs considérés comme excédentaires.Dans ce système qui devient la norme vers laquelle notre pays s’oriente aprèsd’autres, on peut licencier d’autant plus, et facilement, que l’on peut escompter embaucher àla même allure, voire plus. Mais, pour que l’équilibre soit parfait et la destruction vertueuseou créatrice, il faut toutefois que la croissance se maintienne. Aux Etats-Unis, pendant lesannées CLINTON, le mécanisme a fonctionné. Depuis les difficultés de la Netéconomie et leralentissement de la croissance américaine, la balance oscille et les suppressions d’emplois sesuccèdent. Pour l’heure, rien de tel ne se passe en France ou en Europe, où l’INSEE vientencore d’affirmer que la conjoncture restait bien orientée et que les perspectives étaientbonnes. Mais les salariés de Danone et de Marks & Spencer, si durement éprouvés par deslicenciements boursiers plus qu’économiques, peuvent-ils admettrent que leur sort dépende del’accomplissement de ces logiques ? Plus que jamais, dans le modèle libéral anglo-saxon quis’impose, les raisons d’espérer ou de craindre se résument en quelques indices distillés chaquejour, dont le CAC 40 transformé en météo économique et sociale.Les marchés financiers font de plus en plus la différence entre licenciementsdéfensifs et offensifs. Réponse à une mauvaise conjoncture ou souci d’améliorer lacompétitivité, les plans sociaux se multiplient, alors que la Bourse ne semble plus accueilliravec euphorie ces mesures radicales. En France, avec un nouveau dispositif de préretraites, legouvernement veut cibler davantage les cessations anticipées d’activité. Alors que pourrépondre au ralentissement de la croissance, les entreprises américaines et européennesrenouent avec les plans de licenciements, Catherine SAUVIAT, économiste à l’Institut derecherches économiques et sociales (IRES) commente l’étude qu’elle a réalisée avec SabineMONTAGNE sur « les comportements de gestion de la main d’œuvre de quelques grandesentreprises françaises face à la mondialisation » 464 .464Cette étude est faite à la demande du ministère de l’emploi en mars2001.384


« De quelle façon les investisseurs institutionnels américains, qui sont les nouveauxactionnaires des grands groupes français, peuvent-ils influencer la gestion des effectifs ? Les enquêtes que nous avons menées montrent que le lien entre la présence de cesinvestisseurs et les restructurations existe, mais qu’il n’est pas direct. Les institutionnelsaméricains exercent avant tout une pression collective à travers une représentation del’entreprise qu’ils ont pu imposer et qui est fondée sur l’idée de la création de valeur pourl’actionnaire. Cette notion de création de valeur s’incarne surtout à travers les plus-valuesboursières. Les investisseurs institutionnels sont des intermédiaires financiers, soucieuxd’obtenir des rendements élevés de leurs placements en immobilisant le moins possible leurscapitaux. Il est toutefois possible de distinguer l’attitude certains fonds de pension du secteur publiccomme Calpers, de celle des gestionnaires de « Mutual Funds » (équivalent de nos Sicav)comme Fidelity. Les premiers s’engagent à servir des retraites et travaillent sur un horizonrelativement plus long que les seconds, lesquels gèrent un type d’épargne plus courte, commel’épargne salariale, sans autre obligation que celle de la rentabilité financière avec descontraintes de liquidité beaucoup plus fortes. En conséquence, les fonds de pension exercentune pression plus médiatique ; ils montrent du doigt les entreprises sous-performantes etcherchent à donner de la voix dans les assemblées générales d’actionnaires. En revanche, les gestionnaires de « Mutual Funds » sont dans une pure logique financière.Leurs analystes sont en contact permanent avec les entreprises et demandent des comptes.Mais ils ne s’immiscent pas pour autant dans la gestion sociale. Ils ne réclament pas de but enblanc des suppressions d’effectifs.Pourtant les plans sociaux ont souvent été suivis d’une envolée des cours boursiers,comment justifier ce lien ? Ces réactions existent, mais des transformations sont en train de se produire. Nous lesobservons à deux niveaux. D’abord, des cabinets de conseil ont publié des études quimontrent que les entreprises qui licencient ne sont pas les plus performantes. Deuxièmement,des études académiques américaines ont montré qu’entre annonce de licenciements et coursboursiers, le lien n’est pas univoque. Il semblerait que les marchés financiers fassent de plus en plus la différence entre leslicenciements défensifs, destinés à répondre à une situation de crise temporaire, et leslicenciements offensifs intégrés dans une stratégie à long terme de l’entreprise. L’annonce delicenciements ne conduit donc plus systématiquement à une hausse des cours boursiers. Pourautant, les analystes continuent à ignorer une vision plus positive des ressources humainesdans leurs modèles.De quelle façon la présence de ces investisseurs institutionnels dans le capital peut-ilmodifier les politiques salariales des entreprises ? Pour certains cadres dirigeants, il s’agit plus d’un changement de degré que de nature,avec une forte augmentation de leur rémunération variable. Les choix des entreprises sur cepoint sont extrêmement individualisés et discrétionnaires. En dehors des cadres dirigeants, lamasse des salariés continue à être soumise aux conditions locales du marché du travail, mêmesi on note aussi le développement de systèmes incitatifs tels que l’épargne salariale. Maismême aux Etats-Unis, les investisseurs institutionnels sont en train de remettre en cause leniveau des stocks-options distribués aux cadres dirigeants car le lien avec les performances del’entreprise n’est pas établi.385


Est-ce une bonne chose que 36 % de la capitalisation boursière française soit détenuepar des investisseurs institutionnels, américains pour la plupart ? Que ce soient des investisseurs institutionnels américains ou français, puisque certains ontprétendu que si on avait eu des fonds de pension français, nos entreprises ne seraient paspassées aux mains de financiers étrangers, je ne pense pas que cela ne change grand chose. Cesont les privatisations qui sont à l’origine de ce bouleversement. Car dans le cadre d’uneéconomie mondialisée, les investisseurs, quelle que soit leur nationalité, sont animés par lamême logique de rendement financier.Il n’en demeure pas moins que les Américains exportent un modèle de gestiondes ressources humaines qui est le leur et dont le transfert en France comporte certainementses limites compte tenu de l’histoire de nos relations sociales et des formes particulières depouvoirs des dirigeants. »Suivant les différentes sortes de licenciement, les droits et obligations des salariés et del’employeur varient.Avant de prendre une mesure de licenciement, l’employeur peut utilement setourner vers l’État pour envisager d’autres modalités : chômage partiel aide au passage à mi-temps préretraite.Les aides du Fonds National de l’Emploi (FNE) permettent de mettre en placedes dispositifs qui évitent les licenciements : actions de reclassement et accompagnementspour les départs en préretraite. Deux dispositifs principaux ouvrent des droits à la formation :le congé de conversion et la convention de conversion. Le congé de conversion est financé parl’État (taux maximal de 50 %, selon les engagements pris par l’entreprise) dans le cadre duFNE, tandis que la convention de conversion relève d’un dispositif ASSEDIC.3° Le règlement et les mesures des conventions de conversionArticle premier§1 er . Les conventions de conversion proposées, conformément aux articles L.321-4 et L.321-5-2 du code du travail, par l’employeur aux salariés qui perdent leur emploi pour motiféconomique ont pour objet de contribuer au reclassement de ces derniers en leur offrant lapossibilité de suivre une formation appropriée.§2. Une convention de conversion conforme à un modèle défini par arrêté est signée parl’employeur dans le but de permettre aux salariés dont le licenciement pour motif économiqueest prévu, de bénéficier d’actions de conversion.§3.Les salariés qui remplissent les conditions pour adhérer à une telle convention sontassurés de bénéficier, pendant leur période de conversion, de l’allocation spécifique deconversion et d’actions personnalisées en vue de permettre leur reclassement.Tout le monde n’est pas concerné par une convention de conversion et pour enbénéficier, le salarié licencié pour raisons économiques doit réunir 3 conditions : Être âgé de moins de 56 ans à la date de la rupture du contrat de travail. Être apte au travail. Totaliser au moins 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise sauf si un accord de la branched’activité ou de l’entreprise elle-même prévoit une ancienneté plus courte. Mais, dans ce cas,386


le salarié doit justifier au minimum d’une affiliation à l’assurance chômage de 182 jours ou1014 heures.Si la qualification et l ‘expérience de l’adhérent lui permettent de retrouver unemploi similaire à celui qu’il exerçait, la session de techniques de recherche d’emploi,complétée par l’atelier de recherche d’emploi l’aide à engager ses démarches et les offresd’emploi dont l’UTR a connaissance lui sont communiquées. Ces offres sont égalementdisponibles dans les agences locales et sur le Minitel 465 .Pour favoriser une embauche, l’adhérent peut passer une à deux semaines dansune entreprise susceptible de l’embaucher dans le cadre d’une EMT 466 afin de signer uncontrat en toute connaissance de l’entreprise et du poste de travail. Une aide dans la prise encharge des frais de déplacement peut être accordée, par exemple pour un entretiend’embauche loin du domicile. Pour favoriser l’embauche, des aides financières peuvent êtreversées au nouvel employeur sous forme de prime si le recrutement a lieu avant la fin dudeuxième mois et sous forme de financement d’une formation ou d’une adaptation aunouveau poste de travail dans l’entreprise. Les conditions et les avantages ne sont donc pas ànégliger et doivent être pris en considération dans la décision d’adhérer ou non à uneconvention de conversion.Madame DEMAL, ouvrière travaillant dans l’entreprise X depuis 10 ans, dontle dernier fils vient de rentrer en poste dans la même entreprise refuse d’adhérer à la enconvention de conversion, mal conseillée par son fils aîné, intéressé, qui veut qu’elle gardeses petits enfants pour ne pas payer de nourrice.Les conditions d’admission sont traitées dans le premier chapitre, article 2 duCode du Travail qui définit comme suivant les salariés bénéficiaires d’une convention deconversion : « Ont la faculté d’adhérer à une convention de conversion les salariés totalementprivés d’emploi justifiant de deux ans d’ancienneté au moins dans leur emploi ou del’ancienneté prévue par les dispositions conventionnelles plus favorables, qui sont aptesphysiquement à l’emploi et qui sont âgés de moins de 56 ans. » Convention du 1 er janvier1997 relative à l’assurance chômage dans les cas fixés par décision de la commission paritairenationale visée à l’article 3 de la convention du 1 er janvier 1997 relative à l’assuranceconversion.Les conditions d’ancienneté sont instituées par un accord nationalinterprofessionnel du 20 octobre 1986 qui a servi de base à la loi du 30 décembre 1986. Ledispositif de convention de conversion a été généralisé par la loi du 2 août 1989 à tous leslicenciements économiques envisagés, quels que soient le nombre de ceux-ci et l’effectif del’entreprise. Toutefois, l’accord national interprofessionnel conditionne le bénéfice d’uneconvention de conversion à une ancienneté de deux ans du salarié. Or la Cour de cassation,vient de décider qu’aucune condition d’ancienneté n’est nécessaire pour qu’un salarié se voitproposer une convention de conversion par son employeur. 467Institué par un accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986 qui aservi de base à la loi du 30 décembre 1986, le dispositif de convention de conversion a étégénéralisé par la loi du 2 août 1989 à tous les licenciements économiques envisagés, quels4653614 ANPE.466 EMT: évaluation en milieu de travail.467Liaisons sociales N°7426, Main-d'œuvre/ contrôle de l'emploi,Jurisprudence actualité travail-Sécurité sociale, Mars 1996.387


que soient le nombre de ceux-ci et l’effectif de l’entreprise. Toutefois, l’accord nationalinterprofessionnel conditionne le bénéfice d’une convention de conversion à une anciennetéde deux ans du salarié. Or, la Cour de cassation, vient de décider qu’aucune conditiond’ancienneté n’est nécessaire pour qu’un salarié se voit proposer une convention deconversion par son employeur.Sur le troisième moyen : Vu l’article L. 321-5 du Code du travail; Attendu que,pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la salariée fondée sur l’absence deproposition d’une convention de conversion, la Cour d’appel retient, qu’en raison de sonancienneté, la salariée ne pouvait bénéficier d’une convention de conversion. Qu’en statuantainsi, alors que l’article L. 321-5 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 2août 1989, n’exige aucune condition d’ancienneté pour bénéficier d’une convention deconversion la Cour d’appel a violé le texte susvisé par ces motifs : Casse et annule, maisseulement dans ses dispositions rejetant les demandes de la salariée en paiement dedommages-intérêts en cas de requalification de son contrat, pour absence de propositionconvention de conversion et licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 30octobre 1991, entre les parties, par la Cour d’appel dans l’état où elles se trouvaient avantledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Nancy ; Condamne lasociété Eda, envers Mme POT, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt.CommentaireLes conventions de conversion ont été instituées par les partenaires sociauxcomme mesure d’accompagnement au licenciement pour motif économique. En effet,conclues entre les entreprises envisageant de procéder à un licenciement économique et lesASSEDIC, les conventions de conversion permettent aux salariés qui acceptent d’y adhérer,de bénéficier pendant six mois d’un statut particulier qui comprend le versement d’uneallocation spécifique de conversion et la mise en oeuvre d’actions de reclassement (action deformation professionnelle par exemple). Toutefois, pour pouvoir adhérer à une convention deconversion, le salarié doit remplir les trois conditions 468 .suivantes :Les conditions d’adhésion à une Convention de conversion sont les Aptitude physique: le salarié doit être apte à l’exercice d’un emploi à l’entrée enconvention de conversion, c’est-à-dire au dernier jour du délai de réflexion ou à la rupture ducontrat lorsque le salarié et l’employeur conviennent de reporter d’une durée maximale dedeux mois la fin du contrat de travail. Age : le salarié doit être âgé de 57 ans au plus pour pouvoir bénéficier d’une conventionde conversion. Ancienneté: une ancienneté de deux ans est requise pour adhérer à une convention deconversion. En effet, l’accord national interprofessionnel sur emploi du 20 octobre 1986, quidéfinit pour l’essentiel le régime des conventions de conversion, prévoit dans son article 12que « l’employeur a l’obligation de proposer une convention de conversion a tout salariécompris dans un projet de licenciement économique qui a deux ans d’ancienneté au moins »(sauf dispositions conventionnelles plus favorables). De même, le règlement annexé à laconvention relative à l’assurance conversion 469 réserve la possibilité d’adhérer à une telle468Le point, Numéro Spécial, spécial conventions de conversion novembre1993.469 Convention du 1 er janvier 1994, v. Légis. soc. -D4- N’ 701 7 du 5-4-94.388


convention aux salariés de plus de deux ans d’ancienneté. En tout état de cause, l’UNEDICn’admet le bénéfice des conventions de conversion qu’aux salariés qui peuvent justifier d’unedurée d’affiliation de 182 jours ou 10 14 heures au cours des douze mois qui précèdent la finde leur contrat de travail 470 .Cependant, la loi du 2 août 1989, qui s’inscrit dans le prolongement del’accord national interprofessionnel, n’y fait nullement référence, quant au Code du travail, ilprévoit seulement que l’employeur est tenu d’informer les salariés de leur possibilité debénéficier d’une convention de conversion ou de la leur proposer. La raison pour laquelle laloi reste très générale est, qu’à l’époque de son adoption, le législateur avait la volonté de nepas figer la situation et souhaitait laisser aux partenaires sociaux une liberté de manœuvrepour conclure des accords plus favorables aux salariés.Dès lors, la question suivante s’est posée: L’employeur peut-il limiter saproposition de convention de conversion aux seuls salariés bénéficiant d’une ancienneté d’aumoins deux ans (telle qu’exigée par les dispositions conventionnelles) ou bien, à défaut deprécision dans la loi, doit-il la faire à tous les salariés visés par un licenciement économique etce, indépendamment de leur ancienneté ?La Cour de cassation, dans l’arrêt ci-dessus reproduit, vient de prendreposition. En l’espèce, une Cour d’appel avait rejeté une demande de dommages - intérêts d’unsalarié fondée sur l’absence de proposition d’une convention de conversion en raison de sonancienneté insuffisante. Or, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel etestime que les juges avaient ajoutés à l’article L. 321-5 du Code du travail une condition qu’ilne prévoyait pas. Selon la Haute juridiction « en statuant ainsi alors que l’article L. 321-5,dans sa rédaction résultant de la loi du 2 août 1989, n’exige aucune condition d’anciennetépour bénéficier d’une convention de conversion, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ». LaCour de cassation retient une interprétation littérale de l’article L. 321-5 du Code du travailqui n’est pas sans poser de problèmes pratiques.La portée de l’arrêt examiné : Jusqu’à présent, plusieurs raisons militaient en faveur d’une solution opposée à celleretenue le 6 décembre 1995. D’une part, la circulaire de l’UNEDIC limite le recouvrement dela contribution d’un mois de salaire sanctionnant la non-proposition de la convention deconversion 471 au seul cas où le salarié remplit les conditions d’adhésion prévues par lerèglement annexé à la convention relative à l’assurance conversion et notamment la conditiond’ancienneté de deux ans. D’autre part, dans un arrêt du 9 octobre 1990 472 , la chambre socialede la Cour de cassation avait admis la possibilité pour les partenaires sociaux de subordonnerle bénéfice de la convention de conversion à une condition d’ancienneté minimum de deuxans et avait censuré les juges du fond qui avaient donné satisfaction à un salarié n’ayant pascette ancienneté en condamnant à des dommages-intérêts son employeur pour défaut deproposition de la convention. Or, la Cour de cassation dans son arrêt du 6 décembre 1995 ne suit pas ce raisonnement.En affirmant qu’aucune condition d’ancienneté n’est nécessaire pour qu’un salarié bénéficied’une convention de conversion, elle décide que l’employeur ne peut pas s’exonérer470Circulaire UNEDIC N’ 94-1 1 du 1 er août 1994, v. Légis. soc. -D4- N’7120du 3 octobre 1994 et Bref social du 13 octobre 1994, p. 2.471 C. trav. art. L. 321-13-1.472 Bull. civ. V, N’ 426.389


unilatéralement de l’obligation d’information et de proposition d’une convention deconversion.Si cette solution devait faire jurisprudence, elle risque de soulever desinterrogations. En effet, le financement des conventions de conversion est partiellementassuré par l’employeur qui verse aux ASSEDIC l’indemnité de préavis dont le salarié auraitdû bénéficier (dans la limite de deux mois). La question qui se pose est donc de savoircomment sera financée la convention de conversion si, du fait de l’ancienneté insuffisante, lesalarié a le droit qu’à une très faible indemnité de préavis (un mois s’il a moins de deux ansd’ancienneté et un demi-mois s’il a moins de six mois d’ancienneté) ? Les ASSEDICsupporteront-elles seules le financement du dispositif ou bien refuseront-elles la demanded’adhésion des salariés de moins de deux ans d’ancienneté ?On risque fortement d’aboutir à la solution suivante: les employeurs devrontproposer à tout salarié licencié pour motif économique une convention de conversion, maisles ASSEDIC pourront toujours refuser l’adhésion. L’obligation imposée à l’employeur nepourrait alors qu’être purement procédurale et totalement vidée de sens. L’arrêt du 6 décembre 1995 conduira probablement l’UNEDIC à prendre position. Adéfaut, il serait souhaitable qu’une modification législative permette l’harmonisation destextes légaux et conventionnels afin de lever toute ambiguïté et de décider si l’obligation deproposition d’une convention de conversion est ou non limitée aux seuls salariés quiremplissent des conditions d’adhésion prévues par les dispositions conventionnelles. Dansl’attente d’une telle intervention, il est conseillé à l’employeur de proposer une convention deconversion a tout salarié licencié pour motif économique afin d’éviter de se voir condamné àpayer des dommages-intérêts pour défaut de proposition. L’arrêt ci-dessus examiné est à rapprocher d’une décision rendue le 23 mars 1994 473 par lachambre sociale de la Cour de Cassation. Dans cette espèce, l’employeur n’avait pas proposéde convention de conversion à un salarié qui avait, par ailleurs, un autre emploi. Pour ce faire,l’employeur avait suivi la directive de I % TNF-DIC N’29-90 selon laquelle, la poursuited’une autre activité était un obstacle à l’adhésion de l’intéressé. Or, la Cour de cassation avaitcassé le jugement du conseil des prud’hommes qui avait débouté le salarié de sa demande dedommages-intérêts au motif qu’une telle convention ne doit être proposée qu’aux salariésn’ayant plus d’activité professionnelle même résiduelle. Déjà dans cet arrêt, la Cour decassation avait considéré, comme dans l’espèce commentée, que les juges avaient ajouté àl’article L. 321-5 une condition que ce dernier ne prévoyait pas 474 .Les formalités préalables à l’adhésion sont évoquées dans le chapitre 2, article3 du Code du Travail où il est fait mention des points suivants :§ 1 er . Les salariés qui perdent leur emploi pour motif économique sont informésindividuellement, par un document, de la possibilité qu’ils ont d’adhérer à une convention deconversion. A ce document est jointe une notice destinée à présenter les caractéristiques de laconvention de conversion.§ 2. Lorsque le nombre des licenciements pour motif économique est inférieur à dix, mêmedans une période de 30 jours ou en l’absence d’instances représentatives du personnel, ledocument d’information susvisé doit être remis aux salariés concernés au cours de l’entretienprévu à l’article L.122-14 du Code du travail. Lorsque le nombre des licenciements pour473 Affaire Dubois Mougeot-Montot.474 Cass. soc. 6 décembre 1995 Pot c/SA Éda.390


motif économique est supérieur à 9 sur une même période de 30 jours et que l’entreprise estdotée d’instances représentatives du personnel, le document d’information est remis à chaquesalarié concerné, à l’issue de la réunion du comité d’entreprise ou des délégués du personnel,au-delà de laquelle les délais préfixés, prévus à l’article L.321-6, 1 er alinéa du Code du travail,n’ont plus de caractère suspensif pour la mise en ouvre du plan social.§ 3. Quel que soit l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement et le nombre de salariés surlequel porte le projet de licenciement économique, le délai de réflexion dont disposent lesintéressés est de 21 jours à compter de la remise du document d’information par l’employeur.Dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaires, le délai de réflexion dontdisposent les intéressés est de 15 jours à compter de la remise du document d’information parle mandataire de justice.§ 4. Chacun des salariés en cause se voit systématiquement proposer, pendant la période deréflexion, un pré-bilan évaluation-orientation destiné à l’éclairer dans ses choix. Ce pré-bilanest organisé sous la responsabilité de l’ANPE ou de l’APEC ou, sous leur responsabilité, pardes organismes habilités.§5. Le document d’information porte mention de la date à laquelle il à été remis au salarié.Cette date fait courir les délais visés au paragraphe 3. L’absence de réponse dans les délaisénoncés au paragraphe 3 ci-dessus équivaut à un refus d’adhésion du salarié.L’article 4 est divisé en deux paragraphes :§ 1 er . L’employeur communique à l’ASSEDIC la liste nominative de tous les salariés ayantopté pour une convention de conversion avec pour chacun l’indication du montant de laparticipation de l’employeur telle que définie à l’article 12 § 1 et 2, ainsi que les attestationsnécessaires à l’examen des droits.§ 2. Pour être recevables, le formulaire d’adhésion et la demande d’allocation doiventcomporter une copie de la carte d’assuré social et d’une pièce d’identité ou d’un titre en tenantlieu.Le chapitre 3 traite le statut conféré au salarié par l’adhésion. N’étant pas chômeur mais plussalarié de l’entreprise, pendant toute la durée de la convention, le salarié est considéré commestagiaire de la formation continue. Il bénéficie d’une protection sociale (assurance maladie,maternité, invalidité, décès, accident du travail) puisqu’il cotise par le biais de l’allocationspécifique de conversion. De même la période de conversion est prise en compte dans lecalcul de l’assurance vieillesse et de la retraite complémentaire.L’adhésion à la convention de conversion prend effet dès le lendemain de larupture du contrat de travail du salarié. Cette rupture est effective à la date d’expiration dudélai de réponse du salarié. Toutefois, l’employeur et le salarié peuvent convenir de reporterla date de cette rupture dans la limite de deux mois à compter du terme du délai de réponse dusalarié. Le salarié adhérent, dont la situation est alors régie par la convention de conversion, ale statut particulier prévu par l’accord du 20 octobre 1986 et la loi N°86-1320 du 30 décembre1986.La convention de conversion permet de bénéficier : D’une allocation plus avantageuse que l’AUD, pendant les 6 mois de la convention. D’une prise en charge immédiate sans délai de carence. D’un bilan évaluation-orientation. D’un accompagnement personnalisé de la recherche d’emploi pendant 6 mois. De formations lorsqu’elles sont nécessaires au reclassement.391


Le financement de ce dispositif est assuré grâce à une participation desentreprises qui procèdent à un licenciement économique mais aussi de l’État et del’ASSEDIC. Le contrat de travail du salarié qui, à l’issue d’un délai de réponse de 21 jours engénéral adhère à la convention de conversion, est rompu d’un commun accord entre lesparties. L’intéressé perçoit une indemnité dont le montant, ainsi que le régime fiscal et social,sont ceux de l’indemnité licenciement ; et, le cas échéant, le solde de l’indemnité de préavis àlaquelle il aurait pu prétendre. L’employeur, pour sa part, reverse directement à l’ASSEDIC,une somme correspondant à l’équivalent de deux mois de préavis.Le salarié ayant adhéré à une convention de conversion perçoit, pendant sixmois, une allocation spécifique correspondant à 83,4 % du salaire journalier de référencependant les deux premiers et à 70,4 % par la suite. Il bénéficie d’actions personnalisées,pouvant comporter de la formation, destinée à favoriser son reclassement et ce, aprèsréalisation d’un bilan d’évaluation et d’orientation.Instituées par un accord interprofessionnel du 20-10-86, les conventions deconversion ont par la suite été aménagées par des avenants dont la plupart des dispositions ontété reprises dans la loi du 2 août 1989 relative au licenciement économique et dans un desdécrets d’application de cette loi. Le régime des conventions de conversion qui résulte de cestextes s’applique pour tout licenciement économique engagé à compter du 1 er septembre1989.Lors de l’entretien préalable au licenciement pour motif économique,l’employeur remet au salarié un document d’information sur la convention de conversion.Celui-ci, pendant cette période, devra se rendre à un « prébilan » évaluation-orientation,organisé par l’UTR, qui est une équipe chargée de suivre le parcours et les démarches desemployés licenciés économiques pendant leur convention de conversion. Contrairement à cequi se passe lors d’un licenciement pour motif personnel, le licenciement pour motiféconomique donne droit à la convention de conversion, sur une durée de 6 mois. Pendantcette période, le salarié est suivi par un membre unique de l’UTR et non pas par l’agent deson ANPE locale. Il s’agit en fait d’un accompagnement individualisé avec une personne plusdisponible et compétente pour aider le salarié dans ses recherches. Normalement le salarié etl’accompagnateur UTR doivent se rencontrer au moins une fois par mois pendant toute laconvention de conversion. C’est également l’UTR qui étudie avec le salarié les opportunitésde formation.La convention du 1 er janvier 1997 relative à l’assurance conversion et lerèglement qui lui est annexé sont consécutifs à l’accord du 19 décembre 1996 qui à reconduitle dispositif des conventions de conversion jusqu’au 31 décembre 1999. Ils se substituent à laconvention du 1 er janvier 1994 et à son règlement. La nouvelle convention, conclue pour lapériode du 1 er janvier 1997 au 31 décembre 1999 et son règlement annexés ne comportentaucune modification de fond par rapport au régime antérieur.Ces mesures visent au reclassement le plus rapide de salariés menacés, delicenciement pour raison économique. Elles comportent en principe des actions de formation.On distingue deux types de mesures: la convention de conversion et le congé de conversionLa convention de conversion des ASSEDIC est proposée, pour une durée desix mois, aux salariés de moins de 57 ans, ayant deux ans d’ancienneté au moins et licenciés392


pour raison économique. L’adhésion volontaire à la convention consacre la rupture du contratde travail.Le congé de conversion se distingue de la convention ASSEDIC. En effet,l’implication financière de l’employeur dans le reclassement du salarié est plus importante, lecontrat de travail n’est pas rompu mais suspendu, et les ASSEDIC laissent la place au FNEpour apporter une contribution à l’exécution des plans individuels de reclassement qui vont de4 à 10 mois.Il a pour effet de suspendre le contrat de travail. Il permet à toute entreprise quiprocède à des licenciements économiques de mettre en place des « cellules emploi ». Deproposer aux salariés concernés des « bilans évaluation-orientation » et des actions deformation pour leur orientation professionnelle. Si aucune condition d’âge et d’anciennetén’est requise, l’employeur peut limiter le bénéfice de ce congé aux salariés « les plus difficilesà reclasser ». La durée minimum est de 4 mois et d’un maximum de 10 mois.La rémunération pendant le congé est ramenée à 65 % minimum du salairebrut antérieur, sans pouvoir être inférieure à 85 % du Smic. Des actions de formation sontéligibles aux situations de conversion et comprennent :Le bilan évaluation-orientation ;Les actions de formation de type A qui visent l’apport et le perfectionnement des connaissances professionnelles;Les actions de formation de type B portent sur l’accompagnement, sensibilisation recherche d’emploi.Ces actions sont en principe de courte de durée (elles ne doivent pas dépasseren général, les 300 heures) de façon à préserver les opportunités d’embauche ou deréembauche immédiates. Les frais de formation (droits d’inscription, frais de transport oud’hébergement) sont assumés par l’ASSEDIC et par l’État.L’employeur d‘entreprises de plus de 50 salariés apporte sa contribution enversant à l’ASSEDIC un montant de 686 € (4.500 F) par salarié en conversion; l’Étatrembourse cependant cette somme si l’entreprise n’est pas en mesure de l’assumer. Si lesalarié en conversion bénéficie d’une embauche de plus de 6 mois, son nouvel employeurpeut obtenir la prise en charge de l’ASSEDIC pour une formation limitée à 300 heures. Audelà,le salarié complète lui-même le financement à concurrence de 686 € (4500 F)Rémunération des salariés en conversion :Le bénéficiaire reçoit des ASSEDIC, une allocation spécifique de conversiondont le montant ne doit jamais être inférieur au montant de l’allocation chômage dont il auraitété titulaire s’il n’avait pas adhéré à la convention. Il continue de percevoir cette allocationpendant la formation, L’employeur participe en payant une somme égale à deux mois depréavis sur laquelle il peut parfois obtenir des abattements.Les frais de formation du congé de conversion (coûts de fonctionnement, droitsdivers, transport ou hébergement) sont couverts par l’employeur, le FNE pouvant participer àconcurrence de 50 %. La formation est une des priorités du gouvernement 2003, c’est lemeilleur moyen de rester compétitif pour les salariés, Jacques CHIRAC 475 , dans son élocution475Jacques René CHIRAC (1932- )est un homme d'État français, qui exerce lesfonctions de Président de la République française depuis le 17 mai 1995. Ila été Premier ministre de 1974 à 1976 et de 1986 à 1988. Il est égalementcoprince d'Andorre depuis 1995.Cf biographie complète en fin de thèse.393


du 14 juillet 2003 définie cette dernière comme d’une « formation pour permettre de changerl’emploi », « des crédits de formation pour s’adapter » sont donc mis en place pour tenter derésorber le chômage. La rémunération, dite « allocation de conversion » est égale auminimum à 65 % de la rémunération antérieure (et jamais inférieure à 85 % du SMIC).Elle estmaintenue quand le bénéficiaire du congé est en formation. Elle est à la charge del’employeur qui peut obtenir la participation de FNE. Ce dernier couvre alors l’allocation due,jusqu’à 50 % d’un revenu limité à deux fois le plafond retenu pour le calcul des cotisationssociales. Un salarié qui adhère à une convention de conversion, accepte d’entrer dans undispositif qui ne lui permet pas de s’inscrire comme demandeur d’emploi.La convention de conversion ouvre droit à une formation. Sa durée est de 6mois, avec une formation de 300 heures, mais rien n’empêche que la formation dure pluslongtemps. Son démarrage est à la date de sa signature. Le salarié a 21 jours de réflexion pouraccepter ou refuser après l’entretien préalable de licenciement au cours duquel l’employeurlui remet le document adressé par l’ASSEDIC. En fait le salarié a intérêt à l’accepter, aumoins financièrement. L’allocation versée pendant les deux premiers mois est égale à 83,4 %de son salaire brut et à 70,4 % pendant les 4 mois suivants. De plus l’accompagnement parl’ANPE est immédiat avec l’Équipe Technique de Reclassement (ETR) appelé encore UnitéTechnique de Reclassement (UTR).L’UTR est une unité spécialisée de l’ANPE dont l’objectifest le reclassement des adhérents à la convention de conversion. Le rôle de l’ETR est d’aiderl’adhérent (c’est l’appellation officielle) à la convention de conversion à trouver uneformation adaptée et en cohérence avec son parcours professionnel. Le parcours commencegénéralement par un bilan évaluation orientation (BEO), avec un référent de l’ETR. Si laformation est d’une durée supérieure à 3000 heures, c’est l’Allocation Unique Dégressive quiprend la suite.La convention de conversion assure des conseils à la recherche d’emploi. Tousles salariés touchés par un licenciement économique, possédant au minimum deux ansd’ancienneté dans l’entreprise, âgés de moins de 57 ans et physiquement aptes à l’emploi,peuvent bénéficier de cette convention de conversion. L’entreprise a l’obligation de laproposer, le salarié dispose d’un délai de vingt et un jours pour donner sa réponse (quinzejours en cas de liquidation ou de redressement judiciaire). Durant cette période de réflexion,un « prébilan » est réalisé par une unité spécialisée de l’ANPE : l’unité technique dereclassement (UTR), qui aide l’adhérent dans son choix.Si celui-ci adhère à la convention, il obtient les services de l’UTR pendant aumaximum six mois et ne s’inscrit pas comme demandeur d’emploi. Il bénéficie alors d’unsuivi individualisé par un correspondant de l’UTR, qui mettra en oeuvre toutes les mesuresnécessaires à une réinsertion rapide :élaboration de projet,prestations de recherche d’emploi,formation,proposition d’offres d’emploi...L’adhérent s’engage en contrepartie à effectuer une recherche d’emploi activeet à suivre les mesures qui auront été organisées pour faciliter son reclassement. Laconvention s’arrête dès que celui-ci a retrouvé un emploi, ou au plus tard au bout de six mois.Pendant cette période, il perçoit une allocation spécifique de conversion versée par l’Assedic,correspondant à 83,4 % de son salaire brut, pendant les deux premiers mois, et de 70,4 %pendant les quatre mois suivants. Il abandonne par contre ses indemnités de préavis, dans la394


limite de deux mois et n’effectue pas ce préavis dans l’entreprise. A l’issue de la convention,s’il n’est pas reclassé, il s’inscrit comme demandeur d’emploi et bénéficie de l’allocationunique dégressive, avec toutefois une réduction de deux mois et demi de la durée deversement.L’utilisation non conforme à l’esprit du dispositif des congés de conversion,soulignée par le rapport doit être restituée dans son contexte. Il s’est agi, à chaque fois, defaire face à un nombre de licenciements importants dans un secteur économique donné, queces licenciements résultent d’une restructuration massive (sidérurgie), d’une réformed’envergure d’origine légale (dockers) ou de la disparition pure et simple d’une profession(transitaires). Le dispositif de congé de conversion demeure faiblement utilisé pour deuxraisons. Il est d’une utilisation lourde (simple suspension du contrat de travail des salariés quirestent inscrits aux effectifs) et coûteuse pour les entreprises (nécessité de financer lesallocations dont le FNE ne remboursera au maximum que 50 % et généralement 25 % dansles grandes entreprises). Il est donc moins favorable pour les entreprises que les conventionsde conversion. En dépit de cela, le congé de conversion demeure, sous sa forme de dispositifd’aide au reclassement, un outil régulièrement mobilisé par certaines grandes entreprises dansle cadre de leurs plans sociaux. L’utilisation partielle du congé de conversion, comme mesured’attente avant basculement en ASFNE a répondu à la nécessité de résoudre un problème desureffectif massif dans certains secteurs. Le recours à des mesures d’âge dérogatoire a permisque ces restructurations se passent sans conflit majeur et sans effet trop négatif sur les bassind’emploi concernés ; pour mémoire, rappelons que l’on est passé de 140.000 à 40.000salariés dans la sidérurgie en quinze ans, de 8.000 à 4.000 dockers en cinq ans et que le plansdes transitaires en douane a concerné 7.000 licenciements. Cette utilisation exceptionnelledes congés de conversion a permis de retirer les salariés du marché du travail et de garantir lapaix sociale, dans les bassins d’emploi où l’ampleur des restructurations n’aurait pas permisd’absorber ces sureffectifs. Elle a donc permis la réalisation de réformes structurellesindispensables mais l’utilisation comme anticipation des mesures d’âge d’un dispositif devanten principe servir au reclassement de salariés licenciés a constitué un coût notable pour lesfinances publiques et pour les entreprises. Conscient du coût représenté par ces mesures pourÉtat dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques ainsi que du risque de contagion àl’égard d’autre secteurs de l’économie que peut constituer le recours à des mesuresdérogatoires, les pouvoirs publics ont désormais quasiment supprimé l’utilisation des congésde conversion comme mesure d’attente. Les principaux secteurs utilisateurs de ces dispositifsn’y ont ainsi plus accès et sont, orientés vers des mesures de traitement diversifiés de leurssureffectif, par le biais notamment de l’aménagement et de la réduction du temps de travail etdes préretraites progressives.4° Les moyens de reclassementL’Antenne emploi travaille avec les agents des UTR dont dépendent lessalariés, elle leur propose des postes et des formations. L’ UTR est tenu de proposer au moins2 postes, comme Antenne emploi, à la différence près que l’UTR est un organisme public enface de plus de salariés que Antenne emploi qui est un organisme privé payé pour ne gérerque le reclassement des salariés dont elle est chargée par l’entreprise cliente. Antenne emploiest donc plus disponible et a surtout plus d’obligations de résultat que l’UTR. Cette approcherépond aux nouvelles politiques 476 pour l’emploi, à une époque où trouver un travail estdifficile et le conserver relève de l’exploit, quand les entreprises font tout pour réduire leurscoûts de production en délocalisant vers des pays qui ont des coûts moindres parce que les476 Voir en 7° la mise en place d’une stratégie Européenne pour l’emploi.395


charges salariales sont moins lourdes et que les revendications syndicales sont moinsvirulentes.L’Antenne emploi conseil formation prend alors en charge les salariés qui leveulent, elle les guide soit pour changer de métier soit pour trouver une autre place dans unenouvelle entreprise en meilleure santé qui embauche. Pour ce faire, des bilans de compétencessont organisés afin de repérer les lacunes éventuelles pour proposer des formations adaptées.Le bilan diagnostic orientation de carrière qui va suivre à été proposéessentiellement à la population « Etam et assimilés cadres », la population constituée par lesemployés et les ouvriers était plus orientée selon les résultats d’entretiens, cette différences’explique par la culture « orale » dominante chez les employés et les ouvriers. Quand on leurdonne des questionnaires à remplir, seuls les ouvriers qui ont bénéficié de promotions internesdans l’entreprise les retournent complétés.Une première phase de réflexion concerne le bilan :Savoir ce qu’on à appris,Ce qu’on sait faire,Ce qu’on aime faire,Cerner ses atouts relationnels,Voir ce que ses loisirs révèlent.L’orientation de carrière se divise ensuite en deux grandes parties : Les compétences professionnelles avec un récapitulatif de carrière, un inventaire desacquis de formation, une analyse des postes occupés et les envies exprimées. Les atouts professionnels en tenant compte de la situation personnelle, des contraintes, ducomportement, des acquisitions liées à la vie extra-professionnelle, des connaissances de soi.Un plan d’action est élaboré d’après les renseignements recueillis, le salariédevra formuler ses projets professionnels d’une part et mettre noir sur blanc ses qualités, sesmotivations et ses intérêts. Quand on se penche sur ce type de bilan, on comprend aisémentqu’une population habituée à l’auto-analyse et à l’écriture soit plus à même de remplir cequestionnaire qu’une population à tradition plus orale.Pour y adhérer, l’employeur remet un document appelé « Assuranceconversion - Information du salarié ». Dans ce document sont compris deux couponsdétachables : l’un complété par l’employeur, en vue de la convocation du salarié à un pré-bilan destinéà aider celui-çi dans son choix d’adhérer ou non; l’autre, appelé « bulletin d’acceptation de convention de conversion » à remplir par lesalarié lorsqu’il décide d’adhérer. Il remet ce bulletin avant la fin du délai de réflexion à sonemployeur qui le transmettra à l’ASSEDIC. L’adhérent reçoit ensuite une demanded’allocation de conversion.Une session de techniques de recherche d’emploi est mise en place en cas debesoin. L’adhérent peut participer à un atelier qui fonctionne régulièrement et où des offresd’emploi lui sont communiquées, il peut aussi se joindre à un club de prospecteurs d’emplois.L’EMT peut servir pour tester des connaissances dans un métier donné. Une session desensibilisation à la création d’entreprise apporte une première aide, elle est suivie de sessionsde perfectionnement à la création d’entreprise si le projet de l’adhérent se confirme. Une396


orientation approfondie ou une période en entreprise pour découvrir un métier peut êtreproposée.Une formation technique en entreprise :Peut se dérouler en vue d’un emploi dans une future entreprise;S’il n’existe pas de formation du type souhaité en organisme de formation;Si les formations en organisme sont trop coûteuses;Si les équipements de pointe nécessaires à la formation n’existent que dans quelquesentreprises.En organisme de formation :L’UTR aide l’adhérent à établir un projet de reclassement. Ce projet peut prévoir, si celaparaît nécessaire, une formation : une remise à niveau, un perfectionnement ou unemodernisation des compétences, un élargissement et, éventuellement, une acquisition deconnaissances. La durée globale se limite en principe à 300 heures, pour une formation pluslongue, le dispositif de l’allocation de reclassement est plus approprié;Pour une création d’entreprise l‘adhérent peut :Suivre une session de sensibilisation à la création d’entreprise suivie d’un stage « créationd’entreprise »;Suivre des formations techniques (gestion, organisation, commercialisation;Éventuellement bénéficier d’une EMT pour se rendre compte de la réalité d’un secteurd’activité.L’UTR peut passer une convention avec un organisme pour que l’adhérentpuisse bénéficier d’une formation. Un revenu de remplacement est versé mais le salarié quiadhère à une convention de conversion ne doit pas s’inscrire comme demandeur d’emploi.Il ne doit pas effectuer son préavis, et la rupture définitive de son contrat de travail intervient,en règle générale, le dernier jour de son délai de réflexion. Cependant, avec un accord écritentre l’employeur et le salarié, l’exécution du contrat de travail peut être prolongée jusqu’àdeux mois après la fin du délai de réflexion.L’adhérent bénéficie d’une indemnité versée par l’ASSEDIC pendant unmaximum de six mois (allocation spécifique de conversion) à compter du lendemain dudernier jour de son délai de réflexion (il n’y a pas de délai de carence). Le montant del’allocation est de 83,4 % du salaire brut les deux premiers mois et de 70,4 % les quatre moissuivants. L’adhérent perçoit de son employeur l’indemnité de rupture de contrat (calculéecomme l’indemnité de licenciement) et l’indemnité compensatrice de congés payés.L’employeur ne lui verse pas d’indemnité de préavis, sauf si celui-ci est supérieur à deuxmois. Si le préavis est de trois mois, l’employeur lui verse alors un préavis d’un mois. Al’issue des six mois de convention de conversion, si l’adhérent n’a pas retrouvé d’emploi ils’inscrit comme demandeur d’emploi et bénéficie alors de l’Allocation Unique Dégressiveversée par l’ASSEDIC; La duré de versement de cette allocation est toutefois diminuée dedeux mois et demi sur la période d’indemnisation aux taux normal.Si le salarié n’adhère pas à une convention de conversion, il doit s’inscrirecomme demandeur d’emploi pour bénéficier d’une indemnisation des ASSEDIC. Il perçoit deson employeur l’indemnité de licenciement, l’indemnité de congés payés et l’indemnité de397


préavis. Il bénéficie lui aussi d’une AUD dont le montant est de 40 % du salaire brutjournalier, auquel s’ajoute une partie fixe ou 57 % du salaire brut si cela est plus avantageux.La durée et le taux de cette indemnisation seront indiqués par l’ASSEDIC. Si l’ANPEpropose ou valide un projet de formation susceptible de favoriser le reclassement, uneAllocation Formation Reclassement 477 est versée par l’ASSEDIC. Son montant, à ladifférence de l’AUD n’est pas dégressif. Sa durée est d’une durée maximum de 12 mois à 3ans selon le cas. Si la formation est supérieure à 12 mois, le salarié doit justifier de 3 ansd’activité salariée au cours des 6 dernières années.Tableau 10 : Durée d’indemnisation à compter de la fin du contrat de travail(terme du préavis).Durée d’affiliationDurée totaleTauxnormalTauxdégressifPar périodede 6 mois14 mois au cours des 24 derniers mois jusqu’à 49 ans 50 ans et plus30 mois45 mois9 mois15 mois21 mois30 mois- 17 %- 15 %27 mois au cours des 36 derniers mois de 50 à 54 ans 55 ans et plus45 mois60 mois20 mois27 mois25 mois33 mois- 15 %- 8 %Des aides à l’embauche sont possibles pour les entreprises qui proposent uncontrat salarié à un adhérent en convention de conversion 478 . Ces informations ne sontdonnées qu’à titre indicatif. Avant toute démarche ou signature de contrat, il faut contacter lescorrespondants locaux. Il s’agit avant tout de favoriser l‘embauche de personnes en cours delicenciement économique. Les contrats de Travail doivent être un contrat en CDD de 6 moisminimum ou un CDI. Les horaires de travail doivent correspondre à un temps complet ou à untemps partiel. Les salariés de l’entreprise doivent avoir au minimum 2 ans d’expérienceprofessionnelle dans l’entreprise. Ils doivent avoir moins de 57 ans, être aptes au travail etdisponibles immédiatement. Ils doivent naturellement faire l’objet d’une procédure delicenciement pour motif économique et avoir signé une conversion de conversion depuismoins de 6 mois. Ils ne doivent avoir conservé aucune activité professionnelle, salariée,indépendante, même réduite.Des avantages pour l’employeur se manifestent par le biais d’aides et deversements : 8 semaines gratuites si le contrat est un CDD minimum de 6 mois ou un CDI.Le salarié est indemnisé par l’allocation spécifique de conversion durant la période gratuite. Les versements sont mensuels : l’aide financière est au prorata l’ancien salaire, sil’embauche est faite dans les 2 premiers mois de la convention; elle est versée au bout des 6mois de travail. Formations Adaptation en vue de l’embauche : l’adhérent fait bénéficier d’un capital de300 heures gratuites pour l’entreprise d‘accueil; cette prise en charge financière s’effectue autitre de l’allocation spécifique de conversion. Un perfectionnement en entreprise de 300heures maximum avec CDI ou CDD en finalité, gratuites pour l’entreprise est aussi possibledans le cadre de la prise en charge financière au titre de l’allocation spécifique de conversion.Une formation d’Adaptation après embauche de 300 heures maximum avec CDI ou CDD477 AFR : Allocation Formation Reclassement478 Rédigé avec la participation de l'ASSEDIC.398


minimum 6 mois, toujours avec une prise en charge financière par l’ASSEDIC dans la limitede 686,08 € (4.500 F) est un autre atout.Tous les employeurs du secteur privé relevant du champ d’application del’Assurance chômage n’étant pas en situation de licenciement peuvent bénéficier de cesmesures. Il leur suffit de s’adresser à l’Unité Technique de Reclassement, de signer uneconvention de conversion avec l’UTR et le stagiaire. Si la convention intègre un staged’adaptation, il faudra préparer un plan de formation avec un échéancier. Il y a aussipossibilité d’effectuer des EMT (Évaluation de Milieu de Travail) sans coût pourl’employeur, 10 jours ouvrés maximum, avant de s’engager sur la convention de conversion.Diverses solutions sont proposées pour ce vaste problème qui bouleversel’économie et les fondements sociaux d’un pays, le travail ayant des répercutions dans tousles domaines de la vie quotidienne. Pour une question vieille comme le monde nous avonstenté de chercher chez les économistes des pistes dont les politiques actuelles se servent.Parmi ces « solutions » que sont les licenciements collectifs, des plans sociaux se mettent enplace et sont gérés au mieux des situations.5° Les licenciements collectifs et les plans sociauxLes relations sociales en France se caractérisent par un rôle dominant de l’Étatdans sa fonction de réglementation ou de sur-réglementation. Cela fait dans doute partie de laspécificité française car, à la différence d’autres pays qui avaient ces mêmes caractéristiques,le champ de la loi reste à l’identique sans laisser une place plus large, voire une priorité à lanégociation collective ; Cette dernière est toujours sous la menace d’une intervention dulégislateur si la négociation ou son rythme n’évoluent pas comme souhaité par lui. Notre paysse caractérise par des partenaires sociaux sous tutelle et cela induit leurs comportements etleurs attitudes.Le débat sur la réforme des procédures de licenciements collectifs se focaliseentre trois options guère satisfaisantes :1 - l’exigence d’une « liberté d’action » au nom des exigences d’un marché le plus libre etle moins réglementé possible ;2 - le contrôle du juge sur les motifs, les procédures, les plans sociaux,3 - le contrôle de l’administration sur ces mêmes éléments.Dans ces deux derniers cas, en fait, il s’agit plus que d’un contrôle car par lafaculté d’empêcher les entreprises d’y procéder on participe de fait à la gestion del’entreprise. L’idéal qui semble, pour l’heure, un peu hors de portée, voudrait que : le législateur et l’administration du travail définissent clairement la notion de licenciementéconomique, ses effets et des éléments de procédure qui l’accompagnent. les partenaires sociaux compléteraient ces procédures, les géreraient en pouvant faireappel à des expertises ou des médiations pour les aider à venir à bout de leurs divergences. l’État se réserverait un pouvoir qui n’est pas mince, celui d’accorder ou non les aides à lareconversion, financées sur fonds publics selon que le plan social paraît équilibré ou nonsuivant son contenu et qui constituent un paramètre financier importantIl revient aux partenaires sociaux d’imaginer des outils spécifiques pour lereclassement des salariés touchés par un licenciement collectif allant au-delà des congésconversionsqui, dans la pratique, ne constituent qu’une modalité plus avantageuse399


financièrement que l’indemnité de chômage. Ne peut-on imaginer des structures spécifiquesgéographiques et /ou professionnelles, en charge du bilan professionnel des personnesconcernées, de la définition de formations ouvertes sur le reclassement, de la prospection enfaveur du reclassement, de la gestion de certaines aides ou reclassement chez le nouvelemployeur. Ceci est possible et pourrait de faire paritaire ment dans le cadre de branchesprofessionnelles ou dans un cadre interprofessionnel. Ceci a été fait dans le cas de laformation professionnelle et du congé individuel de formation, ne peut-on l’envisager pour« gérer des reclassements » ?C’est aux acteurs de la société civile qui revendiquent leur liberté d’agentssociaux de s’en saisir et de faire preuve d’imagination et d’esprit novateur. En attendant etdans le cadre d’une situation qui n’est guère satisfaisante, il revient aux praticiens qui lacomposent, confrontés régulièrement aux dysfonctionnements des textes et des procéduresactuellement en vigueur, de les signaler et de demander à court terme qu’ils soient amendésafin d’en limiter les excès les plus flagrants et contraires à la bonne marche des entreprises.Ces recommandations qui, portent pour l’essentiel sur des aménagements destextes actuels, ne signifient nullement approbation de ceux-ci et des principes qui lesinspirent. Il s’agit dans l’urgence et vu l’urgence plus modestement de limiter les effets lesplus néfastes des textes en vigueur et des pratiques qui en découlent dans l’attente d’uneréforme de fond que nous espérons. Celle-ci caractéristique d’une démocratie sociale et d’unesociété civile adulte et vivante doit faire plus de place à des partenaires sociaux plus actifs etmus par une logique de coopération et non de confrontation et par un État et uneadministration moins interventionnistes.Le débat qui a précédé l’annonce des amendements gouvernementaux faitapparaître chez certains intervenants les notions de « licenciements boursiers » ou de« licenciements de convenance » impliquant par la même leur caractère arbitraire. Bienévidemment, nous ne pouvons pas nous reconnaître dans ces notions. Les licenciementséconomiques obéissent à des causes conjoncturelles, résultats négatifs de la société, oustructurelles (amélioration de la compétitivité, technologies nouvelles) qui déterminentl’urgence des mesures à prendre plus ou moins forte.Les recrutements, les embauches ont un coût et ce n’est pas pour des motifssans fondement qu’une entreprise va assurer le choc d’un licenciement collectif, et les coûtsqu’il comporte. L’univers économique des décisions liées à l’emploi est plus rationnel.L’opinion en général et les hommes politiques en particulier se félicitent du rythme decréation d’emplois qu ‘à connu notre économie ces dernières années, supérieur à celui depériodes antérieures à croissance égale. A contrario, il ne faut pas s’étonner qu’une période deralentissement économique qui affecte l’ensemble des secteurs ou uniquement quelques unss’accompagne de la destruction d’emplois. Les entreprises sont plus réactives et à mêmed’agir en temps réel. Ce qui est vrai et positif dans un cycle de croissance doit être admislorsque le signe du cycle suivant est de tendance inverse.Les propos également tenus par certains responsables comme quoi seules lesentreprises qui font des pertes devraient être autorisées à licencier, manquent de cohérence, laréalisation de bénéfices un trimestre ou un semestre donnés peut précéder des retournementsde situation. Il n’y a qu’à lire les pages financières des journaux pour enregistrer les « profitswarning » des sociétés. La vitesse de réaction permet au contraire d’enrayer la crise qui, à400


défaut, prendra plus d’ampleur et exigera plus tard des mesures plus importantes encore.Voudrait-on interdire toute médecine préventive ?Ce climat d’ensemble qui caractérise le débat, même si les responsablesgouvernementaux ne le prennent pas en totalité à leur compte, induit l’esprit des mesuresgouvernementales : le licenciement collectif est considéré comme un quasi-délit d’oùsuspicion sur les entreprises qui y procèdent, prolongation des procédures d’enquêtes quiperdent de vue l’essentiel - le reclassement des personnes concernées - aggravation despénalités pesant sur les plus importantes - celles de plus de mille salariés - responsabilitésnouvelles concernant la restructuration des sites, etc.Le licenciement économique est une réalité que l’on ne fera pas disparaîtredans une économie de marché ouverte à la compétition. Les pouvoirs publics, et les acteurssociaux seraient mieux inspirés de mettre leur créativité au profit de stimulations positivestendant à maintenir le potentiel des compétences des salariés concernés, à les indemniser dansla durée, à compenser les pertes de revenus, à favoriser la mobilité, qu’à pénaliser lesentreprises qui s’y voient contraintes.Les mécaniques d’assurance existent, est-il nécessaire d’y ajouter despénalités, des charges nouvelles, alors que l’assurance est là pour couvrir les risques et réparerles dégâts. Ne vaudrait-il pas mieux que les acteurs sociaux réfléchissent à des discriminationspositives qui permettraient de maintenir les aides aux personnes en fonction de la situationd’emploi des zones touchées et des difficultés de la reconversion. Serait-il aberrant parexemple de mobiliser le 1 % logement pour racheter les logements des anciens salariéscontraints à la mobilité en vue de les relouer ou de les revendre ? Les moyens existent qu’ilss’agissent de régimes assurantiels, de dépenses de l’État et des collectivités publiques enmatière d’emploi et de formation.L’heure est venue de régulations et de mesures plus incitatives que celles desurveiller et punir les entreprises qui se livrent aux licenciements. Par ailleurs, les mesuresproposées et dont on analysera le détail, paraissent indiquer que plus la taille de l’entreprisequi réduit ses effectifs est importante, plus elle sera pénalisée et soumise à contribution, etplus ses anciens collaborateurs bénéficieront de garanties importantes. Rien ne dit, parexemple, que les salariés de PME touchés par un plan social bénéficieront d’un congé dereclassement. Il ne faudrait pas que les interventions des pouvoirs publics et les effortsfinanciers soient mobilisées particulièrement là où sont dominants de facteurs comme la forteprésence syndicale ou la personnalité des élus locaux, et que là où les situations sont moinsmédiatisées et les plans sociaux moins importants, ce soient les dispositions de droit communqui s’appliquent, sans plus. Là encore les principes invoqués d’égalité impliquent que lesmoyens mis en oeuvre soient les mêmes partout, et que si des discriminations positivess’imposent, elles interviennent là où les contextes sont plus difficiles et le tissu économiqueplus fragile.La révision de l’article L.258 .1 du Code du travail institue l’obligation, pourles organes de direction d’une société dont un établissement de plus de cent personnes cesserason activité, d’en décider après délibération du comité d’entreprise, au titre du livre IV duCode du travail. Cette délibération se fera sur la base d’une étude d’impact sur lesconséquences directes et indirectes de la fermeture. Cette obligation nouvelle cherche àimpliquer le Conseil d’administration et le Conseil de surveillance ou Directoire après401


délibération de comité d’entreprise au titre de ses prérogatives économiques. Dans le cadred’un groupe de sociétés, s’agit-il des instances de la société mère ou celles de ses filiales ?On peut penser que ces instances ont eu à délibérer lorsque la décision a étéenvisagée à moins que le Président du Conseil d’Administration ou du Directoire ait pris cettedécision sans consultation des conseils statutaires de la société sur la base des délégations quisont les siennes. Ne serait-il pas préférable par ailleurs, que cette étude d’impact qui doitservir de base à la décision, parallèlement aux études internes de la société qui motivent sadécision, soit établie par les Pouvoirs publics au titre de ses administrations compétentes(Économie, affaires sociales) et avec le concours des collectivités locales et des autoritésconsulaires concernées. L’élaboration de ce document doit être envisagée dans des délaisrapides afin de ne pas allonger les délais d’une procédure complexe.En conséquence, ne pourrait-on se passer de cette phase formelle en renvoyantl’examen de l’étude d’impact lors de la délibération du comité au titre du livre III du Code dutravail. Ne vaudrait-il pas mieux maintenir l’obligation de la seule étude d’impact quitte àabaisser le seuil de cent personnes en vue de la délibération du comité au titre du livre III duCode du travail. La nouvelle rédaction de l’article L.321.3 du Code du travail et de l’articleL.432.1 du Code du travail marque bien les deux phases de la procédure de délibération ducomité d’entreprise au titre du livre IV au titre du livre IIIOn peut d’ores et déjà constater que les délais fixés par le texte sont indicatifs,car les recours devant le juge sont en général liés au motif que le Comité n’a pas la vision del’ensemble des dispositions nécessaires pour délibérer et émettre un avis. Ces batailles àretardement, cette éventuelle guérilla judiciaire, perdent de vue l’essentiel, l’analyse et l’étudedes mesures du plan social qui viendra par la suite. Le gouvernement n’aurait-il pu proposerau législateur de retenir à une distinction qui a toute sa légitimité en terme de délai d’examen: la distinction entre licenciement collectif lié à des difficultés économiques et dont celles-cisont la cause, et licenciements collectifs motivés par la sauvegarde de la compétitivité ou leschangements technologiques. L’existence ou l’absence de difficultés économiquesimmédiates, détermineraient le caractère plus ou moins rapide des procédures. La premièredélibération du comité aurait pu porter sur cette distinction au titre du livre IV du Code dutravail. Il faut le répéter, n’est-ce pas préférable de passer rapidement à l’analyse du plansocial et à la mise au point définitive de celui-ci, plutôt que de prolonger une discussion sansissue entre les parties sur l’analyse économique qui sous tend la décision de licenciementcollectif et sur laquelle il est des plus improbables qu’il y ait consensus ou rapprochement despoints de vue. Cela est trop souvent l’occasion de faux débats et de procédures dilatoires quin’ont d’autre objet que de retarder les licenciements.Cette question est également en débat en Belgique où la loi Renault, après lafermeture de Vilworde, a instauré cette double procédure. Les acteurs sont plus généralementsoucieux de débattre des mesures de reclassement que des motifs économiques eux-mêmes.Ce débat a-t-il pour but d’éclairer l’intervention postérieure du juge sur le licenciementéconomique au titre des critères admis par la Cour de Cassation : difficultés économiques,changement technologique, sauvegarde de compétitivité. Le gouvernement confirme savolonté de ne donner ni aux représentants du personnel, ni à l’administration du travail lepouvoir d’interdire les licenciements. Il prolonge néanmoins une période d’incertitude, le jugeayant des mois ou années après les faits, la capacité de prononcer la nullité des licenciements.402


Cela n’améliore pas la situation présente, la prolonge sans perspective de rapprochement despoints de vue sur la légitimité des décisions L’intervention du juge si les élus du personnels’estiment insuffisamment informés, constitue un facteur d’allongement des procédures qui negarantit en rien l’objectif essentiel, l’indemnisation et le reclassement des salariés concernéset la recherche d’un accord sur ce dispositif.La mesure proposée par l’article L.321-4.1 du Code du travail voie, pour lesentreprises de mille salariés ou plus, une obligation de contribuer à la restructuration dubassin d’emploi dans lequel elle procède à la fermeture d’un établissement. Il s’agit d’unepénalité nouvelle qui s’ajoute aux coûts des assurances chômage, aux pénalitésDELALANDE et à d’autres charges nouvelles comme le congé de reclassement. Instaurée en1987, la contribution DELALANDE est une taxe qui vise à dissuader les entreprises delicencier des travailleurs de plus de 50 ans. Un tel dispositif peut néanmoins avoir des effetspervers. Il peut inciter, en particulier, les entreprises à éviter l’embauche de travailleurs âgés,afin de ne pas risquer d’être redevables ultérieurement de cette taxe. Les différents effets surles embauches et les licenciements sont évalués ici empiriquement, en tirant parti desnombreuses modifications que le dispositif a connues. L’effet de restriction des embauches detravailleurs âgés est étudié à partir d’un changement, intervenu en 1992, qui exonère dudispositif les travailleurs recrutés après 50 ans. Conformément aux prédictions théoriques, onobserve alors une amélioration des chances de retour à l’emploi des chômeurs de plus de 50ans par rapport aux chômeurs de moins de 50 ans. Cette évolution ne semble pas due àd’autres changements concomitants, comme l’introduction de contrats aidés ciblésparticulièrement sur les chômeurs de plus de 50 ans. L’effet sur les licenciements est, enrevanche, plus faible, ou du moins difficile à mettre en évidence : les décisions delicenciement des entreprises seraient peu sensibles aux fortes variations du barème de lacontribution DELALANDE. Le seuil fixé à mille induit la question suivante : Dans le cadrede plans sociaux d’entreprises de taille plus réduite, ces efforts de ré-industrialisation serontilsmenés ? En cas de réponse affirmative, l’effort sera t-il à charge de l’État et descollectivités territoriales. Est-il normal eu égard au principe d’égalité devant la loi de créerune inégalité entre entreprises et suivant leur taille, des distorsions de concurrence. Parailleurs, on rend là un mauvais service à l’aménagement du territoire. Beaucoup d’entrepriseshésiteront à s’implanter là où le tissu économique n’est pas dense, car les efforts deréindustrialisation à la charge de ceux qui ont à fermer un établissement seront d’autant pluslourds. Le risque d’handicaper les zones à faible densité d’emplois est probable. Dans l’articleL.321.4.3 du nouveau Code du travail l’obligation de proposer un bilan d’évaluation decompétences et d’orientation aux salariés concernés par un licenciement économiquesn’appelle pas de commentaires. Par contre, l’obligation de proposer dorénavant à chaquesalarié concerné un congé de 6 ou 9 mois suivant l’âge du salarié et totalement à charge del’employeur dans les entreprises de plus de mille salariés, appelle les commentaires voisins deceux que suscite l’art. 321.4.1 du Code du travail. Qu’en sera t-il dans les entreprises demoins de mille salariés : le congé de reclassement sera t-il proposé ? Qui le financera ? Est-illégitime d’instituer cette distorsion dans le des charges à assurer en fonction uniquement de lataille de l’entreprise ? Pourquoi alourdir la charge alors que l’assurance chômage est là pourcouvrir les charges résultant de ces risques ?La mesure proposée par l’article L.122.9 du nouveau Code du travail tend àfaire varier le barème de l’indemnité de licenciement en fonction de la nature du licenciement.Si le motif de licenciement est personnel, la Ministre Madame GUIGOU 479 a indiqué que le479 Elisabeth GUIGOU (1946- ), cf biographie complète en fin de thèse.403


taux de l’indemnité prévu au code du travail sera doublé en passant à un cinquième par annéed’ancienneté. Cette mesure en elle-même n’appelle pas de commentaires car le taux fixé parla loi est relativement modéré. Néanmoins, on peut se poser les questions suivantes : lelégislateur recommande-il que les indemnités conventionnelles comportent la même variationdes montants en fonction du motif du licenciement. ? Se départira t-il d’une neutralité en lamatière ? Lorsqu’une décision de justice constatera que le motif réel et sérieux n’existe pas,lorsque le licenciement interviendra sur la base d’un motif personnel, quel barème seraapplicable, le barème de base, ou le barème renforcé ? La nouvelle rédaction de l’articleL.432.4.1 fait état de la possibilité ouverte au Comité d’entreprise de saisir l’inspection dutravail si ses membres estiment que l’utilisation de contrats à durée déterminée ou à l’intérimn’est pas conforme à la loi. L’employeur aura obligation de répondre au constat et à sesrecommandations. Cet article n’appelle pas de commentaires particuliers si ce n’est que lesinterprétations de l’inspecteur devront avoir le caractère général et homogène desappréciations de ce type requièrent. Si les approches diffèrent selon les grands courants depensée et les grandes écoles, chacune recrutent ses adeptes dans le monde des politicienschargés de mettre en oeuvre les solutions et les politiques dites de l’emploi.6° Les nouveautésL’objectif de la convention du 1 er janvier 2001 relative à l’aide au retour àl’emploi et à l’indemnisation du chômage est de promouvoir un dispositif incitatif à la reprised’emploi en prenant en compte les situations particulières des jeunes en difficulté et deschômeurs longue durée. Il s’agit d’apporter une aide personnalisée aux demandeurs d’emploiet de contractualiser leurs engagements.La baisse des cotisations d’assurance chômage concerne tous les employeurs,les salariés ainsi que les demandeurs d’emploi. Le taux de contribution est passé de 6,18 % à5,80 % (3,70 % pour les cotisations employeur et 2,10 % pour celles des salariés). A compterdu 1 er janvier 2002, la cotisation est fixée à 5,60 % (3,60 % pour la cotisation employeur et2 % pour celle des salariés), puis 5,40 % (3,50 % pour l’employeur et 1,90 % pour le salarié)en juillet 2002. La contribution salariale supplémentaire de 0,50 % assise sur la tranche B estsupprimée à compter du 1 er juillet 2001.Les allocations sont revalorisées de 2 % à compter du 1 er juillet 2000, pourtous les allocataires de l’assurance chômage. Une aide à l’embauche des personnes endifficulté de réinsertion est mise en place. Cette aide à l’embauche est créée notamment endirection des chômeurs longue durée. L’entreprise qui embauche un chômeur dans cettesituation perçoit une aide dégressive pendant 1 à 3 ans. Cette aide est de 40 % du salaired’embauche pendant le 1 er tiers de la période et 30 %, puis 20 % les deux tiers suivants. Cettedisposition peut s’appliquer au bénéficiaire du régime de solidarité et du RMI à condition quel’État participe au financement.Concernant les contrats de qualification adulte, le régime d’indemnisation duchômage participe au financement des frais de formation des contrats de qualification adulteafin de favoriser l’accès à ces contrats des chômeurs ayant besoin d’acquérir une formationqui favorise leur insertion dans l’emploi. Un contrat pour l’insertion et la réinsertion est créé,il est destiné à des publics spécifiques rencontrant des difficultés d’emploi : jeunes, chômeursde longue durée.404


Cette nouvelle convention prévoit des aménagements des contrats à duréedéterminée. Le contrat à durée indéterminé est la forme normale et générale du contrat.Toutefois, des contrats de travail, ou des aménagements particuliers aux contrats de travail del’accord du 24 mars 1990 (CDD, Intérim) peuvent être mis en place par accord de branchespour la réalisation d’un projet ou d’une mission. Si de tels accords sont conclus, ils devrontêtre portés à la connaissance des partenaires sociaux interprofessionnels.Les chômeurs qui créent ou reprennent une entreprise pourront être indemniséssi l’entreprise cesse son activité dans un délai de 3 ans. De même la démission pour créer uneentreprise ouvre droit à l’indemnisation.Les cotisations baissent en janvier des trois années suivantes :En janvier 2000 : -0,27 pour les employeurs et -0,11 pour les salariés.En janvier 2001 : -0,20 pour les employeurs et -0,20 pour les salariés.En janvier 2002 : -0,17 pour les employeurs et -0,33 pour les salariés.Pour les salariés, s’ajoute la suppression de la surcôtisation de 0,5 % quis’applique entre 1 et 4 plafonds de la Sécurité sociale et qui était destinée à l’origine àfinancer la garantie d’un taux minimal d’allocation à 57,4 % du salaire pour les salairessupérieurs à 1524 € (10 000 F environ).L’Allocation Unique Dégressive (AUD) est supprimée au profit del’Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi (AARE). Les demandeurs d’emploi en coursd’indemnisation au 1 er juillet 2001 pourront à compter de cette date opter pour l’AARE. Danscette attente, les modalités de versement de l’AUD sont modifiées pour les salariés privésd’emploi depuis le 31 décembre 2000 sur les points suivants : la durée minimale d’affiliation toujours fixée à 122 jours (4 mois) est recherchée dans les18 derniers mois (au lieu des 8 derniers); le différé d’indemnisation passe de 8 à 7 jours et ne s’applique plus en cas de réadmissiondans les 12 derniers mois à compter de la précédente admission.Les personnes inscrites comme demandeurs d’emploi à compter du 1 er juillet2001 percevront l’Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi 480 . Les conditions d’attribution del’AARE sont similaires à celles fixées pour l’AUD sauf en ce qui concerne la dégressivité quiest supprimée. Lors de la demande d’inscription comme demandeur d’emploi, le nouvelallocataire signera avec l’ASSEDIC un Plan d’Aide au Retour à l’Emploi 481 qui formaliseraces engagements. Il signera ensuite avec l’ANPE un Projet d’Action Personnalisé 482 quidéfinira les mesures d’accompagnement individualisées lui permettant de retrouver unemploi. Ce PAP tiendra compte du degré d’autonomie de l’allocataire. Si une formation estprévue dans le cadre du PAP, une aide à la formation peut être accordée à l’allocataire par lebiais d’une prise en charge des frais de formation, des frais de dossier et d’inscription, desfrais de transport et d’hébergement). Afin de favoriser le retour à l’emploi des personnesrencontrant des difficultés particulières de réinsertion, une aide dégressive peut être attribuéeà l’employeur pendant une durée maximale de 3 ans. Son montant est égal à 40% du montantdu salaire le premier tiers de la période, 30 % le second et 20 % le troisième.480 AARE : Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi.481 PARE : Plan d’Aide au Retour à l’Emploi.482 PAP : Projet d’Action Personnalisé.405


Au 1 er juillet 2001, les dispositifs de cette assurance conversion et del’allocation formation reclassement cessent de prendre de nouveaux bénéficiaires. Au 1 erjuillet 2002, l’allocation aux chômeurs âgés est supprimée. L’UNEDIC est « dépoussiéré » etle terme d’aide et non d’assistanat est mis en avant ainsi que la notion de retour à l’emploiavec des engagements signés de la part du demandeur d’emploi qui se doit d’être actif. LePARE est inventé. L’accord interprofessionnel du 31 décembre 1958 qui avait été concluentre les syndicats et le patronat pour instaurer pour la première fois en France un systèmed’indemnisation du chômage est « refondé » au terme de quarante-deux ans d’existence. Unenouvelle logique d’assurance chômage se met en place.La négociation sur l’assurance-chômage engagée depuis le 17 mars 2000 s’estconclue le 14 juin au matin par un texte d’accord conclu entre les organisations patronales etseulement la CFDT et la CFTC. Nicole NOTAT 483 assume ainsi la principale responsabilitésyndicale du partenariat avec le Medef dans une Unedic réformée.Les principaux points de l’accord sont les suivants : Création d’un Pare ou Plan d’aide au retour à l’emploi. Le nouveau dispositif comportedes engagements réciproques formalisés dans le plan d’aide au retour à l’emploi. Signature d’un PARE. Le salarié privé d’emploi remplira et signera un document uniquequi comprend 3 volets : demande d’inscription, demande d’allocation et demande de PARE.Dès que ce document est signé il bénéficie d’une allocation (si les conditionsd’activité sont remplies) à taux normal pendant toute la durée du Pare. Élaboration d’un PAP. Dans le mois qui suit son inscription, l’institution compétenteréalise un entretien approfondi avec le demandeur d’emploi. Elle lui proposera, si nécessaire,un examen de ses capacités professionnelles (qualification, compétences, aptitudes). Cetentretien et cet examen serviront à établir, conjointement entre l’institution et le demandeurd’emploi, un Projet d’aide personnalisé (PAP) qui détermine ce qui sera proposé audemandeur d’emploi : Les catégories d’emploi qui correspondent effectivement à ses compétences. Les prestations d’aide à la recherche d’emploi, les formations qualifiantes diplômantes oud’adaptation nécessaire pour l’accès à un emploi disponible conforme au projet convenuconjointement.Le demandeur bénéficiera d’un entretien individuel d’accompagnement àintervalles de 2 à 4 semaines (selon son profil) avec un correspondant identifié, afin d’assurerle bon déroulement du PARE. L’institution compétente (qui pourrait être l’Assedic) définirales critères et les modalités de partenariat avec des prestataires extérieurs (ANPE, Missionslocales, organismes de formation et de bilan etc.) et veillera à la confidentialité des élémentsdu PAP. Le demandeur d’emploi doit effectuer des recherches personnelles, actives, sérieusesd’un emploi. Il doit se présenter à l’examen de ses capacités professionnelles, aux entretienspériodiques. Il doit donner suite aux offres d’emploi qui lui seront proposées, conformes auprojet d’action personnalisé, c’est-à-dire correspondant à sa qualification professionnelle, sescompétences, ses qualifications validées par le bilan et rétribuées à un taux de salairenormalement pratiqué dans la profession et la région. Il pourra bénéficier d’une aide à lamobilité s’il accepte un emploi dans un autre bassin d’emploi. En cas de refus sans motiflégitime de une, deux, trois, quatre propositions d’embauche correspondant à son PAP, ils’expose à des mesures qui vont d’une lettre de rappel à la réduction de 20 % des allocations,483 NOTAT Nicole (1947- ), cf biographie complète en fin de thèse.406


à la suspension et à la suppression de ses allocations. Les modalités d’application de cesdispositions seront fixées par le groupe paritaire de suivi de la mise en ouvre de la conventiond’aide au retour à l’emploi. Le demandeur d’emploi à la possibilité d’exercer un recours nonsuspensif contre ces décisions dans les 15 jours suivant leur notification auprès d’unecommission paritaire au sein de l’institution compétente (Assedic). Si dans les six moissuivant la signature du Pare, le demandeur d’emploi n’a pas retrouvé un emploi, l’institutionprocèdera avec celui-ci à l’actualisation du projet d’action initial, afin d’élaborer un nouveauprojet qui permette son reclassement effectif. Le demandeur pourra à cet effet bénéficier d’unbilan approfondi.Les allocations au taux normal seront maintenues pendant une nouvellepériode de 6 mois. Il devra répondre aux propositions d’embauches qui entrent dans le champde ses capacités professionnelles, à toute action de formation, reconversion, qualification. Siau-delà de douze mois, l’institution compétente n’a pas réussi à proposer un emploicorrespondant aux aptitudes validées du demandeur d’emploi, elle s’efforcera de le reclasseren lui faisant acquérir une expérience professionnelle nécessaire à son embauche en ayantrecours notamment à l’aide prévue pour faciliter le reclassement des chômeurs longue durée.Si au terme de ces démarches, le demandeur d’emploi n’a toujours pasretrouvé d’emploi ses allocations seront maintenues au taux initial jusqu’au terme des droitsrestants à couvrir. Les conditions d’indemnisation de certaines catégories de salariés ensituation précaire (pigistes, saisonniers, gens de maisons, frontaliers, VRP) seront examinéesdans un délai de 6 mois par la commission Paritaire Nationale de l’assurance-chômage afind’adapter les règles générales à leur situation particulière. De même, les conditions deréadmission faisant suite à certains contrats : Apprentissage, qualification, CES feront l’objetd’un examen par la CPN de l’UNEDIC afin que la reprise d’activité ne soit pas pénalisante.Après la signature du protocole d’accord, les partenaires sociaux doivent rédiger laconvention précisant les mesures prévues dans le protocole. Dans la mesure où lesdispositions conventionnelles ne sont pas en contradiction avec les lois et règlements envigueur, elles pourront s’appliquer après agrément des pouvoirs publics conformément auxarticles L 352-1 ou L 352-2-1. De par l’article. L. 352-1, les accords conclus entre employeurset travailleurs à l’effet de servir des allocations aux travailleurs sans emploi peuvent êtrerendus obligatoires en vertu de la procédure d’agrément prévue aux articles L. 352-2 et L.352-2-1. » Article L. 352-2-1. 484 .Lorsque l’accord mentionné à l’article L. 352-1 n’a pas été signé par la totalitédes organisations les plus représentatives d’employeurs et de travailleurs, le ministre chargéde l’emploi peut cependant procéder à son agrément si l’avis motivé favorable du Comitésupérieur de l’emploi a été émis sans l’opposition écrite et motivée, soit de deux organisationsd’employeurs, soit de deux organisations de travailleurs représentées à ce comité. En casd’opposition dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le ministre peut consulter ànouveau le Comité supérieur de l’emploi sur la base d’un rapport qui précise la portée desdispositions en cause, ainsi que les conséquences de l’agrément. Le ministre chargé del’emploi peut décider l’agrément au vu du nouvel avis émis par le comité ; cette décision doitêtre motivée. Il apparaît que de nombreuses mesures demanderont un agrément des pouvoirspublics voire un projet de loi (nouveaux contrats de travail). Or le gouvernement peut-ilagréer un accord avec deux organisations syndicales qui ne sont pas majoritaires en voix auxélections professionnelles ? Si juridiquement, il n’y a pas de problèmes, politiquement il enest autrement : on voit mal le gouvernement se plier aux exigences du MEDEF qui impose484 Loi N° 89-488 du 10-7-1989.407


une validation réglementaire et législative de la totalité de l’accord (les clauses sontindissociables) avant le 1 er janvier 2001, faute de quoi l’accord serait caduc.D’après la clause d’application générale de l’accord, « Cet accord forme untout indissociable. En l’absence de validation de la totalité du protocole par le ministère del’emploi, et des transpositions légales et réglementaires nécessaires à son application avant le1 er janvier 2001, le présent protocole sera considéré comme nul. » 485Une nouvelle convention a été signée le 19 octobre 2000 486 .1. La nouvelle convention prévoit une amélioration de l’indemnisation chômage, enprogrès par rapports aux textes initiaux. L’amélioration du niveau del’indemnisation des chômeurs réside dans la suppression de la dégressivité desallocations. Cette disposition, inscrite dès l’accord du 29 juin 2000, améliorenettement l’indemnisation des demandeurs d’emploi. En effet, la dégressivité,introduite en 1992, entraînait une baisse de l’allocation d’environ 15% tous les 6mois au delà d’une certaine durée d’indemnisation.Le montant consacré à la suppression de la dégressivité est de plus de 2,59milliards d’€ (17 milliards de F) sur 3 ans. La couverture de l’indemnisation chômage estétendue à 200 000 personnes supplémentaires. Au total le taux de couverture est améliorépuisqu’il passera à 43.5 %, contre 42 % (en juillet 2000) sous l’empire de l’ancienneconvention. Ce sont près de 200 000 demandeurs d’emploi supplémentaires qui pourront ainsiêtre indemnisés par l’assurance chômage: Élargissement de la première filière d’indemnisation : la durée d’activité nécessaire pourpercevoir une indemnisation par le régime d’assurance chômage est ramenée à 4 mois aucours des 18 derniers mois au lieu de 4 mois au cours des 8 derniers mois sous l’empire de laconvention de 1997. L’amélioration de la couverture va au-delà du projet du 29 juillet quiprévoyait une durée d’activité nécessaire 4 mois au cours des 14 derniers mois. Cette seulemesure permettra d’indemniser 135 000 personnes supplémentaires (estimation DARES). Ellereprésente un coût d’environ 0,35 milliards d’€ (2,3 milliards de F) sur 3 ans. Une amélioration de la prise en charge des créateurs d’entreprise prévue dès l’accord du29 juin 2000, s’adresse aux créateurs d’entreprises qui ont échoué dans leur projet. Ellereprésente un coût de 0,15 milliard d’€ (1 milliard de F) sur 3 ans. Le montant consacré àcette extension du taux de couverture est donc au total de 0,50 milliard d’€ (3,3 milliards deF) sur 3 ans. Au total, ce sont donc plus de 3,05 milliards d’€ (20 milliards de F) sur trois ansqui seront consacrés à étendre l’indemnisation du chômage.2. Parmi les moyens consacrés à l’aide personnalisée aux demandeurs d’emploi,2,29 milliards d’€ (15 milliard de F) sur 3 ans seront consacrés au financementdes plans d’accompagnement personnalisés. Dans l’accord du 19 octobre2000, il est précisé que 2,29 milliards d’€ (15 milliard de F) sur 3 ans serontréservés au financement des PAP (suivi personnalisé, bilan, formations), audelà des aides prévues pour la mobilité géographique, le financement descontrats de qualification adulte et l’incitation à l’embauche de publics endifficulté. Dans l’accord du 29 juin, seuls 0,61 milliards d’€ (4 milliards de F)485 Article de Yvan LOUFRANI dans TRiPALiUM, 2001.486 Rapport du conseil supérieur de la coopération pour 1999.408


sur 11,43 milliard d‘€ (75 Mds) d’excédents étaient consacrés àl’accompagnement (tandis que 10 milliards d’€ [71 milliards de F] étaientdestinés dans ce texte aux baisses de cotisations).Dans le nouveau texte, plus de 3,05 milliards d’€ (20 milliards de F) sontconsacrés au retour à l’emploi, contre 4,27 milliards d’€ (28 milliards de F) pour les baissesde cotisation (conditionnalité des baisses prévues en 2002 et suppression de celle de 2003).3. Des réponses sont apportées aux remarques du gouvernement concernant lesrisques pour certains demandeurs d’emploi. Le risque d’un système à deuxvitesses au détriment des chômeurs non indemnisés par l’UNEDIC est levé.Le service public de l’emploi, l’ANPE conserve sa compétence. Le fait que lesAssedic étaient en charge des PAP dans la première convention étaitgénérateur d’un risque de système à deux vitesses au détriment des chômeursnon indemnisés par l’UNEDIC : ce risque est levé dans le nouveau textepuisque c’est l’ANPE qui assure l’accompagnement personnalisé dans le cadredes PAP.Après l’agrément, des conventions de partenariat avec l’ANPE et l’UNEDICpréciseront les modalités de mise en oeuvre des PAP, notamment pour définir les modalités del’accompagnement personnalisé et des formations. Le système sera bâti sur le modèle du« nouveau départ » mis en place depuis octobre 1998 pour les demandeurs d’emploi les plusen difficultés. Il y aura un système unique, reposant sur le service public de l’emploi, quiaccueillera tous les demandeurs d’emploi, indemnisés ou non, et qui privilégiera les chômeursprésentant des risques de chômage de longue durée pour l’accès aux prestations.Un contrôle est effectué sur la recherche d’emploi. L’accord du 29 juin 2000prévoyait un système différent du code du travail actuel : un chômeur pouvait être sanctionnés’il refusait des emplois ne correspondant pas à sa qualification ou nécessitant une mobilitégéographique. Le nouveau texte s’en tient aux sanctions prévues par le code. L’interventiondes Assedic dans la procédure de contrôle (appréciation du motif et possibilité de suspensiondes allocations) a également été supprimée dans le nouveau texte. En la matière, la conventionde partenariat avec l’UNEDIC n’a pour objet que de préciser les systèmes d’information.La suppression de l’allocation formation reclassement (AFR) prévue dèsl’accord du 29 juin 2000 n’entraînera pas de conséquences négatives pour l’accès à laformation puisque les demandeurs d’emploi seront rémunérés par l’allocation d’assurancechômage dont la dégressivité a été supprimée. L’allocation de formation de fin de stage(AFFS) garantit la prolongation de l’indemnisation jusqu’à la fin de la formation. Laconvention du 19 octobre 2000 prévoit des financements des frais de formation d’une partdans l’enveloppe globale de 2,29 milliards d’€ (15 Mds F) sur 3 ans et d’autre part dans lecadre des sommes réservées au financement du contrat de qualification adulte 0,46 milliardsd‘€ (3 Mds F) selon le protocole du 14 juin 2000.4. L’équilibre financier entraîne des baisses de cotisations initialement prévuesqui conduisaient à terme à un déficit structurel du compte d’exploitation del’UNEDIC. La diminution de la baisse en 2001, la clause de conditionnalitépour les baisses de 2002 et la suppression de la baisse de 2003 garantissentdésormais cet équilibre financier.5. Les adaptations législatives ne constituent plus le cœur du dispositif. Elles nesont nécessaires que pour adapter les procédures de financement. Les mesures409


législatives aujourd’hui nécessaires pour mettre en oeuvre la convention du 19octobre viseront seulement à autoriser l’utilisation des fonds de l’UNEDICpour d’autres interventions que la seule indemnisation. Cela avait déjà été faitpour la mise en oeuvre des accords relatifs à la création de l’ARPE (allocationde remplacement pour l’emploi) et les conventions de coopération.Contrairement à l’accord du 29 juin 2000, l’accord du 19 octobre n’obligerapas à modifier le régime légal de contrôle de la recherche d’emploi et desanction.Le PARE s’inscrit dans le cadre de la loi N° 2002-73 du 17 janvier 2002 demodernisation sociale. L’accord des partenaires sociaux du 30 octobre 2001 étend le bénéficedes prestations d’aide au retour à l’emploi aux salariés licenciés pour motif économiquependant leur préavis.Le PARE s’adresse aux chômeurs qui s’inscriront à partir du 3 avril 2002, dated‘entrée en vigueur de l‘arrêté ministériel. Il s’adresse aux salariés des entreprises nonsoumises à l’obligation de proposition d’un congé de reclassement ainsi qu’aux salariés desentreprises soumises à l’obligation de proposition de congé de reclassement lorsqu’ilsrefusent ce congé. Ceux-ci devront s’engager contractuellement à retrouver un emploi. Ilsauront des droits mais aussi des devoirs, qui, s’ils ne sont pas respectés, seront suivis desanctions pouvant aller purement et simplement à la suspension des versements.Les points positifs concernent l’adhésion qui sera accompagnée d’unesuppression de la dégressivité des allocations chômage. De plus les droits seront étendus :aujourd’hui pour bénéficier d’une allocation, il faut avoir travaillé quatre mois au cours deshuit derniers mois, avec le PARE, il faudra avoir travaillé quatre mois au cours des quatorzederniers mois. Ce contrat entraînera un véritable suivi personnel du demandeur d’emploi. quine sera plus un simple numéro à l’ANPE. Le rôle de l’ANPE dans le dispositif sera deconcrètement proposer à chaque chômeur une ou plusieurs offres d’emploi et d’uneformation si c’est nécessaire au plus tard dans les trois mois qui suivent la signature du PAP,le projet d’action personnalisé. Au bout du quatrième refus qualifié « d’illégitime »,l’allocataire perdra son indemnisation. Quel type d’emploi aura-t-on le droit de refuser ? « Leprojet précise que l’offre devra correspondre aux qualifications du demandeur d’emploi. »Ensuite, si rien ne bouge, on cherchera des offres « en fonction des aptitudes de la personne,puis en fonction de ses capacités. »Si par exemple, le chômeur est commercial, sous prétexte qu’il a en plus sonpermis poids lourd, il aura beaucoup de mal à refuser un emploi de chauffeur routier. Ou si lapersonne cherche un poste de secrétaire de direction elle pourra très bien se voir proposer unemploi de couturière sous prétexte que le point de croix n’a aucun mystère pour elle. Ellessont là les aptitudes et les capacités.Les sanctions existent déjà. C’est Martine AUBRY qui a mis en place en 1991un dispositif de sanctions à l’attention des chômeurs. En 1999, ce sont 185 100 demandeursd’emploi qui ont été radiés, dont 6 % pour refus d’emploi, 1% pour refus de formation, 5 %pour manque de recherche d’emploi et 87 % pour absence à une convocation. Maisactuellement, et à la différence des propositions du PARE, le demandeur d’emploi dispose dequinze jours pour s’expliquer. Les radiations peuvent être temporaires et ensuite le demandeurd’emploi peut se réinscrire à l’ANPE.410


Les bénéficiaires doivent être licenciés économique, être titulaire d’un contratà durée indéterminée et justifier des conditions d’affiliation au régime d’assurance chômage :122 jours ou 606 heures d’activité, dans la même entreprise ou non, au cours des 18 derniersmois qui précèdent la fin du contrat de travail.1Dernière réuniondes représentantsdu personnelTableau 11 : Procédure suivie lors d’un licenciement économiqueEntretien préalablede licenciement2L’employeur remet au salarié :le document d’information sur les prestations du PARE pendant le préavis,le dossier d’acceptation des prestations du PARE3Première présentation de la lettre de licenciement au salarié qui mentionne le délai de 8 jourspour faire connaître son acceptation et déposer son dossier à l’ASSEDIC du lieu de sondomicile.4 (8 jours maximum)Présentation du salarié à l’ASSEDIC du lieu de son domicile avec: son dossier d’acceptation de l’accès aux prestations du PARE pendant le préavis, toutes les pièces nécessaires à une inscription comme demandeur d‘emploi, son attestation d’employeur, sa lettre de licenciement5 (22 jours maximum)Entretien individuel à l’ANPE pour l’élaboration du projet d’action personnalisé678Poursuite du préavisMise en oeuvre des actions prévues par le projet d’action personnaliséFin du contrat de travail.La procédure se déroule en 8 étapes, le salarié est inscrit en catégorie 5 de laliste des demandeurs d’emploi. Il n’est cependant pas considéré comme chômeur et devraaller s’inscrire comme tel si au terme de sa Convention de Conversion, il n’a pas retrouvéd’emploi ou de solution autre (formation longue, création d’entreprise, pré-retraite, …).411


7° La mise en place d’une stratégie Européenne pour l’emploiLorsque le sommet européen du Luxembourg en novembre 1997 a lancé lastratégie européenne pour l'emploi 487 , sur la base des nouvelles dispositions du titre surl'emploi du Traité, l'ambition était de réaliser des progrès décisifs dans un délai de cinq ans.Une évaluation approfondie des cinq premières années effectuée en 2002 a permis d'identifierles principaux défis et enjeux de la SEE. Elle a également souligné la nécessité de réformer laSEE afin de l'aligner plus étroitement avec l'objectif stratégique de Lisbonne visant unecroissance économique soutenue, une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et unrenforcement de la cohésion sociale d'ici 2010 ce qui s'est produit avec l'adoption de lignesdirectrices plus simples en 2003. Une nouvelle réforme a été lancée au début 2005 dans lecontexte de la proposition de la Commission pour un nouveau départ de la stratégie deLisbonne. Une nouvelle SEE est en cours depuis l'adoption des nouvelles lignes directricesintégrées en juillet 2005.Au Conseil européen de Lisbonne en mars 2000, l'Union européenne s'est fixéun nouvel objectif stratégique pour la décennie à venir: devenir l'économie de la connaissancela plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d'une croissance économiquedurable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plusgrande cohésion sociale 488 . La stratégie a été conçue pour permettre à l'Union de regagner lesconditions du plein emploi et renforcer la cohésion d'ici 2010. Le Conseil a égalementconsidéré que le but général de ces mesures était d'augmenter le taux d'emploi global de l'UEà 70 % et le taux d'emploi des femmes à plus de 60 % d'ici 2010.Le Conseil européen de Stockholm qui s’est tenu en mars 2001 a ajouté deuxobjectifs intermédiaires et un objective supplémentaire : le taux d'emploi global et celui desfemmes doivent atteindre respectivement 67 % et 57 % d'ici 2005, tandis que le taux d'emploides travailleurs âgés doit atteindre 50 % d'ici 2010. Le Conseil de Barcelone de mars 2002 aconfirmé que le plein emploi était un objectif fondamental de l'UE et a demandé de renforcerla stratégie pour l'emploi en tant qu'instrument de la stratégie de Lisbonne dans une UEélargie.A la suite de la révision de la stratégie de Lisbonne dirigée par un groupeindépendant de haut niveau présidé par M. KOK, la Commission a présenté uneCommunication sur la croissance et l'emploi en février 2005 qui propose un nouveau départpour la stratégie de Lisbonne concentrant ses efforts sur deux tâches principales : susciter unecroissance vigoureuse et durable et créer davantage d'emplois de meilleure qualité. Ceci aprovoqué une révision complète de l'organisation de la stratégie pour l'emploi afin de pouvoirexploiter au maximum les synergies et l'efficacité des mesures nationales et l'actioncommunautaire.La SEE est conçue comme l'instrument principal donnant la direction etassurant la coordination des priorités de politique d'emploi auxquelles les États membresadhèrent au niveau européen. Sur la base des nouvelles dispositions du Traité d'Amsterdam, leConseil européen du Luxembourg de novembre 1997 a décidé de mettre en œuvre une487 La SEE : stratégie européenne pour l'emploi.488 Extrait de l’objectif de la Commission Européenne de mars 2000.412


stratégie européenne pour l'emploi (SEE), également appelée "processus de Luxembourg".Les chefs d'État et de gouvernement se sont mis d'accord sur un cadre d'action reposant surl'engagement des États membres à établir un ensemble d'objectifs communs pour la politiquede l'emploi. Cette coordination européenne des politiques de l'emploi s'appuyait sur un cycleannuel de lignes directrices approuvées au niveau du Conseil, plans d'action nationaux desÉtats membres et un rapport conjoint de l'emploi de la Commission. Cette procédure a étérévisée en 2005 afin d'améliorer, d'un côté, la coordination entre les États membres et lesinstitutions européennes, d'un autre côté, la coordination de la politique de l'emploi avec lespolitiques macroéconomiques et microéconomiques de l'Union européenne. Cette nouvelleSEE couvre une période de trois ans, de 2005 à 2008.Voici ces composants:- Les lignes directrices intégrées pour l'emploi: sur base d'une proposition de la Commission,le Conseil adopte une série de lignes directrices exposant les priorités communes pour lespolitiques de l'emploi des États membres.- Les programmes d'action nationaux: chaque État membre élabore un programme d'actionnational décrivant de quelle manière les orientations communes seront conçues et mises enoeuvre au niveau national.- Le rapport conjoint sur l'emploi: Le chapitre sur l'emploi du rapport de situation annuel del'UE est adopté par le Conseil et sera la base du Rapport conjoint sur l'emploi.- Recommandations: Le Conseil peut décider, à la majorité qualifiée, sur proposition de laCommission, d'adopter des recommandations spécifiques par pays.- Rapport de situation annuel de l'UE: la Commission passe en revue le progrès effectué tantau niveau national qu'au niveau communautaire, basée sur un suivi régulier des actionsénumérées dans le programme communautaire de Lisbonne et sur une évaluation de la miseen œuvre des programmes nationaux des États membres. Sur base de cette évaluationannuelle, la Commission identifie, au besoin, de nouvelles actions et révise en conséquence leprogramme communautaire de Lisbonne.La SEE a introduit une nouvelle méthode de travail au niveau européen,connue sous le nom de "méthode ouverte de coordination". Cette méthode de travail s'appuiesur cinq principes clés: subsidiarité, convergence, gestion par objectifs, surveillancemultilatérale et approche intégrée.- Subsidiarité: La méthode établit un équilibre entre la coordination au niveau européen de ladéfinition des objectifs communs et de l'examen des résultats et les responsabilités des Étatsmembres pour décider du contenu précis des actions à mener. La définition des moyens et desconditions dans lesquelles les programmes et les politiques sont mis en œuvre est laissée dansune large mesure aux États membres, qui sont responsables de leur politique de l'emploi envertu du traité de l'UE.- Convergence: La stratégie vise la réalisation de résultats en matière d'emploi définis encommun grâce à une action concertée, où chaque État membre contribue à améliorer laperformance moyenne de l'Union. Ce principe a été rendu plus concret par le Conseileuropéen de Lisbonne et les Conseils suivants qui ont confirmé le plein emploi comme unobjectif fondamental de l'Union et fixé des objectifs quantifiés tangibles pour l'Union dansson ensemble.- L'apprentissage mutuel: L'échange de bonnes pratiques et expériences est un des objectifsprincipaux de la méthode ouverte de coordination de la SEE. Un Etat membre peut apprendrede l'expérience d'autres pays, qui ont peut-être déjà trouvé des solutions à des problèmes413


similaires dans le marché du travail. En encourageant l'apprentissage mutuel à tous lesniveaux dans des domaines clés de la SEE, on étend aussi des connaissances sur les politiquesles plus efficaces et comment elles doivent être mises en pratique.- Approche intégrée: Les lignes directrices pour l'emploi ne se limitent pas aux politiquesactives de l'emploi et couvrent également des domaines tels que les politiques sociales,l'éducation, le système fiscal, la politique d'entreprise et le développement régional. Lesréformes structurelles ne peuvent pas être obtenues au moyen d'actions isolées et dispersées :elles exigent une action cohérente et concertée sur un large éventail de politiques et demesures. Ces mesures doivent en outre être adaptées afin de répondre à des besoins et à desconditions spécifiques. Cela signifie que le processus de Luxembourg n'est pas la "propriétéexclusive" des ministères du travail et de l'emploi : il nécessite la mise en œuvre de politiquesd'emploi globales impliquant les gouvernements dans leur totalité, ainsi qu'un grand nombred'acteurs concernés.- Gestion par objectifs: Le succès de la stratégie repose sur l'utilisation de mesures deréférence et d'objectifs quantifiés afin d'assurer un suivi et une évaluation approfondie desprogrès accomplis. Ces objectifs se fondent sur les valeurs partagées par les États membres etcouvrent des questions considérées d'intérêt commun. Les progrès dans la réalisation de cesobjectifs sont définis en termes d'indicateurs quantitatifs ou qualitatifs. Par l'utilisationd'objectifs quantifiés et d'indicateurs, les résultats des politiques sont rendus transparents etdonc ouverts à l'examen public.F. <strong>LE</strong>S POLITIQUES FACE A L’EMPLOI ET <strong>AUX</strong> LICENCIEMENTSLes politiques de l’emploi, entendues comme mesures spécifiques de luttecontre le chômage et d’amélioration de la situation du marché du travail, existent dans tous lespays de l’O.C.D.E 489 . Les débats sur leur bien-fondé et leur efficacité sont récurrents. Outreleur dimension politique, en tant qu’objet d’analyse scientifique, ces politiques posent ausside nombreux problèmes : leur définition et leur contenu sont flous, en partie parce qu’il s’agitd’une construction historique relativement récente, les spécificités nationales sontimportantes, et les évaluations disponibles de leur efficacité donnent souvent des résultatscontradictoires. L’approche économique de ces politiques permet de mettre en lumière lesleviers d’intervention correspondant aux différentes mesures, ainsi que les enchaînementssupposés conduire à une baisse du chômage ou à une amélioration du fonctionnement dumarché du travail. Sur le plan empirique, les mesures doivent toutefois être appréhendées dansleur contexte macroéconomique et institutionnel : de ce point de vue, la comparaisoninternationale est nécessaire à l’analyse des politiques de l’emploi.Dans une perspective large, les politiques de l’emploi comprennent unensemble d’interventions publiques très variées : politiques macroéconomiques visant à luttercontre le chômage conjoncturel, mesures de réglementation du marché du travail (salaireminimum, règles de licenciement, temps de travail), interventions sur le coût du travail,incitations fiscales à l’activité, indemnisation du chômage, préretraites, mesures ciblées surles chômeurs (formation, aide à la recherche d’emploi ; stages ou emplois publicstemporaires), etc. Cependant, la définition conventionnelle la plus couramment retenue,notamment par les organismes internationaux, comme l’O.C.D.E., est plus restrictive : elleexclut l’ensemble des interventions générales, d’ordre macroéconomique ou juridique, et lesmesures de baisse du coût du travail bénéficiant à l’ensemble des salariés en fonction d’unseuil de salaire (baisses de charges en France, par exemple). Cette approche ne retient donc489 L’OCDE compte 30 pays membres, cf annexe 16 en fin de thèse.414


que les dispositifs profitant à des catégories particulières, telles que les chômeurs ou lesjeunes en insertion professionnelle... En ce sens, les politiques de l’emploi doivent êtrecomprises comme des interventions de nature plutôt structurelle, et ciblées.Parmi les mesures ciblées, on distingue entre mesures actives et mesurespassives. Les mesures actives ont pour objectif d’aider au retour à l’emploi des chômeurs etd’augmenter le niveau d’emploi dans l’économie, soit de manière directe (création d’emploispublics temporaires, subventions à l’embauche), soit de manière indirecte (formation). Lesmesures passives comprennent l’indemnisation du chômage et les dispositifs de cessationanticipée d’activité, dont l’objectif est d’atténuer les conséquences du chômage. Cettedistinction recoupe l’opposition plus courante entre traitement économique et traitementsocial du chômage.À partir de cette distinction, l’O.C.D.E. retient une notion de dépense publiquepour l’emploi, dont les catégories sont les suivantes : dépenses « actives », à savoir dépenses pour l’administration – et le service public del’emploi ; dépenses en faveur de la formation professionnelle des adultes ; mesures enfaveur des jeunes ; mesures d’aide à l’embauche (subventions à l’emploi dans lesecteur privé, emplois temporaires dans le secteur public ou associatif, aides auxchômeurs créateurs d’entreprises) ; dépenses « passives », à savoir indemnisation du chômage, – retraites anticipéesfinancées sur fonds publics.Le taux d’activité de la dépense publique pour l’emploi est alors défini commele rapport entre la somme des dépenses actives et le total de la dépense. Quels qu’en soient lesdéfauts et insuffisances, cette nomenclature des dépenses constitue une référenceincontournable, notamment pour les comparaisons internationales.En premier lieu, on peut remarquer que les modes de financement de ladépense pour l’emploi (types de ressources) opposent deux cas polaires, l’Allemagne, d’unepart, où les dépenses sont quasi intégralement financées par les cotisations sociales, et laGrande-Bretagne, d’autre part, où les ressources proviennent de l’impôt. On retrouve lecontraste classique de l’analyse des politiques sociales entre les logiques bévéridgienne(financement des dépenses sociales, à caractère universel, par l’impôt) et bismarckienne(financement des prestations sociales par des cotisations assises sur les salaires, les droitsétant ouverts aux seuls cotisants) de la protection sociale. Pour ces deux pays, cette distinctionsuivant le type de ressources s’applique en premier lieu à l’indemnisation du chômage, maiségalement aux dépenses de politique de l’emploi considérées dans leur ensemble. La Franceet la Suède constituent à cet égard des systèmes mixtes, où les politiques actives relèventprincipalement de l’impôt, alors que l’indemnisation du chômage est financée par cotisationssociales.Sur le plan institutionnel, les organismes en charge de la mise en œuvre de lapolitique de l’emploi apparaissent également diversifiés, particulièrement pour les mesuresactives. Dans un certain nombre de pays, la politique active de l’emploi relève au niveaucentral d’une organisation autonome, sous le contrôle du gouvernement : le Conseil nationalde la politique de l’emploi (A.M.S.) en Suède, l’Institut fédéral du travail (B.A.A.) enAllemagne sont, par exemple, des institutions publiques indépendantes dotées à la fois d’unpouvoir de décision et compétentes à l’égard de la mise en œuvre des mesures. A contrario, enFrance et aux Pays-Bas, l’organisation et la coordination de la politique de l’emploi relèvent415


directement de la responsabilité du ministère du Travail. Le degré de participation despartenaires sociaux à la politique de l’emploi est également variable. En effet, les syndicats etles organisations patronales participent à l’orientation et à la décision en matière de politiquede l’emploi au niveau central en Allemagne et en Suède, l’A.M.S. et le B.A.A. étant desstructures tripartites. Cette participation existe également aux Pays-Bas (Comité centraltripartite de la politique de l’emploi, C.B.A.), tandis qu’elle n’apparaît pas dans le casfrançais. En France, la responsabilité des partenaires sociaux à l’égard des politiques del’emploi ne concerne que les mesures passives (indemnisation du chômage et certainsdispositifs de préretraite).416


Enfin, du point de vue du degré de décentralisation de la mise en œuvre, onpeut opposer les pays à haut degré d’autonomie des échelons locaux (Grande-Bretagne, Pays-Bas) à ceux où les relations hiérarchiques entre échelon local et national prédominent (France,Allemagne). Ainsi les disparités de niveaux de dépenses et d’instruments de la politique del’emploi sont-elles doublées, en Europe, de spécificités institutionnelles nationales fortes. Audelàdu constat, les comparaisons internationales nourrissent de nombreux débats surl’efficacité comparée des modèles nationaux. Certains pays sont ainsi cités commeexemplaires (la Suède dans les années 1980, les Pays-Bas et le Danemark dans les années1990), même si les politiques nationales sont en fait difficilement transférables, précisémentdu fait de la nature institutionnelle, et donc fortement structurelle, des différences.Néanmoins, la référence comparative est partie prenante des débats dans le champ despolitiques de l’emploi.Les dispositifs de politique de l’emploi ont fait l’objet de multiples critiques,notamment en termes d’efficacité économique. La base de ces critiques est en partie d’ordrethéorique : ainsi, les politiques passives sont accusées de réduire l’incitation au travail, enréférence à la modélisation standard de l’offre de travail. Toutefois, les remises en causeproviennent également des résultats empiriques des évaluations disponibles.L’enjeu central de l’évaluation des politiques de l’emploi est d’identifier et dequantifier l’impact des mesures sur des variables représentant leurs objectifs (emploi,chômage, fonctionnement du marché du travail). Pour les économistes, l’évaluation peut sefaire à deux niveaux : au niveau des bénéficiaires des mesures (études microéconomiques), etau niveau de l’ensemble de l’économie (études macroéconomiques). Pour chacun desniveaux, les hypothèses testées sont mises en relation avec des modèles théoriquescouramment utilisés en économie du travail, ou en macroéconomie. Les évaluationsmicroéconomiques sont les plus nombreuses. Leur objectif est d’isoler l’effet propre (ou effetnet) des mesures sur la situation et les trajectoires de leurs bénéficiaires. Cet effet net estestimé sur la base d’une comparaison entre un groupe de participants et un groupe témoin, surle modèle des sciences expérimentales. La sélection aléatoire des bénéficiaires et nonbénéficiaires a longtemps été considérée comme la seule méthode permettant d’obtenir desrésultats fiables. En pratique, ce type d’expérimentation a essentiellement été développé auxÉtats-Unis, et très peu en Europe, du fait du coût élevé de ces évaluations et des problèmeséthiques qu’elles soulèvent dans le champ des sciences sociales (une partie des bénéficiairespotentiels se trouvent privés d’une aide, sur la seule base d’un tirage aléatoire, ce qui contreditle principe juridique d’égalité des droits). Les progrès des techniques économétriques ontpermis une diversification des méthodologies d’évaluation et l’obtention de résultats fiables,sans recours à une procédure expérimentale. Les évaluations macroéconomiques mesurentl’impact des politiques de l’emploi sur l’emploi, le chômage, les salaires, ou encore sur lesflux sur le marché du travail, au niveau global. Elles utilisent des données agrégées, etéventuellement des modèles macroéconométriques existants (c’est le cas des évaluationsréalisées par la D.A.R.E.S. pour le ministère du Travail en France – modèle Mosaïque).Les évaluations disponibles pour les principaux pays de l’O.C.D.E. suggèrentque les mesures d’aide à la recherche d’emploi des chômeurs – augmentent le taux de retourà l’emploi et sont peu coûteuses ; que les mesures d’incitation au travail ont un impact faiblesur – l’offre de travail, qui semble dépendre davantage de facteurs non monétaires, commeles caractéristiques de l’emploi, et de l’existence de structures de garde d’enfants, detransports adaptés. En revanche, ces politiques peuvent avoir des effets de redistribution desrevenus en augmentant les revenus après impôt des travailleurs à faibles salaires (les working417


poors ou « travailleurs pauvres », ainsi qu’on les désigne aux États-Unis et en Grande-Bretagne) ; Les mesures de création d’emplois dans le secteur marchand – engendrent denombreux effets pervers (effet d’aubaine, lorsque les embauches auraient été réalisées detoute façon ; effet de substitution, lorsque les mesures conduisent simplement les entreprises àsubstituer l’embauche de publics prioritaires à d’autres embauches ; effet d’éviction, lorsqueles mesures détruisent des emplois dans les entreprises n’utilisant pas la politique de l’emploi,par un effet de concurrence). Ces effets réduisent très fortement leur impact sur les créationsnettes d’emplois dans l’économie. Néanmoins, dans certains cas, ce type de dispositifs permetde favoriser l’embauche de publics prioritaires et les mesures de baisses de charges semblentfavoriser la demande de travail non qualifié (cas français). Les mesures de créationsd’emplois publics temporaires ou – d’emplois dans le secteur non marchand semblent plusefficaces en termes d’emploi, en dépit d’un coût élevé. Les effets d’aubaine, de substitution etd’éviction sont réduits, pour ces emplois, puisqu’il s’agit en principe d’emplois nouveaux quine seraient pas créés spontanément dans l’économie (par le secteur concurrentiel).Néanmoins, l’obtention de résultats positifs au niveau individuel (taux d’emploi et conditionsd’emploi des bénéficiaires à la sortie du dispositif) est conditionnée par la nature des emploisoccupés et l’existence de mesures complémentaires (de type formation). Les formations puresapparaissent dans l’ensemble peu – efficaces, tandis que les mesures d’alternance ont deseffets plus favorables. En effet, l’expérience du travail semble constituer un facteurdéterminant dans le retour à l’emploi des chômeurs.La principale critique que l’on peut faire à l’égard de ces évaluationsmicroéconomique et macroéconomique est qu’elles n’expliquent pas les raisons des succès oudes échecs qu’elles identifient. Ces méthodes permettent de dire si une mesure est efficace,mais en aucun cas pourquoi elle l’est. Or les analyses qualitatives (enquêtes, monographies)suggèrent que les comportements des acteurs et les conditions de mise en œuvre des mesuresdéterminent l’efficacité de ces dernières. L’analyse doit donc tenir compte non seulement duchoix des instruments au niveau national, mais aussi du contexte local de leur mise en œuvre(attitude du service public de l’emploi, implication des entreprises, des partenaires sociaux...).Aussi, en dépit des critiques récurrentes, notamment dans les rapports de l’O.C.D.E., on nepeut donc pas conclure que les politiques de l’emploi soient inefficaces. Néanmoins, leurefficacité dépend du contenu et du contexte de mise en œuvre des mesures. En revanche, il estcertain que la tonalité pessimiste de certains résultats d’évaluation a alimenté les débats etconduit à certaines réformes des politiques de l’emploi.Plusieurs orientations de réforme ont été mises en œuvre dans le courant desannées 1990, dans les pays de l’O.C.D.E. afin d’augmenter l’efficacité des politiques del’emploi. Une première tendance consiste en un renforcement de la coopération locale autourdes politiques actives de l’emploi. En Suède, un conseil du service de l’emploi a été mis enplace au niveau municipal afin d’accroître l’implication des acteurs locaux dans la mise enœuvre et le financement des mesures. En France, les pouvoirs publics cherchent également àfavoriser la coopération entre différentes catégories d’acteurs (service public de l’emploi,collectivités locales, employeurs). Une seconde voie de réforme des institutions de lapolitique de l’emploi consiste en une privatisation de certains services d’aide aux chômeurs.Cette orientation a été développée au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Dans ces deux pays, desinstitutions privées interviennent dans les activités de placement et de formation. AuRoyaume-Uni, les conseils formation entreprise (T.E.C.) ont été institués en décembre 1988sous la forme de sociétés locales dirigées par les employeurs : ils sont responsables de la miseen œuvre de la formation et des aides à la création d’entreprises. Aux Pays-Bas, le service del’emploi s’appuie partiellement sur des institutions semi-publiques de placement, comme418


l’agence d’interim Start, qui a pour objectif prioritaire l’insertion, en tant que salariésintérimaires, des chômeurs difficiles à placer.Face au poids des dépenses d’indemnisation du chômage dans la plupart despays européens, et étant donné l’existence (au moins théorique) de problèmes de désincitationà l’offre de travail du fait des politiques publiques et des systèmes de protection sociale,l’activation des dépenses est considérée par l’O.C.D.E. et par l’Union européenne comme unepriorité depuis le début des années 1990. Il s’agit, d’une part, de privilégier les mesuresactives par rapport aux mesures passives et d’augmenter ainsi le taux d’activité des dépenses,et, d’autre part, de rendre les dépenses passives, et en particulier les systèmes d’indemnisationdu chômage, plus favorables à l’emploi. De nombreuses réformes ont été réalisées dans cesens en Europe : dégressivité des allocations, possibilité de cumul partiel avec des revenusd’activité, subventions à la création d’entreprise pour les chômeurs, sanctions en cas de nonrespectdes critères de recherche d’emploi... Cette orientation rejoint une thématique plusrécente qui généralise ce type de mécanismes incitatifs à l’ensemble du système de prestationssociales et fiscales (politiques d’incitation au travail, ou welfare to work). Dans l’ensemble,ces réformes conduisent à privilégier l’intervention sur l’offre de travail. Parmi les exemplesde politiques fiscales ciblées sur l’offre de travail, on peut citer le working families tax creditanglais en 1998, ou encore la prime française pour l’emploi en 2001. Dans ces deux pays, lesystème d’allocations chômage a été rendu plus contraignant du point de vue du critère derecherche d’emploi.Outre le cas de la France (lois Robien 214 puis Aubry), plusieurs exemplesmanifestent l’existence d’une politique volontariste de régulation du temps de travail à la findes années 1990, dans un objectif affirmé de création d’emplois. En Allemagne, l’Étatcherche à promouvoir des négociations tripartites au travers des Alliances pour l’emploi. AuDanemark, l’État est intervenu à la suite d’une grève en 1998 pour augmenter le nombre légalde jours de congés. En Belgique, la norme légale de durée du travail a été abaissée à trenteneufheures hebdomadaires en 1998. Les modalités d’intervention publique restent bienévidemment différenciées, avec des spécificités nationales fortes : l’expérience allemandedemeure inscrite dans un cadre fondé sur la négociation, et non sur la norme légale, même sil’implication de l’État semble plus forte dans la seconde moitié des années 1990.L’intervention sur la durée du travail se manifeste également au travers de l’évolution deslégislations sur le temps partiel. De ce point de vue, la France s’inscrit dans une logique depromotion du passage à temps partiel par le biais des dispositifs de la politique de l’emploi.Cette logique repose sur des mesures d’incitation financière au développement des emplois àtemps partiel (allègements de charges pour les emplois à temps partiel entre 1992 et 1998,dispositifs d’intéressement des chômeurs, préretraites progressives, emplois d’utilitécollective dans le secteur non marchand limités au temps partiel, etc.). Ce type de mesures esttrès développé en France, mais demeure au contraire limité dans les autres pays européens, àl’exception de la Belgique.214La Loi DE ROBIEN sur la réduction du temps de travail est une loi votéele 11 juin 1996 qui permet aux entreprises de réduire le temps de travailde leurs salariés soit pour effectuer de nouvelles embauches, soit pouréviter un plan de licenciement. En contrepartie, elles bénéficient d'unallègement des charges patronales de sécurité sociale. Le passage aux loisAUBRY (35 heures) a entraîné la non-reconduction des accords Robien. DEROBIEN Gilles (1941- ), cf biographie complète en fin de thèse.419


Les politiques de l’emploi constituent ainsi un objet en mouvement, mais demieux en mieux connu. Les bases théoriques et méthodologiques de leur analyse et de leurévaluation se sont fortement développées, en relation avec l’évolution des théorieséconomiques du marché du travail, d’une part, des techniques d’évaluation, d’autre part.Néanmoins, ces approches tendent à instrumentaliser les dispositifs et à les sortir de toutcontexte institutionnel, national ou local, alors que cette dimension contextuelle sembleessentielle.Les négociations sont longues et difficiles. Le 02 octobre 2000, legouvernement communiquait un texte à propos de la convention d’assurance chômage. Lessignataires ont déposé ensuite le texte résultant des négociations entre partenaires sociaux,sans qu’il ne soit toutefois accompagné d’une demande d’agrément. Ce n’est pas la premièrefois que les négociations, pour une nouvelle convention d’assurance chômage, sont difficiles.Le régime d’assurance, comme le régime de solidarité, ont dû faire face à la montée duchômage dans les années 1970, puis à l’apparition d’un chômage de masse. L’UNEDIC aconnu trois périodes très difficiles, en 1979 et 1982 quand le gouvernement a dû intervenirdirectement pour prendre des mesures de redressement et en 1993 quand, une nouvelle fois, legouvernement a apporté un soutien de 5335715,6 € (35 milliards de F) pour éviter la faillitedu régime. Malgré cette longue crise économique qui a entraîné des périodes délicates, dessolutions ont toujours pu être trouvées entre les partenaires sociaux eux-mêmes, et entre l’Étatet les partenaires sociaux.Si le paritarisme est la règle, l’État a en outre toujours été partie prenante del’indemnisation des chômeurs. Il a, d’une part, la responsabilité majeure d’agréer cesconventions en veillant à ce qu’elles garantissent les droits de tous les chômeurs et qu’ellessoient assorties du financement indispensable à leur réalisation. Il a, d’autre part, laresponsabilité de prendre en charge tous les chômeurs qui ne sont pas couverts par l’UNEDICen leur attribuant une allocation de solidarité ou le RMI. En effet, seuls 42 % des chômeurs(1 million 700 000) sont aujourd’hui couverts par le régime d’assurance chômage dans notrepays. 500 000 personnes perçoivent l’ASS et près de 1 million, le RMI dont 46 % sont deschômeurs en fin de droit. La place du régime de solidarité, dont l’État a la responsabilité, aconsidérablement augmenté depuis 20 ans et celle de l’assurance chômage s’est réduite. Laproportion de chômeurs couverts par l’assurance chômage est passée de 75 % à 60 % en 80,50 % en 90 et autour de 40 % aujourd’hui.Patronat, syndicats et État sont donc tous concernés par l’indemnisation deschômeurs. C’est d’ailleurs la raison qui a conduit nos voisins européens à mettre en place dessystèmes différents du nôtre : un régime tripartite en Allemagne, Belgique, Autriche,Espagne, Italie, et même une gestion directe par État au Royaume Uni, en Grèce, en Irlande,au Portugal ou au Luxembourg. Les pays d’Europe du Nord se distinguent par une gestionassurée par les seuls syndicats. Seuls les Pays Bas disposent d’un système semblable au nôtre.Ceci dit, le gouvernement l’a dit à plusieurs reprises, il souhaite maintenir le système actuel.La présence du gouvernement aux côtés des partenaires sociaux se justifie d’autant plusaujourd’hui que pour la première fois dans l’histoire de l’UNEDIC, les signataires de l’accordont choisi d’intervenir très largement et délibérément dans le champ strict de la responsabilitéde l’État. Certes une telle démarche n’est pas en soi critiquable, elle peut être mêmesouhaitable. Mais chacun doit comprendre qu’il est alors légitime que le gouvernement vérifieque les droits des chômeurs dont il est garant, sont respectés. Et chacun doit accepter qu’ilfaille l’accord du gouvernement sur des modifications qui demandées à la loi et qui doiventêtre proposées au parlement. Le gouvernement a exprimé très tôt ses réserves pour ce qui420


concernait son champ de compétence et est intervenu très en amont dans la négociation pourpermettre d’aboutir à un accord agréé.Les commentaires qui ont été faits sur ce texte peuvent créer dans l’opinion letrouble et la confusion. On a en effet dit tout et son contraire, tant sur les éventuellesmodifications apportées par rapport au texte précédent, que sur la façon dont les objections dugouvernement ont été prises en compte, ou encore sur la nature réelle de l’équilibre entredroits et devoirs des chômeurs voulu par les signataires. Qui ne souscrirait à l’objectif sincèred’un « PARE sans fard 215 » tel que présenté récemment dans un article de journal ? Maisquelle que soit la bonne volonté des uns et des autres et les efforts déployés dans lanégociation, le texte de l’accord ne correspond pas aux intentions affichées.Le texte de l’accord prévoit de durcir les sanctions et de contraindre leschômeurs à accepter des emplois qui ne correspondent pas à leurs qualifications. C’est bien làle point majeur de désaccord. Il instaure en premier lieu de nouveaux motifs de sanction.Après 6 mois sans emploi, les chômeurs devraient en effet, sous peine de se voir supprimerleur allocation, accepter tous les emplois correspondant à leurs capacités professionnelles 216 ,c’est à dire tout métier qu’ils sont capables d’exercer, et non ceux qu’ils sont en droitd’attendre compte tenu de leur expérience et de leurs acquis professionnels comme le prévoitactuellement le Code du travail. L’article L. 351-17 stipule en effet que « le droit au revenu deremplacement s’éteint lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire de ce revenu refused’accepter un emploi compatible avec sa spécialité ou sa formation antérieure, ses possibilitésde mobilité compte tenu de sa situation familiale, et rétribué à un taux de salaire normalementpratiqué dans la profession et la région ». C’est la traduction en droit français de la conventionde 1934 du BIT. En outre, toujours après 6 mois de chômage, les chômeurs pourraient êtrecontraints à accepter une mobilité géographique sans qu’il soit tenu compte des conséquencessur la situation familiale notamment.Le texte de l’accord prévoit en second lieu de nouveaux pouvoirs contrôle etde sanction pour les ASSEDIC. Celles-ci seraient désormais non seulement chargées del’ensemble du suivi et du contrôle 217 , mais également dotées d’un pouvoir de sanction.L’accord prévoit 218 que le non respect des clauses prévues par le PARE « entraîne lasuspension du versement de ses allocations par l’ASSEDIC » sans avoir l’aval des pouvoirspublics. La rédaction du texte est en contradiction avec l’intention du législateur, qui aexplicitement entendu interdire l’agrément d’un accord qui contiendrait des stipulations« incompatibles avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, en particulieravec celles relatives au contrôle de la recherche d’emploi, à la compensation des offres et desdemandes d’emploi, et à l’organisation du placement, de l’orientation ou du reclassement destravailleurs sans emploi » 219 .Les syndicats signataires ont exprimé clairement leur souhait que « le suivi, lecontrôle et le pouvoir de sanctionner appartiennent aux services de État ». « Cela va de soi,nous l’écrirons ». Alors pourquoi ne pas s’en tenir, là aussi, à ce que prévoit le code du travailqui précise que « les opérations de contrôle de la recherche d’emploi sont effectuées par des215Le Monde du 30 septembre 2000.216Article 17 de l’accord.217Article 18.218Articles 19 §2 et 20 §2.219Article L. 352-2 du Code du travail.421


agents publics relevant du ministère chargé de l’emploi. » 220 . Ensuite, l’accord présente unlourd déséquilibre financier qui met en danger la pérennité du régime d’assurance chômage.Ainsi en rythme de croisière - année 2003 -, les 4573470,5 € (30 milliards de F) d’excédentsprévisibles sont absorbés entièrement par 4573470,5 € (30 milliards de F) de baisses decotisations. Il ne sera pas possible de financer les 3048980,3 € (20 milliards de F) de dépensesprévues 914694,10 € (6 MdF) pour l’aide au retour à l’emploi des demandeurs d’emploi,1372041,2 € (9 MdF) pour la suppression de la dégressivité, 15244,98 € (1,5 MdF) pouraméliorer la couverture chômage...) sauf à creuser un trou dans les comptes de l’UNEDIC deplusieurs dizaines de milliards de francs chaque année.Ce n’est pas en décalant le démarrage du dispositif de 6 mois que l’on règlequoi que ce soit. Il n’est pas possible - les signataires le savent - de financer une améliorationde l’indemnisation et un développement de l’aide au retour à l’emploi tel que prévu par lePARE en maintenant une baisse des cotisations qui correspond à la totalité des excédentsannuels. Il n’y a pas non plus de disponibilités financières pour la clarification financière. Ilne s’agit pas de faire un chèque à l’État comme le propose le MEDEF 221 , mais de redéfinirdes frontières claires entre le régime d’assurance chômage et le régime de solidarité, pour quechacun puisse assumer pleinement et entièrement ses responsabilités, et pour permettre uneutilisation efficace des fonds publics. Enfin, le gouvernement a toujours dit son accord audéveloppement de l’accompagnement personnalisé des chômeurs vers l’emploi appelé PAREdans la convention. C’est un des chantiers majeurs que le gouvernement a lui-même engagéavec le programme nouveaux-départs pour les chômeurs de longue durée, et qui porte sesfruits. Mais nous ne pouvons laisser entendre que tous les demandeurs d’emploi vont dèsdemain bénéficier des offres d’emploi qu’ils attendent, de bilans de compétence, deformations et d’un suivi personnalisé par un conseiller de l’ANPE. Les moyens financiers ethumains nécessaires pour cela sont très importants. Les 762245,09 € (5 milliards de F) enmoyenne par an que les signataires ont choisi de mobiliser pour l’aide au retour à l’emploisont bien utiles, mais ils ne peuvent couvrir l’ensemble des besoins. Ils représentent 457,35 €(3 000 F) par an en moyenne par chômeur, ce qui est à peine suffisant pour financer à chaquechômeur, au choix, un seul bilan de compétence ou bien une formation de 300 heures à 7,62 €(50 F) de l’heure tous les cinq ans... Il nous faudra donc nous mettre d’accord, par une analyseconjointe de l’ANPE et de l’UNEDIC, pour cibler les moyens sur les personnes qui en ont leplus besoin et apporter une réponse adaptée à la situation de chacun. Sur tous ces points, legouvernement s’efforcera dans les prochains jours d’aboutir aux clarifications nécessaires.Notre responsabilité collective est d’aboutir maintenant aux dispositions permettantd’améliorer la situation et l’accompagnement des chômeurs. Nous pouvons y arriverensemble puisque nous sommes d’accord sur les objectifs. La négociation pour la période2000-2003 s’est ouverte dans des conditions particulièrement favorables. Les créationsd’emploi n’ont jamais été aussi nombreuses qu’au cours des trois dernières années (1 million300 000 emplois en plus) et le chômage a baissé de 800 000. Par conséquent, lesdisponibilités financières sont très importantes. Dès lors que nous disposons de ces marges demanœuvre financières, l’UNEDIC peut relever plusieurs défis. Bien sûr et avant tout,améliorer l’indemnisation des chômeurs et le nombre des personnes couvertes. Dans ce220Article L. 351-18 du Code du travail.221Le Mouvement des entreprises de France, en abrégé MEDEF est uneorganisation représentant les dirigeants des entreprises françaises. Ils'agit donc en fait d'un mouvement des entrepreneurs de France. Le terme desyndicat est souvent employé pour le désigner, mais cette terminologie estjuridiquement impropre : en effet, ce terme ne peut désigner qu'unregroupement de salariés. Il ne concerne pas les regroupementsd'employeurs. Cf annexe 17 en fin de thèse.422


contexte favorable, il est aussi possible de mieux accompagner les chômeurs vers l’emploi.Cette idée déjà mise en oeuvre par l’ANPE pour les chômeurs de longue durée fait l’objetd’un large accord. Par ailleurs des baisses de cotisations peuvent être envisagées dès lors quel’équilibre financier est garanti. Enfin, après trente ans durant lesquels les relations financièresentre État et l’UNEDIC se sont modifiées au gré des difficultés rencontrées, il est légitimed’en clarifier les frontières et les principes. La nouvelle démarche, depuis la fin du mois dejuillet, face aux grandes difficultés de cette convention à voir le jour, a consisté à inviter enpermanence à la négociation, à la recherche d’un compromis et à l’accord du plus grandnombre possible d’organisations syndicales. C’est cette démarche que le gouvernementcompte aujourd’hui encore poursuivre afin d’aboutir à un texte qui soit cohérent avec lesobjectifs poursuivis, et qui permette de les atteindre réellement.Le gouvernement compte donc recevoir dans les jours qui viennent l’ensembledes organisations syndicales et patronales et consulter des personnalités reconnues etindépendantes afin de parvenir, dans les plus brefs délais, à un texte qui corresponde à cequ’attendent les chômeurs et les Français. Les Français ne comprendraient pas que dans lasituation actuelle et alors que tous partagent les mêmes objectifs, qu’il ne soit pas possible detrouver des solutions. Ils veulent la clarté et la transparence sur ces dossiers. Les chômeursveulent enfin que leurs préoccupations soient prises en compte.1° Une réforme en vue ?Gérard LYON-CAEN, enseignant à Paris I, spécialiste des relations du travail,nous avait fait part 222 de ses premières idées sur le projet gouvernemental de réforme deslicenciements économiques. Tenu dans l’ombre, ce projet dont les grandes lignes ont étéconnues peu avant l’été, vient sur le devant de la scène sociale. En avant-première, dans les« pistes de réflexion » du ministère du Travail sur la réforme du régime juridique deslicenciements économiques, publiées par Les liaisons sociales, on ne trouve pas trace durétablissement, même éventuel, de l’autorisation administrative un moment envisagé. Faut-ille regretter ? Le rétablissement de l’autorisation administrative n’a pas été envisagé et n’estpas envisageable. A la période des « dégraissages » massifs, elle n’a rien pu empêcher.L’administration locale comme l’administration centrale sont soumises à des pressionshiérarchiques. Elles n’ont du reste pas les éléments d’appréciation leur permettant de formulerun diagnostic économique assuré. Leurs décisions avaient été à l’origine d’un ‘imbroglio decompétence’ où seule la chicane trouvait son compte; pas les intéressés. La loi actuelle fait lapart belle au juge (tribunal de grande instance). Le juge constitue-t-il une meilleure garantieque l’administration du travail ? Dire que la législation en vigueur fait la « part belle » au jugeest une formule impropre. Ce qui est vrai, c’est que l’élaboration (et demain l’exécution) desplans sociaux a suscité des litiges nombreux et ces litiges, confrontés à des lacunes dans lestextes, ont contraint les juges à énoncer des principes essentiels (parmi lesquels l’affirmationque l’irrégularité d’un plan social entraîne la nullité des licenciements eux-mêmes). Lesavant-projets actuels intègrent, partiellement, ces orientations jurisprudentielles dans le Codedu travail (pouvait-on faire moins ?). En ce sens, les juges, faisant leur métier, sont plusefficaces que les administrateurs, faisant également le leur. Parmi les objectifs affichés par leministère, on évoque la nécessité de donner plus de sécurité juridique aux entreprises. Lesystème actuel semble-t-il mériter la critique d’une insécurité trop grande ?222Dans un entretien dans l’Humanité réalisé par Jean SANTON le 31 août1998.423


La sécurité juridique est la fonction minimale de la règle. Or dans un domainecomme celui de l’emploi règne une grande insécurité (réglementation changeante, parfoisincohérente, sans prise sur les réalités). Qu’une loi en préparation affiche sa préoccupation dedonner aux citoyens (à tous, y compris les chefs d’entreprise) une plus grande sécurité, estdonc légitime. On jugera à la clarté du style législatif. Une des pistes de réflexion seraitl’incitation à la négociation des plans sociaux. Un plan social négocié ne pourrait plus êtrecontesté devant le juge ou l’administration. Négocier (sous-entendu avec les syndicats) lesplans sociaux serait une réforme d’apparence radicale. Le plan social est actuellement unengagement unilatéral du seul employeur, lequel doit seulement recueillir l’avis du comitéd’entreprise: il deviendrait une convention. Toutefois le changement serait principalementformel. Le plan social contenant des dispositions en matière de durée du travail et derémunération suppose déjà fréquemment une révision des accords collectifs, donc la signaturesyndicale. Mais qu’un plan ainsi négocié, ne puisse plus être «contesté«, apparaît une formulefausse et trompeuse: tout acte juridique peut soulever des divergences d’interprétation etchacun a toujours la liberté de saisir un juge pour arbitrer ces divergences. C’est l’ABC dudroit.Le régime actuel, s’il a fait la preuve de son efficacité, ne concerne encore que15 % des licenciements économiques prononcés chaque année. Est-il possible de l’étendre et,si oui, comment ? La question ne se pose pas, ici, de façon pertinente. Le ‘régime’ actuelconcerne tous. Les licenciements économiques, traitant de manière différenciée leslicenciements individuels, ‘les ‘petits’ et les ‘grands’ licenciements collectifs. Les planssociaux (qu’on se gardera de confondre avec les licenciements eux-mêmes) ne sont exigésque pour les derniers cités. Que le contrôle des conseils de prud’hommes soit insuffisant surla motivation des autres, que l’on n’ait jamais utilisé ici le référé prud’homal, la constatationpeut en être faite. Sans pouvoir ici développer, il serait expédient de fournir aux prud’hommesde nouveaux moyens juridiques d’investigation et de vérification s’ils viennent à être saisis delicenciements économiques individuels. En dehors du problème de son champ d’application,une amélioration de la loi actuelle peut être suggérez au législateur.L’idée centrale pourrait être qu’il existe différentes méthodes pour réduire lescoûts; la loi pourrait les énumérer et les définir; et ajouter que la réduction des coûts parsuppression d’un poste de travail ne peut intervenir licitement que s’il est établi par ladirection que les autres procédés sont impossibles ou inopérants. La suppression d’emploideviendrait l’ultime remède. Le ministère affiche également son intention de mieux protégerles salariés des PME. On pense en particulier aux sous-traitants qui se trouvent dans unesituation de menace permanente. Quelle solution peut-on envisager pour assurer au mieuxcette protection ? La question des salariés des sous-traitants est depuis longtempspréoccupante. Les ‘protéger’ est un mot creux, on ne protège pas. Mais de même queplusieurs entreprises peuvent constituer un groupe - ou sont traitées comme une seule ‘unitééconomique et sociale’ -, de même l’ensemble constitué par un donneur d’ordre et ses soustraitantspourrait être qualifié par la loi comme... un ‘système d’emploi extériorisé’, lequeldevrait bénéficier d’informations spécifiques, pourrait désigner des représentants à cet effet;la question est vierge.« Face aux restructurations, Bruxelles veut renforcer les comités d’entrepriseen Europe et lier les aides publiques au maintien de l’emploi » 223 La commission européennese penche sur les plans sociaux. La commissaire à l’emploi et aux affaires sociales, Anna223Le Monde du 10 mai 2001.424


DIAMANTOPOULOU 224 , a annoncé à la presse, jeudi 10 mai 2001, son intention depromouvoir des normes sociales auprès des quinze. Elle devrait présenter aux pays membres,le 11 juin de cette même année, lors d’un conseil « emploi et affaires sociales », une versionaménagée de la proposition de directive « établissant un cadre général relatif à l’informationet à la consultation des travailleurs dans la communauté européenne », qui concerne toutes lesentreprises de plus de cinquante salariés. Sur la table depuis 1998, ce texte baptisé « directiveVilvorde » en référence à l’usine fermée par Renault en Belgique en 1997, n’est toujours pasadopté, du fait de l’opposition de certains États, notamment le Royaume-Uni et l’Irlande.Mme DIAMANTOPOULOU entend réintroduire dans le texte le système de sanctions prévuinitialement. Elle devrait notamment engager la révision de la directive de 1994 sur lescomités d’entreprise européens, pour faire en sorte que l’information des salariés soit délivréetrès en amont d’une décision, et que des sanctions soient imposées en cas de non-respect dudroit. La commission des affaires sociales du Parlement européen, présidée par le françaisMichel ROCARD 225 , a récemment organisé une audition publique sur les carences du texte envigueur. La commission souhaite aussi lier respect des normes sociales, droit de laconcurrence et aides d’État. Lors d’une fusion, elle pourrait vérifier que les sociétésconcernées ont bien rempli leurs obligations communautaires, et demander aux Étatsmembres de vérifier que, lorsque des aides régionales ont été consenties, les emplois sont bienmaintenus pendant cinq ans.politiques.Voici un bref condensé des courants de pensés selon les grandes écolesPour Robert HUE 226 , secrétaire national du PCF« Nous sommes à une étape nouvelle dans la mobilisation des salariés de ce pays qui sont àl’initiative de cette grande manifestation. Personne n’en a le monopole. Elle est celle dessalariés qui en ont décidé la tenue. Après Calais, après Londres elle est d’abord antilicenciementsface aux grands groupes et aux licenciements boursiers. En même temps, elleest un encouragement à pousser plus loin dans la loi de modernisation sociale. Aujourd’hui,elle peut effectivement prendre en compte un droit nouveau des salariés dans l’entreprise pourcontester les licenciements. Si cela se retrouve dans les propositions qu’on peut faire avancerà l’Assemblée nationale, le monde du travail aura franchi un pas important. Sinon, il faudracontinuer de pousser. Nous ne pouvons pas accepter que le droit du travail, aujourd’hui,n’intègre pas cela. »Pour Alain BOCQUET 227 , président du groupe communiste à l’Assemblée« Nous avons eu après les contacts précédents une longue conversation téléphonique avecÉlisabeth GUIGOU. Je lui ai dit que nous n’étions pas prêts à accepter n’importe quoi, quecela ne voulait pas dire que nous n’étions pas ouverts parce que nous ne sommes pas despartisans du tout ou rien et je lui ai demandé de nous communiquer assez vite sesamendements que nous n’avons pas encore en main. Je lui ai encore indiqué que j’espérais224Anna DIAMANTOPOULOU est Commissaire européenne pour l'emploi et lesaffaires sociales.225ROCARD Michel (1930- ) est un homme politique français, cf biographiecomplète en fin de thèse.226HUE, Robert (1946- ) est un homme politique français appartenant auParti communiste français. Cf biographie complète en fin de thèse.227Alain BOCQUET est un homme politique français, né en 1946 à Marquillies(Nord). Il est élu député le 16 juin 2002, pour la XII e législature (2002-2007), dans la circonscription du Nord (20e). Il fait partie du groupecommuniste dont il est président.425


qu’ils auraient un contenu à la hauteur des exigences du mouvement populaire. Nous allonsles examiner. C’est au gouvernement de faire des propositions maintenant »Pour Arlette LAGUIL<strong>LE</strong>R 228 , porte-parole de Lutte ouvrière« J’espère que cette manifestation après celle de Calais et je le dis d’autant plus directement àl’Humanité, incitera les députés communistes à ne pas voter la loi Guigou parce que je lacrois vraiment insuffisante face aux problèmes posés. Pour nous, à part le fait de pouvoirinterdire ces licenciements. Aujourd’hui nous en sommes à plusieurs dizaines de milliers degens menacés, tous les amendements qui pourraient être faits n’empêcheront aucun destravailleurs concernés de se retrouver à l’ANPE. Je ne suis pas dans la tête des dirigeants duPCF mais avec cette manifestation peut-être ses députés entendront-ils la volonté destravailleurs de ne pas se retrouver hors de leur entreprise demain. »Pour Alain KRIVINE 229 , dirigeant de la Ligue communiste révolutionnaire« C’est un succès. Il faut aussi dire franchement que la mobilisation au niveau national de laCGT aurait assuré un succès encore plus grand. Sa non-mobilisation est incompréhensible.Heureusement, beaucoup de cégétistes sont là et c’est tant mieux. Ce « tous ensemble »politique, syndical et associatif est très politique, très responsable et je crois que c’est pourl’avenir une étape très importante. Maintenant je suis très inquiet sur les suites parlementairesde cette manifestation. Je ne voudrais pas que son succès justifie, pour les Verts et le PCF quisont heureusement présents, de laisser passer les amendements GUIGOU. Ce sont de fauxamendements qui ne répondent pas à la situation. Depuis le début le PS a dit qu’il refusait unelogique d’interdiction des licenciements. Le reste est secondaire. Il faut que la gaucheplurielle choisisse. Robert HUE a gagné deux points dans les sondages à juste titre cesderniers temps mais si maintenant il laisse passer la loi il va en perdre quatre. »Pour Alain LIPIETZ 230 député européen des Verts« J’arrive de Cuba et ce qui se passe ici fait plaisir à voir. Je crois que depuis quelques annéesle mouvement populaire remonte. Des choses comme les « licenciements de confort » quipassaient ces dernières années comme une lettre à la poste ne passent plus. C’est formidable.Voter pour la gauche plurielle c’est important mais s’il n’y pas les mouvements sociauxderrière, cela ne suffit pas. Il faut que les gens sortent dans la rue, disent ce qu’ils en pensent,fassent pression sur le gouvernement. Le fait de montrer que les gens ne sont pas d’accordavec ce qui se passe doit influer sur les députés, sinon ce ne sont plus nos députés. J’espèreque les députés du Parti socialiste l’entendront ».Pour Jacqueline LAZARRE 231 , secrétaire confédérale de la CGT« La délégation confédérale est présente à cette manifestation parce qu’un certain nombre desyndicats CGT ont décidé d’être là, de façon unitaire pour certains, comme chez Moulinex,par exemple. Pour nous, la loi est importante. Pendant son élaboration, seule la CGT estintervenue. Il a fallu des luttes et la pression pour que des avancées, qui restent trèsinsuffisantes, soient introduites dans le texte. Nous nous en félicitons, ces luttes ont un sens,228Arlette Yvonne LAGUIL<strong>LE</strong>R est une femme politique française d'extrêmegauche, appartenant au mouvement Lutte ouvrière, cf biographie complète enfin de thèse.229Alain KRIVINE, né en 1941, est un homme politique français, cfbiographie complète en fin de thèse.230LIPIETZ, Alain est un homme politique français, membre du partiécologiste Les Verts, et un économiste. Né le 19 septembre 1947 sous le nomde Alain Guy LIPIEC, cf biographie complète en fin de thèse.231Jacqueline LAZARRE, Secrétaire de la CGT.426


mais l’important est l’appropriation de ces revendications pas les salariés eux-mêmes. Et lavie ne s’arrêtera pas avec cette loi. Notre bataille vise au-delà de la lutte contre leslicenciements : il s’agit de changer certains modes de gestion des entreprises en autorisant lessalariés à y participer. Là dessus, il y a beaucoup à faire dans les entreprises, y compris danscelles qui sont épargnées par les plans sociaux. Nous devons faire en sorte que toutes lesconfédérations syndicales utilisent l’opportunité de ce débat pour travailler ensemble sur cesquestions. Cette manifestation est partie d’une expression particulière et d’une situationpolitique particulière. Cette manifestation est à la fois une construction politique, et l’occasionpour les salariés des entreprises qui licencient d’avoir une expression revendicative. Si cettemanifestation rassemble, elle sera utile. Les syndicats ont leur travail à faire, les politiquesaussi. »Pour Annick COUPE 232 , porte-parole de l’union syndicale du Groupe des 10« Il est important que le mouvement syndical soit présent dans la rue au côté des salariés desentreprises qui licencient. Nous nous adressons au patronat pour lui dire que les salariés enont assez de la logique financière qui les conduit à licencier, même quand ils font des profits.Nous adressons aussi un message au gouvernement, à quelques jours du vote des mesuresgouvernementales, très insuffisantes, sur les licenciements. D’autres mesures étaient possibles: l’interdiction des licenciements pour les entreprises qui font des profits, le veto du CE en casde plan de licenciement injustifié, des moyens accrus de contrôle pour l’inspection du travail.On ne comprend toujours pas pourquoi certaines confédérations pourtant engagées localementcontre les licenciements ne sont pas ici aujourd’hui. La question est de savoir comment fairetravailler ensemble syndicats et partis politiques. On peut manifester en respectant lesparticularités de chacun. Je ne vois là aucun problème d’indépendance vis-à-vis du politique,puisque se battre contre les licenciements, pour introduire de nouvelles dispositions dans leCode du travail, c’est politique. »Pour Gérard ASCHIERI 233 , secrétaire général de la FSU« Cette manifestation est destinée à défendre l’emploi et lutter contre la précarité. Le patronatest donc interpellé. Il s’agit ensuite de faire avancer l’idée de nouveaux droits pour lestravailleurs - et en ce sens, nous répondons positivement à la proposition de la CGT detravailler de façon unitaire à cette question. Enfin, nous envoyons un message à État, qui estnotre employeur, pour qu’il mette fin à la précarité dans son secteur et pour que le servicepublic joue son rôle dans les politiques de l’emploi et les droits de salariés. En effet, ce sontles qualifications délivrées par le service public qui servent de base à la formation dessalariés. C’est un élément fondamental du rapport de force entre le salarié et l’employeur. »Pour Claude DEBONS 234 , secrétaire général de la FGTE (Transports) CFDT« Cette manifestation est pour nous l’expression d’une solidarité immédiate à nos camaradesd’AOM, Air Liberté, Air Littoral, menacées par un dépôt de bilan qui pourrait toucher 7 000232Annick COUPE, est née le 4 août 1953 à Falaise. Cf biographie complèteen fin de thèse.233Gérard ASCHIERI est secrétaire général de la Fédération syndicaleunitaire (FSU).234Claude DEBONS est un syndicaliste français. Cheminot, il fut secrétairegénéral de la Fédération Générale des Transports et de l'Equipement de laCFDT. En opposition de longue date avec la confédération, il la quitte avecla majorité des cheminots après le soutien de la CFDT à la loi FILLON surles retraites en 2003. Il rejoint alors la CGT. Il est un des animateurs dela coordination des collectifs pour le "non" lors du Référendum françaissur le traité établissant une Constitution pour l'Europe du 29 mai 2005 enFrance, qui se sont rebaptisés par la suite Collectifs du 29 mai.427


emplois. Cette manifestation est aussi l’occasion de rappeler que l’évolution du capitalisme -le poids des actionnaires, la concurrence, etc. - se répercute sur l’emploi, et que les salariésdeviennent la variable d’ajustement. La question des nouveaux droits pour les salariés, de laconstruction de contre-pouvoirs face aux actionnaires, est centrale. Elle nécessite autre choseque des mobilisations boîte par boîte pour négocier de bons plans sociaux, mais doit êtreenvisagée au plan national. C’est une question de société, donc politique, et à cet égard, iln’est pas choquant d’observer des convergences entre les préoccupations des syndicats et desmouvements politiques, dans le respect des prérogatives de chacun. Si les politiques ont puprendre le pas sur les syndicats dans ce débat autour des licenciements, c’est d’abord parceque la mobilisation syndicale n’a pas été à la hauteur. Des mobilisations unitaires sontnécessaires, et le débat doit être mis à profit par les confédérations pour se réapproprier etréintervenir sur ces questions. »Pour Pierre KHALFA 235 , membre du bureau d’ATTAC«Il s’agit aujourd’hui de créer un rapport de force pour peser sur les décisionsgouvernementales, avec une mobilisation assez forte pour infléchir le contenu de la loi. Nousdevons ensuite faire avancer dans les mobilisations sociales la question des licenciements,afin que les salariés concernés ne se retrouvent pas seuls le dos au mur. Si la mobilisation estforte, le gouvernement sera obligé d’en tenir compte. S’il ne le fait pas, il provoquera unerupture entre une fraction importante de la population et le gouvernement. La ligne dugouvernement consiste à dire qu’il est de la responsabilité des chefs d’entreprise de licencierou non, et du rôle du gouvernement de panser les plaies. C’est intenable. Il faut une régulationdu marché du travail qui ne laisse pas la question de l’emploi au seul bon vouloir des chefsd’entreprise. »Pour Pierre SERVAIS 236 , secrétaire fédéral de la fédération des BanquesCFDT« Notre présence ici est naturelle : les banques sont confrontées à des restructurationsmassives, moins dramatiques que celles qui touchent par exemple Marks & Spencers, maisaussi importantes sur la durée. Nous manifestons pour dire que les entreprises bénéficiaires nedoivent pas supprimer d’emplois, c’est le B-A-BA du syndicalisme. Le réalisme ne suffit pasen matière de syndicalisme, et nous devons être porteurs de l’espoir des salariés. Le comble,c’est la difficulté qu’a l’Assemblée nationale de légiférer sur ces questions sous ungouvernement socialiste. Nous espérons que le gouvernement donnera un coup de barre àgauche pour rendre la loi plus contraignante sur les licenciements »Pour Jean-Christophe CHAUMERON 237 , secrétaire général adjoint de lafédération des Finances CGT« Le monde du travail doit se manifester avec force pour que la vie des salariés dans leursentreprises soit prise en compte. Nous souhaitons qu’un rapport de force se construise etpermette de s’opposer efficacement aux entreprises sur les licenciements boursiers. Il fautégalement imposer une législation sociale qui donne aux salariés de vrais droits dans lesentreprises : intervention sur les stratégies de gestion, revalorisation des droits d’investigationet de veto des CE. En outre, comme fédération professionnelle, nous demandons que les235KHALFA Pierre est membre du bureau d'Attac France Conseil scientifiqued'Attac Travaux.236Pierre SERVAIS est enseignant à la faculté des sciences de Bruxelles.237Jean-Christophe CHAUMERON est secrétaire général adjoint de lafédération des finances CGT.428


salariés dans les conseils d’administration ainsi que le Trésor public aient un droit de regardsur l’utilisation des fonds publics versés à leur entreprise. »Pour Marie LAUHRER 238 , présidente d’AC Bordeaux« Il est difficile pour les chômeurs et précaires de rentrer en contact avec les travailleurs. Ils’agit pour nous de les rencontrer pour défendre leur emploi et réduire le nombre deschômeurs, et pour opposer un front commun à la précarité. On précarise l’emploi, onprécarise à l’extrême la situation des chômeurs, dont on tire les revenus vers le bas. Lessalariés qui manifestent ne sont pas encore chômeurs, mais le deviendront peut-être. Nousmenons la même lutte contre la précarisation sociale dans le monde du travail. »L’ex président du Medef Ernest-Antoine SEILLIERE 239 a demandé le 19septembre 2000 un «moratoire» sur l’application des 35 heures à partir du 1 er janvier 2001. Ilréclame que le régime transitoire prévu en 2000 pour les heures supplémentaires (au-delà des35 heures légales) soit reconduit au-delà du 1 er janvier 2001 pour les entreprises de plus de 20salariés. Ernest-Antoine SEILLIERE a également souhaité que la période transitoire soitrepoussée pour les entreprises de moins de 20 salariés au-delà du 1 er janvier 2003 et pour «aumoins un an». Le président du Medef a rappelé le soutien du ministre de l’Économie LaurentFABIUS 240 qui, fin août, s‘était déclaré favorable à un «assouplissement» de la loi pour lespetites et moyennes entreprises afin qu‘elles puissent faire face aux pénuries de maind‘oeuvre.Il a enfin dénoncé «le coût extraordinairement élevé des 35 heures». «Nous avonscalculé que les 15244920 € (100 milliards de F) par an auraient permis de baisser de 0,38 €(2,50 F) le litre de super et de 0,27 € (1,80 F le litre) de gazole», a-t-il dit.L’UDF notamment prend position sur les plans sociaux, pour elle, unedégradation du climat social est due à l’annonce concomitante de plans sociaux de LU(groupe Danone), Marks & Spencer, Renault à Vilvorde et Michelin. Le plan derestructuration de Marks & Spencer comporte la suppression de 1700 postes sur 18 sites et laperte de 44,37 millions d’€ (291 millions de F). LU (groupe Danone) annonce un plan deréorganisation de son pôle biscuits qui se traduira par la suppression de 800 emplois et 7500emplois disparaissent en septembre 1999 chez Michelin. 85 % des Français désapprouventles licenciements chez Danone 241 .Un sentiment d’injustice général s’installe, le spectre des plans sociaux àrépétition apparaît, des entreprises qui licencient en masse alors que leur santé économiquen’est pas en péril, des salariés licenciés non parce qu’ils ne produisent pas bien ou pas assezmais parce que leur domaine de production n’est pas jugé assez rentable, des restructurationsmotivées par la nécessité de satisfaire des actionnaires anonymes liés à l’internationalisationdes marchés de capitaux.les entreprises françaises sont soumises à la compétition internationale. Lamondialisation n’est pas une idéologie mais un fait, dont d’ailleurs l’économie française tireparti. 25 % des Français travaillent à l’exportation et la France est l’un des premiers paysexportateur.238Marie LAUHRER, présidente d’AC Bordeaux.239Ernest-Antoine SEILLIERE de Laborde, né en 1937 est un entrepreneur, cfbiographie complète en fin de thèse.240Laurent FABIUS, né en 1946, est un homme politique français, ancienpremier ministre, membre du Parti socialiste, cf biographie complète en finde thèse.241Sondage IFOP du 8 avril 2001.429


faut-il attendre des entreprises dégageant des bénéfices qu’elles soient dans lerouge pour les autoriser à licencier souvent trop tard en mettant en péril l’ensemble dessalariés ? Doit-on attendre que le cours de la bourse ait tellement chuté et que la société soitachetée par une multinationale étrangère dont le siège social sera très éloigné et la directiondétachée des préoccupations des Français ?Le monde politique, que ce soit la droite ou la gauche, tente de mettre au pointdes « stratégies » pour y faire face, par exemple l’UDF exige :Le renforcement du rôle d’acteur social de l’entreprise afin de faire entrer dansla culture ou dans la loi l’idée selon laquelle l’entreprise n’a pas seulement des devoirs àl’égard de ses créanciers mais aussi à l’égard des salariés.Un plan social accompagné de mesures de réinsertion pour tous les salariésassociant reclassement et formation.Le respect des procédures de consultation des salariés.L’amélioration du système de formation professionnelle pour mieux armer lessalariés tout au long de leur vie professionnelle et leur permettre de faire face aux aléas de lavie économique.L’obligation absolue pour les groupes en bonne santé financière de réinsérerles salariés.L’ouverture d’un véritable dialogue avec le gouvernement pour proposer enamont des solutions souples afin d’aider les entreprises sans toutefois interférer dans lesadaptations nécessaires à leur survie.Le rejet de solution comme le boycott qui risque de jouer à terme contrel’emploi et de fragiliser la situation des salariés qui ne sont pas menacés par le licenciement.De veiller au moment où l’on s’oriente vers un allongement des cotisationspour financer les retraites de ne pas faire peser les plans sociaux sur le contribuable.L’harmonisation dans des délais brefs du droit d’information des salariés avecles contraintes du droit boursier, afin d’éviter que les salariés n’ait connaissance avant lesactionnaires d’éléments qui risqueraient de les exposer à des plaintes pour délit d’initié.Mais ces exigences semblent aussi logiques que dérisoires, elles devraientcouler de source.Le 1 avril 2001, quelques nouvelles tirées du Figaro faisaient état de la situation :> - JOSPIN veut «remettre du vent dans les voiles»Le Premier ministre a confirmé samedi, qu’il n’y aurait pas de «changements de cap» pour legouvernement mais plutôt des «ajustements» de politique. A un an de l’échéanceprésidentielle, il avait réuni son équipe pour tirer les enseignements des résultats contrastésdes élections municipales.> - Ouverture d’une enquête contre Marks and SpencerLionel JOSPIN a annoncé samedi qu’une instruction pour «délit d’entrave» allait être lancéecontre le groupe britannique. Le gouvernement entend sanctionner «le comportement» dugroupe vis à vis de ses employés. En effet, les salariés auraient été informés des suppressionsd’emploi en même temps que la presse.> - Les plans sociaux gâchent la baisse du chômageLe taux de chômage en France a encore diminué, s’établissant à 8,8 % pour le mois de février.Cette annonce ne permet pourtant pas au gouvernement de se réjouir. Plusieurs grandesentreprises ont en effet annoncé cette semaine de nombreuses suppressions d’emplois enraison d’un climat économique peu favorable.430


- Danone : mobilisation généraleSuite à l’annonce du plan de restructuration de la branche biscuit de Danone, élus et syndicatsont déclenché une véritable levée de bouclier. Toutefois, le groupe agroalimentaire tente derassurer en s’engageant notamment à fournir «des propositions» d’emploi aux salariés qui neseraient pas reclassés en interne.Le 25 Avril 2001, Élisabeth GUIGOU préconisait des plans sociaux plus chersmais mieux contrôlés. La ministre de l’Emploi a annoncé un ensemble de dispositions antilicenciementspour muscler la loi de modernisation sociale. Cet ensemble comporte diversvolets dont le doublement de l’indemnité de licenciement, la création d’un « congé dereclassement », de nouveaux moyens, pour les représentants du personnel, de discuter un plande restructuration. Le gouvernement veut renforcer les mesures censées dissuader le recoursaux licenciements. Elisabeth GUIGOU a présenté hier devant la commission des Affairessociales de l’Assemblée nationale un ensemble de mesures tendant à renforcer le contenu desplans sociaux et donc à dissuader le recours aux licenciements. Trois jours après lerassemblement de solidarité avec les Danone à Calais, et alors que se multiplient les« charrettes » dans de grands groupes pourtant très « profitables », la ministre de l’Emploi avoulu montrer que le gouvernement était sensible au « désarroi et à la colère des salariésconcernés ». Le nouveau dispositif devrait muscler le projet de loi dit de modernisationsociale, dont le gouvernement souhaite l’adoption définitive avant le 30 juin. Mme GUIGOUa également indiqué que les décrets d’application de la « loi HUE » sur le contrôle del’utilisation par les entreprises des fonds publics seraient «très rapidement » publiés. Aprèsavoir évoqué le « choc » que représentent les plans sociaux pour les salariés, pour lesterritoires touchés et « pour nous tous », la ministre a précisé la philosophie des mesuresenvisagées. Il s’agit, tout à la fois, d’ « essayer de prévenir les licenciements », «d’améliorer,quand ils sont décidés, la qualité des plans sociaux » , de « mieux les contrôler » et de « fairecontribuer les entreprises, à la fois, à la formation, à la reconversion sur des périodes longues,sans rompre les contrats de travail, et à la réindustrialisation des sites qui sont touchés » .Écartant aussi bien la « soumission » pure et simple aux lois du marché que le recours àl’interdiction légale de licencier pour les entreprises réalisant des profits, Elisabeth GUIGOUentend ainsi ouvrir une troisième voie en «offrant aux salariés les moyens de créer un autrerapport de forces, en responsabilisant l’ensemble des acteurs ».Le renforcement du Code du travail induit par ce dispositif devant en effetpermettre de « fixer le cadre légal de la responsabilité sociale des employeurs » et aussi demodifier, dans un sens plus favorable aux salariés, «l’équilibre des pouvoirs dansl’entreprise » .Voici, les principaux points du « plan GUIGOU » contre les licenciements.L’indemnité légale de licenciement, actuellement fixée à un dixième de moisde salaire par année d’ancienneté, sera doublée. Rappelons qu’il s’agit d’un minimum légal, etque, en pratique, les groupes licencieurs vont souvent au-delà.Un « droit à un congé de reclassement » sera créé 242 . Ce congé sera deplusieurs mois, pendant lesquels le contrat de travail sera maintenu. Cette disposition visant àrendre « effectif » le reclassement s’applique aux grandes entreprises. Pour les autres, « undispositif de bilan de compétence et d’orientation et d’aide au reclassement pourrait êtreorganisé pendant le préavis ». La validation des acquis professionnels sera rendue possible.242Il est effectif depuis le 3 mai 2002 par le décret N° 2002-787.431


Pour la réindustrialisation des sites touchés, « les plus grandes entreprises » severront imposer des obligations nouvelles, « soit sous forme de mesures engagées parl’entreprise (aide à la création d’activités...), soit sous la forme d’un mécanisme departicipation financière, voire les deux ».Les représentants du personnel seront dotés de moyens nouveaux. «Lesconséquences sociales et territoriales des restructurations envisagées par le chef d’entreprisedevraient être obligatoirement présentées » devant le conseil d’administration et le conseil desurveillance. Deux étapes seront mieux «distinguées » : la « phase de discussioncontradictoire sur le bien-fondé des mesures de restructuration envisagées » et, dans undeuxième temps, « celle qui porte sur la procédure de licenciement pour motif économiqueelle-même ». Concernant la discussion sur la restructuration, « un minimum de deux réunionsserait prévu et un droit d’expertise à la charge de l’entreprise ouvert pour le comitéd’entreprise ».Le contrôle et le suivi des plans sociaux seront renforcés. Les délais impartis àl’administration pour constater la carence du plan social, actuellement fixés à huit jours,seraient allongés, « en renvoyant cette intervention avant la dernière réunion du comitéd’entreprise, afin de lui permettre d’examiner de façon approfondie la qualité du plan socialproposé » . Et les employeurs n’ayant pas répondu « aux suggestions d’amélioration du plansocial présentées par l’administration » se verront «interdire » de «notifier leslicenciements » aux salariés. Le CE « se verrait désormais consulté et non plus seulementinformé, et cela de façon régulière, sur l’exécution du plan social ». Seront systématiquementmises en place des « structures de suivi spécifique » des plans sociaux dans les grandesentreprises, « au sein desquelles l’administration du travail serait représentée ».Le licenciement des plus de 50 ans serait rendu plus coûteux par un« relèvement » de la contribution dite DELALANDE, due par les entreprises licenciant dessalariés de plus de 50 ans.A plus long terme, le gouvernement envisage également la création d’une« assurance chômage à bonus-malus, si les partenaires sociaux s’y montraient favorables » Cesystème pénaliserait les entreprises qui licencient régulièrement des salariés. Ces annonces nemettent évidemment pas un terme au débat. Le Parti socialiste devrait présenter desamendements s’inspirant de propositions élaborées par le député Eric BESSON, qui devaientêtre soumises hier soir au bureau national du PS. Le PCF en a fait de même dès hier par lavoix de ses élus au Sénat où le projet de loi était discuté hier après-midi.Du côté des patrons, Ernest-Antoine SEILLIERE a parlé d’une « loi deringardisation sociale et non de modernisation ». Parmi les syndicats, FO, « satisfait » de voirle gouvernement « montrer sa volonté de lutter contre les excès constatés dans lesentreprises », revendique, pour l’organisation syndicale, un « droit de saisine de la juridictionqui se verrait attribuer la capacité d’investigation » , et le rétablissement du dispositif del’ARPE « à la charge des entreprises annonçant des décisions brutales de fermeture » laCGT, l’économiste Nasser MANSOURI 243 , tout en se disant « preneur » du nouveaudispositif, observe que « la question de fond » demeure posée : « Avec ces mesures, on traitele malade. Reste à savoir comment éviter la maladie. » Dans cette optique, il faudrait donner243MANSOURI, N, la Mondialisation à l’usage des citoyens, Ed. Les éditionsde l’Atelier, Paris 2004.432


aux salariés des droits leur permettant d’intervenir dans la gestion des entreprises « afind’éviter » les licenciements.Les députés communistes affichaient leur mine des bons jours, constate LACROIX en page 6 le 14 juin 2001. Après un bras de fer de quinze jours, ils ont finalementarraché au gouvernement des concessions sur le projet de loi sur la modernisation sociale.Forts de cette avancée, ils ont donc voté hier après-midi le texte. Le PC a obtenu unedéfinition plus stricte des licenciements économiques et un rôle plus grand accordé auxcomités d’entreprise, juridiquement, ces nouveautés restent floues. Politiquement, elles sonten tout cas suffisamment voyantes pour que le PCF vote le texte « clairement et sanshésitation » assurait Alain BOCQUET, patron du groupe communiste.LIBERATION consacre les pages 14 et 15 le 14 juin 2001 pour s’interrogerau sujet de la loi : véritable progrès pour les salariés ou complexification inutile du droit detravail ? L’adoption du volet anti-licenciements de la loi de modernisation sociale metd’accord les experts du droit social sur un seul point : les modifications apportées « sont unpetit peu bidons ». Selon le consultant Frédéric BRUGGEMANE, interrogé par le quotidien,« tous les plans qui se sont succédés depuis 1995 montrent que les restructurations et leslicenciements sont devenus des outils de gestion courante des entreprises ». Pour lui, la loitelle qu’elle est rédigée peut même être contre-productive pour les salariés menacés delicenciement. Dorénavant les plans sociaux, rebaptisés « plans de sauvegarde de l’emploi »,seront appréciés notamment en fonction des moyens financiers de l’entreprise. Ce qui peutconduire à une aberration : les entreprises pauvres seront autorisées à faire de mauvais plans.Les salariés de groupes riches pourront bénéficier de conditions de licenciement « tapisrouge », si leur direction en a la volonté.Le 14 juin 2001, pour <strong>LE</strong>S ECHOS, « le psychodrame est clos » en pages 4 et5 les députés ont adopté hier le projet de modernisation sociale. Estimant avoir eu gain decause sur la définition du licenciement économique et du « droit d’opposition « du comitéd’entreprise, les communistes ont voté pour. Mais les autres petites composantes de lamajorité se sont abstenues ou ont voté contre. Furieux de n’avoir pas été consulté, lessyndicats n’ont été d’aucun réconfort au Premier ministre : la CGT, la première, a déploré« des mesures qui n’étaient pas forcément souhaitées par les organisations syndicales ». Lesentreprises condamnent avec la dernière virulence ces mesures qui, selon le MEDEF,« décourageront l’emploi ». A la même date, Philippe MUDRY dans son éditorial de LATRIBUNE estime que le gouvernement a fait un « mauvais calcul «Le gouvernement veut sepersuader d’avoir limité la casse en parvenant à un compromis avec les communistes sur laquestion du droit de licenciement. S’il y parvient, il n’aura réussi qu’à s’aveugler car lemauvais vaudeville qu’il vient de jouer aura de fâcheuses conséquences, pour lui,économiques et politiques. Sans concertation aucune, cela devient une habitude, avec lespartenaires sociaux, il vient de restreindre fortement la notion de licenciement économique etd’alourdir les procédures dans un sens particulièrement défavorable aux PME. En acceptantde donner prise au PC, qui n’a pas hésité à contester les positions de principegouvernementales pourtant très fermes au départ sur un terrain sensible, il a montré que laporte était désormais ouverte à toutes les surenchères.Les discours ne manquent pas et les politiciens doivent commenter l’actualitéeux aussi pour rassurer les entreprises et les salariés sous peine de voir l’Economie globale sebloquer.433


Le 27 Juin 1997, Martine AUBRY veut des plans sociaux qui tiennent la route.Le ministre de l’Emploi va réexaminer la loi sur les licenciements. Lionel JOSPIN a promisde faire un sort aux licenciements économiques. Il a chargé le ministre de l’Emploi deréexaminer la législation, ‘afin que celle-ci ne puisse conjuguer précarité pour les salariés etincertitude juridique pour les entreprises’. Mercredi, à l’Assemblée, Martine AUBRY a mis lepremier coup de piolet dans un dossier aux parois abruptes. ‘Il faut remettre cela sur la table etc’est ce que nous allons faire en concertation avec les organisations patronales et syndicaleset, bien sûr, avec le Parlement’, a-t-elle affirmé. La ministre n’hésite pas à condamner les‘abus en termes de licenciement’. A ses yeux, cette mesure ‘reste encore trop souvent la seulevariable d’ajustement d’entreprises qui préfèrent gérer le court terme’. Les exemples nemanquent pas, mais Martine AUBRY a pris en main sur le projet de suppression de 1.492postes chez Peugeot Sochaux, annoncé le 11 juin 1997. Elle épingle la ‘grande entrepriseautomobile qui vient de se voir accepter un taux extrêmement important de fonds nationalpour l’emploi alors que son plan social ne comporte aucune mesure de reclassement’. Unhiatus qui tend à montrer les limites de la loi du 27 janvier 1993, celle-là même qui porte sonnom. Le texte, défendu à l’origine par les députés communistes, est cependant un ‘outil’appréciable pour les représentants syndicaux: la procédure de licenciement est nulle et de nuleffet tant qu’un plan visant au reclassement des salariés s’intégrant au plan social n’est pasprésenté par l’employeur aux représentants du personnel qui doivent être réunis, informés etconsultés. Depuis 1993, la justice, saisie sur ce terrain, a ainsi suspendu ou annulé plusieursprocédures (GEC-Alsthom-Neyrpic, Everite, Sietam, Nina Ricci...), allant même jusqu’àprononcer l’annulation des licenciements et la réintégration des travailleurs (Samaritaine). Sil’impact réel demeure limité 244 , le patronat n’en est pas moins parti en guerre contre cesdispositions ‘inacceptables’. Pour Jean GANDOIS, président du CNPF, ‘l’amendementAUBRY, qui permet aux tribunaux judiciaires de juger de la qualité des plans sociaux, estdangereux’. Dans les conseils d’administration, on s’agite. Au hit-parade des inquiétudes deschefs d’entreprise, dressé cette semaine par le magazine ‘l’Expansion’, la crainte d’un‘durcissement de la législation du travail’ figure dans le peloton de tête (85,8%). MartineAUBRY restera-t-elle sourde aux jérémiades des PDG ? Pas sûr. Elle reconnaît que ‘sa’ loi ‘aentraîné une jurisprudence qui parfois est intéressante, parfois est fluctuante, et peut entraîneraujourd’hui une insécurité juridique, je dirais à la fois pour les salariés et pour les entreprises’.Le ministre l’a exprimé plus trivialement: elle veut ‘des plans sociaux qui tiennent la route’.Le 08 Août 1997, Martine AUBRY demande aux préfets d’être vigilants surles licenciements. La ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Martine AUBRY, a appelé lespréfets à être ‘vigilants’ sur les licenciements pour motif économique en leur demandantnotamment d’utiliser ‘de façon sélective’ les aides de l’Etat, dans l’attente d’une réforme de lalégislation. Elle ne va pas toutefois jusqu’à demander la suspension des plans sociaux, commel’avait réclamé, ‘à titre conservatoire pendant l’été’, le secrétaire national du Particommuniste, Robert Hue.Le secrétaire général de Force ouvrière, Marc BLONDEL, avait demandé poursa part le blocage ‘jusqu’en septembre’ de ‘tous les plans sociaux’, en préconisant que lespréfets refusent d’octroyer des fonds publics, notamment FNE.244Seulement 20 % à 25 % des licenciements économiques proviennentd'entreprises dont les salariés disposent de CE pouvant utiliser la loi du27 février 1993. Pour mémoire, l'autorisation administrative delicenciement, supprimée en 1986 par Philippe SEGUIN, était refusée dans10 % des cas.434


Dans une lettre aux préfets datée du 11 juillet et rendue publique le joursuivant, Martine AUBRY précise que ‘les cessations anticipées d’activité (préretraites -NDLR), sous quelque forme que ce soit, doivent rester minoritaires, sauf cas très particuliers’.La ministre souhaite que les mesures FNE soient ‘mobilisées très sélectivement’, car elles‘n’ont pas vocation à accompagner des licenciements d’anticipation ou destinés à améliorer lacompétitivité d’entreprises en bonne santé’. Depuis la suppression de l’autorisationadministrative de licenciement début 1987, l’administration n’a que le pouvoir de dresser unconstat de carence face à un plan social insuffisant. Mais elle peut faire pression en refusantdes fonds publics, particulièrement les préretraites, largement financées par le Fonds nationalpour l’emploi (FNE). La ministre des Affaires sociales avait déjà souligné devant le groupesocialiste le 8 juillet que ‘le gouvernement avait le pouvoir de fermer le robinet’ des mesuresFNE et qu’elle comptait ‘serrer de très près ces attributions’. Constatant dans sa lettre‘l’insuffisance’ ou ‘l’efficacité limitée des mesures de reclassement dans de trop nombreuxplans’ sociaux, Martine AUBRY juge ‘indispensable’ la recherche de ‘solutions alternativespar adaptation des salariés aux postes disponibles ou par aménagement - réduction du tempsde travail sous toute ses formes’. La ministre préconise ‘des mesures de prévention’ enappelant l’administration à se montrer ‘attentive, le plus en amont possible, aux procédures delicenciement et au contenu des plans sociaux’, et à favoriser ‘la concertation’, ‘la négociationentre les partenaires sociaux’. Elle inscrit ses recommandations ‘dans l’attente del’aboutissement’ de la réforme sur la procédure de licenciement qui devrait être évoquée à laconférence nationale sur l’emploi, les salaires et le temps de travail fin septembre, et discutéepar le Parlement avant la fin de l’année. Martine AUBRY avait précisé en juillet que le projetporterait, d’une part, sur les plans sociaux - ‘la loi sera précisée et améliorée’ - et, d’autre part,sur les ‘cas individuels’ de licenciements, ‘où les salariés sont actuellement très peu protégéset où il y aura un retour au rôle de l’inspection du travail’. L’actuelle ‘loi AUBRY’ du 27janvier 1993 - votée lors du premier passage de Mme AUBRY au ministère - qui porte sur lesseuls licenciements collectifs prévoit que « la procédure de licenciement est nulle et de noneffettant qu’un plan visant au reclassement des salariés s’intégrant au plan social n’est pasprésenté par l’employeur ».Martine AUBRY, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité ainsi que M.DAVOINE, Député du Nord, M. RONDELAERE, Conseiller Général et les mairesconcernés, M. VERCAMER et M.WIL<strong>LE</strong>M ont reçu le 18 avril les dirigeants du groupeUnilever pour évoquer la situation des usines Lever à Haubourdin et Bénédicta à Seclin. Cetterencontre fait suite à une première réunion de la Ministre avec les Présidents de l’entreprise le11 avril. Martine AUBRY et les élus ont fait part de leur indignation suite à l’annonce brutaleet incompréhensible, sans information préalable, de l’entreprise de se désengager de son sited’Haubourdin. Ils ont fait part du vif émoi que cette décision a suscitée parmi les salariés et lapopulation.Ils ont indiqué que deux éléments constituaient des préalables à toute prise dedécision :une explication claire de la stratégie d’Unilever et des motivationséconomiques et industrielles du désengagement alors même que le site d’Haubourdin estaujourd’hui bénéficiaire ;des informations précises sur la situation du repreneur pressenti, sa stratégie, lepositionnement de ses produits par rapport à ceux de Lever et les garanties qui seraientdonnées par Unilver sur l’avenir du site.435


Sur ces deux points, l’entreprise a apporté des éléments d’information quinécessitent d’être complétés. Sans rentrer dans la discussion d’un éventuel plan social,Martine AUBRY et les élus ont d’ores et déjà informé l’entreprise de leur exigence demaintien d’un même niveau d’activité et d’emploi sur place. En ce qui concerne le site deBénédicta à Seclin, qu’Unilever s’est engagé à céder pour obtenir l’accord de la Commissioneuropéenne à son rachat d’Amora-Maille, Martine AUBRY et les élus ont demandé à ce quedes garanties soient données aux salariés sur la pérennité de l’activité industrielle du site. Ilsont souhaité que des engagements durables de maintien de l’emploi soient pris à l’occasion dela cession par Unilever. Ils ont demandé à être informés au fur et à mesure des discussionsavec d’éventuels repreneurs.Cette réunion qui intervient après un premier échange la semaine dernièreentre Martine AUBRY et les dirigeants d’Unilever et après une rencontre avec les salariés,témoigne de la mobilisation des élus. Ils continueront à suivre avec la plus grande vigilancel’évolution de la situation et les engagements de l’entreprise sur ces deux sites. Voici le pointde vue de Martine AUBRY, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, paru dans les pages«Horizons » du quotidien Le Monde daté du samedi 2 mai 1998 245 .La France était en panne, il y a encore un an, en panne de croissance, ayantperdu confiance en elle-même, et incapable de se projeter dans l’avenir. Le rôle majeur del’action politique était de redonner à notre pays un espoir, l’envie de prendre des initiatives, età chaque citoyen le souhait de participer à la construction d’une société plus solidaire, où l’onvive mieux ensemble. C’est le sens du pacte républicain proposé par Lionel JOSPIN. Lapriorité était de relancer la machine économique pour réduire le chômage. C’est ce que legouvernement a fait en engageant des mesures immédiates (relance de la consommation,aides aux plus défavorisés...) et des réformes structurelles (réforme de la fiscalité, création denouvelles activités, réduction de la durée du travail...). Dans une conjoncture économiqueinternationale qui s’y prête, il est vrai, les résultats ne se sont pas fait attendre (alors qu’ilsn’étaient pas au rendez-vous auparavant dans un contexte semblable) : la croissance estrevenue, la consommation et les investissements se développent, le chômage baisse.C’est le constat économique d’aujourd’hui qui n’appelle évidemment aucuntriomphalisme et qui doit entraîner la prudence et la rigueur dans l’analyse. Mais les faits sontlà : 50 000 emplois-jeunes 246 améliorent déjà aujourd’hui la vie de chacun, 140 000 femmes ethommes ont quitté le chômage depuis six mois, et les entreprises ont retrouvé le moral...Quelles sont réellement les marges de manœuvre dans le cadre d’unemondialisation qui accroît la concurrence ? Comment se retrouver dans un monde oùl’information et le progrès technique avancent si vite que l’on a du mal à le comprendre ?245Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien.246Le programme gouvernemental " nouveaux services - nouveaux emplois "défini par la Loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activitéspour l'emploi des jeunes est destiné à " promouvoir le développementd'activités créatrices d'emplois pour les jeunes répondant à des besoinsémergents ou non satisfaits et présentant un caractère d'utilité sociale.Ce programme prévoit la création de 350 000 emplois durables par une aidefinancière égale à 80 % du SMIC - charges sociales incluses - par poste,par an et pendant 5 ans. Les embauches ne peuvent venir en substitutiond'emplois publics existants ou d'emplois correspondant aux missionstraditionnelles des collectivités ou des établissements publics, qui ontvocation à être occupés par des agents relevant des régimes statutaires dela fonction publique.436


Comment se sentir concerné par ces évolutions quand on a le sentiment de n’être qu’un« agent économique » et de ne pas être reconnu comme un citoyen à part entière ?Le 24 Mai 2000 le CARE 247 est exposé comme moyen de lutter contre lesconventions de conversion. Imaginé par le patronat, le CARE est un contrat conclu entre lechômeur et les institutions chargées de favoriser le retour à l’emploi. Par ce biais, le chômeurs’engage à effectuer une recherche « active et sérieuse » d’emploi. En échange, les institutionseffectuent un « inventaire de l’ensemble des aptitudes professionnelles et des compétences »du chômeur, lui offrent, au besoin, une formation et lui versent une allocation. En cas de refusd’une ou plusieurs offres d’emploi, le chômeur court le risque de voir cette allocation baisserou carrément disparaître. Plébiscitées en chœur par la CFDT, la CFTC, la CGC et FO, lesconventions de conversion existent, elles, depuis 1988. Ce dispositif permet aux salariésd’une entreprise qui licencie pour motif économique de bénéficier à la fois d’une allocation deconversion et d’une aide spécifique au reclassement (suivi individuel, mesures pour l’emploi,formation, etc.). La durée de la convention est de six mois. Le montant de l’allocation deconversion est supérieur à celui des allocations de chômage du régime d’assurance (83 % dusalaire les deux premiers mois ; 70,4 % pendant les quatre derniers). Les adhérents auxconventions n’ont pas le statut de demandeurs d’emploi.Le 11 avril 2002, la CGT a réclamé un « véritable débat public » sur laprotection des salariés et les dispositifs d’aide au retour à l’emploi, notamment le PARE 248 ,jugé responsable d’une augmentation de 34% des radiations de l’ANPE, dans une lettre auxcandidats à la présidentielle. « Pourquoi ne pas imaginer l’organisation d’un véritable débatpublic pour réfléchir au renforcement des statuts protecteurs du salariat, ainsi qu’une réflexionsur le statut à donner aux grandes entreprises, selon que leur activité est utile ou non à lasatisfaction des besoins du plus grand nombre », écrit la CGT chômeurs dans ce courrieradressé à l’ensemble des candidats, à l’exception de M. Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN 249 et BrunoMEGRET 250 . « Nous considérons que ces sujets n’apparaissent pas à leur juste place dans lacampagne électorale », poursuit-elle, alors que « le sujet concerne des milliers d’hommes etde femmes, pèse sur l’économie du pays, conditionne les politiques de l’emploi et détermineles principes de solidarité ».Dénonçant les conséquences de la mise en place du PARE, la CGT chômeursestime que ce dispositif « n’a d’autre but que d’exclure davantage de chômeurs du droit àl’indemnisation, comme en atteste l’augmentation de 34 % des radiations de l’ANPE », alorsque « 60 % des chômeurs sont toujours exclus du droit à l’indemnisation par l’UNEDIC ». Deplus indique-t-elle, « l’accès à la formation professionnelle est limité à de courtes durées,aligné à des niveaux de rémunération d’une extrême faiblesse et repose sur des montagesfinanciers aléatoires ». Enfin, « les expulsions de logements ont augmenté de 20 % sur un anet l’accès à l’énergie est loin d’être garanti pour tous », l’ensemble représentant « un freinobjectif au retour à l’emploi des populations défavorisées » dénonce-t-elle. La CGT chômeursréclame en conséquence « l’arrêt immédiat des radiations punitives de l’ANPE, l’interdictiondes expulsions de logements et la création d’un fond social destiné à répondre à toutes lessituations d’urgence sociale ». Elle demande également une augmentation mensuelle247CARE : Contrat d’Aide au Retour à l’Emploi248PARE : Plan d’Aide au Retour à l’Emploi.249<strong>LE</strong> PEN Jean-Marie (1928- ) est un homme politique français d’extrèmedroite, cf biographie complète en fin de thèse.250MEGRET, B., (1949- ) est un homme politique français, classé à l'extrêmedroite fondateur du Mouvement national républicain (MNR). Cf biographiecomplète en fin de thèse.437


immédiate de 300 € des allocations, l’unification des systèmes d’indemnisation du chômageet un minimum mensuel d’indemnisation de 1100 €, ainsi que la réforme de la formationprofessionnelle afin d’offrir des formations qualifiantes, correctement rémunérées etdébouchant obligatoirement sur un emploi stable.Le 24 juillet 2000 le cabinet du Ministre fait un communiqué à son tourconcernant l’agrément de l’ARPE 251 et des conventions de conversion. Le gouvernementsouhaite que les chômeurs ne soient pas pénalisés par les discussions sur l’assurancechômage. A cette fin, il a décidé d’agréer les avenants relatifs à l’ARPE, qui permet auxsalariés entrés très tôt dans la vie active de partir en préretraite contre des embauches, et auxconventions de conversion, qui aident au retour à l’emploi en faveur des salariés licenciéspour motif économique. Il s’agit d’assurer la poursuite de ces dispositifs et de préserver ainsiles droits de leurs bénéficiaires. L’ARPE et les conventions de conversion ont fait l’objetd’avenants dont la demande d’agrément a été déposée en même temps que la conventiond’assurance chômage du 1 er juillet 2000. Ces deux dispositifs sont distincts du régimed’assurance chômage, tant par sa nature que juridiquement. Le régime d’assurance chômageest en effet défini dans sa totalité par la section I du chapitre 1 er du titre V du livre III du codedu travail (article L. 351-3 à 351-8) alors que l’ARPE trouve son fondement dans un accordinterprofessionnel du 6 septembre 1995, et dans les dispositions de la loi du 21 février 1996 etles conventions de conversion dans un accord interprofessionnel du 20 octobre 1986 et dansles dispositions de l’article L. 353-1 du code du travail. Aussi le ministère a-t-il proposé, lorsde la consultation de la commission permanente du comité supérieur de l’emploi, le 19 juillet2000, de dissocier, comme c’est la formule habituelle, les avenants prolongeant ces dispositifsde la convention d’assurance chômage. L’absence d’opposition au terme du délai de 15 joursprévu par la loi permet l’agrément, sous cette forme, et sans délai, de ces avenants. Legouvernement rappelle que par ailleurs l’ensemble des organisations syndicales, y compris lesnon signataires, avaient fait part de leurs préoccupations face au risque de suspension de cesdispositifs. Ces avenants ont été l’objet d’arrêtés publiés au Journal Officiel du mardi 25juillet 2000. Au total, le décret du 1 er juillet 2000 et les arrêtés du 25 juillet 2000 ont permisde préserver l’ensemble des droits des chômeurs et des salariés.Sous la présidence de la Déléguée générale à l’emploi et à la formationprofessionnelle, la commission permanente du Comité supérieur de l’emploi a examiné cejeudi 30 novembre la convention du 1 er janvier 2001 relative à l’aide au retour à l’emploi et àl’indemnisation du chômage, signée le 19 octobre dernier. Compte tenu de l’opposition àl’agrément exprimée par deux organisations syndicales lors de la précédente réunion, laséance s’est tenue sur la base d’un rapport précisant la portée de la nouvelle convention,comme le prévoit le code du travail. La nouvelle convention d’assurance chômage représentedésormais une réelle avancée pour les demandeurs d’emploi, en terme d’indemnisationcomme de moyens pour favoriser leur retour à l’emploi.Elle améliore l’indemnisation du chômage, avec la suppression de ladégressivité des allocations. Les fins de contrats précaires sont mieux prises en compte,puisque les demandeurs d’emploi seront indemnisés dès lors qu’ils ont travaillé 4 mois au251Le principe de l’ARPE repose sur une embauche pour un départ. Il estouvert à tout le personnel, Cadres et non cadres. L’accord de la hiérarchieest nécessaire. A partir de 55 ans et 172 trimestres, le départ estpossible et le personnel touche 65% de son salaire de référence. Lesversements sont faits sans délai de carence. L’ARPE est financée par unfonds UNEDIC.438


cours des 18 derniers mois (contre 4 mois au cours des 8 derniers mois actuellement). Autotal, ce sont près de 200 000 personnes supplémentaires qui seront indemnisées par le régimed’assurance chômage.La nouvelle convention apporte également un soutien à l’accompagnementpersonnalisé vers l’emploi dans le cadre des « projets d’action personnalisés » L’UNEDICcontribuera désormais au financement de bilans de compétences, de formations et d’aides à lamobilité. Les demandeurs d’emploi, quels que soient leur statut et leur mode d’indemnisation,seront accompagnés par l’ANPE et bénéficieront de prestations et de formations adaptés àleurs besoins et de leurs difficultés. Le Gouvernement a toujours marqué son accord avec cedéveloppement de l’accompagnement personnalisé. C’est un chantier qu’il a lui même engagédepuis deux ans avec le programme « Nouveau départ » pour les chômeurs les plus endifficultés. Le document « PARE » informe le demandeur d’emploi de ses droits etobligations et le document PAP récapitule les actions convenues avec l’ANPE. Lesconditions pour percevoir les allocations de chômage restent celles prévues par le code dutravail. Le refus du demandeur d’emploi de signer ces documents ne constitue pas, en soi, unmotif de refus ou de suppression des allocations de chômage dès lors que les conditionsd’accès à l’indemnisation sont remplies. Elles comprennent naturellement l’obligation demener une recherche active d’emploi, déjà prévue par le code du travail. La mise en oeuvre ducontrôle de la recherche d’emploi et des sanctions de reste du ressort exclusif du servicepublic de l’emploi, garant de l’impartialité des décisions.La baisse des cotisations, mesurée et progressive, permet de garantir l’équilibrefinancier du régime, à court et à moyen termes. Le texte prévoit enfin des moyens pour uneclarification des relations financières entre l’État et l’UNEDIC. Sur trois ans, les mesures enfaveur des chômeurs d’amélioration de l’indemnisation et d’aide au retour à l’emploireprésenteront environ 6860205,8 € (45 milliards de F). Les baisses de cotisationreprésenteront, selon les possibilités financières de l’UNEDIC de 4268572,5 € à 6555307,7 €(28 Mds F à 43 Mds F), sur la durée de la convention.En avril, le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de 0,2 % en catégorie1. Mesurée sur un champ plus large, la baisse est de 1 % pour les catégories 1 et 6. Elle estparticulièrement sensible pour les chômeurs de très longue durée (- 2 %). Le taux de chômagecalculé selon les normes du Bureau International du Travail s’établit à 8,7 %. Ces résultats,qui traduisent globalement une moindre diminution du chômage que les mois précédents,reste néanmoins positifs. C’est le cas particulier pour la réduction du nombre de chômeurs delongue et de très longue durée, qui bénéficient de la politique de l’emploi menée par legouvernement, prioritairement orientée vers eux (programme « nouveau départ »).Pour continuer la lutte contre le chômage, de nouveaux développements de lapolitique pour l’emploi sont en préparation :programme de lutte contre les exclusions pour aider au retour à l’emploi desplus défavorisés, avec le renforcement du programme TRACE 252 destiné aux jeunes;relance de la dynamique de création d’emplois par la réduction du temps detravail, avec l’accompagnement du passage aux 35 heures dans les PME;mise en oeuvre, à compter du 1 er juillet 2001, du plan d’action personnalisépour un nouveau départ (PAP-ND), proposé à tous les demandeurs d’emploi.252Programme TRACE, cf annexe 18 en fin de thèse.439


Entre juin 1997 et 2001, le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de plusd’un tiers, soient 1 062 100 demandeurs en moins. Le chemin parcouru depuis trois ans etdemi se traduit également par une diminution de plus de 41 % du nombre de chômeurs delongue durée (- 454 600) ou de 3,9 points du taux de chômage, qui est passé de 12,6 % en juin1997 à 8,7 %. Sur douze mois le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de près de 14 %.La baisse touche toutes les catégories de demandeurs d’emploi : - 13,2 % sur un an pour lesjeunes, - 24,4 % sur un an pour le chômage de longue durée ou - 26,9 % pour les chômeurs detrès longue durée (plus de deux ans d’ancienneté). Elle s’accompagne d’une diminution de ladurée moyenne du chômage : en un an, elle a baissé de 34 jours. Cette baisse continue àplacer la France en tête des pays européens en termes de diminution du chômage.Tableau 12 : Tableau de bord du chômage le 29/05/2001 253Évolution sur un mois - 4 0000,2 % - 26 5001,0 % - 3000,1 % - 8 1001,2 % - 6 3002,0 % - 3002,0 % - 30 90011,5 % 0,0Évolution sur 3 mois - 44 3002,1 % - 74 2002,9 % - 8 6002,5 % - 35 1005,0% - 20 1006,1 % 00,0 % - 18 5007,2 % - 0,3Évolution sur 6 mois - 140 10006,3 % - 192 8007,2 % - 16 0004,5 % - 83 40011,2 % - 45 50012,9 % - 1 0006,3 % - 28 70010,8 % - 0,7Évolution sur un an - 332 90013,8 % - 369 90012,9 % - 52 10013,2 % - 213 80024,4 % - 113 30026,9 % - 1 70010,2 % - 9 8004,0 % - 1,2253Source ANPE-DARES-INSEE.440


Évolution depuis juin 1997 - 1 062 10033,9 % - 1 038 10029,3 % - 246 40041,9 % - 465 60041,2 % - 173 40036,1 % - 11 70043,8 % - 29 20014,1 % - 3,9Actuellement le chômage est à la hausse, en septembre 2006 254 , 9 % de lapopulation active est au chômage, pourtant les méthodes de calcul ont changé le 28 avril2004, masquant une partie d’ayants droit disparus des statistiques. 255 En effet, Les chômeursau sens du BIT sont les personnes sans emploi, à la recherche effective d'un travail et"immédiatement disponibles", ce qui n'inclut pas celles qui ont exercé une activité de 78heures ou moins dans le mois.Le 10 avril 2001, chaque quotidien avait son gros titre pour commenter l’actualité :Plans sociaux : la gauche en ébullition (<strong>LE</strong>S ECHOS)Marks & Spencer condamné, ce n’est que justice (L’HUMANITE)Retour à la case départ pour Marks & Spencer (LA TRIBUNE)Franck RIBOUD, PDG de Danone ; « parlons de vérité » (<strong>LE</strong> FIGARO)Chaque journal livre ainsi ses pistes de réflexion concernant les plans sociaux:<strong>LE</strong>S ECHOS évoquent une gauche « en ébullition ». Les socialistes ont répétéleur souhait que les plans sociaux soient plus coûteux pour les entreprises bénéficiaires. Legouvernement rappelle les avancées sur ce point de la loi de modernisation sociale, adoptée enpremière lecture le 12 janvier 2001, qui prévoit que le contenu des plans sociaux s’apprécieraau regard des moyens de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient. Le gouvernementn’exclut toutefois pas de nouvelles mesures, souligne Dominique SEUX.Pour LA TRIBUNE, le PS joue l’impôt contre les plans sociaux en présentantdes propositions qui visent à dissuader les entreprises de licencier lorsqu’elles font des profitsen renchérissant le coût des plans sociaux. Chargé du dossier, le secrétaire général à l’emploidu PS, Eric BESSON, propose de taxer ces entreprises en soumettant à un taux majoré del’impôt sur les sociétés la part du taux de profit réalisé après le plan social, pendant plusieursannées. Le PS souhaite faire passer sa réforme par voie d’amendement lors de la discussiondu projet de loi de modernisation sociale début mai 2001 à l’Assemblée.Concernant les entreprises :« Marks & Spencer devra revoir sa copie en France », annonce LA TRIBUNE.Le Tribunal de Grande Instance de Paris a ordonné la suspension de la mise en oeuvre de lafermeture de dix huit magasins après avoir constaté que la méthode brutale employée par legroupe britannique constituait « un trouble manifestement illicite ». Le rapport d’enquête du254Données du ministère de l’Emploi - La baisse du nombre de demandeursd'emploi en France a marqué une pause en août après 16 mois de recul et letaux de chômage au sens du BIT est remonté à 9% de la population active.255La convention UNEDIC modifiait les modes de calcul de l’indemnisationchômage en avril 2004, privant de leurs droits près de 850 000«recalculés».441


ministère de l’Emploi a par ailleurs constaté que les conditions de l’annonce représentaient undélit d’entrave. Un procès-verbal est adressé au Parquet.- « Une veste en justice pour Marks & Spencer », commente LIBERATION qui évoque unejournée noire pour la direction. Si les salariés sont conscients d’avoir remporté une « victoiremorale » et d’avoir « gagné du temps », ces décisions sont avant tout symboliques, rappelle lequotidien. La justice ne peut obliger le groupe à revenir sur sa décision de fermer lesmagasins.- « Marks & Spencer a violé la loi » titre L’Humanité. Si les licenciements sont repoussés, ilfaudra, comme pour Danone, plus que cette décision pour qu’ils soient abandonnés.Franck RIBOUD, PDG du groupe Danone, s’exprime ce matin dans lescolonnes du FIGARO. Il réagit pour la première fois aux appels d’un certain nombre d’éluslocaux appelant au boycottage des produits de sa société. « Certains ont voulu faire deDanone un symbole, celui d’une économie mondialisée soumis au seul diktats desactionnaires. Nous sommes devenus les boucs émissaires d’un combat politique. Cela suffit !Arrêtons de taper sur un champion national », affirme Franck RIBOUD, pour qui ceboycottage est un « appel au suicide » servant les grands concurrents de Danone.- « AOM-AIR Liberté : sursis dans la descente aux enfers», constate LA TRIBUNE. Les deuxsociétés, lâchées par leur actionnaire swissair, ont obtenu une dernière chance pour prouverleur viabilité. Un plan de restructuration prévoit entre 1 000 et 1 500 suppressions d’emplois.<strong>LE</strong>S ECHOS indiquent que le PDG Marc ROCHET a présenté hier un plan deredécollage sur des bases réduites, dans l’attente d’un éventuel repreneur. AOM et Air Libertése cherchent un avenir, souligne LA CROIX. Les salariés en appellent au gouvernement pourconvaincre Air France de reprendre ces compagnies.La presse suit l’accélération des dépôts de bilan des entreprises toujours plusnombreuses à faire des plans sociaux suite aux licenciements économiques, la fortemédiatisation amplifie probablement aussi ce mouvement. Le 16 octobre 2002 256 , uncommuniqué paraît dans Libération. « En vingt ans d’action syndicale, je n’ai jamais vucela. » Sur le parvis du palais omnisports de Bercy, à Paris, Marc BRETTEIL, le secrétaire del’Union des syndicats de la métallurgie CFDT de la région parisienne, montre la liste desentreprises en restructuration en Île-de-France. 130 noms, parmi les plus grands de l’industriefrançaise, y figurent : Aérospatiale, Alcatel, Alstom, ATT, Facom, Bull, Delphi, Siemens,IBM, Thalès, Valéo... ». C’est une lame de fond. Des plans de restructuration, on en a connu.A tel point que la métallurgie en Ile-de-france est passée de 950 000 emplois en 1980 à 350000 aujourd’hui. Mais avant c’était un secteur à la fois, l’automobile ou l’informatique. Onsavait quand cela commençait et où cela s’arrêtait. Aujourd’hui, c’est tous ensemble:l’automobile par équipementiers, l’informatique, la téléphonie mobile, l’aéronautique.»Particulièrement touchée, la ceinture ouest de la région parisienne d’Evry à Vélizy, où setrouve CIT Alcatel : « Tchuruk (PDG d’Alcatel) a fixé un objectif, explique BernardFICH<strong>AUX</strong>, délégué CFDT de CIT, moins 23 000 emplois d’ici à l’an prochain. Mais il n’y aaucun plan de restructuration d’ensemble, et donc aucune visibilité; Chaque direction d’entitése débrouille. Chez CIT, on sait qu’on doit passer de 8 000 à 6 000 emplois. Mais, enl’absence de plan social, cela échappe à tout contrôle. Résultat, la direction encourage lesdéparts, avec des licenciements transactionnels.»256Article L’Ile de France laminée par les plans sociaux extrait duquotidien Libération, 16 octobre 2002.442


« Les salariés en prennent un coup, poursuit sa collègue, Joëlle ROUZIC. Onassiste à des drames humains, une poussée de maladies, de crises cardiaques... » PatriciaBLANCART, elle, tente de gérer les conséquences de la fusion annoncée entre HP etCompaq: « sur les quatre sites, un, celui de Boulogne, doit disparaître à terme. 7 000 emplois,sur 2 500 actuellement, sont menacés. » Dur à avaler pour des salariés, qui, en 1998, ont dûsupporter la fusion de Compaq avec Digital, avec 1 500 postes supprimés à la clé.Aujourd’hui, la CFDT voudrait contrôler cette hémorragie : « Dans l’année qui vient, 15 000à 20 000 emplois industriels vont être effacés, prévient Marc BRETTEIL. Pour le moment, lesemployeurs font le vide, à coup de chèques-départ. Quand ce sera épuisé, il ne restera que lescas les plus difficiles à reclasser. Alors on viendra nous chercher pour trouver des solutions.Nous voulons une négociation tout de suite avec le patronat de la métallurgie. » La CFDT etla CGT organisent le 24 octobre 2002 une journée « zone morte » à Vélizy. Objectif : se faireentendre des employeurs, mais aussi du conseil régional. « Qu’est-ce que c’est une région de12 millions d’habitants sans aucun emploi industriel ? », interroge Marc BRETTEIL : « Unezone où il n’y a plus que des très riches et des SDF 257 .»Des solutions existent mais encore faut-il qu’elles soient sans effetssecondaires, en effet tous les domaines de l’économie étant touchés, il faut veiller à ne pascréer de déséquilibre.2° La réduction du temps de travail : une solution ?La réduction du temps de travail (RTT) crée-t-elle des emplois ?Tant au niveau d’une entreprise qu’à celui d’une nation, les effets d’une réduction du tempsde travail sur le chômage et sur l’emploi dépendent avant tout de son impact sur les coûts deproduction unitaires : Si les coûts de production unitaires ne sont pas affectés par la RTT, leniveau de la production n’est pas modifié par cette dernière. Les créations d’emploiscorrespondent alors, en pourcentage, à la réduction de la durée du travail diminuée des gainsde productivité induits par cette dernière (c’est ce que l’on nomme « l’effet de partage » de laRTT).Si la RTT affecte les coûts de production unitaires, le niveau de la productionest abaissé (élevé) en cas de hausse (baisse) des coûts, par rapport à une situation sans RTT.En effet, la hausse (baisse) des coûts de production altère (améliore) la situation financièredes entreprises, ce qui les incite à investir moins (davantage). S’ajoute à cela le fait quel’accélération (la décélération) de l’inflation qui résulte de la hausse (baisse) des coûts réduit(élève) la demande adressée à l’entreprise ou à la nation. L’abaissement (l’élévation) duniveau de la production induit des suppressions (créations) d’emplois. Il faut cependantenvisager des scénarios extrêmement défavorables pour que l’impact de la RTT sur l’emploidevienne négatif. En règle générale, l’effet d’une RTT sur l’emploi demeure positif, mais ilest d’autant plus faible que l’augmentation des coûts de production induite par la RTT estimportante. Signalons que des licenciements évités par une RTT défensive correspondent à uneffet sur l’emploi assimilable aux embauches liées à une RTT offensive. Dans l’hypothèse oùla RTT laisse inchangés les coûts de production unitaires, le passage impulsé par la loiAUBRY de 39 à 35 heures hebdomadaires moyennes pour les salariés à temps plein desentreprises de 20 salariés et plus du secteur marchand peut aboutir, au bout de cinq ans, à la257Sans Domicile Fixe.443


création pérenne de plus de 450 000 emplois et à une réduction du taux de chômage de prèsde 1,5 point 258 .Pour les raisons évoquées plus haut, le niveau du PIB et des échangesextérieurs et le solde des administrations publiques ne sont pas modifiés. Ces quelqueschiffres illustrent que, si la RTT peut contribuer à abaisser le chômage, elle ne constituecependant pas la solution miracle pour sortir une économie comme la France de la situationde chômage massif qui la caractérise. Les accords de La Réduction du Temps de Travaildatent du 21 juillet 1999. Signés depuis le 13 juin 1998, ils conduisent à 101 809 emploissupplémentaires créés ou préservés. Ces 11 551 accords couvrent près de 2 millions desalariés (1 919 398 au 21 juillet 1999). Ainsi l’objectif d’amélioration de l’emploi, centraldans les négociations des douze derniers mois, est atteint. Ces chiffres illustrent une très fortemontée en puissance des signatures d’accords depuis trois mois, le nombre d’emplois créés oupréservés passant de 57 767 à la fin avril à plus de 100 000 aujourd’hui. Ainsi la réduction dutemps de travail confirme son importance pour consolider et amplifier la baisse du chômage :les 100 000 emplois créés ou préservés depuis un an sont en effet de l’ordre de grandeur de labaisse du chômage sur 12 mois. Si la croissance est nécessaire pour éviter tout nouvelaccroissement du chômage, la réduction de celui-ci dépend de la politique d’emploi, emploisjeunes et réduction du temps de travail notamment. Au total 27 % des salariés à temps pleindes entreprises de plus de 20 salariés sont ou vont passer à 35 heures du fait de ces accords, etcela 5 mois avant la baisse de la durée légale du travail. Sur les 10 millions de salariésconcernés des entreprises de plus de 20 salariés, 1 100 000 sont aujourd’hui à temps partiel etprès de 2 500 000 sont à un horaire collectif réduit (35 heures ou moins).La preuve est ainsi faite que la réduction négociée du temps de travail atteintses objectifs : Le mouvement de négociation est sans précédent. L’emploi est au rendez-vous avec déjàplus de 100 000 emplois créés ou préservés et nombre d’embauches en cours ouprogrammées pour la rentrée. La baisse du chômage se trouve confortée, comme entémoigne l’accélération enregistrée dans les derniers mois (-185 000 en rythme annuel aucours des 6 derniers mois, contre -135 000 en 1998), et ce malgré le ralentissement de laconjoncture. Les accords d’entreprise trouvent des solutions sur mesure permettant à lafois d’améliorer l’organisation, de maintenir la compétitivité et ainsi d’assurer la pérennitédes emplois. Les salariés sont largement satisfaits puisque 85 % d’entre eux considèrentque le passage à 35 heures, pour eux personnellement, comme une bonne chose. Les 11 551 accords se décomposent de la façon suivante :11 178 accords sollicitant le dispositif d’aide à la RTT, avec un effet positif de 67 171emplois, soit 7,9 % de l’effectif ayant réduit son temps de travail ; 367 accords dans desentreprises éligibles au dispositif d’aide mais qui ne le sollicitent pas, avec un effet de 15818 emplois, soit 3,4 % de l’effectif ; 6 accords dans des entreprises et organismes publicsnon éligibles à l’aide, avec un effet sur l’emploi de 18 820 soit 3,2 % de l’effectif. Dansces deux derniers cas, le ratio des emplois créés ou préservés sur l’effectif concerné estplus faible, notamment, du fait d’une moindre réduction du temps de travail effectif dansdes entreprises dont la durée du travail avant accord était déjà inférieure à 39 heures. Laréduction de la durée du travail y est en effet en moyenne de 2 h 40 contre 4 heures pourles accords aidés, le dispositif d’aide supposant une réduction du temps de travail effectifd’au moins 10 %.258Chiffrage de l'Observatoire français des conjonctures économiques(OFCE), publié dans la Lettre n° 191 du 21 janvier 1998.444


Total des accords, accords sollicitant l’aide financière, accords d’entreprises éligibles, quine sollicitent pas d’aide, accords d’entreprises non éligiblesNombre d’accords 11 55111 1783676Effectifs concerné1 919 398850 158472 101597 139Emplois créés ou préservés101 80967 17115 81818 82010 873 accords, soit 94 %, présentent un caractère offensif et permettent lacréation de 85 334 nouveaux emplois. Les accords à caractère défensif, qui concernant engénéral des unités de plus grande taille, permettent la préservation de 16 475 emplois dont lasuppression a été évitée grâce à la réduction du temps de travail. Un large consensus syndicalse dégage en général autour des accords d’entreprises signés puisque 9 accords sur 10continuent d’être signés par toutes les organisations syndicales présentes dans l’entreprise.Toutes les confédérations sont impliquées :CFDT 3 608 accords signés dont 1 533 par mandatementCGT 1 691 accords signés dont 480 par mandatementFO 1 347 accords signés dont 410 par mandatementCFTC 1 610 accords signés dont 726 par mandatementCGC 686 accords signés dont 100 par mandatementEnfin, au niveau des branches professionnelles, 101 accords signés sontrecensés un an après la promulgation de la loi, traduisant une activité sans précédent de lanégociation de branche sur la réduction et l’organisation du temps de travail. Ces accordscouvrent près de 9 millions de salariés, dont 4,5 millions de salariés couverts par les 43accords de branche ayant déjà fait l’objet d’un arrêté d’extension. 47 accords sur 101prévoient des modalités d’accès direct à l’aide RTT pour les petites entreprises. La CFDT asigné 65 accords de branche, la CGT 16, FO 56, la CFTC 63 et la CGC 69.Le deuxième projet de loi sur les 35 heures a été présenté le 29 Juillet 1999 enConseil des ministres. Ce deuxième projet de loi sur les 35 heures est le gros dossier de larentrée parlementaire de septembre. La gauche compte faire entendre ses différences, tandisque la droite, derrière Jacques CHIRAC, y retrouve une cohésion. Derrière l’obligation deréussite c’est comme un compte à rebours. Plus on avance vers l’heure H, plus l’épaisseur dutemps devient quasi palpable : les 35 heures, présentée dès l’origine comme une fusée pointéesur «objectif emploi », en sont à quelques semaines de leur mise à feu. Et c’est alors que sebousculent les forces tangentielles rivalisant d’ardeurs au chevet du bébé. La présentation enConseil des ministres du projet de deuxième loi ouvre la phase que le vote des parlementairesclôturera à l’automne : la parole est aux politiques. A gauche, l’enjeu est simple : réussir. Il enva du respect d’un des engagements les plus symboliquement forts de la gauche plurielle lorsde son arrivée au pouvoir il y a plus de deux ans. Si aucune de ses composantes n’a prétenduqu’elle est la réponse magique à la question posée par le chômage, la réduction du temps detravail n’en est pas moins un élément à partir duquel va se jouer la crédibilité de cegouvernement, même si l’histoire ne s’arrêtera pas le soir de l’adoption définitive de la loi.Mais le chantier est à ce point ambitieux qu’il sera au cour de l’actualité non seulementéconomique et sociale mais aussi et peut-être surtout politique des prochaines semaines. Avecdes ondes de choc plus longues encore. La perspective est l’emploi, et touche aussi à unedimension sociétale, civilisationelle.445


« C’est dire qu’il n’est pas question de rater cette loi. Mais il y a du pain sur laplanche pour le débat constructif. » C’est ce que pense le PCF, qui a là l’occasion d’appliquersa stratégie en mariant critiques et propositions, tout en gardant le cap sur sa visée humanistede transformation de la société. Alors il y a des critiques, et il y a des propositions. Auchapitre des premières, on constate : « Avec l’annonce de la mise en place d’un nouveaudispositif permanent d’allégement des cotisations sociales patronales, ce projet confirme queles pressions patronales ne sont pas sans effet sur le gouvernement. » D’autant que le texten’assortit pas l’attribution de ces aides à des objectifs chiffrés et contraignant d’emplois.Selon les communistes, pour tenir les engagements, « il faut refuser le chantage patronal etavancer des réformes favorables aux salariés et aux demandeurs d’emploi ». De la mêmemanière, la période de transition pour le passage aux 35 heures envisagée dans le texteAUBRY « signifierait céder aux pressions du MEDEF », ce serait aussi « remettre en cause lalégitimité de l’Assemblée, dans la mesure où le gouvernement avait argumenté en faveurd’une deuxième loi sur les 35 heures pour justement laisser le temps aux entreprises de sepréparer ». Tirant les enseignements du message délivré par les électeurs aux européennes, lesecrétaire national du PCF insiste sur « l’urgence sociale forte. Si elle n’est pas prise encompte, elle risque de se transformer en vraie bombe à retardement pour la Gauche plurielle.Perdre un an est préjudiciable à l’emploi ».En réalité, tout se passe comme si, pour l’heure, le texte AUBRY avaitsubstitué à l’ambition de l’emploi un projet étriqué faufilé sur le temps libre. On peut doncprédire une bataille d’amendements forte du côté communiste pour contribuer à recaler latrajectoire : prêts bonifiés pour les entreprises créant des emplois abondés par les fondsjusque-là réservés aux exonérations de charges patronales sur les bas salaires, limitation desheures supplémentaires, majoration du SMIC horaire de 11,4 %, etc. « Avec l’inscription duprojet de loi communiste contre les licenciements à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale,avec la pérennisation des emplois-jeunes, cette deuxième loi, fortement amendée dans le sensdes propositions (du PCF) et de celles des organisations syndicales de salariés, constitueraitun ensemble dynamique et efficace contre le chômage » , soulignait, hier, Paul<strong>LE</strong>SPAGNOL, secrétaire national du PCF. Du côté des Verts, on estime que cette loi « est laplus importante de la législature ». Le député Yves COCHET reconnaît «le stylevolontariste » de Martine AUBRY, mais regrette « les arbitrages qui vont dans un sens qui nenous plaît pas ». Martine BILLARD, porte-parole des Verts, va jusqu’à affirmer que « legouvernement ne croit plus à la nécessité de création massive d’emplois par la réduction dutemps de travail « et préfère s’aligner sur la pensée unique en vigueur qui croit à la créationd’emplois par la baisse des charges et la flexibilité du travail ». Mais elle tricote aussitôt ladésespérance, en indiquant que les propositions AUBRY « pourraient bien mettre fin à unprocessus régulier d’amélioration du droit du travail ». Pour Alain LIPIETZ, « on s’acheminevers un renoncement ». Au PS, où une spectaculaire volte-face a été effectuée en faveur de latransition supplémentaire d’un an préconisée par Martine AUBRY, les avis semblent encorepartagés sur pas mal d’aspects du dossier. Au point que Jean <strong>LE</strong> GARREC, président de lacommission des Affaires sociales, va répétant que « c’est un débat qui commence et qui n’estpas bouclé ». Yann GALUT (Gauche socialiste) met en garde : « Faisons attention à ce quecette loi phare ne se retourne pas contre les salariés ». Jean-Marc AYRAULT, président dugroupe PS, temporise : « Evitons de nous gargariser avec des slogans, il faut se laisser dutemps pour éviter un échec ». Julien DRAY : « La majorité parlementaire va en débattre, rienn’est figé. Et ce ne sont pas les cris d’orfraies du MEDEF qui vont nous empêcher de déciders’il convient ou non d’adopter des mesures plus contraignantes. » « Un certain nombre dequestions restent posées » avoue Michel SAPIN, secrétaire national du PS chargé del’économie et des entreprises.446


Martine AUBRY précise elle-même qu’ « on peut encore discuter telle ou telledisposition ». Selon certains, sur des points particuliers de l’annualisation, tels que le nombrede jours travaillés par les cadres, le taux de taxation et le contingent d’heures supplémentaires.Mais, ajoute la ministre, « ce que nous avons aujourd’hui montre une vraie cohérenced’ensemble ». La droite dénonce « l’usine à gaz » Jacques CHIRAC s’était contenté, lors deson intervention télévisée du 14 juillet, de marquer sa différence sur la méthode, tout enreconnaissant que la réduction du temps de travail « s’inscrit dans une certaine évolution » .Le chef de l’État avait mis en regard la différence de « culture » entre la gauche et la droite,reprochant à la première « de dire : tout le monde sous la même toise, et on fait une loi quiimpose « coup sûr, cette sortie ajoutée à la dénonciation devant les ministres du « caractèregénéral et obligatoire » de la loi - en prenant soin de le faire savoir - a en quelque sorte«libérée » les parlementaires de l’opposition.Depuis le vote de la première loi, ceux-ci semblaient avoir abandonné leterrain de la contestation aux organisations patronales, tandis que les rares défenseurs de laréduction du temps de travail, tels Gilles DE ROBIEN ou Jacques BARROT 259 , se tenaientcois. Ce dernier s’est contenté hier de réagir pour regretter que « la France s’attarde dans lavoie de la réglementation de plus en plus inappropriée à une société complexe et contraire àl’intérêt bien compris de l’entreprise et des salariés ». Changement de ton à présent, lesdéputés n’ont pas les pudeurs du prédécesseur de Martine AUBRY et attaquentvigoureusement, retrouvant une cohésion inespérée. Jean-Louis DEBRE, président du groupeRPR à l’Assemblée nationale, et porte-parole officieux de l’Elysée, s’est fait virulent pouraffirmer que le projet de loi était «une nouvelle chance perdue pour l’emploi ». « Sourd auxcritiques des uns et des autres, ajoute-t-il, ne tirant aucune leçon du médiocre bilan de lapremière loi, avec une obstination souvent caractéristique de ceux qui se trompent et neveulent pas reconnaître leurs erreurs, le gouvernement persiste à vouloir imposer uneréduction du temps de travail généralisée. » Mieux même, selon l’ancien ministre, c’est« dilapider les fruits de la croissance ». En un mot, le projet est accusé de compliquerinutilement le droit du travail, de ne pas introduire suffisamment de flexibilité, d’être coûteuxpour les finances publiques, et accoucherait pour finir d’une « usine à gaz », expressionpartagée tant par le RPR Patrick DEVEDJIAN 260 que Claude GOASGUEN 261 .« Le droit du travail devient un peu plus illisible et incompréhensible avec lacréation d’un double SMIC, d’une double durée légale du temps de travail, d’un doublerégime de cotisations sociales, d’un double régime pour les heures supplémentaires... » jugepour sa part José ROSSI, président du groupe DL à l’Assemblée nationale, en oubliant depréciser que ces doubles régimes sont transitoires. L’opposition parlementaire retrouve ainsiau cour de l’été une tonicité dont on la pensait incapable depuis le scrutin européen. Elleconteste, à l’instar de Patrick DEVEDJIAN, le bilan AUBRY et «les prétendus emplois crééspar les 35 heures », qui « l’auraient été de toute façon par le développement de la croissancemondiale ». « Nous nous opposerons avec détermination à ce projet lors du prochain débatparlementaire », prévient Claude GOASGUEN.259BARROT Jacques (1937- ) est un homme politique français, cf biographiecomplète en fin de thèse.260Patrick DEVEDJIAN, né en 1944, est avocat et homme politique français,membre de l'Union pour un mouvement populaire (UMP). Cf biographie complèteen fin de thèse.261Claude GOASGUEN est vice-président du groupe UMP à l'Assembléenationale.447


Il y a six mois encore, le gouvernement annonçait la création de 500 000d’emplois. Aujourd’hui, il n’en espère plus que quelques dizaines de milliers. Les premiersaveux d’échec sont évoqués dès le 6 janvier1999. La loi sur les 35 heures ne devrait paspermettre de créer plus de quelques dizaines de milliers d’emplois. Cette précisionpessimiste, qui sort tout droit des services du ministère de Martine AUBRY, est loin despromesses passées. A savoir les centaines de milliers d’emplois annoncées par une ministreconquérante lors du vote de la loi, il y a six mois. La situation est tellement peu réjouissanteque, selon « Libération » (5/1), DSK 262 n’exclut pas de voler au secours de sa collègue endébloquant environ 1 milliard pour créer 50 000 contrats emploi-solidarité supplémentairescette année. JOSPIN, d’ailleurs, ne se fait guère d’illusions, qui reproche à Martine AUBRYson optimisme invétéré sur les 35 heures. Devant plusieurs ministres, il ne l’a pas caché :« On m’avait dit que cette loi allait permettre de créer des dizaines de milliers d’emplois. Orje ne vois rien venir, et c’est sur le chômage que les Français nous jugeront. »A la décharge de Martine AUBRY, les pronostics trop optimistes de certainséconomistes ne l’avaient guère incitée à se montrer prudente. « On va dans le mur en matièrede créations d’emplois, expliquent en privé certains de ses conseillers. Il nous faut avancerd’autres explications pour justifier la diminution de la durée du travail: relance de lanégociation collective, modernisation de la vie publique. » Cette explication très nouvelle dela loi des 35 heures n’est pas tout à fait absurde. Contrairement à ce qu’Ernest-AntoineSEILLIERE, dit, pour qui les branches professionnelles seraient moribondes, une majoritéd’entre elles négocient pied à pied des accords sur les 35 heures. Une occasion inespéréed’arracher enfin la flexibilité et la modération salariale. Un vrai Graal. Des milliards au potForts de cette relance de la négociation, les conseillers de Martine AUBRY expliquent: « Onva faire des boîtes plus musclées, aménager l’organisation du travail relancer la négociationcollective. » Des gains de productivité au service de l’emploi de demain (ou d’après-demain)dont Martine AUBRY est, comme chacun sait, la grande prêtresse. Apparemment, le servicede communication du ministère n’a pas eu vent de cette hypothèse. En ce début d’année, sonsite Internet continue de répéter que 500.000 emplois seront créés grâce à cette loi. Or on estloin. Des entreprises comptant 100 000 salariés seulement sont concernées par des accords deréduction de la durée du travail - soit moins de 1 % de l’ensemble des effectifs salariés enFrance. Jusqu’à présent 6.500 emplois ont vu le jour à cette occasion. Pour grossir un peu cemaigre bilan, le ministère y ajoute les 1.500 emplois « préservés », c’est-à-dire sauvésd’éventuels plans sociaux.L’emploi « préservé » est très à la mode chez les patrons des entreprisespubliques. Le marché offert aux syndicats est clair: limitation des suppressions d’emploicontre révision des avantages acquis. Le tout au nom de la négociation sur les 35 heures. Pasquestion pour le gouvernement de distribuer officiellement des enveloppes qui favoriseraientde tels marchandages. Mais pas question non plus de handicaper les entreprises publiques parle passage aux 35 heures. « Laissons les patrons de la SNCF ou d’Air France négocier aumieux cette loi dit-on dans l’entourage du ministre des Transports, et on mettra au pot par lasuite. » Son de cloche voisin au cabinet de Christian PIERRET, sous-ministre de l’Industrie:« Le gouvernement est prêt à donner à EDF 763 € (5.000 F) par salarié qui passerait aux 35heures, mais il ne faut pas le dire publiquement. » Pour l’instant, le bilan de 1998 a au moinsle mérite de ne presque rien coûter au deniers publics. Sur les 3,5 milliards généreusementprovisionnés pour les aides aux 35 heures en 1998, un seul a été consommé. Jusqu’à présent,n’ont bénéficié de l’aide publique que les toutes petites entreprises qui créent de l’emploi aucompte-gouttes. « L’ultime espoir réside aujourd’hui, explique un conseiller de Matignon,262Dominique STRAUSS-KAHN est un homme politique français socialiste.448


dans les grosses PME qui attendent les accords de branches professionnelles. ». Il y aquelques mois encore, l’accord de branche du 4 janvier dans la profession bancaire auraitdésespéré Martine AUBRY: un seul syndicat signataire, aucune création nette d’emploi etune diminution du temps de travail de 5 % (contre 10 % ailleurs). « Avec 5.000 à 7.000emplois sauvegardés sur cinq ans, explique un banquier, on n’est pas vraiment dans unedynamique de création nette d’emplois. » Pourtant, l’entourage d’AUBRY a accueilli lasignature de l’accord comme une divine surprise. Au moins permet-il de compter 200.000salariés de plus parmi les bénéficiaires des 35 heures. « Les banques ont accompli, poursuit lemême banquier, un travail de négociation infernal depuis l’annonce du projet de loi sur cetteréduction du temps de travail. » Il avait déjà fallu une cinquantaine d’années pour modifier ledécret de 1937 sur les horaires des employés de banque. On peut donc espérer quel’accouchement d’une nouvelle convention collective pourrait prendre moins d’un demisiècle.Avec à la clé des emplois plein temps pour les négociateurs: une façon comme uneautre de faire reculer le chômage Tout dépendra de l’ampleur et de la rapidité de lanégociation quant à l’effet sur l’emploi. Si toutes les entreprises s’y mettaient, et dans debonnes conditions, plus de 500.000 emplois pourraient être créés. Optimiste, le 4 janvierencore, le site Internet du ministère AUBRY annonce la création de 500.000 emplois grâceaux 35 heures. Un pactole à géométrie variable. Les collaborateurs de Martine AUBRY n’ontpas toujours été aussi pessimistes sur les 35 heures. IL y a un an le service d’études et destatistiques du ministère de l’Emploi et de la Solidarité exposait, dans un documentparticulièrement savant que la réduction du temps de travail devrait permettre la créationd’exactement 709.000 emplois d’ici à la fin de 2001. Tout cela en conformité avec leprogramme du PS aux législatives de 1997. A peine publié, ce résultat miraculeux avaitdéclenché une polémique. Les hypothèses chiffrées des services d’AUBRY avaient étéétablies grâce aux ordinateurs de la Banque de France, et présentées comme une « étude de laBanque de France ». A la grande fureur de son gouverneur, Jean-Claude TRICHET 263 ,ennemi déclaré des 35 heures. La mise au point d’AUBRY avait été un peu laborieuse danscette querelle de paternité. Scénario catastrophe. Heureusement, au même moment, l’OFCE,un cabinet d’experts indépendants, prévoyait pour sa part la création de 320.000 à 450.000emplois. Enfin, une troisième étude, effectuée par la Direction de la prévision du ministère del’Economie, voyait entre 210.000 et 550.000 emplois poindre à l’horizon. Tous lesbaromètres étant au beau fixe, les services de STRAUSS-KAHN en tiraient la conclusionqu’à l’horizon 2000 - 2002 il existerait un « potentiel de création d’emplois supérieur à500.000 ». Pour Martine AUBRY, on pouvait compter - selon les jours - sur un million, ousimplement 400.000. Ce qui n’était déjà pas si mal. Dans l’euphorie de ces prévisions, onavait oublié un conditionnel: si les entreprises traînaient les pieds, l’étude de l’OFCEaffirmait que non seulement les 35 heures ne créeraient aucun emploi nouveau, mais, aucontraire, en supprimeraient 100.000. Dans le même cas, la Direction de la prévision tablait,elle, sur 20.000 suppressions de postes. « Scénario catastrophe contraire à la politiquequ’entend suivre le gouvernement », répondaient alors, excédés, les conseillers d’AUBRY etde STRAUSS-KHAN. Les experts ne leur avaient peut-être pas tout dit. « En clair, pasquestion d’entamer des négociations au niveau des syndicats patronaux, comme la FFSA:c’est aux compagnies d’assurances « comprendraient mal d’avoir à subir d’une manièrequelconque les effet d’entraînement éventuellement créés par les organismes professionnelssi ceux-ci prenaient les devants. Bref, il est urgent de ne pas négocier quoi que ce soit » 264 .263Jean-Claude TRICHET né en 1942 est un Inspecteur général des Financesfrançais.264Extrait du Canard enchaîné du 6 janvier 1998, article de Nicolas BEAU.449


3° Les dispositions de la loi AUBRYL’essentiel de la loi est contenu dans son article 1 er qui annonce une réductionde la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires, à compter du 1 er janvier 2000 dansles entreprises de plus de vingt salariés, et au 1 er janvier 2002 pour celles de moins de vingtsalariés. La durée légale n’est ni une durée maximale ni une durée effective, c’est le seuil audelàduquel les heures de travail sont considérées comme heures supplémentaires. La baissede la durée légale n’a donc d’impact direct sur la durée effective que si elle n’est pascompensée par une augmentation des heures supplémentaires et si la création d’emplois estassortie d’avantages particuliers. C’est pourquoi la loi institue des aides publiques pour lesentreprises qui anticiperaient sur le passage aux 35 heures. Pour y avoir droit, ces dernièresdoivent assortir une baisse d’au moins 10 % du temps de travail de la création ou du maintiend’au moins 6 % des effectifs, selon qu’il s’agit d’un accord «offensif» ou d’un plan social«défensif». Le barème de base est de 137,22 € (9 000 F) par an pour chaque salarié concernépar l’accord, puis baisse de 15,25 € (1000 F) par an pendant cinq ans. Pour une entreprise de100 salariés qui créerait 6 emplois, l’aide publique représenterait ainsi 106 fois 137,22 €(9 000 F), soit 24241,5 € (159 000 F) pour chaque nouvel emploi créé. À hauteur de salairestrès moyens, l’opération pourrait être blanche du point de vue du coût salarial, au moins lapremière année.Un tel dispositif est, sur un point décisif, en retrait de la loi ROBIEN quiexigeait une stricte proportionnalité des embauches, 10 % d’emplois supplémentaires pour10 % de réduction du temps de travail. L’absence de proportionnalité implique donc des gainsde productivité instantanés que l’on peut évaluer à 5,1 %. Cette précision, à la décimale près,découle du calcul suivant. Soit une entreprise qui emploie 100 salariés à 39 heures; elle passeà 35 heures et augmente ses effectifs de 6 %. Le volume de travail baisse de 3 900 à3 710 heures par semaine, ce qui revient à dire que l’entreprise réalise la même productionavec moins de temps de travail. Sa productivité horaire a par conséquent augmenté dans cetteproportion de 3 900/3 710, d’où les fameux 5,1 %. Cette hypothèse a joué un rôle clé dans lesexercices de simulation macro-économiques et contribue à expliquer pourquoi l’évaluationpar l’Observatoire français des conjonctures économiques (O.F.C.E.) du contenu en emploidu passage aux 35 heures a été divisée par quatre par rapport à une projection antérieure quipostulait une embauche proportionnelle à la réduction opérée. Dans ce cas, les effectifs denotre entreprise augmenteraient dans la proportion de 39/35, pour passer à 111. Le seul gainde productivité instantané auquel incitent les dispositions de la loi a donc pour effet de réduirede moitié l’impact sur l’emploi du passage aux 35 heures. Ce point est fondamental car ilpermet de comprendre pourquoi les exercices de simulation de la loi AUBRY ont donné desrésultats moins optimistes que ceux qui avaient été réalisés en 1993 à l’occasion du XIe plan.Selon l’O.F.C.E. et la Banque de France, l’application de la loi AUBRY conduirait à un gainde 450 000 à 700 000 emplois, mais d’autres estimations sont plus pessimistes, comme cellesde l’institut patronal Rexecode. À la non-proportionnalité des embauches s’ajoute lalimitation du champ d’application de la loi aux entreprises du secteur privé, qui vient réduireune nouvelle fois cet impact de moitié. La fonction publique n’est en effet pas concernée parla loi, et de grandes entreprises publiques, comme E.D.F. ou La Poste, ne pourront doncbénéficier des aides. Ce qui explique que l’on n’aboutisse qu’au quart des projections les plusoptimistes.Le dispositif est incertain puisque des accords doivent effectivement êtresignés, et, dès 1998, on a pu craindre que la loi AUBRY soit insuffisamment incitative. Elle aen effet pris le parti de ne pas introduire de dispositifs contraignants, afin de laisser la voie450


libre à la négociation entre patronat et syndicats. Ainsi, la loi ne modifie pas la duréemaximale du travail, qui reste fixée à 48 heures, ne réduit pas le volant annuel d’heuressupplémentaires, ne modifie pas le taux de majoration de 25 % des heures supplémentaires enindiquant au contraire qu’il s’agit en tout état de cause d’un maximum. De manière générale,la loi n’est pas assortie d’un volet limitant la précarisation des formes d’emploi à créer.Aucune mesure n’est ainsi annoncée pour limiter le travail à temps partiel imposé auxfemmes, et les exonérations introduites par la loi quinquennale de 1993 sont reconduites. Letraitement différencié des petites et moyennes entreprises risque d’encourager la soustraitanceet de créer un double statut des salariés dans le privé. Or c’est bien dans les petitesentreprises que le statut des salariés est le plus fragile et que le besoin de protection légale estle plus sensible.En matière salariale, la loi se place dans une logique de maintien des salairesqui n’est pas incompatible avec une compensation prenant la forme d’un gel prolongé desrémunérations. Reste néanmoins un redoutable problème quant au S.M.I.C., dans la mesureoù celui-ci est calculé sur la base de 169 heures mensuelles. Pour les salariés passant de 39 à35 heures, le S.M.I.C. horaire doit être revalorisé dans la même proportion, soit de 11,4 %.Mais cette même hausse s’appliquerait alors aux salariés restés à 39 heures. Il s’agirait d’unimportant «coup de pouce» que le gouvernement n’est pas prêt à consentir. Il envisage doncune déconnexion entre le S.M.I.C. mensuel et le S.M.I.C. horaire, qui seraient ensuiteprogressivement réunifiés. La situation est encore plus compliquée en raison del’accumulation de dispositifs et du traitement différencié à l’égard des entreprises de moins devingt salariés. Ces incertitudes ont rendu probable une confrontation dont les enjeux ne sontpas strictement économiques, d’autant que le traitement de toutes les questions en suspens aété renvoyé à une seconde loi, à voter avant la fin de 1999, à partir du bilan des accordsconclus. Dès sa présentation, la loi AUBRY a été considérée par le patronat non seulementcomme une «aberration», mais comme une véritable agression. Elle a provoqué l’éviction deJean GANDOIS 265 et son remplacement à la tête du C.N.P.F. par Ernest-Antoine SEILLIERE.Puis est venue la contre-offensive, avec la dénonciation de conventions collectives (banques,grand commerce) et, surtout, l’accord conclu le 28 juillet 1998 dans la métallurgie entre lepatronat (U.I.M.M.) et trois syndicats minoritaires (F.O., C.F.T.C. et C.G.C.). Ni la C.G.T. nila C.F.D.T. n’ont signé cet accord qui concerne un salarié du privé sur sept. La ministre del’Emploi, Martine AUBRY, ne s’y reconnaît pas non plus. Il s’agit en effet d’une véritabletactique de contournement de la loi sur les 35 heures qui en souligne au passage les pointsfaibles. Dans cet accord, le volant annuel d’heures supplémentaires qui, avec 94 heures, étaitdepuis 1982 inférieur à la norme légale de 130 heures, passe à 180 heures. La durée annuelledu travail est fixée à 1 645 heures, soit 35 heures sur 47 semaines, dans lesquelles sontréintégrés les jours fériés. Enfin, cet accord ne serait mis en œuvre qu’au 1 erjanvier 2000, enmême temps que le passage aux 35 heures légales. Il symbolise donc la volonté du patronat defaire avancer son projet concurrent d’annualisation du temps de travail, en introduisant uneflexibilité accrue permettant de moduler les horaires de travail, quitte à négocier une légèreréduction de leur enveloppe annuelle. Mais il s’agit alors de calculer au plus près lesembauches plutôt que de créer des emplois.Enfin, la réduction du temps de travail comporte une dimension internationaleimportante. L’un des enseignements de l’économie appliquée est que la réussite d’une telleexpérience est grandement facilitée par son extension aux pays voisins, et c’est là un pointdécisif. La loi AUBRY a d’ores et déjà contribué à ce que le Parlement italien vote le principe265Jean GANDOIS, né en 1930 est une personnalité du monde des affairesfrançais. Cf biographie complète en fin de thèse.451


d’une loi analogue pour 2001. La voie française se distingue ainsi des recommandationsd’organismes internationaux, comme la Commission européenne ou l’O.C.D.E., quicombattent le principe d’une «réduction obligatoire, massive et généralisée» du temps detravail et privilégient au contraire des formules souples favorisant le temps partiel. En ce sens,le destin de la loi AUBRY contribuera à façonner l’Europe sociale en construction. Laréduction du temps de travail apparaît de ce point de vue comme une chance pour l’Europe,car il s’agit d’une mesure réellement coopérative, dont l’efficacité augmente en proportion desa généralisation aux autres pays.452


RESUME DE LA PARTIE II, L’EMPLOI : REPRESENTATION ETGESTIONTout en étant complexe, l’emploi est une marchandise comme les autres qui senégocie sur le marché du travail. Si ce marché est déséquilibré, le chômage apparaît et malgréles diverses théories, aucune n’apporte de véritable solution ; les politiques se perdent enconjectures. L’Emploi devient alors une somme de calculs compliqués et cesse d’être unemarchandise. Le salaire n’est plus régit par les lois du marché concurrentiel et doit évoluerd’autant plus rapidement que le marché et les économies s’élargissent au niveau mondial.Tout devient interdépendant, dès 1964, la mondialisation entre dans levocabulaire pour se généraliser dans les années 1990 au quotidien. Le phénomène touche leséchanges puis malgré la réglementation s’étend rapidement, touchant tous les domaines de lavie quotidienne. L’ouverture des économies a d’abord été une progression des échanges etaujourd’hui ce sont surtout les activités de production et les investissements qui sont vecteursde la globalisation. Après avoir vendu des produits à l’étranger, c’est aujourd’hui leurproduction que les investisseurs déplacent en s’installant dans ces pays où la main d’œuvreest moins onéreuse et moins protégée. Les marchés s’ouvrent d’autant aux productions qui s’yinstallent et s’élargissent. De fait la demande s’accroît, des économies d’échelles sontpossibles et la croissance s’installe avec une hausse de la productivité. Mais si la productionva ailleurs, les revenus distribués des emplois anciens disparaissent et les conflits naissentmême si les prix diminuent ou restent constants. Le commerce international fait des« gagnants » mais aussi des « perdants ». Pour être concurrentielles, les entreprises sontincitées à s’agrandir et à accentuer le phénomène de mondialisation qui ne peut que prendrede l’ampleur.La mondialisation est le processus et le résultat d’un processus planétaireinstable depuis 1998 pour la croissance des pays occidentaux, chaque crise d’un pays enaffecte plusieurs autres. Du fait, la négociation inévitable devient collective, elle aussi, et desrègles étatiques tentent de normaliser les conditions de travail, du moins pour les paysindustrialisés. Les Etats entrent en compétition pour attirer l’emploi, diminuer le chômage etrévisent leurs normes de travail. La déréglementation du travail apparaît aux salariés commeune politique choisie par les uns pour rester dans le courant imposé par le contrôleéconomique mondial.Le Droit français reconnaît, pour une entreprise, la légitimité du licenciementéconomique motivé par une réorganisation internationale de ses activités de production aveccependant une obligation au reclassement, des organismes comme l’OrganisationInternationale du Travail voient le jour, le dialogue social longtemps ignoré apparaît commeun mode de régulateur social.Les délocalisations sont la suite des mondialisations, l’exode de l’Emploitouche de plus en plus de secteurs qui suivent le mouvement pour rester compétitifs. A proposdes délocalisations, les analyses sont diverses mais toutes s’accordent à penser quel’innovation qui motive les restructurations économiques est salutaire et l’impact sur l’Emploin’est pas forcément négatif à long terme, même si sur le plan conjoncturel, les délocalisationsposent des difficultés sociales. La théorie économique tend à considérer les symptômes de ladélocalisation au même titre que d’autres symptômes de la destruction créatrice, destructioninéluctable, nécessaire à l’entreprise pour croître ou du moins pour rester productive,453


nécessaire à la croissance car même si l’emploi national en pâtit, la délocalisation comme lasous-traitance internationale soutient la croissance rapide des pays émergents.Pour apaiser les tensions sociales issues des licenciements, des négociations etdes conventions collectives ont tenté de réguler et de normer ces pratiques qui inquiètent. Deséconomistes tentent d’y voir clair, proposent des modèles et des théories. Mais lelicenciement économique fait des ravages même s’il est légitimé et théorisé. Les pouvoirspublics ont le choix entre différentes politiques aux effets nécessairement différés. Parmi lesinterventions destinées à pallier les effets les plus immédiatement dramatiques d’unlicenciement économique, une attention particulière a été donnée à la mise en place d’un« plan social » censé amortir ces effets en « accompagnant » le salarié dans sa « recherched’emploi ».Bien que l’économie se mondialise, ce recours au plan social avec unaccompagnement personnalisé des adhérents et un congé de conversion est typiquementeuropéen. Les politiques de l’Emploi se mondialisent donc aussi, que les mesures soientactives ou passives, et malgré les modifications en vue d’améliorer toujours plus le processus,la réduction du temps de travail pour partager Travail et Revenus semble apporter peu derésultats par rapport à l’idéologie initiale de partage. Toutefois, incapables d’enrayer ceprocessus qui s’auto-entretien, les politiques tentent de protéger les plus fragiles et faire aumieux faute de ne pouvoir faire mieux. La prévention mise en place dans le cadre des planssociaux devient la solution « du moindre mal ».454


III. <strong>LE</strong> <strong>RECLASSEMENT</strong> DES SALARIESA - PREVENIR <strong>LE</strong>S LICENCIEMENTS ET RECLASSER <strong>LE</strong>SSALARIESLes mots « traumatisme » ou « drame humain » sont tabous. Ils font peur.Dominique CLAVIER 266 , psychologue du travail et psychanalyste, est responsable derecherche chez BPI, un spécialiste des reconversions. Il enseigne également à l’université deSherbrooke au Canada.La perte d’un emploi est douloureuse, un licenciement est toujours untraumatisme très violent quelles que soient les mesures, bonnes ou mauvaises, quiaccompagnent la sortie. Parfois, des années après l’évènement, les gens refusent encore d’enparler. Parce qu’ils n’ont pas seulement perdu un emploi - un emploi ça se retrouve- maisparce que le travail est notre colonne vertébrale. Il nous procure un revenu et des moyens deconsommer. Il fournit des repères de temps et de pensée. Il donne l’occasion de développerdes compétences, de manière régulière, permet des interactions sociales, implique des actionscollectives qui donnent le sentiment d’être utile à la société. Bref, il est la source de l’identité.Lorsqu’il disparaît, l’équilibre personnel est mis en péril. Le salarié licencié sesent abandonné, trahi. Combien de sacrifices n’a-t-il pas consenti pour son entreprise ?Comme pour une mère finalement, une mère abusive qui lui en demandait toujours plus maisqu’il vénérait et considérait, au fond de lui, comme immuable. En disparaissant, elle menacesa propre survie. Tant qu’il produisait quelque chose, il existait. Le jour où l’entreprise ferme,les angoisses de mort et de destruction reviennent. Le licenciement, c’est un peu comme unemort annoncée. Des chercheurs ont pu observer des réactions similaires chez des malades enphase terminale et des salariés tout juste licenciés. D’abord, ils sont en état de choc, commeparalysés. En même temps, ils sont soulagés. Quelque part, ils s’y attendaient. Ils se sententlibérés d’un poids mais incapables d’admettre ce qui leur arrive. Ils nient la réalité : « c’est uncauchemar, je vais me réveiller. Ils se sont trompés. » Qui peut accepter de perdre sa vie, sonhistoire, l’espoir ? Passée cette phase de déni, ils prennent peur et plongent dans une périodede suractivité, on appelle cela la phase maniaque : on veut se prouver qu’on existe toujours.Ils veulent faire leur CV, retrouver un emploi, vite. C’est à ce moment que la personne vienttous les jours à la cellule de reclassement et en repart submergée d’informations. Mais cen’est pas ce qu’elle demande en réalité, c’est une manière d’appeler au secours. Or souventles consultants ne sont pas qualifiés pour réagir face à cette détresse. Puis vient la dépression,la personne craque, culpabilise : « je n’aurais pas dû rester, j’aurais pu le prévoir, j’aurais pul’éviter. »Ce processus correspond au travail de deuil indispensable. Pourquoi n’y a-t-ilpas d’accompagnement psychologique prévu ? Le sujet, comme les mots mis dessus sonttabou, ils ne sont jamais prononcés. L’entreprise estime qu’elle n’est pas là pour réparer lesdégâts psychologiques. « Quelques-unes commencent à s’en soucier, quelques cabinets dereclassement, comme le notre, prévoient une prise en charge psychologique des victimes delicenciement 267 . La plupart du temps, le salarié doit faire ce travail seul. Si un traumatisme266Dominique CLAVIER, Psychologie du travail et nouveaux milieux dutravail, Presses de l’Université du Québec, 2005.267CLAVIER, D, Le licenciement, une mort annoncée, Libération-spécialEmploi, 25 septembre 2000.455


vient en réveiller ou en provoquer un autre, on entre dans ce qu’on appelle des situationsd’enlisement. Par exemple, un salarié vient d’être licencié et il retrouve du travail alors qu’ilest encore imprégné de la culture de sa première entreprise. Il rejoue la même partition, bienqu’étant un bon professionnel, il provoque une deuxième rupture parce qu’il n’a pas pu fairele deuil de la première. La perte d’un emploi entraîne souvent aussi une rupture familiale. Lelicenciement sert de révélateur à un malaise familial, la situation de chômage et les difficultésde communication qu’elle entraîne déclenchent le conflit qui couvait. Un divorce sur deux estrelié au chômage.La convention de conversion est une mesure obligatoire pour faciliter lereclassement des salariés. Chaque salarié est libre d'adhérer ou non à la convention, s'il yadhère, il n'effectue pas de préavis, la fin du délai de réflexion marquant la fin du contrat detravail. Son départ n'est ni une démission, ni un licenciement, mais une rupture d'un communaccord.Toutes les entreprises du secteur privé assujetties à l'UNEDIC qui envisagentun licenciement économique sont tenues de proposer la convention de conversion à leurssalariés qui :Vont être licenciés;Remplissent les conditions pour partir en convention de conversion.L'entreprise verse à l'ASSEDIC l'indemnité de préavis qui aurait été due ausalarié s'il avait été licencié, dans la limite de deux mois; ainsi qu'une somme forfaitaire de687 € (4500 F) par salarié adhérent à la convention si elle emploie au moins dix salariés.Elle verse au salarié, outre ses salaires et congés payés, l'indemnité de licenciement et uneindemnité compensatrice de préavis, diminuée des deux mois versés à l'ASSEDIC (si lepréavis normal du salarié dépasse deux mois). En proposant au salarié adhérent uneconvention de conversion, l'entreprise lui offre de meilleures chances de trouver un nouvelemploi.S’agissant d'une rupture d'un commun accord, le départ du salarié n'a pas lecaractère juridique d'un licenciement. Les conséquences négatives qu'un licenciementéconomique peut comporter pour la bonne marche de l'entreprise se trouvent ainsi atténuées.Des UTR mis en place par l'ANPE renseignent de façon détaillée sur lesconditions de mise en oeuvre de la convention de conversion, organisent l'information dessalariés, reçoivent les salariés qui ont décidé d'adhérer pour un bilan professionnel et lesassistent dans leurs recherches d'emploi pendant les six mois de convention. L'adhérent n'estni chômeur, ni salarié de l'entreprise, ni stagiaire, il bénéficie d'un statut spécial, sa couverturesociale est maintenue pendant toute la conversion, l'allocation de conversion n'est jamaisinférieure aux allocations chômage et supporte une cotisation sociale de 1 % si elle estsupérieure au SMIC.s'engage :La période de conversion doit aider le salarié à se reclasser. Pour cela, l'UTR* à désigner un conseiller de l'UTR correspondant du salarié pendant la duréede la convention ;* à élaborer avec le salarié son projet de reclassement ;* à organiser les prestations et les formations nécessaires ;* à lui proposer au moins deux offres valables d'emploi (OVE).456


L'UTR accompagne le salarié dans ses recherches d'emploi pendant toute laconversion ; le salarié qui trouve un emploi et dont la période d'essai n'est pas concluanterevient en convention de conversion dans la limite des six mois. Si l'adhérant retrouve unemploi au début de la période de conversion, l'entreprise qui l'embauche bénéficied'avantages. L'UTR renseigne les employeurs à ce sujet.Lorsque l'employeur propose la convention de conversion au salarié, il doit luiremettre un document officiel d'information avec un bulletin d'adhésion. Ces documents sontà retirer à l'ASSEDIC.Cette proposition est faite au cours de l'entretien préalable au licenciement ou,lorsque cet entretien n'est pas obligatoire, à la fin de la dernière réunion du comitéd'entreprise. Un choix d'adhésion existe mais l'absence de réponse vaut refus. En cas de refus,la procédure de licenciement se poursuit normalement, avec tous les droits qui y sontrattachés. Si le salarié accepte la convention, il signe le bulletin d'adhésion et le renvoie àl'entreprise.Le choix entre licencier ou reclasser s’impose et défini les actions mises enplace. L'ANDCP 268 a présenté, le 12 avril 1994, des propositions pour la mise en place d'unenouvelle approche du problème de l'emploi, au regard du licenciement et du reclassement.Elles s'inscrivent dans la réflexion générale de l'ANDCP sur l'emploi, engagée plusparticulièrement depuis 1992 l'association suggère ainsi de passer d'une logique fondéeessentiellement sur le traitement du chômage à une logique de gestion des flux des emploisdisponibles ou potentiels.L'examen de la situation actuelle fait apparaître un certain nombre decontradictions voire d'aberrations, dont trois flagrantes :- Le licenciement est de loin la mesure d'un plan social qui coûte le moins cher auxentreprises mais elle est plus chère pour la collectivité et il ne faut pas s'étonner qu'elle soit laplus fréquemment choisie par les entreprises qui, confrontées à des difficultés financières,font un plan de restructuration.- Les entreprises ou les cabinets d'outplacement qui reclassent le personnel excédentairetrouvent un nombre largement suffisant de postes à proposer aux salariés : ce nombre varie deun à dix. De plus, aucun chiffre fiable ne permet d'estimer à cent mille près le nombred'emplois disponibles (ou potentiels) qui ne trouvent pas de candidats chaque année, et à plusforte raison chaque mois. En revanche, les statistiques nous indiquent à une unité près lenombre mensuel de chômeurs.- Le rapport annuel de l'ANPE permet d'estimer à 20 % son taux d'efficacité, c'est à direle pourcentage entre le nombre d'offres de postes qui lui parvient et le nombre de contratssignés grâce à son action, alors que ce même rapport dépasse 80 % lorsque le reclassement estassuré par l'entreprise ou par un cabinet d'outplacement.Tout est fait pour favoriser le reclassement et les propositions de l'ANDCPdéveloppent des solutions concrètes pour pallier ces anomalies et améliorer la situation del'emploi.268ANDCP : Association Nationale des Directeurs et Cadres de la fonctionPersonnelle.457


Ces solutions peuvent se grouper autour de trois objectifs :- Limiter les "incitations" à licencier contenues explicitement ou implicitement dans lesystème de protection sociale actuel, en favorisant le reclassement afin de le rendre moinsonéreux pour les entreprises.- Se fixer comme priorité que les emplois existants soient occupés et que l'on organise larecherche systématique des postes rentables possibles dans les entreprises et les organismes.- Consacrer au moins autant d'importance à la prévention du chômage et à la créationd'emploi qu'à l'aide aux chômeurs.Il s'agit alors de changer de logique. On dit volontiers que le taux de chômageest lié à la crise mondiale provoquée par la concurrence des pays en voie de développement.Ceux-ci ont des niveaux de salaire très inférieur aux nôtres, ce qui les rend plus compétitifsdans un contexte de faible demande.Face à cette disparité salariale incontournable, deux moyens sont utilisés pourobtenir des gains de productivité :- la réduction des effectifs qui accroît le chômage,- la diminution des salaires qui freine la consommation.Il existe plusieurs millions de chômeurs alors que de nombreux emploisdisponibles ou potentiels ne sont pas pourvus. Aucune statistique mensuelle ne permet d'endéterminer le nombre au niveau national, ce qui conforte l'idée qu'il n'y a pas autant d'emploisdisponibles que de demandeurs d'emplois. En conséquence, ceux qui cherchent réellement unemploi se démotivent, ceux qui préfèrent momentanément s'accommoder des aides(momentanément ou définitivement) y trouvent un prétexte légitime.Chaque chômeur considéré individuellement, à des chances de trouver unemploi : ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'emploi pour tous que chacun ne peut espérer entrouver un. La contradiction n'est qu'apparente, sinon, elle conduirait chaque demandeurd'emploi au désespoir et condamnerait à l'échec l'effort de tous ceux dont la fonction officielleou occasionnelle est d'aider à retrouver un emploi pour ceux qui en recherche un, soulignel'ANDCP. Il est réconfortant de constater que les résultats du reclassement sont satisfaisantslorsque celui qui reclasse et celui qui demande un emploi sont suffisamment motivés même siles délais qui ont augmentés tendent à diminuer depuis ces quelques derniers mois.Ces constatations sont sans intérêt pratiques si elles ne conduisent à regarder laréalité de façon constructive et à rechercher des solutions nouvelles. Tout en reconnaissant lerôle positif de la plupart des mesures actuelles tendant essentiellement à diminuer les coûtssalariés, l'ANDCP estime urgent de mettre en place une nouvelle approche visant troisobjectifs déjà évoqués pour améliorer la situation de l'emploi.* L'objectif de limiter les "incitations" à licencier semble provocant, il s'appuienéanmoins sur des faits constatés. En effet le système actuel de protection de l'emploi et dedédommagement en cas de licenciement a été conçu et mis en place à une époque de pleinemploi (avant 1974). Période durant laquelle on déclarait que la situation de la France luipermettait d'assurer aux 250.000 chômeurs des revenus pratiquement égaux à ceux d'unsalarié. Aux indemnités de licenciement, on a ajouté les allocations d'assurance-chômage,sans voir leurs interférences et effets pervers. On constate maintenant, desdysfonctionnements dans un contexte tout a fait différent. Il faut remettre en cause les458


modalités d'application de la protection sociale, selon l'ANDCP. Cette remarque impliquetous les acteurs du "système emploi" : l'entreprise, le personnel, les syndicats, l'Etat.Pour les entreprises, une fois les cotisations à l'ASSEDIC (et éventuellement lacontribution DELALANDE pour les salariés de plus de 50 ans) payées, le licenciement est lasolution la moins chère, la plus rapide et la moins impliquante, si on la compare aureclassement externe, c'est à dire à la conversion des salariés vers une autre entreprise.D'après l'ANDCP, le comportement de tous les acteurs face au licenciement nechangera que lorsque celui-ci ne sera pas la solution :- la moins chère, la plus rapide et la plus facile pour les entreprises,- bien acceptée par le personnel lorsqu'elle est suffisamment "attrayante"financièrement,- tolérée par les syndicats qui ne peuvent s'opposer aux départs "volontaires",- facilité par une législation sociale et fiscale que les pouvoirs et les hommes politiqueshésitent à remettre à plat et à adapter à la situation actuelle."Tout se passe comme s'il y avait un accord tacite de chacun pour "anesthésierpar l'argent" le personnel à licencier et obtenir son agrément" 269Tableau 13 : Comparaison entre le licenciement et le reclassement externe.Nature du problèmeLicenciementcollectifLicenciementconversionProcédure rapide (2 à 3 mois) longue (6 mois à 1 an)Indemnité + frais dereclassement(formation, rechercheCoût du licenciementCoût pour l'entreprised'emploi orientation...)(indemnité + éventuellementsoit 100 à 120 KF encontribution DELALANDE)plus par personnereclasséeCoût pour la collectivitétrès important (100 à 200KF/an/personne)Pratiquement nulImplication del'entreprisefaibleTotaleClimat social détérioré ConvenableConséquencespsychologiquesMauvaisesAcceptablesCe tableau résume la comparaison entre cette solution radicale et lereclassement externe, c'est-à-dire la convention des salariés vers une autre entreprise. Devant269Licencier ou reclasser : changer de logique, propositions del'Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel-Avril 1994.459


ce tableau, quelques remarques s'imposent pour comprendre le comportement de l'entrepriseX face aux restructurations auxquelles elle est confrontée :* Le licenciement collectif des 140 salariés de l'entreprise X ne constitue qu'unseul problème qui se résout en général, en quelques mois, alors que la conversion de ce mêmenombre de personnes nécessite le traitement de 140 problèmes individuels à négocier avecchaque personne et avec chaque entreprise d'accueil. On ne peut, en effet, décider sansconsensus qu'un salarié ira travailler dans une entreprise déterminée.Les pratiques de délocalisation ont changé depuis la période précédant lepremier choc pétrolier. Les grandes entreprises n'ont plus à recruter en masse des salariés demême qualification sur des sites important mais, offrent au maximum une dizaine d'emploisde qualifications différentes sur des petites unités.La logistique de telles opérations coûte cher, les frais, supportés pour leur plusgrande partie par l'entreprise, s'ajoutent aux indemnités de licenciement. Celles qui pratiquentces mesures doivent prévoir des provisions financières pour y faire face, alors que les autresconsidèrent à juste titre, d'un point de vue juridique, que leurs cotisations à l'ASSEDIC leslibèrent de toute obligation envers le personnel excédentaire. On retrouve ici lesinconvénients classiques d'une assurance dont la cotisation est indépendante des sinistrescouverts.On ne peut reprocher à une entreprise, qui décide une restructuration parcequ'elle est (ou prévoit d'être) en difficulté financière de choisir, la solution la plus rapide et lamoins chère pour elle, c'est-à-dire le licenciement, même si globalement elle est plus coûteusefinancièrement et humainement pour la collectivité. Il y a incohérence à déclarer que la luttecontre le chômage est une priorité alors que la législation sociale fait du licenciement lemoyen le plus économique pour réaliser une restructuration.* Les intérêts du reclassement sont d'abord d'ordre psychologique. Il évite ladégradation du climat social et la démotivation du personnel restant dans l'entreprise.Néanmoins, même si ces facteurs ne sont pas pris en compte directement dans le bilanfinancier chacun sait que ce sont des atouts indispensables pour assurer la qualité des servicesou des biens et maintenir à terme l'image de marque de l'entreprise, donc sa part de marché. Ily a alors contradiction entre les objectifs à court et moyen terme. Pour faire face aux fraisengendrés par la mise en place d'un tel dispositif qui nécessite une forte infrastructure et desfonds financiers importants, l'entreprise X, comme toutes celles qui optent pour lereclassement plutôt que pour le licenciement doivent pouvoir compter sur des clients fiablespour relancer les commandes et pour éviter de péricliter totalement. Le plan social étant misen place pour n'en faire "tomber que quelques uns afin de sauver les autres".Quel sera le climat social dans une entreprise où le personnel considérera queceux qui la quittent sont mieux traités que ceux qui s'efforcent d'en assurer la compétitivité ?La crainte du chômage a ses limites, surtout chez ceux qui ont un emploi. On constate que lepersonnel poursuivant son activité dans l'entreprise comprend de moins en moins que lesdirections refusent des augmentations de salaire alors qu'elle consacre des sommes trèsimportantes à ceux qui partent. Enfin que dire des entreprises qui ont réduit le personnel pourdiminuer leurs coûts de production en utilisant uniquement des critères d'âge ou d'anciennetéet qui ont dû en rappeler certains car ils avaient une compétence indispensable à l'entreprisedont le critères de départ n'ont pas tenu compte ; ou pire encore, que penser des entreprise, qui460


comme l'entreprise X, doivent faire appel à des intérimaires alors que de anciens salariés nedemandent qu'à reprendre leurs postes. La réponse aberrante qui leur est faite déstabilise cessalariés : "inscrivez vous dans telle agence d'intérim, puisqu'on travaille avec eux !", tout ensachant qu'un salarié en convention de conversion doit donner la priorité aux formationslongue durée ou aux postes pouvant déboucher en priorité sur un CDI. La seule explicationque l'on puisse donner à cette situation pour le moins équivoque est un changement d'attitudedes agences d'intérim qui travaillent de plus en plus en vue pré-embauche et non plusuniquement pour pallier à un manque ponctuel de main-d'œuvre.En ce qui concerne le rôle de l'état, outre la législation et la jurisprudencefiscales, en exonérant d'impôt la totalité des indemnités de licenciement, favorise le départsnégociés en échange de sommes conséquentes, aussi l'on constate parfois plus de salariés"volontaires" pour être licenciés que n'en prévoit le plan social ; le volontariat n'est alors quela contrepartie de l'indemnité reçue. Ce type d'incitation est d'autant plus fort que le niveaudes allocations de chômage "ASSEDIC" est indépendant des sommes perçues lors dulicenciement, même si la date de départ peut avoir une légère influence. La taxeprofessionnelle, assise sur la masse salariale, défavorise les entreprises qui conservent leurspersonnels et les inciterait indirectement à réduire leurs effectifs.L'entreprise X met en place un plan social confortable et débloque des fondsconséquents en faisant bénéficier d'une prime à l'embauche de 3049,25 € (20.000 F) toutnouvel employeur reprenant un de ses anciens salariés de moins de cinquante ans et d'uneprime à l'embauche de 4573,87 € (30.000 F) pour le nouvel employeur d'un salarié de plus decinquante ans, ceux qui veulent créer leur entreprise bénéficient d'une aide de 7623,11 €(50.000 F) dès que leur dossier est accepté par le registre du commerce et que le projet esthomologué, enfin chaque salarié repart avec une indemnité de licenciement. Cette indemnités'est élevée à huit mois de salaire (primes comprises) plus 686,08 € (4500 F) par annéed'ancienneté. Ce mode de calcul est favorable aux salariés non qualifiés qui bénéficientd'ancienneté. C'est ainsi que de nombreuses salariées de 25 ans d'ancienneté partent avec deuxans de salaire.Le comportement des salariés vis-à-vis du chômage et de l'emploi est souventdéroutant : dans les entreprises qui sont à leur énième plan social, certains salariés intègrentcette donnée dans leur évolution de carrière et attendent avec plus ou moins d'impatiencel'annonce d'un nouveau plan. "Le droit d'être licencié devient un avantage acquis" s'étonnel'ANDCP. A partir d'un certain âge, il importe aujourd'hui d'être licencié et de bénéficierd'une indemnité défiscalisé et ne supportant pas les charges sociales plutôt que d'attendred'avoir 60 ans et de partir à la retraite avec une indemnité de faible montant, fiscalementexonérée dans la limite de 3049,25 € (20.000 F), supportant en totalité le poids des chargessociales.Trois facteurs sont ignorés par les salariés qui se découragent quelques moisplus tard quand les recherches n'aboutissent pas comme ils l'espéraient :- La probabilité de trouver un emploi est beaucoup plus importante avant lelicenciement qu'après et elle décroît rapidement dans les premiers mois de chômage, leconfort relatif procuré par les indemnités et par la présence de la cellule de l'Antenne emploidonnent à penser aux salariés qu'ils ont du temps devant eux et beaucoup de postes sontrefusés dès le début dans l'espoir de trouver mieux par la suite.- Il ne suffit pas d'être compétent (ou de le croire) pour être embauché, il fautencore que cette compétence soit reconnue et recherchée par un employeur.461


- Enfin, il faut accepter d'aller travailler là où le poste est disponible. Un bilanprofessionnel comparant les compétences à l'offre sur le marché de l'emploi avant toutedécision limiterait certainement les erreurs.Ces trois facteurs posent problème surtout pour les salariés qui ont passé entrequinze et vingt-cinq ans dans l'entreprise X. Ils ont bénéficié de promotions internes maisn'ont pas les diplômes correspondants, ils doivent alors accepter de recommencer à un salaireplus bas et à une position hiérarchique inférieure dans une autre entreprise. Ce n'est évident nipour nous, Antenne-Emploi, qui devons le leur expliquer ni pour eux qui repoussentl'échéance le plus loin possible. La distance liée au domicile est aussi un facteur influant surles refus des postes proposés ; une partie de la population de l'entreprise X a déjà subi unepremière délocalisation de la région parisienne au Val d'Oise. Cette part de la population estla plus ancienne et la moins mobile, rares sont les femmes ayant connu l'entreprise X de larégion parisienne qui acceptent des postes à plus de dix kilomètres de chez elles, la plupart sesont organisées pour les voyages avec des collègues qui ont des voitures ou se sont installéesprès du site de l'entreprise X parce qu'elles ne possèdent pas le permis de conduire. Le plansocial de l'entreprise X prévoit d'ailleurs de faire passer ce permis à tous les salariés qui ledésirent en plus de son budget formation réservé à l'orientation professionnelle proprementdite.On constate fréquemment que :plus les salariés licenciés ont obtenu une forte prime de départ, plus ils sont exigeants visà-visdu salaire proposé dans le nouvel emploi (au moins pendant les premiers mois dechômage).Un chômeur acceptant de prendre un emploi dont le salaire est inférieur à 10 % à celuiqu'ils percevait avant le licenciement, et qui à perçu une indemnité défiscalisée d'un an desalaire est assuré d'un maintien de son revenu antérieur pendant plus de 10 ans même s'ilne bénéficie pendant cette période d'aucune augmentation au-delà de l'inflation.Ces remarques s'ajoutent à toutes celles couramment évoquées concernant lesaspects pervers et démotivants du système de protection sociale :incitation au "travail au noir",refus d'accepter un emploi par ceux qui s'accommode des ressources des ASSEDIC.A ce sujet, il existe des situations aberrantes :- les plus de 50 ans gagnent plus en touchant l'A.C.A en attendant de toucherleur retraite qui ne risque pas d'être diminuée par les quelques derniers trimestres où ils aurontcotisé moins parce qu'ils auront touché un salaire moindre. Les préretraités partant quelquesannées avant l'âge de la retraite, gagnent plus qu'en activité compte tenu de l'indemnité dedépart.- les mères de familles qui sont placées devant un choix impossible : soit éleverelles-mêmes leurs enfants, soit, reprendre un emploi et payer une garde d'enfant, ce qui annulele gain de rémunération.Les salariés qui ont adhéré à la convention proposée par l'entreprise X ont reçuleur prime de départ, ils pensent ainsi avoir le temps "de voir venir". Ce n'est pas faute de leurrépéter qu'ils ont tout à gagner à se reclasser rapidement tant pour des problèmes de tempsévoqués précédemment que d'un point de vue des employeurs potentiels que même pour leurstabilité personnelle.462


Suite à de nombreux refus de postes proposés par l'Antenne emploi ou parl'UTR, les salariés se découragent, se démotivent et deviennent encore plus récalcitrants,certains se mettent à déprimer en prenant conscience que les propositions se font de plus enplus rares au fil de la durée de la convention, et que les six mois impartis à cette mêmepériode de convention arrivent à échéance. Les employeurs potentiels privilégient ceux qui nesont pas sortis du processus de production depuis trop longtemps "parce qu'ils se sententconcernés, veulent réellement travailler et ne veulent pas trop se faire assister" me confiera unemployeur qui n'aime pas embaucher les salariés qui sont encore en convention deconversion, les trouvant trop attentistes.Une salariée de l'entreprise X, madame COURTOISE récemment divorcée etvenant de recevoir de mauvais résultats médicaux (rechute d'un cancer du sein) se suicide.L'incertitude liée à son évolution professionnelle "est la goutte d'eau qui fait déborder levase".L'ANDCP juge que les syndicats sont dans une situation ambiguë, ils nepeuvent reprocher simultanément aux dirigeants de proposer des sommes trop importantesaux salariés "volontaires" pour quitter l'entreprise sans autre aide et obtenir des plans sociauxqui donnent priorité au reclassement dont le coût s'ajoutera aux dépenses de restructuration etretardera l'impact financier des mesures de réduction des effectifs. Lors de l'élaboration et dela négociation du plan social et durant les commissions de suivi de l'entreprise X, lesmembres des syndicats étaient très présents et particulièrement virulents. Une réunionspéciale avec une commission d'inspecteurs du travail, a d'ailleurs été organisée pour étudierle sort des syndicalistes, dit personnel protégé, afin d'être certain qu'ils n'étaient pasdéfavorisés par leurs éventuelles actions passées.Il est évident qu'il n'existe pas de mesure unique pour faire face à la situationactuelle. Chaque mesure devrait faire l'objet d'une critique pour éviter que les effets perversinhérents à toute mesure ne l'emportent sur les avantages.A l'heure de la recherche d'idées pour diminuer le chômage, l'ANDCP enprésente quelques unes :° Rendre le reclassement moins onéreux pour l'entreprise, en la faisantbénéficier en partie de l'économie réalisée par la collectivité, s'il n'y a pas de licenciement.Sans modifier les taux de cotisation à l'ASSEDIC, accorder un "bonus" ou une "ristourne" devaleur fixe 4573 à 7623 € (30 à 50.000 F) par exemple ; prévoir à moyen terme un système decotisation analogue à celui des accidents du travail qui a constitué de l'avis de tous, uneincitation pour améliorer la sécurité. Il faudrait au préalable, avoir séparé dans l'assurance -chômage ce qui relève de la solidarité nationale (par exemple, la couverture sociale de lafamille du chômeur) de ce qui est du domaine d'une assurance et correspond à la couvertured'un risque.° Revoir la législation fiscale et sociale pour limiter l'exonération d'impôt et decotisation à l'indemnité conventionnelle de branche et, en tous cas, appliquer la même règleaux indemnités de licenciement, de mise à la retraite et de départ volontaire en retraite.Soumettre également à cotisations sociales le surplus.° Compenser les pertes de salaires en cas de reprise d'emploi avec un salaireinférieur à l'ancien. Cette idée à été entendue puisque dans le cadre du plan social négocié parle personnel de l'entreprise X, les salariés qui s'en vont vers un autre emploi moins payé ont463


un complément de salaire pendant la période des six premiers mois assuré par l'entreprise X etpendant pratiquement un an et demi ensuite la relève est assuré par l’ASSEDIC. Cette mesurepermet aux salariés de repartir à moindre qualification dans un autre emploi sans subir debaisse de leur niveau de revenu, le temps pour eux d'acquérir un peu d'ancienneté pourretrouver un salaire presque équivalent au moment de leur licenciement.Lorsque le nouvel employeur demande au salarié ses prétentions salariales, latentation est toujours présente, de sous-payer le nouvel embauché.° En cas de restructuration, affecter les sommes prévues : pour une moitié aufinancement du reclassement, et pour l'autre à l'indemnisation des départs.Le rôle de l'Antenne emploi et de l'ANPE par le biais de l'UTR (l'ANPEpropose un suivi personnalisé pendant six mois au sein des 89 Unités Techniques deReclassement) peut se résumer à globalement "faire connaître pourvoir tous les emploisdisponibles ou potentiels". L'accroissement du chômage est un phénomène que l'on constatedans la plupart des pays industrialisés et il est probable que, quelle que soit l'évolution del'économie mondiale, il faudra attendre plusieurs années avant de retrouver une situation deplein emploi. On ne peut donc reprocher aux pouvoirs publics un sous-emploi structurelprovoqué par une crise mondiale. Par contre, il est difficile d'admettre à la fois l'existence decinq millions de demandeurs d'emplois ou travailleurs précaires et l'impossibilité de fournirdes candidats pour de nombreux postes disponibles. Pour expliquer cette incohérence, on nepeut non plus se satisfaire de constater l'inadéquation entre la qualification des candidats etcelle des postes à pourvoir, sauf à admettre la faillite du système de formation générale etprofessionnelle et à utiliser cet argument pour justifier la situation actuelle et s'enaccommoder tant qu'elle ne provoque pas une explosion sociale.S'il est possible de trouver dans les statistiques le nombre de demandeursd'emploi, du moins ceux qui pointent, (mais les renseignements sur leurs qualifications etleurs compétences sont rares et peu fiables), il est beaucoup plus difficile d'avoir uneestimation du nombre d'emplois existant et du nombre de postes offerts pour l'ensemble dessecteurs de la Nation (sans parler des éléments qualitatifs nécessaires pour les proposer à descandidats valables).La question fondamentale à laquelle on ne peut répondre est : quel est legisement d'emplois inexploité qui permettrait aux demandeurs d'emploi qui le veulentréellement, de retrouver un travail ?On sait par les données du ministère du travail qu'en 1991, environ cinqmillions de contrats de travail ont été signés (3,5 en CDI, et 1,5 en CDD ou en intérim) dansles entreprises privée du secteur marchand non agricole (comprenant environ 15 millions desalariés). Pour avoir une vue complète, il faudrait ajouter les chiffres relatifs au secteur public(fonctionnaires, employés des collectivités locales, des entreprises à statut public : SNCF,EDF, Poste...), au secteur agricole et au solde des suppressions et création d'entreprisesnotamment pour les professions libérales, sans oublier le secteur associatif. On peut doncestimer sans grands risques d'erreur, que le nombre de contrats signés, est du même ordre degrandeur que celui des demandeurs d'emploi, mais pour en tirer des conclusions valables surles possibilités de reclassement des chômeurs, il faudrait pouvoir établir un schéma présentantles flux annuels d'entrée et de sortie dans la vie active ainsi que dans l'ensemble que constitueles demandeurs d'emploi. Il semble que les renseignements pour le faire, n'existent pasactuellement.464


A plus forte raison, le nombre des emplois proposés qui n'ont pas trouvépreneur est inconnu, ainsi que le nombre des recrutements possibles dans de très petitesentreprises qui embauchent souvent "par opportunité" quelqu'un d'utile se présentant à elles.Toutes les entreprises qui ont fait le pari de reclasser leur personnelexcédentaire ainsi que les organismes privés (out - placement par exemple), dont c'est lavocation reconnaissent qu'ils trouvent même actuellement, un nombre d'emplois disponiblessupérieur à celui des candidats au reclassement, en particulier sur les bassins d'emploiimportant. Ce surplus d'offres d'emplois est flagrant pour la population des Etam et assimiléscadres de l'entreprise X. Lorsque parvenus en fin de convention de conversion, au bout des sixmois de prospection, des entreprises contactées au tout début de nos investigations nousdemandent des salariés correspondant à certains profils de postes (assistant logistique,responsable de centre de production, etc.), nous sommes dans l'incapacité d'accéder à leursdemandes parce que ce sont justement ces salariés qui se sont reclassés le plus rapidement. Dequalification recherchée, en région parisienne où les offres d'emplois sont plus nombreusesqu'en certaines régions de province, ces salariés jouent des aides et des avantages auxembauches pour se vendre au plus offrant. Pour tous, ce reclassement professionnel à étésynonyme d'un repositionnement favorable sur le marché du travail autant que sur celui del'emploi, pour les autres, les ouvriers et les employés, "la chute" est plus difficile, le salairebaisse bien souvent, et retrouver un emploi n'a pas été chose aiséeLe traitement de ce problème demande une analyse plus fine ; nous nousproposons de classer les postes disponibles par catégories selon les niveaux de connaissanceset de compétences requises et de les comparer à la population des demandeurs d'emploi. Il estévident qu'il est plus facile de convertir un salarié jeune ayant un diplôme professionnel qu'untravailleur âgé de faible niveau de qualification mais, aucun cas n'est désespéré si ledemandeur est motivé et si l'organisme qui s'en occupe est compétent.Une entreprise ou un organisme patronal inter-entreprise pour les PMEconfrontés à une réduction d'effectif sont les mieux placés pour reclasser le personnelexcédentaire c'est-à-dire pour :° Faire son bilan professionnel et son orientation avec l'aide éventuelle deconsultants connaissant le marché de l'emploi : cabinets de recrutement et d'outplacement.L'entreprise X choisi pour sa part de faire appel à deux cabinets de gestion des ressourceshumaines qui font, entre autre, et du recrutement et de l'out - placement.° Connaître les emplois disponibles par l'intermédiaire des structurespatronales. Le rapport d'activité de l'année 1997 de L'ANPE signale que le "taux deconvergence qui établit le ratio du volume des offres déposées à l'Agence par rapport auvolume global des embauches réalisé sur le marché du travail pour l'année considérée est de51 %". C'est à dire que 49 % des emplois offerts sont traités directement par les entreprises(avec l'aide des cabinets de recrutement).° Négocier, avec les organismes compétents, les formations les plus aptespossibles à donner aux candidats selon les connaissances et les compétences requises. Al'exception des remises à niveau des connaissances générales des demandeurs d'emploi, lesformations professionnelles faites a priori sans que l'intéressé ait un poste en vue, ne serventen général qu'à donner bonne conscience.° Convaincre les salariés d'accepter les postes "valables" offerts et les"accompagner" dans leurs démarches de réinsertion est une tâche difficile surtout si le465


eclassement entraîne une mobilité géographique. L'Antenne emploi qui a fait connaissancede tous les salariés et qui travaille avec la directrice du personnel, Mme <strong>LE</strong>FEBRE, connaîtles contraintes et les problèmes de chaque salarié : elle est souvent apte à juger si l'intéresséest raisonnable face à l'emploi proposé ou s'il refuse parce que les conditions à court terme, del'assurance-chômage lui paraissent préférables. C'est ainsi que certains salariés comme M.DAOU, de l'entreprise X se sont permis de refuser tous les postes proposés par l'Antenneemploi pendant les six mois de la convention pour venir se plaindre ensuite de n'avoir plusaucune offre. Au bout de neufs refus d'OVE, ayant discrédité l'Antenne emploi M. DAOU quia préféré "profiter de sa convention" ne bénéficie plus ni de l'infrastructure de l'Antenne ni del'aide à l'embauche qui peut influer positivement sur la décision d'un employeur. Un salariéprésenté pour un emploi par son employeur à une autre entreprise a nettement plus de chancesd'être accepté que si sa candidature est issue de l'ANPE, elle sera étudié avec plus d'attention.C'est d'autant plus vrai que dans le cadre d'une embauche d'un salarié encore en convention deconversion, le nouvel employeur bénéficiait d'une prime à l'embauche de 3049,25 €(20.000 F) octroyée par l'entreprise X.Ces démarches coûtent cher à une entreprise déjà en difficulté et elle ne mettrace dispositif en place que si elle y trouve une compensation ; or, nous avons montré dans letableau comparatif entre le licenciement et le reclassement que les seules compensations dansce dernier cas, étaient d'ordre psychologique et on sait qu'elles pèsent peu quand une solutionmoins chère est possible.L'entreprise X aura dépensé 9,15 millions d’€ (60 millions de F) pour 140salariés, collèges Etam et assimilés cadres et employés et ouvriers confondus :- 60 % sont allés en direction des personnes physiques : 35 % dont 4,12millions d’€ (27 millions de F) directement pour les salariés et 2,23 millions d’€ (14,6 millionde F) indirectement (primes à l'embauche pour les autres entreprises) 1,07 à 1,22 million d’€(7 à 8 millions de F) n'ont pas encore été réclamés- 40 % sont allés en direction des biens immobiliers et desinvestissements industriels.La "loi quinquennale" du gouvernement qui comprend un ensemble de mesurespour améliorer la flexibilité de l'emploi, ne prévoit (hors le recours au chômage partiel delongue durée) aucune incitation pour éviter les réductions d'effectif et l'augmentation dunombre de chômeurs. Rien n'est prévu pour inciter ceux-ci à prendre un nouvel emploi (quidans la plupart des cas se traduit pour l'intéressé, par une baisse de revenu, en généralmomentanée), mis à part une politique de différentiels de salaires menée depuis peu.Pourtant, l'expérience prouve qu'un stage probatoire chez l'employeur potentielconfortant la formation reçue et non rémunéré par celui-ci avant engagement ferme, est unechance quasi certaine, de réussite. C'est une solution couramment utilisée par les entreprisesqui reclassent le personnel dont elles souhaitent le départ.Au terme de l'article L.321-4 du Code du travail, l'employeur doit indiquer aucomité d'entreprise saisi d'un projet de licenciement collectif les catégories professionnellesconcernées. Une cour d'appel retient exactement la notion de catégories professionnelles, quisert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements, concerne l'ensemble des salariésqui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formationprofessionnelle commune.466


Il résulte des dispositions de l'article L.321-4-1 du Code du travail que le plansocial que l'employeur est tenu d'adresser aux représentants du personnel doit comporter unplan de reclassement comprenant des mesures précises et concrètes de nature à éviter leslicenciements et en limiter le nombre. Les mesures d'accompagnement des plans sociaux ontavant tout pour finalité la protection des salariés en situation fragile.L'outplacement, version anglaise du reclassement français est une autrepossibilité permettant l'accompagnement des personnes vers un autre emploi.1° Le reclassement professionnelLe but est défini dans les diverses traductions françaises de la notion del'outplacement, les termes couramment utilisés l’expriment clairement :* reclassement,* réemploi,* réinsertion professionnelle,* réorientation de carrière,* replacement,* transition de carrière.Les objectifs d’un cabinet de gestion de ressources humaines qui gère uneantenne emploi et fait du reclassement professionnel en offrant son savoir-faire en vued'atteindre des objectifs qui peuvent être divers mais qui vont tous dans la même direction :* permettre à une personne de retrouver un emploi qui corresponde le mieux àses compétences, connaissances, aspirations et traits de personnalité et ce, le plus rapidementpossible,* de faire en sorte que la société qui licencie un employé le fasse d'une façoncorrecte et en douceur, ce qui évite une détérioration du climat social à l'intérieur del'entreprise et toutes sortes de recours ou interventions gênantes (prud'hommes, articles dansla presse, etc.).Pour les employés, il s'agit d'une forme nouvelle de sécurité de carrière qui sesubstitue à la sécurité de l'emploi si souvent invoquée dans le passé. Pour les entreprises, c'estune sorte d'assurance contre les risques sociaux et économiques liés à la rupture d'une relationde travail dans une conjoncture difficile.A l‘origine, ce type de service a pris naissance dans les années 60 en Amériquedu Nord. Les toutes premières sociétés de placement européennes sont nées au début desannées 70 et se sont intensément développées dans les années 80. Il s’est orienté vers lespersonnes de tous niveaux, qu'ils soient cadres supérieurs, cadres, employés, techniciens,spécialistes, agents de maîtrise, auxiliaires, commis, ouvriers ou autre...Le reclassement, dans le cadre de la mise en place d'une structure établie tellequ'une antenne emploi "permet à l'organisation de jour son rôle social et d'assumer sesresponsabilités (dette morale)" 270 . Des avantages existent autant pour l'organisation quilicencie que pour le candidat :270POROT, D. Out-placement : mode d'emploi, les éditions d'organisation,P.10, Janv.1997.467


Pour l'entreprise ou l'organisation les avantages les plus évidents se situent àplusieurs niveaux :* éviter (enrayer ou tuer dans l’œuf) une détérioration du climat social à l’intérieur del’organisation parmi ceux qui restent et montrer qu’on n’abandonne pas ceux qui s’en vontmême quand on licencie ;* faire avorter une action de type prud'homale ou un autre conflit de type légal ;* échapper à une publicité dans les médias qui pourrait nuire à l'image de l'organisation quilicencie ou obérer certaines de ses négociations en cours ;* prévenir un acte maladroit ou irréversible de la personne licenciée ;* déculpabiliser le responsable qui prend la décision de licencier ;* valoriser l'image de l'entreprise vis-à-vis de l'extérieur. Une personne licenciée peut trèsbien aller travailler chez un fournisseur, un concurrent ou un client de l'entreprise qu'elle vientde quitter ;* éviter la surenchère des indemnités de départ amplifiée par l'angoisse, l'insécurité oul'avocat ou le syndicat de la personne licenciée ;* alléger et atténuer le caractère pénible et douloureux du processus par la clarté des prises depositions ;* maintenir le climat social en évitant une détérioration d'ordre psychologique due à un conflitentre deux personnes.Le candidat bénéficie de sérieux avantages :* assurance d'avoir une sécurité de carrière à défaut de sécurité de l'emploi ;* atténuation du choc psychologique violent et du traumatisme qui accompagne l'annonced'un licenciement et le soutien dans la phase de dépression qui s'ensuit ;* reprise de confiance en soi par une série d'entretien individuels destinés à permettred'envisager les choses d'une façon plus positive ; ceci permet de reprendre le moral et demobiliser plus facilement une énergie nécessaire à la recherche d'un nouvel emploi ;* contrôle plus facile de l'agressivité et de l'amertume provoquées par l'accident de parcoursprofessionnel. Faire le deuil de l'entreprise quittée est nécessaire sous peine de voir une partimportante de l'énergie se détourner ;* vision plus claire des atouts et aspirations lors du bilan individuel ;* précision plus grande dans les emplois recherchés avec une aide pour les cibler, pour lesprospecter et éventuellement pour affiner et/ou exprimer des projets ;* plus grande efficacité dans les démarches avec un apprentissage des techniques derecherches d'emploi (lecture des annonces, rédaction de lettre de motivations, mise à jour decurriculum vitae, entraînement aux entretiens d'embauche, etc.).L'opération se déroule en 3 étapes :1 : La réalisation du bilan (quoi),2 : Les cibles à viser (ou),3 : Le déroulement de la recherche d'emploi (comment).Lors d'un bilan (quoi), la compétence et l'expérience d'un conseillerprofessionnel sont primordiaux, la définition des cibles (ou) s'effectue avec le candidat selonson profil, sa mobilité géographique et le type de contrat attendu. Le déroulement de larecherche (comment) va mettre en place les techniques de recherche qui marchent selon lespostes ciblés.468


Pour réaliser chacune de ces étapes, lés consultants offrent des conseils, unetechnologie et une logistique.Le processus du bilan (quoi) dure entre 1 et 4 semaines et peu couvrir :° L'évaluation du parcours professionnel passé,° L'étude de l'image du candidat auprès de sa hiérarchie ou de ses collègues,° L'identification des talents, compétences, aptitudes et connaissances à travers les réalisationsprofessionnelles et non professionnelles,° La recherche des atouts et des faiblesses,° L'analyse des motivations, le repérage des aspirations et des domaines d'intérêts,° La détermination des conditions de travail et d'environnement humains les plus favorables,° La sélection des critères qui conditionnent l'épanouissement professionnel.couvrir:Le processus de définition des cibles (ou) dure entre 2 et 8 semaines et peu° L'identification de cibles (métiers visés) professionnelles, traditionnelles et/ou nouvelles,° La préparation d'une cible de repli,° L'établissement de listes d'entreprises pouvant offrir les métiers ciblés,° La validation des cibles envisagées par un travail d'information et de vérification sur leterrain.Le processus de mise au point des techniques de recherche d'emploi (comment)dure entre 2 et 8 mois et peu couvrir :° L'élaboration d'un budget,° La vérification des relations professionnelles,° la collecte d'informations sur les fonctions, les secteurs et les entreprises,° Le choix des références professionnelles et la mise au point du message qui va êtrecommuniqué,° La familiarisation aux tests,° Le perfectionnement dans les techniques de communication écrite et orale (entretiend'embauche, téléphone),° La conception et l'élaboration d'une stratégie d'approche du marché caché,° La mise au point de paragraphes sur les réalisations passées,° La préparation de lettres de motivation et la rédaction de candidatures spontanées,° La production de plusieurs formules de curriculum vitae,° La négociation du salaire et des avantages en nature.Le suivi de la stratégie concerne :° La mesure de l'efficacité des recherches,° L'analyse des écarts entre les prévisions et les réalisations,° La modification éventuelle du plan d'action.La réalisation du choix final consiste à évaluer et sélectionner les offres fermesd'emploi reçues, la décision finale, l'assistance au cours de la période d'essai et la facilitationpour l'intégration dans un nouveau poste ainsi que la consolidation dans cette nouvellefonction.469


Lors du bilan de l'opération, il sera fait une évaluation du processus suivi, unrecensement des obstacles rencontrés, une identification des clés du succès et desenseignements et résolutions seront extraits pour l'avenir. La logistique sera aussi un facteurde succès. Elle comprend tous les services, surtout matériels tangibles tels que les ordinateurs,le fax, le Minitel, des logiciels spécifiques (Kompass, Internet, etc.), les caméras, lesabonnements presse, des photocopieuses, des téléphones qui peuvent être mis à la dispositiondu candidat.2° Ses formes et ses logiques d'interventionLes contrats fixant les modalités d'intervention peuvent prévoir une aidelogistique plus ou moins complète. Le candidat peut bénéficier d'un suivi individuel par unconsultant lors d'entretiens, soit d'une formation ou d'une information de groupe ou d'uneprestation mixte. L'entreprise X bénéficiait elle des deux dans la mesure où chaque personnevenait individuellement faire le point des résultats et des recherches en cours et des réunionsde travail étaient menées avec les différents corps de métiers existants dans l'entreprise ouselon les orientations prises par chacun.Par exemple des réunions étaient animées pour les créateurs d'entreprises,d'autres pour les personnes qui travaillaient à l'atelier du secteur pièces détachées ou d'autresencore pour tous ceux qui géraient la logistique." L'outplacement individuel est rassurant et discret. Il permet d'aller plus loindans le domaine de l'analyse en raison de son caractère confidentiel. Un inconvénient est qu'ilest onéreux" "L'outplacement collectif renvoie davantage l'individu à lui-même, l'oblige àassumer publiquement sa motivation, ce qui, en retour, le conforte puissamment. Il présenteégalement l'avantage d'utiliser la créativité du groupe" 271 .Importé des Etats-Unis dans les années 80, l'outplacement est un serviceproposé par l'entreprise à un salarié dont elle veut se séparer. Cette méthode de reclassementindividuel connaît un certain succès. Elle donne la possibilité d'être épaulé dans sa recherched'emploi. Mais elle peut aussi être l'occasion de faire un vrai point sur sa carrière, voire derebondir. La loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d'emploi des travailleurs ainstauré une mesure de réinsertion en faveur des travailleurs licenciés âgés de 45 ans au moinsau moment où le congé est donné.Lors d'un reclassement collectif, rester en groupe permet au salarié licencié decontinuer à avoir des réflexes "sociaux" et d'éviter de se retrouver seul. Pourtant cette formuleest bien souvent écartée par la difficulté de maîtriser l'animation de groupe, par la certituded'une recherche qui doit se dérouler individuellement et par le fait que certains le trouventmoins lucratif et donc moins intéressant.Le reclassement mixte qui associe les deux formules de base est la solutionidéale puisqu'elle cumule les avantages des deux approches sans en cumuler lesinconvénients. C'est d'ailleurs la solution choisie pour gérer l'antenne emploi de l'entreprise X.L’Antenne emploi est une cellule créée et financée par une entreprise qui doitse séparer d’une partie des membres de son personnel.271Revues de l'ENA.470


Il existe plusieurs solutions de travail pour une antenne emploi. Les deux pluscourantes sont la technologie de recherche d'emploi qui peut être mise au point par l'entrepriseou acquise auprès de spécialistes par le biais d'une formation ou bien encore sous traitée à unorganisme spécialisé. La seconde est une prestation consistant en consultations et animationsde stage animée par des membres de l'entreprise qui licencie et/ou par des spécialistesextérieurs.Une zone géographique est consacrée uniquement à l'antenne emploi. Elle estsituée soit dans les locaux de l'entreprise, soit hors de celle-ci. La dernière solution estpréférable car elle évite les rencontres douloureuses et facilite le dialogue. Pourtant,l'entreprise X mettra ses locaux à la disposition du cabinet pour gérer l'antenne afin defaciliter la mobilité des salariés. Une fois les locaux vendus, il s'est avéré que les salariésvenaient moins, ils ne se sentaient plus chez eux. Cette solution est une arme à doubletranchant, tant que les salariés n'ont pas fait le deuil de l'entreprise, ils préfèrent revenir sur leslieux, mais le fait de rester dans les locaux retarde ce même deuil. La recherche devient alorsmoins efficace et retrouver un emploi devient plus difficile alors que le temps de laconvention de conversion s'écoule. La motivation devient moindre et 6 mois sont vite écoulés.La mise sur pied d’une telle structure a donc un coût humain, matériel etfinancier, le montant des honoraires des consultants est extrêmement variable et varie selon ladiversité des prestations."La même étiquette peut recouvrir des prestations bien différentes. Mêmelorsque les prestations proposées paraissent identiques, la qualité et le prix peuvent varierdans des proportions considérables, le plus cher n'étant pas toujours, il s'en faut de beaucoup,le meilleur. Donc ne vous décidez pas avant d'avoir comparé et vérifié". 272Traditionnellement, pour un contrat où l'accompagnement est illimité et où lecandidat est suivi jusqu'à son nouvel emploi (période d'essai incluse), les honorairesreprésentent 10 % à 15 % du salaire annuel du candidat, avec une clause d'un montantminimum d'honoraires. La multiplication du nombre de cabinets de reclassement, les prixd'indépendants ayant peu de frais d'infrastructures et les difficultés rencontrées par lesentreprises qui licencient ont tendance à faire tendre le taux entre 8 % et 12 %. Pour lesformules où l'accompagnement est limité dans le temps (3 ou 6 mois) ou les contrats deservice, les honoraires correspondent en moyenne à 4 % et 12 % du salaire annuel ducandidat.Les modalités de paiement et les formules sont classiquement d'1/3 à lacommande, 1/3 en début de mission et 1/3 en fin de mission. Lorsque le paiement est intégral,comme c'est le cas la plupart du temps, les honoraires sont réglés en début de mission. Lessociétés de reclassement avancent comme argumentation que le règlement préalable préserveleur indépendance au cas où elles seraient amenées à déconseiller une offre d'emploi à uncandidat.Il existe parfois une clause passée entre l'entreprise qui licencie et la société dereclassement ou le salarié lui - même, pour faire en sorte que le candidat licencié n'acceptepas un emploi dans une société directement concurrente. Cette clause est délicate sur les planséthique et juridique. Elle demande beaucoup de précautions et d'artifices pour ne pas être272Revue de l’ENA.471


considérée comme une limitation à la liberté individuelle de trouver un emploi ou comme uneingérence abusive dans la sphère stratégique du cabinet de reclassement.Si les consultants sont d'origines diversifiées, une grande majorité de ceux - ciest constituée par des personnes qui ont été elles - mêmes licenciées ou reclassées. Dans lecabinet qui gère le plan social de l'entreprise X, le responsable est un ancien DRH licencié etsa principale collaboratrice est une de ses connaissances, comptable, restée plus de 10 ans auchômage, période pendant laquelle elle s'est occupé bénévolement d'associations. Selon uneenquête réalisée aux États - Unis, les consultants ont en moyenne 48,5 ans et possèdent 2diplômes (l'un de commerce/affaires et l'autre en psychologie), 3/4 d'entre eux sont deshommes et 1/4 sont des femmes et moins de 2 consultants sur 3 ont été personnellementlicenciés.La qualité du consultant est primordiale et conditionne en grande partie lesuccès de la mission dans la mesure où il doit instaurer des relations de confiance avecl‘entreprise cliente dont il gère le plan social et les salarié qui adhèrent à ce même plan social.Aucune des deux parties ne doit avoir l‘impression d‘être délaissée au profit de l‘autre. Deschiffres étayent leur vision de leur rôle et de l‘avenir qu‘ils comptent donner à la suite de leuractivité. Selon une enquête, la majorité des consultants considèrent leur métier comme untravail difficile, 2/3 ont l'intention de continuer leur métier, le 3ème tiers n'en est pas sûr. Lamajorité trouve que l'activité de conseil est à la fois la partie la plus valorisante et la plusdifficile de leur mission. Ils gèrent en moyenne 12 à 15 clients, ouvrent en moyenne 4nouveaux cas par mois (les bons mois), passent 1/4 de leur temps à vendre leurs services afinde trouver de nouveaux clients et de fidéliser les anciens. 41 % possèdent leur propre affaireet 27 % de ceux qui ne sont pas propriétaires considèrent la vente de leurs services comme unproblème majeur. 273 Les sociétés de reclassement sont assez discrètes sur les chiffres qu'ellesréalisent, on estime que près d'une vingtaine de sociétés réalisent 70 % des missions deconseils (loi des 20/80 de PARETO 274 ).Dans la majorité des cas, le consultant ne participe pas à la négociation quimatérialise l'annonce du licenciement. Juridiquement, la société de reclassement estmandataire de l'employeur. Commercialement parlant, la société de reclassement estfournisseur de services vis-à-vis de l'organisme qui licencie. Cette relation tripartite(entreprise, société de reclassement et candidat) peut générer des ambiguïtés. Il peut êtredifficile pour une société de reclassement de défendre avec autant de détermination lesintérêts de l'entreprise qui la paye et ceux du candidat qu'elle est censée soutenir. Cetteambiguïté peut même devenir critique en cas de conflit entre l'entreprise et le candidat.Pour éviter ce genre de situations, les sociétés de reclassement ont lapossibilité de remettre au candidat soit le contrat type de reclassement qu'elles utilisent, soit lecontrat renseigné qu'elles ont signé avec l'entreprise.Les codes de déontologie varient avec les sensibilités et les approches dechaque cabinet et des consultants qui les constituent mais des points invariables sont traités :* Les conditions préalables avec la possibilité de refuser certaines missions, la participation àla décision de licenciement et le début de la mission après accord du candidat.273Conférence Nationale d'Out – Placement.274La Loi de PARETO, aussi appelée aussi loi des 80/20, cf annexe 19 en finde thèse.472


* Le financement qui peut provenir de l'entreprise et du service public uniquement, desentreprises et des individus ou plus rarement des individus exclusivement.* La nature et le contenu du service avec une clause de confidentialité, le contenu de lamission, l'adaptation du service au client et l'activité de placement.Quelques soient les sensibilités des cabinets et des consultants qui les animent,des mesures d’accompagnement structurent les plans sociaux.B. <strong>LE</strong>S MESURES D'ACCOMPAGNEMENTEn 1999, environ 126 000 personnes ont bénéficié d'un des dispositifs dereclassement accompagnant une restructuration. Ce résultat, en diminution de 3,4 % parrapport à 1998, est conforté par la baisse de 5,6 % du nombre de plans sociaux et de 9 % desinscriptions à l'ANPE suite à un licenciement économique, et confirme l'amélioration dumarché du travail déjà observée l'année précédente. Avec 100 000 adhérents, les conventionsde conversion demeurent la mesure la plus souvent mise en ouvre. L'ensemble des secteurséconomiques a recours à ces dispositifs d'accompagnement. L'industrie les sollicitemassivement, et en particulier les secteurs industriels des biens de consommation et des biensintermédiaires. Cependant les services, et tout particulièrement le commerce, sont concernéspar les conventions d'aide au passage à temps partiel. L'âge moyen des nouveauxbénéficiaires tend à s'élever tout comme la part des femmes parmi les adhérents auxdispositifs. Ces mesures sont principalement utilisées par les entreprises de taille moyenne, àl'exception de l'aide au passage à temps partiel, à laquelle ont surtout recours les très petitesentreprises.La cour des comptes 275 a contrôlé l'emploi des crédits ouverts de 1990 à1995au titre de l'accompagnement des plans sociaux des entreprises. Ces crédits ont pris uneimportance croissante au cours des dernières années, les dépenses ayant atteint 2,7 milliardsd’euros (17,8 milliards de francs) en 1995. Leurs bénéficiaires représentent désormais lamoitié environ des licenciements pour cause économique.L'accompagnement des plans sociaux fait l'objet d'un dispositif complexe. Lesaides à la sortie de l'entreprise, notamment par mesures d'âge, l'emportent largement sur lesaides au maintien dans l'entreprise. L'administration a ainsi successivement encouragé puisfreiné le recours aux préretraites totales (c'est-à-dire aux allocations spéciales du FNE), dontle volume est, en fait, l'enjeu principal des négociations relatives aux plans sociaux entrel'administration et les entreprises. Le recours aux préretraites progressives est désormais deplus en plus fréquent, principalement comme sas d'entrée en préretraite totale. Au surplus,l'État a financé lui-même les retraites anticipées au titre de congés de conversion ou depréretraites progressives qui "portent" les salariés adhérents jusqu'à l'âge dérogatoire d'entréeen préretraite totale. Dans son rapport public 1997, la cour des comptes estime quel'administration ne s'est pas organisée pour exercer les responsabilités qui lui incombent dansla mise en oeuvre et le contrôle de l'exécution des plans sociaux.La répartition des tâches entre les différents niveaux du ministère du Travailest jugée imprécise. Des écarts apparaissent entre la pratique de la délégation à l'emploi,devenue en mars 1997, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, etcelle des services déconcentrés, notamment pour le recours aux dérogations d'âge.275Cour des comptes : rapport public 1997.473


Des entreprises paraissent être tentées de s'abonner aux conventions nationalesnégociées par la délégation à l'emploi, souligne la Cour. Plus des deux tiers des allocationsspéciales du FNE accordées par celle-ci l'ont été à 12 entreprises qui se sont adressées aumoins trois fois en six ans au FNE, et qui ont couvert leur sureffectif à 41 % par despréretraites totales, dans des conditions dérogatoires au droit commun dans un tiers des cas.Le contrôle des embauches effectuées dans le cadre des plans sociaux est leplus souvent négligé par les directions départementales du travail, qui, estime la Cour, nes'assurent pas d'avantage du respect de la clause de protection des salariés âgés bien que lesinstructions ministérielles soulignent que les clauses de protection des salariés n'ont de portéeque si elles font l'objet d'un suivi effectif. Dans le cadre du plan social de l'entreprise X, ladirection départementale du Travail est venue pour avoir un rapport détaillé. Lors de cetteréunion, elle a surtout voulu savoir ce que devenaient les syndiqués afin de s'assurer qu'ilsn'étaient pas lésés à cause d'éventuelles prises de positions lors des négociations qui ont eulieu lors de la mise en place du plan social. Elle a "surveillé" la réembauche d'une anciennesalariée de l'entreprise X, madame DUVAL, prioritaire mais rien n'a été dit concernant lessalariés âgés, il faut dire que les mesures du plan social de l'entreprise X les favorisaient parrapport aux autres puisque la prime d'aide à l'embauche qui s'élevait à 3053 € (20000 F) pourtous était de 4580 € (30.000 F) pour eux.Cette prime d'aide à l'embauche était destinée à favoriser l'embauche des plusde 50 ans, qui est toujours plus problématique puisque les salariés de cet âge ont l'expériencenécessaire mais ont forcement moins d'avenir dans l'entreprise puisqu'ils sont plus proches dela retraite qu'un jeune qui aura toute sa vie professionnelle devant lui. Quand on se rendcompte de l'investissement que nécessite une embauche, on comprend mieux que l'entreprisefavorise un "investissement" de longue durée. La contribution "DELALANDE", exigible encas de licenciement d'un salarié âgé de 50 ans ou plus et de moins de 57 ans n'a pas à êtreversée par l'employeur en cas d'adhésion de l'intéressé à une convention de conversion. Ce"plus" du plan social de l'entreprise X est donc aussi une façon de rééquilibrer les comptesenvers tous les salariés. Les mesures d'accompagnement des plans sociaux ont avant tout pourfinalité la protection des salariés en situation fragile tout en gardant à l'esprit que la qualitéd'un plan social est la résultante des choix opérés pour limiter le nombre de licenciementsenvisagés.La notion de plan social résulte d'une lente évolution législative etjurisprudentielle. La loi du 3 janvier 1975, organisant l'autorisation administrative dulicenciement, disposait que la portée des mesures de reclassement et d'indemnisationenvisagées était soumise à l'appréciation de l'administration. La loi du 30 décembre 1986, quilui a retiré le contrôle de la légitimité du motif économique du licenciement, l'a chargée enrevanche de s'assurer de la bonne mise en oeuvre des procédures légales et conventionnellesde concertation avec les représentants du personnel. C'est la loi du 2 août 1989, relative à laprévention du licenciement économique et au droit à la conversion qui fait référence pour lapremière fois à la notion de social."Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, lorsque lenombre de licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trente jours,l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan social pour éviter les licenciements ou enlimiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement nepourrait être évité, notamment des salariés âgés ou qui représentent des caractéristiques474


sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrementdifficile".Le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formationprofessionnelle doit vérifier que l'obligation d'établir et de mettre en oeuvre un plan social àété respectée et se voit reconnaître un pouvoir de proposition pour compléter ou modifiercelui-ci. La loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social a imposé, à peinede nullité de la procédure, l'existence d'un plan de reclassement au sein du plan social :actions de reclassement interne ou externe à l'entreprise, création d'activités nouvelles,actions de formation ou de conversion, mesures de réduction ou d'aménagement de la duréedu travail.L'obligation l'égale d'un plan social ainsi définie est susceptible de s'imposer àenviron 1,5 % des entreprises françaises employant un peu plus de 45 % des salariés 276 .L’État peut faciliter l'élaboration et l'exécution de ces plans sociaux deplusieurs manières. Huit mesures constituent aujourd'hui le dispositif publicd'accompagnement des plans sociaux : les conventions de conversion, les congés deconversion, l'appui aux cellules de reclassement, l'aide au passage à mi-temps devenue l'aideau passage à temps partiel, les préretraites progressives, les allocations spéciales du FNE,c'est-à-dire les préretraites totales, l'aide à la mobilité géographique et l'allocation temporairedégressive. Leur mise en oeuvre fait l'objet d'une ou plusieurs conventions conclues avecl'employeur soit au plan national, soit au plan départemental par les directionsdépartementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).Les dépenses du fonds national de l'emploi à ce titre ont varié de 1990 à 1995entre 14 et 18 milliards de francs par an (17,8 milliards en 1995).La cour a procédé à un examen de l'accompagnement des plans sociaux par leministère du Travail. Elle l'a complété par deux études particulières, l'une sur le secteurautomobile, l'autre sur les transitaires en douanes, profession profondément affectée parl'abolition, au 1er janvier 1993, des formalités douanières aux frontières intérieures de lacommunauté européenne. Ces enquêtes ont été conduites auprès de la délégation à l'emploi etde quarante-neuf DDTEFP. Des représentants des entreprises, des organisationsprofessionnelles siégeant à la commission permanente du comité supérieur de l'emploi ainside la profession de transitaire en douane ont été entendus.L'examen du dispositif d'accompagnement des plans sociaux en fait apparaîtrela complexité. L'efficacité des actions d'accompagnement des plans sociaux est enfin difficileà mesurer.Le nombre de salariés concernés par une mesure d'accompagnement desrestructurations a été multiplié par 3,4 entre 1990 et 1993 avant de se réduire en 1994 et 1995.Le taux de recours à de telles mesures est passé de 19,1 % à 51,1 % des licenciements pourcause économique intervenus durant la période sous revue.276Environ 30.000 entreprises sur 2 millions et 6,2 millions de salariéssur 13,3 (hors agriculture, administration, santé et action sociale).475


L'essentiel de cette évolution est dû à trois mesures : les conventions deconversion (6,6 milliards en 1995), les allocations spéciales du fonds national de l'emploi(ASFNE) c'est-à-dire les préretraites totales (19,8 milliards en 1995) et les préretraitesprogressives (2,2 milliards en 1995). Ces statistiques dépassent le cadre strict des planssociaux, les conventions de conversion étant accessibles aux entreprises de moins de 50salariés : plus de 50 % des adhésions en proviennent. De plus, il s'agit de flux annuels : lesmêmes personnes peuvent bénéficier de plusieurs mesures au cours d'une même année.Les aides à la sortie de l'entreprise, notamment par mesures d'âge, restent à unniveau important par rapport aux aides au maintien dans l'entreprise. Certains dispositifs ont,de surcroît, été détournés de leur objet.D’après le Ministère du travail et de la solidarité, environ 126 000 personnesont bénéficié d’un des dispositifs d'accompagnement des restructurations en 1999 lors dereclassement accompagnant une restructuration.Ce résultat, en diminution de 3,4 % par rapport à 1998, est conforté par labaisse de 5,6 % du nombre de plans sociaux et de 9 % des inscriptions à l'ANPE suite à unlicenciement économique, et confirme l'amélioration du marché du travail déjà observéel'année précédente. Avec 100 000 adhérents, les conventions de conversion demeurent lamesure la plus souvent mise en oeuvre. L'ensemble des secteurs économiques a recours à cesdispositifs d'accompagnement. L'industrie les sollicite massivement, et en particulier lessecteurs industriels des biens de consommation et des biens intermédiaires. Cependant lesservices, et tout particulièrement le commerce, sont concernés par les conventions d'aide aupassage à temps partiel. L'âge moyen des nouveaux bénéficiaires tend à s'élever tout commela part des femmes parmi les adhérents aux dispositifs. Ces mesures sont principalementutilisées par les entreprises de taille moyenne, à l'exception de l'aide au passage à tempspartiel, à laquelle ont surtout recours les très petites entreprises.Les ASFNE et les conventions de conversion se traduisent par une sortie del'entreprise et, pour les premières, par une cessation définitive d'activité. Les préretraitesprogressives (PRP) et l'aide au passage à mi-temps permettent, au contraire, le maintiennégocié du salarié dans l'entreprise.En dépit d'une évolution positive depuis 1980, la répartition des flux d'entréeannuels dans ce dispositif reste marquée par un déséquilibre entre les aides au maintien dansl'entreprise et les aides à la sortie de l'entreprise, au profit de ces dernières.On note cependant l'essor des aides au maintien dans l'entreprise au prix d'unpassage à temps partiel. PRP et aides au passage à temps partiel représentent ainsi près de18 % du total en 1995.Certaines des mesures en cause restent quantitativement marginales commel'aide à la mobilité géographique et, dans une moindre mesure, l'ATD ou les congés deconversion. Les aides à la mobilité géographique, destinées aux salariés licenciés pour motiféconomique qui acceptent un nouvel emploi entraînant un changement de domicile, n'ontconcerné que 380 salariés en 1995. Il n'est pas rare que des conventions conclues en affichantde fortes demandes ne suscitent en réalité aucune adhésion des salariés intéressés. Le tauxd'adhésion constaté dans le cadre de l'enquête est inférieur à 5 %. On peut ainsi s'interrogersur l'opportunité de maintenir cette aide qui impose au service une charge de travail sans476


apport avec les résultats. Les salariés de l'entreprise X sont peu mobiles et refusentsystématiquement tout poste trop loin ; pour la majorité d'entre eux, vingt kilomètres était ladistance maximum alors qu'une offre d'emploi était considérée comme OVE si elle n'excédaitpas trente kilomètres. Un couple de l'entreprise a choisi de s'en aller loin et de toutrecommencer, il est parti s'installer en Savoie, l'entreprise X a pris en charge les fraisinhérents au déménagement dans le cadre de son plan social et l'Antenne emploi a prospectédes entreprises de la région.En 1995, 3965 salariés ont adhéré au dispositif des ATD, versées pendant deuxans à des salariés licenciés pour motif économique en compensation d'une perte de salairedans l'emploi de reclassement. Biens qu'anciens, les congés de conversion ne concernentégalement qu'un faible nombre de salariés : 1.846 entrées en 1995.Institué par un accord des partenaires sociaux du 21 octobre 1986, le dispositifdes conventions de conversion vise à favoriser le reclassement rapide des salariés victimed'un licenciement pour cause économique. Avec cette aide de droit, le salarié adhérentbénéficie pendant six mois d'actions personnalisées, de formation notamment. L'entreprise Xa financé, à cette occasion de nombreux stages d'informatique ainsi que des permis deconduire. Le salarié adhérent perçoit un revenu de remplacement supérieur à celui qu'il auraittouché au titre de l'AUD de l'assurance chômage. En contrepartie, il renonce au préavis. Auterme des six mois, l'adhérent non reclassé est pris en charge par le régime générald'assurance chômage.Le recours à cette mesure s'est considérablement développé. Il a concerné prèsde 150.000 personnes en 1994, soit quelque 60 % des bénéficiaires des mesuresd'accompagnement de l'année pour une dépense totale de 7,6 milliards, assumés pour 20 %par État, pour 51 % par l'UNEDIC, pour 29 % par les entreprises et les salariés.L'évolution des conventions de conversion pose un problème de cohérence dudispositif d'intervention de État pour la protection des salariés âgés. Dans le cas des salariésde plus de cinquante ans, le mécanisme de la convention de conversion s'avère financièrementavantageux pour les employeurs, qui sont alors exonérés de la contribution supplémentairerenchérissant le coût des licenciements hors FNE et n'ont pas les charges de éventuellescontreparties que peuvent comporter les conventions d'allocations spéciales.L'aide à la mise en place des cellules de reclassement concerne les entreprisesde moins de 2.000 salariés qui n'appartiennent pas à des sociétés d'importance nationale. Lacellule a pour fonction d'accueillir, d'évaluer, d'orienter et de conseiller les salariés licenciés,et de les accompagner dans la recherche d'un emploi. État participe aux frais (jusqu'à 100 %pour les entreprise en main de justice), dans la limite d'un plafond qui ne peut excéder 1068 €(7.000 F) par salarié. La dépense budgétaire à été multipliée par 9 entre 1990 (9,8 millions) et1995 (90,5 millions). 942 conventions couvraient alors 19.371 bénéficiaires potentiels. Dansles départements sur lesquels a porté l'enquête, l'aide aux cellules de reclassement figuraitdans 45 % des plans sociaux.Depuis 1990, les directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de laformation professionnelle disposent, au titre du Fonds national de l'emploi, d'une dotationglobale déconcentrée pour l'accompagnement des restructurations. Elle est destinée à financerl'aide aux cellules de reclassement, le passage à mi-temps, l'aide à la mobilité géographique,477


les conventions de chômage partiel, les conventions d'aménagement du temps de travail et,depuis 1992, les congés de conversion.Les dépenses mandatées localement sur cette dotation n'ont correspondu, enmoyenne de 1990 à 1995, qu'à 49,6 % des crédits ouverts et à 60,5 % des crédits délégués.Les services expliquent ce faible taux de consommation des crédits par l'écart entre le nombrede bénéficiaires potentiels des conventions et l'effectif, souvent très inférieur, réellementenregistré au cours des opérations de restructuration ainsi que par les retards dans lesadhésions des salariés et dans la transmission des demandes de remboursement desentreprises. Ces difficultés sont aggravées par l'absence d'une définition claire des tâches desdifférents niveaux de l'administration, par la tendance de certaines entreprises à s'abonner auxconventions nationales d'ASFNE et par un contrôle insuffisant du respect des engagementspris par les entreprises.Par définition, comme nous l’avons vu précédemment, le Plan Social est unensemble de mesures limitant l'impact des licenciements économiques. Certaines sontprioritaires (la RTT par exemple), d'autres incontournables (l’outplacement). Certaines, enfin,sont de véritables mesures d'incitation au départ. L'essaimage (le self placement) permet parexemple, sur la base du volontariat, d'épargner des salariés licenciés et d'accompagner desporteurs de projet candidats au départ.Les adultes de plus de 25 ans constituent la plus grande part des usagers del'ANPE, leurs demandes sont urgentes, ils sont chargés de famille pour la plupart et l'emploiest vital. Ils ont un passé, une expérience, des habitudes, des contraintes. La recherche d'unnouvel emploi est un choc et non une étape normale, surtout si ce nouvel emploi doit êtredifférent du précèdent. Des difficultés économiques sérieuses et les politiques contraignentles entreprises à tenter de reclasser leurs personnels dans d'autres groupes de la région plutôtque de procéder à des licenciements. La population active est composée d'adultes mûrs pourdes raisons démographiques. Cette population est de plus en plus souvent obligée de changerd'emploi, de se reconvertir à d'autres fonctions. Très peu de gens peuvent aujourd'hui faire lemême métier toute leur vie, ou le faire pareillement. "La formation permet d'accéder à unetâche nouvelle, à être plus à même de se reconvertir" 277 . Il est difficile d'évaluer selon lesdiplômes, au bac ou au CAP obtenus il y à 30 ans s'ajoute une longue expérienceprofessionnelle et probablement un entretien des connaissancesLe plan social que l'employeur est tenu d'adresser aux représentants dupersonnel doit comporter un plan de reclassement. Lorsque les solutions de reclassementsinternes sont explorées, l'entreprise se tourne alors vers des solutions externes. La formationen est une.Des formations permettent à des centaines de milliers de travailleurs de seconvertir, d'améliorer leurs outils de réflexion, de réaliser une promotion à traversl'élaboration des plans de formation. Pourtant, d'après G.N. FISCHER "la formationsyndicale est un endoctrinement et la promotion collective est un trompe l'œil 278 ". Pour lui, laformation est elle-même un outil d'aliénation. A côté de la formation idéologique lors desessions de formation syndicale, ces stages permettent aussi et avant tout un enrichissement277Pour une politique du travail. Rapport de Evelyne SUL<strong>LE</strong>ROT, membre duconseil économique et social, remis à Robert BOULIN, ministre du travail etde la participation en Octobre 1979.278FISCHER, G.-N., La formation quelle utopie ?, Paris, EPI, 1978.478


mutuel. Les échanges sont nombreux, ils portent sur les expériences de chacun en tant queproducteur, que membre d'une communauté de travail, de syndicaliste, d'acteur dans la lutteet dans la négociation.La promotion collective demeure l'acte majeur du mouvement ouvrier dans lesactions de formation permanente. Il n'y a pas de solution pédagogique aux problèmes poséspar la formation. D'un côté, un dispositif généralisé de "l'école à perpétuité" est mis en place,un nouveau mythe de l'éducation s'installe de façon permanente, d'un autre côté, le système dela formation est de plus en plus confronté à des problèmes qui renvoient la réalitépédagogique à des problèmes dont la réponse n'est pas contenue dans les termes du rapportdéfini par l'appareil pédagogique. La pédagogie est devenue la "chose" concrète de laformation que l'on porte comme une donnée séparée, enfermée sur elle-même pour asseoir descontenus à transmettre ou pour expérimenter la libération en dehors des contradictionssociales.Pour FISCHER, la formation est une vaste utopie de l'éducation si l'onconsidère les discours et les pratiques pédagogiques érigées en liturgie et litanie duchangement. Il envisage la formation comme une pratique sociale virginisée puisqu'ilappréhende la formation comme un moment de la relation sociale masqué par un discours etune pratique qui sont structurés comme rapport pédagogique. La relation de formation setrouve être une modalité d'apprentissage où les savoirs dont il s'agit, sont de quelque façon,pris eux aussi dans un contexte économique et culturel qui définit des modes d'insertion dechacun dans la vie sociale et professionnelle.La loi sur la formation est-elle même ambiguë dans sa définition : formationouverte à tous en principe, formation très sélective dans les faits, formation prônant ledéveloppement personnel, l'accès à la culture, la formation sociale mais qui ne visefinalement qu'à adapter l'individu à un travail qui reste inchangé pour lui, formation qui sertenfin de béquilles à une politique incohérente de l'emploi. FISCHER pointe ici un décalageentre les intentions et les pratiques pour "affirmer d'emblée que l'institution de la formationcontinue a engendré un ensemble de dispositifs qui s'appuient de manière centrale sur unmythe du changement inhérent à tout projet de formation". La formation est ainsi présentéecomme une action pédagogique s'exerçant comme un système pouvant "changer la vie".Ce n'est pas un hasard si la loi sur la formation a cristallisé, dans le droit à laformation, un rêve de promotion sociale comme "une chance pour tous". Pourtant ce ne sontpas, bien souvent, les plus défavorisés qui profitent de ces formations malgré les déclarationssur l'égalité de tous face à la formation.Des simulations d’entretien d’embauche sont effectuées afin de mettre lescandidats en situation en vue de faciliter leur reclassement dans une nouvelle entreprise.Le butPour vous permettre de connaître l'entreprise et le poste proposé,Pour vous permettre de dire pourquoi le poste vous intéresse et pourquoi vous êtescapable de le tenir,Pour permettre à l'entreprise de vous connaître et de vérifier que vous êtes le bon candidatparce que vous possédez la technique requise et parce que vous pourrez facilement êtreintégré dans les équipes déjà en place.479


L'attitudeVous devez arriver à l'heure, voir même avec 5 minutes d'avance,Ne vous arrêtez pas avant pour boire une bière afin de vous donner du courage, l'alcool sesent et est désagréable à votre interlocuteur, En cas de besoin, choisissez plutôt un cafécomme remontant. De même, si vous êtes fumeur, sucez une pastille de menthe avantl'entretien.Vous devez être habillé normalement, ce n'est ni une première communion, niun match de foot. Ne portez pas de signes extérieurs trop marqués qui pourraient choquer(maquillage violent, boucle d'oreilles pour les hommes, etc.).Soyez souriant et décontracté, votre interlocuteur à envie de pourvoir le postequi est ouvert et donc de vous embaucher. Présentez- vous en regardant votre interlocuteur eten lui serrant la main fermement. Soyez aimable et donnez l'impression de prendre du plaisirà l'entretien. Ne fumez pas en attendant votre interlocuteur, ni au cours de l'entretien si luimêmene fume pas.Le contenuVous êtes là pour dire pourquoi le poste correspond à vos compétences et à vosgoûts, faites le clairement en donnant des exemples. Si votre interlocuteur parle peu et vouspose des questions, répondez directement, s'il parle beaucoup et ne vous laisse que peu laparole, acquiescez à ce qu'il dit ; il faudra que d'une manière ou d'une autre vous fassiezconnaître vos qualités professionnelles. A la question des prétentions salariales, dire le derniersalaire en mentionnant que l'équivalent serait bien, posez des questions pratiques à la fin del'entretien si celles ci ne sont pas abordées par votre interlocuteur (cantine ou restaurantd'entreprise ? horaires de travail ? date de création ou d'occupation du poste ? rémunération etavantages liés au poste ?).1° Les bilans de compétences comme outilLe bilan de compétences fête ses 10 ans: la parole aux entreprises 279Le bilan de compétences a été institué par la Loi du 31 décembre 1991. LeBureau pour l'Information et l'Orientation Professionnelle 280 , le Centre de bilans de laChambre de Commerce et d'Industrie de Paris 281 , réalisent des bilans de compétences depuis1992 pour des salariés, des cadres demandeurs d'emplois et des entreprises. Ils mènent uneenquête chaque année pour analyser les attentes et les effets du bilan pour les bénéficiaireseux-mêmes. Le BIOP à également souhaité connaître le point de vue des entreprises surl'utilisation qu'elles en font, l'intérêt qu'elles y trouvent mais aussi sur ses limites.Des entreprises d'Île de France de tous secteurs d'activité et de toutes tailles ontdonc été interrogées entre avril et juin 2001. L'enquête révèle une bonne connaissance dubilan de compétences par la plupart des entreprises, malgré un manque d'information chez les279Communiqués de presse de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Parisle 5 juillet 2001.280BIOP : Bureau pour l'Information et l'Orientation Professionnelle.281CCIP : Centre de bilans de la Chambre de Commerce et d'Industrie deParis.480


TPE. Mais, si 2/3 des entreprises l'utilisent, le nombre de salariés concernés est relativementrestreint. Le premier effet du bilan de compétences sur le salarié est une plus grandedisposition au changement. Les entreprises y trouvent également de nombreux avantages :une meilleure connaissance des compétences et des salariés, le développement de lamotivation, une meilleure gestion des carrières, l'instauration de dialogue entre le salarié etl'entreprise, une réactivité et une responsabilisation du salarié quant à son évolution et unregard objectif extérieur à l'entreprise.Elles expriment également quelques inconvénients. Parmi eux, la frustration etla démotivation du salarié en cas de non-réalisation de ses attentes, les difficultés del'entreprise à y répondre, comme le départ possible du salarié de l'entreprise ou ses nouvellesexigences. Autres inconvénients signalés par l'enquête : le coût et la confidentialité desrésultats du bilan de compétences. Celui-ci est cependant considéré par les entreprises commeun outil important pour la gestion des ressources humaines. Les suggestions d'évolutions'orientent vers des échanges entre l'entreprise et le centre de bilans, des résultats plusobjectifs et plus en lien avec les réalités de l'entreprise et une plus grande transparence descentres. Les entreprises souhaitent également des allègements financiers et administratifs.Diverses méthodes existent pour effectuer ces bilans, nous allons en voir uneplus particulièrement, la méthode DECLIC utilisée par le Cabinet pour évaluer notammentles catégories supérieures moins rebutées par les écrits et plus demandeuses de ce type deméthodes.Cette méthode permet d’évaluer :· Le degré de compétence· Le domaine d'intérêt· L’évolution des techniques de ce domaine· Les connaissances utilisables dans d'autres contextes· L’apport personnel dans ce domaine· Le goût pour la prospection, réussiteEffectuer un bilan pour savoir qui vous êtes, ce que vous savez et ce que voussavez faire et surtout comment vous êtes placé dans votre domaine, ce que vous pouvez direde vous, ce que sont vos possibilités et ce que vous pouvez faire.· Quelles sont vos compétences pour le poste ?· Qu'est ce vous pouvez apporter ?· Quels sont vos points forts ?A partir de votre expérience capitalisée voir ce dont vous êtes capable et cedont vous avez envie pour faire le point1. Description de vos activités : rôles, tâches assumées, moyens utilisés, tâches accomplies.2. Analyser les changements : motivations ou désirs, facteurs d'influence ou raisons desdécisions.3. Évaluer vos différentes activités : sources de satisfaction et d'insatisfaction, facteur deréussite, enseignements tirés des échecs et des difficultés rencontrées.4. Identifier vos principales compétences : savoir-faire consolidés, forces et manquesprofessionnels.5. Recenser le capital de vos connaissances : personnalité, traits de caractère, valeurs.481


6. Identifier vos principales caractéristiques personnelles : traits de personnalité, manière defaire, décisions ou façon d'atteindre un but.7. Identifier votre système de valeurs : reconnaître ce qui influence votre choix, vosdécisions et vos manières d'agir.8. Synthétiser : dégager vos principales caractéristiques.9. Réfléchir sur demain.La méthode est basée sur un plan bâti à partir de fiches.Fiche 1Durée,périodeoudatesPrincipales caractéristiquesenvironnementsecteur d'activitéproduits / marchétype d'entreprise ou d'organisationRôle principalmissions ouresponsabilités,finalitésMoyens à dispositionhumainsmatérielsou financiersActivités principales actionsou tâches professionnelles(utiliser des verbes d'actionFiche 2Quelles sont, aujourd'hui, les raisons qui vous ont conduit à occuper cettesituation ? Qu'est ce que vous vouliez ? Qu'est ce que vous en attendiez ? Qu'est ce que vousen espériez ? Voir ce qui était en jeu, comment êtes vous parvenu à ce poste ?……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………Fiche 3Quels résultats, réussites ou satisfactions ontété les votreQuels ont été les éléments d'insatisfactionAvez vous connu des échecs, qu'est ce qu'ilsvous ont apprisQuelles sont les causes extérieures à vousdans ces résultats482


483Fiche 4Décider Gérer Diriger Administrer ProduireArrêterChoisirConclureDéterminerÉliminerFixerJugerOpterRéglerRésoudreTrancherAcquérirAmortirBudgéterAssainirComptabiliserConsoliderÉconomiserEnrichirÉquilibrerExploiterGagnerInvestirOptimiserRentabiliserAnimerCommanderConduireConfierDéfinirDéléguerGouvernerGuiderImpulserInspirerInstituerManagerPiloterPrésiderClasserCompterEnregistrerÉtablirGérerInventorierRangerRecenserRégirRépertorierAppliquerEffectuerExécuterFaireRéaliserOrganiser Communiquer Développer Chercher FormerAménagerAnticiperArrangerCoordonnerDistribuerÉtablirPlanifierPréparerPrévoirProgrammerRépartirStructurerDialoguerDiscuterÉchangerÉcouterExprimerInformerInterviewerNégocierPartagerRédigerRenseignerTransmettreAccroîtreAméliorerAugmenterCommercialiserConquérirElargirEtendreDéclencherImplanterLancerProgresserpromouvoirAnalyserCalculerConsulterEnquêterEtudierExaminerExpérimenterObserverProspecterRechercherSonderAnimerApprendreConduireDévelopperEduquerEntraînerEveillerInstruireSensibiliserTransformerContrôler Créer Négocier Conseiller AutresApprécierEnquêterEprouverEvaluerExaminerExpérimenterMesurerProuverSuperviserSurveillerTesterValiderVérifierAdapterAméliorerConcevoirConstruireDécouvrirElaborerImaginerInnoverInventerRenouvelerTransformerTrouver(commercial,social)AcheterArbitrerArgumenterConclureConsulterConvaincreDémonterDiscuterInfluencerPersuaderPlacerProposerSélectionnerAiderClarifierComprendreDiagnostiquerÉclairerÉcouterGuiderInciterOrienterPréconiserProposerRecommanderA préciser


Répartir 100 points entre ces différentes compétences selon le poids attribuéTotalDéciderOrganiserContrôlerGérerCommuniquerCréerDirigerDévelopperNégocierAdministrerChercherConseillerProduireFormerAutres100 pointsPour chaque poste occupé, les noter0= Pas du tout, 1= Un peu, 2= Beaucoup, 3= Tout à faitS= Situation actuelle, S-1= Situation précédente et ainsi de suite en remontant dans le tempsAbattement de 50 % pour les notes obtenues aux postes occupés il y a plus de 12 ansSituations S S-1 S-2 S-3 S-4 TotalDéciderOrganiserContrôlerGérerCommuniquerCréerDirigerDévelopperNégocierAdministrerChercherConseillerProduireFormerAutresQuelles sont vos compétences dominantes (5 à 6 maximum) ?………………………….………………………………………………………484


Comparaison des résultatsPrincipales compétences de votreévaluation1. …………………………………2. ………………………………….3. ………………………………….4. …………………………………..5. …………………………………..Principales compétences en additionnantles expériences1. ………………………………………….2. …………………………………….3. ………………………………………4. ……………………………………….5. ……………………………………….Si les 2 approches concordent, c'est que les compétences dominantes sont bienidentifiées, en cas de différences en comprendre l'origine ou les causes afin d'identifier voscompétences d'aujourd'hui.1. …………………………………………………………………………2. …………………………………………………………………………3. …………………………………………………………………………4. …………………………………………………………………………5. …………………………………………………………………………Fiche 5 : Recenser votre capital de connaissancesTenir compte de 2 grandes familles1. les connaissances scientifiques ou techniques à caractère opératoire telles qu'une langueétrangère, les statistiques, le dessin, la programmation, etc.2. les connaissances liées au relationnel, à l'environnement professionnel, culturel, socialpermettant de comprendre le fonctionnement, les réseaux d'influence pour identifier lesfilières et les besoins.niveau initiation(compréhension)maîtrise dulangage(capacité dedialoguer avec unspécialiste)maîtrise technique(Savoir-faire)niveau innovation(capacité à créer,inventer,transformer)Croiser les informations pour lister des univers où appliquer des connaissancestechniques, les connaissances liées à des environnements professionnels, culturels ou sociaux.Ø les univers (monde du spectacle, de la finance, de la recherche, etc.)Ø les secteurs (industrie textile, santé, commerce de gros, etc.)Ø les produits et les marchés (presse infantile, verre industriel, etc.)Ø catégories socio - professionnelles (enseignants, professions libérales, etc.)Ø les filières (construction navale, pêche, conserveries, etc.)485


Liste indicative des connaissances relevant des disciplines scientifiques outechniques à caractère opératoire (Source nomenclature APEC)Mathématiques, physique chimieSciences et technologiesMathématiques, statistiques 101 Métallurgie 201Mathématiques appliquées Mécanique 202aux sciences et industries 102 Électricité 203Mathématiques appliquées Électromécanique 204aux sciences humaines et sociales 103 Aéronautique 205Physique, optique 104 Architecture 206Chimie 105 Génie civil, BTP 207Physique, chimie 106 Spécialités : textile, bois, papier 208Matériaux 107 Technologies audiovisuelles 209Électronique, automatique,Sciences de la vie, de la terreinformatique, télécommunications Sciences naturelles 401Électronique, électrotechnique, Biologie animale, végétale 402automatique 301 Agronomie 403Micro Électronique 302 Alimentaire 404Informatique industrielle Géologie, mines 405productique 303 Physiologie 406Informatique scientifique 304 Environnement, écologie 407Intelligence artificielle 305 Génétique 408Télécommunication, réseaux 306 Biologie des milieux naturels 409Télématique 307Informatique de gestion 308Médical, paramédical,Économie, gestion, finances,socio - culturelcomptabilité, commercial,Médecine 501 fonctions tertiairesOdontologie 502 Économie 601Pharmacie 503 Administration des entreprises 602Vétérinaire 504 Gestion générale 603Paramédical 505 Finances, comptabilité 604Sanitaire 506 Audit, contrôle de gestion 605Social 507 Gestion du personnel,Éducatif et culturel 508 Relations humaines 606Activités physiques et sportives 509 Commercial, marketing 607Commerce international 608Services publics 609Droit, sciences politiques Banque, assurance, immobilier 610Droit 701 Tourisme, hôtellerie, transport 611Droit privé 702Droit des affaires 703 Sciences humaines, communicationFiscalité 704 Philosophie, sociologie 801Droit public 705 Psychologie du travail 802Droit international 706 Psychologie clinique 803Études judiciaires 707 Histoire 804Sciences politiques et administratives 708 Géographie 805486


Sciences politiques économiques Aménagement, urbanisme 806et financières 709 Sciences de l'éducation 807Sciences politiques et sociales 710 Communication, journalisme 808Sciences politiques internationales 711 Études cinématographiques etaudiovisuelles 809Publicité 810Lettres, langues, arts, éditionLettres 901Langues 902Langues appliquées aux affaires etau commerce 903Langues appliquées à la traduction,interprétariat 904Documentation 905Secrétariat, Bureautique 906Arts 907Imprimerie, édition 908Fiche 6 : principales caractéristiques personnellesQuelles sont les idées qui vous viennent spontanément ?…………………………………………………………………..………………………..…………………………………………………………………………………………….Attribuer une note: 0= Pas du tout, 1= Un peu, 2= Beaucoup, 3= Tout à faitD'après les notes, rédiger un court portrait utilisant chaque intitulé. Respecterles séries de notes identiques en paragraphes distincts.…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..Fiche 7 : Identification du système de valeursValeur de type économique : intérêt dominant pour les aspects pratiques du mondeéconomique: la production, le marché, la rentabilité, le profit, etc. Se traduit essentiellementpar le sens des affaires.Valeur de type esthétique : intérêt dominant pour la forme, le beau, les arts. Se traduit par uneforte sensibilité à l'harmonie de son environnement, les formes d'expression artistique.Valeur de type hédoniste : intérêt dominant pour la recherche du bien-être personnel, duplaisir, la satisfaction des besoins vitaux et sensuels.487


Valeur de type métaphysique : intérêt dominant pour la recherche d'une compréhension del'univers auquel l'homme s'intègre. Se traduit généralement par des références à un système decroyances religieuses ou philosophiques.Valeur de type politique : intérêt dominant pour la recherche d'une compréhension del'univers auquel l'homme s'intègre. Se traduit essentiellement dans la recherche de l'influence,de la renommée, du pouvoir personnel.Valeur de type social : intérêt dominant pour les personnes, l'individu étant considéré commeune fin en soi. Se traduit par des attitudes de compréhension, de sympathie, d'altruisme, desactions d'aide, de développement des personnes et des groupes.Valeur de type théorique ou scientifique : intérêt dominant pour la recherche du savoir, goûtpour l'observation, le raisonnement, l'explication logique. Préférences pour les démarchesscientifiques, rationnelles et celles qui consistent à systématiser, organiser, ordonner lesinformations ou les données.RépartitionéconomiquesesthétiqueshédonistesmétaphysiquespolitiquessocialesthéoriquesAu total 100 pointsDécrire qui a eu de l'importance pour vouspersonnes évoquéescompétences et valeurs représentées488


Fiche 8 : SynthèseVos principalescompétences (6 ou 7)Les connaissances sur lesquelles elless'appuientVos principales caractéristiques (12) Les valeurs qui vous importent le plusFiche 9 : Un temps de réflexion· Ce que vous voulez abandonner· Ce que vous voulez acquérir ou développer· Ce que vous voulez changer· Ce que vous voulez conserverImpact du bilan sur votre projet, vos actions, votre marchéLe bilan renseigne l'élaboration du projet, les actions à mener avecl'argumentaire afin de comparer avec mon marché (domaine).Projet professionnel = projection dans le futur de la situation professionnelle.Ce qui signifie avoir la liberté de choisir et d'agir. Il faut donc un projet réaliste (contraintes etopportunités du marché) et réalisable (actions appropriées à votre potentiel et à voscompétences). Un projet doit avoir un objectif, du temps et des moyens.Définir un projet à partir de vos réussites, de ce que vous aimeriez faire demain, d'aprèsl'évaluation de votre situation actuelle, en partant des petites annonces et sur la base de voscaractéristiques personnelles.489


Faire le point à partir de vos réussites : Fiche 1Bilan1. Identifier 3 réalisations ou réussites de votre passé où vous avez appris quelque chose, oùvous êtes senti gratifié, où vous avez mené une action à son terme, où vous avez obtenudes résultats dont vous êtes fier.2. Analyser les réalisations selon : la formulation générale (ex. organiser une action de communication ou introductionde nouvelles méthodes). les objectifs visés (ex. faire connaître la collection à un maximum de clients) l'essentiel de la démarche : méthodes mises en œuvre, informations traitées, actionsconduites, moyens utilisés, … le processus de décision (marge d'autonomie, origine de la demande, enjeux,décisionnaire, négociations, etc.). les résultats obtenus (chiffres ou effets). l'évaluation personnelle (éléments de satisfaction, aptitudes, capacités).3. Hiérarchisez les critères ayant contribué à ces réussitesActivités mission, entrepriseSecteur, produit, serviceTaille de l'entrepriseNotoriété de l'entrepriseInnovation (produits, services)Fonctions (décideur ou encadrement)Maîtrise d'un savoir techniqueConception (tâches, organisation, …)Prévision, contrôleOrganisation (travail, projets)Relations dans l'environnementDélégation de pouvoirInitiative, droit à l'erreurTravail d'équipeCompétitionCommunication inter personnel ou entrestructuresFormation du personnelNiveau de compétence des collaborateursNiveau de compétences des hiérarchiquesStatut professionnel, extra professionnelRémunérationsReconnaissance de votre hiérarchieReconnaissance de votre environnementfamilialNotoriété professionnelleImportant non Important1 2 3 4 5490


Nouveau projet en s'appuyant sur les tendances qui se sont dégagées desprécédentes analysesCe que vous voulezabandonnerCe que ce vous voulezacquérir oudévelopperCe que vous voulezchangerCe que vous voulezconserverFaire le point à partir de vos rêves : Fiche 2· Ce que vous rêviez de faire, d'être enfant ou adolescent· Ce qu'ils éveillent encore comme intérêt aujourd'hui· Ce que vous rêvez de faire aujourd'hui, si tout était possible· Dire les images mentales qui vous viennent spontanément à l'esprit· Citer 2 ou 3 personnes (connues ou non) que vous admirez, traduire leur activité ens'imaginant à leur placeTraduire ces idées en termes de :· Produits ou services à produire, à vendre, à étudier, à voir (vendre des livres ayant uncaractère officiel)· Actions exprimées en verbes (conseiller, informer, négocier, convaincre)· Résultats, finalités (emporter l'adhésion, défendre les intérêts financiers)· Mode de relation à autrui seul ou en équipe, opérationnel ou fonctionnel (seul, pas dehiérarchie mais de multiples interlocuteurs)· Structure, organisation, statut juridique (profession libérale, petite structure avec quelquesassociés)· Lieu, espace, conditions de travail (déplacements, lieux de travail différents tous les jours)· Autres491


Partir de l'évaluation de votre situation actuelle : Fiche 3Décrire votre activité (ex. : cadre commercial)à fabriquer, à manipuler, à étudier, à vendre ou à ex. insecticides pourProduitsvoir dans mon environnement.cultures industriellesActions l'exprimer à partir de verbes (dossier bilan) ex. vendre, se déplacer, etc.concrets, tangibles ou d'ordre immatériels ?ex. chiffre d'affaire annuelmesurables qualitativement ou quantitativement,Résultatsfixé par la direction,financièrement, humainement évaluation liée àd'actionsrémunération + fixe + % surautrui, reconnaissance, notoriété ou à nousCA.mêmeMode derelation àautruiStructureorganisationLieu,espace,conditionsde travailW seul ou en équipe, interlocuteurs internes ouexternes, liens hiérarchiques, fonctionnels ouautres avec ses interlocuteurs, W avec quel typede personnes (âge, références culturelles,valeurs, etc.)entreprise, taille, association, cabinet conseil,artisanat, etc.région géographique déterminée, lieu clos ouextérieur, déplacements ou non, espaceesthétique ou fonctionnel particulierex. W seul, rendre compte 1fois par mois au directeurcommercial, contacts clientspermanents.ex. un cabinetex. toujours en déplacement,pas de point fixe, etc.Faire ensuite le tri dans les activités insatisfaisantes et celles qui comportentdes éléments positifs aux bases d'un projet. Souligner ce qui semble insatisfaisant.ce que vous faites :ce que vous aimez etce que vous n'aimezpas (soulignez ce quiest négatif) :ex.vendredes insecticidesce que cela recouvrerelation permanenteavec la clientèle,relation avec inconnusnécessité parler,objectifs, pression desrésultats, déjeuneravec clientsproduits sansnotoriété, qui ne sevoit pas, clientèleagriculteurs,coopératives, milieuque je voulaisdécouvrir maiséloigné de moi.ce qui finalementest positifvoir gens nouveaux,gratifiantce que vous aimeriezfaire à la place de cequi est négatif. De"plus" ou de différentde ce qui est positifW plus en équipe dansl'entreprise, écrireplus, objectifs plusqualitatifs, déjeunerslibres ou aveccollègues ou mangermoins.produit grand public,produit qui se voit etmême esthétique,interlocuteurs dont jeparle le langage492


Faire de même avec tous les thèmes abordés dans la description de votre activité.Faire ensuite la synthèse et l'évaluation de vos éléments de motivationÉlémentsProduitsActionsRésultatsrelations à autruiStructureorganisationLieu, espace,conditions detravailCe que vousconnaissez, avezpratiqué,expérimentéCe que vous neconnaissez pas maisqu'il vous semblefacile de faireCe que vous neconnaissez pas et qu'ilvous semble difficilede faireTester ces projets auprès d'amis ou de collègues afin de voir ce que euxcomprennent de ce type d'activité.Projet robot : Fiche 4Prendre 5 annonces qui ont retenu votre attention, en extraire l'intitulé du poste,le secteur d'activité de l'entreprise, l'entreprise elle-même, la mission, le poste avec les tâchesà effectuer, le salaire et le profil du candidat idéal.Remplir le tableau avec les informations qui reviennent le plus souventProduits ou servicesà produire, à vendre,à étudier, à voirActionsexprimées en verbesRésultats, finalitésMode de relation à autruiseul ou en équipe,opérationnel oufonctionnel…Structure, organisation,statut juridiqueLieu, espace, conditionsde travailAutres493


Partir du bilan : Fiche 5Éléments tirés dubilanParamètres deprojetEnvironnementet conditions detravailOrganisation,structureProduits,marchés,secteursRelations auxautresActivités, actionsFinalitésConnaissancesrelevant dedisciplines,sciences outechniques àcaractèreopératoireCompétencesexprimées enterme d'actionCaractéristiquespersonnellesValeursFormuler un projet : Fiche 61. Intitulé:……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………2. Finalités :(effets ou résultats souhaités, buts ou objectifs à atteindre, résultats vers lesquelstendre)…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………3. Contenu (activités principales)…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..…………………………………………………………………………………….4. Moyens (nécessaire pour conduire ces activités : personnel, finances ou budget, matérielsou équipements) ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………5. Environnement (produits / marchés, type d'entreprise ou de structure, secteur d'activité)…………………………………………………………………………………….………………………………………………………………………………………………………6. Autres caractéristiques : ………………………………………………………………….………………………………………………………………………………………………7. Comment concevoir chaque étapes pour ce projet : …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………494


Degré de conviction : fiche 7Axe du degré de compétenceFortMoyenFaible Moyen Fort Axe du degré d'intérêt(A) : zone de forte capacité de mobilisation, meilleurs moteurs, réfléchir à la possibilité derenforcer ce niveau de compétences ou réfléchir à ce qui rendrait votre projet intéressant.(B) : zone médiane, moyen partout, difficile d'être capable de convaincre.(C) : zone de faible capacité de mobilisation, dangereux, redéfinir le projet ou reprendrel'évaluation avec un autre regard sur le marché.(D) : zone boiteuse avec un fort intérêt et des compétences faibles, ce qui demande uneformation ou de fortes compétences et un faible intérêt ce qui demande de mettre le projeten réserve.Choisir entre plusieurs projets demande d'avoir des informations et deséléments nécessaires pour comparer entre des choses difficilement comparables. Choisir entredeux opportunités quand (A) offre un salaire peu intéressant mais un environnement agréableet (B) offre un statut plus valorisant et un avenir plus ouvert mais un contexte peu tentant.Fiche 8 : Comparer 2 hypothèses1. Enoncer 10 à 12 critères ou objectifs importants2. Les classer par ordre décroissant d'importance du "primordial" à "je peux m'en passer"3. Évaluer les 2 hypothèses (A) = salaire peu intéressant mais bon environnement et(B) = statut ouvert mais contexte peu tentant1.2.3.4.5.6.7.8.9.10.11.12.Critères Hypothèse A Hypothèse BChoisir une notation de 0 = critère pas du tout rempli à 4 = critère tout à fait rempli494


4. Les pondérer, en leur attribuant une note, pour une comparaison globale1.2.3.4.5.6.7.8.9.10.11.12.TotalCritèresCoefficient depondérationHypothèse AHypothèse BFiche 9 : Le triangle idéal1. Dans un premier tempsAxe pouvoir0 = pas du tout Reliez les points entre eux pour1 = un peu obtenir votre triangle idéal2 = moyennement3 = beaucoup4 = tout à fait2 .Pour chacun des projets ou des propositionsDessinez leur triangle puis comparez avec votre triangle idéal.Le choix s'est porté sur 3 paramètres, il peut être élargi à 4 et un quadrilatèreidéal peut alors servir pour comparer les différentes hypothèses.495


Le projetLa définition de votre projet va ordonner la recherche d'emploi et son évolution.Le projet doit nourrir et ordonner vos actions, provoquer le marché afin d'obtenir une réponsepour préciser votre bilan.Voir si votre projet concerne un marché porteur, connu ou faiblement publicité;Voir quel type d'entreprise est visé (PME, domaine d'activité, …)Recherche interne à votre société ou externe ?Voir le recours le plus approprié (approche directe, petites annonces, …)La définition du projet et le marché visé sélectionnent les arguments à utiliser pourconvaincre, les outils de communication à utiliser. Le projet dépend de votre environnement,du marché, il peut contribuer à créer un besoin nouveau pour des sociétés.Le marchéIl est le lieu de vérification de la crédibilité de votre projet. Il fourni un retour d'informationen vous aidant à l'approfondir, le remodeler, le modifier.Il faut avoir un service à proposer aux entreprises pour aborder votre marché. C'est à partird'un produit que se définit la clientèle.Il faut intégrer la clientèle et vos motivations et aptitudes à votre projet professionnel ettraduire ce projet en offre de service solvable.L'offre de service est à analyser avec les débouchés. Un travail dynamique ne s'achève pas àla signature du contrat.· Le marché se constitue de l'ensemble des entreprises acheteuses de vos services et del'ensemble des solutions que vous pouvez leur apporter.· Le produit est le service proposé, le poste visé.· Vous pouvez concevoir une gamme, une ligne de produits, soit des projets ou des servicesdifférents qui répondent à des besoins différents.· La concurrence concerne les autres qui proposent les mêmes services ou les autressolutions que trouvent les entreprises pour répondre à leur besoin.· Les prescripteurs sont les intermédiaires, les relais, DRH, cabinets de recrutement, etc.· Le client final qui est votre supérieur hiérarchique.· Le positionnement du produit avec son identification (perçu comme), sa différenciation(ce qui le distingue de la concurrence).· Les canaux de distribution avec les moyens de vous vendre, de vous faire connaître.· Les prix.· L'emballage qui est un argumentaire (présentation par le biais du CV, de la candidaturespontanée).496


Où en êtes vous ?Le produit que vous proposez aux entreprises est (la fonction que vous voulez exercer) :- au point- ? à consolider- '' flouLe marché de votre produit est (mes employeurs potentiels) :Ø clairØ ? à clarifierØ " obscurAGIR avec un produit construit, au point et un marché clair, un acheteur repéré : fiche 4- testez le terrain en précisant vos cibles, confirmant, réajustant ou infirmant votre offre deservice, améliorant votre communication- testez le terrain en appréciant un retour (bon = continuez ou non = quels changements), enidentifiant les écarts (clientèle et communication bien identifiées), écoutez et vérifiezauprès de plusieurs interlocuteurs, proposez une autre offre de service si celui proposé necorrespond pas aux besoins- concluez, selon la qualité du produit, de sa présentation, de ses cibles et de votreformation.DEFINIR le produit en ayant repéré un besoin mais sans idée précise de ce que vous pouvezapporter : fiche 1- nommez le service proposé aux entreprises,- faites la liste des caractéristiques de votre offre de service,- décrivez en quoi vous êtes utile en tant que savoir-faire, connaissances, traits depersonnalité, environnements connus,- analysez ce qui relève du basique (élaborer les budgets, suivre les résultats, analyser lesécarts, mettre en place les procédures, assurer le reporting, former les opérationnels auxrègles de contrôle) et ce qui relève de vos spécificités (compétences, contacts, pratique).IDENTIFIER les cibles avec un produit au point mais un marché obscur : fiche 2Fiche clientèle pour identifier et caractériser les employeurs potentiels, comprendre leursbesoins et connaître leurs critères de recrutement.Fiche clientèle pour savoir qui emploie, qui à l'utilité.- recueillir les informations- identifier les points communs- segmenter les entreprises (taille, caractéristiques, etc.)- évaluer le volume du marché- repérer les cibles497


S'INFORMER sur les composantes du marché avec un produit à consolider et un marché àclarifier : fiche 1 ou 2- pour favoriser des déclics en regardant autour de soi, en observant, en se maintenant enétat de veille, en trouvant de nouvelles idées, en se renseignant sur ce qu'on connaît lemoins, en vérifiant des hypothèses, en faisant des choix, en se donnant des arguments.- pendant l'étude du marché et au moment du positionnement sur le marché.- par tous les moyens : l'information documentaire, l'enquête de terrain, les lieuxd'information tels que l'APEC, les chambres de commerce, la médiathèque de la Villette,la bibliothèque publique d'information du centre Georges Pompidou, l'INSEE, l'INPI(Institut National de la Propriété Industrielle, le CFCE (Centre Français du CommerceExtérieur), la banque de France (centrale des bilans), le COCOD (Centre d'Étude de laCommercialisation et de la Distribution), les associations de professionnels, les syndicatsde professionnels, les ministères, les salons professionnels, les annuaires (pages jaunes,annuaires généraux, annuaires sectoriels, annuaires d'anciens élèves, la presse, la presseéconomique générale, la presse spécialisée, la presse quotidienne générale, les journauxd'offres d'emploi, les banques de données telles que celle de l'APEC, de cadre emploi, del'ANPE de CPLUS), les entreprises, Internet, la presse.REF<strong>LE</strong>CHIR au préalable avec un produit flou et un marché obscur : fiche 3- choisir le type d'entreprise auquel s'adresser- évaluer vos chances par cible- bâtir vos mode de communication cible par cible avec les atouts à mettre en avant selonces cibles.Les marchésØØØØØLe marché global constitué par l'ensemble des entreprises qui recrutent en France et àl'étranger si la recherche se dirige vers ce dernier.Le segment de marché est une partie de cet ensemble qui présente une unité soitrégionale, soit d'activité, soit de structure.Le marché apparent est celui qui est publicisé, c'est la partie visible et l'expressionouverte des besoins ;Le marché caché est celui qui ne passe pas par les offres (habitudes ou discrétion).Le marché potentiel est celui des besoins pas encore identifiés, pas encore exprimés.AdaptabilitéExaminer si votre projet est réaliste, si vous pouvez-vous en faire une offre de service ; laréponse se trouve sur le marché. Il vous faudra rapprocher votre offre de la demande, adaptervotre projet aux besoins identifiés. Le bilan recense l'utilité de ce que vous savez faire. Vosactions découlent de la connaissance que vous avez de votre environnement. Qui contacter ?Quels arguments employer ? Quels créneaux utiliser ? Vos actions ont-elles les résultatsescomptés ?498


ActionsAgir avec une intention, pour obtenir un résultat. Un acteur doit s'informer pour choisir afind'agir pour atteindre un but, si ce but est atteint c'est la fin, si le but n'est pas atteint, l'acteurdoit reprendre sa recherche d'information. Par exemple, pour faire des candidaturesspontanées, il faut s'informer sur les entreprises qui vous intéressent. Domaine d'activité,problèmes à résoudre, compétences qu'elles recherchent, destinataire.Position del’acteurse préparer,s'informeragirLesl'acteur lui-même(A) ex.: réfléchir àl'avenir, faire un bilanpersonnel(B) ex.: entretenir saforme, entreprendreune formationciblesles autres,l'environnement(C) ex.: analyserles pratiques descabinets derecrutement,s'informer sur uneentreprise(D) ex.: répondre àune PA, avoir unentretienLa finalité des actions (A) et (B) est tournée vers vous : mieux vous connaître, augmenter etaméliorer vos possibilités d'action, modifier, changer une attitude ou un comportement. Lafinalité des actions (C) répond à vos propres préoccupations en incluant parfois les autres. Lafinalité des actions (D) est tournée vers vous et conditionnée par les autres, il faudracomprendre votre interlocuteur en se concentrant sur sa façon de penser.Importance de préciser les buts à atteindre par une action déterminée, une même actionpouvant être menée avec des buts différents.Fiche 1 : Bâtir votre argumentaireACTIONSLa proposition est le projet professionnel, la fonction, le poste, l'activité quevous visez ; la démonstration, c'est vous-même. L'argumentaire est de convaincre. C'est uneétape de réflexion, de transition. Il faut vous centrer sur l'autre, sur le recruteur, l'employeurafin de l'intéresser, de le mettre en confiance, le rassurer, le convaincre. Il sert à établir unCV, une lettre de candidature, à préparer un entretien.Il faut être clair avec soi quant à ses désirs, ses ambitions, ses projets, sespossibilités, ses atouts, ses compétences, etc.Il faut avoir des informations sur les futurs interlocuteurs quant à leurs besoins, leurs attentes,leurs préoccupations, leurs craintes, etc.499


L'argumentaire est actualisable en permanence, il se compose de deux parties :1. Considérer les attentes de vos interlocuteurs en partant de votre projet, de vos objectifspour le formuler ;2. En partant de vos caractéristiques (expériences, connaissances, personnalité) identifier cequi justifie le mieux votre proposition ou ce qui est susceptible d'intéresser votreinterlocuteur, passer de l'affirmation (je sais animer une équipe de vente) à ladémonstration (j'ai animé une équipe de vente de 8 vendeurs dont les résultats ontaugmenté de X %).Quels services proposez-vous ?…………………………………………………………………Qu'est-ce qui prouve ou justifie vos propositions sur le plan de l'expérience(nature, durée, compétences, savoir-faire, résultats, secteurs, produits), des connaissances(formation de base, formation complémentaire, connaissances techniques), personnel (âge,sexe, santé, présentation, traits de caractère, comportement, goûts, motivations, valeurs) ?……………............................................................................................................................Fiche 2 : Faire un CVDocument écrit qui témoigne de l'identité et du trajet professionnel d'uncandidat. Ce document porte un message convainquant qui s'inscrit dans l'avenir. Il complètela lettre de candidature. Il valorise le trajet professionnel en informant. Un CV est orienté versl'avenir et non tourné vers le passé. Il ne doit pas recenser ce que vous avez fait mais ce quevous êtes capable de faire. Il doit être finalisé, adapté à ce que vous cherchez, cohérent.Mettre en valeur le poste occupé, la fonction, puis la société ensuite, rédiger plusieurs CVplutôt qu'un seul "passe partout" qui sera réducteur. Le titre annonçant l'objectif n'est pasobligatoire s'il fait apparaître un trajet disparate. Les loisirs cités doivent être en harmonieavec votre image professionnelle (ou celle que vous voulez donner).Un CV doit être court, clair, synthétique, donner quelques exemples illustratifs.Il doit comporter des titres, des intitulés de fonction, des sous - rubriques, des mots clés engras, des noms de produits, de clients repérables.Si vous recevez moins de 10 % d'entretiens par rapport au nombre de CVenvoyés, il faut revoir votre action (critères d'efficacité). Le projet doit être bien défini et leCV doit tenir compte des attentes du marché.Fiche 3 : Répondre à une annonceIl faut adapter votre candidature à une proposition, une démarche proposée parun recruteur, c'est donc une contrainte mais c'est aussi un avantage dans la mesure où voussavez qu'un poste est à pourvoir. Il faut susciter l'intérêt du recruteur pour le décider à vousrencontrer. La candidature démontre que vous avez compris son message, que vous êtesintéressé par son offre, que vous êtes compétent (formation, expérience, personnalité) pour ceposte. Vérifiez que la proposition vous intéresse, évaluez vos chances d'être sélectionner,préparez votre candidature.500


Informations + Hypothèses = Message comprisPoints forts + Points faibles = Base de votre décision et stratégieInformations + Hypothèses + Points forts = Base de votre messageInformations + Hypothèses + Points faibles + Points forts = Préparation à l'entretienStyle personnel mais rédigé, clair, court, illustré d'exemples concrets "encollaboration avec le service informatique, j'ai réorganisé le traitement des commandes et lafacturation …" au lieu de "je mets mon efficacité et mon sens du relationnel au service …".Ne pas exposer ses doutes, ne pas supplier et ne pas faire allusion à vos difficultéspersonnelles.Elle doit être manuscrite et faire une page ou deux. "Vous, Moi, Nous" ou unpoint de l'annonce percutant ou " votre annonce parue dans tel journal du tant pour un postede Y a retenu mon attention). Finir par la perspective d'un entretien en proposant unerencontre justifiée "au cours d'un entretien je pourrai vous exposer plus en détail …" suiviepar une formule de politesse. Relancer au bout de 2 à 3 semaines pour témoigner de votremotivation.Fiche 4 : Les candidatures spontanéesC'est une méthode active avec une démarche de proposer vos services à uneclientèle potentielle, préalablement ciblée et pour laquelle il y a une adéquation entre vosservices proposés et les besoins que vous avez analysés. Le but est d'obtenir un entretien. Lacandidature spontanée se distingue du mailing, La première est une démarche individuelle etpersonnalisée et le second est une proposition standard envoyée à un grand nombred'entreprises dont vous n'avez pas particulièrement étudié les besoins potentiels.Candidatures spontanées = X dizaines d'entreprises,Mailing = X centaines d'entreprisesPour être efficace, il faut vous poser 4 questions :1. Qu'ai-je à proposer ?2. À qui je vais le proposer ?3. Pour répondre à quel besoin ?4. De quelle façon le proposer ?Assurer ensuite le suivi.Fiche 5 : Exploiter votre réseau relationnelVotre réseau relationnel est constitué des personnes que vous connaissez.- Il vous sert à obtenir des informations, des avis et des conseils sur vous-même, votreprofil, votre image ainsi que sur les entreprises, leur mode d'organisation, leurs servicesou leurs fonctions.- Il vous sert pour faire connaître vos compétences, vos réalisations, vos idées, vos projets.- Il vous sert à créer de nouvelles relations professionnelles pour élargir votre réseau.501


Avec votre carnet d'adresse, construire un fichier contacts avec une fiche parnom où sont recensées les informations utiles telles que les coordonnées, la fonction, lescompétences, le réseau relationnel de cette personne, etc. Une fois que le fichier est classéselon l'usage qui vous est le plus pratique, il faut exploiter ce réseau. Définissez vosdifférentes cibles et votre objectif prioritaire pour chacune. Choisir les modes decommunication les plus adaptés à vos cibles, à vos objectifs et à vos aptitudes.Fiche 6 : Avoir un entretienSavoir si on peut s'engager, travailler ensemble, réussir ensemble, il faut doncse connaître, se comprendre. Les informations échangées aident à la prise de décision pour lesdeux interlocuteurs. Ce n'est pas un combat et chacun y gagne. Rendre les choses claires pourl'autre suppose qu'elles le soient déjà pour vous. Faire le point sur les informations dont vousdisposez et sur celles qui vous manquent. Pour être le plus détendu possible, connaîtrel'itinéraire, la durée du trajet procure de la confiance en soi. Votre interlocuteur est unepersonne qui a une demande à satisfaire. Il faut savoir vous vendre. (Comprendre les besoinsde l'autre, l'aider à les exprimer et non dire en quoi tel poste ne vous convient pas.) Lareformulation peut vous aider à montrer que vous avez bien compris, pour être sûr que vousêtes sur la même longueur d'onde et pour préparer la suite d'une question ou la réponsesuivante.Fiche 7 : Assurer vos moyens d'existencePour que le manque de moyens financiers ne fasse pas obstacle à votrerecherche et pour pouvoir choisir selon votre projet sans précipitation, il faut faire l'inventairede vos ressources. Au moment de votre licenciement, inscrivez-vous à l'ANPE, à l'ASSEDICet à l'APEC où vous aurez toutes les informations sur les allocations chômage et la façon desauvegarder vos droits (montant, durée). La sécurité sociale continue à vous couvrir pendant 1an après la rupture du contrat si vous n'êtes pas indemnisé. Au niveau de l'ASSEDIC, lacouverture sociale est maintenue pendant la durée de l'indemnisation et encore 1 an ensuite.Les points de retraite cadre vous seront alloués alors que les mutuelles complémentaires ontdes positions différentes spécifiques selon chacune, renseignez-vous auprès de la votre.Certains crédits peuvent être aménagés. Faites le point régulièrement afin de ne pas prendreune décision que vous regretterez par la suite.Fiche 8 : Écrire des articlesLa Fédération Nationale de la Presse d'Information Spécialisée regroupe 1500titres disponibles à la documentation centrale de l'APEC dans l'Annuaire de la Presse et de laPublicité. Vous pouvez écrire un article ou un ouvrage pour élargir le milieu où voscompétences sont reconnues. Vous pouvez faire connaître vos compétences, votre expérience,une découverte, une invention. Faire partager vos conceptions sur ce qui peut être fait dansvotre profession. Le message est tourné vers votre projet professionnel. L'article peut êtreaussi à but lucratif. Il faut savoir par qui vous voulez être lu. L'image du support choisi reflètevotre image.502


Fiche 9 : Prendre contact avec des associationsLes associations d'anciens élèves et les associations professionnelles sont unlieu privilégié dans votre évolution professionnelle. L'annuaire des anciens permet de trouverdes points de contact dans des entreprises ou de retrouver des camarades de promotion. Lesannuaires sont présentés par fonctions, par secteurs d'activités, par zones géographiques. Unbulletin interne donne des informations sur le contexte économique. Une bourse d'emploicentralise les offres transmises à l'association. Un guide pratique de l'APEC recense "Les1000 contacts utiles à votre recherche d'emploi".Fiche 10 : Utiliser les centres de documentationMaîtriser les sources d'information documentaire pour orienter votre recherched'emploi. Cette information existe dans les bibliothèques ou les centres de documentation àvocation générale ou spécialisée. Recensez vos besoins en information (utilité, type),identifiez les centres de documentation les plus appropriés (la Bibliothèque Publiqued'Information, la COB, l'INPI, l'APEC, les chambres de commerce et de l'industrie, lessyndicats, les associations professionnelles), renseignez-vous sur les modalités d'accès et lesservices proposés.Fiche 11 : Fréquenter les salons, foires, expositions …Rendez-vous à des manifestations professionnelles rassemblant en un mêmelieu et au même moment des personnes dont les activités économiques se déploient dans unchamp commun (secteur, techniques, fonction, marché, thème).Fiche 12 : Vous adresser à votre DRHIl a un rôle fonctionnel (informations, avis, conseils sur les opportunités deformation) et opérationnel (financement des formations).Fiche 13 : Soigner votre présentationLa tenue vestimentaire et l'apparence physique sont des signes dereconnaissance qui témoigne de votre appartenance à une catégorie sociale ou à une catégoriesocioprofessionnelle. Votre apparence physique doit faciliter vos objectifs professionnels engardant votre personnalité. Un entretien de recrutement se décide pour 50 % dans lespremières secondes.Fiche 14 : Maintenir votre forme physiqueUne bonne condition physique est la base d'une activité professionnelleefficace. Maintenez votre forme pour garder votre rythme afin de lutter contre le stress, deprendre le recul suffisant pour analyser vos problèmes. La rigueur est essentielle pourconserver des objectifs et rester dynamique.503


Fiche 15 : Passer une annonceUtiliser la presse pour s'adresser à des employeurs potentiels est une pratiquecourante. Il faut choisir le support en conséquence (contexte professionnel, emplacement,espace), attirer l'attention avec un titre accrocheur, intéresser avec un message argumenté etune offre la plus concrète possible, faciliter la prise de contact (N° de téléphone si vous avezun répondeur). Relisez l'offre en vous mettant à la place du lecteur.Fiche 16 : l'APECL'Association Pour l'Emploi des Cadres agit pour permettre aux entreprises(secteur privé, de toutes les activités et de toutes les tailles) de trouver les compétencesadaptées à leurs besoins et, pour permettre aux cadres (en activité et en recherche d'emploi) etaux jeunes diplômés (depuis moins d'1 an, de niveau au moins bac + 4) de connaître toutesles opportunités professionnelles. Financée par les cotisations des cadres et des entreprises,c'est une association paritaire à but non lucratif (loi 1901), dont les services sont gratuits, pourla plupart.Fiche 17 : Lire la presseUne mise à jour constante est nécessaire et passe par la lecture de la presseprofessionnelle (Le Monde, Les Echos, La Tribune, Le Figaro, Liaisons Sociales, etc.Fiche 18 : Interviewer des professionnelsRecueillez l'information en interrogeant des gens (6 à 10) qui font le métier quivous intéresse (ou dans le domaine) est une façon agréable de compléter une recherchedocumentaire.Fiche 19 : www.apec.asso.frL'APEC possède un site Internet et un journal "courrier cadres"Fiche 20 : Vous inscrire à l'ASSEDICL’ASSociation pour l'Emploi Dans l'Industrie et le Commerce a été créée parl'accord national interprofessionnel du 31 décembre 1958. Avec son organe de coordination,L'UNEDIC, elle a une compétence territoriale variable et est financée par les cotisations dessalariés et des entreprises.A l'origine, ces organismes administraient les caisses d'assurance chômage(encaissement des cotisations des employeurs et des salariés) et informaient et aidaient lestravailleurs privés d'emploi (versement des allocations aux chômeurs). Aujourd'hui, c'est àl'ASSEDIC et non plus à l'ANPE qu'il faut s'inscrire en tant que demandeur d'emploi. Toutedemande de formation se fait à l'ASSEDIC.504


Fiche 21 : Vous rendre à l'ANPEL'Agence Nationale Pour l'Emploi a été créée en 1967. C'est un établissementpublic d'état rattaché au ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Elle intervient sur le marchédu travail pour apporter un appui aux demandeurs d'emploi et aux entreprises. Son activité estcentrée sur la fonction de placement et sa mission essentielle est de rapprocher l'offre et lademande d'emploi.Vous y trouverez :ØØØØdes informations sur le marché du travail, les métiers, les formations,le recours à des prestations particulières comme les techniques de recherche d'emploi,les entretiens de suivi personnalisé,le conseil sur le choix d'un métier ou d'une conversion,l'utilisation de la formation professionnelle.Celle ci prospecte des postes auprès des entreprises, collecte des offresd'emploi, met en relation avec l'employeur si la proposition d'emploi correspond à ce que vouscherchez et si votre profil est adapté.A l'issue de votre inscription auprès de l'ASSEDIC, un entretien centré survotre recherche d'emploi est mené à l'ANPE. Le 3614 ANPE permet de visualiser des offresd'emploi et de poser votre candidature (pas plus de 5) directement en entrant son code. Le siteInternet ANPE recense là encore les offres d'emploi, une adresse est alors indiquée pourenvoyer directement une lettre de motivation et un CV soit à l'employeur soit à l'ANPE sicelui-ci veut garder l'anonymat ou si c'est l'ANPE qui fait une présélection.A l'ANPE vous bénéficiez :ØØØd'aide à l'orientation par le biais d'un bilan - projet lors d'un entretien avec un conseiller,d'aide à la recherche d'emploi avec un conseiller qui vous mettra en relation avec desentreprises. Des ateliers vous permettent de définir les moyens les plus efficaces :entreprises à contacter, façon de répondre à une annonce, de rédiger son CV, de sepréparer à un entretien.d'offres d'emploi consultables librement (panneaux d'affichage, journaux, Minitel).Les candidats sont soumis à des impératifs, ils doivent répondre auxconvocations, signaler tout changement dans leur situation, renouveler leur inscriptionmensuellement et rechercher activement une solution.Fiche 22 : Prendre contact avec les relais patronauxLes fédérations et syndicats patronaux regroupent des entreprises travaillantdans le même secteur ou la même région. Ils sont rassemblés, au niveau national, dansl'annuaire du MEDEF.505


Fiche 23 : Entreprendre une formation« Une formation est un moyen pour réduire un niveau d'incertitude » 558 . C'estun moyen d'accroître vos possibilités de compréhension et d'action. Deux éléments sontimportants : les caractéristiques de la formation, son contenu, les méthodes pédagogiquesutilisées d'une part et vos attentes d'autre part.Plus le domaine de la formation relève du savoir plus la formation seradirective, plus elle relève de la personnalité, moins elle le sera. Le niveau d'initiationcorrespond à quelques jours, le niveau de compréhension du langage ou de la techniquecorrespond à des stages de quelques semaines ou quelques mois, le niveau de maîtrisetechnique ou de qualification nécessite quelques mois à plusieurs années.Bilan professionnel + acquis de la formation = projet professionnelUn signal sérieux de reprise aux États-Unis : la France doit en tirer desenseignements optimistes et agir pour conforter la conjoncture, selon le Président de laChambre de Commerce et d'Industrie de Paris 559 , Michel FRANCK, entend donner un échoparticulier au dernier indicateur avancé du Centre d'Observation Économique (COE), quisouligne la forte probabilité que le creux conjoncturel américain se termine prochainement.Sur les six composantes de cet indicateur, trois se sont déjà clairement retournées (écart detaux, stocks et logements), deux, essentiels, sont en train de le faire (consommation desménages et NAPM1), seul l'indice boursier est encore à la traîne.Les conséquences d'une sortie de cycle aux États-Unis, qui laissent envisagerun quatrième trimestre vigoureux, seraient considérables sur trois plans : compte tenu du poids de l'économie américaine dans la dynamique mondiale, onpeut espérer un effet d'entraînement positif de la conjoncture américaine sur l'activitéeuropéenne, à l'horizon de six à neuf mois ; psychologiquement, cette perspective peut contrecarrer l'inflexion actuelle du moraldes ménages qui menace, à travers un éventuel impact sur la consommation, la reprise del'emploi; politiquement, enfin, la reprise outre-atlantique met en évidence le danger de surréagir dans le pessimisme avec des effets d'annonce qui pourraient être désastreux sur laconsommation.C'est pourquoi Michel FRANCK enregistre, avec satisfaction, la fermeté deMonsieur FABIUS dans sa volonté de maintenir son programme de baisse d'impôts. Face auxtrop nombreux commentaires alarmistes, le Président de la CCIP considère que le devoir deschefs d'entreprise comme du gouvernement est de privilégier la perspective d'une croissancedurablement portée par les hautes technologies, la libération des pesanteurs administratives etfiscales, la formation qualifiante des salariés. La prochaine loi de finances doit, préciseMichel FRANCK, accorder la priorité à l'initiative entrepreunariale, créatrice de richesses,plutôt qu'à des mesures redistributives et à l'alourdissement des dépenses publiques. Elle doit,par exemple, permettre aux entreprises françaises de conforter leur compétitivité en leuraccordant enfin un régime de détaxation des plus-values sur titres, qui devient la règle enEurope, et en restaurant un mécanisme d'avoir fiscal pleinement efficace. Certes, conclut-il558GOGUELIN, Pierre, La formation continue des adultes, Paris : PUF, 246 p,1983.559CCIP : Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris.506


les économistes ne font pas forcément le printemps de la croissance, mais il est essentield'entretenir l'esprit combatif et optimiste de notre économie.A propos du projet de loi de modernisation sociale, selon la CCIP, lelicenciement économique rime dangereusement avec dépôt de bilan. Le projet de loi demodernisation sociale, adopté, en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, suscite de vivesréactions de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. S'agissant tout d'abord de ladéfinition du motif économique du licenciement, la suppression de l'adverbe "notamment"restreint considérablement son champ d'application : l'article L321-1 du Code du travail, telque l'envisage le projet de loi dans sa nouvelle rédaction désormais limitative, n'exclura-t-ilpas des hypothèses que la jurisprudence avait reconnues légitimes, comme par exemple, lacessation d'activité consécutive à des faits tels que : maladie de l'employeur, incendie,inondation, s'interroge Michel FRANCK. Il regrette également que le critère de sauvegardede la compétitivité ait été écarté au profit de celui, plus restrictif, de sauvegarde de l'activitéde l'entreprise. Selon lui, le texte place résolument le licenciement pour motif économiqueaux seuls cas où l'entreprise se trouve gravement menace de disparition. Cette logique du toutou rien rend toute anticipation impossible : les entreprises n'auront désormais plus d'autrechoix que d'attendre la dernière minute pour opérer des plans sociaux avant de déposer lebilan, alors qu'elles devraient pouvoir agir en amont en procédant à des ajustements à lamarge.Par ailleurs, Michel FRANCK regrette que la nouvelle mouture du projet de loirende l'élaboration des plans sociaux encore plus lourde et longue. En fait, on se dirige versune négociation obligatoire des plans sociaux, ce qui affecte directement la responsabilité duchef d'entreprise. En outre, si l'intervention d'un médiateur peut, dans l'absolu, s'avérerbénéfique lorsque les points de vue du comité d'entreprise et de l'employeur n'auront pu serapprocher, elle risque néanmoins, en l'état, d'allonger les délais. A l'évidence, c'est la porteouverte à une saisine systématique du médiateur. Une fois de plus, on retarde les décisions àun moment critique de la vie ou plutôt de la survie de l’entreprise. Or en accentuant ledangereux rapprochement des licenciements économiques et des dépôts de bilan, onaugmente, in fine, le nombre de licenciements économiques, conclut-il.2° La répartition des tâchesLes difficultés de coordination entre la délégation à l'emploi et les servicesdéconcentrés sont évidentes en matière de négociation des plans sociaux. Au plan juridique,la compétence des directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formationprofessionnelle pour la négociation est étendue. Ils peuvent ainsi refuser le conventionnementou, à l'inverse inciter l'entreprise à solliciter certaines aides publiques pour compléter le plansocial envisagé. Le "constat de carence" est depuis 1993, avec le pouvoir de proposition, leurprincipal moyen juridique. La loi du 22 janvier 1993 a, en effet, reconnu à l'administration lafaculté d'émettre un "constat de carence" en cas d'absence de plan social. Ce constat qui "doitconduire l'employeur à recommencer la procédure à ses débuts" est donc un moyen pourl'administration de rappeler ce dernier à ses obligations. Sa valeur juridique a toutefois étécontestée. La Cour de cassation a ainsi jugé en août 1996 qu'une cour d'appel n'avait "à justetitre, (...) accordé aucune valeur au constat de carence dressé par l'administration du travail".507


Sur le plan budgétaire, la répartition des compétences est en revanche plusconfuse. Les services déconcentrés engagent et mandatent les crédits FNE d'accompagnementdes restructurations. S'ils engagent, en signant les conventions, les crédits d'allocationsspéciales et de préretraites progressives, et s'ils mettent en recouvrement les contributionsdues à ce titre par les employeurs, c'est la délégation à l'emploi qui ordonnance au profit del'UNEDIC les crédits correspondants, les ASSEDIC étant chargées du paiement desallocations aux salariés. Les allocations temporaires dégressives sont, elles, payées sansordonnancement par les trésoreries générales. Les paiements au titre des conventions deconversion constituée par les partenaires sociaux auprès de l'UNEDIC, à laquelle ladélégation à l'emploi verse périodiquement la participation de l’État à ce titre.La définition des compétences n'est pas, en conséquence, parfaitement clairepour les services de terrain. Par exemple, des négociations simultanées de plans sociaux avecdeux grandes entreprises ont été menées de manière plus contradictoire que parallèle par ladélégation à l'emploi et les directions départementales de Loire-Atlantique et de Belfort. Lesdifficultés du recouvrement des contributions dues par deux autres employeurs témoignent demême d'une mauvaise articulation des niveaux de l'administration.Le pilotage d'une mesure budgétairement aussi lourde que les ASFNE 560supposerait pourtant une liaison forte entre l'administration centrale et les servicesdéconcentrés. Les ASFNE ne sont pas, pour ces derniers, contingentés dans le cadre d'uneenveloppe budgétaire limitative. Aucun suivi des consommations de crédits de l'espèce n'esteffectué au plan départemental.Même en tenant compte des différences entre les entreprises et les publicsconcernés, certaines divergences constatées entre les pratiques de la délégation à l'emploi etcelles des services déconcentrés s'expliquent mal.L'arrêté fixant les conditions d'adhésion aux conventions d'allocations spécialesne donne aucune précision sur les critères d'utilisation des dérogations d'âge. Les instructionsdu ministère sont longtemps restées muettes sur ce point. Celle du 25 septembre 1987indiquait seulement que les dérogations d'âge (alors à cinquante-cinq ans) devaients'accompagner d'une majoration du taux de contribution de l'entreprise (3 %). A la suite de laréforme des conditions d'âge et de calcul des contributions de l'entreprise, une circulaire du 30décembre 1993 a précisé les cas dans lesquels il était possible d'avoir recours aux dérogationsd'âge (désormais à cinquante-six ans) : "la fermeture d'un établissement ; des opérations delicenciement créant un problème social et d'emploi important compte tenu de l'absence dereclassement, du fait notamment de la situation du bassin d'emploi et des caractéristiques dessalariés ; des plans sociaux exemplaires privilégiant les mesures de maintien dans l'emploi dessalariés afin de réduire au maximum le nombre de licenciements".Un écart important apparaît à cet égard entre conventions départementales etconventions nationales. L'enquête conduite dans dix-huit départements a fait ressortir, surcinq ans, un taux moyen d'adhésions dérogatoires de 20,4 %. Ce taux s'est élevé, par contre, à560ASFNE : Allocation de pré retraite de licenciement, versée par l'Assedicet financée par le budget de l'Etat (impôts), elle assure un revenu jusqu'àla retraite et dispense de recherche d'emploi. Pour en bénéficier, il fautavoir 57 ans minimum (par dérogation, 56 ans et 2 mois), être menacé delicenciement économique, avoir 1 an d'appartenance à l'entreprise et 10 ansd'appartenance à un ou plusieurs régimes de sécurité sociale.508


34,5 % dans les trente conventions nationales que la délégation à l'emploi a négociées etsignées en 1994 (7.186 adhésions dont 2.485 à titre dérogatoire). Il atteint même 48,2 % pourles deux constructeurs automobiles nationaux de 1990 à 1994. Certaines conventions ontaccueilli plus de 70 % des adhésions dérogatoires. Des taux d'adhésion dérogatoires aussiélevé vident la procédure de son caractère exceptionnel. Une majoration de 3 % de lacontribution de l'entreprise en cas de dérogation d'âge peut être appliquée, elle l'est rarement.Elle est en général limitée à 1,5 % ou 2 %.Le taux de contribution des entreprises retenu dans la convention relative auxallocations spéciales en détermine le coût pour elles, et par voie de conséquence pour Étatpuisque la participation UNEDIC demeure identique. Il est le support de la politique, dited'attractivité des ASFNE, décidée en 1987 et décembre 1993, aucune instruction n'a étéadressée aux services déconcentrés pour préciser les règles applicables en la matière. Les tauxfixés dans les conventions départementales sont nettement inférieurs à ceux des conventionsnationales et n'ont pas connu de forte évolution avant la réforme de décembre 1993.L'entreprise X n'a pas connu de coût lié aux ASFNE, quatre salariés avaientplus de cinquante-six ans lors de leur entrée en convention mais sur ces quatre ayant droit una refusé, le deuxième a démissionné, le troisième est resté dans l'entreprise en reclassementinterne et le quatrième n'a rien demandé.S'agissant des allocations temporaires dégressives (ATD) dont la cour acritiqué dès 1989 l'imprécision des bases de liquidation, on constate que les directionsdépartementales du travail les liquident actuellement au vu des pièces produites par lessalariés. Dans un même département les bulletins de salaire intègrent ou non, selonl'entreprise, tout ou partie des primes et rémunération annexes.Le développement des cellules de reclassement n'a pas été accompagné d'unemodulation pertinente des taux de prise en charge par État Les critères fixés par la délégationà l'emploi, à savoir les capacités contributives de l'entreprise, l'état du bassin d'emploiconcerné, les efforts de reclassement externe de l'entreprise et la qualité de la structure ne sontpas respectés. L'imprécision du contenu des actions de reclassement conduit de même à desappréciations très différentes de l'activité des cellules. L'imprécision du contenu des actionsde reclassement conduit de même à des appréciations différentes de l'activité des cellules.Le respect des engagements pris par les entreprises est contrôlé. Cependant ladélégation à l'emploi et les services déconcentrés n'ont pas d'instrument de suivi leurpermettant de rapprocher les sommes recouvrées au cours d'une année sur les entreprises autitre des préretraites du montant qui devait être recouvré au titre de ladite année. Il résulted'une enquête nationale faite en 1995 par la délégation que 2.712 millions restaient àrecouvrer au titre de ces fonds de concours.Une partie importante de ce retard concerne les conventions avec uneentreprise. S'il suffit pour émettre le premier titre afférent à une convention qu'une premièreadhésion de salarié soit enregistrée, l'émission du deuxième titre suppose, en revanche, quesoit connu le nombre définitif d'adhésions, ce qui peut nécessiter un lourd travail administratifen cas de pluralité d'établissements. S'agissant du solde, les retards peuvent même atteindreplusieurs années. Le titre en cause ne peut, en effet, être émis que lorsque la situationindividuelle de chaque salarié adhérent est connue, à savoir le montant exact et la durée deson indemnisation. Pour les conventions concernant plusieurs milliers de salariés, ce travail509


est évidement long et difficile. Alors que la convention Etat-UNEDIC de 1986 stipule que lesASSEDIC transmettent l'état récapitulatif des allocations versées aux salariés adhérents troismois au plus après la date de clôture de la période d'adhésion, toutes les directions du travailinterrogées par la Cour ont fait état de retard dans la réception des documents. Des retardssont également constatés dans la transmission des informations attendues des caisses deretraite, notamment pour les salariés d'origine étrangère.En ce qui concerne le recouvrement de la contribution des entreprises auxpréretraites ou la liquidation des allocations temporaires dégressives, points déjà évoqués parla Cour en 1989, les instructions adressées aux services déconcentrés chargés de gérer lesmesures laissent à craindre un certain manque d'intérêt pour le contrôle des engagementscontractés par les entreprises.Les conventions d'allocation spéciale stipulent que l'entreprise s'engage "àsoumettre ses embauches sous contrat à durée déterminée d'une durée supérieure à trois moisà l'accord préalable de l'autorité administrative compétente", dans tous les établissementsconcernés et "pendant une période s'étendant de l'admission du premier bénéficiaire auxdouze mois suivant la notification du licenciement du dernier bénéficiaire". Une pénalité estprévue en cas d'embauche sans accord.Le contrôle des embauches devrait permettre de s'assurer du bien-fondé del'octroi des aides publiques, l'administration devant s'assurer que les salariés partant ne sontpas remplacés aux mêmes postes. A défaut, un employeur aurait tout loisir de procéder aurajeunissement de ses effectifs, en faisant prendre en compte par la collectivité le départ dessalariés âgés en préretraite. On observera que, sur ce point particulier, le contrôle interne despartenaires sociaux peut être défaillant s'il existe un consensus sur les ASFNE dansl'entreprise, alors qu'il s'exerce avec vigueur pour d'autres aspects du plan social comme lespropositions de mutations ou les aides au reclassement. Il importe donc que l'administrationveille avec une particulière attention au respect des engagements contractuels en cause del'entreprise. L'enquête de la Cour a fait apparaître qu'il n'en est pas ainsi pour de nombreuxdossiers. Les services interrogés soulignent la difficulté de vérifier dans les grandesentreprises que le recrutement ne porte pas sur un poste supprimé dans le cadre d'un plansocial.Dans le secteur automobile, le contrôle se fait au mieux, établissement parétablissement de telle sorte qu'aucune vue d'ensemble de la politique menée par l'entreprise nese dégage. Il est, de surcroît, assuré de manière inégale selon les directions départementales.Celles-ci reçoivent les demandes de l'employeur, et refusent ou accordent l'autorisationd'embauche selon qu'elles estiment que la demande correspond ou non à un poste ayant faitl'objet d'une suppression d'emploi dans le cadre du plan social. Un contrôle sur place del'inspection du travail pourrait permettre de vérifier les informations contenues dans lesdéclarations de mouvements de main-d'œuvre, en les comparant au registre des entrées etsorties du personnel.L'inspection du travail est venue contrôler une fois le bon déroulement du plansocial de l'entreprise X, pourtant le cas de Mme COLINE a été relativement peu vérifié. Cetteancienne salariée de l'entreprise X perd elle aussi son travail lors de la mise en place du plansocial, elle s'inscrit dans des agences d'intérim et recherche activement dans d'autresentreprises avec l'aide de l'Antenne emploi. Son poste, contrôle des entrées de marchandises,est pourtant repris par d'autres salariés intérimaires parce qu'il existe un besoin qui avait été510


mal évalué à l'origine. Malgré qu'elle soit inscrite dans une des agences d'intérim aveclaquelle l'entreprise X travaille pour faire la jonction entre la fin du plan et la mise en place dela nouvelle structure, ce n'est pas Mme COLINE qui travaille de nouveau à ce poste del'entreprise ; étant en convention de conversion, elle doit avant tout rechercher un poste enCDI. Pendant ce temps, l'entreprise X est en pourparler avec l'inspection du travail pourrecréer un poste de contrôle d'entrée des marchandises. Après quelques mois durant lesquelsMme COLINE , pour rester disponible pour l'entreprise X, refuse tous les postes offertsautant par l'Antenne emploi que par l'UTR, l'autorisation de création de poste est donnée,Mme COLINE est réintégrée à l'entreprise. Si l'autorisation n'avait pas été accordée, MmeCOLINE serait arrivée en fin de convention sans rien puisqu'elle voulait absolumentreprendre son ancienne place, l'entreprise X aurait elle aussi perdu son temps à cause d'unemauvais anticipation de départ, mais en attendant cette aventure lui aura coûté les frais dereclassement d'une salariée, ce qui aurait pu être évité puisque pour finir celle-ci retournedans l'entreprise, à son ancien poste.L'administration ne s'est pas organisée pour répondre aux exigences des planssociaux. Leur suivi et leur contrôle existent, au mieux, pour les entreprises qui souhaitentconclurent une nouvelle convention faisant appel au Fonds national de l'emploi. Une tellepratique est tout à fait inadaptée au regard de la notion de plan social, qui ne se résume pas enune addition de conventions du FNE et vise à des actions de reclassement interne et surtoutexterne dont la réalité devrait faire l'objet de contrôles approfondis spécifiques.Les instructions ministérielles font fréquemment référence à la notion de"qualité du plan social". C'est en fonction de celle-ci que l'administration doit arrêter saposition sur les demandes d'aides publiques et sur les taux de contribution des entreprises ;meilleur est le plan, moindre sera la contribution demandée à l'entreprise.L'administration n'a pourtant jamais défini les critères de la qualité des planssociaux. L'entreprise qui supprime des emplois peut essayer d'affecter les salariés concernés àd'autres postes ; elle peut aussi les aider à se reclasser à l'extérieur par des cellules derecherche d'emploi, des aides à la création d'entreprises ou des accords avec les entreprisessous-traitantes ; elle peut également solliciter l'aide de État pour les préretraites ; elle peutenfin procéder à des licenciements dits "secs". Ces différentes solutions n'ont évidement pasle même coût humain et financier et ne requièrent pas le même engagement de l'entreprise. La"qualité du plan social" est la résultante de ces choix, que résume le Code du travail enénonçant que le plan social doit limiter le nombre de licenciements envisagés.Selon les dispositions réglementaires en vigueur, un seul aspect des planssociaux fait l'objet d'une indication quantitative, vague il est vrai : les mesures d'âge,préretraites totales ou progressives, ne doivent concerner qu'une "fraction minoritaire" dusureffectif (circulaire d'octobre 1991. La règle "des trois tiers" est souvent évoquée,notamment dans les correspondances ministérielles : un tiers de reclassements internes, untiers de reclassements externes et un tiers de mesures d'âge.Les indicateurs permettant de mesurer l'efficacité du dispositifd'accompagnement des plans sociaux n'ont pas, en pratique, été mis en place.511


3° Les instruments de suivi des plans sociauxL'information sur les plans sociaux n'a pas, jusqu'à présent, fait l'objet d'untraitement spécifique par le ministère du Travail. Les données recueillies sont fragmentaireset souvent contradictoires. L'UNEDIC et le réseau des ASSEDIC paient ainsi des allocationsaux bénéficiaires de préretraites progressives ou totales et des allocations de conversion.L'ANPE ouvre de même des dossiers individuels pour les bénéficiaires des conventions deconversion. Le ministère organise enfin ses propres évaluations à partir des informationstransmises par les directions départementales du travail. Certaines d'entre elles mettent enoeuvre à cette fin des outils informatiques reliés à la délégation à l'emploi et non à la directionde l'animation, de la recherche, des études et des statistiques 561 . Ainsi, pour les mêmesdispositifs (allocations temporaires dégressives, aides à la mobilité géographique, conventionsde conversion), la DARES et la délégation ne font pas état des mêmes résultats. Les écartsconstatés ont parfois une origine structurelle : Les informations de l'UNEDIC et desASSEDIC qui ont trait à des versements aux salariés, sont décalés dans le temps par rapportaux données en provenance des DDTEFP, qui correspondent à la signature des conventions etportent sur des effectifs potentiels. La délégation à l'emploi n'a pas constitué pour l'ensembledes mesures FNE le fichier d'entreprises dont elle faisait état dans sa réponse à la Cour en1989, "compte tenu de l'ampleur de cette tâche par rapport aux moyens des services".Il n'existe pas au plan national de moyen fiable de distinguer, parmi lesdépenses budgétaires ou les effectifs de bénéficiaires d'aides publiques, les licenciements liésà des plans sociaux. La même impossibilité se retrouve au niveau local où les classements desdossiers sont faits par mesure. L'étude des résultats d'un plan social suppose donc sareconstitution à partir de l'archivage départemental par mesure. De même, aucun chiffrage desaides publiques au titre du FNE par entreprise n'existe, sinon ponctuellement. Dès lors trèspeu de directions du travail ont pu indiquer le montant des crédits publics qu'elles avaientengagés au titre des conventions d'ASFNE ou chiffrer le coût des plans sociaux dont ellesavaient la charge.Il est au total impossible de connaître le coût réel des interventions de l’État autitre de l'accompagnement des plans sociaux. Les bilans établis par les responsables descellules de reclassement ne sont pas toujours précis et exhaustifs. Ils se limitent souvent à desimples listes de salariés indiquant la situation du salarié à la fin de l'existence de la cellule.Les salariés de l'entreprise X sont découragés quand arrivés à la fin des six mois qui leurétaient impartis au titre de la durée de la convention de conversion, ils se retrouvent livrés àeux même sans avoir retrouvé de travail. En effet, il n'est pas rare d'entendre les "laissés pourcompte" dire que si avec les moyens dont nous disposions et la prime à l'embauche promiseaux employeurs potentiels, nous ne nous leur avions rien trouvé de valable, ce n'est pas euxqui maintenant allaient trouver quelque chose. Bien souvent, ces salariés découragés nedonnent plus de nouvelle, et ce bien avant même la fin officielle de l'Antenne emploi. Ceuxqui retrouveront un emploi passé cette période de convention ne nous tiendront pas forcementau courant, le bilan final ne pourra donc pas être précis. La seule certitude que nous ayonsétant pour ceux que nous avons pu suivre jusqu'au bout ; le taux de reclassement del'entreprise X était de 85 % pour le collège employés et ouvriers et encore, cinq salariésavaient disparus avant la fin de la convention.561DARES : Direction de l'Animation, de la Recherche, des Etudes et desStatistiques.512


Des études du ministère conduisent même parfois à mettre en doute la sincéritédes cellules de reclassement : "Les responsables de cellules disent avoir faitsystématiquement faire des bilans et des formations aux techniques de recherche d'emploi, àpresque tous les utilisateurs. Moins de la moitié des bénéficiaires se souviennent en avoirprofité. Au cas par cas, il existe effectivement une cinquantaine de cellules qui annoncent plusde bilans que ce qu'en disent leurs bénéficiaires 562 ".Les résultats présentés sont en outre malaisés à interpréter : tous les résultatspositifs ne sont pas forcement à porter au crédit de la cellule. Dans la grande majorité des cas,les salariés qui sollicitent les services de la cellule adhèrent à une convention de conversion etbénéficient également à ce titre d'actions de formation et de reclassement. A l'inverse, desrésultats négatifs peuvent s'expliquer par des situations particulières : personnes peuqualifiées ou peu disposées à une mobilité géographique, dont le reclassement est difficilesans que la cellule ait démérité.L'entreprise X connaît ces deux types de situation : des salariés trouvent unposte par eux-mêmes souvent après avoir accepté un poste proposé par Antenne emploi, onpeut supposer que c'est parce qu'ils ont repris confiance en eux qu'ils sont ainsi capables demieux se "vendre" à une autre entreprise qui les intéresse plus ; certains salariés, comme MmeDABORD. acceptent de faire plus de cent kilomètres par jour pour aller travailler enattendant de trouver plus près, Antenne emploi a pris fin sans que nous lui ayons trouvé plusprès malgré nos tentatives. D'autres "irréductibles", ceux qui sont restés sans solutionfinalisée au bout des six mois refusaient systématiquement toute proposition dépassant dixkilomètres de chez eux ou la moindre baisse de salaire malgré le complément de salaireassuré par l'entreprise X puis par les ASSEDIC ensuite.Pour Frédéric BRUGGEMAN, économiste et coauteur et coordonnateur dutravail réalisé sur les plans sociaux ayant accompagné la fermeture de l'usine Chausson deCreil, les plans sociaux ont peu de résultats positifs en termes de retour à l'emploi pourplusieurs raisons :La reconversion est un exercice difficile, que les plans sociaux organisent généralementau plus mal.Ils ne sont qu'un empilement de mesures et de moyens non coordonnés, élaborés par lesdirections d'entreprise pour rendre acceptable le départ des salariés.S'ajoute une absence de coordination des moyens et des acteurs : l'entreprise qui licencie,l'ANPE, éventuellement les sociétés de reconversion, l'État, les collectivités locales. Toutle monde travaille de son côté, chacun dans sa logique, sans tenir compte des projets desautres. Les salariés sont alors isolés et ballottés d'une structure à une autre.Face à cela, les syndicats sont souvent démunis et n'imaginent pas avoir de réels moyensd'intervention. De plus, dans la culture syndicale française, les syndicalistes sont là pouréviter les licenciements. Participer à la reconversion revient presque à capituler.L'exemple Chausson a montré qu'il est possible de reclasser 95 % des salariésdans de vrais emplois, en CDI. Dans le cas de Chausson, il y a eu la réunion de conditionsexceptionnelles. Les syndicats ont été à l'origine d'une dynamique, bien relayée par562Les actions de développement et de reconversion industriels menées parle secrétariat à l'industrie (suite à la communication de la Cour descomptes relative aux en application de l'article 58-2 de la loi organiquedu 1er août 2001 relative aux lois de finances), Séance du mardi 6 mai 2003au sénat sous la présidence de M. Jean ARTHUIS.513


l'intervention de l'État. Résultat, ce qui n'aurait dû être qu'un plan social de plus s'esttransformé en véritable plan de reconversion. Mais pour obtenir ce résultat, les Chausson ontdû avoir recours à la violence, comme d'autres cet été. Ce qui en dit long sur l'inadaptationdes pratiques actuelles en matière de reconversion.Pour mettre en place un plan de reconversion efficace, il est très important dene pas laisser partir les salariés dans la «nature». Il faut que les licenciements soientindemnisés, mais il faut combattre le «chèque valise», ces primes d'un an de salaire ou plusque l'on donne aux salariés pour qu'ils s'en aillent définitivement. Il faut au contraire retarderla rupture du contrat de travail à la fin de la période de reconversion. Les congés deconversion (mais pas les conventions) permettent cela. Les personnes chargées dureclassement doivent être de vrais professionnels, soumis à des obligations de résultat. Lesoffres doivent être des contrats durables, en CDI, qui correspondent à l'âge et auxcompétences des gens. Pour cela, il faut définir un véritable cahier des charges entre tous lesintervenants. Chacun sait quels objectifs tenir, aussi bien en termes de reclassement que de réindustrialisation.Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, ils doivent notamment intervenir dansla partie ré industrialisation. S'ils ne pilotent pas la régénération économique des territoires,personne ne le fera. Dans le cas de Chausson, ils ont aussi joué un rôle de médiateur et decoordinateur auquel il faut réfléchir. La commission de pilotage était présidée par un hautfonctionnaire du ministère de l'Industrie. Tous les mois, les progrès étaient mesurés et desréajustements pouvaient être faits.Le coût global unitaire d'un plan de reconversion réussi est le même que le coûtunitaire global d'un plan qui laisse 50 % des intéressés sur le carreau. Ce qui coûte cher, cesont les mesures d'âge coûtent cher, faire partir les gens à 50 ans revient à 106870 €(700 000 F) par personne. Et il n'y a pas que l'aspect financier. Un plan social raté coûte ausside la souffrance, du désespoir et des galères.4° Observations généralesDepuis le rapport de la Cour de 1989, le contexte économique et juridiques, lesorientations de la politique publique et les mesures d'accompagnement social mises en oeuvredans les entreprises ont fortement évolué. En particulier, la situation économique et sociales'est dégradée, la montée du chômage rendant de plus en plus difficile le reclassement dessalariés licenciés. Même dans les phases d'amélioration de la conjoncture économique, laconcurrence internationale et la mutation des systèmes de production ont entraîné deslicenciements économiques à un niveau structurel qui n'a jamais été inférieur sur la périodeobservée à 400.000 licenciements par an.Le contexte juridique a également évolué. Prenant acte de la suppression del'autorisation administrative de licenciement, le juge a renforcé son contrôle sur leslicenciements économiques : sur le motif économique à partir des contentieux individuelsdevant les prud'hommes, et sur les mesures de reclassement sur la base de contentieuxcollectifs depuis la loi de 1993. La lourdeur de la sanction en cas d'annulation du plan social acontraint les entreprises à une amélioration de leurs plans sociaux et à une concertationapprofondie sur les mesures de reclassement. La définition large du motif économique ainsique l'impossibilité pour l'administration de porter une appréciation sur la légitimité deslicenciements constituent une limite forte au pouvoir d'appréciation de l'administration dans514


l'accompagnement des licenciements. Quand la situation des salariés est en jeu, notammentdans un contexte de chômage élevé, il est difficile de refuser les mesures socialesd'accompagnement de licenciements pour motif économique.Les orientations de la politique publique ont également profondément évolué.La contrainte budgétaire s'est accrue et la nécessité de maîtriser les dépenses publiques n'a pasépargné les politiques sociales malgré la dégradation de la situation de l'emploi. La prise encompte des évolutions démographiques a également participé de l'évolution des politiquessociales. Le vieillissement de la population qui menace l'équilibre des régimes de retraites aentraîné, à la suite du Livre blanc sur les retraites en 1991, une réforme, mise en oeuvre en1993, allongeant le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une pension à tauxplein et modifiant son mode de calcul. La nécessité d'allonger la vie active a entraînéparallèlement la réforme des régimes de préretraites gérés par État et le régime d'assurancechômage. Parallèlement, la montée du chômage et la difficulté accrue du reclassement externeont conduit à développer les mesures visant à éviter les licenciements, notamment par laréduction du temps de travail.Il convient de tenir compte de ce contexte général dans l'appréciation portéesur la mise en oeuvre des dispositifs de prévention et d'accompagnement des restructurations,laquelle, en tout état de cause, ne pourra jamais relever d'une logique strictement quantitative.La forte sensibilité sociale de ces sujets impose de les aborder à la fois avec rigueur etpragmatisme.Une concentration de l'intervention de État dans les restructurations posantdifficultés en matière d'emploi s'explique par le fait que certains secteurs connaissent desrestructurations particulièrement profondes. Aussi l’État est-il amené à intervenir plusspécialement sur les entreprises relevant de ces secteurs et singulièrement sur quelquesgrandes entreprises qui sont amenées à supprimer chaque année un nombre importantd'emplois. Les limites juridiques et économiques de l'intervention de l'administration del'emploi contribuent aussi à expliquer cette concentration.La vocation originelle du FNE était d'ailleurs ciblée sur les régions ou lessecteurs en difficulté, avant que ces difficultés économiques ne se diffusent dans l'ensemblede l'économie du territoire. L'approche conventionnelle a pour objectif de responsabiliserdavantage les entreprises en exigeant des contreparties : effort prioritaire de reclassementinterne, mise à disposition de moyen efficaces de reclassement externes, préservation del'emploi des plus vulnérables et notamment des salariés de plus de 50 ans, effort de réindustrialisation.La loi ne donne pas à l'administration le pouvoir de porter une appréciation surl'aspect économique de restructurations effectuées par les entreprises. La négociation entrel'administration et les entreprises ne peuvent donc qu'être limitée à l'élaboration des mesuresd'accompagnement des réductions d'effectifs envisagées. Les conventions du FNE permettentd'atténuer les conséquences sociales de ces suppressions d'emplois en limitant le nombre delicenciements, en garantissant un statut acceptable à des salariés âgés et en renforçant lesoutils de reconversion et de reclassement des salariés dont le licenciement n'aura pu être évité.L'ouverture des marchés et les exigences de compétitivité qui pèsent sur lesentreprises les conduisent à adapter en permanence leurs outils de production. C'est dans cecontexte qu'il convient d'apprécier l'intervention du FNE dans les plans sociaux qu'elles ont515


été amenées à mettre en oeuvre. Il n'est guère surprenant que les entreprises les plus exposéesà la concurrence mondiale, appartenant en particulier au secteur industriel, soientmajoritairement celles dont les salariés ont davantage bénéficié des ASFNE (sidérurgie,automobile, industrie chimique, aéronautique...).La concentration des aides publiques au profit d'un nombre restreintd'entreprises ne saurait donc être analysée comme le résultat d'un choix ou d'une priorité quiaurait été accordée à tel ou tel secteur, mais le reflet d'une situation économique et de laconcentration des difficultés sociales rencontrées par les entreprises de ces mêmes secteurs. Ilconvient de souligner l'évolution des bénéficiaires des interventions du Fonds national del'emploi : pour les préretraites ASFNE, la part du secteur industriel est en régression mêmes'il représente encore un peu plus de la moitié des flux d'entrées 1995.Par ailleurs le développement des incitations générales à l'aménagement et à laréduction du temps de travail permet aujourd'hui de sortir de l'alternative licenciementcessationanticipée d'activité. L'accroissement des marges de flexibilité interne que cesdispositifs donnent aux entreprises ne peut que contribuer à l'atténuation des phénomènes deconcentration de mesures d'âge. Il faut d'ailleurs souligner la réduction sensible des fluxd'entrées dans les dispositifs de préretraites depuis 1993, qui témoigne de la volonté despouvoirs publics de maîtriser durablement les politiques de préretraites totales.L'inflexion très nette de la politique d'accompagnement des restructurationsvers une maîtrise des mesures d'âges et un développement des mesures de reclassementinterne a commencé au début de la période d'étude de la Cour (circulaire de 1992 sur lessalariés âgés), mais n'a pu véritablement entrer dans les faits qu'avec la réforme desdispositifs : réforme des préretraites en 1993 (renchérissement et recul de l'âge),développement des dispositifs juridiques et financiers facilitant l'aménagement et la réductiondu temps de travail depuis la loi quinquennale (modulation, temps partiel, temps réduitindemnisé de longue durée, puis loi du 11 juin 1996).Même si l'appréciation statistique est difficile, car les conventions du FNEvisent le reclassement de l'ensemble des salariés licenciés pour motif économique quelles quesoient la taille de l'entreprise et l'ampleur des licenciements et non les seules entreprisesassujetties à l'obligation de plan social, la comparaison de années 1990 à 1995 est édifiante etmontre que les orientations se sont traduites dans les faits.516


Tableau 14 : Comparaison des entrées en FNE de 1990 à 1997.1990 19951997(estimationdes entrées àpartir de latendance dupremiersemestre)Mesuresd'âgePréretraitesASFNE30.512 23.683 23.000temps detravailPRPdéfensivesTempspartiel210 6 500 7.000407 9.746 9.200TRILD* 4.869Voletdéfensif de199686.000* Le dispositif du TRILD 563 , bien que figurant au Code du travail, n'est plusactuellement en vigueur. En effet, la Convention financière conclue entre État et l'UNEDICpermettant le fonctionnement effectif de ce dispositif d'indemnisation a expiré le 31 décembre1995 et n'a pas à ce jour été renouvelée. Cette absence de reconduction de la Convention apour principale conséquence de rendre de fait impossible tout recours au TRILD par lesentreprises. Mis en place par la loi quinquennale sur l'emploi du 21 décembre 1993, cedispositif permettait d'indemniser les salariés dont l'horaire de travail était réduit du fait d'unebaisse collective et prolongée d'activité dans l'entreprise. Destinée à éviter ou à limiter lenombre des licenciements économiques dus à cette baisse d'activité, le TRILD était undispositif distinct du chômage partiel, il pouvait être mis en place à titre préventif ou intégréaux mesures d'un plan social.Les dispositifs relatifs à la réduction du temps de travail ont été utilisésconformément à leur vocation initiale. Les mesures d'aides au passage à temps partiel etdésormais à la réduction collective du temps de travail touchent toutes les catégories desalariés menacés de licenciement. Les mesures de préretraites progressives (PRP) sont dansleur majorité utilisées conformément à leur vocation originelle, jusqu'à l'âge de départ enretraite. Selon les statistiques de l'UNEDIC, le premier motif de sortie du dispositif est bien laliquidation d'une pension de retraite et les basculements en ASFNE recensés (qui sontréglementairement possible) seraient de l'ordre de 250 en 1996.Il est exact que, dans certains plans sociaux massifs dans les entrepriseshabituées à des cessations très précoces d'activité, la PRP a pu être utilisée comme un moyend'introduire de nouvelles modalités de gestion des fins de carrières, sans toutefois que lessalariés atteignent l'âge de la retraite au travail. Les basculements de PRP en ASFNE563TRILD : Temps réduit Indemnisé de Longue Durée.517


constatés en 1994 et 1995 ont notamment permis de gérer la transition avec le nouveaurégime de préretraites. Sans cette souplesse, le recul de l'âge d'entrée en ASFNE auraitprobablement suscité des difficultés susceptibles de remettre en cause la réforme. Pour autantils n'ont jamais constitué une pratique systématique, mais une modalité réglementaire prévueet concrétisée à l'occasion de plans sociaux ultérieurs.Cette situation, qui constitue une amélioration incontestable par rapport auxmodes de gestion antérieurs, doit être distinguée des "portages" en congés de conversion quiont pu permettre dans des plans sociaux d'une exceptionnelle gravité, après décisionministérielle, d'anticiper l'âge d'entrée en ASFNE. Le nombre très réduit des congés deconversion qui ne relèvent pas de plans sectoriels montre bien qu'il s'agit d'une pratiqueextrêmement rare, limitée à quelques centaines par an. De plus les limites réglementaires àl'intervention financière du FNE ont toujours été respectées, malgré les pressions liées à lasensibilité des dossiers : prise en charge pendant 10 mois au maximum avec un taux definancement limité à 50 %.Il est exact de dire, en se référant à l'examen spécifique du secteur automobile,que, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un plan social, le recours aux ASFNE constituel'enjeu principal des négociations entre les entreprises et l'administration et doit permettred'obtenir l'amélioration des autres mesures d'accompagnement et notamment de celles quipermettent d'éviter ou de limiter le nombre des licenciements. Il est bien clair que les mesuresde reclassement interne font naturellement et obligatoirement partie intégrante d'un plansocial, même si leur comptabilisation peut relever de pratiques différenciées sous le contrôledu juge.A ce sujet, certaines remarques complémentaires peuvent être faites:On ne peut pas considérer que les aides aux solutions internes ont une placepeu significative dans les plans sociaux des deux constructeurs français, et on constate mêmeune sensible augmentation de la part des mesures internes, au fil des années. Ainsi chez l'undes constructeurs, cette part ne représentait qu'un peu plus de 10 % des mesures du plansocial sur la période 1984-1989, puis de l'ordre de 20 % en 1992 et de 30 % en 1994.Il faut également indiquer qu'en prenant en compte les mesures de reclassementinterne, partie du plan social, et à ce titre comptabilisées comme traitement du sureffectifconformément à la jurisprudence, la part du sureffectif total traité par las ASFNE estinférieure aux pourcentages cités par le rapport.La part relative des dérogations d'âge, parmi l'ensemble des ASFNE, estégalement inférieure au chiffre cité, si l'on isole le cas spécifique de la fermeture d'un site deprès de 4.000 personnes par l'un des constructeurs. Cela conduit à des taux de 36,1 %d'ASFNE dérogatoires chez l'un des constructeurs et de 38,9 % chez l'autre (au lieu de 48,3 %globalement tel qu'indiqué dans le rapport).En tout état de cause, ces divers pourcentages ne constituent qu'une moyennepar entreprise et le rapport relève, par ailleurs, que le taux de couverture du sureffectif pris encharge au titre des ASFNE varie du simple au double selon les établissements ; cette variationest logique car elle correspond aux difficulté d'ampleur différente que rencontrent lesdifférentes usines d'une même entreprise. De la même manière, le fait que dans certains cas,des départs en ASFNE puissent concerner l'intégralité de la classe d'âge des ouvriers d'un518


établissement traduit l'importance du sureffectif et les limites objectives des potentiels del'usine en question.Il est également possible qu'une entreprise, dont le rapport souligne que leseffectifs ouvriers ont été réduits de 24,4 % en quatre ans, procède parallèlement à desembauches dans des catégories non concernées par le plan social telles que les cadres etcertains métiers de techniciens.Le mécanisme des départs en ASFNE dits "de solidarité" correspond à unmouvement de mutation interne, qui permet d'éviter le licenciement d'un salarié dont le posteest directement supprimé ; en lui attribuant un poste occupé par un salarié ayant l'âge de lapréretraite. Ce dispositif a été notamment utilisé lors de la fermeture d'un site automobile deprès de 4.000 personnes, soit un nombre particulièrement élevé de postes supprimés en unseul lieu. Tous les mouvements se sont réalisés, par définition dans un cas de fermeture desite, au profit de salariés dont le poste était définitivement supprimé et ont été réservés, enpriorité, aux salariés âgés de plus de cinquante ans ou ayant des charges de famille trèsimportantes. Il faut noter que la fermeture de cette usine s'est réalisé, socialement, de manièreexemplaire, et il ne peut qu'apparaître normal que les conventions du FNE aient contribué auxsolutions apportées, en particulier aux salariés les plus âgés. Il faut également soulignerqu'aucun dispositif autre que les conventions du FNE de droit commun n'a été utilisé àl'occasion de cette fermeture de site.De manière plus générale, ces quelques précisions ne font que confirmer qu'ilne peut exister de ratios universels définissant un plan social, mais qu'au contraire, commel'indiquent clairement les circulaires sur les plans sociaux, il ne saurait y avoir de plan socialtype imposé, celui-ci "doit être adapté aux situations concrètes propres à chaque entreprise età chaque opération de licenciement et se garder de toute approche systématique".5 ° Les mesures d'âgeLes aides à la sortie de l'entreprise, notamment par mesures d'âge, restent à unniveau important par rapport aux aides au maintien dans l'entreprise. Certains dispositifs ont,de surcroît, été détournés de leur objet.D’après le Ministère du travail et de la solidarité, environ 126 000 personnesont bénéficié d’un des dispositifs d'accompagnement des restructurations en 1999 lors dereclassement accompagnant une restructuration.Ce résultat, en diminution de 3,4 % par rapport à 1998, est conforté par labaisse de 5,6 % du nombre de plans sociaux et de 9 % des inscriptions à l'ANPE suite à unlicenciement économique, et confirme l'amélioration du marché du travail déjà observéel'année précédente. Avec 100 000 adhérents, les conventions de conversion demeurent lamesure la plus souvent mise en oeuvre. L'ensemble des secteurs économiques a recours à cesdispositifs d'accompagnement. L'industrie les sollicite massivement, et en particulier lessecteurs industriels des biens de consommation et des biens intermédiaires. Cependant lesservices, et tout particulièrement le commerce, sont concernés par les conventions d'aide aupassage à temps partiel. L'âge moyen des nouveaux bénéficiaires tend à s'élever tout commela part des femmes parmi les adhérents aux dispositifs. Ces mesures sont principalementutilisées par les entreprises de taille moyenne, à l'exception de l'aide au passage à tempspartiel, à laquelle ont surtout recours les très petites entreprises.519


Les dispositions législatives et réglementaires relatives aux ASFNE donnent lafaculté au ministre chargé de l'Emploi ainsi qu'aux préfets de conclure des conventionsd'ASFNE en faveur de salariés licenciés pour motif économique et déclarés non susceptiblesde reclassement.Cette mesure a un objectif de traitement social des restructurations et permet àl’État d'intervenir pour traiter soit les licenciements de grandes ampleur, soit ceux desentreprises en difficulté, en particulier à la suite de mise en redressement ou liquidationjudiciaire, en négociant, par ce moyen, l'ensemble du contenu du plan social. Un revenu deremplacement est assuré au bénéficiaire qui se voit offrir un statut stable dans le temps,puisque le dispositif existe depuis 1963 même si l'âge d'accès et les conditions de revenu ontévolué.En l'absence de convention de préretraite, les salariés bénéficient d'une prise encharge par le régime d'assurance chômage. Ce dernier indemnise les salariés âgés de manièreplus favorable que les salariés plus jeunes. Ainsi les salariés de plus de cinquante-cinq ansayant généralement des références antérieures d'activité assez longues perçoivent desallocations de chômage pendant soixante ou quarante-cinq mois. Ils peuvent obtenir lemaintien de leurs droits à indemnisation, sans dégressivité jusqu'à l'âge de la retraite dès lorsqu'ils atteignent un âge fixé par le règlement d'assurance chômage (cet âge est aujourd'hui enpratique de cinquante-sept ans et trois mois). Ces règles, particulières aux salariés âgés,instaurent une sorte de préretraite gérée par le régime d'assurance chômage qui est d'accèsautomatique dès lors que les allocataires remplissent les conditions de durée d'affiliation, derupture involontaire du contrat de travail et d'âge. Cette indemnisation pèse fortement sur lesfinances du régime (près de 22 % des dépenses en 1995) alors même que cette tranchereprésentait 11 % des indemnisés pour cette même année.Dans un contexte d'importantes difficultés financières rencontrées par lerégime d'assurance chômage, il a été décidé en 1987, soit peu après la suppression del'autorisation administrative de licenciement, d'encourager la prise en charge par État d'unepartie des salariés licenciés pour motif économique dans le cadre des ASFNE. Parallèlement,la contribution supplémentaire dite contribution " DELALANDE " due par les employeurslicenciant pour motif économique les salariés de plus de cinquante-cinq ans et plus a étéinstituée. Cette contribution, affectée au régime d'assurance chômage, avait pour objet dedissuader le licenciement dans ces tranches d'âge, d'apporter des ressources complémentairesmais également de renforcer l'attractivité des ASFNE afin de peser davantage sur les contenusdes plans sociaux. Les entreprises signataires d'une convention d'ASFNE étaient ainsiexonérées du paiement de la contribution "DELALANDE".A partir de 1991, les entreprises ont été incitées à recourir aux mesures d'âge.A la mi-1992, la contribution " DELALANDE " a été doublée et élargie à toute rupture d'uncontrat de travail d'un salarié de cinquante ans et plus. Cette réforme avait un but préventif(éviter les licenciements à partir de cinquante ans, parce qu'ils sont source de chômage delongue durée) et dissuasif (renchérissement du licenciement, notamment après cinquante-cinqans). Cette politique désincitatrice, retardée par la conjoncture difficile de 1992 à 1993, a étéparachevée, à la fin de 1993, par la réforme des ASFNE relevant l'âge d'accès et les taux decontribution des entreprises. Le montant de cette contribution varie en fonction de l'âge dusalarié et de l'effectif de l'entreprise (moins de 50 salariés ou 50 salariés et plus). En cas delicenciement, les conditions d'assujettissement à la contribution, notamment quant à l'âge du520


salarié, s'apprécient à la date de la notification du licenciement et non à celle de la fin dupréavis 564 .Pour vérifier si le seuil de 50 salariés est atteint, il y a lieu de prendre encompte l'effectif salarié de l'entreprise au sens du régime d'assurance chômage, c'est-à-direl'ensemble des salariés titulaires d'un contrat de travail que la législation du travail n'exclutpas de l'effectif.Sont donc exclus :Les salariés titulaires de CES, CEC, contrat d'insertion en alternance, contrat d'apprentissageet contrat initiative emploi ;Les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un congé de conversion etceux percevant une allocation de chômage partiel résultant d'une suspension totale d'activité ;Les salariés à temps partiel sont pris en compte au prorata de leur temps detravail par rapport à la durée légale de travail ou la durée normale de travail del'établissement.Tableau 15 : Barème de la contribution DELALANDE 565 en fonction del'effectif.Montant de lacontribution(exprimé en mois desalaire brut)Age du salarié à la date de la fin du contratde travail50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 ou +Barème 50 salariés et + 2 3 5 6 8 10 12 12 10 8Barème - de 50 salariés 1 1 2 2 4 5 6 6 6 6En cas de licenciement pour motif économique avec acceptation d'uneconvention d'allocation spéciale FNE, la contribution n’est pas due, ainsi que lors de lapremière rupture depuis 12 mois concernant un salarié âgé d'au moins 50 ans dans uneentreprise de moins de 20 salariés ; ni lorsque la rupture du contrat de travail est intervenueaprès le 23 août 2003 pour un salarié qui était, lors de son embauche, âgé de plus de 50 ans etinscrit depuis plus de trois mois comme demandeur d'emploi, lorsque cette embauche estintervenue entre le 10 juin 1992 et le 27 mai 2003. C’est aussi le cas lorsque la rupture ducontrat de travail est intervenue après le 23 août 2003 pour un salarié qui était, lors de sonembauche, âgé de plus de 45 ans, lorsque cette embauche est intervenue à partir du 28 mai 2003que le salarié soit inscrit ou non au chômage.la contribution est due, en revanche, même en cas d'adhésion du salarié à uneconvention de conversion, ou en cas de refus du salarié d'adhérer à une convention depréretraite ASFNE (Allocation Spéciale du Fonds National pour l'Emploi).L'ASSEDIC procède à l'appel de la contribution DELALANDE dès que le salariéa déposé sa demande d'allocations d'assurance chômage. Cette contribution est exigible dans les15 jours de la date d'envoi de l'avis de versement par l'ASSEDIC (ou par le GARP en régionparisienne).564Cassation Sociale, 26 janvier 1999, n° 97-13, P 886.565Instauréé depuis 1987, chiffres de L’INSEE.521


La contribution DELALANDE échappe aux cotisations de Sécurité Sociale et àla taxe sur les salaires. Par ailleurs, elle est déductible en matière d'impôt sur les bénéfices.Cette logique d'intervention explique les positions différentes de l'administrationdans la prise en charge des salariés au titre des ASFNE, en fonction de la période pendantlaquelle sont intervenus les licenciements. Cette sélectivité ne porte pas forcement préjudiceaux salariés âgés en raison de la priorité donnée au reclassement interne des salariés relevant deces tranches d'âge, le reclassement externe pouvant difficilement être envisagé. Les salariés sontdans la plupart des grandes entreprises maintenus dans leur emploi. Aussi l'inégalité detraitement en fonction de la date d'accès aux mesures d'âge paraît difficilement pouvoir êtreinvoquée, les disparités réelles portant davantage sur les différences de statut et de traitementsocial des restructurations entre les grandes et les petites entreprises.Parallèlement à la réforme des retraites (allongement progressif sur dix ans detrente-sept ans et demi à quarante ans de la durée nécessaire à l'octroi du taux plein), lerégime d'assurance chômage décidait également en 1994 de relever d'un trimestre par an l'âgeauquel les salariés peuvent obtenir le maintien de leur droit à indemnisation à taux plein.Cette politique de maîtrise a porté ses fruits puisqu'en 1995 et 1996 le recours aux mesuresd'âge (ASFNE plus indemnisation RAC 566 ) atteignait son plus bas niveau depuis 1990 alorsmême que la situation économique était moins favorable (respectivement 84.700 et 89.500salariés indemnisés par le RAC et en ASFNE).Concernant les dérogations d'âge qui seraient accordées de manière plusimportante par la délégation à l'emploi, il convient de souligner que les licenciements qu'elleest amenée à traiter concernent bien souvent des opérations de grande ampleur ou desfermetures de site dans des secteurs qui ont été confrontés à des restructurations successives.Il est donc nécessaire de recourir aux dérogations d'âge pour des raisons objectives.En outre, il convient de remarquer qu'il est tiré la conclusion d'un écart entreconventions nationales et départementales à partir de la comparaison faite par la Cour entre lepourcentage de dérogations relevé sur cinq ans dans dix-huit départements et celui relevé surla seule année "1994" au plans national. Or il s'agit là, d'une comparaison entre élémentshétérogènes alors que l'année 1994 est précisément celle du relèvement de l'âge d'entrée enASFNE, suite à une conjoncture économique très difficile en 1993 et à un niveau très élevé delicenciements économiques ce qui a conduit mécaniquement, à une augmentation instantanéedes entrées "dérogatoires".S'agissant des taux de contribution financière pratiqués par les DDTEFP etrestés longtemps stables par rapport aux taux en hausse pratiqués par la délégation àl'emploi, l'administration centrale n'a pas souhaité donner d'instructions de relèvementcompte tenu du fait que les entreprises traitées par les services déconcentrés sontgénéralement des PME dont les moyens financiers sont peu importants. Ce n'est quelorsqu'un relèvement général a été décidé que les instructions en ce sens ont été données en1993.Concernant la majoration de la contribution des entreprises pour les entréesavec dérogation d'âge, s'il est exact que concernant l'entreprise automobile mentionnée par laCour, les taux retenus à la suite d'arbitrages interministériels n'ont pas dans tous les caspermis d'assurer un différentiel de 3 %, cette constatation ne peut être généralisée. En effet, il566RAC : Régime d’Assurance Chômage.522


convient de noter que ce différentiel s'est bien élevé à trois points au moins, comme leprévoient les instructions, pour près de quatre conventions sur cinq conclues au plan nationalpendant la période étudiée par la Cour.L'administration a successivement encouragé puis freiné le recours auxpréretraites. Il en est résulté des inégalités entre les salariés en fonction de la date des planssociaux qui les ont concernés. Afin de limiter le nombre de salariés licenciés, l'entreprise peutfaire appel au Fonds National de l'Emploi (FNE). Il s'agit d'un dispositif financier favorisantle reclassement ou la reconversion des salariés touchés par un licenciement pour motiféconomique. Les conventions FNE, conclues entre l'Etat et les entreprises, ont pour vocationde maintenir et développer l'emploi, d'éviter les licenciements ou bien de faciliter le départdes salariés âgés (préretraite progressive ou totale).La convention de préretraite progressive (PRP) a pour but de conserver lessalariés expérimentés et compétents en évitant les licenciements économiques. Vient encontrepartie d'une réduction du nombre des salariés licenciés, le passage à mi-temps des plusde 55 ans. Le salarié perçoit une allocation de l'Etat qui vient s'ajouter aux heures effectuéeschez l'employeur et qui permet de compenser le mi-temps non travaillé.Pour cela, le salarié doit accepter la transformation de son emploi (avenant aucontrat), être âgé de plus de 55 ans, avoir au moins un an d'ancienneté à temps complet dansl'entreprise, s'il a plus de 60 ans, ne pas avoir droit à une retraite à taux plein, avoir appartenuau moins 10 ans à un ou plusieurs régimes de sécurité sociale au titre d'emplois salariés, êtrephysiquement apte à exercer un emploi, s'assurer que son employeur a conclu une conventionde préretraite progressive avec l'Etat.La convention de préretraite totale FNE permet la cessation totale d'activité desalariés âgés de 57 ans ne pouvant bénéficier d'un reclassement (exceptionnellement 56 ans).Le salarié perçoit dans le cadre de cette préretraite une allocation spéciale (ASFNE) du FondsNational de l'Emploi.Les salariés concernés sont ceux qui ont 57 ans minimum (exceptionnellement56 ans) menacés de licenciement économique, 1 an d'appartenance à l'entreprise et 10 ansd'appartenance à un ou plusieurs régimes de sécurité sociale. Si l'entreprise désire proposercette mesure à ses salariés, elle doit alors conclure avec l'Etat une convention spécifique.Ensuite elle pourra proposer aux salariés concernés d'adhérer à celle-ci. La participationfinancière de l'entreprise est fixée par la DDTEFP.Les ASFNE sont liquidées sur la base du salaire de référence revalorisé desallocataires, compte tenu de la durée de leur prise en charge. L'intéressé reçoit 65 % de sonsalaire dans la limite du plafond, et 50 % pour la part de salaire supérieure au plafond. Enprincipe, l'UNEDIC prend en charge 8 % de ce coût, les entreprises et les salariés entre 6 et8 % selon le taux défini par la convention, et État la différence, soit entre 49 et 51 %. Lacontribution de l'UNEDIC à été inférieure à ce taux de 1990 à 1992 et même supprimée en1993.Au début de la période examinée, à la suite de l'accord avec les partenairessociaux du 28 juillet 1987, l'objectif était d'accroître le recours aux ASFNE afin de freiner lesentrées des salariés âgés en chômage indemnisé, et d'alléger ainsi les charges du régimeconventionnel d'assurance chômage. A cette fin, d'une part le taux de contribution des523


entreprises aux préretraites avait été abaissé, cette baisse étant compensée en théorie par uneparticipation de l'UNEDIC, et d'autre part, les durées de travail requises pour bénéficier dudispositif avaient été réduites de quinze à dix ans. Parallèlement, la loi du 10 juillet 1987instaurait une contribution particulière de l'employeur en cas de licenciement direct du salariéde cinquante-cinq ans à cinquante-neuf ans pris en charge par l'assurance chômage.De 1987 à 1993, les entrées au chômage indemnisé de salariés de cinquantecinqà cinquante-neuf ans ont encore été nettement supérieures aux entrées en préretraite. Enjanvier 1994, les entrées en ASFNE représentaient par contre 57,9 % des salariés de cettetranche d'âge ayant fait l'objet d'un licenciement économique.Le choix a été alors fait d'une politique différente : relèvement d'un an de l'âged'accès aux préretraites en décembre 1993, augmentation de la contribution financière desentreprises aux préretraites. La délégation à l'emploi l'a expliqué "par deux facteursessentiels : la croissance du coût budgétaire et du coût pour les régimes sociaux du dispositif,qui a contraint État à chercher des solutions alternatives, le rééquilibrage des plans sociaux enfaveur d'autres mesures et notamment de mesures alternatives aux licenciements".En 1995, les entrées en ASFNE étaient retombées à 28 % du total deslicenciements économique de salariés âgés tandis que les entées en chômage indemniséatteignaient 72 %. Le recours aux préretraites progressives ne soulage les deux dispositifs quedans une certaine mesure.Comme l'examen spécifique du secteur automobile le confirme, le recours auxASFNE constitue l'enjeu principal des négociations entre les entreprises et l'administrationrelatives aux plans sociaux, son ampleur n'étant pas un solde résultant de l'épuisement desautres mesures de reclassement. Tandis que l'administration négocie pour une année donnée,en focalisant son attention sur le niveau d'ASFNE, les entreprises visent un rajeunissementdurable de leurs effectifs, qu'elles réduisent. Un plan social étant, par définition, composéd'éléments hétérogènes, certains de ceux-ci peuvent contribuer à faire baisser le pourcentagedu sureffectif traité par mesure d'âge, les autres dispositions du plan social constituant unenjeu des négociations moins important.Les départs dits "de solidarité" occupent une place particulière dans lesconventions d'ASFNE. Selon ce mécanisme, un salarié dont le licenciement n'était pasenvisagé est autorisé à partir en préretraite et est alors remplacé par un salarié dont le poste estsupprimé, en général dans un autre établissement. En 1990, deux mutations en provenance dusite en cours de fermeture étaient exigées pour chaque départ en solidarité. Un tel effort dereclassement interne n'est plus imposé aux entreprises aujourd'hui : le ration a été ramené à undépart en solidarité contre une mutation, sans qu'il soit établi que les deux conditionsantérieures acquises étaient satisfaites, à savoir la suppression du poste du bénéficiaire dumouvement et le fait que l'intéressé n'était pas reclassable ailleurs dans l'entreprise.Le recours aux PRP est de plus en plus fréquent. Le nombre des salariés pris encharge à ce titre par l'UNEDIC est ainsi passé de 3.610 en 1990 à 26.858 en 1995 à la suite dela réforme introduite par la loi du 31 décembre 1992, qui a supprimé la clause de maintien deseffectifs et fusionné les allocations spéciales mi-temps et les contrats de solidarité depréretraites progressives. Ces évaluations tiennent compte, il est vrai, d'entreprisesdépourvues de plan social.524


L'enquête de la Cour a fait apparaître que les salariés, habitués à considérer laPRP comme un sas d'entrée en ASFNE, ne s'y dirigent qu'à la condition de se voir garantirleur accès ultérieur à la préretraite totale. Au surplus, le recul de l'âge d'entrée en ASFNE àpartir de 1994 ne s'est pas accompagné d'un recul de l'âge d'entrée en PRP, qui a été maintenuà cinquante-cinq ans. Ce décalage permet de partir dès cinquante-cinq ans en préretraiteprogressive, soit un an avant l'âge dérogatoire d'entrée en allocation spéciale. Dès lors, 8 %seulement des conventions de PRP conclues en 1995 organisaient le travail du préretraité surplus d'un an.Depuis 1994, État a décidé de réduire l'accès aux ASFNE mais apporte sonconcours à des retraits anticipés d'activité au titre de congés de conversion ou de préretraitesprogressives qui "portent" les salariés adhérents jusqu'à l'entrée en préretraite totale.a) Organisé par un décret du 22 août 1995, les congés de conversion permettentà des salariés menacés par des suppressions d'emplois de bénéficier d'actions destinées àfavoriser leur reclassement. Leurs contrats de travail sont, à cet effet, temporairementsuspendus. Le congé de conversion a, en fait, été rapidement assimilé à un congé de fin decarrière. Cessant d'être une mesure de reclassement, il est bientôt devenu une méthode de"portage" vers la cessation d'activité. On note ainsi, durant la période, une nette augmentationdes congés à la fin de portage dans certains secteurs professionnels. Constituant dès lors unegrande part des congés payés donnant lieu à un versement d'allocations du Fonds national del'emploi (1.015 entrées sur 1.846 en 1995), ils représentent la principale mesure de planssociaux très largement dérogatoire.b) Le recours à la PRP de "portage" a été constaté pour toutes les entreprisesexaminées au niveau national (constructeur automobile, construction aéronautique,informatique). Presque toutes les directions départementales interrogées au cours de l'enquêteont signalé des cas analogue de basculement des PRP vers les ASFNE. Le développement detelles procédures de "portage" pose la question de la cohérence de la politique de l’Étattendant à réduire la place des mesures d'âge dans les plans sociaux.Instaurée en 1987, la contribution DELALANDE est une taxe qui vise àdissuader les entreprises de licencier des travailleurs de plus de 50 ans. Un tel dispositif peutnéanmoins avoir des effets pervers. Il peut inciter, en particulier, les entreprises à éviterl’embauche de travailleurs âgés, afin de ne pas risquer d’être redevables ultérieurement decette taxe. Les différents effets sur les embauches et les licenciements sont évalués iciempiriquement, en tirant parti des nombreuses modifications que le dispositif a connues.L’effet de restriction des embauches de travailleurs âgés est étudié à partir d’un changement,intervenu en 1992, qui exonère du dispositif les travailleurs recrutés après 50 ans.Conformément aux prédictions théoriques, on observe alors une amélioration des chances deretour à l’emploi des chômeurs de plus de 50 ans par rapport aux chômeurs de moins de 50ans. Cette évolution ne semble pas due à d’autres changements concomitants, commel’introduction de contrats aidés ciblés particulièrement sur les chômeurs de plus de 50 ans.L’effet sur les licenciements est, en revanche, plus faible, ou du moins difficile à mettre enévidence : les décisions de licenciement des entreprises seraient peu sensibles aux fortesvariations du barème de la contribution DELALANDE 567 .567Etude de L’ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N°372, 2004 de Luc BEHAGHEL quiappartient à l’Université de Marne-la-Vallée, au Centre d’études del’emploi et au Crest-Insee (laboratoire de microéconométrie). Bruno CREPONqui appartient au département de la recherche du Crest-Insee. Au moment de525


Depuis le milieu des années 1970, les départs anticipés des salariés de plus de55 ans ont été encouragés par de nombreux dispositifs institutionnels : régime d’allocationspéciale du Fonds National de l’Emploi 568 , contrats de solidarité préretraite démission,dispense de recherche d’emploi notamment. Si, à partir du milieu des années 1980, lesconditions d’accès aux préretraites financées par l’État ont été durcies (suppression descontrats de solidarité en 1983, remontée de l’âge minimal d’entrée en préretraite,augmentation de la participation financière des entreprises aux préretraites AS-FNE), denouveaux dispositifs conventionnels comme l’allocation de remplacement pour l’emploi 569ont partiellement pris le relais. Parallèlement aux mesures favorisant les retraits d’activité,plusieurs dispositifs ont cherché à favoriser le retour ou le maintien dans l’emploi desquinquagénaires. Des contrats aidés tels que le contrat de retour à l’emploi (de 1989 à 1995)ou le contrat initiative emploi (à partir de 1995) visent ainsi à améliorer les perspectives deretour à l’emploi dans le secteur marchand en allégeant sensiblement le coût du travail. Cescontrats sont particulièrement ciblés sur des publics dits « prioritaires » qui incluent leschômeurs de plus de 50 ans. D’autres dispositifs visent à protéger l’emploi des salariés en finde carrière. En juillet 1987 est ainsi créée la transition vers le chômage des salariés de plus de55 ans en accroissant leur coût de licenciement. Cette mesure a connu plusieurs modificationsdepuis 1987 : élargissement des conditions d’âge ; suppression du champ de la mesure decertaines catégories de salariés ; augmentation des pénalités encourues par les entreprises. Ausein du système français de protection de l’emploi, la contribution DELALANDE occupe uneplace spécifique. Il s’agit, en effet, du seul dispositif instaurant une taxe sur les licenciementsdont le produit 570 sert au financement de l’assurance chômage 571 . L’effet de la contributionDELALANDE sur l’emploi des salariés âgés est toutefois largement débattu. Pour sespartisans, ce dispositif permet de responsabiliser les entreprises en « internalisant » le coûtsocial des licenciements et réduit, de ce fait, les sorties de l’emploi des salariés âgés. Pour sesdétracteurs, un renchérissement du coût de licenciement des salariés âgés peut avoir des effetspervers : anticipant un surcoût en cas de licenciement, les entreprises seraient moins incitées àembaucher les salariés susceptibles d’entrer rapidement dans la tranche d’âge concernée par lamesure. On trouve ainsi en tête du rapport de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Parisconsacré à la contribution DELALANDE une prise de position particulièrement négative :«(...) il n’est pas établi qu’elle [la contribution DELALANDE] ait permis d’enrayerl’augmentation du chômage des plus de 50 ans. Au contraire, en privilégiant une logique desanction, elle a constitué un véritable frein à l’emploi et a participé à la mise à l’écart decette population : craignant une forte pénalisation, les entreprises se sont abstenues enmajorité de recruter des chômeurs – notamment ceux âgés de 45 à 50 ans ».Ce débat renvoie à l’ambiguïté théorique des effets des coûts de licenciementsur l’emploi. Conformément à l’objectif poursuivi, la protection de l’emploi a pour effet deréduire les licenciements (en augmentant leur coût). Mais elle a aussi pour effet de réduire lesembauches, puisque les entreprises prennent en compte la hausse moyenne du coût du travailliée aux coûts de licenciement. L’effet net sur l’emploi reste théoriquement indéterminé.Plusieurs approches empiriques se sont développées pour lever cette ambiguïté théorique. Lala rédaction de cet article, Béatrice SEDILLOT était chef de la divisionRedistribution et politiques sociales de l‘Insee.568FNE : Fonds National de l’Emploi.569ARPE : Allocation de Remplacement Pour l’Emploi.570270 millions d’euros par an, en moyenne, entre 1993 et 1999.571BLANCHARD, O. et TIRO<strong>LE</strong>, J., Protection de l’emploi et procédures delicenciement, Rapport du Conseil d’Analyse Economique n°44, 2003.526


première, à l’instar de MORTENSEN et PISSARIDES 572 en 1999, consiste à étalonner et àsimuler les deux effets sur les licenciements et sur les embauches dans un modèle aveccréation et destruction endogènes d’emplois, de façon à caractériser les effets de la protectionde l’emploi dans un contexte précis. Cette approche fait ressortir combien l’effet net surl’emploi est sensible au dispositif de protection de l’emploi considéré 573 ; à la population surlaquelle la protection s’exerce 574 ; à l’interaction avec d’autres dispositifs institutionnels (parexemple, le Smic). Ces trois points montrent bien comment une étude spécifique de lacontribution DELALANDE est utile, dans la mesure où le dispositif, original, cible un publicparticulier, les plus de 50 ans, déjà concerné par de nombreuses autres mesures. La deuxièmeapproche empirique s’appuie sur des comparaisons internationales menées par NICKELL 575 ,en 1997 et par l’OCDE en 1999. Elle confirme l’absence de lien tranché entre niveau deprotection de l’emploi et chômage. En revanche, elle met en évidence un impact négatif de laprotection de l’emploi sur la mobilité de la main-d’oeuvre et fait apparaître un effet négatifsur la participation au marché du travail. La troisième approche empirique tire parti dechangements législatifs dans la protection de l’emploi, comme aux Etats-Unis avecANDERSON et MEYER 576 en 2000, pour évaluer leur impact. L’analyse de la contributionDELALANDE menée ici s’inscrit dans cette troisième approche. La démarche vise à mesurerl’ampleur des effets sur les licenciements et sur les embauches, afin d’estimer lequel peutl’emporter dans l’effet net sur l’emploi, en s’appuyant sur les sources de variation offertes parle dispositif. Isoler l’effet spécifique d’un dispositif comme la contribution DELALANDEprésente néanmoins de nombreuses difficultés. Cela suppose, en effet, de pouvoir éliminer leseffets des cycles conjoncturels et de dispositifs concomitants de la politique de l’emploi.L’objectif suivi ici n’est donc pas d’évaluer globalement l’effet de la contributionDELALANDE sur l’emploi, mais d’analyser séparément les différents effets du dispositif entirant parti d’évolutions ponctuelles du cadre législatif. La réforme de 1992 estparticulièrement propice à l’analyse : elle exclut du champ de la mesure une partie de lapopulation précédemment concernée (les salariés embauchés après 50 ans). En comparant lestaux de retour à l’emploi, avant et après 1992, des chômeurs de moins de 50 ans et de plus de50 ans, on peut identifier de façon simple l’effet de la contribution DELALANDE sur lesembauches. Les résultats mettent en évidence une amélioration du taux de retour à l’emploides chômeurs de plus de 50 ans par rapport à ceux de moins de 50 ans, qui peut s’expliquerpar la mesure d’exonération dont les premiers bénéficient à partir de 1992. On s’efforce decontrôler l’effet concomitant d’autres facteurs, en particulier l’introduction des contrats deretour à l’emploi ciblés, notamment à partir de 1990, sur les chômeurs de plus de 50 ans.572MORTENSEN D.T. et PISSARIDES C.A., Unemployment Responses to “Skill-Biased" Technology Shocks: The Role of Labour Market Policy, EconomicJournal, vol. 109, Issue 455, pp. 242-265, 1999.573En particulier, lorsque la protection de l’emploi permet de réduire lecoût du travail en finançant l’assurance chômage, selon le modèle américaind’expérience rating (modulation des cotisations chômage patronales enfonction des licenciements effectués), l’effet négatif sur les embauches setrouve fortement atténué (CAHUC et MALHERBET, 2004). Ce point estintéressant dans la mesure où le produit de la contribution DELALANDE estaffecté au financement de l’Unedic, ce qui rapproche cette taxe du systèmede l’expérience rating.574La protection de l’emploi bénéficie ainsi davantage aux plus qualifiés,et de façon générale aux insiders déjà bien insérés dans le marché dutravail (cf. MORTENSEN et PISSARIDES, 1999).575NICKELL S., Unemployment and Labor Market Rigidities: Europe versusNorth America, Journal of Economic Perspectives, n° 11, pp. 55-74, 1997.576ANDERSON, P. et MEYER, B., The Effects of the Unemployment InsurancePayroll Tax on Wages, Employment, Claims and Denials, Journal of publicEconomics, Vol. 78, N°1-2, PP 81-106.527


L’effet de restriction des embauches subsiste lorsqu’on prend en compte ces contrats aidés.Faute peut-être d’un changement aussi propice à l’analyse que la réforme de 1992, l’existenced’effets sur les licenciements est plus délicate à mettre en évidence. Certains résultats fontapparaître une réduction limitée des licenciements de travailleurs protégés. Mais ces résultatssont peu robustes à des changements mineurs dans la méthode d’inférence utilisée. Plusieursétudes ont déjà examiné l’effet de la contribution DELALANDE sur les décisionsd’embauches et de licenciement avec BOMMIER, MAGNAC et ROGER 577 etBEHAGHEL 578 en 2003 : les résultats obtenus ici ne remettent pas sensiblement en cause lesdiagnostics déjà disponibles, à la différence notable près qu’ils mettent beaucoup plusnettement en évidence la prise en compte par les entreprises des coûts de licenciement dansleurs décisions d’embauche. Créée en 1987, la contribution DELALANDE vise à freiner leslicenciements des salariés âgés en obligeant l’entreprise à verser à l’assurance chômage(UNEDIC) une cotisation égale à trois mois de salaire brut pour tout licenciementéconomique d’un salarié en CDI du secteur marchand de 55 ans ou plus 579 . À partir de 1989,le versement de la contribution DELALANDE est étendu à toutes les ruptures du contrat detravail ouvrant droit au bénéfice de l’allocation de base du régime d’assurance chômage. En1992, le dispositif est élargi. Les conditions d’âge sont abaissées, la contribution s’appliquantdésormais au licenciement de salariés de 50 ans et plus. Le dispositif de 1992 introduit unespécificité importante : le public concerné est réduit aux salariés embauchés avant 50 ans 580 .Enfin, le montant de la contribution est modulé en fonction de l’âge auquel se produit lelicenciement. Pendant une courte période de six mois, la contribution est également moduléeen fonction de la taille de l’entreprise (plus ou moins de 20 salariés). La modulation enfonction de la taille est rapidement supprimée 581 et ne sera réintroduite qu’à partir du 1erjanvier 1999. À cette date, en effet, le montant de la contribution s’accroît significativementpour les entreprises de plus de 50 salariés. En juillet 1999, le champ de la contributionDELALANDE est étendu aux conventions de conversion 582 . Enfin, la loi d’août 2003 portantréforme des retraites étend l’exonération de contribution DELALANDE à tout salariéembauché après 45 ans.Il est utile de comparer les coûts institués par la contribution DELALANDEaux coûts de licenciement légaux usuels 583 . Ces derniers étant fonction de l’ancienneté dansl’entreprise, on a calculé des coûts moyens en tenant compte des distributions des anciennetésdes salariés en France, mesurées à partir de l’enquête Emploi. Pour un salarié représentatif, enCDI et ayant plus de 50 ans (avant 1992) ou plus de 55 ans (après 1992), les coûts légaux577BOMMIER A., MAGNAC T. et ROGER M, Le marché du travail à l’approche dela retraite entre 1982 et 1999, évolutions et évaluations, Revue françaised’économie, vol. XVIII, n° 1, pp. 23-82, 2003.578BEHAGHEL, L., La protection de l’emploi des travailleurs âgés enFrance : une étude de la contribution DELALANDE, mimeo, Crest, 2003.579Il est important de noter qu’à la différence des indemnités légales delicenciement, versées aux salariés, la contribution DELALANDE est versée àl’Unedic. Il ne s’agit donc pas d’un simple transfert entre employeur etemployé (qui pourrait être compensé par ailleurs), mais bien d’une taxe surles licenciements.580Plus précisément, sont exonérés de la taxe les travailleurs qui avaientplus de 50 ans et étaient au chômage depuis plus de trois mois au moment deleur embauche.581Décret 93-85 du 20 janvier 1993.582En revanche, ne sont pas concernés par la contribution les passages enpréretraite AS-FNE.583Jusqu’en mai 2002, l’indemnité légale était de 1/10e de mois de salairepar année d’ancienneté, auquel se rajoute 1/15e de mois au-delà de 10 ansd’ancienneté.528


usuels et le coût de la contribution DELALANDE s’additionnent 584 . Dès le dispositif de 1992,les coûts DELALANDE dépassent largement, pour certains âges, le montant des coûts delicenciement légaux. C’est encore plus net à partir de 1999 585 . En accroissant le coût delicenciement des quinquagénaires, la contribution DELALANDE incite les entreprises à éviterle recours aux licenciements pour ces travailleurs. C’est l’effet visé, qu’on qualifie souventd’effet de rétention. Mais à ce premier effet favorable s’ajoutent deux effets défavorables àl’emploi, liés à l’anticipation par les entreprises du surcoût lié à la taxe. En premier lieu,l’entreprise qui emploie un travailleur approchant de l’âge où il sera protégé par la taxe peutvouloir précipiter son licenciement, afin d’éviter le paiement ultérieur de la contribution. Onparle d’effet de seuil d’entrée dans le dispositif. Avant 1992, on s’attend ainsi à un pic delicenciements avant 55 ans ce qui permettrait aux entreprises d’éviter de payer trois mois desalaires bruts si le licenciement intervient après 55 ans. Après 1992, le barème de lacontribution est plus progressif, précisément pour éviter de tels effets de seuil. On s’attendnéanmoins à ce que les licenciements soient plus fréquents, toutes choses égales par ailleurs,aux âges qui précèdent une hausse de la taxe, et moins fréquents aux âges qui précèdent unebaisse. À partir d’un modèle théorique simple on montre que l’ampleur de l’effet de rétentiondépend du niveau de la taxe à un âge donné, tandis que l’ampleur de l’effet de seuil dépend duprofil de la taxe à cet âge.8))En second lieu, l’entreprise placée face à une décision d’embauche anticipeque si un événement défavorable ultérieur la conduit à licencier son salarié et si ce salarié aalors l’âge protégé, elle devra payer la contribution DELALANDE. Ce surcoût anticipé laconduit donc, toutes choses égales par ailleurs, à privilégier l’embauche de travailleurs plusjeunes, qui ne seront pas concernés dans l’immédiat par la taxe, au détriment des travailleursplus âgés, protégés ou en passe de l’être. On peut donc parler d’effet de restriction desembauches de travailleurs âgés. En résumé, les effets de la contribution DELALANDE surl’emploi des travailleurs âgés sont contradictoires. L’effet sur les licenciements est double :un effet de rétention, favorable, et un effet de seuil d’entrée, défavorable aux âges où lebarème de la taxe se durcit. L’effet de restriction des embauches est, lui, défavorable auxtravailleurs âgés éligibles ou en voie d’être éligibles à la taxe. L’effet théorique net surl’emploi est ambigu, comme c’est le cas généralement pour la protection de l’emploi.L’analyse empirique qui suit permet partiellement d’éclairer cet effet net, en mettant enévidence séparément l’effet sur les embauches et les effets sur les licenciements. Dans lamesure où c’est l’effet qui se prête le mieux à l’analyse (et bien que ce ne soit pas l’effet visépar le dispositif), on commence par l’effet de restriction des embauches. L’analyse de l’effetde restriction des embauches repose uniquement sur l’étude ponctuelle d’un changementintervenu en 1992. La réforme de 1992 introduit, en effet, une discontinuité propice àl’analyse 586 : à partir de cette date, les chômeurs de plus de 50 ans qui retrouvent un emploi584Certains coûts ne sont pas pris en compte dans ce calcul, en particulierceux qui sont négociés au niveau des branches. Cela explique que les coûtstotaux obtenus sont sensiblement inférieurs à ceux effectivement pratiquéspar les entreprises et mis en évidence, pour l’année 1992, par ABOWD etKRAMARZ (2003) : cinq à sept mois de salaire moyen.585Après 1999, le coût de la contribution DELALANDE dépend de la taille del’entreprise. On a donc fait figurer un coût moyen tenant compte de ladistribution des tailles d’entreprises.586Le principe d’analyse relève d’une pratique bien connue en matièred’évaluation sous le nom de « regression discontinuity » avec HAHN, J., VANDER KLAUW, W., et TODD, P., Identification and Estimation of TreatmentEffects with a Regression-Discontinuity Design, Econometrica, vol. 69, n°1, pp. 201-209, 2001 et BATISTTIN, E. et ETTORE, E., Another Look at theRegression Discontinuity Design, Cemmap Working Paper, N° 0103, 2003.529


(après au moins trois mois de chômage) ne sont pas concernés par la contributionDELALANDE, ce qui signifie que l’employeur n’aura pas à payer la contribution s’il estconduit à les licencier par la suite. En revanche, une entreprise embauchant un salarié de 49ans devra payer la contribution si elle souhaite se séparer dans le futur du salarié. Le dispositifde 1992 introduit ainsi une discontinuité dans le traitement des travailleurs selon qu’ils ontplus ou moins de 50 ans. On s’attend donc à ce que la probabilité d’embauche d’un chômeurde moins de 50 ans diminue, après 1992, par rapport à celle d’un chômeur de plus de 50 ans.Pour tester cette prédiction, une première approche consisterait à comparer simplement lestaux de retour à l’emploi des individus ayant juste plus de 50 ans et ceux ayant juste moins de50 ans après instauration du dispositif, c’est à dire après 1992. En théorie, il faudrait prendreune plage d’âges très étroite de part et d’autre de 50 ans de telle sorte que l’on disposed’individus en moyenne identiques, si ce n’est que certains sont concernés par le dispositif etd’autres non. En pratique, on est conduit à élargir la fenêtre pour obtenir des échantillonssuffisants 587 . Pour évaluer la robustesse des estimations, on considère différentes « fenêtres »entourant l’âge de 50 ans. On compare d’abord les salariés âgés de 48 ans révolus avec lessalariés âgés de 50 ans en t ; ils peuvent donc atteindre respectivement 49 ans et 51 ans en t +1. On la note donc comme la fenêtre des 48-51 ans. Il s’agit là de la fenêtre la plus étroite quel’on puisse considérer ; elle ne comprend que peu d’individus, à peine une centaine parenquête. On retient également une fenêtre moyenne consistant à comparer les salariés âgés de46 à 48 ans révolus avec ceux âgés de 50 à 52 ans (fenêtre des 46-53 ans). Enfin on considèreune fenêtre large comparant les salariés âgés de 44 à 48 ans avec ceux âgés de 50 à 54 ans(fenêtre des 44-55 ans). Ces fenêtres couvrent donc des plages d’âge de 1, 3 ou 5 ans de partet d’autre de 50 ans. Le nombre d’individus considérés est bien sûr croissant avec la taille dela fenêtre : peu élevé pour la fenêtre étroite, il devient assez important pour la fenêtre large.La précision des résultats est croissante avec la taille de la fenêtre. A contrario,plus la fenêtre est large, moins la comparaison est fiable. Dans le cas de la fenêtre large, parexemple, il peut y avoir jusqu’à dix ans d’écart entre un individu traité et non traité. Denombreuses autres caractéristiques que le fait d’être concerné par le dispositif peuvent alorsentrer en ligne de compte pour expliquer les décisions d’embauche. On ne dispose pas decritère général pour guider cet arbitrage, fréquent en matière d’évaluation, entre comparabilité(des groupes) et précision statistique (au sein de chaque groupe). Les résultats seront doncprésentés pour les différentes fenêtres ; pour alléger le commentaire, on se focalise sur lafenêtre intermédiaire (46-53 ans) qui constitue un compromis entre précision et comparabilité.On s’efforce parallèlement de limiter les problèmes de comparabilité de deux façons. Enpremier lieu, on effectue les comparaisons en différence de différence, ce qui signifie que l’oncompare la différence entre taux de retour à l’emploi des salariés de plus et moins de 50 ansaprès le dispositif de 1992 avec cette même différence avant 1992. Cette opération a pour butde retirer de l’effet mesuré par la simple différence précédente des différences permanentesentre les deux groupes d’individus. En second lieu, on tient compte de l’existence de587La fréquence des enquêtes Emploi étant annuelle, il n’est pas possiblede dater exactement les retours à l’emploi. En particulier, les individusayant 49 ans révolus en mars de l’année t et qui retrouvent (ou non) unemploi avant mars t + 1 peuvent l’avoir retrouvé à 49 ans ou à 50 ans. Onrésout ce problème en mettant de côté ces individus : on considère commeayant moins de 50 ans les individus ayant moins de 49 ans en mars del’année t, et comme ayant plus de 50 ans les individus ayant plus de 50 ansà cette date. Une méthode alternative consiste à dater précisément lestransitions au mois près en s’appuyant sur le calendrier mensueld’activité, renseigné de façon rétrospective par les personnes enquêtées àpartir de 1990. Les résultats sont très compatibles avec ceux obtenus avecles transitions annuelles, mais moins précisément estimés.530


différences dans la distribution des caractéristiques observées des individus, corrélées avecl’âge et susceptibles d’agir sur le retour à l’emploi. Parmi ces caractéristiques, on introduit lesecteur d’activité et la catégorie socioprofessionnelle de l’emploi précédent, la région, la taillede la commune, la situation familiale (nombre d’enfants) ainsi que le diplôme. Cescaractéristiques sont contrôlées par régression, pour les hommes et les femmes, les tauxannuels de retour à l’emploi en CDI, bruts et nets (c’est-à-dire sans procédure de contrôle desdifférences de caractéristiques observées), pour les périodes correspondant aux dispositifsDELALANDE successifs. De façon générale, le taux de retour à l’emploi en CDI deshommes salariés âgés de moins de 50 ans était plus élevé avant l’extension de 1992. Cela estvrai pour la période 1983-1986 où n’existait aucun dispositif DELALANDE. C’est encorevrai pour la période 1987-1992 pour laquelle un dispositif DELALANDE existait mais neconcernait pas directement les salariés âgés de 45 à 54 ans. Ces grandeurs fluctuentsensiblement avec la période considérée. Cette différence s’atténue, voire disparaît après1992, c’est-à-dire lorsque les salariés de moins de 50 ans deviennent directement concernéspar le dispositif. Ce résultat est particulièrement marqué pour la fenêtre de 46-53 ans, où ladifférence des taux de retour à l’emploi, forte initialement, disparaît totalement après 1992. Ilsemble vérifié, dans une moindre mesure, pour la fenêtre la plus large. En revanche, lesévolutions sont plus erratiques pour la fenêtre la plus étroite. Le résultat ne dépend pas nonplus fortement du fait de considérer des taux nets ou bruts. Cela signifie que même s’il existedes différences entre individus susceptibles de rendre compte de différences de taux de sortiedu chômage, la distribution de ces caractéristiques est relativement stable entre les plus et lesmoins de 50 ans et entre les périodes. En résumé, le taux de retour à l’emploi des chômeurs deplus de 50 ans s’améliore, après 1992, par rapport à celui des chômeurs de moins de 50 ans :ce résultat est conforme à la prédiction d’un effet de restriction des embauches, qui disparaîtpour les chômeurs de plus de 50 ans en 1992 puisque ceux ci sont alors exonérés de la taxe 588 .Les évolutions sont plus difficilement interprétables pour les taux de retour en emploi en CDIdes chômeuses de plus et de moins de 50 ans. Antérieurement au dispositif, le taux de retour àl’emploi en CDI des moins de 50 ans est généralement plus élevé. L’écart se réduitlégèrement après l’introduction du dispositif de 1992, mais celui-ci se creuse de nouveaufortement sur la période 1999-2001. Avant 1992, le taux de retour à l’emploi des moins de 50ans est généralement plus élevé que celui des plus de 50 ans (différence de 5,4 points pour lafenêtre 46-53 ans). Les écarts-types sont beaucoup plus importants que pour les estimationsdes taux eux-mêmes, ce qui provient du fait que, pour les taux bruts, les estimateurs sontindépendants et qu’en conséquence la variance de leur différence est la somme des variances.L’imprécision est très sensible pour la fenêtre étroite si bien que la différence entre les tauxn’est pas statistiquement significative. Dans les échantillons plus larges (pour les deux autresfenêtres), un écart positif et significatif apparaît entre les taux de retour à l’emploi des plus etmoins de 50 ans, avant 1992. Ce résultat n’est pas totalement satisfaisant pour l’analyse dans588Il faut remarquer néanmoins que les résultats indiquent qu’il y avaitdéjà, antérieurement au dispositif de 1992, des différences dans les tauxde retour à l’emploi en CDI des plus et des moins de 50 ans. La dégradationdes chances de retrouver un emploi pour les chômeurs de plus de 50 ansapparaît nettement dès les années 1970 dans l’enquête Emploi (cf. parexemple FOUGERE, D. et KAMIONKA, T., Un modèle markovien du marché dutravail, Annales d‘Économie et de Statistique, N° 27, pp. 149-188,1992. quiconstatent que le chômage est un état quasi absorbant pour les travailleursde 56-65 ans). Plusieurs interprétations sont possibles (en particulier laprise en compte de coûts fixes d’embauche et de formation qui ne peuventêtre amortis pour un travailleur en fin de carrière). C’est cettedifférence qui disparaît après 1992. Une situation plus favorable et plusconforme à l’approche «regression discontinuity» aurait nécessité des tauxidentiques au départ, suivis de l’apparition d’une différence après 1992.531


la mesure où le choix des fenêtres d’observation était motivé par le fait que les deuxcatégories d’individus devaient être très proches. Les différences de taux de retour à l’emplois’inversent ou s’atténuent après 1992, et restent plus sensibles au choix de la fenêtre.On peut comparer la façon dont les écarts de taux de retour à l’emploi des pluset des moins de 50 ans ont évolué entre les périodes antérieure et postérieure à 1992. Lafenêtre de 46-53 ans est un bon compromis entre taille et comparabilité des échantillons.Selon cet estimateur, le taux relatif de retour à l’emploi se serait dégradé pour les moins de 50ans de 6,1 points (6,3 points après contrôle des effets de structure). Cet effet eststatistiquement différent de zéro, et il est d’une ampleur conséquente. Néanmoins, l’effetn’apparaît pas sur une petite fenêtre d’âge, peu être en raison d’échantillons trop petits (lesécarts-types sont plus élevés), et semble atténué et à la limite de la significativité si onconsidère la fenêtre d’âges élargie 589 . Les taux de retour à l’emploi des femmes sont plusfaibles, plus homogènes et plus stables que celui des hommes. Les écarts entre catégoriesd’âge avant ou après sont en général faibles et le plus souvent non significatifs. Lesdifférences de différences ne révèlent pas non plus d’évolution marquante dans ces écarts.L’analyse précédente porte sur une période longue utilisant des informationsallant de 1983 à 2002. Cela permet de disposer d’échantillons suffisants. Cette longue périodea aussi l’avantage de couvrir, de part et d’autre de la date charnière de 1992, deux cyclesd’activité complets comprenant chacun une phase de ralentissement et une phase d’expansion.C’est la meilleure façon que l’on ait de limiter l’impact éventuel de la conjoncture sur lesrésultats. Le choix d’une phase particulière du cycle affecterait en effet les résultats si lademande de travail par âge (plus ou moins de 50 ans) dépendait intrinsèquement de laconjoncture, c’est-à-dire si l’une des deux catégories de travail s’ajustait plus facilement quel’autre aux fluctuations de l’activité. Il n’en reste pas moins intéressant de vérifier lasensibilité des résultats à ce choix : sont-ils modifiés par la prise en compte d’une période «avant réforme » plus courte, et apparaissent ils rapidement après 1992 ? Pour aborder cettequestion, on réplique le modèle statistique précédent en faisant évoluer la durée de la périoded’observation après basculement. La période postérieure à la réforme de 1992 peut ainsis’étendre sur 1992, 1992-1993, (...), 1992-2001. Le paramètre d’intérêt demeure le même :l’estimateur de la double différence (net des effets de composition). Il s’interprète toujourscomme la dégradation relative du retour à l’emploi des moins de 50 ans. On introduitégalement des variables indicatrices annuelles. On examine deux variantes de cette régression.L’une utilise toutes les informations antérieures, c’est-à-dire depuis 1983, l’autre les seulesinformations postérieures à 1987. C’est pour les hommes de la classe d’âge intermédiaire (46-53 ans) que le changement le plus net apparaît sur longue période. Lorsque l’on considère lapériode « avant réforme » 1983-1991, l’effet est très sensible : les écarts-types sont divisés parpresque trois. Par ailleurs, l’effet mesuré n’est pas constant. Les coefficients progressent endébut de période et l’effet est d’ampleur maximale et statistiquement significatif en 1995. Lacontribution DELALANDE n’a pas été la seule mesure de politique de l’emploi introduite surla période et s’appliquant de façon différenciée aux travailleurs de plus et moins de 50 ans.Parmi les autres mesures figurent les contrats de retour à l’emploi, les CRE 590 , introduits en1989 et réellement développés à partir de 1990 et les contrats initiative emploi, les CIE, 591589Ces résultats sont robustes au choix de la forme fonctionnelle. Avec desspécifications de type logit ou probit, les ordres de grandeur varientsensiblement mais cela est lié à des interprétations différentes desparamètres.590CRE : Contrats de Retour à l’Emploi.591CIE : Contrats Initiative Emploi.532


prenant la suite des CRE en 1995. Dès 1990 et à l’exception d’une courte période au débutdes CIE (juillet 1995-septembre 1996), ces contrats aidés du secteur privé ciblentparticulièrement les chômeurs de plus de 50 ans, en offrant des aides telles que desexonérations de charges patronales, des aides forfaitaires spécialement attractives. Parailleurs, alors que les CRE sont initialement réservés aux chômeurs de longue durée (plusd’un an de chômage), ils sont étendus en 1992 à tous les chômeurs âgés de plus de 50 ans àpartir de trois mois de chômage. Les CIE conservent le même principe. Cet élargissement dela mesure est concomitant à l’exonération de la contribution DELALANDE pour les plus de50 ans. Ces contrats aidés constituent en effet une part substantielle des retours à l’emploi deschômeurs de plus de 50 ans : il est donc nécessaire de les prendre en compte pour vérifier queles résultats mesurent bien l’effet de la contribution DELALANDE et non l’effet des CRE etdes CIE, on introduit des variables supplémentaires visant à tirer parti des variations desdispositifs CRE et CIE au fil du temps et selon l’ancienneté des chômeurs. Pour cela, onrésume les évolutions des contrats aidés en distinguant deux niveaux d’aides. Un premierniveau comporte principalement une exonération provisoire de charges patronales ;schématiquement, il s’applique aux chômeurs de longue durée de moins de 50 ans ainsiqu’aux chômeurs de courte durée de plus de 50 ans, sauf en 1995 et 1996. Un second niveau,plus généreux, comporte en outre des primes telles que la prime à l’embauche ou la primemensuelle : il s’applique à des publics « cibles », qui recouvrent principalement les chômeursde longue durée au-delà de 50 ans, et les chômeurs de très longue durée (plus de trois ansd’ancienneté dans le chômage). En 1995-1996, à la mise en place des CIE, le deuxièmeniveau d’aide est généralisé à tous. On ajoute donc dans les régressions précédentes desvariables muettes correspondant, sur toute la période, aux conditions d’éligibilité d’unindividu aux deux niveaux de traitement, des indicatrices de période correspondant à deschangements dans les niveaux de traitement : après 1990 pour le traitement fort ; 1990-1994et 1997-2001 pour le traitement faible et des variables résultant de leur interaction (éligibilitéet période d’application). Les coefficients de ces variables croisées capturent un effetspécifique aux périodes d’activation des mesures CRE et CIE afin de ne pas l’attribuer à tort àla contribution DELALANDE. Les premiers résultats présentés ne cachaient donc pas un effetdes contrats aidés 592 . L’effet semble même paradoxalement augmenter. Cependant, cechangement n’est pas statistiquement significatif et il disparaît lorsqu’on étend la populationétudiée pour contrôler l’effet des contrats aidés. Les coefficients des mesures CRE-CIE sontnégatifs (et non positifs comme on l’attendrait d’un dispositif d’incitation à l’embauche), maistrès peu précisément estimés et non significativement différents de zéro.L’analyse de l’effet sur les licenciements ne repose pas, comme celle de l’effetsur les embauches, sur une relation d’exclusion claire trouvant son origine dans la législation(qui excluait du dispositif les demandeurs d’emploi de plus de 50 ans). L’analyse consiste àexaminer si le profil des coûts imposé par le dispositif DELALANDE conduit à unemodification des décisions de licenciement, en tirant parti des fréquents changements de lalégislation. Les périodes 1983-1986 et 1992-1998 sont des années de mauvaise conjoncturealors que les deux autres périodes 1987-1991 et 1999-2001 sont des années de conjoncturefavorable. Pour les âges les moins élevés, les taux de licenciement sont proches au sein despériodes de bonne conjoncture et au sein des périodes de mauvaise conjoncture. On voitégalement l’ampleur du problème que cherche à résoudre le dispositif DELALANDE : le tauxde licenciement progresse fortement à partir de 55 ans. Les taux de licenciement des592Diverses régressions complémentaires ont été entreprises pour vérifierla robustesse de ces résultats : inclusion de variables muettes annuelles,affinement des niveaux de traitement CRE/CIE (variables muettes distinctespar sous-période). Les résultats sont qualitativement inchangés.533


travailleurs les plus âgés sont systématiquement moins élevés à conjoncture identique sur lespériodes les plus récentes qui correspondent aux dispositifs les plus dissuasifs. On observetoutefois le relatif insuccès dans l’absolu des différents dispositifs puisque aucun d’entre euxne permet d’effacer la forte progression du taux de licenciement après 55 ans. Pour approcherl’effet de la contribution DELALANDE sur les licenciements, on explique les taux delicenciement à chaque période comme une fonction de l’âge, de la période et du profil descoûts de licenciement induits par le dispositif DELALANDE. Ce profil de coût est résumé pardeux variables : le niveau du coût à l’âge considéré et sa progression temporelle, c’est-à-dire,à dispositif inchangé, la différence entre le coût de licenciement aujourd’hui et dans un an.Ces deux composantes correspondent aux deux effets attendus sur les licenciements : l’effetde rétention et l’effet de seuil d’entrée. Une fois estimé l’effet de ces deux composantes, il estpossible de calculer l’effet global, à chaque âge, du barème complet. De la même façon queprécédemment, on affine l’analyse en cherchant à contrôler les différences par un ensemble decaractéristiques des salariés : ancienneté, diplôme, rémunération, secteur, catégoriesocioprofessionnelle, etc. On introduit aussi une mesure du coût de licenciementcorrespondant à l’indemnité légale, en fonction de l’ancienneté. Cette indemnité légaleconstitue un minorant du coût de licenciement, celui-ci étant généralement déterminé parl’indemnité conventionnelle sur laquelle on ne dispose malheureusement pas d’informationdans les enquêtes Emploi. Ces diverses variables sont importantes car elles représentent deséléments de l’arbitrage entre le coût du travail et la productivité d’un individu et sont donc desdéterminants essentiels du maintien dans l’entreprise d’un salarié. Le changement de barèmede 1999 introduit une variation selon la taille des entreprises utile pour l’analyse : en effet, lahausse de la contribution ne concerne pas les entreprises de 20 à 49 salariés. Cela permetd’identifier séparément une évolution du profil par âge de licenciement liée à des facteursexternes (productivité, etc.) et se manifestant de part et d’autre de 1999 dans les entreprises de20 à 49 salariés et une évolution due au changement de barème de 1999, ne concernant queles entreprises de plus de 50 salariés. Cependant, deux critiques peuvent être adressées auxhypothèses identificatrices sous jacentes. La première est qu’il est difficile de dissocier l’effetpropre du dispositif DELALANDE des autres politiques ayant cherché à infléchir les fins decarrière. L’ensemble des dispositifs de préretraite a ainsi connu des évolutions marquées aucours de la période : les préretraites ne marquent pas de repli global, mais les formes plusanciennes (AS-FNE) cèdent la place à des préretraites progressives ou à des dispositifsnégociés par les partenaires sociaux (ARPE). Cette évolution des dispositifs de préretraite apu influer sur les autres modes de gestion des fins de carrière et peut-être même sur lescarrières dans leur ensemble : les taux de licenciement par âge ont donc pu être affectés euxaussi. Plus précisément, dans la mesure où le dispositif DELALANDE a été intensifié aumoment où les préretraites AS-FNE marquaient un repli significatif (et avant la mise en placede l’ARPE à partir de 1996), on peut suspecter une sous évaluation de l’efficacité dudispositif. En effet, si un basculement s’est opéré entre les préretraites et les licenciements(facilités pour les plus âgés par le mécanisme de dispense de recherche d’emploi), la baissedes taux de licenciement a été freinée en dépit de l’intensification de la contributionDELALANDE. La deuxième critique qui peut être faite à l’approche retenue ici est d’ignorerles effets de sélectivité. En effet l’analyse consiste à comparer les taux de sortie d’individusles plus proches possibles, les uns étant soumis au dispositif DELALANDE et les autres non.Or, le dispositif DELALANDE est susceptible d’agir sur les sorties mais aussi sur lesconditions d’embauche. Dès lors que les décisions d’embauche et de licenciement fontintervenir des caractéristiques inobservables, la distribution de ces caractéristiques ne peutêtre considérée comme identique d’une période à l’autre. On ne peut dès lors supposer que lescomparaisons de taux moyens de sortie effectuées vont refléter uniquement l’effet dudispositif. Si l’on admet que l’effet du dispositif à l’embauche consiste à sélectionner les534


individus qu’on a le moins de chances de licencier, alors on attribuera à tort au dispositif uneffet de réduction des licenciements. Une façon de prendre en compte cet effet de sélectionconsiste à contrôler par la date d’embauche. On peut ainsi faire intervenir des variablescorrespondant au fait que les individus ont été embauchés avant 1987, entre 1987 et 1992,entre 1992 et 1998 ou après 1998. Néanmoins, une telle tentative réduit considérablement lespossibilités d’identification. On ne peut pas comparer les taux de licenciement à des périodesdifférentes de salariés de même âge (le principe de l’identification), de même ancienneté etembauchés la même année. Sans être aussi extrême, on comprend bien qu’introduire desvariables correspondant à des plages de dates d’embauche va réduire l’identification. Pour leshommes, un effet négatif du niveau de la contribution DELALANDE est notable: c’est l’effetde rétention attendu. L’effet de la progression anticipée de la contribution est positif comme leprédit la théorie, mais n’est jamais significatif : l’effet de seuil d’entrée va dans le sensattendu mais est peu précisément estimé. Ces résultats mettent en évidence que le dispositifDELALANDE exerce un effet dissuasif sur les licenciements (effet de rétention). Ils nemontrent pas, en revanche, que la progressivité du coût ait un effet sensible d’accélération surles licenciements (effet de seuil d’entrée). Il existe un effet de « montée en charge » dudispositif: juste avant l’entrée dans le dispositif, le taux de licenciement augmente du fait desanticipations de coût de licenciement croissant ; on observe alors un taux de licenciement plusélevé en présence du dispositif (à 54 ans entre 1987 et 1991 ; à 49 ans ensuite). Laprogressivité du barème de 1992-1998 pour la tranche d’âge 50-55 ans a aussi pour effet delimiter l’écart entre les taux avec et sans dispositif. Enfin, l’écart entre les deux taux delicenciement prédits avec et sans contribution est limité. Ce n’est, là encore, que pour ledispositif de 1999 que l’on observe des différences importantes du fait de la dégressivité dubarème aux âges élevés. Au total, l’effet de la contribution DELALANDE apparaîtrelativement faible et ne suffit pas, en tout cas, à aplanir le profil croissant avec l’âge deslicenciements. (15)La contribution DELALANDE a été créée en 1987 et a connu, depuis, denombreuses modifications avec une extension de son champ en 1992 et une augmentationconsidérable de son montant en 1999, avant de voir son champ restreint en 2003. Ce type demesure est susceptible d’agir à la fois sur les décisions d’embauche et sur celles delicenciement. L’effet sur les licenciements doit, en outre, être décomposé puisqu’il comportel’effet de rétention (effet visé) mais aussi un effet d’accélération des licenciements (effetd’entrée de seuil, usuel dans ce type de dispositif). L’effet non souhaité d’un dispositif tel quela contribution DELALANDE est de dissuader les embauches, d’autant plus fortement que lespersonnes sont susceptibles d’entrer rapidement dans le champ de la mesure. Il semble bienque c’est ce qu’on observe par l’analyse d’une discontinuité introduite dans le dispositif en1992 : lorsqu’ils sont exonérés de la taxe, les chômeurs de plus de 50 ans voient leurs chancesde retour à l’emploi s’améliorer, ce qui semble attester qu’ils subissaient auparavant un effetde restriction des embauches. D’autres changements institutionnels ciblés sur les plus de 50ans seraient susceptibles d’expliquer une amélioration de leur situation relative, en particulierle développement de contrats aidés du secteur marchand. Les résultats obtenus tendentpourtant à montrer que ces contrats aidés n’expliquent pas le changement observé. Enl’absence d’autres explications, l’analyse de la réforme de 1992 semble donc bien mettre enévidence l’effet de restriction des embauches induit par la contribution DELALANDE. Lesrésultats concernant l’effet sur les licenciements mettent en évidence, pour les hommes, lesdeux effets auxquels on s’attend : d’une part un effet de rétention et d’autre part un effetd’arbitrage inter-temporel (ou effet de seuil d’entrée) pouvant contribuer à accélérer leslicenciements. L’effet de seuil d’entrée apparaît particulièrement important avec le premierdispositif. L’effet de rétention est relativement faible et ne devient notable qu’avec le dernier535


dispositif. Pour les femmes, on ne parvient pas à mettre en évidence d’effets cohérents de lacontribution DELALANDE sur de nombreuses populations. Cette fragilité des résultats inciteà la prudence. En définitive, il semble raisonnable de conclure qu’en dépit du grand nombred’observations dont on dispose, les effets de la contribution DELALANDE sur leslicenciements des travailleurs âgés sont trop faibles pour pouvoir être décelés de façonsatisfaisante ou qu’ils sont du moins impossibles à séparer des effets concomitants d’autrespolitiques en direction des salariés âgés. Ces résultats ne permettent pas une évaluationglobale de l’impact de la contribution DELALANDE sur l’emploi, l’effet de restriction desembauches étant, en particulier, identifié sur un changement ponctuel et spécifique dudispositif. Néanmoins, ils suggèrent une assez forte sensibilité des décisions d’embauche auxcoûts de licenciement futurs anticipés, et une moindre sensibilité des décisions delicenciement. Ce résultat serait compatible avec l’hypothèse que les entreprises françaisesréalisent l’essentiel de leurs ajustements de main-d’oeuvre par les embauches et n’utilisent leslicenciements que lorsqu’elles ont épuisé les autres modes d’ajustement de leur effectifcomme étudié par ABOWD et KRAMARZ 593 en 2003 puis par CAHUC 594 , la même année ;dans cette situation de dernier recours, elles manifesteraient une sensibilité réduite auxincitations financières liées à la protection de l’emploi.6° Les mesures de reclassement externeLe dispositif des conventions de conversion a été créé par un accordinterprofessionnel de 1986. A ce titre, il est régi par les partenaires sociaux, regroupés au seinde l'Association de Gestion des Conventions de Conversion 595 . La gestion, notammentfinancière du dispositif (recouvrement des créances auprès des employeurs, appel de lacontribution de État, paiement des allocations aux adhérents au dispositif), est assurée parl'UNEDIC. Aussi, convient-il de voir dans ce dispositif d'aide au reclassement, renduobligatoire pour tout licenciement pour motif économique par la loi du 2 août 1989 relative audroit à la conversion, un dispositif de droit commun, éloigné de l'aspect contractuel et négociédes conventions du FNE. Les conventions de conversion se font, pour l'essentiel, dans lecadre de licenciements échappant à la procédure prévue à l'article L. 321-4-1 du Code dutravail, au bénéfice des salariés des petites entreprises ayant déposé leur bilan.En ce qui concerne l'exonération, pour les employeurs, de la contribution duepour tout licenciement de salarié de plus de cinquante ans, il est vrai que la question dumaintien de cette particularité se pose, compte tenu de l'augmentation récente du nombre desalariés âgés dans le dispositif. Il convient de souligner qu'elle résulte non pas d'un casd'exonération décidé par le législateur mais d'une rédaction de la loi qui limite le paiement dela contribution aux situations d'indemnisation en allocation de conversion.Le rapport d'enquête réalisé par l'inspection générale des finances etl'inspection générale des affaires sociales en 1995 à souligné des difficultés de gestion dontl'administration s'était saisie dès 1994. En effet, depuis lors État a procédé à un ajustement desa participation financière qui s'était avérée sur calibrée, compte tenu de dépenses deformation inférieures aux dotations. État a ainsi apuré totalement, en 1997, l'excédent de593ABOWD J. et KRAMARZ F., The costs of hiring and separation, LabourEconomics, vol. 10, N° 5, pp. 499-230, 2003.594CAHUC, P., Pour une meilleure protection de l’emploi, rapport à laChambre de Commerce et d’Industrie de Paris, 2003.595AGCC : Association de Gestion des Conventions de Conversion.536


trésorerie accumulé par l'AGCC. Ce rapport a également confirmé l'utilité du dispositif enmatière de reclassement.Les conventions de conversion enregistrent des résultats en termes dereclassement qui sont en progression, l'année 1995 a ainsi vu le taux moyen de reclassementsur l'année, mesuré sur huit mois après l'entrée dans le dispositif, se situer à un niveausupérieur à 50 % avec une proportion majoritaire de CDI (de l'ordre de 63 %). Ces résultatstiennent notamment aux démarches d'amélioration du suivi des adhérents engagées par lesUTR de l'ANPE en charge du reclassement et concrétisées, en 1995, par l'instauration de lacontractualisation en vue de définir les droits et les devoirs des adhérents au dispositif. Parrapport à la période sur laquelle portait la précédente enquête de la cour, les conventions deconversion se sont considérablement développées. Ce dispositif, en accueillant aujourd'huiprès d'un licencié pour motif économique sur trois, constitue la première mesure quantitatived'accompagnement des licenciements économiques. Surtout, il offre l'appui d'un dispositifspécialisé d'aide au reclassement aux salariés venant d'entreprises non soumises à l'obligationde plan social.L'utilisation non conforme à l'esprit du dispositif des congés de conversion,soulignée par le rapport doit être restituée dans son contexte. Il s'est agi, à chaque fois, defaire face à un nombre de licenciements importants dans un secteur économique donné, queces licenciements résultent d'une restructuration massive (sidérurgie), d'une réformed'envergure d'origine légale (dockers) ou de la disparition pure et simple d'une profession(transitaires).Le dispositif de congé de conversion demeure faiblement utilisé pour deuxraisons. Il est d'une utilisation lourde (simple suspension du contrat de travail des salariés quirestent inscrits aux effectifs) et coûteuse pour les entreprises (nécessité de financer lesallocations dont le FNE ne remboursera au maximum que 50 % et généralement 25 % dansles grandes entreprises). Il est donc moins favorable pour les entreprises que les conventionsde conversion. En dépit de cela, le congé de conversion demeure, sous sa forme de dispositifd'aide au reclassement, un outil régulièrement mobilisé par certaines grandes entreprises dansle cadre de leurs plans sociaux. L'utilisation partielle du congé de conversion, comme mesured'attente avant basculement en ASFNE a répondu à la nécessité de résoudre un problème desureffectif massif dans certains secteurs. Le recours à des mesures d'âge dérogatoire a permisque ces restructurations se passent sans conflit majeur et sans effet trop négatif sur les bassind'emploi concernés ; pour mémoire, rappelons que l'on est passé de 140.000 à 40.000 salariésdans la sidérurgie en quinze ans, de 8.000 à 4.000 dockers en cinq ans et que le plans destransitaires en douane a concerné 7.000 licenciements. Cette utilisation exceptionnelle descongés de conversion a permis de retirer les salariés du marché du travail et de garantir lapaix sociale, dans les bassins d'emploi où l'ampleur des restructurations n'aurait pas permisd'absorber ces sureffectifs. Elle à donc permis la réalisation de réformes structurellesindispensables mais l'utilisation comme anticipation des mesures d'âge d'un dispositif devanten principe servir au reclassement de salariés licenciés a constitué un coût notable pour lesfinances publiques et pour les entreprises.Conscient du coût représenté par ces mesures pour l’État dans un contexte demaîtrise des dépenses publiques ainsi que du risque de contagion à l'égard d'autre secteurs del'économie que peut constituer le recours à des mesures dérogatoires, les pouvoirs publics ontdésormais quasiment supprimé l'utilisation des congés de conversion comme mesured'attente. Les principaux secteurs utilisateurs de ces dispositifs n'y ont ainsi plus accès et sont,537


orientés vers des mesures de traitement diversifiés de leurs sureffectif, par le biais notammentde l'aménagement et de la réduction du temps de travail et des préretraites progressives.C. <strong>LE</strong> POINT SUR <strong>LE</strong> PLAN SOCIALL’objectif d’un plan social est d’éviter, de réduire ou de limiter leslicenciements pour motif économique des salariés. Toute entreprise d'au moins 50 salariésqui procède au licenciement pour motif économique d'au moins 10 salariés sur 30 jours estconcernée.L'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan social comprenant outreles conventions de conversion d'autres mesures telles que des actions de reclassement interneet externe, des actions de formation ou de reconversion, des mesures de réduction du temps detravail et des mesures de création d'activités nouvelles. L'absence d'établissement d'un tel planentraîne la nullité de la procédure de licenciement.Des aides publiques peuvent faciliter la mise en place des mesuresd'accompagnement du plan social avec des aides au reclassement interne passant par le biaisdes conventions d'aide au passage à temps partiel pour compenser partiellement les pertes derémunération consécutives à un passage à temps partiel, des conventions de préretraiteprogressive pour favoriser le passage à mi-temps de salariés de plus de 55 ans et desconventions de formation et d'adaptation pour financer partiellement les coûts defonctionnement et de rémunération liés à la mise en place d'actions de formation qui résultentnotamment de mutations internes. Les aides au reclassement externe passent par les congés deconversion, les conventions de reclassement en entreprise ou interentreprise, les conventionsd'allocation temporaire dégressive (en cas de reclassement avec perte de rémunération) et lesconventions d'aide à la mobilité.La direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle 596 estinformée du contenu du plan de formation et peut proposer des ajouts ou des modifications.L'employeur est alors tenu de faire une réponse motivée à ces suggestions. Propositions del'administration et réponse motivée de l'employeur sont affichées sur les lieux de travail enl'absence de représentants du personnel.Les représentants du personnel doivent être réunis, informés et consultés sur lecontenu du plan social. A l'issue des consultations des représentants du personnel, le plansocial est adopté et les salariés peuvent en demander l'application. En l'absence dereprésentants du personnel, le plan social est affiché sur les lieux de travail.Des formulaires administratifs nombreux sont nécessaires avec à chaque fois lafiche individuelle du salarié et le bulletin d'adhésion 597 de ce dernier. Le 61-2291 598concernant la convention d'allocations temporaires dégressives ; Le 61-2336 concernant laconvention d'aide au passage à temps partiel avec la convention conclue entre l'Etat et596DDTEFP : Direction Du Travail, de l'Emploi et de la FormationProfessionnelle.597Exemplaire type de bulletin d’adhésion du salarié, cf annexe 20 en finde thèse.598Exemplaire type N°61-2291 concernant la convention d'allocationstemporaires dégressives, cf annexe 21 en fin de thèse.538


l'employeur ; Le 61-2288 599 concernant la convention de cellule de reclassement "entreprise";Le 61-2289 600 concernant la convention de cellule de reclassement "inter-entreprise" ; Le 61-2292 concernant la convention d'aide à la mobilité.Le plan social est le document que l'employeur est tenu d'adresser auxreprésentants du personnel, lorsqu'il les consulte sur un projet de licenciement concernant aumoins 10 salariés sur une même période de 30 jours dans une entreprise employant au moins50 salariés. Ce plan doit contenir des mesures de prévention et d'accompagnement deslicenciements ainsi que des mesures de reclassement des personnes licenciées.Les conditions pour la mise en oeuvre d'un plan social sont des conditionstenant d'une part à la nature du licenciement, d'autre part à des seuils. Aux termes de l'articleL.321-4-1 du Code du travail, « dans les entreprises employant au moins cinquante salariés,lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trentejours, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan social ».Apportons quelques précisions à ces dispositions. Par "nombre delicenciements", il faut entendre le nombre de licenciements envisagés, et non le nombre delicenciements que l'employeur estime ne pas pouvoir éviter. L'employeur doit donc mettre enoeuvre un plan social dès lors que le seuil des dix personnes concernées par le projet estatteint 601 . Peu importe que les salariés concernés soient occupés à temps plein ou à tempspartiel, et peu importe également qu'après l'exécution du plan social, le nombre des personnesfinalement licenciées soit inférieur à 10.Il peut arriver que l'employeur n'envisage pas expressément des licenciementspour motif économique. Ainsi, dans les arrêts Framatome et Majorette, il avait été proposé àplus de dix salariés une modification de leur contrat de travail. On sait désormais que lessalariés sont en droit d'opposer un refus à une telle modification. Un refus peut toutefoiscontraindre l'employeur à procéder au licenciement.Pour cette raison, la cour de cassation a estimé qu'un plan social devait êtreétabli avant même la proposition de modification, puisque des licenciements étaient de ce faitindirectement proposés.Dans un arrêt IBM en date du 12 janvier 1999 602 , la Cour de cassation a eu denouveau à se prononcer sur cette question. La direction de la société avait élaboré un "projetemploi" visant à la réduction de ses effectifs par la proposition de temps partiels annualisés,de congés sans solde indemnisés, de préretraites progressives et de mises en disponibilité.L'idée était d'obtenir des candidatures pour ces modalités et d'opérer par la suite un tri decelles-ci. Fallait-il élaborer un plan social ? Pour la Haute juridiction, "le projet qui consiste àrechercher parmi les salariés ceux qui seraient candidats à des mesures n'entraînant pas larupture de contrat de travail, (...) constitue une mesure de gestion, prévisionnelle du personnelqui ne donne lieu qu'à la consultation prévue par l'article L. 432 1 du Code du travail". Il nefaut voir aucun revirement dans cet arrêt. Celui-ci apporte plutôt des précisions en dressant599Exemplaire type N°61-2288 concernant convention de cellule dereclassement "entreprise", cf annexe 22 en fin de thèse.600Exemplaire type N°61-2289 concernant la convention de cellule dereclassement "inter-entreprise", cf annexe 23 en fin de thèse.601Cass. soc., 3 décembre 1996, arrêts Framatome et Majorette; RJS 1/97,n°24.602Cass. soc., 12 janvier 1999, pourvoi n°97-12.962.539


une frontière entre la gestion prévisionnelle des emplois et la proposition de modification ducontrat de travail. En se penchant sur le contenu du "projet emploi", on voit bien en effetqu'un libre choix est laissé aux salariés qui peuvent décider de présenter ou non leurcandidature. S'ils ne la présente pas, leur emploi n'est pas menacé, du moins dans l'immédiat,d'où l'inutilité de recourir à un plan social. Si le projet de l'entreprise ne donne pas de résultatssatisfaisants, il est possible que les licenciements soient, cette fois, réellement envisagés. C'estalors qu'il faudra songer à un plan social.L'intervention du comité d'entreprise pose le problème de la doubleconsultation. La Cour de cassation est venue préciser le principe de la double consultationdans un des arrêts Sietam du 16 avril 1996 603 . Un employeur qui envisage une mesure delicenciement collectif ne peut pas se contenter de consulter le comité d'entreprise sur ce projetde licenciement. Il doit également procéder à une consultation sur le fait générateur dulicenciement, au titre de l'article L. 342-1 du Code du travail qui donne au comité d'entrepriseun pouvoir général en ce qui concerne l'organisation, la gestion et la marche générale del'entreprise.Une fois ce principe posé, reste à savoir comment assurer la coordination deces deux consultations. A l'époque, la Cour de cassation n'avait donné aucune précision sur cepoint. La cour d'appel avait exprimé la nécessité pour le comité d'entreprise d'être d'abordconsulté au titre de l'article L. 432-1 du Code du travail, la consultation concomitante sur lafermeture de l'usine et sur les licenciements susceptibles d'en résulter étant "constitutive d'untrouble manifestement illicite". La Cour de cassation avait alors rejeté le pourvoi, mais n'avaitpas confirmé expressément cette nécessité de consultations successives. Elle avait en effetrelevé que la cour d'appel avait "constaté que le comité avait été consulté concomitammentselon deux procédures distinctes", et avait, exigé que le comité d'entreprise dispose d'un délaid'examen suffisant. Elle avait ainsi consacré l'autonomie des deux procédures, en restanttoutefois ambiguë, d'une part, sur le point de savoir si les procédures peuvent êtreconcomitantes, d'autre part, sur la notion de "délai suffisant".La Haute juridiction s'est rattrapée dans un arrêt du 17 juin 1997 604 . L'affaireportait sur une fermeture d'établissement entraînant le licenciement pour motif économique de44 personnes. Le comité d'entreprise avait été consulté d'une part sur le projet de fermeture,d'autre part sur les licenciements pouvant en résulter. Au cours de cette consultation, lecomité s'aperçut cependant que la fermeture de l'établissement était déjà décidée, avant mêmequ'il ne soit saisi de la question. Il assigna donc la société en justice pour faire ordonner lasuspension de la fermeture du magasin, et faire déclarer nulle la procédure de licenciementcollectif. Sa demande fut reçue par les juges du fond puis confirmée par la Cour de cassationqui en profite pour poser deux principes intéressants la coordination des deux consultations.D'abord elle affirme sans ambiguïté que les deux procédures peuvent êtreconduites de manière concomitante, sous réserve du respect des délais les plus favorables. Parailleurs, elle nous montre que, si ces deux procédures sont distinctes, elles n'en sont pas moinsliées l'une à l'autre. Si, en effet, une irrégularité affecte la procédure de consultation prévuepar l'article L.432-1 du Code du travail, cela emporte la nullité de la procédure delicenciement dans le cadre de laquelle le comité d'entreprise est consulté. En l'espèce, laconsultation du livre IV était viciée par le fait que la décision de fermeture de l'établissement603Cass. soc., 16 avril 1996, Bull. civ. V, n°165.604Cass. soc., 17 juin 1997, RJS 8-9/97, n°990.540


était déjà prise. La procédure de licenciement étant la conséquence de cette décision defermeture, on comprend bien qu'elle était de ce fait également affectée par l'irrégularité.Le plan social doit contenir des mesures propres à éviter les licenciements ouau moins à en limiter le nombre. Les juges apprécient alors la pertinence de ce plan au regarddes capacités de l'entreprise en exigeant toujours des mesures concrètes et précises.1° Des mesures propres à éviter des licenciements ou à en limiter lenombreParmi les mesures qui doivent figurer dans un plan social, on trouve en premierlieu les mesures de prévention des licenciements. Il s'agira par exemple de réduction du tempsde travail par la suppression des heures supplémentaires ou par un aménagement du temps detravail, de réduction d'activité par la mise au chômage partiel, de suppression au recours autravail temporaire ou à certaines formes de contrat à durée déterminée, de préretraitesprogressives pour les salariés âgés.Doivent également figurer des mesures tendant au reclassement des salariés,que ce reclassement soit interne (mutations) ou externe (création d'une cellule dereclassement, création d'activité nouvelles, prime au départ pour les salariés ayant trouvé unnouvel emploi ou ayant un projet personnel...). Ce reclassement peut être favorisé par desactions d'adaptation et de formation.Figurent encore au rang de ces mesures la proposition de conventions deconversion, la préretraite totale FNE ou l'offre de primes contre départ volontaire.Depuis 1997, les juges ont posé le principe que la pertinence du plan social doitêtre appréciée en fonction des moyens dont dispose l'entreprise. Le contenu des mesuresinclue dans le plan doit donc être apprécié en tenant compte de la taille de l'entreprise, etégalement de sa situation financière. Plus la situation de l'entreprise est délicate, moins lesseront grandes; au contraire, avec une entreprise en bonne santé qui met en place un plansimplement destiné à améliorer sa compétitivité, le contenu du plan devra êtreparticulièrement précis et satisfaisant au niveau social.Ainsi dans un arrêt du 18 novembre 1998 605 , la Cour, constatant que lessociétés en question "connaissaient une situation financière préoccupante et appartenaient àun groupe dont le secteur d'activité principal était soumis à une concurrence aiguë entraînantd'importantes restructurations" et que "les plans sociaux établis comportaient la créationd'activités nouvelles, l'indication des postes de reclassement proposés dans le groupe parmiles entreprises dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation leur permettentd'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et des mesures de reclassementexternes consistant dans la prise en charge financière de stages d'aide au reclassement ou deformation-adaptation" en déduit que le plan social correspond aux exigences légales.En matière de reclassement, deux exigences doivent aujourd'hui êtreconjuguées :- d'une part, le périmètre du reclassement doit être large. Il doit l'être d'un pointde vue professionnel puisque l'employeur est tenu de proposer des postes même de catégorieinférieure, mais il doit l'être également d'un point de vue géographique. Si l'entreprise fait605Cass. soc., 18 novembre 1998, RJS 1/99 n°29.541


partie d'un groupe, les possibilités de reclassement doivent en effet être recherchées àl'intérieur de ce groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation et le lieud'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel 606 .- d'autre part, les mesures de reclassement doivent être concrètes et précises. Leplan doit à ce titre comporter des indications sur le nombre et la nature des emplois quipeuvent être transposés. Cette exigence a été posée par les arrêts Everites 607 et Samaritaine 608 .La conjugaison de ces deux exigences est désormais couramment affirmée. Ilrésulte des dispositions de l'article L.321-4-1 du Code du travail que "l'employeur est tenu deprésenter un plan social comportant des mesures concrètes et précises et que les possibilitésde reclassement doivent être recherchées non seulement dans l'entreprise concernée maiségalement à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation et lelieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel".Des cas font jurisprudence; un récent arrêt Grec Alsthom Transports du 12janvier 1999 609 en offre l'illustration : La Cour de cassation censure la décision de la courd'appel qui a reconnu la conformité du plan social aux dispositions légales alors qu'elle avaitconstaté que "des possibilités de reclassement existaient dans les différents établissements del'entreprise et du groupe mais que le plan social ne comportait cependant aucune indicationsur le nombre, la nature et la localisation des emplois qui pouvaient être proposés aux salariésdont le poste devait être supprimé et ce n'est que postérieurement aux réunions du comitéd'établissement que la société, par l'intermédiaire de l'antenne emploi, a recensé les emploisdisponibles dans les établissements concernés".Avant de passer aux sanctions applicables à un plan social non valide, encorequelques mots sur l'obligation de reclassement qui incombe à l'employeur. L'employeur est enfait tenu à une double obligation de reclassement. Il doit prévoir, d'une part, des mesures dereclassement dans le plan social. Ces mesures ont un caractère général et intéressentl'ensemble des salariés. D'autre part, l'employeur se trouve également lié par le fait que lelicenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement dece salarié dans l'entreprise n'est pas possible. Comment s'articulent ces deux obligations ?Sont-elles exclusives l'une de l'autre ? Le respect de l'une emporte-t-il présomption du respectde l'autre ? Non selon la Cour de cassation, pour laquelle le fait que l'employeur ait satisfait àson obligation de reclassement dans le cadre du plan social ne l'affranchit pas de rechercherindividuellement les possibilités de reclassement d'un salarié au moment où il procède aulicenciement de celui-ci 610 .606Cass. soc., 5 avril 1995, Bull. civ. V n°497.607Cass. soc., 17 mai 1995, Bull. civ. V n°159.608Cass. soc., 13 février 1997, RJS 3/97 n°268.609Cass. soc., 12 janvier 1999, pourvoi n°96-22.279 P.610Cass. soc., 7 juillet 1998, RJS 8-9/98 n°966.542


2° Les sanctions et leurs conséquencesA défaut de contenu suffisant, le plan est considéré comme nul et la procéduredoit être entièrement reprise. Quelles sont les conséquences de cette annulation sur leslicenciements ? Cette question a fait l'objet de vives interrogations jusqu'à l'arrêt Samaritainedu 13 février 1997 611 . Dans cet arrêt la Cour de cassation pose clairement le principe que "laprocédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan social visant aureclassement des salariés s'intégrant au plan social n'est pas présenté par l'employeur auxreprésentants du personnel qui doivent être réunis, informés et consultés; qu'il en résulte quela nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et qu'en particulier leslicenciements prononcés par l'employeur, qui constituent la suite et la conséquence de laprocédure de licenciement collectif suivi par l'application de l'article L. 321-4-1 du Code dutravail, sont eux-mêmes nuls".Cette décision ne va pas sans poser des difficultés tenant au fait qu'un délaiassez long peut s'être écoulé entre les licenciements et l'intervention d'une décision définitivesur la régularité de la procédure de licenciement économique. Entre temps, le poste dessalariés concerné peut avoir été supprimé : que faire alors face à une demande deréintégration ? Par ailleurs, à quelle hauteur ces salariés pourront-ils être indemnisés ?Recevront-ils la totalité des sommes qu'ils auraient dû percevoir en l'absence delicenciement ? Faudra-t-il déduire de ces sommes les rémunérations ou prestations dechômage qu'ils auront perçues pendant cette période ? Les sommes que l'employeur seraamené à verser seront-elle soumises à cotisations sociales en qualité de salaires ?Seule l'insuffisance de plan social peut entraîner la nullité de la procédure delicenciement. La consultation irrégulière du comité d'entreprise n'entraîne pas la nullité dulicenciement lui-même, mais seulement une irrégularité de la procédure de licenciement pourmotif économique, sanctionnée par une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.Les engagements pris dans le cadre du plan social ne doivent pas rester lettremorte. Cette idée se retrouve dans la tendance actuelle de la jurisprudence qui est d'exiger del'employeur qu'il exécute de bonne foi les engagements qu'il a pris.Ainsi, dans un arrêt du 6 mai 1998 612 , il a été jugé qu'une cour d'appel quiconstate que l'employeur n'avait pas sérieusement donné suite à la proposition de salariésvolontaires pour travailler à temps partiel, qui aurait permis l'application de l'une des mesuresprévues par le plan social, à savoir une convention d'aide au passage à mi-temps, afin delimiter les licenciements, peut décider que l'employeur avait commis une faute causant auxsalariés licenciés un préjudice résultant de la perte d'une chance de conserver leur emploi.Dans le même état d'esprit, dans un arrêt du 23 juin 1998 613 , une société avaitinséré dans un plan social une option comportant, en cas de départ volontaire, le versementd'une prime de 22900 € (150 000 F). La direction avait fait savoir que cette prime ne seraitpas imposable, position que réfute l'administration fiscale. La société n'avertit pas pour autantles salariés de cette décision administrative. Ces derniers, imposés sur l'indemnité perçue,demandent réparation du préjudice subi. La Cour de cassation, censurant la position des juges611Cass. soc., 13 février 1997RJS 3/97 n°269.612Cass. soc., 6 mai 1998, n°95-45.464.613Cass. soc., 23 juin 1998, n°96-41.953.543


de fond qui avaient débouté les demandeurs, affirme que l'employeur était tenu à uneobligation de renseignement de bonne foi.Une dernière illustration : la bonne foi est également exigée dans l'exécution del'obligation de reclassement. Un employeur peut ainsi être sanctionné s'il propose des emploisdisponibles de catégorie inférieure alors qu'il existe dans l'entreprise des emplois de la mêmecatégorie que celle du salarié concerné 614 .Plans sociaux, accords de garantie d'emploi, reclassements, réembauchage : laproduction législative et jurisprudentielle a été très riche ces dernières années. Comment nepas être frappé par le choc d'un véritable paradoxe : d'un côté, un droit du travail qui peutparaître sans cesse plus flexible et dans lequel l'emploi semble peu de chose face auxcontingences d'ordre économique : de l'autre, un droit du travail novateur, imaginatif, qui,dépassant le contrat de travail, érige l'emploi au rang de réalité juridique. Ceci s'est traduit è lafois par des droits et des obligations à caractère contraignant et par une adaptation du droit dutravail aux mutations industrielles.C'est pour mieux comprendre ces métamorphoses du droit du travail, danslequel le paysage de l'emploi se dessine comme se mettent en place les pièces d'un puzzle,que la Mission animation de la recherche de la DARES a demandé à des chercheurs ensciences juridiques et en sciences de gestion de réfléchir à ces transformations 615 .3° Ce qui changeLa loi sur la modernisation sociale, adoptée en seconde lecture le 13 juin 2001,est promulguée en fin d'année, pour une application au 1er janvier 2002.En voici les grandes lignes :La notion de " plan social " est remplacée par "plan de sauvegarde de l'emploi"ce qui illustre une volonté de rupture.Voici les grands thèmes abordés par la loi sur la modernisation sociale enrelation avec les plans de sauvegarde de l'emploi :La section 1 de la loi sur la modernisation sociale est dédiée à la gestionprévisionnelle des emplois. L'article 29 renforce ainsi l'article L. 933-2 en proposant que lanégociation porte sur des actions de formation plus complètes (reconnaissance des acquis,adaptation à l'évolution de l'emploi, développement des compétences, etc.). Les entreprisessouhaitant mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des emplois, peuvent bénéficier, selonl'article 30, d'un appui technique cofinancé par l'Etat.L'article 31 marque le retour à l'amendement Michelin de 1999, initialementabandonné. L'article 31 complète en effet l'article L. 321-4-1 du code du travail : un accord deréduction du temps de travail (RTT) doit être préalablement conclu avant l'établissement d'unquelconque plan de sauvegarde de l'emploi.614Cass. soc., 27 octobre 1998, JSL n°25-11, P21.615BEAUJOLIN-BEL<strong>LE</strong>T, R., KERBOURC’H, J.Y,MEDA, D., et WILMANN, C.,Lesalarié, l’entreprise, le juge et l’emploi, Cahier Travail et Emploi, Ladocumentation française,215 P, 2001.544


La section 2 a trait au droit à l'information des représentants du personnel. Lesarticles L.431-5 et L. 432-1 du code du travail imposent la consultation du comité d'entrepriseen amont de toute démarche liée au plan de sauvegarde de l'emploi. L'article 32 vientrenforcer les principes de l'information des représentants du personnel, particulièrement encas d'annonce publique de la part du chef d'entreprise.La section 3 concerne le plan social et le droit au reclassement, selon l'article33, l'employeur doit avoir recherché toutes les possibilités de reclassement avant de procéderà un licenciement pour motif économique (quels que soient l'effectif de l'entreprise et lenombre de licenciements). Il doit proposer aux salariés les emplois disponibles relevantprioritairement de leurs catégories professionnelles, au sein de l'entreprise ou du groupe.L'article 34 concerne le contenu des plans de sauvegarde de l'emploi, qui sevoit renforcé. La validité d'un plan de sauvegarde sera appréciée au regard des moyens dontdispose l'entreprise mais aussi le groupe auquel elle appartient.La section 4 traite de la lutte contre la précarité des emplois, cette section de laloi sur la modernisation sociale a pour vocation de limiter le recours abusif aux contrats detravail précaires, ces derniers devenant parfois des outils permanents de gestion des ressourceshumaines plus que des dispositifs ponctuels de soutien. L'article 35 propose notamment denouvelles règles de calcul du délai de carence séparant deux contrats, afin d'éviter lesrenouvellements abusifs, préjudiciables à l'emploi durable. Compte tenu des dérives observéesdans l'application des articles L. 122-3-3 et L. 124-4-2 du code du travail (égalité derémunération entre salariés précaires et salariés permanents, pour une qualificationéquivalente et des fonctions identiques), l'article 36 prévoit des sanctions pénales renforcées.L'article 37 privilégie le travail durable en autorisant une rupture anticipée du contrat detravail précaire, s'il justifie - preuve à l'appui - d'une embauche pour une durée indéterminée.L'article 38 rend obligatoire la diffusion des postes disponibles dans l'entreprise à tous lessalariés (pas seulement aux salariés permanents).Une nouvelle convention UNEDIC a été signée le 19 octobre 2000 616 .1. Elle prévoit une amélioration de l'indemnisation chômage, en progrès parrapports aux textes initiaux. L’amélioration du niveau de l'indemnisationdes chômeurs réside dans la suppression de la dégressivité des allocations.616La nouvelle convention d'assurance chômage s’est déroulée en plusieursétapes avec le 17 mars 2000 la première réunion de négociation despartenaires sociaux sur l'assurance chômage, le 14 juin 2000, la signatured'un protocole d'accord sur les voies et moyens favorisant le retour àl'emploi puis le 29 juin 2000 la signature d'une convention relative àl'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage. Le 1 er juillet2000 le décret n° 2000-61 du 30 juin 2000 est promulgué prorogeant laconvention d'assurance chômage du 1 er janvier 1997 jusqu'à l'entrée envigueur de l'arrêté portant agrément de la nouvelle convention mais le 24juillet 2000 le Gouvernement refuse d'agréer la convention signée le29 juin 2000. Le 23 septembre 2000 une seconde convention relative à l'aideau retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage est signée alors quele 2 octobre 2000 le Gouvernement refuse d'agréer la convention signée le23 septembre. Le 19 octobre 2000 signature d'une troisième conventionrelative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage etc’est le 4 décembre 2000 que le Gouvernement décide d'agréer la conventionsignée le 19 octobre. Le 22 mars 2001 une convention relative auxinstitutions de l'assurance chômage est signée avec le 25 avril 2001 laprésentation du DDOSEC en conseil des ministres.545


Cette disposition, inscrite dès l'accord du 29 juin 2000, améliore nettementl'indemnisation des demandeurs d'emploi. En effet, la dégressivité,introduite en 1992, entraînait une baisse de l'allocation d'environ 15 % tousles 6 mois au delà d'une certaine durée d'indemnisation. Le montantconsacré à la suppression de la dégressivité est de plus de 2,59 milliardsd’Euros (17 milliards de Francs) sur 3 ans.La couverture de l'indemnisation chômage est étendue à 200 000 personnessupplémentaires. Au total le taux de couverture est amélioré puisqu'il passera à 43.5 %, contre42 % (en juillet 2000) sous l'empire de l'ancienne convention. Ce sont près de 200 000demandeurs d'emploi supplémentaires qui pourront ainsi être indemnisés par l'assurancechômage : Elargissement de la première filière d'indemnisation : la durée d'activité nécessairepour percevoir une indemnisation par le régime d'assurance chômage est ramenée à 4 mois aucours des 18 derniers mois au lieu de 4 mois au cours des 8 derniers mois sous l'empire de laconvention de 1997. L'amélioration de la couverture va au delà du projet du 29 juillet quiprévoyait une durée d'activité nécessaire 4 mois au cours des 14 derniers mois. Cette seulemesure permettra d'indemniser 135 000 personnes supplémentaires (estimation DARES). Ellereprésente un coût d'environ 0,35 milliards d’Euros (2,3 milliards de Francs) sur 3 ans.Une amélioration de la prise en charge des créateurs d'entreprise prévue dèsl'accord du 29 juin 2000, s'adresse aux créateurs d'entreprises qui ont échoué dans leurprojet. Elle représente un coût de 0,15 milliard d’Euros (1 milliard de Francs) sur 3 ans. Lemontant consacré à cette extension du taux de couverture est donc au total de 0,50 milliardd’Euros (3,3 milliards de Francs) sur 3 ans. Au total, ce sont donc plus de 3,05 milliardsd’Euros (20 milliards de Francs) sur trois ans qui seront consacrés à étendre l'indemnisationdu chômage.2. Parmi les moyens consacrés à l'aide personnalisée aux demandeursd'emploi, 2,29 milliards d’Euros (15 milliard de Francs) sur 3 ans serontconsacrés au financement des plans d'accompagnement personnalisés. Dansl'accord du 19 octobre 2000, il est précisé que 2,29 milliards d’Euros (15milliard de Francs) sur 3 ans seront réservés au financement des PAP (suivipersonnalisé, bilan, formations), au delà des aides prévues pour la mobilitégéographique, le financement des contrats de qualification adulte etl'incitation à l'embauche de publics en difficulté. Dans l'accord du 29 juin,seuls 0,61 milliards d’Euros (4 milliards de Francs) sur 11,43M d’euros (75Mds) d'excédents étaient consacrés à l'accompagnement (tandis que 10milliards d’Euros [71 milliards de Francs] étaient destinés dans ce texte auxbaisses de cotisations). Dans le nouveau texte, plus de 3,05 milliardsd’Euros (20 milliards de Francs) sont consacrés au retour à l'emploi, contre4,27 milliards d’Euros (28 milliards de Francs) pour les baisses decotisation (conditionnalité des baisses prévues en 2002 et suppression decelle de 2003).3. Des réponses sont apportées aux remarques du gouvernement concernantles risques pour certains demandeurs d'emploi. Le risque d'un système àdeux vitesses au détriment des chômeurs non indemnisés par l'UNEDIC estlevé. Le service public de l'emploi, l'ANPE conserve sa compétence. Le fait546


que les Assedic étaient en charge des PAP 617 dans la première conventionétait générateur d'un risque de système à deux vitesses au détriment deschômeurs non indemnisés par l'UNEDIC : ce risque est levé dans lenouveau texte puisque c'est l'ANPE qui assure l'accompagnementpersonnalisé dans le cadre des PAP. Après l'agrément, des conventions departenariat avec l'ANPE et l'UNEDIC préciseront les modalités de mise enoeuvre des PAP, notamment pour définir les modalités del'accompagnement personnalisé et des formations. Le système sera bâti surle modèle du "nouveau départ" 618 mis en place depuis octobre 1998 pourles demandeurs d'emploi les plus en difficultés. Il y aura un systèmeunique, reposant sur le service public de l'emploi, qui accueillera tous lesdemandeurs d'emploi, indemnisés ou non, et qui privilégiera les chômeursprésentant des risques de chômage de longue durée pour l'accès auxprestations. Un contrôle est effectué sur la recherche d'emploi. L'accord du29 juin prévoyait un système différent du code du travail actuel : unchômeur pouvait être sanctionné s'il refusait des emplois ne correspondantpas à sa qualification ou nécessitant une mobilité géographique. Lenouveau texte s'en tient aux sanctions prévues par le code. L'interventiondes Assedic dans la procédure de contrôle (appréciation du motif etpossibilité de suspension des allocations) a également été supprimée dans lenouveau texte. En la matière, la convention de partenariat avec l'UNEDICn'a pour objet que de préciser les systèmes d'information.La suppression de l'allocation formation reclassement (AFR) prévue dèsl'accord du 29 juin 2000 n'entraînera pas de conséquences négatives pour l'accès à laformation puisque les demandeurs d'emploi seront rémunérés par l'allocation d'assurancechômage dont la dégressivité a été supprimée. L'allocation de formation de fin de stage(AFFS) garantit la prolongation de l'indemnisation jusqu'à la fin de la formation. Laconvention du 19 octobre 2000 prévoit des financements des frais de formation d'une partdans l'enveloppe globale de 2,29 milliards d’Euros (15 Mds F) sur 3 ans et d'autre part dans lecadre des sommes réservées au financement du contrat de qualification adulte 0,46 milliardsd‘Euros (3 Mds F) selon le protocole du 14 juin 2000.4. L'équilibre financier entraîne des baisses de cotisations initialement prévuesqui conduisaient à terme à un déficit structurel du compte d'exploitation del'UNEDIC. La diminution de la baisse en 2001, la clause de conditionnalitépour les baisses de 2002 et la suppression de la baisse de 2003 garantissentdésormais cet équilibre financier.5. Les adaptations législatives ne constituent plus le cœur du dispositif. Ellesne sont nécessaires que pour adapter les procédures de financement. Lesmesures législatives aujourd'hui nécessaires pour mettre en oeuvre la617Le Projet d'Action Personnalisé (ou PAP) est un service de suiviindividualisé proposé par l'ANPE aux demandeurs d'emploi. Il est mis enplace depuis le 1er juillet 2001. Le PAP n'est pas obligatoire. Toutefois,certaines prestations de l'ANPE nécessitant un financement de l'ASSEDIC neseront attribuées qu'aux demandeurs d'emploi ayant souscrit au PAP. Tousles demandeurs d'emploi peuvent bénéficier du PAP, même s'ils ne touchentpas d'indemnités chômage.618Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29juillet 1998.547


convention du 19 octobre viseront seulement à autoriser l'utilisation desfonds de l'UNEDIC pour d'autres interventions que la seule indemnisation.Cela avait déjà été fait pour la mise en oeuvre des accords relatifs à lacréation de l'ARPE (allocation de remplacement pour l'emploi) et lesconventions de coopération. Contrairement à l'accord du 29 juin 2000,l'accord du 19 octobre n'obligera pas à modifier le régime légal de contrôlede la recherche d'emploi et de sanction.4° Les cellules de reclassementL'objectif de ce dispositif est d'aider les entreprises, dans le cadre d'uneprocédure de licenciements pour motif économique, à mettre en place une structure chargéed'accompagner les salariés licenciés dans leur recherche d'emploi (prospection des offres,bilans-évaluation-orientation, formation aux techniques de recherche d'emploi). Cette aide del’État s'adresse aux petites et moyennes entreprises qui n'ont pas la capacité financière demettre seules en place de telles structures. L'entreprise X a choisi, pour sa part, de faire appelaux services de deux cabinets de gestion des ressources humaines pour mettre en place sacellule de reclassement appelée ici Antenne emploi.Le dispositif remplit bien son objectif de toucher en priorité les PME, puisquesur un échantillon, observé en 1995, de 209 cellules, 96 % concernaient des entreprises demoins de 500 salariés, dont 60 % des entreprises de moins de 200 salariés et 41 % desentreprises de 50 à 199 salariés. Il est exact que ce dispositif est souvent mobilisé pour despopulations qui sont, par ailleurs, adhérentes aux conventions de conversion ;dans ce casl'administration veille à s'assurer que son utilisation va apporter une plus-value véritable entermes d'aide au reclassement et à bien définir, en amont, les missions qui doivent incomber àces cellules : elles sont en particulier centrées sur la prospection des offres d'emploi conduitepar des UTR en matière d'orientation, d'appui et de formation.La période observée par la Cour de comptes correspond aux premiers résultatsattendus d'une politique ministérielle qui a mis en exergue la nécessité d'utiliser les mesuresinternes de maintien de l'emploi comme traitement des sureffectifs, dans un contexte où lereclassement externe s'avérait de plus en plus difficile et où les préretraites devaient êtremaîtrisées.Cette politique s'est traduite, dans le cadre des plans sociaux, par unrééquilibrage dans l'utilisation des outils du FNE. Ainsi, la comparaison entre l'utilisation desmeures relatives au temps de travail, principalement les conventions de préretraiteprogressive et de passage à temps partiel, et les mesures externes de reclassement (cellules dereclassement, congés de conversion et préretraites-licenciement) fait apparaître uneprogression des mesures internes. Celles-ci qui représentaient en 1990, 12 % des entréesglobales dans les dispositifs précités, représentent en 1995, 47 %.L'évolution des mesures relatives au temps de travail ne peut s'effectuer qu'àpartir de cette comparaison. En effet, il n'est pas pertinent de tenir compte des entrées enconvention de conversion, qui ne sont pas négociées et dont les flux ne sont pascontrôlables ; par ailleurs, les entrées en conventions d'allocations temporaires dégressives etde mobilité géographique, qui ont pour objet d'accompagner les reclassements, peuvent fairedouble emploi avec d'autres conventions (cellules, congés) au profit des mêmes salariés. C'estainsi que deux couples de l'entreprise X se délocalisent, l'entreprise X paiera le548


déménagement et Antenne emploi étendra sa prospection aux lieux de leur installation, l'unétant parti en Isère et l'autre dans le Midi.L'entreprise X ne peut utiliser que peu de mesures internes puisque c'est toutela partie production d'un même site qui ferme mais dans d'autres cas l'augmentation du tauxd'utilisation des mesures internes s'explique principalement par le développement significatifde l'aide au passage à temps partiel, qui a introduit des changements de comportements desemployeurs à la recherche de mesures internes de flexibilité. Depuis la réforme de cedispositif en 1994 qui a permis plus de souplesse dans son utilisation (transformation dupassage à mi-temps en passage à temps partiel), les adhésions augmentent régulièrement. En1996, 12.000 salariés ont adhérés à cette mesure, soit une augmentation de 20 % par rapport à1995.La volonté de privilégier le recours aux mesures internes de reclassement s'esttraduite par la création d'une convention de réduction collective du temps de travail qui a pourobjet de traiter une partie significative du sureffectif, et d'éviter ainsi un recours massif auxmesures d'âge. Les premières statistiques montrent que de novembre 1996 (date de laconclusion des premières conventions), à juin 1997, le dispositif a touché plus de 50.000salariés, ce qui, d'après les premiers éléments de bilan, a permis d'éviter 6.500 licenciementspour motif économique.Ces mesures concernant le temps de travail ont pour objectif d'avoir un effetemploi le plus durable possible sans viser, en aucune façon, l'anticipation de mesures d'âge,on observe statistiquement que chaque catégorie d'âge est représentée de façon homogène, cequi confirme la bonne utilisation de ce dispositif.En ce qui concerne le dispositif instauré par la loi du 11 juin 1996, le caractèrecollectif du dispositif doit se traduire par l'application de la réduction du temps de travail dansun périmètre déterminé, sans discrimination sur la base de critères liés à l'âge par exemple,l'unité de travail devant représenter un ensemble homogène et cohérent.Le maintien d'une compétence directe au niveau national pour la négociationdes plans sociaux des grandes entreprises tient à la sensibilité des plans sociaux des grandsgroupes et notamment de ceux appartenant au secteur public qui requière l'avis des ministèresconcernés. La complexité des situations traitées et l'importance du coût des mesures, dontcertaines nécessitent l'accord du ministère chargé du Budget, compte tenu du sureffectif àtraiter, exigent dans de nombreux cas des décisions interministérielles. Par ailleurs, l'exigenced'homogénéité dans le traitement d'un dossier, où sont en cause plusieurs établissements dansplusieurs départements, impose à l'évidence que la délégation générale à l'emploi et à laformation professionnelle exerce un rôle pilote dans la négociation, tout en y associant dans lamesure du possible les directions départementales. En revanche, quel que soit le niveau denégociation, la gestion des conventions est toujours départementale.S'agissant de l'étendue de l'intervention de la délégation générale à l'emploi et àla formation professionnelle au regard de celles des services déconcentrés, il convient dedissocier clairement : - Ce qui relève de la procédure d'information et de consultation despartenaires sociaux 619 et de l'obligation faite à l'employeur de notifier le projet delicenciement à l'autorité administrative 620 . Le directeur départemental du travail, sous619Art. L.321-2 et suite du Code du travail.620Art. L.321-7 du Code du travail.549


l'autorité du ministre, est le seul compétent en droit pour émettre avis, propositions ou constatde carence;- Ce qui relève du conventionnement, où intervient soit la DGEFP, soitles services déconcentrés du ministère, selon l'importance des dossiers et le nombre dedépartements concernés. Il ne s'agit donc pas là d'une répartition entre les deux niveaux deconventionnement selon les types de dispositif. Cette répartition se double d'échangespréalables entre la ou les directions départementales concernées et l'administration centralesur le projet de plan social en vue de son amélioration en fonction de son contexte local;- Ce qui relève de la gestion. Quel que soit le niveau de négociation, lagestion des conventions est toujours départementale. Compte tenu de la lourdeur de gestiondes conventions nationales et de la concentration des grands établissements et des siègessociaux dans certains départements de la région parisienne dont la Cour a pu constater lasurcharge, il a été décidé récemment de rendre chaque DDTEFP responsable des appels defonds de son ressort.Les DDTEFP sont pleinement responsables de leur gestion. Quelle que soit laprocédure comptable afférente à chacun des dispositifs, les DDTEFP sont conscients du coûtdes mesures qu'ils négocient. En effet, les conventions de préretraites portent l'indication de lacontribution prévisionnelle de l'entreprise, ce qui implique que les services de la DDTEFPaient préalablement calculé le coût total de la convention. S'agissant des autres mesures, pourla plupart gérées dans le cadre de la dotation d'accompagnement des restructurations, ellesdoivent faire l'objet d'engagements comptables au niveau déconcentré sous le contrôle duTPG 621 . Les montants financiers en jeu sont donc parfaitement connus des services quinégocient les mesures;- Ce qui relève du suivi. Il est exact que son intensité est variable selon lesservices, compte tenu notamment de leur charge de travail. Des documents synthétiques desuivi des plans sociaux ont été lis au point; des documents spécialisés par mesure sont utilisésou en cours d'élaboration.De façon générale, l'amélioration du suivi est très nette pour les aspectsfinanciers et doit encore progresser pour ce qui est des engagements souscrits par lesentreprises en matière d'emploi.5° La gestion financière et le suivi Les fonds de concoursAvant 1993, les DDTEFP se heurtaient à d'importantes difficultés techniquespour procéder à la récupération de la participation des entreprises au financement desASFNE. Ces difficultés, liées au mode de calcul de cette participation, étaient dues àl'impossibilité de déterminer a priori l'âge auquel les bénéficiaires du dispositif cesseraient depercevoir l'allocation.Elles provenaient également du délai avec lequel les ASSEDICS transmettaientles salaires journaliers de référence exacts nécessaires à l'établissement de la contributiondéfinitive.621TPG : Trésor Public Général.550


La réforme de 1993 a simplifié radicalement le mode de calcul, permettant delever le principal motif de retard dans le recouvrement. Ainsi, la contribution des entreprisesest calculée à partir de la durée d'indemnisation de l'allocataire jusqu'à soixante ans, majoréed'un forfait de 365 jours. Ce forfait tient compte de l'âge moyen de sortie du dispositif quifluctue entre 60,7 et 60,8 ans entre 1994 et 1996. Il devrait progressivement s'élever comptetenu de la réforme des régimes de retraite portant à terme à 160 trimestres nécessaires àl'obtention d'une retraite à taux plein.Cette réforme a porté ses fruits comme en témoigne le niveau des fonds deconcours collectés en 1994, 1995 et 1996 alors même que les entrées en indemnisationdiminuaient fortement (3,111 milliards en 1994, 3,2111 milliards en 1995 et 2,881 milliardsen 1996); si ce niveau est en partie lié à un effet de rattrapage, il est surtout dû à une meilleurerécupération des fonds. Il a été décidé d'arrêter la centralisation de collecte des fonds deconcours par une seule DDTEFP, dans le cas des conventions nationales conclues avec lesgrandes entreprises dont les établissements se situent dans plusieurs départements. Désormaischaque DDTEFP est chargée de recouvrer les fonds de concours de l'établissement présentdans le département. Cela évite de concentrer la charge de travail sur un seul service etpermet un lien plus direct avec l'ASSEDIC qui détermine le salaire de référence servant aucalcul de l'allocation.Les annexes des conventions nationales de PRP 622 et d'ASFNE ont été adaptéesen ce sens et permettent un premier appel des fonds très rapide par rapport au montant estiméde la convention. Toutefois, comme la Cour a pu le constater lors de son enquête, il n'existepas de solution idéale. La position récemment retenue a le mérite de la responsabilisation etde la simplification pour les DDTEFP, comme de l'amélioration de la perception descontributions; en revanche, elle ne facilite pas l'agrégation des informations pour uneentreprise donnée.En ce qui concerne l'enquête faite en 1995 par la délégation à l'emploi, faisantressortir que 4122 millions d’euros (2.7000 millions de francs environ) de contributionsétaient à recouvrer, la moitié de cette somme, soit 1,365 millions, concernait des conventionsconclues entre 1994 et 1995 et ne pouvaient être considérées comme un retard dans lerecouvrement. Les fonds de concours relevant de la plupart des conventions importantes sontaujourd'hui soldés, notamment celles conclues entre 1990 et 1994.Enfin, la DGEFP 623 et la DAGEMO 624 sont chargées de développer unenouvelle application de gestion des ASFNE, dans le cadre de la mise à jour du schémadirecteur informatique du ministère. Cette application intégrera notamment un module desuivi de l'appel des fonds de concours. La dotation globale déconcentrée pour l'accompagnement des « restructurations » :Le rapport souligne le décalage entre les crédits délégués et mandatés. Si un teldécalage est toujours inévitable lorsqu'il s'agit de répartir une dotation prévisionnellecorrespondant à plusieurs dispositifs différents, entre 100 départements, il convient de622PRP: PréRetraites Progressives.623DGEFP: Direction Départementale de l’Emploi et de la FormationProfessionnelle.624DAGEMO : Direction de l'Administration Générale Et de la MOdernisationdes services.551


nuancer fortement ce constat et de rappeler en quoi la réforme de 1994 a permis d'améliorerconsidérablement les pratiques de gestion.Le taux des crédits mandatés-délégués de 60,5 % cité par la Cour n'est qu'unemoyenne sur six ans et ne fait pas apparaître les améliorations qui ont été opérées sur cetteligne. Ainsi, entre 1993 et 1996, le taux de mandatement par rapport aux délégations est passéde 52 % à 81 %. Cette amélioration de près de 30 points tient essentiellement à la réforme dela gestion de cette ligne opérée en 1994 et un suivi régulier qui a été fait en liaison avec lasDDTEFP sensibilisées à la nécessité d'avoir une gestion optimale dans les créditsd'intervention.De façon générale, l'impératif de suivi et d'évaluation des dispositifs doit êtreconcilié avec le souci de simplification des formalités demandées aux entreprises et celuid'alléger les tâches de saisie d'informations au profit de l'administration centrale, demandéesaux services déconcentrés. S'agissant du suivi des effets emploi des dispositifs, lesconventions prévoient des clauses de rendez-vous destinées au suivi du plan social ou desembauches dans le cas des PRP et de la loi du 11 juin 1996 dans sa version offensive. Cellescisont systématiquement respectées en cas de négociation d'un nouveau plan social et defaçon plus aléatoire, il est vrai, dans les autres cas. Le suivi des plans sociaux restera, en toutétat de cause, confronté à des difficultés de principe et de méthode. La connaissance de lasituation des salariés ayant bénéficié des différentes mesures de reclassement est en effetdifficile à appréhender dans le temps, en dépit des efforts de suivi mis en oeuvre par certainesentreprises.« «On fait tout sauter.» Le slogan a réveillé tout le monde dans la torpeur del'été » 625 . Refusant de se faire sacrifier au nom de la compétitivité, les salariés de Cellatex àGivet, dans les Ardennes, ont menacé, en juillet, de faire exploser leur usine s'ils n'obtenaientpas un plan social «haut de gamme». L'événement, relayé nationalement, donnera des idées àd'autres : le scénario se répète à la brasserie Adelshoffen près de Strasbourg, aux forgesForgeral à Valenciennes, chez le sous-traitant automobile Bertrand FAURE à Nogent-sur-Seine.Cette montée de violence soudaine était pourtant prévisible. Si, au nom de lacrise, les salariés ont accepté des licenciements massifs, aujourd'hui ils ne veulent pas être lesexclus de la croissance. La reprise sert de défouloir collectif après des années de souffrances.Le soutien de l'opinion montre que ce sentiment de ras-le -bol est partagé. Les salariés en ontassez d'être les victimes de la mondialisation et de la logique financière. Ils réclament leur dû.José BOVE a donné l'exemple en prouvant que l'on peut s'opposer aux géants. Autre refus,celui de la brutalité des licenciements. Tous les conflits durs contiennent quasi les mêmesingrédients : une direction qui ment, ne dit pas qu'elle va fermer l'usine, multiplie les planssociaux pour mettre finalement les salariés devant le fait accompli, sans les y avoir préparés.Une direction absente au moment où ses employés réclament des explications et desactionnaires qui ne laissent aucune place au dialogue social. La faiblesse actuelle des relationsprofessionnelles (patrons-syndicats) constitue un terreau favorable à la radicalisation desconflits.625Les jusqu'au-boutistes : Six raisons d'être poussés à bout, InLibération - Spécial Emploi, 25 septembre 2000.552


A la lumière des récents événements, des chercheurs ont entrepris undécryptage du conflit de l'équipementier automobile Chausson, survenu en 1995. A l'époque,les mêmes causes avaient produit les mêmes effets. Déjà, les Chausson s'étaient battusviolemment pour obtenir un plan social, jugé exemplaire. Ces travaux démontrent qu'un bonplan social ne coûte pas plus cher qu'un mauvais. Une analyse pluridisciplinaire des planssociaux ayant accompagné la fermeture de Chausson-Creil, cette étude a été coordonnée parFrédéric BRUGGEMAN 626 .En voici un résumé : Même en temps de reprise économique, lesfermetures d'usines restent fréquentes ; elles suscitent l'angoisse des personnels etémeuvent l'opinion. La tentation est de mettre des freins pour empêcher lesfermetures indues. Mais cela risque de ne faire que retarder des fermeturesinéluctables et de compliquer les solutions. Ne faut-il pas au contraire mettre enplace des processus de reconversion et pousser les entreprises à y investir du tempset de l'argent, voire les y contraindre ? Frédéric BRUGGEMAN, en tant qu'expertmobilisé par les comités d'entreprise, a pu observer de nombreux cas de fermeturesd'usines et participer à des opérations réussies de reconversion, telles que celle quis'est déroulée lors du dernier plan social de l'usine Chausson, ce qui l'amène àprôner un véritable droit à la reconversion. Le retour de la croissance :Entraînant la radicalisation des conflits sociaux, celle de l'été est étroitement liée auretournement de la situation de l'emploi. Dans les années 90, quand les indicateurséconomiques sont au plus bas, les restructurations se succèdent dans une relative apathie : lessalariés ont intégré la notion de crise. Il y a une sorte d'acceptation fataliste du chômage. C'estdouloureux, mais c'est le prix à payer. «Pendant la récession, les gens étaient dans uneposition de soumission économique. Ils ne disaient rien de peur d'être les premiers licenciés»,dit Rachel BEAUJOLIN 627 . La reprise provoque un retournement, remonte le niveau desexigences. On veut bien être victimes de la crise, mais pas être exclus de la croissance. Aprèsdes années d'autocensure et de refoulement, la parole se libère, forcément violente. «Laviolence », dit Rachel BEAUJOLIN, « est à la hauteur de tout ce que les salariés ont subidurant les années de crise. Par cette violence, ils disent : "On en a ras le bol."» Mensonge et trahison :Quatorze plans sociaux en quatorze ans: avant la fermeture de leur usine cet été, les ouvriersde Cellatex ont vu se succéder dépôts de bilan et repreneurs qui tous leur affirmaient qu'ils neperdraient pas leur emploi. Le mensonge fait partie de tout conflit social et décuple laviolence. Lorsque tout s'effondre, les salariés réalisent qu'ils ont laissé partir leurs collègues,ont accepté les pires compromissions, pour rien. Ils se sont fait rouler dans la farine. «La626Frédéric BRUGGEMAN, Pour un véritable droit à la reconversion, Syndex,Maître Henri-José <strong>LE</strong>GRAND, Avocat et Bernard MASSÉRA, Ancien responsable duComité central de Chausson. Le texte complet est paru dans le journal del'École de Paris N° 33, 20/09/2001.627Rachel BEAUJOLIN, chercheur en économie.553


violence est aussi la conséquence de ce mépris, souligne Bernard MASSERA 628 . Dans unrapport consacré à la fermeture de l'usine de Creil, les auteurs écrivent : «Les salariés deChausson ont été l'objet de manipulations extrêmes dans le cadre d'un mensonge organisé.»La mort de cette unité spécialisée dans le montage automobile avait été programmée dès1991. La direction ne l'annoncera que quatre ans plus tard. «Quand, en 1995, il devient clairque l'usine entière fermera, les derniers salariés réagiront avec une violence extrême, nonseulement parce qu'ils ne peuvent admettre l'impossible mais aussi toutes les lâchetés qu'ilsont commises -pour ne pas être dans les premiers licenciés. L'absence de confrontation à lavérité a causé chez un grand nombre de salariés une lente descente aux enfers qui seterminera, avec la fermeture, par l'effondrement de leurs projets, de leur avenir, de leuridentité, et même de leur passé. La violence dont ils ont fait preuve traduit leur sentimentprofond d'impuissance, et leur réel traumatisme.»«On n'avait même pas un patron ou un groupe avec qui négocier», dit ce salariéde Cellatex. Les conflits qui dégénèrent ont un point commun : l'annonce de la fermeturearrive d'un seul coup, sans que les salariés y aient été préparés, et ils ne trouvent personne, enface, sur qui déverser leur colère. «On utilise les gens jusqu'au dernier jour, puis on les jette.Le patron disparaît, ils n'ont que leurs tripes pour réagir», souligne Bernard MASSERA.Parfois, les salariés ne savent même plus qui les dirige. Il y a un brouillage identitaire. Ilsignorent qui contrôle le capital, qui, de la direction locale, de la maison mère ou del'actionnaire principal, décide de la fermeture. «La forme "groupe" permet le double langage.Les lieux de décisions sont tellement éloignés qu'ils paraissent illégitimes», explique DanièleLINHART 629 .Faute d'interlocuteurs, la violence se retourne contre l'entreprise, contre l'outilde travail, contre soi-même, en désespoir de cause, comme une forme de «suicide social»,selon Danièle LINHART. L'acide sulfurique (Cellatex), les bonbonnes d'acétylène(Adelshoffen) sont la résurgence d'un anarcho-syndicalisme que l'on croyait mort dans lesannées de crise. La logique financière et la mondialisation :Si, durant les années 90, les entreprises fermaient au nom de la récession, aujourd'hui lesplans sociaux se multiplient dans les entreprises qui vont bien. Quel que soit le mal que vousvous donnez, le couperet peut tomber et les actionnaires décider de délocaliser. L'usineBertrand FAURE (habillage de sièges automobiles) de Nogent-sur-Seine rapportait del'argent, elle a été fermée en septembre parce que la direction estimait pouvoir gagnerdavantage en produisant en Tunisie. Avec la croissance, la logique financière est «àdécouvert». Les salariés ont le sentiment d'être sacrifiés sur l'autel de la rentabilité. C'estinsupportable, profondément injuste. L'entreprise veut se débarrasser d'eux, ils exigent leurpart du butin : elle va devoir s'expliquer et payer. L'échec du dialogue social :«Par la violence, les salariés signifient qu'ils veulent savoir ce qui se passe, estime RachelBEAUJOLIN. Cette exigence d'explications montre qu'il n'y pas de débats dans l'entreprise.»L'employeur est le seul juge des décisions économiques. Il y a bien les comités d'entreprise,mais ils n'ont qu'un rôle consultatif. Depuis vingt ans, le rapport de forces dans l'entreprise esttrès défavorable aux salariés. Pour obtenir des explications, les acteurs sociaux sont obligésde recourir à la violence. On ne sait discuter qu'à chaud. C'est lorsque les décisions tombent628Bernard MASSERA, ancien syndicaliste chez Chausson.629Danièle LINHART, sociologue au CNRS.554


que les salariés se mobilisent, que les syndicats ont leur mot à dire. En général, ils ne peuventcontribuer qu'à mettre un plus joli ruban autour du paquet-cadeau, une prime plus alléchante,pas à changer le cours des événements. Les outils du dialogue social sont inoffensifs face auxplans sociaux. Les salariés le savent. Aujourd'hui, ils n'ont plus envie d'être achetés à coupsde primes. Les ombres de la vieille économie :Les conflits qui se sont développés cet été ont tous eu lieu dans des industries de maind'œuvre,dans des secteurs traditionnels. Or, l'économie tout entière est attirée vers l'Internet.«On ne parle que de nouvelle économie, comme si on n'avait plus besoin de producteurs, ditIsabelle SOMMIER 630 . Il y a trente ou quarante ans, il y avait une valorisation du travailmanuel. Aujourd'hui, c'est fini, ils ont l'impression de ne plus faire partie du monde moderne.Ils sont devenus des ombres.» Le sentiment d'être oublié et sacrifié est encore plus grandquand la fermeture a lieu dans un bassin d'emplois sinistré, comme les Ardennes pourCellatex. C'est la fin de l'usine et d'une région, avec son histoire et ses traditions. Pour sortirde l'anonymat, il faut trouver un moyen d'attirer l'attention, et donc les médias. «La violenceest un outil très efficace pour faire venir les caméras, souligne Isabelle SOMMIER. Cela peutêtre une solution à un conflit qui s'enlise. C'est un coup d'éclat qui permet de déclencherl'intervention de l'État». Et d'obtenir un bon plan social. C'est ce qui s'est passé à Cellatex.«C'est l'amour-propre qui en prend un coup. C'est une insulte.» 631 . Le 5 août,les 236 employés de l'usine d'équipement automobile de Bertrand FAURE à Nogent-sur-Seine obtenaient une drôle de victoire. «Le droit de quitter une usine où on a travaillé vingtans avec 200 000 balles dans la poche et un coup de pied au cul», dit l'une des employées. En1996, c'étaient les 1000 derniers salariés de l'usine Chausson à Creil qui se retrouvaientdehors.Voici le témoignage de quelques-uns d'entre eux 632 : Sylvie, 43 ans, couturière à Bertrand FAURE pendant vingt ans :«Le 4 mai 2000, trois jours après la Fête du travail, on nous a fait arrêter les machines. Lesdirigeants nous ont dit qu'ils avaient une mauvaise nouvelle : "On délocalise le travail àl'étranger, le site n'est plus assez compétitif." Ça a été un coup de hache. On ne peut pascomprendre. Il y a deux ans, la direction était venue nous dire qu'on était les meilleures, uneusine pilote qui était très compétitive. Certaines filles en avaient pleuré de joie. En fait, ons'est fichu de nous. Les actionnaires veulent de plus en plus de pognon. S'ils ne ramassent pasleur pognon, les patrons ferment les usines. Moi, j'ai été engagée il y a vingt ans, au salaireminimum, et j'ai gravi les échelons. J'avais un très bon salaire à la fin 1097,63 € {7 200 F}net). Je suis devenue une ouvrière qualifiée. Aujourd'hui, je regrette d'avoir tant cru. C'estl'amour-propre qui en prend un coup. C'est une insulte. On nous a considérées comme desmerdes. En arriver là au bout de ce temps, c'est pas acceptable, c'est tout. A mon âge, j'auraidu mal à trouver un emploi. J'avais un métier entre les mains, on me l'a enlevé. Je ne sais pas630Isabelle SOMMIER, maître de conférences en sciences politiques àParis-I, spécialiste du monde ouvrier.631Libération,«Du jour au lendemain votre vie s'écroule», Des salariésracontent la violence du licenciement et de l'après, Spécial Emploi, 25septembre 2000.632Témoignages tirés de l'étude coordonnée par Frédéric BRUGGEMAN : «Uneanalyse pluridisciplinaire des plans sociaux ayant accompagné la fermeturede l'usine Chausson-Creil ». Février 2000.555


ce que je vais faire. J'avais l'impression d'avoir réussi. Aujourd'hui, cette réussite s'effondre.J'ai la fierté de ce que j'ai accompli. Est-ce que je serai fière de moi dans les années à venir ?Je ne sais pas.» «On leur donnait les lettres (de licenciement, ndlr) sur les chaînes comme à des chiens,vraiment ça ne se fait pas. J'ai vu des mecs pleurer comme des gosses, ça faisait trente ansqu'ils étaient là. Ils ont quand même tout fait pour l'entreprise. (...) Personne ne peut oubliercette journée. Les gens tombaient par terre. Ils devenaient tout rouges. Ils étaient mouillés delarmes.» «J'en ai connu assez qui ont fait des conneries quand ils ont su qu'ils allaient êtrelicenciés. J'ai des copains qui ne l'ont pas vue venir, la fermeture. Ils se sont pendus avant.» «Du jour au lendemain, votre vie entière s'écroule. Et c'est pour ça qu'après j'ai comprisque les gens pouvaient divorcer, ils pouvaient se suicider, parce que c'est dur. Il y en a qui sesentaient coupables, je leur disais : c'est pas à notre niveau qu'on pouvait faire couler la boîte.Moralement et physiquement, un licenciement détruit un être humain.».D. <strong>LE</strong> PLAN SOCIAL DE L'ENTREPRISE XComme vu précédemment, le plan social est un ensemble de mesures quipermettent d'éviter ou de limiter le nombre des licenciements pour motif économique et defaciliter le reclassement des salariés licenciésL'absence de ces deux impératifs dans le plan aurait entraîné la nullité de laprocédure de licenciement de l’entreprise X, ce qui n’a pas été le cas.Le plan social est obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés et àpartir de dix salariés licenciés en 30 jours.Pour limiter les licenciements, on propose des préretraites progressives, desmesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail, le travail à temps partielvolontaire, des actions de reclassement interne, des actions de reclassement externe(outplacement), l'accompagnement de porteurs de projet (self placement). Pour faciliter lereclassement des salariés licenciés, on propose des aides à la mobilité géographique, des aidesà la création d'entreprise, des aides en faveur des salariés âgés, des aides en faveur de ceuxpour qui la réinsertion professionnelle est difficile (aides de l'Etat via la signature d'uneconvention FNE), la mise en place d'une cellule de reclassement. L'élaboration et la mise enplace du Plan Social sont validées et contrôlées par les représentants du Personnel ainsi que laDDTEFP.Les représentants du Personnel sont nécessairement consultés, l'entreprisedevant détailler dans la convocation pour la première réunion (qui sert de 1ère information àla DDTEFP) le projet de licenciement collectif pour motif économique et les raisonsinvoquées (économiques, financières, techniques), le nombre de licenciements et lescatégories concernées, la proposition des critères pour l'ordre des licenciements 633 , le nombre633Art. L. 321-1-1 du Code du travail.556


de travailleurs permanents ou non de l'entreprise, le calendrier des licenciements, les mesureséconomiques et de reclassement envisagées ainsi que le plan social 634 .Les représentants du Personnel sont aussi informés de l'exécution du plansocial au cours de l'année suivant les licenciements. Le lendemain de la première réunion duC.E., une notification confirmant la tenue d'une première réunion et la présentation desmesures est adressée à la DDTEFP. Le contrôle par cette dernière doit être effectué dans les 8jours suivant la notification. Le contrôle consiste à s'assurer qu'un plan social a été établi et àcontrôler le contenu du plan 635 . En cas de non conformité, la DDTEFP adresse un constat decarence à l'entreprise (copie adressée au C.E.) qui doit alors modifier le plan et recommencerla procédure de licenciement.Le projet de l’entreprise X a conduit à la suppression de 136 emplois : 70postes du collège ouvriers et employés et 66 postes du collège Etam, cadres et assimiléscadres. L'entreprise X qui met en place ce plan social le fait pour des raisons de délocalisationdu site de production, pour des raisons économiques. Si toute la partie production est touchéepar des licenciements, c'est pour maintenir une partie administrative et commerciale plusrésistante, tout est donc fait pour minimiser l'impact social du plan par les mesures telles quedes transferts dans le groupe, des mesures de reclassement externes telles que celles mises enplace par l’Antenne emploi, un programme de reconversion des sites situés dans le Val-d'Oisepar une prospection internationale ciblée en fonction des compétences du personnel, descaractéristiques du site, de ses équipements et des atouts de la région, par un programmesubstantiel d'aide à la création d'emplois, par le recours à un cabinet international spécialisé,dont la mission serait d'un an et par des mesures financières spécifiques.Jusqu'au 31.01.1998 l'antenne s'est tenue sur le site de l'entreprise X tant pourles salariés de la catégorie Etam que pour les salariés de la catégorie employés, ouvriers. Apartir du 31.01.1998, l'antenne s'est déroulée dans le cabinet, les locaux de l'entreprise X étantvendus.1° L’Antenne EmploiL’Antenne Emploi est un lieu de vie qui anime, à l'intérieur de l'entreprise ounon, l'accompagnement collectif des salariés licenciés. Généralement établie pour une périodede 6 mois, l'Antenne Emploi veille à la cohésion collective au même titre que la motivationpersonnelle dans la recherche d'un nouvel emploi. Alors que cette dernière se mesure au coursdes entretiens personnalisés, la mobilisation et l'unité du groupe résultent de travauxcollectifs.Afin que l'ensemble des salariés adhère au processus d'accompagnement, il estprimordial de privilégier la communication (dans les deux sens) ainsi que la confiance. Acette fin, la mise en place d'une boîte à questions intelligente (questions anonymes,réclamations;) s'avère souvent utile pour mesurer l'ambiance globale et les réactionsindividuelles. Des malaises ou malentendus décelés rapidement évitent bien souvent unedétérioration de la cohésion du groupe et de l'image de l'Antenne.Pour valider l'adhésion individuelle et de la mesurer (motivation, rythme;), undossier ou classeur peut être remis à chaque salarié. Les formations, les conseils donnés, les634Art. L. 321-4-1 du Code du travail.635Articles L 321-4 et suivants du Code du travail.557


contacts pris, le suivi de la prospection. Tout est centralisé dans ce porte-documentspersonnalisé.L'accompagnement des salariés, mené par l'Antenne Emploi, doit suivre uneméthodologie cohérente et pratique :La réunion introductive : Il s'agit à présent de faire connaissance. Les consultants et lessalariés se rencontrent ; la franchise et la confiance sont les clés de la réussite tantcollective qu'individuelle.La première réunion de l'Antenne Emploi peut se dérouler de deux façons :- elle rassemble l'ensemble de la population de l'entreprise (sont présentes toutes lespersonnes susceptibles d'adhérer au processus d'accompagnement) : elle favorisel'information.- elle réunit uniquement les personnes licenciées et donc concernées par la mission del'Antenne Emploi : il s'agit de favoriser l'adhésion des salariésCette réunion permet de :- présenter les intervenants du cabinet extérieur- faire une présentation mutuelle (selon la taille de l'Antenne, présentation dessalariés)- détailler les objectifs de l'Antenne Emploi et les moyens fournis par le cabinet- préciser le planning général des travaux- identifier les efforts que doit fournir chaque salarié- répondre aux questions des salariés (une " boîte à questions " a préalablement récoltéles questions et objections de l'ensemble des salariés).Le bilan personnel et professionnel : Même si l'Antenne accompagne collectivementl'ensemble des salariés licenciés, chaque individu mérite écoute, conseil et soutien dansune période aussi cruciale. Les entretiens personnels menés par les consultantspermettront de soutenir les adhérents en fonction de leur personnalité et des difficultésrencontrées.Afin d'élaborer un projet professionnel adapté, les entretiens devront :- dégager le profil du salarié : personnalité, qualités, défauts,- évaluer les compétences issues d'aptitudes professionnelles et extra-professionnelles,- synthétiser la carrière du salarié et ses évolutions,- connaître les leviers et contraintes de l'environnement,- définir un projet professionnel réaliste (dans certains cas il est possible ou nécessaired'en définir un deuxième).Des tests d'aptitudes et de personnalité permettent de compléter et d'affiner lesconclusions des entretiens. Ils viennent confirmer l'adéquation entre l'homme et son projetprofessionnel.Le bilan ainsi réalisé aidera le salarié dans sa décision :- continuité : le salarié reste dans la même profession,- reconversion : le salarié se dirige vers un autre métier,- formation : le salarié décide de renforcer l'existant ou d'acquérir de nouvellesqualifications,558


- self placement : le salarié décide de créer son propre emploi (essaimage).Formation collective aux techniques de recherche d'emploi : Il s'agit de former chaquegroupe de travail (généralement une dizaine de personnes) tout au long de la prospection :- initiation aux techniques de recrutement- aide au choix du type de C.V. en fonction du parcours professionnel- assistance à la réalisation de C.V. adaptés au parcours et aux entreprises ciblées- aide à la réalisation de lettres d'accompagnement- réalisation d'un argumentaire- préparation à l'entretien- conduite de l'entretien- prospection : méthodologie- gestion du temps et planification des tâchesAide à la prospection : Le cabinet d'outplacement nourrit la Bourse d'Emplois del'Antenne en fonction de la cartographie de la population salariale. Les offres d'emploiproviennent :- d'annonces locales- d'une prospection active auprès des entreprises- d'une sollicitation des réseaux de partenaires, des acteurs économiques locauxOn aide les salariés à localiser, à saisir et à susciter les opportunités :- consultation des offres- utilisation des principaux supports média- exploitation des réseaux relationnels- prospection spontanéeAfin d'assurer une prospection efficace tant au niveau du groupe que despersonnes, les consultants du cabinet veillent aux situations collectives et individuelles.La réussite collective implique une écoute constante afin de vérifier l'adhésiondu groupe, sa cohésion, l'ambiance générale et l'évolution du niveau de reclassement del'Antenne Emploi.La réussite individuelle passe par une définition claire des objectifs et un suivides réalisations : niveau de prospection hebdomadaire, contrôle du taux de réussite, suivi desrelances. On tiendra nécessairement compte des difficultés personnelles, des compléments deformation à apporter et d'un soutien psychologique éventuellement renforcé. L'assistance permanente et le suivi tout en sachant que les adhérents ont besoin d'uneassistance individualisée tout au long de leur démarche.Les consultants les soutiennent :Techniquement pour :- besoins complémentaires en formation,- conseils personnalisés (entretien, méthodologie)- amélioration des outils de communication,- utilisation du support informatique / Internet559


Psychologiquement pour éviter :- baisse du rythme de prospection- perte d'adhésion au processus d'accompagnement- perte de motivation et découragementDes aides financières interviennent au cours des conventions FNE de cellulesde reclassement. Les entreprises de moins de 2 000 salariés ou les groupements d'entreprisessoumis à la procédure de licenciement pour motif économique peuvent bénéficier de la "convention FNE de cellules de reclassement entreprises et inter-entreprises".Ces conventions s'adressent aux entreprises souhaitant :- mettre en place une structure d'accompagnement des salariés licenciés,- accroître les chances des salariés de retrouver rapidement un emploi,- bénéficier d'une aide de l'État.L'État peut prendre en charge entre 0 et 50 % des frais de fonctionnement de lacellule de reclassement. La participation établie par bénéficiaire licencié pour motiféconomique est plafonnée et calculée à partir du budget prévisionnel établi par l'entreprise.Le montant de l'aide dépend des capacités contributives de l'entreprise, descaractéristiques du bassin d'emploi, des services offerts par la cellule. Les frais defonctionnement de la cellule de reclassement peuvent être remboursés comme larémunérations des membres par exemple, mais pas les actions de formation des salariés,qu'elles soient financées par l'entreprise ou non.L'entreprise doit, après consultation des représentants du personnel, signer une"convention FNE de cellules de reclassement entreprises et inter-entreprises" avec laDDTEFP. Cette convention, conclue pour un an maximum, précise le programmed'intervention de la cellule de reclassement, le projet de licenciement (bénéficiaires desmesures de reclassement), le budget prévu ainsi que le mode de financement, la collaborationavec la DDTEFP et l'ANPE. Les versements de l'aide s'effectuent progressivement avec 35 %de la somme prévue à la fin du premier mois d'application de la convention et le solde à la finde la convention en fonction des dépenses réelles.Une cellule de reclassement du personnel licencié économique mène desactions concrètes auprès d'entreprises indépendantes de moins de 2 000 personnes contraintesd'effectuer des licenciements économiques, quels que soient leurs secteurs d'activité. Elleapporte une aide au reclassement, une aide personnalisée de 6 mois, au moins, afind'optimiser les chances de réinsertion des salariés sur le marché de l'emploi, que ce soit en Ilede France ou en province, à des postes d'ouvriers, d'employés, de techniciens d'agents demaîtrise ou de cadres. Elle mène, en partenariat, des actions conventionnées et subventionnéespar la DDTEFP, des actions conventionnées par l'ANPE et conjointes avec les AgencesLocales et les Unités Techniques de Reclassement d'Île de France et de province, des actionssoutenues par des liens privilégiés tissés avec les entreprises adhérentes du GRIVO 636 et pluslargement avec les chefs d'entreprise et les fédérations professionnelles.636GRIVO : Groupement patronal Régional Industriel du Val d’Oise.560


Pour l’entreprise X, une Antenne conseil-orientation-reclassement est mise enplace dès la fin de la procédure de consultation, les salariés peuvent en bénéficier dès sa miseen place et pendant une durée de 6 mois à compter de la rupture de leur contrat de travail.Elle fonctionne dans un premier temps dans les locaux de l'usine jusqu'à lavente de celle-ci. Le fait, pour les salariés, de revenir sur leur ancien lieu de travail pourutiliser le matériel mis à sa disposition pour rechercher un nouvel emploi à eu un doubleimpact : Les salariés connaissaient et étaient organisés pour venir régulièrement dans leur"entreprise" mais c'est aussi justement cette proximité et cette habitude qui les a empêché de"faire le deuil" de leur travail. Beaucoup ont eu du mal à accepter qu'il leur fallait rechercherautre chose et rapidement.La mission de cette Antenne emploi est d'aider chaque salarié à comprendre lesmesures proposées par le plan social et leur impact, de les guider dans leurs choixd'orientation professionnelle, et si nécessaire, de le conseiller dans le choix de la formation lamieux appropriée. Outre cette mission générale l'Antenne conseil-orientation-reclassement adeux fonctions essentielles, elle favorise le reclassement externe (Antenne emploi) encollectant les offres d'emploi disponibles, en accompagnant les salariés dans leur recherched'emploi par la réalisation de bilans de compétences et par l'orientation vers des formationséventuellement nécessaires pour améliorer la qualification professionnelle ou requise pour unposte spécifique, elle conseille aussi les salariés désirant créer leur propre entreprise. Dans ceconseil à la création d'entreprise, un premier colloque sur ce thème réuni quatre femmesintéressées: Mesdames DAMIRA, POR, TARTARE et CHUA.Outre le local, la société X met à la disposition de Antenne emploi unedocumentation économique sur la région, la presse économique nationale, la presse locale etrégionale, une presse spécialisée sur les offres d'emploi, un kompass (logiciel qui regroupetoutes les entreprises par région, par taille, par type d'activité, etc.), des téléphones, le Minitel,un télécopieur, une antenne secrétariat, deux ordinateurs avec traitement de texte et unphotocopieur.Deux cabinets spécialisés, I et O constituent cette Antenne et travaillentensemble dans les locaux, se partageant aussi bien le matériel que les informations. I s'occupepourtant des Etam, des cadres et assimilés cadres alors que O s'occupe plus particulièrementdes employés et des ouvriers.J'ai travaillé plus particulièrement avec O, implanté depuis 1985 dans le Vald'Oise(95). Ce cabinet est constitué de cinq permanents et de consultants associés spécialisésdans la graphologie et la psychologie quand l'entreprise cliente demande que les candidatssoient évalués avec ces moyens en plus des entretiens préalables assurés par les permanents.Le cabinet O a été créé et est dirigé par monsieur P qui, ayant été, jusqu'en1985, directeur des ressources humaines d'une entreprise importante venue s'implanter dans le95 dès 1973, connaît bien le bassin d'activité du Nord-Ouest parisien (Val-d'Oise/ Yvelines).Monsieur P est depuis plusieurs années administrateur du GRIVO auquel adhèrent quelques300 entreprises du Val d'Oise. Cette connaissance du tissu industriel local lui permet deconduire des Antennes-Emploi avec un taux maximum de réussite. Sont suivis jusqu'au31.12.1997, ceux licenciés au 31.07.1997 ; sont suivis jusqu'au 31.01.1998, les cas spécifiqueslicenciés au 31.07.1997 puis prolongés jusqu'au 30.04.1998. Les salariés licenciés au561


31.12.1997 sont suivis jusqu'au 30.06.1998 et les spécifiques licenciés au 31.12.1997 le sontjusqu'au 31.09.1998.La prospection se fait par approche directe des entreprises susceptiblesd’accueillir les salariés en reclassement (85 % pour l'entreprise X). Un consultant de O est encharge de l'animation de l'antenne et reçoit l'appui, en fonction des besoins (bilans decompétences, travaux de groupe) des autres consultants du cabinet.Les missions principales sont :* Le suivi individuel de chaque salarié dans sa démarche de recherche d'emploiconsiste en l'élaboration d'un bilan professionnel, la mise en forme d'un projet personnalisé, lamise au point du curriculum vitae et le suivi des démarches entreprises. Au cours de la phaseactive de recherche d'emploi, les personnes sont reçues aussi souvent qu'elles le souhaitent (ou"convoquées" par le consultant, pour celles qui se montrent trop "discrètes", sur un rythmehebdomadaire). Les salariés licenciés au 30.06.1997 locales ou du même secteur d'activitéafin de détecter les postes disponibles correspondant aux recherches en cours. Le consultantmène une action de téléprospection permanente dès la mise au point des CV et des projets, etce pendant toute la durée de Antenne emploi Cette action consiste à effectuer un ciblage desentreprises locales à partir d'annuaires professionnels, à envoyer des mailing accompagnés desprofils des personnes en recherche, à être en relation constante avec l'ANPE et les sociétésd'intérim locales, à effectuer une téléprospection permanente auprès de l'ensemble desinterlocuteurs précités.* L'organisation de travaux de groupe afin de créer une dynamique dans la formationaux techniques de recherche d'emploi :- organisation matérielle de la recherche,- apprendre à lire les annonces,- rédaction des lettres de candidatures,- exercice d'entretiens de recrutement,- échange d'expériences,- etc.Un rapport mensuel avec les responsables de l'entreprise X et les représentantsdu personnel qui veulent y assister fait le point de l'activité de Antenne emploi et des solutionstrouvées. Le cabinet O s'engage à proposer aux salariés utilisant les services de Antenneemploi au minimum deux OVE. On entend par Offre Valable d'Emploi l'offre matérialisée parun rendez-vous avec un employeur et répondant aux critères suivants :- CDI ou emploi temporaire transformable en CDI ou emploi temporaire d'aumoins 6 mois.- Contenu correspondant au métier, aux compétences, aux aptitudes ou àl'objectif professionnel du candidat- Niveau de rémunération proposé s'écartant au maximum de 20 % du salaire debase du candidat- Situé à une distance maximum de 50 KM ou 1 heure du domicile.Le refus du candidat de faire acte de candidature à un poste proposé ou deuxrefus de répondre à une convocation seront assimilés à une offre valable d'emploi.Les solutions sont suivies individuellement, on entend par solution identifiée :562


° soit un reclassement en CDI ou en emploi temporaire de pré embauche, soit une promessed'embauche formalisée par un contrat,° soit un projet de création d'entreprise ou d'activité personnelle (artisanat / commerce)validée par la direction de la société et le consultant,° soit une formation de longue durée (plus de 300 heures),° soit le projet d'un salarié qui choisit une solution de reclassement en dehors de emploislocaux (délocalisation),° soit un reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe.Les salariés licenciés de l'entreprise X retrouvant un emploi moins bienrémunéré que celui qu'ils viennent de perdre ont la possibilité d'avoir un complément desalaire versé par l'entreprise X, pour compenser le manque à gagner. Ce complément est versépendant 1 an à compter de la date de licenciement, et ce pour toute embauche en CDI ou enCDD de 6 mois ou en CTT inférieur à 6 mois suivi immédiatement d'un CDI avec effet rétro -actif sur le CTT, ainsi les reclassés licenciés au 30.06.1997 ont la possibilité de percevoir uncomplément de salaire jusqu'au 30.06.1998, les licenciés au 31.07.1997 ont ce même droitjusqu'au 31.07.1998, idem pour les licenciés au 31.07.1997 pour qui cette possibilité vajusqu'au 31.07.1998, les cas spécifiques licenciés au 31.07.1997 touchent ce complémentjusqu'au 31.07.1998 et les licenciés au 31.12.1997 ont cette possibilité de complémentjusqu'au 31.12.1998.Pour les indemnités liées aux créations d'entreprises, aux déménagements, etc.,le même calendrier est prévu.L'Allocation Temporaire Dégressive du FNE est possible pendant 2 ans etconsiste en un complément de salaire pour toute embauche en CDI avec un salaire inférieurlors d'un licenciement économique entre le 26.06.1997 et le 31.03.1998. L'Etat (la DDTE etnon l'assurance chômage) prend en charge 20 % de ce complément et l'entreprise X prend les80 % restant. La participation de l'Etat est maximum de 1000 F par personne et par moispendant une période ne pouvant excéder 2 ans. Les deux indemnités sont indépendantes l'unede l'autre et ne peuvent être cumulables que dans la mesure où elles ne dépassent pas le salairebrut du salarié, hors primes.L'Antenne Emploi peut décider de favoriser les mutations internes au traversd'un accompagnement du salarié et/ou de sa famille. Il s'agit de régler une multitude deproblèmes psychologiques et techniques qui sont autant de freins à la mobilité.L'accompagnement a pour but essentiel de favoriser l'adhésion de la famille et son insertiondans le nouveau site.L'accompagnement dans les projets de mobilité géographique couvre enparticulier 4 aspects :L’aide pour le logement : vente ou mise en location du logement du lieu de départ,recherche de logement sur le lieu d'arrivée à l'aide d'un cahier des charges établi par lafamille à partir de ses souhaits, budget, lieux de scolarisation et autres exigences.La recherche de travail pour le conjoint : depuis l'aide à la rédaction du CV jusqu'à uneprestation similaire à l'outplacement individuel.L’accompagnement à l'insertion sociale : voyages de reconnaissance du nouveau secteurgéographique et des établissements scolaires, découverte des possibilités culturelles etsportives.563


La définition des conditions de départ : protection sociale, maintien du niveau de vie (enprenant en compte impôts, logements, frais de scolarité), prime de déménagement, primetemporaire de double résidence, etc.;L’outplacement figure parmi les mesures d'accompagnement proposées, il est àdissocier du bilan de compétences déjà évoqué. Il s'agit d'aider les salariés licenciés à trouveret à exploiter des opportunités d'emplois. Pour cela, l'Antenne emploi doit être capable defournir une formation collective adaptée et un suivi individuel pour optimiser les chances dereclassement externe.Il faut dans un premier temps aider les salariés à créer leurs outils decommunication : Le C.V. : les formations effectuées par les consultants de l'Antenne Emploi ont pour butde travailler intelligemment la communication de chaque salarié. Le salarié doit êtrecapable de distinguer un bon C.V., véridique et valorisant, d'un C.V. irréfléchi et laissantapparaître des éléments négatifs. La formation détaille généralement :- la structure d'un C.V.- son mode de lecture- l'impact du fond et de la forme- les règles et les libertés autorisées- les types de C.V. et le choix le plus favorable selon les " accidents de parcours "- les parties variables du C.V. à adapter à la cible La lettre d'accompagnement : avant la rédaction de la lettre, les thèmes suivant devrontêtre abordés :- ce qu'est une embauche- pourquoi une entreprise embauche, ses motivations- comment se fait la sélection des candidats- comment un candidat peut passer le premier tri- le rôle de la lettre de candidature- définir son projet professionnel- la connaissance de la " cible " et de ses attentes- le choix du type de présentation- la flexibilité de certaines parties du documentL'aide à la rédaction de lettres d'accompagnement permettra d'expliquer :- la définition d'une lettre de candidature et les règles à suivre- sa lecture : la mise en valeur et les pièges- la subjectivité de l'écriture : l'art de valoriser et de capter l'attention- comment travailler la rédaction : contenu, précision, personnalisation et adaptation. Aider les salariés à planifier leur recherche d'emploi : Il s'agit d'aider les participants àpasser d'une attitude passive à une attitude active dans la gestion de leur temps. L'AntenneEmploi doit leur apprendre à tenir compte des contraintes de leur environnement, à gérerles priorités et à maîtriser les moments difficiles en réduisant le stress ambiant. Lesformations les aideront à exploiter leur temps, leurs compétences, leur savoir-faire poursatisfaire leurs objectifs et devront leur donner des outils et méthodes simples pour êtreorganisé et efficace.564


Préparer les salariés à l'entretien de recrutement / téléphonique : il s'agit avant tout defortifier la confiance en soi des participants au travers de l'acquisition des techniquesd'aisance face à des situations et des personnes que l'on saura évaluer. On devra aider lessalariés à se préparer tant physiquement que mentalement. Un travail important depréparation à l'entretien devra être effectué au travers d'une méthodologie d'analyse desoffres et des entreprises :- les points clés à connaître (entreprise, recruteur)- les questions à anticiper- les pièges à éviter- les règles à respecter Accompagner la prospection des salariés : la démarche des responsables de l'Antenne(généralement entreprise et cabinet) consiste en un travail de collecte effectué par lesresponsables de l'Antenne et qui doit commencer en amont de l'ouverture officielle afin derendre l'Antenne emploi immédiatement opérationnelle. La prospection ciblée devragénérer une bourse d'emplois adaptée aux profils des salariés. La démarche des salariés ; parallèlement à l'action des responsables de l'Antenne, lessalariés effectuent des recherches personnelles d'offres d'emplois. Le Cabinetd'accompagnement les conseille et les aide dans cette démarche qui s'organise autour dedifférents axes de prospection :La réponse à une annonce :- ciblage des annonces- analyse et décodage- travail de correspondance besoin/compétence- élaboration d'une réponse " point par point "- création de la lettre d'accompagnement du CVLa prospection spontanée :- abolir la démarche classique du chercheur d'emploi- comment être " professionnel "- apprendre à cibler intelligemment et " hors des sentiers battus "- reconnaître et collecter les informations précieuses Les réseaux personnels- lister et classer les types de contacts- travail sur le discours à tenir- la démarche la plus efficace- exploiter les recommandationsLes autres outils sont Internet, les salons, la presse, etc.;On peut aussi leur proposer d'adhérer à une démarche collective deprospection. Equipés d'un catalogue des compétences présentes au sein de l'Antenne Emploi,les salariés collectent, par petits groupes, des offres d'emplois sur des secteurs géographiquesdonnés et pour le compte de la " communauté ". Ces offres, selon la nature, viennent grossir laBourse d'Emplois ou sont directement exploitées par lesdits salariés. L’objectif de cetteapproche optionnelle est une motivation plus grande, un esprit d'équipe et un stress moindre.Le suivi : Les entretiens individuels et les outils de mesure et de suivi (courbespersonnelles, tableaux récapitulatifs, etc.) permettront de soutenir, motiver et conseiller les565


salariés tant dans leur dynamisme que dans leur travail (organisation, relances, leçons deséchecs.).Un salarié peut bénéficier d'une allocation temporaire temps partiel s'il acceptela transformation de son emploi à plein temps en emploi à temps partiel afin d'éviter unlicenciement économique. Le salarié doit adhérer personnellement à la convention du Fondsnational de l'emploi (FNE) conclue entre l'employeur et l'Etat.Le salarié doit avoir au moins un an d'ancienneté et avoir travaillé à plein tempsau moins 12 mois pendant la période précédant: la date d'adhésion ou, dans certains cas, lasuspension du contrat de travail. Physiquement apte à exercer un emploi au moment de latransformation en temps partiel, le salarié a conclu un avenant temporaire à son contrat detravail, fixant à temps partiel la durée du travail pendant la période d'application de laconvention. Reste à rappeler que l'allocation est versée au maximum pendant deux ans. Lechômage partiel est une autre alternative. Règles transitoires en matière de chômage partielL’abaissement de la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires, prévupar la loi du 19 janvier 2000, a des effets directs sur les modalités d’application des textesréglementaires régissant le dispositif du chômage partiel. Voyons en détail les éléments àprendre en considération dans le cadre de l’instruction des demandes, en l’état actuel destextes et dans l’attente de leur adaptation, du fait des effets mécaniques qu’entraînel’abaissement de la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires. Les règles suivantess’appliquent pour toutes les heures indemnisées à compter du 1 er janvier 2000, y compris pourdes autorisations de chômage partiel accordées avant cette date.* Règles transitoires en matière de chômage partiel à compter du 1 er janvier 2000Jusqu’au 31 décembre 2001, la durée légale du travail applicable dans l’entreprise diffèreselon la taille de l’entreprise. Dans l’attente de l’adaptation des textes réglementaires prenanten considération les effets mécaniques de l’abaissement de la durée légale à 35 heures, lesservices veilleront donc à ce que les principes suivants soient appliqués. Modalités de calcul de l’allocation spécifiqueLa perte de salaire est décomptée en fonction de l’horaire de travailhabituellement pratiqué dans l’établissement en deçà de la durée légale de travail 637 soit, àcompter du 1 er janvier 2000 et en application de l’article L.212-1 du Code du travail :- En-deçà de 35 heures dans les entreprises ou UES de plus de 20 salariés ou, en-deçà dela durée collective du travail lorsque cette durée est inférieure à la durée légale detravail,- En-deçà de 39 heures dans les entreprises de 20 salariés ou moins ou, en-deçà de ladurée collective du travail lorsque cette durée est inférieure à la durée légale de travail.Ces dispositions signifient que dans le cadre de l’instruction d’une demande dechômage partiel, l’entreprise doit communiquer au préfet ou, par délégation, au directeurdépartemental de l’emploi et de la formation professionnelle, les informations suivantes :- la durée légale applicable dans l’entreprise au 1 er janvier 2000, déterminée par son effectifen équivalent temps plein. Celui-ci est apprécié dans les conditions prévues à l’article L. 212-1 et L. 212-2 du code du travail,637Article L.351-25 du Code du travail.566


- la durée collective du travail si cette durée est inférieure à la durée légale applicable.Exemple : Une entreprise de 14 salariés a conclu le 2 février 2000 un accordréduisant la durée du travail de 39 heures à 35 heures hebdomadaires. L’accord est mis enœuvre à compter du 1er mars 2000. La troisième semaine de janvier 2000, des difficultésconjoncturelles la contraignent à mettre huit salariés au chômage partiel.Sous réserve que les conditions de recours au chômage partiel soient conformesaux cas prévus à l’article R.351-50 du code du travail, l’allocation spécifique pourra prendreen charge les heures non travaillées en-deçà de 39 heures, durée légale applicable àl’entreprise, jusqu’à la mise en œuvre de son accord prévoyant une durée collective du travailinférieure à la durée légale applicable dans l’entreprise, compte tenu de son effectif. Il estrappelé que l’article 2 de l’accord national interprofessionnel du 21 février 1968 précise queseules les heures prises en charge au titre de l’indemnisation légale et répondant auxconditions fixées par l’accord précité ouvriront droit aux allocations conventionnelles. Règles applicables en matière de conventions de chômage partielLes principes définis ci-dessus s’appliquent pour calculer le nombre d’heuresperdues, ce qui signifie :- que la franchise de la 36 ème heure à la 39 ème heure, prévue à l’article D.322-13, n’estplus applicable aux entreprises de plus de 20 salariés, le nombre d’heures perdues étantcalculées en-deçà de la durée légale ;- que la franchise demeure applicable pour les entreprises de moins de 20 salariés sauf sileur durée collective de travail est inférieure ou égale à 35 heures hebdomadaires. Modalités de calcul de l’allocation chômage partiel - congés payésLe montant de l’allocation journalière de chômage partiel – congés payés tientcompte de l’horaire de travail du salarié concerné. En effet, le mode de calcul de l’allocationest le suivant :Durée hebdomadaire fixée au contrat de travail x Taux horaire de l’allocationNombre de jours ouvrables sur la semaineLe montant de l’allocation est donc variable en fonction de la durée du travaildu salarié et non pas en fonction de sa rémunération. Cela signifie qu’un salarié nouvellementembauché sur la base de 35 heures hebdomadaires pourra bénéficier d’une allocationjournalière correspondant à 14,22 euros (93,33 francs) (soit 35 heures x 2,43 € (16 F) / 6 joursouvrables), déduction faite des droits à congés qu’il a acquis pendant la période de référenceou, le cas échéant, des indemnités compensatrices de congés payés dont il a pu bénéficier autitre de son emploi précédent. Règles applicables en matière de rémunération minimale mensuelleLa rémunération minimale mensuelle prévue à l’article L.141-10 et suivants ducode du travail s’applique :- aux salariés dont la durée du travail est au moins égale à 35 heures hebdomadaires dansles entreprises de plus de 20 salariés ;567


- aux salariés dont la durée du travail est au moins égale à 39 heures hebdomadaires dansles entreprises de moins de 20 salariés. Dans ce dernier cas, les salariés de cesentreprises dont la durée du travail a été réduite à 35 heures, en l’état actuel des textes,ne rentrent plus dans le champ de la rémunération mensuelle minimale puisque celle-cine concerne que les salariés dont la durée du travail est au moins égale à la durée légale. Règles applicables en matière de garantie de rémunération des salariés payés au SMICLa garantie de rémunération prévue par l’article 32 de la loi du 19 janvier 2000a pour objet de compenser la baisse de rémunération, pour les salariés payés au SMIC,qu’entraîne mécaniquement la réduction de la durée du travail de 39 à 35 heures. La situationde mise au chômage partiel est donc sans incidence sur le montant du complément différentielde salaire, dès lors que ne sont indemnisées au titre du chômage partiel que les heures noneffectuées en dessous de la durée légale. En effet, pour le mois considéré, le complémentdifférentiel de salaire doit être calculé sur la base de la durée du travail que le salarié auraiteffectuée s’il avait travaillé normalement. En revanche, la rémunération du salarié seradiminuée du montant qui n’est pas pris en charge par l’employeur. Applicabilité des dispositifs de chômage partiel, de convention de chômage partiel et degarantie minimale au regard de la durée légale et collective du travail dans l’entreprise. Cfle tableau 16 ci dessous.Tableau 16 : Récapitulatif du dispositifApplicabilitédu dispositifExemple n°1 :Entreprise où la durée collectiveest fixée à 35 heures ou plusDurée légale applicable de 35heuresExemple n° 2 :Entreprise dont la duréecollectiveest à 39 heuresDurée légale applicable à 39heuresExemple n° 3 :Entreprise dont la duréecollectiveest à 35 heuresDurée légale applicable à 39heuresSalarié 638 à tempspleinSalarié àtemps partielSalarié àtemps pleinSalarié àtemps partielSalarié àtemps plein Salarié àtemps partielAllocationspécifique dechômage partiel(art. L.351-25du code dutravail)Oui,pour les heuresperdues en deçàde 35 heuresOui,Pour lesheures perduesen deçà del’horaire fixéau contratOui,pour lesheuresperdues endeçà de 39heuresOui, pour lesheures perduesen deçà del’horaire fixéau contratOui,pour lesheuresperduesen deçà de35 heuresOui, pour lesheures perduesen deçà del’horaire fixéau contratConvention dechômage partielOui,Le cas échéant,franchise de la36 ème à la 39 èmeheure si la duréecollective estsupérieure à 35heuresOui,Franchise dela 36 ème à la39 ème heureSans objetOui,Franchise dela 36 ème à la39 ème heureapplicableOui,franchise de la36 ème à la 39 èmeheuresans objetOui,franchisede la 36 èmeà la39 ème heuresans objetOui,franchise de la36 ème à la 39 èmeheuresans objet638Hypothèse : le salarié est payé au SMIC.568


RémunérationMinimalemensuelle(art. L.141-10du code dutravail)OuiNon, la RMMne s’appliquepas au salariéà temps partielOuiNon, la RMMne s’appliquepas au salarié àtemps partielNon, laRMM nes’appliquequ’auxdurées aumoinségalesà la duréelégaleNon, la RMMne s’appliquepas au salarié àtemps partielParmi les autres mesures d'accompagnement, le Self placement est proposé. Ils'agit d'accompagner un salarié porteur de projet (création ou reprise d'une affaire, commerceou entreprise) depuis la formalisation jusqu'au démarrage de l'activité (un suivi post-créationpeut aussi être proposé). Cette mesure est parfaitement complémentaire à l'outplacement carelle contourne certaines contraintes internes et externes au salarié (âge, mobilité géographiqueréduite, marché local de l'emploi, etc.).Qu'il s'agisse d'un essaimage individuel ou collectif (par exemple essaimagestratégique), l'accompagnement des porteurs de projet doit nécessairement suivre uneméthodologie spécifique élaborée par des spécialistes de la création d'entreprise. Après avoirvalidé l'adéquation entre l'homme, son projet, son environnement et ses finances, il s'agirad'accompagner le projet au travers des phases suivantes :La recherche d'affaires (entreprises ou commerces) : proposer un choix d'entreprisespouvant répondre aux exigences financières, géographiques et personnelles du salarié.La mise en forme du projet : formalisation de l'idée avec- L'analyse du projet- La définition du métier- La définition des produits- L'étude de marché- La stratégie, les choix et arbitrages- Les points à approfondir- Les premières conclusions Les évaluations préalables comportant :- L'analyse des documents comptables- Le choix des méthodes et critères d'évaluation- La détermination de la valeur de l'entreprise L'approche financière avec :- Les moyens à mettre en oeuvre : les investissements, le financement, le coût dufonctionnement- Le niveau d'activité nécessaire : le chiffre d'affaires par jour, l'approche du seuil derentabilité L'étude de faisabilité comportant :La faisabilité commerciale :- L'appréciation des produits- L'appréciation du marché- L'appréciation de la concurrence- Le rôle du porteur du projet sur le marché569


La faisabilité technique :- Le savoir-faire du porteur du projet- La technicité du métierLa faisabilité financière :- Le niveau d'activité : les chiffres d'affaires, les marges, les frais généraux defonctionnement- Le financement : les investissements, le besoin en fonds de roulement, les ressourcesnécessaires, les possibilités d'emprunts- L'exploration des différentes solutions : les options possibles, les positions de repli- Les seuils de rentabilité : la rentabilité commerciale, la rentabilité financièreLa participation à la négociationLa préparation de la négociation:- La détermination des seuils de décision- La mise au point de la stratégie de négociationL'assistance à la négociation:- L'assistance à la négociation avec le vendeurLe montage des dossiersL'élaboration du dossier de présentation :- Le porteur du projet- La nature du projet- Le couple produit / marché- La concurrence- Les atouts- Les contraintesL'élaboration du dossier financier :- Les données nécessaires- Les prévisions d'activité- Les prévisions de financement- Les objectifs- Les équilibres financiers à respecterL'élaboration des autres dossiers (aides, agréments, etc.)Le montage juridiqueLe choix de la structure juridique :- La présentation des solutions possibles- La prise en compte des contraintes et paramètres personnels- Le choix de la solution juridique appropriée- Les implications patrimoniales, fiscales et sociales570


L'assistance à l'accomplissement des formalités:- L'établissement du calendrier des formalités- La préparation des documents nécessaires2° Le cas pratique de l’entreprise X«L‘entreprise X met en œuvre le présent plan de repli de ses activitéscommerciales concentrées à son siège social, délocalise ses activités de production, etcorrélativement, met en place un Plan social, dans le but démontré d’adapter ses structures deproduction et son développement commercial aux nouvelles exigences économiques nées del’introduction de l’Euro et afin de faire face au développement de la concurrence. Conscientedes enjeux, des coûts de production moindre permettant de sauvegarder une activitécommerciale en France, l’entreprise X a cherché de nouveaux sites de production plus adaptéset plus prompts à répondre à ses attentes structurelles. La localisation future de la productionde l’entreprise X permettra une adaptation plus aisée au marché et à l’évolution de la clientèledans un contexte européen. L’arrivée de l’Euro entraînera une baisse inévitable des prix devente, estimée à 20 % et devra être anticipée par la réalisation d’économies substantielles.Ainsi le transfert de l’activité de production entraînera inévitablement des économiespotentielles » 639 .Sous entendu, les coûts liés à la main d’oeuvre, les coûts liés aux loyers desbâtiments, les coûts liés aux divers taxes d’imposition imposées par le ou les pays d’accueilqui pour attirer les investisseurs sont quasiment inexistants, les coûts de frais defonctionnement (Assurances,…) ainsi que les coûts liés au droit du travail. Tous ces coûts defait réduits par la délocalisation de la production permettront à l’entreprise X de conserver uneactivité commerciale en France. La moindre qualité de la production délocalisée fait dire auxplus optimistes que la totalité de la production sera rapatriée en France dans quelques années,les retours en usine reviendront à terme plus chers qu’une production aux normes et sanserreur dès la production initiale.L’entreprise X, soumise aux réalités économiques immédiates décide dutransfert total de la production. Ainsi 70 salariés du collège employés et ouvriers et 66 salariésdu collège cadres et Etam sont dirigés vers 2 cabinets de reclassement qui vont tenter de lesréorienter. 136 personnes sont donc concernées par un reclassement sur le marché du travail etpour certains sur le marché de l’emploi pourtant, pour la plupart l’issue sera surtout undéclassement sur le marché de l’emploi, surtout pour le collège employés et ouvriers, lemanque de diplômes qualifiants reconnus étant le handicap principal à un reclassement réussi,c'est-à-dire à une perte moindre de revenu. Le manque de mobilité géographique (pas depermis de conduire, pas de véhicule), d’intérêt (découragement, sentiment d’être marginaliséet d’avoir tout perdu), de motivation (« à quoi bon, je viens de me faire jeter après tantd’années, je pensais que j’avais ma place ici »), de réactivité, de compétences actualisées (lesméthodes évoluent les machines aussi), la maîtrise insuffisante de la langue (le français et unelangue étrangère tel que l’anglais sont souvent un minimum demandé) et l’âge (les postes sontsouvent tenus pendant des années et forcement les salariés les plus adaptés à l’entreprise Xsont aussi souvent les plus âgés n’ayant travaillé qu’a un type de poste, un même type detâches) sont des désavantages supplémentaires qui amplifient ce déclassement.639Extrait de la réunion du CE pour présenter le Plan social.571


Le transfert de la production de l’entreprise X entraîne pour les salariés unemodification de leur contrat de travail, ou pour reprendre l’ancienne terminologiejurisprudentielle, une modification « substantielle » de leur contrat de travail. La futurelocalisation de l’entreprise augmentant le temps de transport de 50 minutes ou plus, parrapport au temps de trajet initial, peuvent faire reconnaître la modification de leur contrat detravail.Cass. soc. 3 juin 2003 la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeurd'information, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salariéexécutera son travail exclusivement dans ce lieu.Cass. soc. 22 janvier 2003 le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors dusecteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de soncontrat de travail dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que laspécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilitégéographique.Cass. soc. 12 novembre 2002 le changement de lieu de travail imposé à la salariée (deMandelieu à Fayence) constituait une modification de son contrat de travail.Cass. soc. 10 juillet 2002 la mutation avait lieu dans le même secteur géographique en sortequ'elle n'était pas constitutive d'une modification du contrat mais consistait en un simplechangement des conditions de travail qui s'imposait à la salariée.Cass. soc. 11 juillet 2001 la mise en oeuvre d'une clause de mobilité n'entraîne pas demodification du contrat de travail ; que, même si le déplacement du salarié a le caractère d'unemesure disciplinaire, il ne constitue pas un abus, dès lors que l'employeur peut invoquer unefaute du salarié.Cass. soc. 4 mai 1999 en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si le lieu de travailauquel était affecté M. HCZYSZYN était situé dans un secteur géographique différent decelui où il travaillait précédemment et si, dès lors, le déménagement constituait unemodification du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.L’entreprise X, n’ayant pas inclus de clause de mobilité, chaque salarié estaverti par lettre de la modification, de la mise en œuvre d’un plan social et de leurlicenciement pour motif économique. Il dispose d’un délai d’un mois à compter de laréception de cette lettre pour accepter ou refuser l’adhésion à la convention de conversion.Les préavis ne sont pas dus par les salariés qui retrouvent un poste sinon ils sont effectués surplace par les salariés qui commencent à venir nous consulter à l’antenne emploi qui se dérouledans les locaux de l’entreprise au début. Les locaux seront vendus et la suite de l’antenne sedéroulera dans les locaux du cabinet.Compte tenu des raisons économiques précédemment exposées, et dans lecadre du transfert du site de production, il est proposé le Plan Social ci après dans le but depallier aux licenciements pour motif économique résultant de la délocalisation de laproduction de l’entreprise X. Ce Plan Social comprend des mesures destinées à faciliter lesdéparts et les reclassements externes des salariés licenciés. L’entreprise X ne dispose d’aucunautre établissement destiné à la production sur le territoire français, de sorte que les actions dereclassement internes sont matériellement impossibles, les seuls qui seront reclassés eninterne seront ceux qui iront rejoindre le siège social sur Paris, ils s'agit des employés de lapartie tertiaire (commerciaux, personnel administratif et cadres dirigeants). Le but de ce PlanSocial est d’offrir les meilleures chances de reclassement à ceux qui ont à se repositionner surle marché du travail. Le cabinet appuie et renforce l’aide apportée par le dispositif desConventions de Conversion. Spécialiste dans le reclassement et l’orientation professionnelle,572


le cabinet offre un accompagnement complémentaire à chaque adhérent. Ce suivicomplémentaire vise à favoriser la rapidité du retour à l’emploi en assurant à chacun unaccompagnement personnel et permanent sur une durée limitée. Le cabinet prospecte aussi lesentreprises susceptibles de reprendre les anciens salariés de l’entreprise X, il s’agit d’actionsde reclassement externe, pour ce faire une lettre type 640 est envoyée aux employeurspotentiels.Une liste du personnel disponible avec leurs qualifications et leurscompétences était jointe à cette lettre type, qui servait autant de carte de visite que decatalogue ou de prospectus publicitaire.Cet accompagnement est aussi adressé aux personnes qui refusent l’adhésion àla convention de conversion, elles peuvent choisir de prendre leur préretraite si leur nombrede trimestres est atteint (160), le cabinet leur conseillera toutefois d’attendre la fin de laconvention de conversion avant de toucher l’ACA ou de chercher de leur côté sans l’aide ducabinet. Pour cet accompagnement, l’entreprise X a débloqué un budget reclassementaccordant une subvention de 3053 € (20.000 F) à aux nouveaux employeurs pour uneembauche en CDI à laquelle s’ajoute la prime octroyée par les ASSEDIC, chaque salariéreçoit aussi une prime qui est, majorée pour les salariés de plus de 45 ans. Le bénéfice de cetaccompagnement à l’emploi est ouvert dès que les salariés ont choisi d’adhérer à laconvention de conversion. Il apparaît, en effet, plus opportun de cumuler sur une mêmepériode les actions de reclassement offertes par l’ANPE dans le cadre des conventions deconversion à celles offertes par le cabinet dès la rupture du contrat de travail. Afind’encourager et de soutenir les démarches de chaque salarié dans ses recherches d’emploi,l’entreprise X verse une aide financière complémentaire pour pallier aux changementsfinanciers entraînés dans la vie professionnelle des salariés et à leurs difficultés rencontréessur le marché du travail en fonction de leur âge et de leur ancienneté. Le montant de l’aide semonte à 1145 € (7500 F) et est alloué en totalité si le salarié retrouve un emploi dans les 3mois suivant la rupture du contrat de travail, de 763 € (5000 F) si le salarié retrouve un postedans un délai de 3 à 6 mois et de 381,6 € (2500 F) si le délai est compris entre 6 et 9 mois.Cette indemnité motive le salarié à prendre la situation au sérieux et à agir rapidement, eneffet plus il sera rapide à se reclasser, moins il sera déconnecté du marché du travail et plus lesfuturs employeurs seront rassurés. Le salarié ne va pas se marginaliser, va garder l’habitude etle rythme du travail. Elle est attribuée à chaque personne justifiant d’un contrat de travail àdurée indéterminée ou à durée déterminée de plus de 6 mois. Elle est versée à la fin de lapériode d’essai en cas de confirmation du contrat. C’est le salarié qui doit en informerl’entreprise X par lettre recommandée avec accusé de réception contenant la justification ducontrat de travail et de la fin de la période d’essai. Pour renforcer les chances de retour àl’emploi, l’entreprise X débloque un budget formation de 4580 € (30.000 F) maximum paradhérent.Tout salarié âgé de moins de 57 ans à la date de rupture du contrat de travailayant 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise et étant apte à l’exercice d’un emploi peutbénéficier d’une convention de conversion d’une durée maximum de 6 mois à compter dulendemain de la fin de son contrat de travail. Un pré bilan d’évaluation – orientation sous laresponsabilité de l’ANPE ou de l’APEC pour les cadres est organisé. Ce bilan peut comporterdes actions de formation. Le salarié dispose de 21 jours pour accepter ou refuser d’adhérer àla convention, l’absence de réponse du salarié dans le délai imparti vaut refus d’adhésion.L’adhésion du salarié entraîne la rupture du contrat de travail d’un commun accord entre lesparties. Le cabinet accompagne chaque salarié pendant la durée de la convention de640Lettre type envoyée, Cf annexe 24 en fin de thèse.573


conversion, certains cas particuliers bénéficient d’un accompagnement plus long, il s’agit desfamilles monoparentales, des plus de 50 ans et des couples de l’entreprise (tous les 2 seretrouvant dans la même situation au même moment).Les salariés bénéficient : D’une indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur la base de l’anciennetéque l’intéressé aurait acquis s’il avait accompli son préavis ; Du solde de l’indemnité de préavis s’il est supérieur à 2 mois (les 2 mois étant en effetversés aux ASSEDIC dans le cadre du financement des conventions de conversion) ; De l’indemnité compensatrice de congés payés ; D’un bilan évaluation - orientation destiné en temps que de besoin et en complément dupré bilan à évaluer les acquis professionnels des salariés adhérents et à apprécier la nécessitéd’une formation ainsi que les aptitudes du salarié. Il permet d’autre part d’assurer un suiviindividuel pendant la durée de la convention de conversion ; D’une ou de plusieurs formations d’insertion destinée notamment à la remise à niveaudes connaissances ou à la modernisation des compétences. Il s’agit de formation spécifiqued’adaptation à un emploi déterminé ; D’aides au reclassement telle que la prospection du marché par le personnel de l’ANPEou de l’APEC ; D’aides à la mobilité accordées au salarié pour se rendre au bilan – orientation ou à unentretien d’embauche dans les mêmes conditions que les chômeurs inscrit à l’ANPE; Une allocation spécifique de conversion égale à 83,4 % du salaire brut antérieur pendantles 2 premiers mois (61 jours) et à 70,4 % de ce même salaire à compter du 62 ème jourjusqu’au terme de la période de 6 mois, sans pouvoir être inférieure à l’allocation de base durégime d’assurance chômage. L’allocation est versée jusqu’au reclassement du salarié et aumaximum pendant 6 mois (de date à date à compter du lendemain de la fin du contrat detravail). Elle cesse d’être versée à compter du jour où l’intéressé retrouve une activitéprofessionnelle, perçoit de la sécurité Sociale des indemnités en espèces au titre del’Assurance maladie, maternité, accident du travail ou maladie professionnelle. L’allocationspécifique suit le même régime que celui de l’allocation chômage. Après le 6 ème mois,l’intéressé perçoit l’Allocation unique dégressive au taux normal ; Ils participent au financement des retraites complémentaires dans les mêmes conditions,sur la même assiette et au même taux que les chômeurs indemnisés en allocation chômage,soit 1,2 % du salaire journalier de référence.L’entreprise X rappelle aux employeurs extérieurs qui recrutent un salarié enconvention de conversion qu’ils peuvent demander le reversement par les ASSEDICS de lafraction de la contribution de 2 mois de préavis si l’embauche a lieu dans les 2 mois suivantl’adhésion du salarié, et si le contrat de travail est conclu pour une durée d’au moins 6 mois,elle lui indique aussi la possibilité d’une prise en charge des frais de formation à hauteur deLa durée du stage varie entre 40 et 500 heures et, peut aller jusqu'à 750 heures dans le cadred’un stage d’accès en entreprise 641 . Cependant, les dispositions du code du travail relativesaux stages d'insertion et de formation à l'emploi 642 et aux stages d'accès à l'entreprise ont étéabrogées par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.641SAE : Stage d’Accès en Entreprise.642SIFE : Stages d'Insertion et de Formation à l'Emploi.574


Celle-ci a regroupé les différents dispositifs destinés à favoriser l'insertion professionnelle despersonnes les plus éloignées de l'emploi dans le secteur privé (SIFE, SAE et contrat initiative- emploi) en un seul et unique contrat, le contrat initiative - emploi 643 , dont le régime a étéréaménagé par l’Article 45 de la loi de programmation pour la cohésion sociale.Les salariés adhérents participent indirectement au financement de laconvention de conversion puisqu’ils ne perçoivent pas d’indemnité de préavis sauf dans le casou l’indemnité de préavis aurait excédée 2 mois, auquel cas ils perçoivent la fraction excédentce chiffre dès la rupture de leur contrat.L’Etat verse à l’UNEDIC une participation de 763 € (5000 F) par salarié et lemontant de la retenue opérée sur le préavis du salarié par la société.643CIE : Contrat Initiative – Emploi.575


L’entreprise X a déposé auprès de la délégation à l’emploi de son département(le Val d’Oise) une demande de convention d’allocation temporaire dégressive. En fonctionde l’accord donné par l’Administration, l’allocation temporaire dégressive compense pendant24 mois, selon les cas totalement ou partiellement la perte de salaire résultant d’unreclassement externe. Elle est calculée à partir de la perte de salaire cumulée sur 24 mois et nepeut excéder 75 % du montant de la différence entre l’ancien et le nouveau salaire. Si unetelle allocation existe c’est bien que les reclassements même réussis sur le marché du travaillorsque le salarié retrouve un poste, entraînent un déclassement sur le marché de l’emploisinon au niveau des qualifications au moins au niveau financier.Tableau 17 : Répartition des formations suivies par le personnel de l’entreprise X.Personnes Type de formation Total d’heures6 Optimisation processus injection 887 Animation d’une équipe 2243 Animateurs MARP 721 Programmation en couture, TP 323 Auditeur de processus pour le nouveau référentiel Renault-PSA-FIEV 12015 Permis cariste 36019 Anglais 11613 Access 7 pour Windows 95 7220 Français, alphabétisation 17401 Activity Based costing 161 Allemand 3011 Permis B5 Initiation à la création d’entreprise 2241 Concours police nationale Prépa à domicile1 Comptabilité fournisseur 401 Comptabilité générale – Niveau 1 241 Pratique des écritures courantes 162 Comptabilité générale – Niveau 2 481 Initiation automatismes industriels 401 Automatisme « GRAFCET GEMMA » 402 Initiation aux techniques de paie 481 Fiscalité des entreprises Niveau 1 402 Fiscalité des entreprises Niveau 2 801 Comptabilité d’une PME 401 Réglage sur machines NESTAL 403 Machine « bonding » CA<strong>LE</strong>O 1206 Soudure « brassage au fer » 966 Soudure «réparation circuits imprimés» 961 Soudure « montage en surface » 401 Autocad CAO/DAO 150L’entreprise X a financé des formations, le cabinet oriente les salariés selonleurs aspirations et leurs besoins. Ces formations viennent en complément de cellesdispensées dans le cadre des actions menées avec l’ANPE et l’APEC. En totalité 115personnes en auront bénéficié pour un total de 5097 heures. Elle viennent en appoint etservent pour appuyer une éventuelle embauche lorsque l’employeur hésite c’est un argumentde poids pour décider positivement l’entreprise qui accueille ainsi un salarié compétent etformé selon leurs attentes et leurs besoins. C’est un plus additionné aux allégements fiscaux etaux aides financières liées à l’existence du Plan Social que le cabinet met en avant lorsqu’une576


hésitation se fait sentir lors des prospections.Ce bilan mitigé est cependant compensé par des actions de longue durée quiauront des effets bien après la fin du Plan Social. Au cours de celui-ci les personnes qui ontsuivi les formations suivantes (voir le tableau ci-dessous), ne voient pas forcémentimmédiatement les effets positifs mais les acquis resteront par la suite autant au niveau descompétences que du CV.Globalement, les hommes, la notion de chef de famille est bien réelle et ayantmoins de contraintes domestiques, à compétences égales retrouvent un emploi plusrapidement que les femmes. Les salariés les plus jeunes ou les plus âgés sont les plusdifficilement employables, les trop jeunes manquent d’expérience et les trop âgés ont plus derisque d’être malades ou d’être moins rapides de plus un embauche étant longue et coûteuselorsqu’un salarié est recruté c’est pour durer dans le temps, à moins d’un problème annexe.Les mieux formés et issus de formations qualifiées et qualifiantes sont plus réactifs etmobiles, ils sont plus facilement reclassés autant sur le marché du travail (ils retrouvent unposte plus rapidement) que sur le marché de l’emploi (les postes retrouvés sont plusgratifiants, plus intéressants et mieux rémunérés). Les salariés véhiculés qui ne dépendent pasdes transports en commun ne correspondant pas toujours aux horaires si le travail est de nuit,ne desservant pas toutes les zones et n’étant pas tributaires des grèves sont plus rapidement etfacilement reclassable sans pertes, c'est-à-dire qu’ils retrouvent un emploi sensiblementéquivalent à celui perdu.Par exemple M.AVE, de plus 40 ans, ouvrier d’atelier au service après vente,créer une entreprise, il avait initialement une formation de pâtissier. D’âge moyen, il estconsidéré comme trop âgé pour un nouveau poste mais pas assez pour bénéficier de contratsaidés, ce qui aurait poussé sa candidature, par contre il est assez jeune pour être motivé etavoir envie de construire quelque chose sans être salarié, son passé lui donne l’envie de selancer à son compte. M. CABALLO, 30 ans, responsable d’atelier au service après vente luiaussi, trouve un poste équivalent dans une société d’outillage en CDI rapidement, ayant tousles atouts. Il bénéficie des avantages liés au Plan Social, il est jeune et possède une formationqualifiante et varié (CAP, BEP en grande distribution, CAP d’aide comptable il a en plus lalicence cariste. M. BENDA, responsable du service consommateur âgé de 40 ans retrouveaussi rapidement un poste en CDI. Il est bien formé même si sa maîtrise de l’informatique àbesoin d’être perfectionnée et adaptée aux techniques nouvelles, ce qui sera possible grâce àune formation dispensée grâce aux avantages liés au Plan Social. Son âge lui donne unéquilibre (mental et familial) sans être un handicap. Les hommes prennent plus le risque deredémarrer, s’ils sont soutien de famille lorsqu’ils ont des obligations ils ont cependant moinsde contraintes horaires pour aller chercher les enfants après l’école ou pour les garder en casde maladie et sont « épaulés » par une conjointe. Ils possèdent presque tous un véhicule et siun choix doit se faire au sein de la famille ils sont prioritaires bien souvent.Mme RAGNES, secrétaire de direction bilingue anglais et allemand de plus 50ans, après une formation en informatique pour actualiser ses connaissances aux nouveauxlogiciels utilisés couramment et après une remise à niveau en anglais décroche un poste enCDI à temps partiel après un poste en EMT. Cette évaluation en milieu de travail lui permetde « se remettre en selle » tout en rafraîchissant des connaissances certaines validées par les 2formations qu’elle a suivi. Mme COPE, assistante commerciale et administrative, par contrequi ne maîtrise aucune langue étrangère et dont l’âge (40 ans) ne permet de bénéficier d’aucuncontrat aidé (trop âgée pour un contrat jeune et trop jeune pour les aides liées aux embauchesdes salariés âgés qui doivent avoir plus de 50 ans) à toutes les peines du monde à décrocher577


des entretiens, sa candidature ne retient pas l’intention d’employeur potentiel. A part lesavantages liés au Plan Social elle ne bénéficie pas d’avantages réel pour faire une formationlinguistique par exemple, à moins de rentrer par la suite dans la catégorie des chômeurslongue durée, ce qui ne manquera pas d’arriver car à la fin du suivi de l’antenne emploi, ellefaisait partie des cas sans solution identifiée. Melle BUISSON, par contre est une secrétaireadministrative jeune (moins de 30 ans) qui maîtrise l’anglais et qui de plus n’a aucuneobligation familiale, elle est donc plus mobile géographiquement et plus disponible pour leshoraires. Même si elle ne bénéficie pas de contrats aidés par l’Etat, sa candidature a plus desuccès et elle est d’ailleurs embauchée en CDD pendant 3 mois, prolongé et devant débouchersur un CDI. Mme ELA est pour sa part standardiste, elle a 35 ans et un mari qui a une trèsbonne situation professionnelle, elle intéresse les employeurs de par les avantages liés au PlanSocial, de par son âge moyen qui lui garanti une maîtrise récente des outils liés à sa profession(Internet, anglais, Word, Excel, PowerPoint…) et de par une stabilité familiale, elle décrocherapidement un emploi en CDI qu’elle rompt avant la période d’essai pour finalement enretrouver un autre avant la fin de sa Convention de Conversion. Ces quatre employées dans letertiaire illustrent des situations qui auront des issues différentes, la plus jeune et la mieuxformée aux besoins actuels d’une entreprise une retrouve un poste sans condition, elle estvéhiculée et n’a pas d’obligation familiale, la plus âgée bénéficie de contrats aidés et decompétences reconnues, elle met plus de temps mais fini par trouver un poste, la troisièmepeut se permettre d’être exigeante, elle a des compétences recherchées, l’âge et la sécuritéfamiliale stables qui expliquent une prise de risques qu’elle peut assumer alors que laquatrième, d’âge moyen de connaissances qui ont besoin d’être réactualisées et avec descontraintes familiales ne retrouve rien.Des formations en alphabétisation et en français ont été dispensées, une partiedes salariés de l’entreprise X étant illettrée ou étrangère. La candidate, Mme DUVALClaudine avait caché qu’elle ne savait pas lire et elle ne répondait qu’aux convocationstéléphoniques ou lorsque sa fille Mme DUVAL Christine était au courant d’éventuels rendezvousou venait avec elle, puisque elle aussi fréquentait l’antenne emploi. Il a fallu un certaintemps pour comprendre et beaucoup de diplomatie pour lui proposer des coursd’alphabétisation et les lui faire accepter. Mme <strong>LE</strong> THI B, M <strong>LE</strong> THI N prennent des coursde français avec M. <strong>LE</strong> VAN, pourtant les résultats ne seront pas identiques. La première,ayant plus de 50 ans compte énormément sur son fils pour traduire et fait très peu de progrès,la formation aura peu d’effets positifs pour elle alors que son fils pour qui ces cours sontsurtout un perfectionnement, les résultats lui permettront de décrocher des missions longuesen intérim qui devraient déboucher sur une embauche en CDI. M. <strong>LE</strong> VAN, d’âge moyen estle cas typique pour qui une formation de ce type permet de travailler scolairement une languequ’il ne maîtrisait qu’oralement, les progrès sont visibles et il bénéfiques, il part d’ailleurs surun poste en CDD reconductible. M. ZAFI, pour sa part fait de cette faiblesse une force, eneffet après sa formation de perfectionnement en français, il monte un commerce d’exportationde vanille avec la Réunion. Si ces formations d’alphabétisation et de français n’ont pas lesmêmes effets, c’est aussi parce qu’elles n’ont pas les mêmes origines. Mme DUVAL CL estanalphabète, à plus de 50 ans elle le vit très mal et l’avait caché, la honte l’empêchait de ledire, pour ceux qui prennent des cours de français, la démarche est différente puisque ce n’estpas leur langue maternelle et qu’ils savent malgré tout lire. Posséder une langue étrangère estun atout si celle-ci n’est pas l’unique langue maîtrisée.Certains comme M PETIT, ne sont jamais disponible pour d’éventuelsentretiens, à la fin de la convention de conversion nous sauront par la suite que c’est parcequ’il travaillait sans le déclarer. Ces activités dites « au noir » lui permettent de continuer à578


énéficier des avantages liés au plan social, de toucher le chômage mais sans être réellementdisponible pour mener ses recherches à bien, tout en demandant à l’antenne de lui envoyer desannonces correspondant à son profil, il justifiait ainsi de recherches auprès de l’ANPE et desASSEDIC et ainsi ne craignait pas la radiation. Profitant du système, il a pourtant été un deséchecs de l’antenne.Globalement, ce sont les hommes d’âge moyen épaulés par une conjointe quitravaille ou les femmes jeunes dont les maris ont une bonne situation professionnelle etfinancière qui prennent des risques en créant une entreprise et en se mettant à leur compte, lesfemmes sans qualification et d’âge moyen demandent souvent à passer assistante maternelleencore faut-il avoir un logement digne d’accueillir un enfant, pour cela il faut au moins unechambre propre et libre jusqu’au soir, moment du départ de l’enfant gardé et bien souvent, cesfemmes d’âge moyen, peu qualifiées ont plusieurs enfants à elles qui ont besoin de leurchambre pour les devoirs du soir s’ils sont scolarisés. L’agrément est donc refusé par laDDASS et ces femmes sont sans aucune solution finalisée à la fin de leur convention deconversion, comme Mme BIANCA, Mme COUTEL ou encore Mme DEMAN pour ne citerque ces exemples.Les missions en intérim, si les salariés les acceptent, sont une façon dereprendre pieds avec le monde du travail tout en se prouvant à soi-même que l’on n’est pas« fini » même après un licenciement. Cela permet de montrer à l’entreprise hésitante quiembauche, ses capacités « l’intérimaire fait ses preuves ». L’entreprise qui a recours àl’intérim est souvent une entreprise qui a du travail et des besoins mais qui reste prudente surla durée dans le temps et sur une législation rigide qui rend un licenciement difficile etonéreux. Des missions avec des intérimaires lui permettent des tester les salariés et d’agirprudemment avec les embauches. De plus l’agence d’intérim assurant le recrutement, cettepartie longue et lourde lui est épargnée, quitte à préciser sur l’annonce d’offre d’emploi del’agence que la mission en CTT (contrat de travail temporaire) est en vue d’un CDI.Ces plans sociaux sont une épreuve physique et psychologique pour lessalariés, nous auront à déplorer deux décès au cours de celui de l’entreprise X, dont un suicidesuite à la rechute d’un cancer. Ce type de situation fragilise d’autant plus les autres adhérents,ex collègues des défunts.On peut faire une classification générale :Le tableau 18 recense les 136 salariés licenciés de l’entreprise X, afin de visualiser clairementles situations des adhérents de ce Plan Social ;Le tableau 19 distingue les solutions finalisées selon le collège cadre/ETAM ouOuvrier/employé selon les diplômes ou les compétences reconnues ;Le tableau 20 distingue les solutions finalisées selon les sexes par rapport au collège et à lasituation matrimoniale.13 cadres ont été reclassés sans aucune perte ni de salaire ni de statut avantmême le début des opérations de reclassement menées lors de l’Antenne Emploi, ils ne sontdonc pas répertoriés dans ce tableau, le dirigeant français n’apparaît pas non plus ici.Tableau 18 : Effectif total de l’entreprise XNom Catégorie Diplôme Sexe Age Situation Solutionfamiliale finaliséeABEN Cadre Bac + M 30-49 Couple Interne579


AVES J Ouvrier BEP/CAP M +50 Couple CDD de 3 moisAVE H Ouvrier Sans M 30-49 Couple Création ent.AMER Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIBADUR Employée BEP/CAP F 30-49 Couple CDIBUISSON Employée BEP/CAP F - 30 Célibataire CDD vers CDIBENT Cadre Bac + F 30-49 Couple CDIBIANCA Ouvrier Sans F 30-49 Couple AucuneBENDA ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD vers CDICABALLO ETAM Bac + M 30-49 Couple CDICHEDAR ETAM Bac + M +50 Couple AucuneCHESNET Ouvrier Sans F 30-49 Couple Création ent.CHEVA<strong>LE</strong>T Cadre Bac + M 30-49 Couple InterneCHUA Ouvrier BEP/CAP F -30 Célibataire Création entCLAUDE Cadre Bac + M 30-49 Couple CDICLOE Cadre Bac + M 30-49 Couple CDICOLINE ETAM Bac + F 30-49 Couple ProlongéeCOPE Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucuneCOURTOISE Ouvrier Sans F 30-49 Couple DécédéeCOUTEL L Ouvrier Sans F 30-49 Couple AucuneCOUTEL M Cadre Bac + M 30-49 Couple InterneDACUN J Cadre Bac + M 30-49 Couple DélocalisationDACUN P Ouvrier Sans F 30-49 Couple DélocalisationDA SILVA L Ouvrier Sans M 30-49 Couple AucuneDA SILVA M Ouvrier Sans F 30-49 Couple CDIDAMIRA Ouvrier Sans F 30-49 Couple Création entDIMACO Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIDAOU Ouvrier Sans M 30-49 Couple AucuneDAMET ETAM Bac + M 30-49 Couple CDIDEMAL M Ouvrier Sans F + 50 Couple pas conventionDEMAL V ETAM Bac + M 30-49 Couple InterneDE SOUSA Ouvrier Sans F 30-49 Couple CDD vers CDIDE WIL<strong>LE</strong> Ouvrier Sans M 30-49 Couple CDIDABORD Employée Bac + F 30-49 Couple ProlongéeDUJARDIN Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIDEMAN C Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucuneDEMAN R Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIDEQUATRE Cadre Bac + M 30-49 Couple InterneDUMON Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucuneDUPIRE Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIDUVAL CH Ouvrier Sans F 30-49 Couple CDIDUVAL CL Ouvrier Sans F + 50 Veuve AucuneELA ETAM Bac + F 30-49 Couple CDIFORT ETAM Bac + F 30-49 Couple CDIFAN Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucuneFANIL Ouvrier Sans M 30-49 Couple AucuneFAYARD JC Ouvrier Sans M 30-49 Couple CDIFAYARD J Cadre Bac + F 30-49 Couple AucuneFERNOT Ouvrier Sans M 30-49 Couple Aucune580


FERET ETAM Bac + F 30-49 Couple CDD stoppéFI<strong>LE</strong>TTE Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucuneFOUCAUL Ouvrier Sans F 30-49 Couple AucuneFROUVIL Ouvrier Sans F 30-49 Couple Création ent.GALLI Employée BEP/CAP F 30-49 Couple ProlongéeGARCIA Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIGERARD ETAM Bac + M 30-49 Couple CDIGONGAL Ouvrier Sans M 30-49 Couple AucuneGOUMAND ETAM Bac + M 30-49 Couple AucuneGUILLO Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIGRAUNER Cadre Bac + F 30-49 Couple Filiale XGRATES Cadre Bac + M 30-49 Couple Filiale XHANAN Ouvrier Sans M 30-49 Couple AucuneHYAN Employée BEP/CAP F - 30 Célibataire AucuneHOUDA ETAM Bac + M 30-49 Couple ProlongéHUT Ouvrier BEP/CAP F 30-49 Couple DélocaliséeHOUSTE Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucuneJARRET Ouvrier Sans M - 30 Célibataire FormationJELIN Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIJOLLIE Ouvrier Sans F 30-49 Couple pas conventionKADET Ouvrier Sans F 30-49 Couple CDIKAH ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD vers CDIKRIKA Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucuneLANO Employée BEP/CAP F 30-49 Couple FormationLAURENCE Ouvrier Sans M 30-49 Couple Aucune<strong>LE</strong>BAS Ouvrier Sans M 30-49 Couple Aucune<strong>LE</strong>GAUCHE ETAM Bac + F 30-49 Couple Aucune<strong>LE</strong>FEBRE ETAM Bac + F 30-49 Couple Prolongée<strong>LE</strong>PAUVRE Employée BEP/CAP F - 30 Couple CDI<strong>LE</strong> THI B Ouvrier Sans F + 50 Veuve EMT<strong>LE</strong> THI N Ouvrier Sans M - 30 Célibataire Missions<strong>LE</strong> VAN Ouvrier Sans M 30-49 Couple CDD renouveléMARCE ETAM Bac + M 30-49 Couple CDIMARTI Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIMASQUET D ETAM Bac + M 30-49 Couple AucuneMASQUET L Ouvrier Sans F 30-49 Couple Création ent.MAUGE ETAM Bac + M 30-49 Couple DécédéMEDES Ouvrier Sans M 30-49 Célibataire CDIMONTE Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIMORIN ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD vers CDIMORI ETAM Bac + F - 30 Célibataire AucuneMISSO Cadre Bac + F 30-49 Couple CDIMORTI Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIMOUZ Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIMUNCHO Ouvrier Sans F 30-49 Couple AucuneNARBON Cadre Bac + F 30-49 Couple CDINES<strong>LE</strong>T Ouvrier Sans F 30-49 Couple AucuneNUNE Employé BEP/CAP M 30-49 Couple Missions581


PANO Ouvrier Sans M + 50 Couple EMTPEL<strong>LE</strong>R ETAM Bac + M 30-49 Couple CDIPETIT Ouvrier Sans H 30-49 Couple AucunePECHU Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucunePENNE Ouvrier Sans F + 50 Couple AucunePERRO ETAM Bac + F 30-49 Couple AucunePEQ Employée BEP/CAP F 30-49 Couple AucunePIN Ouvrier Sans F 30-49 Couple MissionsPIRE ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD vers CDIPIZI Ouvrier Sans M + 50 Couple Pré retraitePOLY Cadre Bac + M 30-49 Couple CDIPOR Ouvrier BEP/CAP F 30-49 Couple Création ent.RAMBO Cadre Bac + M 30-49 Couple InterneRAGNES Cadre Bac + F + 50 Couple CDIREBOURS A Employée BEP/CAP F - 30 Couple MissionsREBOURS G ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD vers CDIRENAULT Cadre Bac + M 30-49 Célibataire CDIRICOU Ouvrier BEP/CAP M 30-49 Couple AucuneRODIN ETAM Bac + M + 50 Couple AucuneROGER ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD vers CDIROUIL Cadre Bac + M 30-49 Couple InterneSACHA ETAM Bac + F 30-49 Couple AucuneSIDO Ouvrier BEP/CAP M - 30 Couple AucuneSIEB Cadre Bac + M 30-49 Couple InterneSURRI Ouvrier Sans F + 50 Couple Pré retraiteSTAL Employée BEP/CAP F - 30 Couple InterneSOULI Cadre Bac + M 30-49 Couple CDITANGUY Ouvrier Sans M 30-49 Couple AucuneTEX Cadre Bac + M 30-49 Couple CDITAM Ouvrier Sans F 30-49 Couple AucuneTARTAR E Ouvrier BEP/CAP F 30-49 Couple Création ent.TARTAR J ETAM Bac + M 30-49 Couple CDITARLI Ouvrier Sans M + 50 Couple AucuneTONDU ETAM Bac + M + 50 Couple AucuneVILLA ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD longVAN ETAM Bac + M 30-49 Couple CDIVERDEC ETAM Bac + M 30-49 Couple FormationZAFI Ouvrier Sans M 30-49 Couple Création ent.ZAPE ETAM Bac + M 30-49 Couple CDD vers CDIAu final sur 66 salariés du collège ETAM ou cadre, 20,46 % personnes sont enCDI ; 4,62 % en CDD renouvelable ou transformable en CDI ; 0,66 % sont en CDD très long,0,66 % des CDD ont été stoppé à l’initiative du salarié ; 5,28 % ont des propositions dereclassement en interne au niveau commercial et comptable, 0,66 % ont choisi de sedélocaliser pour suivre la production pendant que 1,32 % des salariés sont engagés dans desfiliales de l’entreprise X. 0,66 % des utilisateurs de l’antenne emploi ayant effectué unepériode d’essai non concluante sont revenus au sein de l’antenne emploi ; 1,98 % despersonnes ont été prolongées dans l’entreprise et 0,66 % ont opté pour la formation longuepour changer totalement d’orientation professionnelle. 6,6 % des salariés deviennent582


chômeurs, n’ayant pas de solution identifiée à la fin du Plan Social dont 1,98 % de plus de 50ans qui sont dispensés de recherches et qui touchent l’allocation chômeur âgé en attendantd’être à la retraite, seule une candidate ayant moins de 30 ans reste sans solution identifiéemais elle repart avec des pistes. Sur 70 salariés du collège employé ou ouvrier 1,4 % partenten préretraite. 0,7 % sont reclassés en interne pour seconder la comptabilité, 0,7 % sontprolongés sur le site de production délocalisé pour faire la jonction, 1,4 % choisissent de sedélocaliser pour suivre la production, 5,6 % sont en CDD, mission ou intérim en vue d’uneembauche en CDI, les 1,4 % des EMT sont en vue d’un CDI, 6,3 % ont des projets decréation d’entreprise bien avancés, et 2,8 % ont des projets de réimplantation géographiquehors Région Parisienne. 21,7 % personnes n’ont aucune solution identifiée et sont au chômageà l’issue du Plan social ; 1,4 % d’entre eux, dont une de plus de 50 ans ont refusé laconvention de conversion, 1,4 % choisissent le départ en préretraite ayant leurs 160 trimestresde cotisation.Tableau 19 : Solution selon le collège Cadre/ETAM ou Ouvrier/employéNom Catégorie Diplôme Sexe Age Solution finale1 1 ABEN Cadre Bac + M 30-49 Interne4 2 AMER Cadre Bac + M 30-49 CDI7 3 BENT Cadre Bac + F 30-49 CDI9 4 BENDA ETAM Bac + M 30-49 CDD vers CDI10 5 CABALLO ETAM Bac + M 30-49 CDI11 6 CHEDAR ETAM Bac + M +50 Aucune13 7 CHEVA<strong>LE</strong>T Cadre Bac + M 30-49 Interne15 8 CLAUDE Cadre Bac + M 30-49 CDI16 9 CLOE Cadre Bac + M 30-49 CDI17 10 COLINE ETAM Bac + F 30-49 Réintégrée21 11 COUTEL M Cadre Bac + M 30-49 Interne22 12 DACUN J Cadre Bac + M 30-49 Délocalisation27 13 DIMACO Cadre Bac + M 30-49 CDI29 14 DAMET ETAM Bac + M 30-49 CDI31 15 DEMAL V ETAM Bac + M 30-49 Interne35 16 DUJARDIN Cadre Bac + M 30-49 CDI37 17 DEMAN R Cadre Bac + M 30-49 CDI38 18 DEQUATRE Cadre Bac + M 30-49 Interne40 19 DUPIRE Cadre Bac + M 30-49 CDI43 20 ELA ETAM Bac + F 30-49 CDI44 21 FORT ETAM Bac + F 30-49 CDI48 22 FAYARD J Cadre Bac + F 30-49 Aucune50 23 FERET ETAM Bac + F 30-49 CDD stoppé55 24 GARCIA Cadre Bac + M 30-49 CDI56 25 GERARD ETAM Bac + M 30-49 CDI58 26 GOUMAND ETAM Bac + M 30-49 Aucune59 27 GUILLO Cadre Bac + M 30-49 CDI60 28 GRAUNER Cadre Bac + F 30-49 Filiale X61 29 GRATES Cadre Bac + M 30-49 Filiale X64 30 HOUDA ETAM Bac + M 30-49 Prolongé68 31 JELIN Cadre Bac + M 30-49 CDI71 32 KAH ETAM Bac + M 30-49 CDD vers CDI583


76 33 <strong>LE</strong>GAUCHE ETAM Bac + F 30-49 Aucune77 34 <strong>LE</strong>FEBRE ETAM Bac + F 30-49 Prolongée82 35 MARCE ETAM Bac + M 30-49 CDI83 36 MARTI Cadre Bac + M 30-49 CDI84 37 MASQUET D ETAM Bac + M 30-49 Aucune86 38 MAUGE ETAM Bac + M 30-49 Décédé88 39 MONTE Cadre Bac + M 30-49 CDI89 40 MORIN ETAM Bac + M 30-49 CDD vers CDI90 41 MORI ETAM Bac + F - 30 Aucune91 42 MISSO Cadre Bac + F 30-49 CDI92 43 MORTI Cadre Bac + M 30-49 CDI93 44 MOUZ Cadre Bac + M 30-49 CDI95 45 NARBON Cadre Bac + F 30-49 CDI99 46 PEL<strong>LE</strong>R ETAM Bac + M 30-49 CDI103 47 PERRO ETAM Bac + F 30-49 Aucune106 48 PIRE ETAM Bac + M 30-49 CDD vers CDI108 49 POLY Cadre Bac + M 30-49 CDI110 50 RAMBO Cadre Bac + M 30-49 Interne111 51 RAGNES Cadre Bac + F + 50 CDI113 52 REBOURS G ETAM Bac + M 30-49 CDD vers CDI114 53 RENAULT Cadre Bac + M 30-49 CDI116 54 RODIN ETAM Bac + M + 50 Aucune117 55 ROGER ETAM Bac + M 30-49 CDD vers CDI118 56 ROUIL Cadre Bac + M 30-49 Interne119 57 SACHA ETAM Bac + F 30-49 Aucune121 58 SIEB Cadre Bac + M 30-49 Interne124 59 SOULI Cadre Bac + M 30-49 CDI126 60 TEX Cadre Bac + M 30-49 CDI129 61 TARTAR J ETAM Bac + M 30-49 CDI131 62 TONDU ETAM Bac + M + 50 Aucune132 63 VILLA ETAM Bac + M 30-49 CDD long133 64 VAN ETAM Bac + M 30-49 CDI134 65 VERDEC ETAM Bac + M 30-49 Formation136 66 ZAPE ETAM Bac + M 30-49 CDD vers CDI2 1 AVES J Ouvrier BEP/CAP M +50 CDD de 3 mois3 2 AVE H Ouvrier Sans M 30-49 Création ent. *5 3 BADUR Employée BEP/CAP F 30-49 CDI6 4 BUISSON Employée BEP/CAP F - 30 CDD vers CDI8 5 BIANCA Ouvrier Sans F 30-49 Aucune12 6 CHESNET Ouvrier Sans F 30-49 Création ent. *14 7 CHUA Ouvrier BEP/CAP F -30 Création ent *18 8 COPE Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune19 9 COURTOISE Ouvrier Sans F 30-49 Décédée20 10 COUTEL L Ouvrier Sans F 30-49 Aucune23 11 DACUN P Ouvrier Sans F 30-49 Délocalisation24 12 DA SILVA L Ouvrier Sans M 30-49 Aucune25 13 DA SILVA M Ouvrier Sans F 30-49 CDI26 14 DAMIRA Ouvrier Sans F 30-49 Création ent *584


28 15 DAOU Ouvrier Sans M 30-49 Aucune30 16 DEMAL M Ouvrier Sans F + 50 pas convention32 17 DE SOUSA Ouvrier Sans F 30-49 CDD vers CDI33 18 DE WIL<strong>LE</strong> Ouvrier Sans M 30-49 CDI34 19 DABORD Employée Bac + F 30-49 Prolongée36 20 DEMAN C Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune39 21 DUMON Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune41 22 DUVAL CH Ouvrier Sans F 30-49 CDI42 23 DUVAL CL Ouvrier Sans F + 50 Aucune45 24 FAN Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune46 25 FANIL Ouvrier Sans M 30-49 Aucune47 26 FAYARD JC Ouvrier Sans M 30-49 CDI49 27 FERNOT Ouvrier Sans M 30-49 Aucune51 28 FI<strong>LE</strong>TTE Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune52 29 FOUCAUL Ouvrier Sans F 30-49 Aucune53 30 FROUVIL Ouvrier Sans F 30-49 Création ent. *54 31 GALLI Employée BEP/CAP F 30-49 Prolongée57 32 GONGAL Ouvrier Sans M 30-49 Aucune62 33 HANAN Ouvrier Sans M 30-49 Aucune63 34 HYAN Employée BEP/CAP F - 30 Aucune65 35 HUT Ouvrier BEP/CAP F 30-49 Délocalisée66 36 HOUSTE Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune67 37 JARRET Ouvrier Sans M - 30 Formation69 38 JOLLIE Ouvrier Sans F 30-49 pas convention70 39 KADET Ouvrier Sans F 30-49 CDI72 40 KRIKA Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune73 41 LANO Employée BEP/CAP F 30-49 Formation74 42 LAURENCE Ouvrier Sans M 30-49 Aucune75 43 <strong>LE</strong>BAS Ouvrier Sans M 30-49 Aucune78 44 <strong>LE</strong>PAUVRE Employée BEP/CAP F - 30 CDI79 45 <strong>LE</strong> THI B Ouvrier Sans F + 50 EMT80 46 <strong>LE</strong> THI N Ouvrier Sans M - 30 Missions81 47 <strong>LE</strong> VAN Ouvrier Sans M 30-49 CDD renouvelé85 48 MASQUET L Ouvrier Sans F 30-49 Création ent. *87 49 MEDES Ouvrier Sans M 30-49 CDI94 50 MUNCHO Ouvrier Sans F 30-49 Aucune96 51 NES<strong>LE</strong>T Ouvrier Sans F 30-49 Aucune97 52 NUNE Employé BEP/CAP M 30-49 Missions98 53 PANO Ouvrier Sans M + 50 EMT100 54 PETIT Ouvrier Sans M 30-49 Aucune101 55 PECHU Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune102 56 PENNE Ouvrier Sans F + 50 Aucune104 57 PEQ Employée BEP/CAP F 30-49 Aucune105 58 PIN Ouvrier Sans F 30-49 Missions107 59 PIZI Ouvrier Sans M + 50 Pré retraite109 60 POR Ouvrier BEP/CAP F 30-49 Création ent. *112 61 REBOURS A Employée BEP/CAP F - 30 Missions115 62 RICOU Ouvrier BEP/CAP M 30-49 Aucune585


120 63 SIDO Ouvrier BEP/CAP M - 30 Aucune122 64 SURRI Ouvrier Sans F + 50 Pré retraite123 65 STAL Employée BEP/CAP F - 30 Interne125 66 TANGUY Ouvrier Sans M 30-49 Aucune127 67 TAM Ouvrier Sans F 30-49 Aucune128 68 TARTAR E Ouvrier BEP/CAP F 30-49 Création ent. *130 69 TARLI Ouvrier Sans M + 50 Aucune135 70 ZAFI Ouvrier Sans M 30-49 Création ent. *Au total 6,6 % des salariés licenciés économique n’ont pas de solutionidentifiée parmi le collège ETAM ou cadre, ils sont 21,7 % pour le collège employé ououvrier, force est de constater que les diplômes ou les formations qualifiantes protègent duchômage et donnent plus de souplesse et d’atout pour retrouver un emploi sur le marché dutravail. Par contre, si le diplôme permet de retrouver plus facilement un poste sur le marchédu travail et sur le marché de l’emploi sans perdre ni au niveau financier ni au niveau intérêtdu travail, il incite moins à changer complètement de cap professionnel, seuls les licenciéséconomiques issus du collège ouvrier et employé prennent une direction différente en semettant à leur compte et en créant une entreprise, ils sont 6,3 % dans ce cas alors quepersonne du collège ETAM ne le fait, à part M. VERDEC qui suit une formation pourchanger d’orientation professionnelle.Tableau 20 : Solution selon le sexe Homme ou femmepar rapport au collège Cadre/ETAM ou Ouvrier/employéet à la situation matrimoniale Couple ou Célibataire.1 1 ABEN Cadre M 30-49 Couple Interne2 2 AVES J Ouvrier M +50 Couple CDD de 3 mois3 3 AVE H Ouvrier M 30-49 Couple Création ent.4 4 AMER Cadre M 30-49 Couple CDI9 5 BENDA ETAM M 30-49 Couple CDD vers CDI10 6 CABALLO ETAM M 30-49 Couple CDI11 7 CHEDAR ETAM M +50 Couple Aucune13 8 CHEVA<strong>LE</strong>T Cadre M 30-49 Couple Interne15 9 CLAUDE Cadre M 30-49 Couple CDI16 10 CLOE Cadre M 30-49 Couple CDI21 11 COUTEL M Cadre M 30-49 Couple Interne22 12 DACUN J Cadre M 30-49 Couple Délocalisation24 13 DA SILVA L Ouvrier M 30-49 Couple Aucune27 14 DIMACO Cadre M 30-49 Couple CDI28 15 DAOU Ouvrier M 30-49 Couple Aucune29 16 DAMET ETAM M 30-49 Couple CDI31 17 DEMAL V ETAM M 30-49 Couple Interne33 18 DE WIL<strong>LE</strong> Ouvrier M 30-49 Couple CDI35 19 DUJARDIN Cadre M 30-49 Couple CDI37 20 DEMAN R Cadre M 30-49 Couple CDI38 21 DEQUATRE Cadre M 30-49 Couple Interne40 22 DUPIRE Cadre M 30-49 Couple CDI46 23 FANIL Ouvrier M 30-49 Couple Aucune47 24 FAYARD JC Ouvrier M 30-49 Couple CDI586


49 25 FERNOT Ouvrier M 30-49 Couple Aucune55 26 GARCIA Cadre M 30-49 Couple CDI56 27 GERARD ETAM M 30-49 Couple CDI57 28 GONGAL Ouvrier M 30-49 Couple Aucune58 29 GOUMAND ETAM M 30-49 Couple Aucune59 30 GUILLO Cadre M 30-49 Couple CDI61 31 GRATES Cadre M 30-49 Couple Filiale X62 32 HANAN Ouvrier M 30-49 Couple Aucune64 33 HOUDA ETAM M 30-49 Couple Prolongé67 34 JARRET Ouvrier M - 30 Célibataire Formation68 35 JELIN Cadre M 30-49 Couple CDI71 36 KAH ETAM M 30-49 Couple CDD vers CDI74 37 LAURENCE Ouvrier M 30-49 Couple Aucune75 38 <strong>LE</strong>BAS Ouvrier M 30-49 Couple Aucune80 39 <strong>LE</strong> THI N Ouvrier M - 30 Célibataire Missions81 40 <strong>LE</strong> VAN Ouvrier M 30-49 Couple CDD renouvelé82 41 MARCE ETAM M 30-49 Couple CDI83 42 MARTI Cadre M 30-49 Couple CDI84 43 MASQUET D ETAM M 30-49 Couple Aucune86 44 MAUGE ETAM M 30-49 Couple Décédé87 45 MEDES Ouvrier M 30-49 Célibataire CDI88 46 MONTE Cadre M 30-49 Couple CDI89 47 MORIN ETAM M 30-49 Couple CDD vers CDI92 48 MORTI Cadre M 30-49 Couple CDI93 49 MOUZ Cadre M 30-49 Couple CDI97 50 NUNE Employé M 30-49 Couple Missions98 51 PANO Ouvrier M + 50 Couple EMT99 52 PEL<strong>LE</strong>R ETAM M 30-49 Couple CDI100 53 PETIT Ouvrier M 30-49 Couple Aucune106 54 PIRE ETAM M 30-49 Couple CDD vers CDI107 55 PIZI Ouvrier M + 50 Couple Pré retraite108 56 POLY Cadre M 30-49 Couple CDI110 57 RAMBO Cadre M 30-49 Couple Interne113 58 REBOURS G ETAM M 30-49 Couple CDD vers CDI114 59 RENAULT Cadre M 30-49 Célibataire CDI115 60 RICOU Ouvrier M 30-49 Couple Aucune116 61 RODIN ETAM M + 50 Couple Aucune117 62 ROGER ETAM M 30-49 Couple CDD vers CDI118 63 ROUIL Cadre M 30-49 Couple Interne120 64 SIDO Ouvrier M - 30 Couple Aucune121 65 SIEB Cadre M 30-49 Couple Interne124 66 SOULI Cadre M 30-49 Couple CDI125 67 TANGUY Ouvrier M 30-49 Couple Aucune126 68 TEX Cadre M 30-49 Couple CDI129 69 TARTAR J ETAM M 30-49 Couple CDI130 70 TARLI Ouvrier M + 50 Couple Aucune131 71 TONDU ETAM M + 50 Couple Aucune132 72 VILLA ETAM M 30-49 Couple CDD long587


133 73 VAN ETAM M 30-49 Couple CDI134 74 VERDEC ETAM M 30-49 Couple Formation135 75 ZAFI Ouvrier M 30-49 Couple Création ent.136 76 ZAPE ETAM M 30-49 Couple CDD vers CDI5 1 BADUR Employée F 30-49 Couple CDI6 2 BUISSON Employée F - 30 Célibataire CDD vers CDI7 3 BENT Cadre F 30-49 Couple CDI8 4 BIANCA Ouvrier F 30-49 Couple Aucune12 5 CHESNET Ouvrier F 30-49 Couple Création ent.14 6 CHUA Ouvrier F -30 Célibataire Création ent17 7 COLINE ETAM F 30-49 Couple Prolongée18 8 COPE Employée F 30-49 Couple Aucune19 9 COURTOISE Ouvrier F 30-49 Couple Décédée20 10 COUTEL L Ouvrier F 30-49 Couple Aucune23 11 DACUN P Ouvrier F 30-49 Couple Délocalisation25 12 DA SILVA M Ouvrier F 30-49 Couple CDI26 13 DAMIRA Ouvrier F 30-49 Couple Création ent30 14 DEMAL M Ouvrier F + 50 Couple pas convention32 15 DE SOUSA Ouvrier F 30-49 Couple CDD vers CDI34 16 DABORD Employée F 30-49 Couple Prolongée36 17 DEMAN C Employée F 30-49 Couple Aucune39 18 DUMON Employée F 30-49 Couple Aucune41 19 DUVAL CH Ouvrier F 30-49 Couple CDI42 20 DUVAL CL Ouvrier F + 50 Veuve Aucune43 21 ELA ETAM F 30-49 Couple CDI44 22 FORT ETAM F 30-49 Couple CDI45 23 FAN Employée F 30-49 Couple Aucune48 24 FAYARD J Cadre F 30-49 Couple Aucune50 25 FERET ETAM F 30-49 Couple CDD stoppé51 26 FI<strong>LE</strong>TTE Employée F 30-49 Couple Aucune52 27 FOUCAUL Ouvrier F 30-49 Couple Aucune53 28 FROUVIL Ouvrier F 30-49 Couple Création ent.54 29 GALLI Employée F 30-49 Couple Prolongée60 30 GRAUNER Cadre F 30-49 Couple Filiale X63 31 HYAN Employée F - 30 Célibataire Aucune65 32 HUT Ouvrier F 30-49 Couple Délocalisée66 33 HOUSTE Employée F 30-49 Couple Aucune69 34 JOLLIE Ouvrier F 30-49 Couple pas convention70 35 KADET Ouvrier F 30-49 Couple CDI72 36 KRIKA Employée F 30-49 Couple Aucune73 37 LANO Employée F 30-49 Couple Formation76 38 <strong>LE</strong>GAUCHE ETAM F 30-49 Couple Aucune77 39 <strong>LE</strong>FEBRE ETAM F 30-49 Couple Prolongée78 40 <strong>LE</strong>PAUVRE Employée F - 30 Couple CDI79 41 <strong>LE</strong> THI B Ouvrier F + 50 Veuve EMT85 42 MASQUET L Ouvrier F 30-49 Couple Création ent.90 43 MORI ETAM F - 30 Célibataire Aucune91 44 MISSO Cadre F 30-49 Couple CDI588


94 45 MUNCHO Ouvrier F 30-49 Couple Aucune95 46 NARBON Cadre F 30-49 Couple CDI96 47 NES<strong>LE</strong>T Ouvrier F 30-49 Couple Aucune101 48 PECHU Employée F 30-49 Couple Aucune102 49 PENNE Ouvrier F + 50 Couple Aucune103 50 PERRO ETAM F 30-49 Couple Aucune104 51 PEQ Employée F 30-49 Couple Aucune105 52 PIN Ouvrier F 30-49 Couple Missions109 53 POR Ouvrier F 30-49 Couple Création ent.111 54 RAGNES Cadre F + 50 Couple CDI112 55 REBOURS A Employée F - 30 Couple Missions119 56 SACHA ETAM F 30-49 Couple Aucune122 57 SURRI Ouvrier F + 50 Couple Pré retraite123 58 STAL Employée F - 30 Couple Interne127 59 TAM Ouvrier F 30-49 Couple Aucune128 60 TARTAR E Ouvrier F 30-49 Couple Création ent.Le tableau 20 montre que les solutions finalisées choisies ou imposées ne vontpas être les mêmes selon les sexes et donc les obligations familiales car tous les couples(mariage ou concubinage) ont des enfants scolarisés, les femmes surtout doivent respecter leshoraires liés aux activités des enfants (école, loisirs, etc.) et sont moins mobilesgéographiquement. Cependant le résultat d’un tel plan social est quasiment identique que l’onsoit un homme ou une femme, en effet 12,92 % des hommes n’ont aucune solution et lesfemmes sont 13,8 % dans ce même cas même si les différences sont notables au niveau dutype d’emploi retrouvé puisque 26,6 % des hommes retrouvent des postes en CDI alors queles femmes ne sont que 7,8 % à retrouver des postes en CDI. L’homme, soutien de familles’oriente plus vers la stabilité de l’emploi alors que les femmes qui vont avoir plus dedifficultés pour trouver un emploi vont s’orienter plus facilement vers la création d’entreprise,se créant leur propre emploi. Cette situation rejoint le fait que les hommes pour 33,66 %occupent des postes d’ETAM ou de cadres qui retrouvent plus facilement alors que lesfemmes sont 9,9 % à occuper ce type de postes par contre on les retrouve à 31,5 % dans lecollège employé ou ouvrier alors que 17,5 % des hommes occupent des postes de ce mêmecollège.RESUME DE LA PARTIE III : <strong>LE</strong> <strong>RECLASSEMENT</strong> DES SALARIESLe travail structure la vie sociale autant qu’économique et sa perte estdouloureuse. Avec la mondialisation, il change, se transforme et se négocie comme n’importequel produit courant. Il se délocalise lui aussi vers les pays où les coûts de main d’œuvre sontmoindres. Dans l’optique d’être compétitives, les entreprises qui ont délocalisé leurproduction doivent alors faire face au reclassement des salariés restés sur le sol« abandonné ». Elles se font aider de cabinets de gestion de ressources humaines qui mettenten place des cellules appelées aussi antenne-emploi pour reclasser ces salariés qui entrent enconvention de conversion, n’étant pas considérés comme chômeurs, l’ANPE ne les reçoit pas.589


Les procédures de restructuration apparaissent en août 1980, les réformesinstitutionnelles vont être complétées par des lois en 1988 et 1989 ; elles ne vont cesserd’évoluer et une notion sociale sera incluse dès 1989. Les mesures d’accompagnement sontdiverses (bilans de compétences, formations) et l’accompagnent des plans sociaux estcomplexe, les conventions de toutes natures apparaissent. Les bilans de compétences mis enplace en 1991 sont une aide précieuse à l’accompagnement.Ils permettent de faire une synthèse de ce que la personne à déjà fait (passé), dece qu’elle fait actuellement (ou elle en est) et de ce qu’elle veut faire (ou elle veut aller). Desfiches structurent et guident le bilan de compétences qui devient un outil technique fiable pourencadrer ces plans sociaux qui obligatoires pour les entreprises à partir de 200 personnesdoivent être sans faille pour être validés par l’administration du travail et acceptés par lessalariés qui le subissent.Les plans sociaux sont très contrôlés, ils sont honéreux, encadrésjuridiquement et médiatiquement. Ils sont obligatoires pour les sociétés qui licencient mais lesalarié licencié est libre d’y adhérer. S’il refuse, il devient chômeur immédiatement alors ques’il accepte, il bénéficie d’un délai de 6 mois pour trouver un autre poste ou une solutionfinalisée qui peut être la création d’entreprise, la formation, la pré-retraite, etc.Suite à un licenciement, un plan social est mis en place, depuis la loi sur lamodernisation sociale de juin 2001 appliquée en janvier 2002, le nom change et devient« plan de sauvegarde de l’emploi » mais les activités des cellules de reclassement sonttoujours d’aider les adhérents à trouver une solution qui leur conviennent. Le temps de travailpeut être réduit à 35 heures, aménagé pour tenter de partager cette denrée qui se fait rare.Il existe deux grands types de plans sociaux : le premier est appelé plan socialdéfensif : c’est le cas de celui mené par l’entreprise X où il s’agit de « sauver » ce qui reste del’entreprise en délocalisant pour réduire les coûts. Le second vise à réduire les coûts pouraugmenter les marges de profit des actionnaires : actuellement très pratiqué, il suscitecritiques et protestations, des mobilisations et une médiatisation souvent fortes.L’entreprise X, équipementier automobile, qui délocalise sa production maisqui garde une activité commerciale sur Paris met en place un plan social pour 136 salariésdont 66 appartenant au collège Etam/cadre et 70 appartenant au collège ouvrier/employé. Ellene peut bénéficier que de reclassements externes pour ses salariés travaillant dans laproduction ainsi que pour les salariés administratifs qui ne veulent pas aller travailler surParis. Elle fait appel à des consultants externes eux aussi pour gérer l’antenne emploi. Seuleune salariée responsable du personnel travaille avec le Cabinet, dans un premier temps, elleaide à la mise en place de l’antenne emploi, apporte ses connaissances de l’entreprise etrassure les salariés, ses anciens collègues, elle les quittera au bout de quelques mois pour allertravailler sur Paris.Le bilan est sans appel et certains ne résistent pas aux ravages liés à un plansocial, aussi performant soit-il. Les moins pénalisés sont tout de même les salariés qui ont unestructure familiale stable, qui sont relativement jeunes sans être pour autant débutants,diplômés et qualifiés, mobile géographiquement.590


CONCLUSIONSynthèseLe travail régit la vie sociale de tout un chacun, en lui donnant une place dansla société. Une place, avec un rôle social à jouer, une activité à exercer et des ressourcesfinancières pour subvenir à ses besoins.Il permet d’être autonome, de se nourrir, de se loger…et d’exister. Ceux quipour des raisons médicales ne sont pas capables de travailler sont entretenus par la société qui591


les protège autant des autres que d’eux même, ces personnes là ont peu de devoirs envers quique ce soit mais aussi proportionnellement peu de droits.Le travail procure un emploi qui est défini par le poste occupé, ce postetémoigne de capacités reconnues et donne une utilité au sein de la société ; en définitivel’individu ainsi intégré appartient à la société dans laquelle il évolue. L’emploi devient unfacteur de sociabilité.Au niveau de l’état civil, donc de la base de notre société, l’individu se déclinepar son sexe, suivi de son nom puis de son prénom, de son âge, de son métier et de sonadresse ; sous entendu un individu naît, existe, travaille et appartient à la civilisation parcequ’il habite quelque part, mais pour habiter quelque part il faut le pouvoir financièrement.L’emploi donne cette indépendance financière et défini l’environnementd’appartenance, ce cercle vertueux est brisé et devient vicieux lorsque l’individu perd sontravail : sans ressources financières, les liens sociaux se dissolvent et le chômeur semarginalise. M. UNTEL, ingénieur devient avec le temps retraité des industries chimiquesmême si en cours de route il passe momentanément par le stade de la recherche d’emploi,même s’il est « actif ». S’il devient « chômeur », plus rien n’indique dans le terme vers queldomaine s’oriente sa recherche d’emploi. Il est chômeur et tout laisse à penser que c’estdevenu son statut, son identité. C’est un chômeur et non plus Monsieur le chômeur. Une aidedoit alors venir de l’extérieur pour briser ce cercle vicieux, pour briser cet isolement.Quelque soit le courant de pensée auquel on se rattache ou l’écolephilosophique à laquelle on appartient, que ce soit l’état qui intervienne pour rétablir unéquilibre ou qu’on laisse le marché jouer un rôle de régulateur, la situation doit être modifiée.La mondialisation touche tous les domaines. Les échanges financiers sont lespremiers concernés. Viennent ensuite les échanges commerciaux propulsés par les fluxfinanciers, suivent les flux humains et structurels. Les structures se déplacent, partent versl’étranger pour faire des économies sur les coûts. Les entreprises s’installent où la maind’œuvre est moins chère pour des raisons multiples (plus nombreuse donc moins rare et moinsprotégée) et ferment les sites devenus de ce fait moins rentables. Les sites industriels désertés,le matériel de production vendu, la main d’œuvre doit elle aussi quitter les lieux et trouver unemploi ailleurs.Avec la notion de responsabilité sociale de l’entreprise, des mesuresd’accompagnement se légitiment. Cette conception de l’accompagnement social est trèsancienne et les plans sociaux qui naissent en 1989, seront améliorés régulièrement devantl’ampleur du phénomène. Le constat peut en être fait à partir de l’historique des mesures quise sont succédées pour améliorer ces plans. Il a fallu que soit voté l’amendement dit«AUBRY» en 1993, qui donne au comité d’entreprise le pouvoir de demander l’annulation duplan social si celui-ci ne contient pas de véritable plan de reclassement, pour que, à une largeéchelle, ces plans commencent à avoir un contenu autre que les primes, les mesures d’âge etla convention de conversion. Cet amendement est à l’origine du développement des cellulesde reclassement. Or il a fallu attendre des années pour que celles-ci soient composées deprofessionnels et plusieurs arrêts de la cour de cassation ont été nécessaires pour renforcer laqualité des plans : l’arrêt SIETAM en 1996 pour renforcer l’attention portée à la qualité de laprocédure de consultation du comité d’entreprise ; la loi de modernisation sociale en 2002pour réaffirmer la nécessité d’alternatives économiques, etc.592


Il existe plusieurs types de licenciements économiques qui ont des procéduresparticulières. Celles-ci dépendent notamment du nombre de salariés licenciés. Le licenciementéconomique devra, dans un cas, respecter un plan de sauvegarde de l’emploi. Dans un autre,ce plan ne sera pas nécessaire. Le plan de sauvegarde de l’emploi, anciennement dénomméplan social, doit être mis en place dans les entreprises de plus de 50 salariés lorsque plus de 10licenciements pour motif économique sont prévus sur une même période de 30 jours.Une fois que le plan social est mis en place, les salariés entrent en conventionde conversion pendant 6 mois, prolongés de quelques mois pour les cas particuliers avant dedevenir des « chômeurs » accédant à des droits si aucune solution « rémunérante »satisfaisante n’est trouvée. Une politique sociale tente ainsi de pallier les effets d’un marchésur lequel on veut augmenter sa rentabilité mais au prix de plus grandes dépenses socialespour soigner les maux qui en résultent. C’est contradictoire, pour faire des économies d’uncôté, il faut dépenser d’un autre ; mais pas sur le même laps de temps et parce que desobligations légales ont été instaurées par des organismes qui servent de contre pouvoir poursauver ce qui reste ou plutôt ceux qui restent. Un plan social lui-même est coûteux et longpour l’entreprise qui le met en place, obligée par la loi ; long et éprouvant aussi pour lessalariés qu’il est censé aider, qui le subissent et qui en tirent des avantages bien inégaux.A partir d’une observation participante dans un cabinet opérant la mise enœuvre d’un Plan Social de reclassement, on est conduit à conclure que pour qu’il ne soit pastrop désastreux pour un(e) salarié(e), il vaut mieux qu’il (elle) soit diplômé(e) et sansobligation familiale lourde mais néanmoins vivant en couple (ce qui structure et donne unéquilibre) et étant relativement jeune pour être au fait des techniques nouvelles de travail.Dans ces conditions idéales, le reclassement professionnel est autant un repositionnement surle marché du travail que sur le marché de l’emploi et le risque de perte financière du fait desdistances plus longues ou de la perte de l’ancienneté acquise est relativement inexistant Sitoutes les conditions ne sont pas réunies, les possibilités sont grandes que le déséquilibre crééfasse chuter lourdement l’édifice de toute une vie et qu’alors tout bascule.Le Plan Social peut aussi devenir catastrophique sur tous les plans : familial,financier, social et médical. C’est malheureusement le cas général, on se construit sur la duréeet on se repose sur ses acquis. Une restructuration peut être une opportunité pour changer decap professionnel mais laisse toujours des traces rarement positives, elle remet trop de chosesen question. C’est ce à quoi se trouvent confrontés les cabinets de consultants extérieurs àl’entreprise qui tentent de trouver des solutions pour limiter les dégâts.La meilleure protection d’un individu passe par l’intégration à la société et aumonde du travail qui peut créer un lien social, une structure et une identité pour chacun. Qu’ily ait des matins où il est difficile de se lever pour aller travailler est encore moins pénible queces matins où il faut se lever pour ne rien faire. L’enjeu des plans sociaux est de tenter deprotéger les salariés du pire : avoir du mal à regarder les autres vivre et avoir encore plus demal à se regarder parce qu’on se décourage à se demander à quoi on peut servir. C’est degérer au mieux ou au moins mal des effets pervers d’une ouverture sur le monde qui a aussidu bon.Le rôle du consultant593


Les politiques de développement des ressources humaines sont depuis quelquesannées en assez profond renouvellement. "La pression des contraintes économiques, la miseen place des puissants moyens technologiques actuels et l'élévation des niveaux socio -professionnels concourent à mieux gérer le développement des compétences, lesreconversions massives et l'implication au travail." 644Cette recherche d'une plus grande efficacité économique et humaine estl'occasion pour les responsables des problèmes humains, de faire face à de nouvellesconfrontations, plus ponctuelles, mais aussi plus intéressantes, entre la théorie et la pratique.Selon la définition de Jacques ARDOINO l'intervention du consultant engestion des ressources humaines est une démarche "plus ou moins systématique effectuée, àtitre onéreux, au moins professionnel, par un ou plusieurs praticiens, à la demande d'un client,généralement collectif (groupe, organisation ou institution) pour continuer à libérer oususciter des forces jusque là inexistantes ou potentielles, parfois bloquées en vue d'unchangement souhaité" 645 .Alain BERCOVITZ 646 donne une définition plus complète du concept : "Unepersonne ou une équipe, supposée compétente est consultée par une autre personne, un groupeou une organisation pour émettre un avis sur un problème et indiquer ce qu'il convient defaire". Les caractéristiques d'une situation de conseil sont les suivantes : il s'agit toujoursd'une relation, c'est-à-dire d'un échange (économique, cognitif, technique, affectif) entre unclient et un prestataire de service. Nous dirons entre un système client et un systèmeintervenant. A l'origine de cette relation, il y a toujours un problème à traiter, une difficulté àsurmonter, une situation à faire évoluer. Le consultant est supposé maîtriser des savoirs, desoutils, une expérience, une compétence que le client ne possède pas. La demande formuléepar le client est une demande d'aide, qu'elle qu'en soit la nature ; la consultation débouchetoujours sur des actions à réaliser, dont la conduite et la responsabilité reviennent à l'un oul'autre partenaire ou conjointement au deux.Les dirigeants font appel à un consultant en management lorsqu’ils ressententle besoin d'une aide extérieure pour régler un problème managérial. Les deux grands types deproblèmes auxquels sont confrontées les entreprises sont principalement :* la maîtrise de leurs interactions avec l'environnement telle que l'adaptation aux contraintestechniques, la communication externe ou la stratégie,* le développement d'une cohésion interne comme l'organisation du travail, la circulation del'information, la prise de décision, la communication, etc.De fait, les demandes d'intervention émanant des entreprises sont multiples etpeuvent être classées en trois grandes familles :* le conseil stratégique, lorsque l'entreprise demande au consultant d'intervenir pour découvrirla source d'un problème. La demande inclut également un diagnostic, l'élaboration desolutions et éventuellement la mise en oeuvre et le suivi des solutions adoptées;644BOSQUET, R., fondements de la performance humaine dans l'entreprise,Personnel/ANDCP, les éditions d'organisation, P58, Paris, 1989.645ARDOINO, J., L'intervention dans les organisations et les institutions,Epi, A.N.D.S.H.A., Protocoles 1-2. Paris, 1975.646BERCOVITZ, A., Esquisse d'une analyse de la fonction de conseil, inConnexions, N°49, EPI, 1987.594


* le conseil méthodologique, lorsque le problème est identifié par l'entreprise. Le consultantest appelé pour le résoudre;* le conseil de service, lorsqu'il s'agit d'un achat de service de spécialistes que l'entreprise nepeut s'offrir à plein temps. Ce service ponctuel diffère de la consultation.En terme de conseil méthodologique et de conseil de service, l'entreprise attendune aide technique pour résoudre un problème qu'elle pense avoir identifié. En revanche, leconseil stratégique paraît plus ambigu. En effet, au-delà de la demande explicite del'entreprise cliente, il peut y avoir également une ou plusieurs demandes implicites.C'est ainsi que l'entreprise cliente peut donner au consultant divers rôlesimplicites, selon Xavier BARON 647 :* le rôle de danseuse : le consultant occupe le devant de la scène pendant que de réellesdécisions sont prises dans l'équipe dirigeante;* le rôle d'alibi : il s'agit de faire croire au corps social de l'entreprise que l'on agit tout enfaisant en sorte qu'aucun changement concret n'apparaisse;* le rôle de fusible : le consultant se trouve dans l'entreprise afin d'assumer les mesuresimpopulaires, il "sautera" juste après;* le rôle de porte-parole : l'entreprise cliente désire se servir de la légitimité du consultantpour faire passer son propre message;* le rôle de réserve d'énergie : on attend du consultant, outre l'aide méthodologique, qu'il portele projet, qu'il le fasse vivre, qu'il l'explique, qu'il le soutienne;* le rôle de catalyseur : la présence du consultant déclenche le développement d'une opérationde changement.Aucun de ces rôles ne peuvent être avoués directement au consultant,l'entreprise cliente n'en est peut être même pas consciente au départ, mais ce sera auconsultant d'en découvrir l'existence et de décider de l'orientation éventuelle de sa prestation.N'est-il pas paradoxal qu'une entreprise fasse appel à des consultants ? Nedispose t’elle pas, surtout si elle atteint un certain seuil, de moyens comme des effectifsnécessaires pour faire face à ses problèmes ? Au delà des hommes et des ressources, n'est-ellepas mieux à même, par la connaissance qu'elle a de son parcours, de son histoire, de sescoutumes, autrement dit de sa culture, de remonter à la cause de ses difficultés ? Comment un"étranger" réussirait-il mieux qu'elle à percer le secret de ses troubles, de son malaise et de sesdoutes alors qu'il n'a jamais partagé ses habitudes et ses rites, qu'il ne sera jamais que depassage et qu'il n'est en rien concerné par son avenir ?Les raisons pour lesquelles l'entreprise ne peut faire appel à ses seulesressources internes afin de faire face à ses problèmes sont nombreuses :a) Des raisons économiques et financières : l'entreprise n'a pas les moyens etn'est pas en mesure de tout faire toute seule. Elle ne peut avoir tous les spécialistes dans lesdivers domaines de l'information, de la communication, de la publicité, des ressourceshumaines, du marketing, du social. La sagesse commande de faire appel à des ressourcesexternes pour les rendre complémentaires des ressources internes et pour ne pas grever lescomptes de l'entreprise.647BARON, X, Du bon usage des consultants, Personnel, décembre 1989.595


) Des raisons structurelles liées aux enjeux de pouvoir. Elles touchent toutesles entreprises. L'entreprise à tous les niveaux constitue un enjeu de pouvoir. Loin de fairejouer les synergies, les secteurs ont trop souvent tendance à vouloir outrepasser le pouvoirpour asseoir leur domination. Le secteur de la production veut avoir le pas sur le secteurcommercial, ce dernier ne rêve que d'une production soumise aux exigences de la clientèle, lesecteur administratif ne supporte plus d'être aux ordres et multiplie les procédures pour restermaître d'un certain jeu...Bien que chacun souffre de l'absence de synergie au sein de l'entreprise, lamenace qu'elle représente pour la cohérence n'émeut guère le collectif de travail. Lesdifficultés rencontrées sont imputables aux "autres", qui bien entendu, devraient être les seulsà s'efforcer de changer. Les réunions remplissent une fonction rituelique sans autre débouchéque la confirmation et l'approfondissement des malentendus entre les secteurs. Enfin lesarbitrages rendus par l'encadrement et la direction attisent généralement les hostilités, lesvainqueurs nourrissant la volonté de revanche des vaincus.c) Des raisons psycho - sociales : Dans une entreprise, il n'est pas un secteurqui ignore quoi que ce soit des dysfonctionnements ou des fonctionnements pervers des autressecteurs. Chacun d'entre eux estimera que les réformes devraient s'appliquer aux autres maisse gardera bien de le dire en public de peur d'être, plus vite qu'à son tour, mis sur la sellette.Celui qui par exemple, au service des achats, découvre qu'une certaine corruption sévit, risquegros à la dénoncer. Même s'il fournit toutes les preuves de ses accusations, et quand bienmême chacun sait qu'il dit la vérité, il s'expose à une solidarité contre lui. Sa vie setransformera en enfer. Même muté ailleurs, sur sa demande ou non, il sera l'objet d'uneméfiance permanente, chacun le tiendra à distance comme un pestiféré. La crise s'aggrave, lesproblèmes s'accumulent, mais on évitera cependant d'en parler officiellement. Bien que lescouloirs, les bureaux, les ateliers, le restaurant d'entreprise, la cafétéria bruissent de millerumeurs plus ou moins fondées sur les irresponsables ("les autres", bien entendu) qui nuisentau bon fonctionnement des services, c'est le silence qui règne dès qu'il s'agit de crever l'abcèset de trouver des solutions. Qualité la moins partagée dans le monde de l'entreprise, lecourage, croit-on, fait courir une menace à l'avancement, à la promotion, aux primes, auxpetits avantages, à la tranquillité de chacun.Les trois raisons énoncées précédemment justifient le recours aux ressourcesexternes. Elles mettent en évidence la nécessité:- du regard extérieur,- de la parole étrangère à l'entreprise,- de la médiation dans l'élaboration et la mise en oeuvre des projets.Il apparaît comme la dernière solution, le recours ultime qui préserve l'autoritédu chef d'une part et d'autre part s'ouvre aux avis, opinions et propositions des collaborateursde l'extérieur. Il ne serait pas exagéré de dire que le consultant permet aux uns de sauver laface, aux autres de se faire entendre et de se réintroduire dans le processus de réflexion etd'action de l'entreprise. Autre avantage de l'intervention du consultant, son regard n'est passuspect de complaisance et les acteurs de l'entreprise ne peuvent qu'y gagner à le considérercomme neuf. Il se pose en arbitre reconnu par tous, un bon arbitre qui ne soit ni État, ni uneautorité administrative ou juridique quelconque.Le regard s'accompagne de la parole. Il ne s'agit pas seulement de constater cequi ne va pas mais de le mettre en lumière pour en expliquer les causes et préconiser des596


solutions. Puisque la prise de parole comporte de trop gros risques pour les collaborateursinternes, il va de soi que seul un étranger appelé à jeter un regard sur les réalités internes serahabilité et autorisé à le faire. On lui a commandé un travail, la règle du jeu veut qu'il s'exprimesur ce qu'il découvre (du moins, en théorie), sa parole étant considérée à priori comme neutre;d'où l'importance du statut de neutralité reconnu au consultant. Il lui permet de faire passer àla place d'autres acteurs de l'entreprise les discours que ceux - ci auraient tenté en vain de fairevaloir.Regard neuf, parole libre, neutralité reconnue par tous les acteurs del'entreprise, peut-on rêver situation plus confortable pour inciter au changement à partir d'unprojet ? C'est précisément parce qu'il n'est pas un collaborateur permanent dans l'entreprise etparce qu'il ne s'inscrira pas dans la continuité de celle-ci que le consultant est susceptibled'être entendu et suivi. Entendu lorsqu'il aura établi son diagnostic, suivi lorsqu'il proposera laréalisation d'un projet. On ne peut pas le soupçonner de tirer la couverture à lui au nom d'unpouvoir sectoriel ou catégoriel ou d'agir au bénéfice exclusif de groupes et d'individus. Placéen position d'arbitre, il sera en outre un animateur dont la position prééminente dans la miseen oeuvre d'un projet et de réformes, même si elle n'est pas appréciée de tous, sera en tout étatde cause la moins contestée. On ne lui fera pas de procès d'intention de préparer son plan decarrière, de viser un pouvoir hégémonique, de "rafler toute la mise" au détriment des autres.Regard extérieur, parole étrangère à l'entreprise, médiation dans l'élaboration etla mise en oeuvre des projets, tous ces attributs accordés au consultant, à cette ressourcesexterne ne sont-elles pas, en définitive, l'illustration de la formule de Mac LUHAN : " ce n'estpas tant le message qui importe que le messager"C'est un pouvoir extraordinaire qui est offert ainsi à l'entreprise. Homme de lacrise et des complexités accrues aux yeux du collectif dirigeant et des collaborateurs, leconsultant est celui qui remédiera aux pertes de sens, de repères, de valeurs. Comment ne pasêtre pris de vertige lorsque des entreprises à bout de souffle attendent que le consultant soittout : expert, conseillé, conciliateur, facilitateur, formateur, réalisateur, auditeur, maîtred'œuvre mais aussi, ce qui est plus gênant, caution, gourou, faiseur de miracles, oracles,éminence grise,...?La fonction de consultant n'est pas à l'abri des griseries et des pièges.* Le piège de la confusion des genres lorsque prise par l'urgence, l'entreprise nesait pas distinguer le court du moyen terme (a fortiori, du long terme). Quand elle fait appelaux ressources externes, il est, hélas, souvent trop tard. Impatiente, naïve, elle croit auxremèdes miracles, à la possibilité d'éradiquer tout de suite le mal alors qu'une longue thérapies'impose. Aussi se méprend-elle sur la mission du consultant dont elle ne voit pas qu'il est,avant tout un architecte et non pas un pompier. La prévention est plus son registre que la curemême si la guérison fait partie de ses préoccupations.A cet égard, parce qu'ils sont prisonniers d'une logique économique et d'unenvironnement concurrentiel, les cabinets de conseil creusent leur propre tombe lorsqu'ilsacceptent des missions impossibles. Leur échec prévisible face à une mort manifestementannoncée ne participe pas à la crédibilité de la profession. Autre confusion fâcheuse,imputable aux responsables de l'entreprise, le manque de rigueur, la mauvaise ou la nonutilisation des ressources externes pourtant reconnues nécessaires. Après l'opération dudiagnostic, combien d'entreprises ne suivent pas les préconisations et recommandationsauxquelles elles ont souscrit...? Combien d'entreprises oublient de confier le pilotage de telle597


ou telle opération de réalisation au consultant alors qu'il en constituait indéniablement le gagede réussite.* Le piège de la mode, dans la mesure où l'entreprise n'échappe pas à l'air dutemps. Se payer les conseils d'un cabinet, surtout s'il est de renom, fait partie de la panoplie du"patron dans le vent". Qui n'a pas entendu parler de telle société recourant aux prestationsdispendieuses d'un fameux cabinet anglo-saxon alors qu'elle aurait pu s'adresser à un cabinetde moindre réputation mais plus adapté à ses besoins et capable, pour le même prix, de rendreplus de services ? Qui n'a pas ri de ce groupe faisan appel au nec plus ultra du conseil enmanagement pour résoudre à coup de cuistreries verbales, et à quel tarif ! un problèmedérisoire relevant d'une simple opération interne de rappel à l'ordre ?La responsabilité de certains "professionnels" est engagée dans le dévoiementdu conseil. Le phénomène de mode provoque une vaste escroquerie qui ne manque pasd'inquiéter.* Le piège de la caution et de l'alibi s'appuie sur l'effet d'annonce pourentretenir les illusions. Commander un audit, se lancer dans une opération de projetd'entreprise, c'est accréditer la thèse selon laquelle on s'investit avec sincérité et avec lavolonté d'aboutir dans une entreprise de réforme, de rénovation, de modernisation de sesstructures comme de ses relations.Qu'en est-il réellement ? De nombreuses entreprises, notamment dans lesecteur public, ont sacrifié à des audits coûteux, des projets d'entreprise grandioses sans qu'iln'en soit jamais rien sorti, ou si peu. C'est l'exemple de la fonction publique qui promet de semoderniser depuis au moins une décennie, à grands renforts d'opérations publicitaires et deministres annonçant des lendemains qui chanteraient. La médiation de la vie publique incitantà rechercher des effets d'annonce sans cesse renouvelés, comment s'étonner que soientprivilégiés les grands projets spectaculaires dont le simple énoncé tend à faire croire que lerésultat est acquis avant le traitement même du problème. Tout pousse à ce que le court termel'emporte sur le moyen et le long, à ce que le discours fasse office de passage à l'acte sansadministration de la moindre preuve.Bien des opérations de prétendue innovation sociale s'inscrivent dans unschéma bien précis. Le chef d'entreprise, une fois qu'il a égrené son chapelet de vœux pieuxen faveur de la démarche de l'expert et du regard extérieur, une fois qu'il à pris connaissancedes conclusions de l'audit, et parce qu'il se rend compte du bouleversement que cela peutprovoquer, fait traîner les choses. La réaction hostile du personnel n'est pas longue à venir.Par le truchement des syndicats, on dénonce, non sans raison, la montagne qui a accouché dela souris. Comment ne pas souligner la disproportion entre l'investissement financier ethumain consenti pour l'opération d'audit (présentée comme l'aube d'une ère nouvelle) et, enfinal, la maigreur des résultats enregistrés.Dès lors, la boucle est bouclée : critique justifiée des syndicats leur permettantde faire oublier leur frilosité devant la moindre réforme, caractère velléitaire de la directionqui se réjoui en catimini de l'hostilité des partenaires syndicaux, deux conservatismes qui sesont entendus pour que rien ne change. La comédie des apparences, volonté de préparerl'entreprise à son avenir proclamé par les dirigeants, refus de la gabegie opposé par lessyndicats, permet de donner le change. Les enjeux affichés en public dissimulent le véritable598


enjeu : la peur de bouger. Deux angoisses se nourrissent mutuellement la responsabilité del'échec de l'opération de la dernière chance.Si chacun des acteurs peut estimer avoir gagné la partie, le vrai perdant n'est-ilpas l'entreprise ? Et le consultant ou le cabinet de conseil n'auront-ils pas servi de boucsémissaires à l'incapacité, voire au refus des acteurs d'évoluer ?Telles sont les principales limites du conseil en entreprise. On pourrait ajouterque ces limites sont d'autant plus vite atteintes que les acteurs de l'entreprise et du mondesocial ne baignent pas dans une culture du conseil. En France, les petites et moyennesentreprises d'éveillent à peine au conseil alors que l'Allemagne s'y adonne, pour son plusgrand profit depuis plus de quarante ans. Le paradoxe veut que ce soit les PME et les PMI quiaient le plus grand besoin des ressources externes de façon permanente mais qui y recourent lemoins.Le consultant est un expert du processus plutôt qu'un expert du contenu(l'expertise porte sur les processus et les situations de changement plutôt que sur le contenuqu'on lui soumet). Le consultant peut intervenir dans tous les types d'organisation : entreprisesde production, organismes public, hôpitaux, coopératives, écoles, associations, etc. Il peuttraiter des situations aussi variées qu'un conflit entre des personnes, une rivalité entredépartements d'une même organisation, une planification stratégique, une clarification desrôles, un projet de développement organisationnel, etc.La globalisation des problèmesDepuis les années 1980, les cycles de vie de la plupart des produits se sontraccourcis, que ce soit grâce aux progrès technologiques comme dans l'industrie automobile,l'informatique ou l'électronique, ou à cause d'une demande plus sophistiquée, comme dans lesservices financiers ou la grande distribution. Parallèlement, l'ouverture des marchés a facilitél'internationalisation rapide de nos sociétés, mais a aussi favorisé la mondialisation etl'exacerbation de la concurrence dans presque tous les secteurs, même s'ils ne sont pas tousautant touchés que l'électronique grand public ou l'automobile. Les problèmes qu'uneorganisation doit résoudre sont donc maintenant presque toujours urgents, globaux et le plussouvent, internationaux. Les solutions à ces problèmes ne peuvent plus se limiter à l'analysed'un seul aspect : technologie, produit, marché, concurrence, achats, fabrication, marketing,vente, production, service après-vente, etc. mais doivent le plus souvent les intégrer tous.Aujourd'hui, et c'est une évolution vécue par l'ensemble des sociétés de conseil,les organisations n'appellent plus leurs consultants pour leur proposer de résoudre unproblème spécifique de stratégie ou d'organisation, ou pour mener une simple étude demarché, mais elles proposent de travailler avec elles pour résoudre des questions plus globales- comment tirer parti du ralentissement économique pour se repositionner pour l'après crise ?- comment optimiser l'outil industriel et celui de distribution au plan européen ?- comment assurer une croissance mondiale tout en restant profitable et en évitant les risquesd'une diversification trop poussée ?- comment adapter de façon optimale l'offre de produits et de services et la stratégie de prixaux besoins des différents segments de clientèle en Europe ?- comment améliorer le niveau de service aux clients ?599


- telle division n'est plus profitable, que doit faire le groupe ?- comment transformer un système de distribution vieux de 20 ans pour continuer à servir laclientèle dans 10 ans ?- comment construire le développement autour d'une stratégie d'image ?- quelles alliances envisager et comment les rendre réellement effectives ?Le métier même de consultant a profondément changé en quinze ans : deconseiller externe, objectif, écouté en raison de son savoir et de son expérience, il est devenule catalyseur d'un certain nombre de révolutions au cœur même de l'organisation. Pourassumer ce rôle, presque tous les cabinets se sont engagés dans le support à la mise en oeuvreeffective de leurs recommandations. Ils ne travaillent plus "pour" leur client, ce qui sousentendune certaine distance avec l'organisation, mais "avec", c'est à dire en symbiose avec lastructure à tous les niveaux, pour faciliter la mise en place effective de leursrecommandations, en associant les forces vives de l'organisation à toutes les étapes de ladémarche.Le consultant est chargé d'apporter un conseil à un chef d'entreprise, à uneorganisation qui, face à un problème précis ou tout simplement pressenti, éprouve desdifficultés au niveau de la simple formulation, ou au niveau de son appréhension et bienévidement au niveau des moyens de résolution.Un consultant doit posséder des facultés intellectuelles telles que :* la vivacité d'esprit, la curiosité, la capacité d'analyse et de conceptualisation,* la perspicacité, l'assurance dans son jugement, la connaissance de la pertinence duproblème,* la capacité d'analyse pour bien diagnostiquer un problème,* la capacité d'écoute du client,* la capacité d'adaptation,* la diplomatie dans un processus d'intervention,* l'intuition et la sensibilité face aux émotions ressenties par le client.personnalité:Il peut être fait un portrait du consultant type avec de grands traits de* l'intégrité,* la persévérance doublée de patience,* la discipline personnelle (maîtrise de soi, de ses émotions face à un client qui recherche enun consultant une assurance, un réconfort, une confiance face à des situations qu'il ne peutgérer et pour lesquelles il a justement faites appel à ce consultant). La précision, la rigueur etl'autodiscipline laissent peu de place à l'improvisation.* la tolérance face à l'ambiguïté qui jalonne son parcours dans une entreprise,* la confiance en soi, en ses capacités et en celles des autres,* l'autonomie et le dynamisme dans les démarches d'intervention qu'il initie au sein d'uneorganisation.600


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BIOGRAPHIEAKERLOF George (1940- ) est un économiste américain néo-keynésien qui a remporté lePrix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred NOBEL en 2001(avec Michael SPENCE et Joseph STIGLITZ) pour ses analyses du marché en situationd'asymétrie d'information. AKERLOF étudia à l'université de Yale et fit sa thèse au MIT.Parmi les imperfections de marché, AKERLOF étudie l'asymétrie d'information. Les acteursne disposent pas de la même information sur le marché. Il utilise l'exemple du marché devoiture d'occasions pour mettre en évidence l'impact des asymétries d'information sur lemarché. Le vendeur d'une voiture d'occasion connaît mieux les caractéristiques de sa voitureque l'acheteur éventuel. Les acheteurs savent que le marché comporte des voitures demauvaise qualité. Ils cherchent donc à payer les voitures au prix le plus bas. Mais à ce prix,les propriétaires de voitures de qualité refusent de les vendre et se retirent du marché. Aufinal, il ne restera sur le marché que les produits de mauvaises qualité (les lemons en anglais).L'asymétrie d'information provoque un problème de sélection adverse et empêche le marchéde fonctionner de façon efficiente.ALLAIS, Maurice (1911- ), petit-fils d'ouvrier menuisier et fils de très modestescommerçants, tenanciers d'une crémerie, il avait comme chambre à coucher le magasin debonneterie maternel dont on dépliait le lit de fer, une fois baissé le rideau de la devanture, 17avenue Jean Jaurès. Son père Maurice ALLAIS était mort en captivité lors de la premièreguerre mondiale. Sa mère, née Louise CAUBET, se charge de son éducation. Toujourspremier dans les disciplines scientifiques comme dans les Humanités, il est admis àPolytechnique à l'issue d'une hypotaupe au lycée Lakanal, mais il démissionne car il juge sonclassement insuffisant. Une année de taupe à Louis-le-Grand l'amène enfin à l'X, dont il sortmajor, dans le corps des mines. Elève à l'Ecole des mines (1934-1936), il y revient commeprofesseur d'économie (sans chaire) en 1944, et il occupe des postes du CNRS et de l'Ecoledes Mines à partir de 1947. Il resta professeur à l'Ecole des Mines jusqu'à sa retraite, le 31 mai1980, mais il continua à mener des recherches et à donner des cours bien au-dela de cette miseà la retraite. Il entra à l'Institut en 1990, deux ans après avoir reçu le Prix Nobel d'Economie.Maurice ALLAIS aime à dire qu'il a eu un seul élève dans sa carrière, Gérard DEBREU, qui aeu le prix Nobel avant lui. Il est grand officier de la Légion d'honneur (décret du 31 décembre2004, décoration remise par le Président CHIRAC le 14 mars 2005).ALBERT Michel; Diplômé de l'Institut d'études politiques, docteur en droit et ès scienceséconomiques, ancien élève de l'École nationale d'administration, Michel ALBERT en sortcomme inspecteur des finances en 1956. Secrétaire général du Comité RUEFF-ARMAND en1959, il est ensuite inspecteur général des finances du Maroc (1960) puis directeur généraladjoint de la Banque nationale pour le développement économique à Rabat (1961-1963). Entant que directeur adjoint (1963-1966) puis administrateur de la Banque européenned'investissement à Bruxelles (1966-1970), ainsi que directeur de la structure et dudéveloppement économique à la Commission de la Communauté économique européenne(1966-1969), il joue un rôle discret mais essentiel dans la construction européenne. Il setourne alors vers la presse durant deux années où il assume les fonctions de vice-présidentd'Express - Union (société éditrice du journal l'Express) (1969-1970) puis de vice-présidentdu conseil de surveillance du groupe Express (1970-1971). Inspecteur des finances de 1èreclasse (1971), directeur général de l'Union d'études et d'investissements (1972-1975) et del'Union de crédit pour le développement régional (Unicrédit), administrateur d'Unicrédit(1973-1979), il devient président-directeur général de l'union financière de location dematériel (Unimat) et de l'Union immobilière de crédit-bail pour le commerce et l'industrie611


(Unicomi) (1973-1975).Sa riche expérience personnelle le conduit alors au Plan, commecommissaire adjoint au Plan en charge de l'équipement et de la productivité (1976-1978), puiscommissaire général au Plan (1978-1981). De 1982 à 1994, Michel ALBERT a enfin étéprésident du groupe Assurances générales de France (AGF). Il est depuis cette date membredu Conseil pour la Politique monétaire de la Banque de France.ARROW Kenneth Joseph (1921- ) économiste et mathématicien américain, s’est signalé parun certain nombre d’apports théoriques, dont le plus connu est sans nul doute le théorèmed’impossibilité (1952). Reprenant un problème déjà soulevé par CONDORCET, il a pudémontrer mathématiquement que, à partir de choix individuels rationnels (les individus nedisposant que d’une échelle ordinale de préférences), il est impossible d’élaborer une méthoderationnelle et démocratique de choix collectifs qui satisfasse a priori un certain nombre deconditions fondamentales: liberté de choix, indépendance aux choix extérieurs, souverainetédes citoyens, choix non dictatoriaux, lorsque le nombre de cas est supérieur à deux (Choixcollectifs et préférences individuelles, trad. franç. 1974). Par la suite, d’autres auteurs ontdémontré que l’on pouvait sortir de cette impossibilité en remettant en cause certaines desconditions, par exemple en admettant qu’il existe un certain ordre objectif dans les choix(Black et Sen), ou encore en acceptant l’hypothèse d’existence de préférences cardinales(HARSANYI). Étudiant, dans un domaine différent, avec d’autres auteurs l’association desfacteurs de production, ARROW a contribué à introduire la fonction de production CES(constant elasticity of substitution), moyen commode d’étudier toutes les formes desubstitution entre capital et travail. Cherchant à apprécier l’influence du progrès techniquedans l’appareil de production, il a également montré que celui-ci, dans une perspective à longterme, était aussi bien effet que cause de la croissance. Ainsi le processus d’apprentissage(learning by doing, 1962) a-t-il pour effet de réhabiliter l’investissement en tant que véhiculede progrès technique et source d’économies externes, et d’introduire une fonction deproduction à rendements croissants et non plus constants. Prix Nobel d’économie en 1972,avec le Britannique John R. HICKS, Kenneth J. ARROW s’est également signalé, dans lesannées 1970, par des prises de position en faveur d’intellectuels soviétiques persécutés dansleur pays.AUBRY Martine (1950- ), «Fille de fer», «Femme de pierre», «Itinéraire d’une ambitieuse»,«Celle qu’on s’arrache»: les titres des portraits égrenés par les journaux au fil des anspourraient à eux seuls résumer la forte personnalité de Martine AUBRY et sa positionincontournable au sein de la gauche française. Depuis le 4 juin 1997, elle est numéro deux dugouvernement JOSPIN, à la tête du vaste ministère de l’Emploi et de la Solidarité, en chargede la Santé et de la Ville, qui correspond à cinq portefeuilles du gouvernement précédent. Etcette «Boulimique de travail» (encore un titre de gazette qui s’accroche à elle) ne laisse quetrès peu d’espace à ses secrétaires d’État, Bernard KOUCHNER (Santé) et ClaudeBARTOLONE (Ville). Mais c’est à ces conditions qu’elle a accepté de revenir rue deGrenelle, elle qui rêvait de Bercy et voulait en tout état de cause «peser sur les choixéconomiques». Elle avait en effet été contrainte d’appliquer les «lubies» des Premiersministres successifs, Édith CRESSON et Pierre BEREGOVOY, entre 1991 et 1993:l’apprentissage, pour la première, et l’opération 900 000 chômeurs pour le second. Avec, à laclé, un bilan mitigé, où le chômage avait repris sa progression et de nouveau franchi la barredes trois millions. Elle arrive donc cette fois au ministère en bénéficiant d’une conjonctureéconomique favorable, et donc d’un début de décrue du chômage. Surtout, elle peut mettre enœuvre des idées qui lui sont chères et dont le programme de Lionel JOSPIN s’est inspiré: lesemplois-jeunes et la semaine de 35 heures, même si elle ne s’est que tardivement ralliée àl’idée de réduction du temps de travail. De quoi, espère-t-elle, laisser son nom dans l’Histoire.612


La loi «d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail», dite «loi AUBRY»,sera adoptée par le Parlement le 19 mai 1998. Car Martine AUBRY n’a eu de cesse des’affirmer par elle-même, et non comme la fille de Jacques DELORS. Née le 8 août 1950 àParis, elle grandit dans l’ombre de son père, au côté de son frère Jean-Paul, futur journaliste àLibération et décédé d’un cancer en 1982. Des études secondaires en demi-teinte ne laprédisposent guère à un grand avenir. Après Sciences-Po, elle intègre pourtant l’E.N.A., en1973. Elle laissera dire ensuite qu’elle choisit, par passion du social, l’administration dutravail habituellement peu prisée des énarques. En fait, selon ses biographes Paul BUREL etNatacha TATU, elle n’avait guère le choix, faute de place dans les grands corps. Sa voie estnéanmoins tracée. Elle devient en 1981 directeur adjoint du cabinet du ministre du Travail,Jean AUROUX, où elle supervise la mise en place des lois réformant le droit du travail. En1983, elle est chargée de mission au cabinet de Pierre BEREGOVOY, ministre des Affairessociales. Un an plus tard, elle est nommée directrice des relations du travail. PhilippeSEGUIN la maintient dans son poste lors du retour de la droite au pouvoir en 1986, mais ellepréfère rejoindre le Conseil d’État l’année suivante. Elle découvre alors, autre expérience, lemonde de l’entreprise. En 1989, Jean GANDOIS la fait venir chez Pechiney, comme directeurgénéral adjoint, c’est-à-dire numéro trois du groupe. Elle n’y restera que deux ans, jusqu’à cequ’Édith CRESSON la nomme ministre du Travail (16 mai 1991). Jusqu’alors inconnue dugrand public, elle devient vite pour l’opinion... et les socialistes, une personnalité de premierplan. Après la défaite de la gauche en 1993, elle crée la Fondation agir contre l’exclusion(F.A.C.E.), parrainée par de grands patrons, qui se propose de lutter dans les quartiersdifficiles contre la fracture sociale. Cette fréquentation assidue du milieu patronal agacecertains socialistes, de même que ses hésitations à s’engager sur le terrain électoral et sonrefus de prendre des responsabilités au P.S. (qu’elle n’a rejoint qu’en 1991, après uneadhésion éphémère en 1974). Mais elle attend que son père prenne la décision de se présenterou non à l’élection présidentielle. La défection de Jacques DELORS laisse la voie libre àLionel JOSPIN... et à Martine AUBRY. Cette dernière s’impose comme la principale porteparoledu candidat socialiste dans la campagne présidentielle de 1995, puis comme sonéventuel Premier ministre en cas de victoire. En juin 1995, numéro deux de la liste MAUROYaux élections municipales, elle devient premier adjoint au maire de Lille et vice-président dela Communauté urbaine de Lille. De retour à la tête du P.S., Lionel JOSPIN la fait entrer aubureau national. Le 1er juin 1997, elle est élue député du Nord, mais cède aussitôt son siège àson suppléant (qui était le député sortant) pour retourner au gouvernement.AYLWIN, Patricio, est né à Viña del Mar, au Chili. Aîné de cinq enfants, excellent étudianten droit, il devient avocat en 1943. Marié à Leonor Oyarzún IVANOVIC, le couple aura cinqenfants (et quatorze petits-enfants). Professeur en droit, d'éducation civique et de politiqueéconomique à l'université, il est aussi un homme politique respecté. C'est en 1945qu'AYLWIN rejoint la "Falange Nacional", une organisation politique nationaliste de droite.Plus tard, il en devint le président et participa activement en sa transformation en un partipolitique de centre droit baptisé le Parti démocrate chrétien dont il assurera la présidencependant sept mandats non consécutifs entre 1958 et 1989. En 1965, il est élu sénateur. En1971, il devient le président du Sénat et mène la résistance du Congrès au gouvernement del'Unité populaire de Salvador AL<strong>LE</strong>NDE, ce dernier ayant d'ailleurs été élu en 1970 par leCongrès grâce à la bienveillance de la Démocratie chrétienne. Il tente de trouver une solutionpacifique à la crise entre le législatif et l'exécutif chilien. En août 1973, il constatel'impossiblité d'entente entre le Congrès et le gouvernement qui tente d'imposer coûte quecoûte des réformes marxistes au pays. C'est alors qu'AYLWIN, dans un acte officiel duCongrès, appelle les militaires à rétablir l'ordre constitutionnel au Chili, c'est-à-dire àrenverser le gouvernement d'Allende. Cet appel officiel au Coup d'État sera la raison officielle613


donnée comme légale au coup d'État du 11 septembre 1973. Patricio AYLWIN soutient lecoup d'État et soutiendra le régime militaire jusqu'en 1976. Dans son esprit, les militairesintervenaient pour remettre le pouvoir au Congrès ce qui ne fut pas fait. En 1979, il s'opposeau référendum proposé par le gouvernement d'Augusto PINOCHET, concernant la mise enplace d'une nouvelle constitution. Les électeurs approuveront cette constitution (67%). Aprèsla mort d'Eduardo Frei MONTALVA, le leader naturel des démocrates chrétiens, AYLWINentreprend à partir de 1982 à fédérer l'ensemble des partis d'opposition au régime militaire.Dès le départ, il opte pour une solution négociée avec les militaires. Il est le premier àaccepter la constitution chilienne de 1980 et propose de s'en servir pour ramener la démocratieau Chili. Il convainc le reste de l'opposition à se rallier à ses points de vue. Lors duréférendum de 1988 par lequel le général PINOCHET demande la prorogation de ses pouvoirspendant encore 8 ans, AYLWIN prend constitutionnellement la tête de la concertationchilienne pour faire rejeter cette proposition. Le référendum est une victoire pour les positionsde Patricio AYLWIN car 54 % des électeurs ont rejeté la prorogation des pouvoirs du GénéralPINOCHET, dans le cadre de la constitution militaire de 1980. AYWILN est par la suite aucentre de la transition démocratique qui aboutit en 1990. Le 14 décembre 1989, PatricioAYLWIN, candidat de la concertation qui regroupe notamment socialistes et démocrateschrétiens, est élu président de la république du Chili. Il bat une droite divisée entre uncandidat centriste et un candidat pro-PINOCHET (1/3 des suffrages). Son mandat n'est pas unbouleversement économique ou social par rapport au régime antérieur. Bien au contraire, legouvernement d'union de centre gauche poursuit la politique économique entrepris sous lerégime militaire tout en donnant des garanties sociales au plus démunis. Après avoir quitté laprésidence, Patricio AYLWIN reste actif au sein d'organisations humanistes en lutte contrel'injustice et la pauvreté. Il est fait Docteur Honoris Causa des universités de divers pays àtravers le monde (Australie, Canada, Colombie, France, Italie, Japon, Portugal, États-Unis).BABEUF Gracchus (1760-1797), le premier dans la Révolution française, il surmonta lacontradiction, à laquelle s’étaient heurtés tous les politiques dévoués à la cause populaire,entre l’affirmation du droit à l’existence et le maintien de la propriété privée et de la libertééconomique. Par la pensée et par l’action, il dépassa son temps, il s’affirma l’initiateur d’unesociété nouvelle. Comme les sans-culottes, comme les jacobins, BABEUF proclame que lebut de la société est le bonheur commun; la Révolution doit assurer entre tous les citoyensl’égalité des jouissances. Mais la propriété privée introduisant nécessairement l’inégalité, etla loi agraire, c’est-à-dire le partage égal des propriétés, ne pouvant «durer qu’un jour» («dèsle lendemain de son établissement, l’inégalité se remontrerait»), le seul moyen d’arriver àl’égalité de fait et «d’assurer à chacun et à sa postérité, telle nombreuse qu’elle soit, lasuffisance mais rien que la suffisance», est «d’établir l’administration commune, de supprimerla propriété particulière, d’attacher chaque homme au talent, à l’industrie qu’il connaît, del’obliger à en déposer le fruit en nature au magasin commun, et d’établir une simpleadministration de distribution, une administration des substances qui, tenant registre de tousles individus et de toutes les choses, fera répartir ces dernières dans la plus scrupuleuseégalité». Ce programme, exposé dans le «Manifeste des plébéiens» publié par Le Tribun dupeuple du 9 frimaire an IV (30 novembre 1795), constituait, par rapport aux idéologies sansculotteet jacobine, caractérisées l’une et l’autre par l’attachement à la propriété privée fondéesur le travail personnel, un renouvellement profond ou plus exactement une brusque mutation:la communauté des biens et des travaux prônée par BABEUF fut la première forme del’idéologie révolutionnaire de la nouvelle société issue de la Révolution elle-même. Par lebabouvisme, le communisme, jusque-là rêverie utopique, était érigé en système idéologiquefinalement cohérent. Par la conjuration des Égaux, il entrait dans l’histoire des luttes socialeset politiques. Le babouvisme porte la marque de son temps. Sans doute, chez BABEUF,614


autodidacte, l’idéal communiste prit-il naissance au cours de ses lectures. Mais, dépassant larêverie utopique, BABEUF fut tout au long de la Révolution un homme d’action. C’est aucontact des réalités sociales de sa Picardie natale, au cours de ses luttes révolutionnaires que,peu à peu, le système idéologique de Babeuf se précisa. On ne peut en effet présenter cesystème, ainsi qu’on l’a fait plus d’une fois, comme un tout conçu dogmatiquement et avecune parfaite cohérence; il fut une résurgence de l’espérance millénariste, transmise par leslivres mais enrichie et vivifiée par l’observation sociale et par l’action révolutionnaire etfinalement systématisée. L’expérience paysanne picarde paraît autrement décisive dans laformation de la pensée babouviste. Né en 1760 à Saint-Quentin, d’un commis des gabelles etd’une servante illettrée, François-Noël (dit Gracchus) BABEUF se fixe à Roye, dans leSanterre, pays de grandes cultures. Dans ces campagnes picardes s’affirmaient à la fin del’Ancien Régime d’importants changements économiques et sociaux: essentiellement, la«réunion» des fermes et le développement des manufactures. Toujours vivaces, unies pour ladéfense de leurs traditions communautaires et de leurs droits collectifs, les communautésrurales soutenaient une âpre lutte contre la concentration des exploitations aux mains desgrands fermiers capitalistes. Commissaire à terrier et feudiste, spécialiste du droit féodal,BABEUF acquiert au cours des années 1780 une expérience directe de la paysannerie picarde,de ses problèmes et de ses luttes. C’est sans doute à ce contact que, dès avant la Révolution, ilest porté vers l’égalité de fait et le communisme. En 1789, Le Cadastre perpétuel permet defaire le point de l’expérience picarde de BABEUF. Il constate que l’inégalité sociale résultede la concentration des propriétés, qui multiplie le nombre des salariés et entraîne la baissedes salaires; il critique âprement l’héritage. Il penche vers la loi agraire, c’est-à-dire lesocialisme des «partageux» suivant l’expression de 1848; le détenteur ne peut aliéner son lot,qui, à sa mort, fait retour à la communauté. Cependant, dans un mémoire de 1785 sur lesgrandes fermes et dans une lettre de juin 1786 à DUBOIS DE FOSSEUX, secrétaire del’académie d’Arras, BABEUF semble avoir pressenti les inconvénients, pour la production,du partage égal des propriétés qui fait de tout paysan un petit producteur indépendant. Ilprévoit, en effet, l’organisation de «fermes collectives», véritables «communautés,fraternelles»: «50, 40, 30, 20 individus viennent à vivre en associés sur cette ferme autour delaquelle, isolés qu’ils étaient auparavant, ils végétaient à peine dans la misère, ils passerontrapidement à l’aisance». C’était déjà la communauté des travaux. Ainsi, dix ans avant la«conspiration pour l’Égalité», BABEUF posait non seulement le problème de l’égalité réelledes droits et donc de la répartition, mais aussi celui de la production, prenant nettement partipour l’exploitation collective: «Émietter le sol par parcelles égales entre tous les individus,c’est anéantir la plus grande somme des ressources qu’il donnerait au travail combiné.» Ceprojet reflète sans conteste l’actualité sociale des campagnes picardes; il constitue l’un desmaillons indispensables à la compréhension de l’itinéraire idéologique de BABEUF.L’expérience révolutionnaire fut décisive dans le développement du système babouviste. La«Déclaration de 1789» a proclamé l’égalité des droits: il apparaît bien vite qu’elle n’estqu’une chimère lorsqu’au cœur de la Révolution se pose la question des subsistances et doncdu pain quotidien. Dès lors, instinctivement et comme à tâtons, se lient chez BABEUF larevendication communiste et l’activité politique quotidienne. Les idées communistes deBABEUF ne constituent pas, comme le voudrait Albert MATHIEZ, «un fronton rapporté», unaccessoire intéressant peu sa vraie politique. Elles forment, au contraire, le pivot sur lequels’ancre BABEUF; elles animent non seulement la conspiration, mais aussi son actionrévolutionnaire de 1789 à 1794. «Tête tacticienne», a-t-on dit de BABEUF, tête théoricienneaussi. La participation de BABEUF au mouvement agraire picard en 1790-1792 constitue sapremière grande expérience de lutte révolutionnaire. Élargissant l’horizon d’une actionnécessairement localisée, il formule un programme agraire cohérent qui répondaitincontestablement aux revendications des masses paysannes. Il dénonce «la prétendue615


suppression du régime féodal» par les décrets des 5-11 août, dès 1789, et avec obstinationjusqu’en 1792 : «Que la prétendue abolition répétée si souvent dans les décrets del’Assemblée constituante n’existait que dans les mots, que la chose en elle-même étaitconservée dans son entier.» Il réclame non seulement l’abolition totale des redevancesféodales, sans indemnité, mais, en outre: la confiscation de toutes les propriétés seigneuriales(«Que les fonds attachés aux fiefs et aux seigneuries soient dès ce moment en vente», février1791); l’arrêt de la vente des biens du clergé et leur distribution aux paysans «mal aisés» sousforme de baux à long terme (mai 1790); le partage des communaux non en propriété, mais enusufruit; et, finalement, la loi agraire. On a souvent souligné, chez les robespierristes,l’absence de politique agraire efficace; il en fut de même pour les Enragés et pour le groupecordelier habituellement dit «hébertiste». Seul BABEUF, au contact des réalités picardes, sutconcevoir un programme qui eût donné satisfaction aux sans-culottes des campagnes. Après le9 thermidor (27 juillet 1794), BABEUF fut un moment violemment antirobespierriste. Danssa brochure Du système de dépopulation, il dénonça le gouvernement révolutionnaire et laTerreur. Cependant les ravages de l’inflation et l’indicible misère populaire au cours del’hiver de l’an III (1794-1795) lui démontrèrent après coup la nécessité du maximum, de lataxation et de la réglementation, de l’économie dirigée et de la nationalisation même partiellede la production: bref, l’importance de l’expérience de l’an II, appliquée en particulier auxarmées de la République. «Que ce gouvernement (l’administration commune), écrit Babeufdans le Manifeste des plébéiens, est démontré praticable par l’expérience, puisqu’il est celuiappliqué aux douze cent mille hommes de nos douze armées (ce qui est possible en petit l’esten grand); que ce gouvernement est le seul dont il peut résulter un bonheur universel,inaltérable, sans mélange, le bonheur commun, but de la société. » BABEUF répudiemaintenant la loi agraire qui ne peut «durer qu’un jour», il se prononce expressément pourl’abolition de la propriété privée des fonds. Il s’en explique dans sa lettre à Germain du10 thermidor an III (28 juillet 1795) et précise le mécanisme de son système. Partant d’unecritique du commerce «homicide et rapace», que «tous, écrit BABEUF, soient à la foisproducteurs et consommateurs dans cette proportion où tous les besoins sont satisfaits, oùpersonne ne souffre ni de la misère, ni de la fatigue [...]. Il ne doit y avoir ni haut ni bas, nipremier ni dernier.» Chaque homme sera attaché «au talent et à l’industrie qu’il connaît».«Tous les agents de production et de fabrication travailleront pour le magasin commun etchacun d’eux y enverra le produit en nature de sa tâche individuelle et des agents dedistribution, non plus établis pour leur propre compte, mais pour celui de la grande famille,feront refluer vers chaque citoyen sa part égale et variée de la masse entière des produits detoute l’association.» Communisme de la répartition et de la consommation essentiellement ?Sans doute, à s’en tenir à ce texte célèbre. Mais, à considérer l’ensemble de l’itinéraireidéologique de BABEUF, on constate qu’il a pressenti, dès avant la Révolution, à la lumièrede l’expérience de sa Picardie natale, pour le domaine de l’agriculture, la nécessité d’uncommunisme de la production et d’une organisation collective du travail de la terre.Communisme agraire, a-t-on insisté encore. Sans doute, BABEUF s’est intéressé au sort destravailleurs salariés sans que l’on puisse bien préciser si c’est véritablement la connaissancedes problèmes sociaux de la manufacture picarde ou la situation des classes laborieusesparisiennes, connues plus tard, qui lui a suggéré certaines formules. Mais le grand fait del’essor de la production industrielle par la concentration capitaliste lui a échappé. Laprédilection de BABEUF pour les structures économiques anciennes, particulièrementl’artisanat, l’absence dans son œuvre de toute référence à une société communiste fondée surl’abondance des produits de consommation expliquent que l’on ait pu parler à son propos depessimisme économique. BABEUF, comme Jean-Jacques ROUSSEAU apprécie «l’honnêtemédiocrité», sauvegarde des mœurs. Le babouvisme ne saurait se définir seulement commeun système idéologique. Il fut aussi une pratique politique. La «conjuration des Égaux»616


constitue la première tentative pour faire entrer le communisme dans la réalité sociale. Aucours de l’hiver de l’an IV (1795-1796), au spectacle de l’effroyable misère qui accable lepeuple et de l’incapacité gouvernementale, BABEUF, bientôt réduit à la clandestinité par lapolice du Directoire, en vient à l’idée de jeter bas par la violence cet édifice social inique. Laconjuration groupa autour d’une minorité acquise au communisme des membres du club duPanthéon, anciens jacobins, tels AMAR, ancien membre du Comité de sûreté générale,DROUET, l’homme de Varennes, LINDET, ancien responsable de la Commission dessubsistances du Comité de salut public: les buts de ces hommes demeuraient essentiellementpolitiques: BUONARROTI, en revanche, ancien commissaire du Comité de salut public enCorse, puis à Oneglia sur la Rivière du Ponant, toujours fervent robespierriste, eut une partconsidérable dans l’élaboration du programme communiste de la conjuration et dans sonorganisation politique. Le 10 germinal an IV (30 mars 1796) fut institué un comitéinsurrecteur où entrèrent avec BABEUF, ANTONEL<strong>LE</strong>, BUONARROTI, DARTHE, FELIX<strong>LE</strong>PE<strong>LE</strong>TIER et Sylvain MARECHAL. La propagande se développa, dirigée par un agentdans chacun des douze arrondissements parisiens. Les circonstances étaient favorables,l’inflation poursuivait ses ravages.BALLADUR, Édouard est un homme politique français né le 2 mai 1929 à Izmir (Turquie).Il fut Premier ministre de la France du 29 mars 1993 au 11 mai 1995. Aux sources de cettefamille smyrniote de souche arménienne, un certain André BALLADUR, qui, en compagniede quelques parents, fuit son Nakhitchevan natal. Convertis par des missionnairesdominicains, les BALLADUR sont des catholiques romains et les persécutions périodiquesdes Perses, qui disputent alors ce pays à la Turquie, expliquent l'arrivée de la famille àSmyrne, où on ne recense plus les communautés européennes étrangères, qui prospèrent leplus souvent dans le négoce. Tournant décisif dans la famille, en 1795, par édit du sultanSélim III, les BALLADUR ont rang de « sujets francs ». La pratique est alors courante : lesultan, suivant son bon vouloir, accorde aux ambassades occidentales un certain nombre de« bérats » ou « barats ». Commerçant avec Livourne, Manchester, mais surtout Marseille, lesBALLADUR sont des « barataires » francs, ce qui facilitera leur demande de naturalisationfrançaise en 1926. Entre-temps, la situation en Turquie change et les Jeunes Turcs voulaient àtoute force récupérer le pouvoir économique dont disposaient les Grecs, les Arméniens, etc,soit tous ceux qu'on a coutume d'appeler les levantins. Tout ressortissant des communautésétrangères n'est plus persona grata dans la Turquie d'Atatürk. Quelques années plus tôt, lesArméniens ont été massacrés et le nouveau régime a convié les Grecs à un prompt et définitifdépart. En 1922, un incendie ravage Smyrne jusque-là préservée des massacres : il détruitsurtout les quartiers chrétiens. Fils d'un banquier de la Banque Ottomane, ÉdouardBALLADUR naît à Smyrne, en Turquie et n'arrive en France, à Marseille, qu'à l'âge de sixans. Entre-temps la famille BALLADUR a évolué. Par mariages successifs, elle s'est alliée àdes Arméniens, comme les ISSAVERDENS, à des Italiens, de préférence Vénitiens, maisplus encore à des Français et en particulier des Provençaux. Les parents d'ÉdouardBALLADUR débarquent à Marseille en 1935 avec leurs 5 enfants dans un appartement au227 boulevard Chave. La famille vit bourgeoisement, malgré la baisse de standing, depuis ledépart de Smyrne. À 6 ans, il entre à l'institution diocésaine Jean-Baptiste de La SAL<strong>LE</strong>, puisen 1942, au Lycée Thiers. Il demeura très attaché, non à Marseille, mais à la Provence. Sonfrère, Robert BALLADUR sera l'un des notables de la cité phocéenne. Il voulait être médecin,il fera ses études de droit à l'Institut d'études politiques de Paris, section service public dont ilest diplômé en 1950. Une tuberculose l'éloigne des études mais, guéri, il entre à l'Écolenationale d'administration en 1955 et en sort dans la « botte » en 1957. (Promotion « France-Afrique »). Il a constitué à l'ENA un petit groupe de travail, avec Jérôme MONOD, PierreVERBRUGGHE, ancien préfet de police de Paris, Jacques CALVET, ancien PDG de617


Peugeot, et Jean DROMER, ancien PDG de Louis Vuitton. Après son stage de premièreannée à la préfecture de Charente et son mémoire sur La loi Barangé et les constructionsscolaires, il choisit l'option sociale en 2 e année. Il choisit alors d'entrer au Conseil d'État, auxsections Contentieux et Travaux Publics et se marie avec Marie-Josèphe DELACOUR, nativedu Jura. Édouard BALLADUR a quatre fils (Pierre BALLADUR, médecin, JérômeBALLADUR, Henri BALLADUR, co-directeur Euro RSCG Genève, Romain BALLADUR).Il est Chevalier de la Légion d'honneur et Grand-Croix de l'ordre national du Mérite. Il dirigeensuite le cabinet de la RTF (Radio Télévision Française). En 1964 il entre dans le cabinet duPremier ministre Georges POMPIDOU et sert de conseiller lors des accords de Grenelle quisuivent mai 68. Georges POMPIDOU, devenu président, le nomme en 1969 secrétaire généraladjoint de l'Élysée puis secrétaire général en 1974. En 1967, il participe au conseild'administration de l'ORTF. Un an plus tard, il participe au conseil d'administration de l'Officenational des forêts et devient Président de la Société pour la construction et l'exploitation duTunnel du Mont-Blanc. En 1974, il retourne au Conseil d'État, suite à l'élection de ValéryGISCARD D'ESTAING. En 1977, il se trouve à la tête d'une filiale de la CompagnieGénérale d'Électricité (CGE, future Alcatel) : la Générale de service informatique (GSI). En1980, il devient PDG d'une autre filiale : la Compagnie européenne d'accumulateurs. En mars1986, il se présente sous l'étiquette du RPR et est élu député de Paris. Jacques CHIRAC, quidevient Premier ministre de la première cohabitation, le nomme ministre d'État et ministre del'Économie, des Finances et de la Privatisation. Il quitte ce poste en mai 1988 avant d'êtreréélu député. Après la victoire « bleu horizon » de la droite en mars 1993, il devient Premierministre et Jacques CHIRAC prépare l'élection présidentielle de 1995. Le 23 mars, FrançoisMITTERRAND nomme Édouard BALLADUR premier ministre ; c'est le début de la secondecohabitation. Bénéficiant d'une importante popularité, il décide de se présenter contre JacquesCHIRAC à l'élection présidentielle de 1995, soutenu par une partie des dirigeants du RPR,dont Nicolas SARKOZY. Il est cependant éliminé au premier tour et Jacques CHIRAC est éluprésident, battant Lionel JOSPIN. Il quitte alors son poste de Premier ministre et retrouve sonsiège de député. Conseiller de Paris, Édouard BALLADUR est battu par Philippe SEGUINlors des primaires pour l'élection du maire de Paris. Il est élu député le 16 juin 2002, pour laXII e législature (2002-2007), dans la 12 e circonscription de Paris. Il fait partie du groupeUMP et est le président de la Commission des affaires étrangères après avoir été battu parJean-Louis DEBRE lors des primaires pour l'élection du président de l'Assemblée nationale. Ilne se représentera pas aux législatives de 2007 et laisse la place à Philippe GOUJON, sonsuppléant. Libéral, proche des réformateurs, il soutient activement Nicolas SARKOZY ausein de l'UMP et les projets européens.BARONE Enrico (1859-1924); Économiste italien, il est d’abord colonel d’état-major,BARONE enseigne en cette qualité l’art militaire à l’école de guerre de Turin; il publiediverses études militaires, en particulier L’Invasion de la France en 1814 (1890), LaCampagne de 1806 en Allemagne (1900), et fonde le journal politico-militaire LaPreparazione. Après avoir démissionné de l’armée, il obtient en 1911 la chaire d’économiepolitique à l’Institut supérieur de sciences économiques de Rome, qu’il conserve jusqu’à samort. Ses principales contributions économiques sont: Principes d’économie politique(Principi di economia politica, 1908), ouvrage d’économie pure; Économiecoloniale (Economia coloniale, 1912); Monnaie et épargne (Moneta e risparmio, 1919), quis’insère dans la riche tradition italienne de l’économie financière. BARONE collabore à laRiformia sociale et au Giornale degli economisti. C’est dans cette dernière revue que paraît,en 1908, son célèbre article «Il ministro della produzione nello stato socialista» dans lequel,se servant des outils de l’équilibre walrasso-parétien, il montre que, pourvu que la répartitiondes revenus soit fixée par le législateur, il est possible à l’agence centrale de planification618


d’apporter au problème du calcul économique en régime socialiste une solution analogue àcelle qu’on trouve dans une économie concurrentielle. Cette étude se situe parmi d’autres quisont consacrées aux controverses modernes sur l’optimum et le welfare (en particulier sous laforme du principe de compensation). Ce dernier écrit de BARONE a été repris par F. A. VONMAYER dans Collectivist Economic Planning (1935) et traduit en français, en 1939, sous letitre L’Économie dirigée en régime collectiviste. Avec Fred A. TYLOR et Oscar LANGE,BARONE aura été parmi les premiers économistes à s’inscrire en faux contre l’idée qu’enéconomie socialiste on ne peut pas répartir rationnellement les ressources rares; l’État, à quiappartient l’ensemble des moyens de production, peut en effet, par une politique des prix detelles denrées, orienter les programmes de production des entreprises; connaissant à toutmoment ceux-ci, il modifie alors le prix des denrées de façon à ajuster offre et demande. Il enrésulte, en économie socialiste, que la prévision des investissements importe autant sinon plusque celle des productions.BARRE Raymond est né en 1924, Agrégé d'économie, il entame sa carrière commeprofesseur à Caen puis à l'IEP de Paris. De 1959 à 1962, il dirige le Cabinet de Jean-MarcelJEANNENEY, ministre de l'Industrie du gouvernement de Michel DEBRE. Il occupe par lasuite une succession de fonctions à dominante économique, notamment aux services du Planet de la Communauté européenne. En 1976, il est nommé ministre du Commerce extérieur dugouvernement de Jacques CHIRAC. A la suite de la démission de Jacques CHIRAC (mars1976), il est nommé Premier ministre, fonctions qu'il cumule avec celles de ministre del'Économie et des Finances (août 1976-mai 1981). Économiste reconnu, il s'affirme égalementcomme un homme politique efficace, permettant le succès de la majorité aux électionslégislatives de 1978 où il est réélu député de Lyon (fonctions qu'il occupe depuis avril1977).Il quitte ses fonctions à la suite de la défaite de Valéry GISCARD D'ESTAING à l'électionprésidentielle de 1981. Il échoue au premier tour de l'élection présidentielle de 1988.Privilégiant les prises de positions indépendantes à la logique des partis, il prend une place àpart dans le paysage politique français. Raymond BARRE est maire de Lyon depuis juin1995.BARROT Jacques (1937- ) est un homme politique français. Ex-UDF, il est membre du partide centre-droit UMP dont il a présidé le groupe parlementaire de 2002 à 2004. Il est le fils deNoël Barrot qui fut également député. Il est commissaire européen chargé des transportsdepuis le 23 novembre 2004.BAUER, Michel (1940 - ) enseigne l’ingénierie du Management et de Services à l’Universitéde Savoie à Chambéry. Il est directeur de l’IUP IMS (Ingéniérie du Management et desServices). Ses recherches portent sur l’image d'un territoire, l’interprétation du patrimoine etla distribution industrielle et touristique. Suite à une formation HEC, il fait de la sociologie etentre aux Écoles Pratiques des hautes Études. Il est affilié à AIEST et codirecteur CIRTUS.BELIN René fut un syndicaliste et une personnalité politique française. Il fut l'un desprincipaux responsables de la CGT avant la Seconde Guerre mondiale, dont il fut mêmesecrétaire générale adjoint. Il animait une tendance très anti-communiste autour del'hebdomadaire Syndicats avec Georges DUMOULIN (UD-Nord), André DELMAS etZORETTI (SNI), Marcel ROY (Métaux), M. SAVOIE (Alimentation), Pierre VIGNE,BARD et BERTRON (Mines), P. MILAN et BONNET (Habillement) et RaymondFROIDEVAL (Bâtiment). Après la débâcle militaire de 1940, René BELIN choisit la voie dela Collaboration et devient ministre du travail de PETAIN du 14 juillet 1940 au 18 avril 1942,qu'il cumula avec la charge de la production industrielle du 23 février 1941 au 18 juillet de la619


même année. Il signe la Loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs (Journal Officiel du 18octobre 1940), aux côtés de Philippe PETAIN, Pierre LAVAL, Raphaël ALIBERT, MarcelPEYROUTON, Charles HUNTZIGER, Yves BOUTHILLIER, Paul BAUDOIN et FrançoisDARLAN. Il est le principal rédacteur de la Charte du Travail, un corporatisme à la françaisequi doit unir patrons et salariés (il en va de même à la campagne pour les propriétairesterriens et leurs fermiers). Sous son mandat furent dissoutes les confédérations syndicales etpatronales (décret du 9 novembre 1940). C'est le 24 avril 1941, que le 1 er mai estofficiellement désigné comme la Fête du Travail et de la Concorde sociale et devient un jourchômé... On peut remarquer la Saint Philippe (PETAIN) était fêtée le 1 er mai, jour déplacé au3 mai maintenant. A la Libération, il est traduit en justice, mais est mis hors de cause le 29janvier 1949 par un arrêt de Commission d'Instruction de la Haute Cour sans avoir à comparaître,eut égard à " son attitude d'opposition aux demandes des Allemands et son souci d'assurer ladéfense des intérêts français."BECKER Gary Stanley (1930- ). En 1992, le jury suédois a décerné une fois encore le prixNobel d’économie à un professeur de l’université de Chicago, un an après la consécration deRonald COASE, enseignant également dans cette université. Les caractéristiques du lauréat de1992 sont conformes à celles de ses prédécesseurs. Gary S. BECKER est américain,économiste néo-classique adepte de l’école de Chicago, mais il est relativement jeune parrapport aux précédents lauréats. Né en 1930 à Pottstown en Pennsylvanie, Gary BECKERoccupe toutefois une place singulière dans la galaxie des économistes. Au début de sa carrièreil hésite entre la sociologie et l’économie, ce qui marquera toute son œuvre et l’incitera àouvrir aux économistes des champs de recherche habituellement rattachés à la sociologie:l’éducation et la formation, la discrimination raciale, les décisions familiales, la criminologieet les comportements déviants ou encore les mécanismes de pression politique. BECKER estconvaincu qu’il est possible d’évaluer les déterminants économiques qui influencent, mêmede façon minime, l’ensemble des comportements humains. C’est précisément ce qui lui vautsa renommée et la distinction de l’Académie royale de Suède qui juge que BECKER a suélargir l’analyse économique à de nouveaux domaines des comportements humains enétendant sa réflexion au-delà des seules relations marchandes. L’inventivité de BECKER estincontestable lorsqu’il tente de détecter (certains diront de traquer) la part de rationalitééconomique, si marginale soit-elle, qui pèse sur les aspects les plus divers, et parfois les plusintimes de la vie quotidienne (le mariage, le divorce, l’adultère, la fécondité, le suicide). Maisson analyse des processus de choix individuels s’inscrit totalement dans la pensée néoclassiquetraditionnelle. Gary BECKER est en effet convaincu que la théorie économiqueoffre sous sa forme néo-classique les meilleurs outils d’analyse pour l’étude des relationssociales. Il est même ravi d’empiéter sur les domaines du sociologue, du politologue, dujuriste, de l’anthropologue ou du biologiste et de montrer que tous ces sujets peuvent êtreétudiés sous l’angle de la théorie économique. Cette démarche, souvent qualifiée«d’impérialisme économique», conteste l’existence de frontières censées délimiter les champsd’investigation et de compétence de la science économique. The Economics ofDiscrimination, premier ouvrage publié en 1957 par BECKER est accueilli avec beaucoup deréserves de la part de ceux qui pensent que le sujet de la discrimination raciale ne peut pasconcerner des économistes. La structure théorique de BECKER découle de l’idée qu’unediscrimination a lieu chaque fois qu’un agent économique (un employeur blanc par exemple)est disposé à payer pour ne pas conclure de contrat avec un autre agent possédant descaractéristiques différentes des siennes (un ouvrier noir par exemple). À partir de là,BECKER démontre que la discrimination peut se révéler préjudiciable aux deux groupes (ici,les Blancs et les Noirs). Quand en 1964 paraît la première édition de HumanCapital d’importants travaux ont déjà été consacrés au concept de capital humain, notamment620


ceux de J. MINCER en 1958 et de Théodore SCHULTZ en 1961. C’est la raison pour laquellel’ouvrage est cette fois mieux accueilli, BECKER ne faisant que renforcer les fondementsmicro-économiques du concept et ouvrir des possibilités d’application empiriques. Sonhypothèse de départ est, là encore, simple: du point de vue de l’élève ou de l’individu,l’éducation et la formation professionnelle sont considérées comme un investissement.L’individu comparera ce que sa formation lui coûte dans l’immédiat (frais de scolarité), ycompris le salaire ou les revenus auxquels il doit renoncer pendant le temps que dure sonéducation, à ce qu’elle lui rapportera en terme de carrière, mesurée par le flux actualisé de sesgains futurs. L’une des applications de cette théorie fut la distinction entre l’éducationgénérale, qui élève le niveau de compétence des individus dans de nombreux secteursd’activités, et la formation professionnelle, qui augmente la productivité de l’individu surtoutau bénéfice de son employeur. BECKER considère alors l’éducation générale comme un biencollectif fourni par l’État ou directement payé par l’individu, alors que la formationprofessionnelle peut être procurée par l’entreprise puisque celle-ci pourra récupérer le fruit del’investissement que constitue la formation. Cette théorie, bien que critiquée, a permis demettre au point des outils de gestion des ressources humaines au niveau de l’entreprise et de lanation. Gary BECKER est aussi l’un des fondateurs de la théorie dite de productiondomestique. L’idée de départ est que la famille définit ses préférences comme le ferait une«petite entreprise». Non seulement elle tient compte des prix et des revenus, mais elle accordeune grande importance à l’utilisation du temps et au taux de salaire, ce dernier étant considérécomme coût alternatif du temps consacré à la production du ménage. Par exemple, le coût dutemps qu’une mère consacre à ses enfants se mesure par le sacrifice de salaire qu’elle consent.Ce coût est d’autant plus important que la femme perçoit un salaire élevé, et la croissanceéconomique qui a tiré vers le haut les salaires féminins a donc rendu plus coûteux le tempsconsacré aux enfants. Ce genre de raisonnement reliant les choix économiques des individus àleurs choix personnels traverse toute l’œuvre de BECKER et confirme sa conviction que lasphère économique ne peut être séparée de la sphère privée. Dans son Traité de la famillepublié en 1981, G. BECKER présente une théorie économique de la famille plus ambitieuseencore. Il traite de sa formation (la décision d’avoir des enfants étant considérée comme unedemande de biens durables), de sa dissolution (le divorce) ainsi que de la division du travailen son sein (la femme s’engageant à mettre des enfants au monde et à les élever en échangede protection et d’assurance). Salué par certains comme un «sommet de l’analyse économiquede la famille», critiqué par d’autres et notamment par Paul A. SAMUELSON (Prix Nobel1970) qui parle de «formulations stériles» et de «jargon» pour intimider les non économistes,ce traité a suscité autant d’enthousiasme que de scepticisme. À l’arrière-plan de chaquehypothèse ou déduction de G. BECKER, on devine la tentation de sacraliser l’homooeconomicus. Il se peut qu’avec le temps les mérites de cet économisme soient relativisésmais il ne fait aucun doute que les travaux de Gary BECKER auront exercé une forteinfluence sur le sens de la recherche et le renouvellement de la science économique.BEREGOVOY, Pierre né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime) et mortle 1 er mai 1993 à Paris, est un homme politique français. Fils d'un capitaine russe blanc etmenchevik ayant immigré de l'Ukraine en France où il tient un café épicerie. À l'âge de 5 ansPierre BEREGOVOY est pris en charge par sa grand-mère. En 1937 : il obtient son certificatd’études. En 1941 : son père tombant gravement malade, il quitte le lycée, obtient un Brevetélémentaire industriel, un CAP d’ajusteur, un CAP de dessin industriel. En 1941 : il travaille àl'âge de 16 ans pendant neuf mois à l’usine de tissage Fraencker en tant que fraiseur. En 1942il entre sur concours à la SNCF en tant que cheminot. Rencontre avec Roland <strong>LE</strong>ROY. Ilentre dans la Résistance via le groupe « Résistance-fer ». Il s'engage également dans lesjeunesses socialistes. En juin 1944 il participe à la libération de la banlieue rouennaise. En621


1949 il entre au cabinet de Christian PINEAU, ministre des Travaux publics et des Transportsdans le gouvernement Henri QUEUIL<strong>LE</strong>, comme chargé des relations avec les syndicats. En1950 il entre à Gaz de France comme agent technico-commercial à Rouen puis obtient en1957 sa mutation pour Paris. En 1972 il est promu chargé de mission à GDF. En 1978 iltermine sa carrière comme directeur adjoint à GDF. Dès mai 1946 il adhère à la SFIO etcréera une section syndicale tendance FO. En 1949 il dirige l’hebdomadaire socialiste LaRépublique de Normandie puis en 1958 il quitte la SFIO pour participer à la fondation dufutur PSU en 1959, et y devient à partir de 1960 collaborateur de Pierre MENDES FRANCEen charge des questions sociales. En 1967 il quitte le PSU pour adhérer aux clubs animés parAlain SAVARY et en 1969 il rejoint le « nouveau Parti socialiste » au congrès d’Alfortvillepour participer en 1971 au congrès d’Épinay du Parti socialiste, puis aux négociations en vuede la signature du programme commun. En 1973 il devient secrétaire national chargé desaffaires sociales puis à partir de février 1975 chargé des relations extérieures. En 1974 ilparticipe à la campagne présidentielle de François MITTERRAND. En 1977 il négocie avecle PCF « l’actualisation du programme commun ». De mai 1981 à juin 1982 il est secrétairegénéral de l’Élysée après l'élection de François MITTERRAND à la Présidence de laRépublique puis de juin 1982 à Juillet 1984, ministre des Affaires sociales du gouvernementPierre MAUROY. De juillet 1984 à Mars 1986 il est ministre de l’Économie et des financesdans le gouvernement Laurent FABIUS, de mai 1988 à mai 1991 il est ministre d’État,ministre de l’Économie et des finances dans le gouvernement Michel ROCARD. De Mai1991 à avril 1992 il est ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et du Commerceextérieur dans le gouvernement Édith CRESSON. D’avril 1992 à mars 1993 il est Premierministre (et ministre de la Défense du 9 au 29 mars) (voir gouvernement PierreBEREGOVOY). Il meurt le 1 er mai 1993, à Paris après avoir été transporté par hélicoptèredepuis Nevers (Nièvre) où il avait été retrouvé une heure auparavant dans le coma avec uneballe dans la tête. L'enquête de police a conclu au suicide de Pierre BEREGOVOY, que sesproches décrivaient comme dépressif depuis la défaite de la gauche aux élections législativesdu mois de mars et la polémique à propos de l'achat d'un appartement dans le XVI earrondissement grâce à un prêt à 0 % consenti par Roger-Patrice PELAT. La thèse du suicidea été rejetée par certains, et notamment un temps par son épouse elle-même. Alimentée pardes parallèles avec le décès de plusieurs proches du président François MITTERRAND (RenéLUCET, François de GROSSOUVRE, Pierre-Yves GUEZOU), elle a de nouveau circulé dansles médias à l'occasion du dixième anniversaire de la mort de Pierre BEREGOVOY en 2003.François MITTERRAND affirma lors de ses obsèques qu'on avait « livré[é] aux chiens »l'honneur et finalement la vie de Pierre BEREGOVOY.BETTELHEIM Charles (1913 - 2006) était un économiste et un historien français, fondateurdu Centre d'études des modes d'industrialisation (CEMI) à la Sorbonne, conseilleréconomique des gouvernements de plusieurs pays en voie de développement pendant lapériode de la décolonisation, il fut très influent dans le milieu de la nouvelle gauche françaiseet considéré comme l'un « des marxistes les plus en vue dans le monde capitaliste » (LeMonde, 4 avril 1972), en France de même qu'en Espagne, Italie, Amérique latine et Inde. Lepère de Charles BETTELHEIM, Henri BETTELHEIM, était Autrichien – Viennois d'originejuive, représentant d'une banque suisse à Paris. La famille dut quitter la France après le débutde la première guerre mondiale en 1914. Les BETTELHEIM vécurent ensuite en Suisse, puisen Égypte. En 1922, Charles BETTELHEIM retourne à Paris avec sa mère française, pendantque son père, demeuré en Égypte, se suicide. Après la prise de pouvoir de HIT<strong>LE</strong>R en 1933,Charles BETTELHEIM s'émancipe de son milieu d'origine et adhère aux Jeunessescommunistes, puis au Parti communiste. Outre des études de philosophie, de sociologie, dedroit et de psychologie, il apprend la langue russe. En juillet 1936, il se rend à Moscou avec622


un visa touristique ; grâce à sa maîtrise de la langue, il obtient un permis de séjour de cinqmois pendant lesquels il travaille en tant que guide touristique, puis dans la rédactionfrançaise du Journal de Moscou et enfin chez Mosfilm où il réalise des doublages. Lesexpériences de ce séjour, y compris l'atmosphère d'anxiété au début des « épurations » et destribunaux contre les dirigeants bolchéviques opposés à STALINE, lui font prendre unedistance critique envers l'URSS, sans qu'il abandonne pourtant ses convictions communistes.Il est exclu du parti pour ses remarques « calomnieuses ». En 1937 il se marie avec la jeunemilitante communiste Lucette BEAUVAL<strong>LE</strong>T. Durant l'occupation allemande, il coopèreavec les trotskistes français (Parti ouvrier internationaliste). Sa décision de choisir l'économiecomme profession n'est pas facile eu égard au fait qu'en ce temps on la considère comme unescience mineure, mais en tant que connaisseur de l'URSS et de l'économie planifiéeBETTELHEIM y peut remplir une lacune. Après la guerre, il devient fonctionnaire duMinistère du Travail ; en 1948, il entre à la VI e section de l'École Pratique des Hautes Etudes.Dans les années 1950, BETTELHEIM commence ses activités internationales en tant queconseiller des gouvernements du Tiers Monde. Il est l'interlocuteur de NASSER en Égypte, deNEHRU en Inde et de BEN BELLA en Algérie. En 1958, il crée une base institutionnelle deses recherches en fondant le CEMI. En 1963, Che GUEVARA l'invite à Cuba où il participeau « grand débat » sur l'économie socialiste. Depuis 1966, BETTELHEIM s'intéresse toutparticulièrement à la Chine. Sur le plan théorique, il coopère avec l'Union des jeunessescommunistes (marxiste-léniniste), mais sans se lier directement à l'organisation. En tant queprésident de l'Association des amitiés franco-chinoises, il visite la République populaire deChine plusieurs fois pour étudier les nouveaux modes de la gestion industrielle créés par la« Révolution culturelle prolétarienne ». Après la mort de Mao ZEDONG en 1976,BETTELHEIM prend une position très critique envers les nouveaux dirigeants (HuaGUOFENG et Deng XIAOPING) qui commencent à abandonner les principes maoïstes en lesremplaçant par une politique de modernisation que Bettelheim considère comme restauratriceet autoritaire. A partir de 1980, BETTELHEIM de plus en plus tombe dans l'oubli – unrésultat des profonds changements politiques dans le Tiers monde et en Europe à la suite dudéclin et puis de l'échec du « socialisme réel » qui ont rendu « obsolètes » les paradigmes desdébats sur un développement des pays du Sud au moyen d'une économie planifiée etindépendante du marché mondial, auxquels BETTELHEIM a beaucoup contribué.BETTELHEIM a rédigé un volume de mémoires qui est resté inachevé. Malgré sesexpériences négatives à Moscou, BETTELHEIM a gardé une attitude favorable au socialismesoviétique jusqu'au début des années 1960, indiquant les réalisations économiques de l'URSSqu'il apprécie d'un point de vue indépendant. En 1956, il appuie la « déstalinisation »inaugurée par Nikita KHROUCHTCHEV au XX e congrès du PCUS et les réformes conçuespar l'économiste soviétique Evseï LIBERMAN, visant à une décentralisation des décisionsdans le cadre de la planification. Dans le débat cubain en 1963, BETTELHEIM s'est opposéaux idées volontaristes de Che GUEVARA qui voulait abolir le marché et la production desmarchandises par une industrialisation très rapide et centralisée, mobilisant moralementl'« homme nouveau ». Bettelheim s'est prononcé aussi contre la conception de Fidel CASTROqui favorisait la monoculture dans la production du sucre comme base de l'économie cubaineainsi que des rapports étroits avec l'URSS. À Cuba, BETTELHEIM a recommandé uneéconomie diversifiée, basée sur l'agriculture, une industrialisation prudente, une planificationlargement décentralisée, des formes mixtes de propriété avec des éléments de marché – unestratégie pragmatique semblable à la « nouvelle politique économique » inaugurée en Russiepar <strong>LE</strong>NINE en 1922. Contre GUEVARA, BETTELHEIM a argumenté (se rapportant aussiaux derniers écrits de STALINE) que la « loi de la valeur » représente des rapports sociauxobjectifs qui ne peuvent pas être surmontés par des décisions de volonté mais seulement parun processus de transformation sociale de longue durée. Dans ce débat s'est montrée la623


différence profonde qui désormais séparera BETTELHEIM de l'« orthodoxie » marxiste quiconsidère le socialisme comme résultat du développement et de la centralisation au maximumdes forces productives industrielles. Pour BETTELHEIM, le socialisme est plutôt une voiealternative du développement, un processus de transformation des rapports sociaux. Inspirépar la Révolution culturelle chinoise et la pensée de Mao ZEDONG et en coopération avec lephilosophe marxiste Louis ALTHUSSER, BETTELHEIM s'oppose à l'« économisme » et au« primat des forces productives » du marxisme traditionnel : contre l'idée que latransformation socialiste des rapports sociaux serait un effet nécessaire du développement desforces productives (en les libérant des liens auxquels, selon l'orthodoxie marxiste, la propriétéprivée les soumet dans la société bourgeoise) il affirme la nécessité de transformer activementet politiquement les rapports sociaux. Dans son livre Calcul économique et formes depropriété, BETTELHEIM repense les problèmes de la transition au socialisme en critiquant lasupposition que la nationalisation et la propriété étatique des moyens de production serait déjà« socialiste » – ce n'est pas la forme juridique de la propriété mais la socialisation réelle desrapports de production qui caractérise la transition ; le problème crucial de la planificationsocialiste est le remplacement de la forme-valeur par le développement d'une méthode demesure rendant compte de l'utilité sociale de la production. En Chine, BETTELHEIM al'impression qu'il est en train d'assister à un tel processus de transformation. En particulier, ilobserve que la Révolution culturelle – une révolution de la superstructure politique,idéologique et culturelle – a changé l'organisation industrielle en l'accompagnant d'uneparticipation générale des travailleurs à toutes les décisions et en surmontant la division dutravail manuel et intellectuel. Pendant ces années, la Chine est le modèle de référence del'« école radicale de l'économie » néomarxiste, représentée par BETTELHEIM, Paul M.SWEEZY, André GUNDER FRANK, Samir AMIN et d'autres qui, en s'opposant aux théoriesde la « modernisation », affirment qu'à la périphérie du système mondial capitaliste, dans lespays « sous-développés » un « développement » n'est possible que sous la condition que cespays se détachent des rapports inégaux et asymétriques du marché mondial dominé par lespays impérialistes, pour choisir un chemin différent et autonome : le développement d'uneproduction non pas pour le profit ou pour une accumulation de richesses abstraites mais pourles besoins du peuple. Sous le signe d'un tel accès « maoïsant », BETTELHEIM commenceson ouvrage volumineux sur l'histoire de l'Union soviétique, Les luttes de classes en URSS(1974-1982), où il examine les raisons des déformations du socialisme soviétique qui, selonBETTELHEIM, n'est qu'un « capitalisme d'État ». BETTELHEIM montre qu'après laRévolution d'Octobre, les bolchéviques n'ont pas réussi à stabiliser à long terme l'alliance desouvriers et des paysans pauvres conçue par <strong>LE</strong>NINE. Durant les années 1920, cette allianceest remplacée par une alliance des élites ouvrières et de l'intelligence technique contre lespaysans, débouchant sur la collectivisation forcée de l'agriculture en 1928. L'idéologie« économiste » (le « primat des forces productives »), née dans la sociale démocratie etnourrie des intérêts de l'« aristocratie ouvrière » et des intellectuels progressistes, ressuscite ausein du Parti bolchevique, fonctionnant comme une légitimation des nouvelles élitestechnocratiques qui établissent les mêmes hiérarchies, divisions de travail et différenciationssociales que le capitalisme. Cependant l'illusion « juridique » selon laquelle la propriété d'Étatest définie comme « socialiste » cache l'exploitation réelle. Finalement, BETTELHEIM a misen doute le caractère socialiste de la Révolution d'Octobre, l'interprétant comme la prise depouvoir d'un courant radical de l'intelligentsia russe qui a « confisqué » la révolutionpopulaire. Quand, en 1978, la République populaire de Chine sous la direction de DengXIAOPING met fin à la stratégie « maoïste » du développement autarcique et guidé par leprimat de la politique, pour réaffirmer le primat de l'économie et s'insérer au marché mondial,le paradigme des théoriciens du développement autonome a perdu sa force de conviction. Enmême temps, le marxisme a perdu son influence, spécialement en France où une vague624


anticommuniste a réussi à discréditer non seulement l'orthodoxie archéocommuniste maisaussi les marxistes critiques comme BETTELHEIM. Lui, qui n'a jamais abandonné la penséemarxienne, fut condamné à disparaître. En 1982, il publia les deux tomes de la troisièmepartie de Les luttes de classes en URSS, dédiés aux « dominés » et « dominants » dustalinisme, mais le milieu marxiste dans lequel BETTELHEIM avait été enraciné auparavants'était dissout. Aujourd'hui l'Inde est le seul pays où BETTELHEIM est encore l'objet d'unediscussion. Bien que son nom et son œuvre soient oubliés, Charles BETTELHEIM a laissédes traces. Sa pensée marxiste hétérodoxe a contribué à la mise en doute du « progressisme »et du « productivisme » de la gauche classique, donnant lieu à une pensée « alternative » quine fait plus dériver l'idée de l'émancipation sociale de la croissance industrielle comme fin ensoi, mais aspire à l'insertion du développement productif dans un contexte de rapports sociauxconscients (au fond, ce n'est que l'idée originale de MARX : rompre la soumission de l'agirsocial au processus de production en faveur de sa soumission consciente à la production desbesoins sociaux). Ainsi, BETTELHEIM a été un intermédiaire entre la pensée « rouge » et« verte », entre le socialisme et l'écologie. Sur le plan de la théorie économique, ses analyses,en distinguant des formes différentes du capitalisme, ont influencé l'École de la régulation.BLANC, Louis (1811-1882), homme politique et historien français. Fils d'un fonctionnairegagné aux idées socialistes, il se fit une réputation d'historien en publiant, en 1841, uneHistoire de la France de 1830 à 1840 d'inspiration républicaine. Devenu journaliste, il fondaen 1839 la Revue du Progrès. Il publia ensuite L'Organisation du travail, ouvrage dans lequelil s'attaquait à la concurrence et préconisait un système d'associations contrôlées par l'État :salaires égaux pour les ouvriers qui éliraient les responsables, intérêts réduits pour lesinvestisseurs. Il reprit et développa ces concepts dans Le Droit au travail (1848). Il s'opposafréquemment à Frédéric Bastiat au sujet des concepts du droit. Il publia ensuite un pamphletcontre le gouvernement de Louis-Philippe I er (Histoire de dix ans) puis une Histoire de laRévolution française. En 1848, il fut membre du gouvernement provisoire de laII e République, mais ne se montra pas à la hauteur de la tâche. Après les émeutes de juin1848, dont il fut tenu pour responsable, il dut s'exiler en Angleterre. Rentré en France en1870, après la chute du Second Empire, il fut élu député à l'Assemblée nationale, siégea àl'extrême - gauche, mais ne joua aucun rôle. Il condamna la Commune de Paris (1871). C'étaitplus un idéologue qu'un homme d'action.BLANQUI Auguste (1805-1881) ; Fils d’un conventionnel régicide devenu sous-préfet sousle premier Empire, Auguste BLANQUI est élevé à Paris à l’institution Massin où enseignaitson frère aîné Adolphe (futur économiste libéral). Dès 1824, il adhère à la charbonnerie; il estblessé en 1827 dans des manifestations d’étudiants au quartier Latin. En 1829, il entre aujournal Le Globe comme sténographe, mais sa vie est désormais partagée entre lesconspirations et les emprisonnements. Il combat le régime de Charles X, en juillet 1830, lesarmes à la main; étudiant en droit, il participe au Comité des écoles qui, en janvier 1831,manifeste contre le régime de Juillet. Arrêté une première fois, il est à nouveau condamné en1832, au moment du procès des «quinze», comme membre de la Société des amis du peuple,dissoute. Il devait désormais passer une grande partie de sa vie en prison, ce qui explique lenom donné à l’une de ses premières biographies, L’Enfermé, écrite par Gustave GEFFROY.Ses réflexions et les relations qu’il noue avec BUONARROTI, qui lui transmet la traditionbabouviste, en font désormais un représentant du communisme utopique, attaché par ses idéeset son action à l’action révolutionnaire pour la prise du pouvoir et la transformation de lasociété, soucieux aussi d’éduquer le peuple. Il est arrêté en 1836 comme dirigeant de laSociété des familles qu’avait fondée BARBES, et condamné à deux ans de prison pourfabrication d’explosifs. Gracié par l’amnistie de 1837, il milite dans la Société des saisons, et625


prépare l’insurrection du 12 mai 1839 à Paris; celle-ci échoue, BLANQUI s’enfuit, mais,arrêté en octobre, il est condamné à mort en janvier 1840. Sa peine est commuée en réclusionà vie. Il est interné au Mont-Saint-Michel puis à la prison et à l’hôpital de Tours et gracié en1844. Arrivé à Paris le 25 février 1848, BLANQUI fonde la Société républicaine centrale,réclame l’ajournement des élections en organisant les manifestations du 17 mars et du 16avril. Arrêté après l’émeute du 15 mai, condamné à dix ans de prison, il milite à nouveaucontre le second Empire en regroupant des étudiants et des ouvriers; emprisonné, il s’évade etse réfugie en Belgique vers 1865. Après la chute de Napoléon III, il lance à Paris un journal,La Patrie en danger, et participe, contre le gouvernement de la Défense nationale, aux émeutesdu 31 octobre 1870 et du 22 janvier 1871, ce qui lui vaut d’être arrêté le 17 mars et de nepouvoir participer à la Commune, dans laquelle les blanquistes joueront un rôle important.Condamné à la déportation, il est interné à Clairvaux en raison de son âge. Élu à Bordeaux enavril 1879, il est invalidé, mais gracié et libéré en juin. En 1880, il lance un journal, Ni Dieuni maître, qu’il dirige jusqu’à sa mort. Sa principale publication, Critique sociale (1885), estposthume.BLOCH-LAINE, François est né le 25 mars 1912 à Paris. Fils de Banquier, il suit des étudesà l'école Gerson puis au Lycée Janson-de-Sailly dans le 16ème arrondissement de Paris.Docteur en droit et Diplômé de l'Ecole libre des sciences politiques, il commence sa carrièrecomme inspecteur des finances en 1936. En poste en Chine puis en Indochine, il revient enFrance en 1946. Directeur de cabinet de Robert SCHUMAN puis Directeur du Trésor auministère des Finances en 1947, il devient un familier de l'univers de la finance. De 1952 à1967, il prend la direction de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banqueeuropéenne d'investissements. François BLOCH-LAINE apporte son savoir-faire et sescompétences dans divers secteurs comme l'aménagement du territoire, l'audiovisuel oul'industrie des matières premières. A partir des années 1970, il s'engage en faveur de larecherche médicale et notamment à l'Institut Pasteur. Il est également membre du comité dedirection de la Croix-Rouge française. L'homme du service public est, entre autre, médaillé dela Résistance et Grand officier de la légion d'honneur.BLUM Léon (1872-1950), homme politique français, il dirige le parti socialiste (la SFIO :Section Française de l'Internationale Ouvrière) à partir de 1920. Il préside deuxgouvernements du Front Populaire (1936 et 1938). Il est alors à l'origine de nombreusesmesures sociales (Congés payés par exemple). Arrêté en 1940, il est jugé par le régime deVichy et livré aux nazis pour être déporté en Allemagne de 1943 à 1945. Après la guerre, ilest président du Conseil d'octobre 1946 à janvier 1947, c'est-à-dire chef du gouvernementfrançais, à trois reprises. Léon BLUM est né le 9 avril 1872 à Paris, où il fréquenta le lycéeHenri-IV. Il y rencontra l'écrivain André GIDE et publia ses premiers poèmes à l'âge de 17ans dans un journal créé avec celui-ci. Il fut admis en 1890 à l'École normale supérieure. Il sedésintéresse très vite des cours et est exclu de Normale Sup à la fin sa première année, ayantéchoué à l'examen de la licence (un échec entraînait alors l'exclusion de l'École). Il hésitealors entre le droit et la littérature, et entreprend finalement les deux à la Sorbonne, en visantune carrière de fonctionnaire. Il fut licencié ès lettres en 1891 et en droit en 1894. Il collaboraà la Revue Blanche à partir de 1892. Léon BLUM fut reçu à sa deuxième présentation duconcours du Conseil d'État à l'âge de 25 ans et nommé auditeur au Conseil d'État en décembre1895. Il y fera un brillante carrière de près de 25 ans, seulement interrompue par ses fonctionsau cabinet de Marcel SEMBAT, alors ministre des Travaux publics.Léon BLUM se lançaréellement en politique durant l'affaire DREYFUS de 1894 à 1906, et c'est grâce à sarencontre avec Jean JAURES en 1897 que son action militante à la section française del'Internationale ouvrière (SFIO) commença vraiment. C'est en compagnie de JAURES qu'il626


participa à la fondation de L'Humanité en 1904. C'est aussi durant l'affaire DREYFUS queBLUM rompit avec Maurice BARRES, qu'il considérait jusqu'alors comme son maître enlittérature. JAURES laissa à BLUM un grand héritage idéologique, mais ce n'est pas tant lamort de celui-ci que le début de la Première Guerre mondiale qui poussa Léon BLUM à entreren politique. C'est en effet en août 1914 qu'il devint chef de cabinet de Marcel SEMBAT,après avoir été réformé pour cause de myopie. Il quitta le cabinet de Sembat en même tempsque celui-ci en 1917 et retourna travailler au Conseil d'État . BLUM respectait la religionjuive de ses pères, il se sentait juif et français car il pensait que l'un n'empêchait pas l'autre, et,par la suite, s'engagea dans beaucoup de mouvements sionistes après la guerre. Pour unegrande partie de la population juive, BLUM était un homme politique comme les autres. Enrevanche, une autre partie de cette population voyait d'un mauvais œil son accession aupouvoir et craignait notamment une poussée de l'antisémitisme. BLUM souffrit très tôt del'antisémitisme. Il en était déjà victime en tant que critique littéraire. Mais l'antisémitisme lefrappa de plus belle dès le moment où il fut élu à la Chambre et où ses discours au Parlementcommencèrent à remporter un immense succès. Il fut ainsi la cible de nombreuses attaquesdans les quotidiens d'extrême droite. Par exemple, Léon DAUDET se déchaîne contre cet« hybride ethnique et hermaphrodite » dans L'Action française du 2 septembre 1933. BLUMne cessa de soutenir l'effort de guerre et la politique de l'Union sacrée. Et même si le partisocialiste français était divisé sur la question de la guerre, BLUM restait convaincu qu'ils'agissait de la bonne option. Toutefois, en s'opposant aux pacifistes, il ne s'identifiait pas pourautant à l'aile droite du parti. C'est seulement à l'occasion des élections législatives de 1919 (etmême un peu avant) que Léon BLUM accéda au cercle dirigeant de la SFIO. Lors du congrèsd'avril 1919, BLUM tenta de préserver les acquis de JAURES et d'insuffler aux socialistesune approche progressive de la révolution dans les domaines sociaux, économiques etpolitiques. C'est grâce à lui que le parti socialiste conserva une apparence d'unité lors de cesélections. La droite l'emporta néanmoins. BLUM fut élu pour la première fois député de laSeine ; il démissionna alors du Conseil d'État. Il devint ensuite secrétaire, puis président dugroupe parlementaire socialiste. Lors du Congrès de Tours, BLUM refusa de suivre lamajorité en faveur de l'adhésion à la IIIe Internationale. Remarquablement lucide sur larévolution bolchévique et son caractère anti-démocratique, il prononça un discoursprémonitoire sur l'avenir de l'URSS, mais il ne put empêcher l'inévitable scission. Aprèsl'épisode du congrès de Tours, BLUM n'exclut pas des ententes préélectorales avec lesradicaux, la SFIO soutenant d'ailleurs en 1924 le gouvernement radical d'Édouard HERRIOTsans y participer. La SFIO connut des fortunes électorales variables durant les années vingt,mais ne pâtit pas de la division avec le parti communiste. Au début des années trente, laFrance entra par étapes dans une crise économique. C'est aussi à ce moment, après la défaitede la droite parlementaire en 1932, que l'extrême droite prit un nouvel essor. Celle-ci étaitconstituée d'organisations diverses, formées au début des années vingt, qui avaient denombreux points communs, comme la dénonciation du régime parlementaire. Parmi lessocialistes, deux grandes tendances se dessinaient sur le plan international pour lutter contre lefascisme. D'une part une frange plus à droite, incarnée par les Britanniques, les Scandinaves,les Tchèques et les Polonais qui voulaient adapter le socialisme aux classes moyennes ; etd'autre part une tendance de gauche incarnée par l'Italie, la Suisse, la France et la Belgique quiproposait « une tactique révolutionnaire de lutte prolétarienne pour la conquête du pouvoir[…] ». BLUM préconisait aussi d'insister sur les intérêts communs des classes moyennes avecles classes ouvrières. En 1935, notamment au moment de la signature de l'alliance francosoviétique,les tensions entre les tenants d'une guerre antifasciste et ceux qui attachaient uneimportance primordiale à la paix s'intensifièrent encore. C'est le dirigeant communisteMaurice THOREZ qui, par des articles dans L'Humanité, appela à la formation d'un large«Front populaire» (l'expression est de lui), après que l'ancien leader communiste et futur627


collaborationniste Jacques DORIOT l'eut lui aussi proposé deux années auparavant (le projetavait alors été rejeté par Moscou et DORIOT exclu du PCF). THOREZ présenta d'ailleurs sonprojet quelques semaines plus tard devant la Chambre des députés. Il proposa aussi d'associerà ce Front populaire les radicaux, qui étaient à l'époque liés à la droite et le parti le mieuxreprésenté à la Chambre. Les raisons de la victoire du Front populaire sont multiples : criseéconomique, montée d'Adolf HIT<strong>LE</strong>R, scandales financiers, instabilité du gouvernement de lalégislature de 1932, existence des ligues de droite, armées et de plus en plus nombreuses,émeutes du 6 février 1934. Tous ces éléments ont participé à son émergence. Les résultatsdonnant le Front populaire vainqueur aux élections donnèrent beaucoup d'espoir au sein duprolétariat, qui déclencha une grève générale spontanée. Le socialiste Marceau PIVERTexhorta BLUM à prendre le pouvoir immédiatement, en se basant sur cette mobilisationpopulaire et sans attendre la passation de pouvoir officielle. Mais BLUM préféra attendre. Cesgrèves obligèrent néanmoins le patronat à négocier avec les salariés et leurs syndicats, et àaccorder des congés payés et une baisse du temps de travail. Léon BLUM fut empêchéd'intervenir ouvertement par l'opposition des radicaux et du Royaume-Uni, principal allié dela France, sans oublier l'activisme de l'extrême droite et d'une partie de la droite, et dutchoisir, contre l'avis des communistes, la non-intervention dans la guerre d'Espagne. Il y eutcependant une aide clandestine, organisée par Pierre COT et Jules MOCH. On peut noter queles rapports avec l'Italie furent beaucoup plus difficiles qu'avec l'Allemagne. Sur le planintérieur, le gouvernement BLUM parvint à résoudre la crise sociale. Mais dès l'été 1936, ildut faire face à diverses difficultés, parmi lesquelles la dévaluation du franc à cause de lasituation monétaire et la politique financière en général, qui transformèrent l'inquiétude de ladroite en opposition résolue. BLUM remit sa démission en juin 1937 et fut remplacé par ungouvernement radical. En mars 1938, il forma son deuxième gouvernement avec laparticipation de Pierre MENDES FRANCE comme sous-secrétaire d'État au Trésor, mais ilfut renversé dans 3 semaines par le Sénat. La défaite définitive du Front populaire eut lieu enseptembre-décembre 1938 avec l'arrivée au pouvoir d'Édouard DALADIER. Le bilan duFront populaire est mitigé, mais cette brève expérience permit tout de même un nombreimportant d'avancées dans de nombreux domaines, en particulier dans le domaine social :congés payés (obtenus suite à des grèves, mais ils figuraient déjà dans la profession de foi deJean-Baptiste <strong>LE</strong>BAS, futur ministre du Travail), semaine de quarante heures, établissementdes conventions collectives, prolongement de la scolarité à 14 ans, etc. La relance desdépenses d'armement, prioritaire même devant les dépenses sociales, est également à mettre àson crédit. BLUM condamna l'attitude du PCF face au pacte germano-soviétique, attitude quiprovoqua le départ d'un certain nombre de communistes qui se tournèrent vers la SFIO, avecl'aval de Léon BLUM, mais contre l'avis d'autres socialistes. Léon BLUM se mit aussi à dosune partie des socialistes à cause de ses positions pacifistes. Il semble qu'il ne se rendait pasbien compte de la guerre en préparation et était beaucoup plus optimiste qu'il ne l'aurait fallu.Durant le vote des pleins pouvoirs au maréchal PETAIN, Léon BLUM fit partie des quatrevingtsparlementaires de l'Assemblée nationale qui votèrent contre. À ce moment, une partiede la SFIO était déjà en Angleterre. La Cour suprême de justice fut instituée par PETAIN enjuillet 1940 pour rechercher les responsables politiques de la guerre. Un grand nombred'hommes politiques furent condamnés. BLUM s'en indigna, mais ne pensa pas pouvoir êtreinquiété. Il fut néanmoins arrêté le 15 septembre 1940, interné au château de Chazeron, puis àBourassol. Ses lieux de détention deviennent le lieu de ralliement des socialistes résistants,comme Jean Pierre BLOCH, Félix GOUIN ou André PHILIP. L'ancien chef de gouvernementse tient consciencieusement au courant de la situation et exhorte ses camarades à résister. Ilfut traduit devant la Cour de Riom mais sa défense, et celle de DALADIER, fut si efficace etsi courageuse que le procès fut suspendu sine die. Au-delà de BLUM ou DALADIER,c'étaient les présidents du Conseil et les membres du Front populaire qui étaient visés. Vichy628


leur reprochait notamment d'être responsables de la défaite en ayant empêché le réarmementde la France par la mise en place de réformes sociales (alors que le gouvernement de Frontpopulaire avait engagé le plus vaste des plans de réarmement possible face au danger nazi).BLUM fut transféré au fort du Portalet, puis livré par Pierre LAVAL aux nazis et déporté enmars 1943 à Buchenwald. Son frère René BLUM, fondateur du Ballet de l'Opéra à MonteCarlo, fut assassiné à Auschwitz. Durant sa détention, il entretint une importantecorrespondance et commença à écrire un ouvrage de réflexions qu'il termina en décembre1944 et qui fut publié après la guerre sous le titre À l'échelle humaine. Léon BLUM fut libérépar la Ve armée américaine le 7 mai 1945 et reprit ses articles quotidiens dans le journal LePopulaire. Il fut chef de la délégation française, puis président de la conférence constitutivede l'Unesco, après avoir négocié l'annulation des dettes de guerre de la France auprès desÉtats-Unis (accords BLUM-BYRNES de mai 1946). Il dirigea le dernier gouvernementprovisoire avant l'instauration de la Quatrième République, de décembre 1946 à janvier 1947.Il se retira ensuite à Jouy-en-Josas près de Versailles où il mourut le 30 mars 1950 d'uninfarctus à l'âge de 77 ans. Il resta directeur politique du Populaire jusqu'à son décès. Ildénonça notamment le danger que constituait le RPF pour le régime parlementaire.BOUTHILLIER, Yves homme politique français, né le 26 janvier 1901, mort le 4 janvier1977. Membre de l'Action française, il devient secrétaire d'État aux Finances dès le 16 juin1940 dans le Gouvernement Philippe PETAIN et, rallié au régime de Vichy, garde son postejusqu'au 18 avril 1942. Il signe la Loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs publiée auJournal Officiel du 18 octobre 1940, aux côtés de Philippe PETAIN, Pierre LAVAL, RaphaëlALIBERT, Marcel PEYROUTON, Charles HUNTZIGER, Paul BAUDOIN et FrançoisDARLAN.BOUVIER Jean (1920-1987), historien français.BOYER Robert est un économiste français né le 25 mars 1943. Il est connu comme étant l'undes principaux artisans de l'école de la régulation. Il cumule de nombreux titres et fonctionshonorifiques : Économiste au CEPREMAP, Directeur de Recherche au CNRS, Directeurd’Etudes à l’EHESS, Membre du Conseil d’Analyse Economique, Membre du ConseilScientifique du Centre Saint Gobain pour la recherche en Economie, Président del’Association Recherche et Régulation, Membre du Comité exécutif de la Society foradvancement of Socio-Economic, Membre du comité directeur de « L’Association Françaisede Science Economique ». Il définit ses recherches ainsi : Comment et pourquoi lesrégularités économiques se transforment-elles dans l’histoire ? Pour quelles raisons les modesde régulation diffèrent-ils à une époque donnée ? Les transformations institutionnellesintervenues depuis les années soixante-dix comme des recherches menées sur lestransformations du capitalisme américain puis français ont suscité l’émergence d’uneproblématique qui se regroupe sous l’intitulé Théorie de la Régulation. Pour l’essentiel lesrecherches visent à l’élaboration d’une macroéconomie institutionnelle et historique, à traversl’analyse du rapport salarial, des systèmes d’innovation, des régimes monétaires et financiers,la formation de la politique économique des configurations internationales, sans oublierl’histoire des idées et des théories économiques. Deux outils ont été privilégiés : des étudeshistoriques de longue période, des comparaisons internationales systématiques portant sur lapériode contemporaine. Plus récemment, ont été explorées les bases institutionnelles etmacrosociales d’une microéconomie.629


BRAUDEL, Fernand (1902- 1985), agrégé d’histoire (1923), professeur d’histoire aux lycéesde Constantine et d’Alger (1924-1932), professeur aux lycées Pasteur, Condorcet et Henri IV,à Paris (1932-1935), membre d’une mission française d’enseignement au Brésil, à Sao Paulo(1935-1937), directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études (section de philosophiede l’histoire) (1937). Il est mobilisé en 1938 et fait prisonnier en Allemagne en 1940-1945.Ilest directeur de la revue Les Annales (1946-1968). Docteur ès lettres en 1947, il est Professeurd’histoire de la philosophie moderne au Collège de France (1949-1972) puis directeurd’études de la VI e section (Sciences économiques et sociales de l’École pratique des HautesÉtudes (1956-1972). Fondateur de l’Association internationale d’histoire économique etadministrateur de la Maison des Sciences de l’homme en 1962, il est ensuite professeurhonoraire au Collège de France en 1972 et correspondant de nombreuses académiesétrangères, notamment celles de Budapest, Munich, Madrid, Belgrade. Il est docteur honoriscausa de plusieurs Universités, notamment Oxford, Bruxelles, Madrid, Varsovie, Cambridge,Yale, Genève, Padoue, Leyde, Montréal, Cologne, Chicago. Élu à l’Académie française, le 14juin 1984 au fauteuil de André Chamson (15 e ) il est reçu le 30 mai 1985 par MauriceDRUON. Dans la lignée de la célèbre Ecole des Annales*, instigatrice de toutel'historiographie moderne, Fernand BRAUDEL a bouleversé la façon de concevoir et d'écrirel'histoire. Puisant aux sources des différentes sciences humaines - géographie et économie entête -, et restituant à l'histoire humaine la variété de ses rythmes, il a proposé une visionglobale de l'Histoire dont le rayonnement a dépassé les frontières de la France.BUSCH, George, (1924- ) Fils de Prescott Sheldon BUSH, sénateur du Connecticut, et deDorothy WALKER, George BUSH grandit au sein du domaine familial à Greenwich.Diplômé de la Phillips Academy d'Andover, il entre à Yale mais interrompt ses études ens'engageant dans l'US Navy. Major en économie de cette université, il participe à la créationde la Zapata Petroleum au Texas et prend la présidence de la filiale Zapata off shore. Sonépouse Barbara lui donne six enfants : George Walker, Robin, décédée à l'âge de 3 ans dessuites d'une leucémie, John, Neil, Marvin et Dorothy. Il se lance dans la politique en devenantprésident de la section républicaine du comté de Harris en 1962. En 1970, il est nomméreprésentant permanent des Etats-Unis auprès des Nations Unies par le président NIXON.Après le scandale du Watergate, celui-ci cède son siège à Gerald Ford, qui offre à GeorgesBUSH la direction de la CIA. En 1980, il se lance dans la course à la présidence. Même siRonald REAGAN est élu, il est vice-président, et cela pendant huit ans. Le 8 novembre 1988,à 64 ans, il est le 41ème président des Etats-Unis. Sa diplomatie lui permet de forger la plusgrande coalition de pays, engageant près de cinq cent mille soldats contre les forces deSaddam HUSSEIN. George BUSH, qui n'est pas réélu pour un second mandat en 1992, couleune retraite sereine, deux de ses fils ayant pris son relais politique : George W. BUSH est le43ème président des Etats-Unis, John est gouverneur de l'état de Floride depuis 1998.CABET Étienne (1788-1856), jeune avocat, issu d’une famille d’artisans bourguignons,CABET adhère à la Charbonnerie et devient même membre de son comité dirigeant, la Ventesuprême, sous la Restauration. Un moment procureur général en Corse, au lendemain de larévolution de Juillet, puis député de la Côte d’or, en 1832, CABET évolue peu à peu vers despositions radicales. Il fonde en 1833 un journal, Le Populaire, mais doit dès l’année suivantes’exiler en Angleterre en raison de ses idées républicaines; peu après son retour à Paris, ilpublie l’Histoire populaire de la Révolution française de 1789 à 1830 et son ouvrage le pluscélèbre, le roman utopique Voyage en Icarie (1840). Influencé par les utopistes antérieurs,Thomas MORE en particulier, par ROUSSEAU, par ROBESPIERRE, par OWEN, CABETestime que l’égalité absolue et la fraternité conduisent naturellement au communisme desbiens. La propriété abolie, le commerce supprimé, l’économie et l’éducation placées sous le630


contrôle de l’État, chacun recevant une rémunération selon ses besoins, tous les vices de lacivilisation seront exterminés; le progrès de l’industrie permettra l’abondance. Pourl’installation du communisme, CABET récuse l’emploi de la violence, confiant dans la seuleforce de la discussion et de l’exemple: «Du prosélytisme seulement et toujours duprosélytisme, écrit-il, jusqu’à ce que la masse adopte le principe de la communauté.» En1846, il publie Le Vrai Christianisme suivant Jésus-Christ ; il y développe une conceptionmillénariste du christianisme, très proche de celle de WEITLING. Se référant à la secte desesséniens, il voit en Jésus un «pionnier d’une organisation sociale appelée royaume de Dieu»,et qui préfigure déjà la société communiste. Au lendemain de la révolution de 1848, à laquelleles cabétistes prennent une part active, CABET rejoint ceux de ses disciples qui ont fondé unenouvelle Icarie au Texas. Le passage de «l’Icarie écrite à l’Icarie pratiquée» (H. DESROCHE)et les essais de réalisation de «communautés partielles» (en opposition à la communautéglobale, prônée par Cabet dans ses ouvrages) s’avèrent décevants. Mais, malgré les scissionset les échecs, les communautés icariennes survivront à leur inspirateur, la septième et dernièrene disparaissant qu’à la fin du XIXe siècle. CABET n’est ni un prolétaire ni un agitateur.Docteur en droit, il a assumé des fonctions officielles et a été secrétaire du très bourgeoisDUPONT de l’Eure. Admirateur de la Révolution française, il écrit dans l’ouvrage qu’ilconsacre à celle-ci: «Par démocratie [...] j’entends le système social et politique le plusfavorable à la dignité et au perfectionnement de l’homme, à l’ordre public, au respect des loiset au bonheur de tous les citoyens, en lui donnant pour fondement l’éducation et le travail.»Prônant la représentation au suffrage universel et préconisant l’éducation populaire, il apparaîtcomme «un démocrate devenu communiste». Pour lui, le communisme «est la réalisation laplus complète et la plus parfaite de la démocratie» et le projet communiste qu’il propose tientplus de l’application d’utopies communautaires à la société entière que d’une réflexionapprofondie et critique ou d’un projet révolutionnaire.CARNAP, Rudolf (1891-1970) philosophe allemand puis américain et le plus célèbrereprésentant du positivisme logique. Né à Ronsdorf, il fit des études de physique et dephilosophie à l'université d'Iéna (où il rencontra Gottlob FREGE et à l'université de Freiburgoù il fit sa thèse sur l'Espace avec le philosophe Bruno BAUCH. En 1926, il partit prendreune poste à l'Université de Vienne et joignit le Cercle de Vienne fondé par Moritz SCHLICK.Il y rencontra aussi WITTGENSTEIN, qui visitait parfois le Cercle. En 1928, CARNAPpublia Der logische Aufbau der Welt où il continuait le projet de Bertrand RUSSELL defonder toutes les connaissances sur la logique et un langage phénoméniste (la base des sensedata). En 1929, il écrivit un manuel de logique Abriss der Logistik. En 1930, CARNAP etREICHENBACH fondent le journal Erkenntnis. En 1931, CARNAP fut nommé à Prague oùil resta jusqu'à son exil pour les États-Unis en 1935. C'est durant cette période qu'il rencontrale jeune Willard VAN ORMAN QUINE avec qui commença un débat sur l'analyticité. AuxÉtats-Unis, il devint professeur à l'université de Chicago où il demeura de 1936 à 1952 où ilpublia de nombreux textes de sémantique et de logique modale. Puis, il partit à Princeton et enCalifornie à UCLA où il se consacra à la philosophie des sciences et à la logique desprobabilités.CARTER, Jimmy, (1924- ). Après des études à l'école Navale, James Earl CARTER devientofficier marinier. Issu d'une famille de fermier, il se consacre à son domaine agricole dès1953. Actif dans les groupements professionnels d'agriculteurs, Jimmy CARTER est élusénateur de Georgie en 1962, puis gouverneur de cet État en 1970. Il est ensuite élu 39eprésident des Etats-Unis grâce à son programme de réformes économique, sociale etadministrative. Mais Jimmy CARTER parvient avec peine à faire voter ses plans pour leséconomies d'énergie mais également contre l'inflation, alors que la situation du pays se631


dégrade : chômage en hausse, effondrement du dollar... Sur le plan international, il participe àla signature des accords de Camp David en 1978 entre Israël et l'Égypte. Mais la prise enotage de personnels américains à Téhéran (1979-1980) et l'accord sur la limitation desarmements stratégiques, signé avec l'URSS mais non ratifié par le Congrès, ternissent sonimage. Il perd alors les élections de 1980. Malgré sa défaite, il poursuit une carrière denégociateur diplomatique, ce qui lui vaut le Prix Nobel de la paix en 2002.CHABAN-DELMAS Jacques (1915- 2000); Né à Paris, docteur en droit et diplômé del’École libre des sciences politiques, Jacques DELMAS est très tôt parmi les partisans dugénéral DE GAUL<strong>LE</strong> et entre dans la Résistance dès 1940, sous le pseudonyme de CHABANqu’il conservera par la suite. Inspecteur des Finances en avril 1943, il devient, en octobre de lamême année, membre de la délégation militaire du Gouvernement provisoire de la Républiquefrançaise à Londres. En 1944, il est délégué militaire national chargé de la coordinationmilitaire sur l’ensemble du territoire, avec le grade de général de brigade, puis secrétairegénéral au ministère de l’Information (1945-1946). Il est député radical-socialiste de laGironde en 1946 et devient maire de Bordeaux en 1947. La même année, il quitte le partiradical pour le R.P.F. (Rassemblement du peuple français). Il préside en 1950 le grouperépublicain-social à l’Assemblée nationale. Ministre des Travaux publics sous PierreMENDES FRANCE (1954-1955), il est ministre d’État sous Guy MOL<strong>LE</strong>T (févr. 1956-juin1957) et ministre de la Défense sous Félix GAILLARD (nov. 1957-avr. 1958). En mai 1958,il prépare activement le retour du général DE GAUL<strong>LE</strong>. Devenu membre du comité centralde l’Union pour la Nouvelle République (U.N.R.), il sera dès lors élu, et toujours réélu,député de la Gironde. Il est président de l’Assemblée nationale de décembre 1958 à juin 1969et ensuite Premier ministre, du 20 juin 1969 au 5 juillet 1972, rendant familières aux Françaissa voix et son allure sportive. En janvier suivant, il est réintégré dans les cadres del’inspection des Finances et il reçoit, en février, le grade d’inspecteur général. Il est enfinréélu député U.R.P.-U.D.R. de Bordeaux, en mars 1973. Lorsque le décès de GeorgesPOMPIDOU ouvre la succession à la présidence de la République française, JacquesCHABAN-DELMAS est le candidat officiel du parti majoritaire, l’Union des démocratespour la Ve République; il n’obtient que 14,5 % des voix exprimées, précédé non seulementpar le candidat de l’union de la gauche, François MITTERRAND (43,3 %), mais égalementpar Valéry GISCARD D’ESTAING (32,6 %), qui a reçu le soutien de Jacques CHIRAC. Ladéfaite est d’autant plus lourde à porter que Jacques CHABAN-DELMAS croit pouvoirl’attribuer à la défection de certains de ses compagnons. En 1978, son élection contre EdgarFAURE à la présidence de l’Assemblée nationale a des allures de revanche. Il restera au«perchoir» jusqu’en 1981. En fait, malgré un nouveau retour au perchoir à la faveur de lapremière «cohabitation» (1986-1988), la carrière nationale de Jacques CHABAN-DELMASn’a pas résisté à l’échec de 1974. Cette relative éclipse du «baron du gaullisme» ne faitpourtant que mieux mettre en évidence l’exceptionnelle réussite locale de celui dont l’imagepersonnelle se confond avec celle de Bordeaux. De 1947 aux élections municipales de 1995,pour lesquelles il s’efface devant Alain JUPPE, «CHABAN» aura été maire de la villependant près de cinquante ans. Il a su étendre sa domination politique à l’agglomérationbordelaise (il préside la Communauté urbaine de Bordeaux de 1967 à 1977 et à nouveau àpartir de 1989), à la Gironde, dont il est l’élu permanent, à la région Aquitaine, enfin, dont ilpréside le Conseil régional de 1974 à 1979 et de 1985 à 1988. Le «système CHABAN»,constitué de réseaux qui dépassent les clivages politiques, a intéressé de nombreuxpolitologues. Il a semblé trouver ses limites vers la fin du dernier mandat de maire deBordeaux, marquée par les vicissitudes du projet de métro.632


CAZIOT, Pierre, ingénieur agronome, directeur d'un cabinet d'expertise foncière, hommepolitique français, ministre secrétaire d'Etat à l'Agriculture et au Ravitaillement jusqu'endécembre 1940, puis à compter de cette date seulement secrétaire d'Etat à l'Agriculture,ministre de l'Agriculture du 18 avril 1942 au 11 septembre 1942. Il signe avec PETAIN,François DARLAN, Yves BOUTHILLIER, Charles HUNTZIGER et JosephBARTHE<strong>LE</strong>MY la loi antisémite du 2 juin 1941.CHEVENEMENT Jean-Pierre est né le 9 mars 1939 à Belfort, ville à laquelle il resterafidèle durant toute sa carrière politique. Il fait ses études secondaires à Besançon puis obtientà Paris, outre une licence en Droit et Sciences Economiques, le diplôme de l'Institut d'EtudesPolitiques de Paris ("Sciences Po"). Il entrera ensuite à l'Ecole Nationale d'Administration,obtenant par ailleurs un diplôme d'allemand de l'Université de Vienne. Appelé pendant laguerre d'Algérie, il termine son service militaire avec le grade de capitaine et la croix de lavaleur militaire. Conseiller commercial à sa sortie de l'ENA, il s'engagera très tôt en politique,choisissant d'adhérer à la SFIO, qu'il espérait réformer de l'intérieur. Il sera ainsi conduit às'opposer à la politique de Guy MOL<strong>LE</strong>T et fonde le Ceres, groupe de réflexion interne, avecnotamment Georges SARRE et Didier MOTCHANE, qui sont restés depuis ses compagnonspolitiques. Artisan du renouveau du Parti socialiste, il est élu député de Belfort, à 34 ans, en1973 et sera ensuite constamment réélu. Il en devient maire en 1983, n'abandonnant son postequ'en 1997 pour assumer la charge de Ministre de l'Intérieur, et le retrouvant lors des électionsmunicipales de 2001. Son action à la tête de Belfort sera couronnée par une "Marianne d'Or"en 1987. Actif artisan du développement économique de sa ville et de son agglomération, ilest à l'origine de l'association Aire Urbaine 2000 qui unit les efforts de Belfort, Montbéliard etHéricourt qu'il préside depuis 2000. Il joue un rôle important dans la mise en place du projetde TGV Rhin-Rhône-Méditerranée. En 1981/82 il sera président du Conseil Régional deFranche Comté. Cette intense activité locale ira de pair avec un rôle national important, entant que parlementaire et en participant à quatre reprises au gouvernement: Ministre d'Etat encharge de la Recherche et de la Technologie (1981/82) puis de la recherche et de l'Industrie(1982/83), Ministre de l'Education Nationale (1984/86), Ministre de la Défense (1988/91)enfin Ministre de l'Intérieur (1997/2000). Il sera désigné par un jury de journalistes "Ministrede l'Année" en 1998. Profondément convaincu de la nécessité d'allier l'action et la réflexion,Jean-Pierre CHEVENEMENT fonde en 1983 le Club République Moderne, devenuRépublique Moderne en 1986, qui formule des analyses et des propositions pour nourrir uneaction politique républicaine. En désaccord avec les dérives du Parti Socialiste, il crée leMouvement des Citoyens, qu'il présidera de 1993 jusqu'en juin de cette année. Après deuxlivres écrits en collaboration sous le pseudonyme de Jacques MAUDRIN, L'énarchie ou lesmandarins de la société bourgeoise (1967), critique féroce et drôle de l'ENA et Socialisme ouSocialmédiocratie (1969), il a publié La vieux, la Crise et le Neuf (1975), Le service militaire,face à face avec Pierre Messmer, (1977), Le pari sur l'intelligence (1985), Apprendre pourentreprendre (1985), Une certaine idée de la République m'amène à… (1992), Le Temps desCitoyens (1993), Le Vert et le Noir (1995), France-Allemagne, parlons franc (1996), Lebêtisier de Maastricht (1997) et La République contre les bien pensants (1999). LaRépublique prend le maquis en collaboration avec Robert COLONA D'ISTRIA (2001).Attentif aux problèmes de la culture et de l'audiovisuel, il figure parmi les élus locauxfondateurs de l'association Villes et Cinéma. Jean-Pierre CHEVENEMENT est marié à Nisadepuis 1970 et père de deux enfants.633


CHIRAC Jacques, fils d'un administrateur de société, est né le 29 novembre 1932 à Paris,dans le 5ème arrondissement. Il fait ses études aux lycées Carnot et Louis le Grand à Paris.Il est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris et de la Summer School de l'Universitéde Harvard, aux Etats-Unis. Reçu au concours de l'Ecole Nationale d'Administration, ileffectue d'abord son service militaire comme officier en Algérie, puis rentre à l'ENA en 1957.A l'issue de sa scolarité en 1959, il entre à la Cour des comptes en tant qu'auditeur. Chargé demission au Secrétariat général du gouvernement, puis au cabinet du Premier ministre GeorgesPompidou en 1962, il devient conseiller référendaire à la Cour des comptes de 1965 à 1993.Jacques Chirac débute sa carrière politique comme conseiller municipal de Sainte-Féréole, enCorrèze en 1965, jusqu'en 1977. Il devient secrétaire d'Etat aux Affaires sociales, chargé desproblèmes de l'emploi dans le gouvernement de George Pompidou de 1967 à 1968. Député dela Corrèze en 1967, 1968 et 1973, il sera réélu de la 3ème circonscription de 1976 à 1979, de1981 à 1986 et de 1988 à 1995. Conseiller général de la Corrèze dans le canton de Meymac de1968 à 1988, il devient secrétaire d'Etat à l'Economie et aux Finances pour les gouvernementsde Georges POMPIDOU, Maurice COUVE DE MURVIL<strong>LE</strong> puis Jacques CHABAN-DELMAS entre 1968 et 1971. Il préside le Conseil général de la Corrèze de 1970 à1979.Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement sous legouvernement de Jacques CHABAN-DELMAS (1971-1972), il devient ministre del'Agriculture et du Développement rural pour les gouvernements de Pierre MESSMER (1972-1973 et 1973-1974), puis ministre de l'Intérieur en 1974. Jacques CHIRAC est nomméPremier ministre en mai 1974. Il présente la démission de son gouvernement le 25 août 1976.Il est élu maire de Paris en 1977, et le restera jusqu'en 1995. Il est élu député au Parlementeuropéen de 1979 à 1980. Il est nommé Premier ministre pendant la première cohabitation, demars 1986 à mai 1988. Il est élu président de la République française le 7 mai 1995 et nommeAlain JUPE Premier ministre. Mais en 1997, souhaitant obtenir une majorité plus stable àl'Assemblée nationale, Jacques CHIRAC décide de la dissoudre. L'effet inverse se produit : ladroite est battue, les socialistes reviennent au pouvoir et Lionel JOSPIN est nommé Premierministre Secrétaire général de l'UDR (Union des Démocrates Républicains) en 1974 et 1975.Il en devient le secrétaire général d'honneur en 1975. En 1976, Jacques CHIRAC fonde leRPR qu'il préside jusqu'en 1994. Jacques CHIRAC a annoncé sa candidature à l'occasion d'undéplacement en Avignon, ville symbolique de la victoire de la droite aux électionsmunicipales de 2001. C'est la quatrième fois qu'il se lance dans la course à l'Elysée. Il avaitrecueilli 18 % à l'élection présidentielle de 1981, 46 % à celle de 1988 et 52,6 % en 1995. Ilest actuellement, en 2006, président de la République pour la seconde fois.C<strong>LE</strong>MENTEL Étienne (1864-1936) Premier ministre des finances du cartel des gauches,Étienne CLÉMENTEL rencontre rapidement des difficultés qui l'amènent à réglementer lesmouvements de fonds avec l'étranger (loi du 30 juin 1924 sur l'exportation des capitaux etl'importation des titres et valeurs mobilières), à solliciter une avance de la Banque de France(convention du 22 décembre 1924 ratifiée par la loi du 31), à émettre un emprunt de100 millions de dollars aux États-Unis et à créer, pour améliorer les rentrées fiscales, deschèques-contribution (décret du 11 mars 1925). Il crée d'autre part, avec le décret du 16janvier 1925, un conseil national économique mais cette réforme de structure reste, pourl'heure, sans lendemain.CLINTON William Jefferson plus connu sous le nom de Bill CLINTON, né en 1946, est lequarante-deuxième président des États-Unis d'Amérique. Il est élu pour deux mandats dequatre ans de 1993 à 2001. Bien que très populaire, il est en conflit constant avec le Congrèsdominé par les Républicains. Il fait l'objet d’une procédure de destitution qui échoue de trèspeu, à la suite d’un scandale lié à ses relations sexuelles avec une stagiaire de la Maison-634


Blanche. Il vit dans un milieu difficile puisque son beau-père est joueur, buveur et bat safemme. CLINTON est un excellent élève et un bon joueur de saxophone. Il pense même àdevenir musicien professionnel. Alors qu’il est au lycée, il fait partie d'une délégationd’élèves sélectionnés pour leurs mérites qui est invitée à la Maison-Blanche. Il y rencontre leprésident John Fitzgerald KENNEDY et on dit que cet événement est le catalyseur de sonenvie d’entrer dans la politique. Bien qu’originaire d’une famille pauvre, il réussit à obtenirson diplôme de politique internationale à l’université de Georgetown. Il reçoit une bourseRhodes qui lui permet d’aller étudier à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, et revient àl’université de Yale pour y faire ses études de droit. C’est là qu’il rencontre HillaryRODHAM avec qui il se marie en 1975 ; ils auront une fille Chelsea CLINTON, née en 1980.CLINTON commence par être professeur de droit à l’université de Yale et tente, sans succès,d’être élu à la Chambre des représentants. Il est élu Procureur général de l’Arkansas en 1976puis Gouverneur de l’état en 1978. À 32 ans, il est alors le plus jeune gouverneur d’un état.Son premier mandat n’est pas facile car il doit faire adopter une loi impopulaire créant unevignette sur les automobiles et doit gérer la crise causée par la fuite de prisonniers cubains,immigrés illégaux détenus dans une prison de l’État. Sa femme décide aussi de conserver sonnom de jeune fille dans un État plutôt conservateur alors qu’elle doit remplir le rôle d’hôtessedans les réceptions officielles. Toutes ces raisons font que CLINTON ne sera pas réélu pourun second mandat. Il devient alors le plus jeune ex-gouverneur de l’histoire des États-Unis.CLINTON comprend ses erreurs et renoue de bonnes relations avec les entrepreneurs et lespoliticiens en place ; sa femme porte son nom et adopte une attitude plus traditionnelle tout encontinuant à s’intéresser à la politique au travers de son emploi d’avocat. CLINTON se faitréélire gouverneur de 1982 à 1992. Grâce à ses contacts amicaux avec les entrepreneurs, ilréussit à amadouer ses critiques mais plusieurs contrats douteux feront l’objet d’une enquêtependant son mandat présidentiel. En 1992, CLINTON cherche à obtenir l’investiture du Partidémocrate alors que le président républicain sortant, George H. W. BUSH, semble imbattableétant donné sa popularité après la Guerre du Golfe. Il choisit Al GORE comme co-listier bienque ce dernier soit aussi un politicien issu d’un état du Sud. La campagne électorale est pleined’attaques personnelles, car CLINTON s’est fait réformer pour ne pas accomplir son servicemilitaire, admet avoir fumé de la marijuana, a eu plusieurs aventures avec des femmes de sonentourage et a conclu quelques contrats douteux. Tout ceci ne l’empêche pas d’être élu maisces ragots seront largement utilisés pendant sa présidence par ses opposants. En revanche, ilavait compris que ce qui concernait les Américains au premier chef était leur situationéconomique personnelle. Sa victoire électorale est complète puisqu’elle s’accompagne del’élection d’une majorité démocrate dans les deux Chambres. Cela lui permet de faire passerune loi autorisant les salariés des grandes entreprises à s’absenter pour des motifs familiauxou en cas d’urgence médicale. Après beaucoup de tergiversations avec le Pentagone, il réussitaussi à faire admettre les homosexuels dans l’armée. Cette politique du « on ne vous pose pasde questions, vous n’affichez pas vos convictions » est encore en vigueur. Au début de sonmandat, CLINTON adopte un mode de gouvernement très personnel ; alors que sesprédécesseurs déléguaient leur autorité et travaillaient par la voie hiérarchique, CLINTONs’appuie sur un nombre de confidents restreints dont sa femme Hillary. C’est elle qui prépareun projet de loi sur la sécurité sociale et l’assurance maladie qui est bloqué par le Congrès.L’une des conséquences est le renversement de majorité lors des élections partielles. Lesdisputes entre le président et le Congrès à majorité républicaine se traduisent par des retardsdans le vote du budget et le gouvernement se trouve dans l’obligation de fermer tous lesministères pendant plusieurs jours. En 1996, CLINTON réussit toutefois à se faire réélire bienque la majorité du Congrès reste républicaine. Ce dernier l’obligera à adopter un budget enéquilibre pour la première fois depuis 1969, au temps du président NIXON. CLINTON faitintervenir l’armée des États-Unis à plusieurs reprises. En 1994 les troupes américaines tentent635


de ramener la stabilité en Somalie en s’attaquant à un chef de guerre local ; ellesabandonneront après la mort de plusieurs dizaines de soldats dans un combat contre lesguérillas. L’armée intervient aussi à Haïti pour aider le président Jean-Bertrand ARISTIDEvictime d’un coup d’état. Les troupes américaines participent aussi aux missions de maintiende la paix au Kosovo. Enfin plusieurs raids sont effectués sur l’Irak en punitions desviolations des sanctions imposées par l’ONU après la Guerre du Golfe. CLINTON seraparticulièrement fier de l’accord qu’il obtiendra à Oslo entre les Israéliens et les Palestiniensmais admettra qu’il n’aura pas réussi à empêcher les massacres du Rwanda. C’est aussipendant ses mandats que des terroristes liés au mouvement Al-Qaida tenteront de détruire leWorld Trade Center à New York en faisant exploser une bombe dans les sous-sols, détruirontles ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie et réussiront à endommager un destroyeraméricain en escale au Yémen. Conformément à ses engagements de campagne, CLINTONéquilibre le budget et tente de contrôler le taux d’inflation. Pendant son mandat les États-Unisbénéficient d’une économie en expansion, d’une baisse du chômage et d’une augmentation dela richesse nationale due à la montée de la bourse. Bien qu’il soit difficile de dire dans quellemesure la politique en est directement responsable, Clinton, en quittant la présidence, setargue d’avoir réussi à : créer plus de 22 millions d’emplois ; permettre à un nombre recordd’Américains d’être propriétaires de leur maison ; abaisser le chômage au taux le plus basdepuis 30 ans ; augmenter les salaires à tous les niveaux ; rembourser 360 G$ de la dettenationale ; convertir un déficit budgétaire record en un surplus budgétaire record ; ramener lesdépenses fédérales à leur plus bas niveau depuis 30 ans ; diminuer les impôts ; permettre à unnombre record d’Américains de posséder des actions boursières. Premier présidentappartenant à la génération de l’après-guerre CLINTON apparaît comme différent de sesprédécesseurs. Il se conduit comme un homme du commun et le fait qu’il soit souvent clientdu McDonald's le rend sympathique auprès des couches populaires. Ses options politiques setraduisent par des phrases courtes semblables à des couplets de chansons à la mode et sesdétracteurs l’appellent « le président MTV ». Il réussit toutefois à faire voter un grand nombred’électeurs de la jeune génération dont beaucoup lui donnent leur voix. Il est aussi trèspopulaire auprès des noirs-américains qui le considèrent comme l’un d’entre eux « sa mère l’aélevé seule, il est né pauvre dans une famille ouvrière, il joue du saxophone et il adore lessandwiches à la McDo ».Sa femme, Hillary, joue un grand rôle dans son gouvernement et estvivement critiquée. Beaucoup de gens considèrent le couple comme des partenaires politiqueset certains pensent même que c’est Hillary qui « porte la culotte ». La bonne société,conservatrice, a du mal à accepter les frasques de CLINTON dans les années 1960, l’èrehippie, même si ces derniers ne se reconnaissent probablement pas en lui. CLINTON avaitréussi à ne pas être appelé sous les drapeaux en allant étudier à l’étranger pendant la Guerredu Viêt Nam et s’il a admis avoir essayé la marijuana, il affirme « ne pas avoir avalé lafumée ». De plus il se situe plutôt à droite des démocrates car il est favorable à la peine demort, à l’interdiction de laisser les adolescents traîner dans la rue, aux uniformes dans lesécoles et à d’autres lois que les jeunes n’acceptent pas ; il intensifie aussi la lutte contre ladrogue. Les conservateurs ne lui pardonneront jamais sa conduite des années 60 et lesémissions de radio où les auditeurs prennent la parole pour le critiquer connaîtront un regainextraordinaire pendant les années 90. Les Américains blancs du Sud considèrent, eux, queCLINTON les a trahis car s’il appartient à la classe populaire, il a fait des études dans lesmeilleures universités et a adopté des idées libérales. Il n’est pas conforme au modèle despoliticiens du Sud même si, au même moment, d’autres conservateurs tels que NewtGINGRICH, président de la Chambre des représentants, ont à faire face à des accusationssimilaires à celles de CLINTON. En fait ce n’est pas tellement sa morale qui est en questionmais plutôt son anti-conformisme. Dès le début de la campagne électorale de 1992, desrumeurs courent sur les liaisons extraconjugales de CLINTON. L’une de ses anciennes636


collaboratrices, Paula JONES, l’accuse de harcèlement sexuel et d’autres aventures sontrendues publiques en particulier lorsque l’enregistrement d’une conversation téléphoniqueentre Monica <strong>LE</strong>WINSKY et une de ses amies révèle qu’elle aurait pratiqué des fellationsalors qu’elle était stagiaire à la Maison-Blanche. Dès le début de sa présidence CLINTONdoit faire face à de nombreuses attaques personnelles de la part de ses adversaires politiques.On l’accuse d’avoir reçu des donations illégales pendant sa campagne électorale en particulieren provenance de la Chine communiste. On ressort des dossiers sur des contrats douteux qu’ilaurait passé pendant ses mandats de gouverneur en Arkansas. L’une de ses anciennescollaboratrices l’accuse de harcèlement sexuel. Ces accusations sont tellement nombreusesque ses partisans sont persuadés qu’il s’agit d’une conspiration nationale menée par lesrépublicains à des fins purement politiques. Toutefois au cours de ces enquêtes le procureurKenneth STARR découvre que CLINTON a eu des relations sexuelles avec une stagiaire de laMaison-Blanche, Monica <strong>LE</strong>WINSKY. CLINTON nie ces relations alors qu’il témoigne sousserment ce qui permet au Congrès d’entamer une procédure de destitution sur une accusationde parjure et d’obstruction de l’instruction. Le vote est strictement politique, beaucoup desénateurs et de représentants rendant public leur intention de vote avant que le procès ait lieu.En finale, les républicains voteront pour la destitution et les démocrates contre, mais commela majorité requise dans ce cas est des deux tiers CLINTON restera président. Commebeaucoup d’anciens présidents, CLINTON, après son mandat, est devenu un conférencierrecherché et ses interventions lui rapportent beaucoup d’argent. Il discourt sur les problèmespolitiques d’actualité et il a soutenu la candidature de sa femme au siège de sénateur de l’Étatde New-York en ouvrant son bureau à Harlem, le quartier noir de Manhattan. En juin 2004,CLINTON publie ses mémoires dans un livre intitulé « Ma vie ». Ce livre reste longtemps entête des meilleures ventes, en particulier sur les sites Internet. Le 26 juillet 2004, il s’adresse àla Convention nationale du Parti démocrate, pour la cinquième fois de suite, en soutien ducandidat John KERRY. De nombreux critiques considèrent son discours comme l’un desmeilleurs. Il y critique le candidat républicain George W. BUSH en ces termes « l’utilisationde la force et de l’intelligence ne sont pas forcément exclusives l’une de l’autre ». Enseptembre 2004, pendant la campagne électorale, il subit une intervention à cœur ouvert et leschirurgiens affirment qu’il aurait subi une attaque cardiaque majeure à brève échéance s’iln’avait pas été opéré. Peu de temps après la catastrophe, du 26 décembre 2004, il est nomméémissaire spécial de l'ONU pour l'aide humanitaire aux pays frappés par les raz de marée. (Ill'est toujours au 30 novembre 2005). Bill CLINTON dirige actuellement une fondation trèsactive, notamment dans la lutte contre le SIDA au sein des pays du Tiers-Monde. Les rumeurscontinuent à courir sur son futur politique. Certains le voient au poste de Secrétaire généraldes Nations Unies.CLOWER, Robert (1926- ) soutenu dans le pullman Washington, il a reçu un diplôme del'université d'Oxford. Ses premiers travaux à l'université du nord-ouest l'ont mis en contactavec Axel <strong>LE</strong>IJONHUFVUD, un étudiant alors (mais apparemment, CLOWER n'était pas sonmentorat). Il était plus en retard pour enseigner à UCLA (encore, avec <strong>LE</strong>IJONHUFVUD)avant de s'établir vers le bas en Caroline Du sud. Les premiers travaux de CLOWER sur desstocks et des écoulements ont indiqué que quelque chose était en effet de travers dans la "synthèse de Neoclassical-Keynésien" orthodoxe. En 1965, il a produit son article célèbre "laContre-révolution keynésienne" qui a souligné la façon contradictoire dont des scienceséconomiques et la théorie néoclassiques de Keynésien avaient été synthétisées. Il a accentuél'absence d'une théorie keynésienne microeconomically-fondée. Parmi les multiplesrésolutions il a proposé était une reconstruction de la micro-économie pour expliquer lescontraintes imposées par une demande efficace - "l'hypothèse duelle de décision". La"contrainte de CLOWER" célèbre (ou "Argent-Dans-Avancez la contrainte") a été présentée637


par CLOWER dans 1967 comme expression de la contrainte effective de demande. Lesrésultats de la théorie de CLOWER étaient une approche de "déséquilibre" à une synthèse deWALRAS-KEYNES. Le travail d'Axel <strong>LE</strong>IJONHUFVUD et les premiers travaux del'approche de Robert CLOWER utilisé par BARRO. L'école européenne d'"Non-Walrasian "de la macro-économie également formalisée et prolongée plusieurs des propositions deCLOWER.COHEN Élie, (né en 1952) est diplômé de l'IEP Paris, Docteur en Gestion et titulaire d'uneHDR en Science Politique, il a entrepris une double carrière de chercheur et d'enseignant dusupérieur. Élève chercheur à l'École des Mines, puis Chargé de recherche au Centre deSociologie de l'Innovation de l'École des Mines, il a ensuite rejoint le CNRS comme Directeurde recherche, d'abord au groupe d'Analyse des Politiques Publiques de Paris 1, puis auCevipof. Comme Maître de conférences puis Professeur, Élie COHEN a enseigné à l'IEP, àl'École Normale Supérieure, à l'ENA, à Harvard et au Collège des Ingénieurs. Depuis 1997, ilest membre du conseil d'Analyse Économique. Auteur de multiples articles dans les revuesscientifiques, Élie COHEN a publié plusieurs ouvrages d'économie industrielle et depolitiques publiques, parmi lesquels "L'état brancardier : les politiques du déclin industriel"(Calmann Lévy - 1989), "Le colbertisme high tech : économie du grand projet télecom"(Hachette Pluriel - 1992), "La tentation hexagnale : la souveraineté à l'épreuve de lamondialisation" (Fayard - 1996) et "L'ordre économique mondial" (Fayard - 2001).COUPE, Annick est porte-parole depuis 2001 de l'Union syndicale Solidaires (ancien"Groupe des Dix); organisation syndicale d'environ 80 000 adhérents. Elle est née le 4 août1953 à Falaise (Calvados), elle est issue d'une famille de petits commerçants. Elle a eu un brefengagement maoïste dans la foulée de mai 68. De 1972 à 1976 elle est caissière à Caen, elleentre à la CFDT. De 1976 à 1978 elle est institutrice remplaçante à Paris. Depuis 1978 elle estemployée de La Poste (services financiers postaux parisiens) - catégorie B. De 1982 à1984 elle est secrétaire départementale de la CFDT des services financiers de la Poste à Paris.De 1984 à 1988 elle est secrétaire régionale de la CFDT - PTT en Ile de France, fin 88 elle estexclue de la CFDT avec plusieurs centaines de militants en Ile de France. En décembre1988 elle cofonde la Fédération SUD PTT. De 1989 à 1999 elle est Secrétaire générale deSUD-PTT (SUD : Solidaires - Unitaires - Démocratiques). En 2001 elle devient porte-parolede l'Union Syndicale G10 Solidaires (qui deviendra ensuite Union syndicale Solidaires), ellesuccède à Gérard GOURGUECHON. Actuellement toujours membre du bureau fédéral deSUD PTT et porte parole de l'Union syndicale interprofessionnelle Solidaires (qui regroupeaujourd'hui 40 organisations nationales : les différents syndicats SUD ( PTT, SNCF,éducation, chimie/pharmacie, santé sociaux, culture, travail, ANPE...) et d'autres syndicatsnon confédérés (SNUI-Impôts, SNABF Solidaires, SUD Caisse d'Epargne...), elle est aussiengagée dans le combat féministe, puisqu'elle a été confrontée à la question de l'IVG avant salégalisation. Elle a fait intégrer les valeurs du féminisme par Sud-PTT. Elle a signé l'Appeldes 200 pour le rejet du projet de constitution européenne au referendum du 29 mai 2005. Elleest également impliquée dans le cadre de son mandat syndical participe à divers mouvementssociaux : AC!, ATTAC, le collectif national pour les droits des femmes, actions de soutienaux sans papiers ou aux luttes de l'association Droit au logement, comité national de soutien àla Confédération Paysanne et aux inculpés de Millau..., campagne contre le Traitéconstitutionnel européen (elle a signé l'Appel des 200 pour le rejet du projet de constitutioneuropéenne au referendum du 29 mai 2005). Elle a par ailleurs contribué à la réussite desForums sociaux européens notamment en participant au secrétariat du Forum social européende Paris/St-Denis en 2003.638


COUSSY Jean a obtenu son doctorat en économie à l'université Paris I et le diplôme duCEPE (Centre d’études des programmes économiques). Il a été enseignant en économiepolitique internationale à l'EHESS et en économie et démographie à l'IEP de Paris, à l'ENA età l'université de Paris X. Il a été consultant pour la Banque mondiale, l'UE, l'UNESCO,l'OCDE, le MAE (CAP) et le ministère de la Coopération. Il est co-directeur de la revueEconomies et Sociétés (en charge de la collection: "Relations Economiques Internationales")et membre du comité de rédaction de Mondes en développement.CRESSON, Édith née en 1934 à Boulogne-Billancourt, est une femme politique française.C'est la seule femme à avoir accédé au poste de Premier ministre de la France. Son père,Gabriel CAMPION (1896-1959), grand bourgeois de tendance gauche SFIO, est inspecteurdes finances. Détaché à l'ambassade de France à Belgrade sous le régime de Vichy, il devientensuite directeur des finances du secours national puis président de la Société française debanque et de dépôts. Avec son époux, Jacques CRESSON, fils de médecin et directeur del'exportation de Peugeot, elle a deux filles. Diplômée d'HECJF (École de Haut EnseignementCommercial pour Jeunes Filles) et Docteur en démographie. Édith CRESSON adhère en 1965à la Convention des institutions républicaines, de 1975 à 1981, elle est membre du comitédirecteur du parti socialiste. En 1975, elle connaît son premier contact avec le suffrageuniversel. Elle se présente à Châtellerault contre le ministre de la coopération Pierre ABELIN.Elle est battue de justesse. Lors des élections municipales de 1977, elle est élue maire deThuré (commune de la banlieue de Châtellerault). Un an plus tard, elle échoue lors d'uneélection cantonale partielle, elle est victime d'un mauvais report de voix communistes. Lamême année, elle est battue aux législatives par Jean-Pierre ABELIN mais elle le battra en1981 et 1988. Lors de son passage au gouvernement elle renforce sa position locale, étant élueconseillère générale en 1982 (réélue en 1988 et 1994) puis maire de Châtellerault en 1983(réélue en 1989 et 1995). Elle ne se représente pas aux législatives en 1993 dans la Vienne.En décembre 1997, Lionel JOSPIN lui demande de quitter son mandat de maire pour cause decumul des mandats ; son premier adjoint Jöel TONDUSSON la remplace et elle devientadjointe au maire (elle sera réélue en 2001). Puis elle démissionnera du conseil général en1998 - toujours pour cause de cumul des mandats. Elle est la première femme à se voir confierle ministère de l'Agriculture. De 1991 à 1992, Edith CRESSON est la première femme àaccéder au poste de Premier ministre de la République française. Son passage à Matignon nedurera que dix mois (suivie par Pierre BEREGOVOY le 2 avril 1992), son manque dediplomatie (« La majorité des hommes [dans les pays anglo-saxons] sont homosexuels – peutêtrepas la majorité – mais aux USA il y en a déjà 25 %, et au Royaume-Uni et en Allemagnec’est bien pareil. Vous ne pouvez pas imaginer ça dans l’histoire de France… Je considèrequ’il s’agit d’une sorte de faiblesse. » Elle a également qualifié publiquement les Japonais de« fourmis jaunes. ») l'ayant rendue extrêmement impopulaire. Nommée à la Commissioneuropéenne, Edith CRESSON a été chargée de la Science, de la Recherche et duDéveloppement de janvier 1995 à septembre 1999 : elle s'occupe principalement desquestions d'éducation, de formation et de recherche. Elle fut, quatre ans plus tard, à l'originede la spectaculaire démission collective de cette instance, étant elle-même mise en cause etinculpée pour des affaires de corruption par la justice belge, qui abandonnera par la suite sespoursuites. Le 23 février 2006 la Cour de Justice européenne prononce son arrêt dans le cas deLa Commission européenne contre M me CRESSON et la République française. Elle adémissionné du gouvernement Rocard, en raison de ses dissensions avec le Premier ministre.Elle doit en partie à cela sa nomination à la tête du gouvernement, outre son caractère inéditévident. En tant que Premier ministre, elle est à l'origine du transfert de l'École nationaled'administration à Strasbourg. Elle a lancé un projet de modification du mode de scrutinsénatorial, en prenant de front les membres de la Haute assemblée. Après l'hécatombe de la639


gauche aux élections régionales de mars 1992, le Président MITTERRAND la remplace le 2avril 1992 par Pierre BEREGOVOY. Elle s'offusque de sa marionnette au Bébête Show, lapanthère Amabotte. Son expérience a fait l'objet d'un livre d'Élisabeth SCHEMLA, EdithCRESSON la femme piégée. Le 11 juillet 2006, la Cour de justice européenne a jugé,l'ancienne Premier ministre française coupable de favoritisme lorsqu'elle était commissaireeuropéen. Elle a enfreint ses obligations de commissaire en engageant comme membre de soncabinet l'une de ses connaissances proches, René BERTHELOT, un chirurgien-dentiste decarrière. La Cour européenne l'a dispensée de toute sanction pécuniaire, alors que laCommission, demandait la suppression totale de ses droits à la retraite tandis que l'avocatgénéral de la Cour prônait la réduction de moitié de ses émoluments et avantages.CROZIER Michel est un sociologue français, né le 6 novembre 1922 à Sainte-Menehould(Marne). Il mène une carrière de chercheur au CNRS où il occupe des postes successifs entant qu’attaché de recherche en 1952, chargé de recherche en 1954, maître de recherche en1964, directeur de recherche en 1970 puis directeur de recherche émérite en 1980. Il estdiplômé d'HEC, docteur en Droit en 1949, docteur ès Lettres en1969, fondateur du Centre deSociologie des Organisations (CSO) en 1961, qui fut transformé en laboratoire CNRS en1976, dont il fut directeur jusqu'en 1993. Il est professeur de Sociologie à l'Université de ParisX-Nanterre en 1967-68, président de la Société française de sociologie en 1970-72, fondateurdu DEA de Sociologie de l'Institut d'Etudes Politiques (IEP) de Paris en 1975-82, en relationétroite avec le CSO.DALADIER Édouard (1884-1970), Homme politique français, député radical, ÉdouardDaladier a été ministre de la Défense et président du Conseil à plusieurs reprises dans lesannées 30. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il fait partie du gouvernement et à cetitre, il est arrêté par le régime de Vichy en septembre 1940. Jugé, il est déporté enAllemagne de 1943 à 1945. Après la guerre, il devient député radical du département duVaucluse de 1946 à 1958, date de sa retraite politiqueDEAT Marcel (1894-1955) est un homme politique français d'abord membre du partisocialiste, il se montra, dès le milieu des années 30, favorable à une politique de compromisavec l'Allemagne. Il a été député SFIO de 1926 à 1928 et de 1932 à 1936, ministre de l’air en1936, dans le cabinet Sarraut, député "rassemblement anticommuniste" en 1939, ministre dela guerre et de la solidarité nationale sous le régime de Vichy. Il est également le fondateur en1941 du Rassemblement National Populaire, un parti collaborationniste, socialiste etEuropéen. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il se rallie complètement aux idées dunationalisme. En mars 1944, il devient secrétaire d'Etat au travail et à la solidarité nationale. Ala Libération, il se réfugie en Allemagne, puis en Italie. Il est recueilli dans un monastère prèsde Turin : il y termine sa vie en 1955 sous un nom d'emprunt.DEBRÉ Michel (1912-1996); Élu en 1988 au fauteuil 1. Né le 15 janvier 1912, à Paris.Son père, le professeur Robert DEBRE, membre de l'Académie de médecine et de l'Académiedes Sciences, a été le fondateur de la pédiatrie française avant d'être le rénovateur des étudesmédicales. Sa mère, Jeanne DEBAT-PONSAN, fut l'une des premières femmes internes etchefs de clinique des hôpitaux de Paris. Études au lycée Montaigne, puis au lycée Louis leGrand, licencié et diplômé de l'École libre des Sciences politiques ; au cours de son servicemilitaire, élève à l'École de Saumur et de Cavalerie ; puis docteur en droit. Il est reçu à vingtdeuxans au concours de l'Auditorat au Conseil d'État. Mobilisé en 1939, instructeur desélèves-officiers de cavalerie, puis affecté à une unité combattante. Fait prisonnier en juin1940, évadé en septembre. Au cours des années 1940, 1941 et début 1942, tout en poursuivant640


officiellement une carrière administrative, il participe de diverses façons à la Résistance.Membre du Comité général d'études et du mouvement « Ceux de la Résistance », il estcontraint, au début de l'année 1943, à une clandestinité totale. Il vivra désormais sousplusieurs noms, notamment celui de JACQUIER. Il sera, en juillet 1943, chargé par legouvernement du général DE GAUL<strong>LE</strong>, de la nomination de préfets et commissaires de laRépublique pour le jour de la Libération. En août 1944, il est lui-même commissaire de laRépublique pour la région d'Angers. Appelé par le général DE GAUL<strong>LE</strong>, il dirige unemission de réforme administrative et, à ce titre, crée l'École nationale de l'administration, ennovembre 1945. Le départ du général DE GAUL<strong>LE</strong> le restitue à la fonction publique. Il esttotalement secrétaire général aux Affaires allemandes et autrichiennes. Il adhère auRassemblement du Peuple Français dès sa création. Élu sénateur d'Indre-et-Loire en octobre1948, réélu en 1955, il sera pendant dix ans un orateur écouté de l'opposition. Il participe à lalutte contre la Communauté européenne de la défense et se situe au premier rang desadversaires à la fois de la supranationalité et de l'intégration atlantique. Il critique vivementl'absence de politique gouvernementale, notamment en Algérie. Après le retour du général DEGAUL<strong>LE</strong> en mai 1958, garde des Sceaux, il a la charge de rédiger la Constitution, et procèdeà une importante réforme de l'administration de la justice. Premier ministre de janvier 1959 àavril 1962, il fait face au redressement économique de la France, à la naissance de la force dedissuasion et au règlement de la guerre d'Algérie. Son temps à l'hôtel Matignon est marquépar de multiples réalisations qui vont de l'établissement de la paix scolaire à la naissance duCentre national d'études spatiales. Il quitte ses fonctions de Premier ministre en avril 1962.Après un échec en Indre-et-Loire, il est élu député de la Réunion en 1963 ; il exercera sonmandat de député pendant vingt-cinq ans et dans le même temps sera maire d'Amboise etconseiller général d'Indre-et-Loire. Il est de nouveau ministre du général DE GAUL<strong>LE</strong>:ministre de l'Économie et des Finances, janvier 1966-juin 1968 ; ministre des Affairesétrangères, juin 1986-avril 1969 ; enfin, après le départ du général, ministre d'État, chargé dela défense nationale pendant quatre ans. Il quitte définitivement le gouvernement de la Franceen 1973 et cesse volontairement d'appartenir au Parlement en juin 1988. Au cours des quinzeannées, de 1973 à 1988, il entreprend de nombreuses campagnes notamment contre l'inflationet pour le retour à un système monétaire international, contre la supranationalité européenne,et pour le redressement industriel de la France dans un temps qu'il est le premier à appeler deguerre économique. Son analyse de la situation démographique le met au premier rang dans lalutte pour une politique familiale. Élu, le 24 mars 1988, à l'Académie française, au fauteuil duduc Louis de BROGLIE (1 er fauteuil) et reçu sous la coupole le 19 janvier 1989 par leProfesseur Jean BERNARD. Il est mort le 2 août 1996.DELORS, Jacques né le 20 juillet 1925 à Paris, est un économiste et homme politiquefrançais. Il fut ministre français et président de la Commission européenne. Jacques DELORSest un bâtisseur de l'Union européenne. Rattaché à l'origine à la famille de pensée démocratechrétienneet syndicale, il débute sa carrière en tant que rédacteur à la Banque de France. Il estrapidement remarqué et devient expert économique à la CFTC. Il entre ensuite auCommissariat général au Plan puis est appelé au cabinet de Jacques CHABAN-DELMAS,Premier ministre de 1969 à 1972. À ce titre, il influence grandement le projet de « Nouvellesociété » que souhaitait promouvoir celui-ci. Il fut également professeur associé à l'UniversitéParis-Dauphine, de 1974 à 1979. Quelques années plus tard, il rejoint la famille de penséesocialiste. Il entre au parti en 1974, est élu député européen de 1979 à 1981, mandat dont ildémissionne après sa nomination dans le premier gouvernement de François MITTERRAND.De 1981 à 1984, il fut successivement du 22 mai 1981 au 23 juin 1981 ministre del'Économie et des Finances, dans le gouvernement Pierre MAUROY, du 23 juin 1981 au 22mars 1983 ministre de l'Économie et des Finances, dans le gouvernement Pierre Mauroy . À641


ce titre, il est l'un des initiateurs du virage de la rigueur de 1982 ; du 22 mars 1983 au 17juillet 1984 ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, dans le gouvernement PierreMAUROY .Il ne fut pas reconduit dans le gouvernement dirigé par Laurent FABIUS, ayantété pressenti, par accord guidé par François MITTERRAND et Helmut KOHL, chancelierouest-allemand, pour devenir président de la Commission européenne de janvier 1985 àdécembre 1994, succédant au luxembourgeois Gaston THORN, et précédant leluxembourgeois Jacques SANTER. Il est l'instigateur du livre blanc de la Commissionrecommandant la création d'un grand marché européen régulé par la mise en place desolidarités nouvelles. Ce livre blanc débouche sur la signature de l'Acte unique en février1986. Viennent ensuite l'adoption du paquet Delors I et du paquet Delors II.Un temps favori des sondages dans la perspective de l'élection présidentielle de 1995, ilrenonça à présenter sa candidature, le 11 décembre 1994 (sûrement pour ne pas gêner lacarrière de sa fille Martine AUBRY, et aussi pour des raisons politiques à plus court terme : ilsut que, s'il parvenait à l'Elysée, il ne pourrait ni gouverner avec la majorité en place ni faireen sorte que les Français en élisent une autre, conforme à ses vues, héritées de son passé deministre de François MITTERRAND, de conseiller de Jacques CHABAN-DELMAS àMatignon, de socialiste proche des démocrates-chrétiens du CDS). Il est président fondateur,actuellement (juillet 2006) membre du conseil d'administration du think tank Notre Europe,ainsi que membre d'honneur de l'Institut Aspen France. Il est membre honoraire du Club deRome.DEVEDJIAN, Patrick, né le 26 août 1944 à Fontainebleau (Seine-et-Marne), est avocat ethomme politique français, membre de l'Union pour un mouvement populaire (UMP). Titulaired’une maîtrise de droit à la faculté de droit d'Assas. Avocat au barreau de Paris depuis 1970, ila notamment défendu Jacques CHIRAC. En 1964, Patrick DEVEDJIAN, ainsi qu’AlainMADELIN, Hervé NOVELLI, Claude GOASGUEN et Gérard LONGUET, qui ont alors unevingtaine d'années, rejoignent le groupe activiste d’extrême droite Occident fondé par PierreSIDOS. Patrick DEVEDJIAN affirme avoir quitté ce mouvement en 1966 suite à sa rencontreavec Raymond ARON. Cependant, selon Libération, il est membre de ce mouvement aumoins jusqu'en janvier 1967, son éloignement d'Occident étant dû au climat délétère qui règneen son sein à cette époque. Il a depuis publiquement assumé et regretté ce qu'il considèrecomme une erreur de jeunesse. En 1970, il dirige la revue Contrepoint, qui fut l'ancêtre deCommentaire. Anti-communiste, il est élu maire D'ANTONY (Hauts-de-Seine) en 1983. Ilnomme Jean-Yves <strong>LE</strong> GALLOU comme adjoint à la culture, puis l'exclut de la majoritémunicipale quand celui-ci adhère au Front national en 1984. Élu député en 1986, il estmembre jusqu'en 2002 de la commission des finances. Rapporteur des accords du GATT en1993 puis du budget de la Justice entre 1997 et 2002, il est l'un des rares parlementaires duRassemblement pour la République (RPR) à avoir voté en faveur du traité de Maastricht en1992. Au sein du RPR, il est classé parmi les libéraux et est, en 1995, avec NicolasSARKOZY, un fervent partisan d'Édouard BALLADUR à l'élection présidentielle de 1995.Comme une partie des balladuriens, il est mis sur la touche à la victoire de Jacques CHIRAC,avant de rentrer en grâce durant la campagne présidentielle de 2002. Après la victoire de ladroite en 2002, sous l'autorité de Nicolas SARKOZY, alors ministre de l'Intérieur, il estnommé ministre délégué aux Libertés locales puis, lorsque ce dernier est nommé à l'Économieet aux Finances, comme ministre délégué à l'Industrie. Il quitte ce poste pour l'UMP lorsqueNicolas SARKOZY démissionne pour en prendre la présidence. Celui-ci incarne, selon lui,une politique de droite « décomplexée » et libérale. Comme Conseiller politique de NicolasSARKOZY, Patrick DEVEDJIAN est un des premiers membres de l'UMP à se prononcerpubliquement pour le retrait du CPE bien qu'il ait préalablement défendu à plusieurs reprisescette mesure 6 , issue d'une convention de son parti. Le 6 septembre 2005, il affirme que642


Jacques CHIRAC souhaite se représenter à l'élection présidentielle de 2007. Engagé au seinde la communauté arménienne de France, dont il est issu, il milite notamment pour lareconnaissance du génocide arménien par la Turquie. En 1985, Patrick DEVEDJIAN qualifiede « résistance » les actions de l'organisation terroriste Armée secrète arménienne delibération de l'Arménie (ASALA). Un hebdomadaire turc rapporte les propos qu'aurait tenusPatrick Devedjian à ce sujet, en 1983. Patrick DEVEDJIAN milite contre l'entrée de laTurquie dans l'Union européenne, estimant qu'elle ne respecte pas encore les critères deCopenhague. Selon lui, la Turquie n'assume pas son passé (négation du génocide arménien),ne reconnaît pas certains États membres de l'Union européenne (la République de Chypre) etpersécute certaines minorités (les Kurdes). Patrick DEVEDJIAN est membre du Mouvementeuropéen-France depuis le début des années 1990. Il en a été le vice-président jusqu'en 2002.Par ailleurs il a été membre de la Commission Trilatérale, et invité aux Bilderberg Meetingsen 1993 et en 2006 (Michel BARNIER était également présent ; tous deux sont les conseillerspolitiques officiels de Nicolas SARKOZY pour l'élection présidentielle de 2007).DE GAUL<strong>LE</strong> Charles (1890-1970). Issu d'une famille bourgeoise du nord de la France,saint-cyrien, Charles DE GAUL<strong>LE</strong> participe à la Première Guerre mondiale en tantqu'officier. Il est plusieurs fois blessé et fait prisonnier. Entre les deux guerres, il enseigne àl'école de guerre où il défend une stratégie nouvelle de guerre de mouvement. Mais il n'est passuivi par l'état-major français. Sous-secrétaire d'Etat à la guerre en 1940, il est hostile àl'armistice et rejoint Londres dès le 17 juin 1940. Le 18 juin 1940, il lance son célèbre appel àla BBC. Il organise dès lors la résistance extérieure, puis intérieure notamment grâce à JeanMOULIN. Il s'impose à la tête de la France libre malgré les Américains qui lui ont opposé en1943 le général GIRAUD. A la Libération, DE GAUL<strong>LE</strong> devient chef du gouvernementprovisoire de la République Française (GRPF). A ce poste qu'il occupe de 1944 à 1946, ilréorganise la France avec l'aide des forces politiques issues de la résistance. En désaccord surla IV e République avec les principaux partis politiques, il démissionne en janvier 1946. Aprèsune "traversée du désert" de 12 ans qu'il met à profit pour créer un parti, le RPF(Rassemblement du Peuple Français) il revient au pouvoir en mai 1958 à l'occasion de la crisealgérienne. Il devient président du Conseil, rédige une nouvelle constitution qui fonde la V eRépublique. DE GAUL<strong>LE</strong> est le premier Président de la République de la V e République. Ilmet fin à la guerre d'Algérie (mars 1962), modifie la Constitution pour permettre l'élection duPrésident de la République au suffrage universel (octobre 1962). Président de la Républiquede 1958 à 1969, DE GAUL<strong>LE</strong> mène une politique d'indépendance et de prestige extérieur dela France. DE GAUL<strong>LE</strong> est cependant affaibli par les progrès de la gauche et par lesévénements de mai 1968. En avril 1969, les Français répondent majoritairement "Non" à unréférendum où DE GAUL<strong>LE</strong> soutient le "Oui". DE GAUL<strong>LE</strong> tire les conséquences de cetéchec personnel : il démissionne le 27 avril 1969 et se retire de la politique. Il meurt le 9novembre 1970.DE MAN, Henri né à Anvers le 17 novembre 1885, décédé à Greng près de Morat (Suisse) le20 juin 1953 est un homme politique belge qui devint l'un des théoriciens en vue dusocialisme durant la dépression des années 1930.Petit-fils, par sa mère, du poète flamand JanVAN BEERS. Il devient professeur de psychologie sociale, il fut le vice-président puis leprésident du Parti ouvrier belge. A la mort d' Emile VANDERVELDE en 1938, il en devint leprésident. Pour des raisons à la fois intellectuelles (l'importance accordée à la psychologie,aux phénomènes nationaux), et pragmatiques (l'échec de son Plan du Travail), il s'éloigne dumarxisme et de la démocratie pour finir par se ranger dans une vision politique peu éloignéedu fascisme. Durant la campagne des dix-huit jours il fut aux côté de Léopold III, le poussant(selon Henri BERNARD), à la capitulation. Après celle-ci il publia un Manifeste à l'intention643


des membres du POB qui était favorable aux Allemands, estimant que pour les classeslaborieuses, la défaite était l'écroulement d'un monde vermoulu et que loin d'être un désastre,elle était une Libération. Après la guerre, il fut condamné pour trahison mais il était déjà exiléen Suisse. Il meurt en 1953 dans un accident de chemin de fer.DE ROBIEN Gilles (1941- ) après des études de droit, il exerce depuis 1965 la professiond’agent général d’assurances à Amiens. M. DE ROBIEN est Député de la 2èmecirconscription de la Somme depuis 1986. Il est aussi membre de la Commission des Financeset de la Commission d’enquête sur les causes, les conséquences et la prévention desinondations à l’Assemblée nationale. Il a en outre assuré les fonctions de Vice-président del’Assemblée nationale de 1993 à 1998. Gilles DE ROBIEN est Maire d’Amiens dans laSomme, depuis 1989. Il est Président de la Communauté d’Agglomération Amiens-Métropole. Il a été Conseiller régional de Picardie en 1992. Il est l’auteur de la loi du 11 juin1996 sur l’aménagement et la réduction du temps de travail, dite « loi Robien ». En 2002-2005 il est ministre de l’Equipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Meril est, depuis juin 2005 ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et dela Recherche Au niveau politique Gilles DE ROBIEN devient en 1990 membre du Bureauexécutif et du Comité directeur du Parti Républicain. Il siège parallèlement au ConseilNational et au bureau politique de l’U.D.F., à partir de 1991. Depuis le 29 novembre 1998, ilest membre du Bureau Politique et Vice-président de l’U.D.F. Il occupe les fonctions deprésident du Groupe U.D.F. à l’Assemblée nationale de 1995 à 1997.DOUMERGUE, Gaston né le 1 er août 1863 à Aigues-Vives (Gard) près de Nîmes, mort le 18juin 1937 dans la même commune, est un homme d'État français. Sa carrière culmina avecson élection à la présidence de la République le 13 juin 1924 (mandat achevé le 13 juin 1931).La gauche, qui avait obligé Alexandre MIL<strong>LE</strong>RAND à démissionner, croyait pouvoir porterPaul PAIN<strong>LE</strong>VE à la présidence, mais la droite déjoua ses ambitions en se reportantmassivement sur Gaston DOUMERGUE, qui bénéficiait déjà d'une partie des voix de gauche.Sa bonhomie et son sympathique accent du midi le rendirent vite populaire, au point qu'aprèsles événements sanglants du 6 février 1934, on le rappela comme président du Conseil pourformer un gouvernement d'union nationale où se côtoyaient TARDIEU et HERRIOT. Cettetentative ne réussit pas : en mauvaise santé, il lui fut difficile d'arbitrer à l'intérieur d'un de cescabinets dans lesquels on met généralement les plus grands espoirs parce qu'ils symbolisentl'unité de la nation, mais qui sont en réalité composé de ministres venus de tous les bords del'échiquier politique et qui ne s'entendent pas. Il fut d'ailleurs affaibli par l'assassinat de LouisBARTHOU, le 9 octobre, et préféra démissionner peu après. VIVIANI disait de lui : « Dansune démocratie bien organisée DOUMERGUE serait juge de paix en province. » On ne saitpas ce qu'aurait été VIVIANI. Gaston DOUMERGUE est à ce jour, le seul Président de laRépublique française de confession protestante.D’ORNANO Michel, Comte, homme politique français, né à Paris le 12 juillet 1924, mort àSaint-Cloud le 8 mars 1991. Descendant de Marie WA<strong>LE</strong>WSKA et du MaréchalD'ORNANO, fils du comte Guillaume D'ORNANO (1894-1985) cofondateur des parfumsLancôme, Michel D'ORNANO débute, parès le Lycée Carnot et des études de droit, unecarrière d'industriel dans la parfumerie, avec son père et son frère, Hubert, en créant la société"Jean D’ALBRET-ORLANE". Il débute la politique en 1962 en accédant à la mairie deDeauville, lieu de villégiature de ses parents. Il devient ensuite député (1967) puis conseiller(1976) puis président du conseil général du Calvados (1979), et enfin président de la régionBasse-Normandie (1983) dont il a été éphémèrement le premier en 1974 avant d'être nommé644


ministre. La région lui doit alors la desserte Paris-Caen-Cherbourg par turbotrain,l'implantation de l'accélérateur de particules GANIL à Caen et la construction de l’autoroutede Normandie, et, bien sûr, le Festival du cinéma américain de Deauville. « Le Duc deNormandie » crée autour de lui un clan qui fait de lui l'homme fort de la Basse-Normandiependant 30 ans. Il installe sa femme, Anne D'ORNANO, à la mairie de Deauville en 1977, eten 1986, frappé par le cumul de mandat, propose la présidence de région à René GARREC. Àsa mort en 1991, renversé par une voiture en traversant la chaussée à Garches, NicoleAMELINE, sa suppléante, devient députée, sa femme devient présidente du conseil généraldu Calvados. Sur le plan national, il est un ami fidèle de Valéry GISCARD D'ESTAING. Ilfonde avec ce dernier les Républicains indépendants (RI), puis adhère à l’UDF. Cela luivaudra d'être ministre durant toute la présidence de celui-ci, aux portefeuilles successivementde l'Industrie et de la recherche, des Affaires Culturelles, et de l'Environnement et du cadre devie. Michel D'ORNANO sera le candidat désigné par les Républicains Indépendants en 1977pour tenter d'emporter la mairie de Paris. Arrêtant son choix sur le XVII e arrondissement dansun premier temps, il se présentera finalement dans le XVIII e où il sera battu par la listesocialiste conduite par Lionel JOSPIN, Daniel VAILLANT et Bertrand DELANOË.L'élection restera marquée par le duel avec Jacques CHIRAC, autre candidat de droite,cherchant à atteindre GISCARD dans la perspective de l'élection présidentielle de 1981. Il futaussi vice-président de la Socpresse.ENGELS Friedrich (1820-1895); Le nom de Friedrich ENGELS est généralement associé àcelui de Karl MARX dont il fut toute la vie l’ami et le collaborateur comme fondateur de ladoctrine marxiste et comme dirigeant des luttes de la classe ouvrière au sein des deuxpremières Internationales. Non seulement la vie bien que longue, active et même non dénuéed’épisodes héroïques, peut ici s’effacer tout entière devant l’œuvre théorique et politique,mais celle-ci est, pour l’essentiel, inséparable d’un travail collectif. Insistant sur ce point dansl’article qu’il rédigea, en 1896, pour le Rabotnik, <strong>LE</strong>NINE comparait l’amitié de MARX etD’ENGELS à celles que rapportent les légendes antiques. Il n’y aurait là qu’unattendrissement oiseux si cette amitié n’avait été la forme dans laquelle ils vécurent uncommun dévouement à la cause historique du prolétariat, d’où procédèrent un style de travailthéorique et un mode de production intellectuelle profondément inédits, à la mesure ducaractère révolutionnaire de leur science. L’important n’est donc pas tant d’attribuer àENGELS une « originalité » personnelle qu’il a explicitement refusée, non plus évidemmentque de la lui contester pour rendre à MARX ce qui serait « purement sien », en opérant en faitdans le marxisme une sélection mécanique; il convient de montrer, à propos desinterventions D’ENGELS, le lieu d’une série de problèmes philosophiques, scientifiques etpolitiques restés en bonne partie ouverts, voire contradictoires, mais essentiels à laconstitution d’un matérialisme historique comme problématique d’ensemble. ENGELS naquità Barmen, en Rhénanie, dans une famille d’industriels filateurs qui étaient installés égalementà Manchester, en Angleterre. Pendant sa jeunesse, il étudia notamment la philosophie et futmembre actif de cercles « hégéliens de gauche » qui, « à l’aide d’armes philosophiques »,menaient la lutte démocratique pour la « destruction de la religion traditionnelle et de l’Étatexistant », celui de la réaction féodale prussienne. En 1842, il fut une première fois, àManchester, l’employé de la maison ERMEN et ENGELS, et put mener une enquêteapprofondie sur le développement du capitalisme en Angleterre, sur la situation du prolétariatindustriel anglais et ses tendances politiques. En même temps, il entra en relations avec desmilitants du mouvement ouvrier anglais et, d’intellectuel démocrate radical, commença ainside se transformer en révolutionnaire socialiste. Dans La Situation de la classe laborieuse enAngleterre (1845), ENGELS définit le concept de « révolution industrielle », montre que ledéveloppement du capitalisme anglais est un système dont l’exploitation et la misère du645


prolétariat font partie. Aussi le problème historique posé n’est-il pas d’atténuer cetteexploitation en secourant la misère du prolétariat. Inversement, le prolétariat n’est passeulement une classe qui souffre, mais une classe qui, inévitablement, entre dans une luttepolitique inconciliable avec le système social de production existant. Il ne doit attendre salibération que de lui-même; mais, dans cette lutte, il tend à la suppression des antagonismesde classe eux-mêmes, et il est donc le représentant de l’humanité tout entière, il réalise dans lapratique ce que la philosophie allemande n’avait su concevoir qu’en idée. ENGELS rencontraMARX à Paris en 1844. Entre 1845 et 1847, ils acquirent un rôle important dans lesorganisations ouvrières, parfois secrètes, qui travaillaient à Paris et à Bruxelles. Ils rédigèrent,pour le congrès de la Ligue des communistes, le Manifeste du Parti communiste, publié en1848. Pendant la révolution de 1848, ENGELS prit part à l’insurrection armée desrépublicains allemands dont il conduisit la retraite jusqu’en Suisse, d’où son surnom de« Général », et dont il explique l’échec dans Révolution et contre-révolution enAllemagne (1851-1852) d’abord publié sous le nom de MARX. Tandis que MARX, enémigré poursuivi par toutes les polices, se fixe à Londres, ENGELS est (jusqu’en 1870)associé à la direction de la succursale de Manchester de la maison ERMEN & ENGELS. Ilsubvient alors aux besoins de plusieurs émigrés socialistes allemands, à commencer parMARX et sa famille qui vivaient dans une profonde misère. Mais, dans le même temps, ilpartage la vie d’une ouvrière « immigrée » irlandaise (Mary BURNS). Son activitéindustrielle et commerciale lui permit de conduire une enquête permanente sur lefonctionnement du mode de production capitaliste, notamment en ce qui concerne larévolution industrielle ininterrompue, les formes de la rotation du capital, les cycles de sareproduction élargie (sur l’exemple alors privilégié de l’industrie cotonnière), la circulation ducapital financier. Les résultats de cette enquête, continûment transmis à MARX, sont passésdans Le Capital. Outre cette collaboration décisive à l’investigation de MARX, LeCapital doit une autre part essentielle aux travaux d’ENGELS. Il s’agit de l’édition de seslivres II et III, publiés après la mort de MARX, en 1885 et 1894 respectivement. Cette éditionne représente pas seulement un énorme travail de déchiffrage et de montage des manuscrits deMARX: comme il s’agissait d’exposition, et qu’une science n’est pas ailleurs que dans sonexposition rigoureuse, il s’agissait en fait d’un véritable travail de connaissance auquelENGELS usa entièrement les dernières années de sa vie. Enfin, dans les préfaces rédigéespour les livres II et III, ENGELS fit œuvre de théoricien de l’histoire des sciences. Appliquantà MARX les concepts épistémologiques qui permettent, par exemple, de comprendre la placede LAVOISIER dans l’histoire de la chimie, il étudie le mécanisme de la révolution théoriqueopérée par MARX en économie politique par la définition du concept de survaleur (ou plusvalue),et ses conditions de possibilité. En même temps, l’activité théorique d’ENGELSs’étendit à une série de domaines que l’actualité ou les nécessités de la lutte politique mirentau premier plan, mais qui requéraient chaque fois une science éprouvée. D’où de trèsnombreux articles et plusieurs livres. On citera notamment une série d’ouvrages historiques,étudiant principalement les origines de la question paysanne en Europe. Un aspect aussiremarquable de l’œuvre concerne les problèmes de la guerre et du fonctionnement desappareils militaires. ENGELS apparaît ici comme le successeur de CLAUSEWITZ et, dans latradition marxiste, le prédécesseur de <strong>LE</strong>NINE, de TROTSKI et de Mao ZEDONG. DansMonsieur Eugène DÜHRING bouleverse la science (1878), plus connu sous le nom d’Anti-Dühring, écrit contre la philosophie éclectique d’un privatdozent à l’université de Berlin quiavait acquis une grande influence dans la social-démocratie allemande, ENGELS exposesystématiquement les principes du matérialisme historique et l’histoire du passage dusocialisme utopique au socialisme scientifique, donc de la fusion du mouvement ouvrier et dela théorie marxiste. Devenu (surtout par sa réédition partielle, d’abord parue en français sousle titre Socialisme utopique et socialisme scientifique, 1880) le texte le plus lu du marxisme646


classique avec le Manifeste communiste, cet ouvrage polémique devait suggérer à beaucoupde théoriciens et de militants une lecture évolutionniste, bien que très éloignée del’évolutionnisme spencérien (les chapitres sur DARWIN, remarquables de précision,conduisent précisément ENGELS à critiquer toute extrapolation sociologique des conceptsbiologiques, a fortiori tout « social-darwinisme »). Définissant l’économie politique comme« science des conditions et des formes dans lesquelles les diverses sociétés humaines ontproduit et échangé, et dans lesquelles en conséquence les produits se sont chaque foisrépartis », il assigne au matérialisme historique comme objet l’étude des lois d’évolutioninternes à chaque mode de production. Mais celles-ci, à leur tour, apparaissent comme autantd’étapes du développement de la contradiction entre forces productives et rapports deproduction, contradiction qui se traduit alors en antagonismes de classes. Particulièrementopposé aux thèses anarchistes sur l’« abolition de l’État» (bien qu’il adopte la formule saintsimoniennedu « passage du gouvernement des hommes à l’administration des choses »),ENGELS définit alors la dialectique de la transition au communisme comme un« dépérissement » progressif de l’État, qui interviendra lorsque celui-ci aura assumé, par suitede la concentration du capital et des luttes de classes, l’ensemble des fonctions économiqueset sociales « générales», sous la direction du prolétariat. L’Origine de la famille, de lapropriété privée et de l’État (1884) fut inspirée par la lecture de l’ethnologue américain LewisH. MORGAN qui, « en Amérique, avait redécouvert à sa façon », et sur un objet nouveau, lematérialisme historique. ENGELS prend comme fil conducteur la thèse matérialiste que « lefacteur déterminant, en dernier ressort, dans l’histoire, c’est la production et la reproductionde la vie immédiate », selon la double articulation définie dans Le Capital : production desmoyens de production, production des moyens de consommation. Il montre que les formes dela famille sont historiquement relatives à la nature des rapports de production dominants, quele fonctionnement des rapports de parenté communautaires est incompatible avecl’exploitation de classe qui engendre au contraire l’État comme forme institutionnalisée derépression des classes exploitées par la classe dominante. Beaucoup plus nettement queMARX dans ses manuscrits de 1857-1858 (dont il remanie les énoncés en supprimant de sapériodisation de l’histoire universelle le concept du « mode de production asiatique» et enfixant la série esclavage-servage-travail salarié comme types fondamentaux d’exploitation),ENGELS devait contribuer ainsi à fonder la possibilité d’une anthropologie historique (à lafois économique et politique), tout à fait distincte de l’anthropologie philosophique tellequ’elle avait régné de LOCKE à ROUSSEAU, à KANT et aux propres œuvres de jeunesse deMARX et ENGELS. Notons qu’elle comporte en même temps les rares indications dumarxisme classique quant à la domination des femmes par les hommes, indications quidoivent beaucoup non seulement au «féminisme» pratique d’ENGELS, mais à sa lecture deFOURIER dont il reprend largement la critique du « mariage bourgeois ». On peut faire lamême remarque en ce qui concerne l’ouverture du matérialisme historique aux problèmesethniques et linguistiques, pratiquement ignorés de MARX. Comme toute révolution ouvrantà la connaissance scientifique un nouveau « continent», l’œuvre de MARX devaitnécessairement produire une rupture en philosophie. Lorsque cette science est celle del’histoire, elle comporte à terme la possibilité d’une histoire scientifique des sciences et de laphilosophie, et la reconnaissance du caractère essentiellement politique de toute philosophie.D’où l’œuvre philosophique d ’ENGELS (l’Anti-Dühring, les manuscrits de la Dialectique dela nature, et Ludwig FEUERBACH et la fin de la philosophie classique allemande, 1888) quipose ces problèmes en fonction d’un thème privilégié: l’histoire de la catégorie de dialectiqueet des rapports entre la dialectique idéaliste (hégélienne) et la dialectique matérialiste(marxiste). On retiendra surtout, dans ce domaine où les questions sont plutôt posées quevéritablement résolues, l’insistance sur l’idée d’une dialectique de la nature, fortementcontestée par les interprétations existentielles du marxisme: elle trace une ligne de647


démarcation entre la théorie marxiste de l’histoire elle-même et l’ensemble des philosophieshumanistes de l’histoire (identifiant dialectique et subjectivité). En fait, si elle a pu servir à laconstitution d’une ontologie dogmatique (le Diamat, qui fut la philosophie officielle del’U.R.S.S.), cette dialectique inachevée et probablement inachevable n’importe pas tant parson « application » aux sciences de la nature que par son rapport à l’histoire et à la politique.Plus que la « négation de la négation », ses catégories centrales sont l’« unité des contraires »et l’ « action en retour ». Le lien est immédiat avec les tentatives du dernier Engels pourconstituer une théorie des idéologies et de l’État, une histoire des « conceptions du monde »(religieuse, juridique, prolétarienne), et par là pour développer une analyse des mouvementsde masses (et non simplement des antagonismes de classes) qui constituent les « forcesmotrices » concrètes du procès historique. L’activité politique d’ENGELS fut très importante.On peut le considérer comme le premier dirigeant effectif du prolétariat international. En1864, il participe à la fondation de l’Association internationale des travailleurs. Puis,conseiller des socialistes marxistes de tous les pays, il intervient notamment de très près dansla constitution des partis socialistes allemand et français, dans le développement du socialismerusse et italien. Jusqu’à sa mort à Londres, son rôle fut d’orientation et de rectificationpolitique (notamment sur la question décisive de la dictature du prolétariat), d’éducation (laplupart des dirigeants de la IIe Internationale furent ses élèves directs), enfin de centralisationdes luttes et des programmes. Dans ses derniers textes (notamment la Critique du Programmed’Erfurt, 1891, où il est dit que « la République démocratique est la forme spécifique de ladictature du prolétariat », et la Préface à la réédition des Luttes de classes en France deMARX, en 1895, baptisée le « Testament d ’ENGELS » par la social-démocratie allemande,qui l’édita avec des coupures significatives), ENGELS avait commencé d’analyser les formesde lutte politique de la classe ouvrière adaptées à une nouvelle époque historique, biendifférente de 1848 ou de 1871, caractérisée par de nouveaux développements du capitalisme,mais aussi des syndicats et des partis ouvriers de masse, potentiellement majoritaires, donccapables d’accéder au pouvoir par la voie du suffrage universel, quitte à le préserver ensuitepar la force. Ces formulations, même rétablies dans leur intégralité, laissaient place àdifférentes interprétations; elles débouchent directement sur le conflit des différents« marxismes » de la IIe Internationale: le « révisionnisme » de BERNSTEIN, l’« orthodoxie »de KAUTSKY, les « communismes » de Rosa LUXEMBURG et <strong>LE</strong>NINE.FABIUS, Laurent né le 20 août 1946 à Paris, est un homme politique français, ancien premierministre, membre du Parti socialiste. Laurent FABIUS est le fils d’André FABIUS, marchandd’art, et de son épouse, Louise, née MORTIMER. Il est divorcé de la productrice FrançoiseCASTRO, avec qui il a eu deux enfants : Thomas, né en 1982, chef d'entreprise, fondateur descrèches d'entreprise et Victor, né en 1983, élève à l'École normale supérieure. Il passe sesannées de lycée à Janson-de-Sailly. Après le baccalauréat, il s’inscrit en hypokhâgne à LouisLe Grand. Il est admis à l’École normale supérieure, où il passe l’agrégation de lettres etintègre parallèlement l’Institut d'études politiques de Paris. Élève de l'École nationaled'administration, promotion François RABELAIS (1971-1973), il sort dans les trois premierset devient auditeur au Conseil d'État. Il passe maître des requêtes en 1981. C’est peu après sasortie de l’ENA, en 1974, qu’il adhère au parti socialiste et rencontre FrançoisMITTERRAND, dont il devient le directeur de cabinet. Il travaille à ses cotés jusqu’à savictoire de 1981 : c’est ainsi qu’il le défendra vigoureusement au congrès de Metz en avril1979, en affirmant contre Michel ROCARD que : « entre le Plan et le marché, il y a lesocialisme ». Parallèlement, il est élu premier adjoint au maire du Grand-Quevilly en 1977,puis député de la quatrième circonscription de Seine-Maritime (Elbeuf, Le Grand-Quevilly),l'une des plus à gauche du pays. Il pose ainsi les bases de ce qui deviendra son fief électoral.648


Suite à la victoire de François MITTERRAND en 1981, il est nommé ministre du budget, puisà partir de 1983 ministre de l’industrie et de la recherche. Au ministère du budget, il instaurel’impôt sur les grandes fortunes, aboli en 1987 par le gouvernement de Jacques CHIRAC etancêtre de l’Impôt de solidarité sur la fortune. Les œuvres d’art étant exclues de l’assiette derecouvrement de l’impôt nouvellement créé, une polémique le visant débuta : en effet, lafortune familiale des FABIUS est bâtie sur le commerce des œuvres d’art. Il conteste être àl’origine de cette mesure. C’est Jack LANG, alors ministre de la culture, qui aurait obtenucette exonération, contre l’avis de FABIUS. Il plaide pour une application fidèle duprogramme de la gauche, soutenant un flottement du franc et le protectionnisme industriel.Toutefois, il se rallie finalement au « tournant de la rigueur » décidé par le président pourmaintenir la France dans le Système Monétaire Européen. Suite à l’échec du projet de réformede l’éducation mise en œuvre par Alain SAVARY, François MITTERAND décide de changerde Premier ministre, et remplace Pierre MAUROY par Laurent FABIUS le 17 juillet 1984 auposte de Premier ministre. À 37 ans, il est le plus jeune Premier ministre de la République.Arrivé dans une situation de crise, il poursuit la « politique de la rigueur » afin de maîtriser ladette de l’État et l’inflation. En conséquence, le Parti communiste refuse de participer augouvernement. Sur le plan diplomatique, Laurent FABIUS empiète parfois sur le domaine deFrançois MITTERRAND. Ainsi, en 1985, il prend fait et cause pour la lutte contre l’apartheiden Afrique du Sud : il rencontre l'évêque anglican Desmond TUTU lors d'une grande réunionà Paris en mai 1985 et obtient que la France impose des sanctions au régime de Pretoria :embargo commercial, suspension de tout nouvel investissement et rappel de l'ambassadeur deFrance. Au cours de cette même année 1985, en décembre, il s’oppose au président qui invitele général JARUZELSKI, chef de la République populaire de Pologne, alors que ce dernierréprime la contestation du syndicat Solidarność, conduit par Lech WA<strong>LE</strong>SA. Il fait part deson trouble à la tribune de l’Assemblée nationale, ce qui provoque le mécontentement deMITTERRAND. Son passage à l’Hôtel Matignon est aussi marqué par deux scandales : dansla nuit du 10 juillet 1985, le Rainbow Warrior, bateau de Greenpeace, est dynamité par uneéquipe de la DGSE et un photographe trouve la mort. L'affaire du Rainbow Warrior éclate etles autorités de Nouvelle-Zélande protestent. L'enquête pour homicide met en cause lesservices secrets français, et le ministre de la défense Charles HERNU démissionne le 20septembre. Le 22 du même mois, Laurent FABIUS reconnaît la responsabilité de la DGSEdans l’attentat. Le scandale de l'affaire du sang contaminé viendra aussi entacher le bilan dupassage de Laurent FABIUS à Matignon : des retards dans la mise en œuvre de mesurespréventives ont entraîné la contamination de patients ayant subi une transfusion par le virusdu sida. Suite à la révélation de l’affaire en 1991, il demande la levée de son immunitéparlementaire pour être jugé et est relaxé par la Cour de Justice de la République, qui affirme,dans ses attendus, que "compte tenu des connaissances de l'époque, l'action de LaurentFABIUS a contribué à accélérer les processus décisionnels". Malgré ce verdict l'innocentant,il sort politiquement affaibli de ce scandale. Suite à la défaite de la gauche aux législatives de1986, il quitte Matignon le 20 mars 1986. Il devient Président de l’Assemblée nationale en1988 après la dissolution qui suit la réélection de François MITTERRAND. Il conduit la listesocialiste lors des élections européennes du 18 juin 1989: il est élu mais réalise un trèsmauvais score. Le canard enchaîné titrera même Pour FABIUS, c'est la pelle du 18 juin. Ils’engage à la fin des années 1980 et au début des années 1990 dans une rivalité avec LionelJOSPIN pour s’assurer le contrôle du Parti socialiste, et échoue à deux reprises : en mai 1988et au Congrès de Rennes de mars 1990, qui marque la rupture du courant mitterrandien. Il estélu premier secrétaire du Parti socialiste en 1992, et le restera jusqu’au Congrès du Bourget,qui suit la défaite de la gauche aux législatives de 1993. Élu maire du Grand-Quevilly en1995, il obtient la présidence du groupe socialiste à l’Assemblée nationale la même année,poste qu’il quitte pour retrouver la présidence de l’Assemblée en 1997, suite à la victoire de la649


gauche plurielle aux législatives et la nomination de Lionel JOSPIN au poste de Premierministre. Des rumeurs dans les médias annoncent son intention de prendre la direction duFonds Monétaire International. Exclu des premiers gouvernements JOSPIN, il rentre en grâcesuite à la démission du successeur éphémère de Dominique STRAUSS-KAHN, ChristianSAUTTER, victime d’une fronde des agents de son ministère, celui de l’économie, face à unprojet de réforme interne. Il est nommé ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le27 mars 2000, et enterre le projet de son prédécesseur. À Bercy, Laurent FABIUS met enœuvre la deuxième phase de la réforme des 35 heures, et poursuit une politique de réductionde la fiscalité et de maîtrise des dépenses, ce que lui reprocheront ses adversaires à gauche,estimant qu'il sacrifiait ainsi le social. Il reste en poste jusqu’à la défaite de Lionel JOSPIN àl’élection présidentielle d’avril-mai 2002. Lionel JOSPIN ayant annoncé au soir du 21 avril2002 qu’il comptait se retirer de la vie politique, Laurent FABIUS affiche clairement sesambitions présidentielles. Il est nommé numéro 2 du parti socialiste au Congrès de Dijon, etaffiche dès lors une ligne profondément marquée à gauche et par le rejet du libéralisme : ilestime que c’est le rejet massif du libéralisme qui explique la défaite socialiste aux électionsde 2002. Au cours de l’année 2004, il se fait remarquer en devenant le plus importantresponsable socialiste à s’opposer au Traité établissant une Constitution pour l'Europe, ayantévolué d’un évoluant d’un « non sauf si » en juin 2004 à un non définitif qu’il défend eninterne au sein du parti socialiste. Ce faisant, il déclenche une vive polémique au sein del’ensemble des partis socialistes européens, dont la plupart sont acquis au « oui ». Parréférendum interne, les militants socialistes décident toutefois le 2 décembre 2004 de soutenirle « oui » par 55% des voix. Contrairement à d'autres opposant au TCE au sein du partisocialiste, son courant décide néanmoins de faire campagne pour le NON. Lors du référendumnational du 29 mai 2005, le « non » l’emporte, notamment chez les électeurs de gauche et lessympathisants socialistes, alors que le « oui » est majoritaire à l'échelle de l'Europe (ratifié par16 pays sur 25 et obtenant une majorité des voix sur les 4 scrutins directs). Sonpositionnement contre le Traité constitutionnel européen a fait l'objet de nombreuses critiques,particulièrement parmi les socialistes et la gauche en général. Il est accusé de manque desincérité et de cohérence dans son rejet du libéralisme : celui-ci serait en contradiction avec lapolitique économique qu'il a menée, de 1984 à 1986 et de 2000 à 2002, qualifiée de sociallibérale.Ses détracteurs se rejoignent cependant pour voir dans cette décision comme unemanœuvre opportuniste en vue de la présidentielle de 2007. Le 4 juin 2005, le Conseilnational vote son exclusion, ainsi que celle de ses amis, des instances de direction du parti. Cefaisant, le Parti socialiste veut clarifier sa ligne politique, tout en prenant le risque de ladivision, en interne et avec son électorat. Lors du Congrès du Mans, Laurent FABIUS déposeune motion contre la majorité sortante, à laquelle il avait appartenu, avec le soutien de Jean-Luc ME<strong>LE</strong>NCHON, Alain VIDALIES et Marie-Noëlle LIENEMANN. Avec le score de21,21 %, elle arrive en troisième position derrière les motions défendues par la directionsortante (53,6 %) et celle du Nouveau parti socialiste (23,6 %). Au congrès du Mans, ilaccepte de voter un texte destiné à faire la synthèse entre les motions, texte qui inclut certainsde ses amendements. Il évite ainsi de faire partie d'une minorité du Parti socialiste. Il choisitcependant de ne pas réintégrer la direction du parti, laissant ce soin à d'autres membres de soncourant. Le 10 janvier 2006, Laurent FABIUS se déclare candidat à l'investiture du Partisocialiste pour l'élection présidentielle de 2007. Sa candidature a été officialisée le 1 er octobre2006 lors d'un discours prononcé à Fleurance. Sont en lice pour l'investiture avec lui,Ségolène ROYAL et Dominique STRAUSS-KAHN. Les proches de Laurent FABIUS oupartageant ses idées politiques sont appelés « fabiusiens » ; son principal « lieutenant » estClaude BARTOLONE, député de Seine-Saint-Denis. Historiquement, les fabiusiens se sontopposés aux « Rocardiens », puis aux « Jospinistes », et plus récemment aux « Hollandais » etencore plus récemment à Ségolène ROYAL. Lors du référendum sur le Traité constitutionnel650


européen de 2005, le courant des fabiusiens a défendu le « non », malgré le vote des militantsdu PS en faveur de ce texte. Des fabiusiens comme Jack LANG ont à cette occasion rompuavec Laurent FABIUS. Il est membre de la Commission trilatérale depuis 1998.FAURE Edgar (1908-1988); Élu en 1978 au fauteuil 18. Né à Béziers (Hérault), le 18 août1908. Études aux collèges de Verdun et Narbonne, aux lycées Janson de Sailly et Voltaire, àParis. Agrégé des facultés de droit (droit romain et histoire du droit) (1962). Diplômé del’École des langues orientales vivantes. Avocat à la Cour de Paris (depuis 1929). Deuxièmesecrétaire à la Conférence du stage (1928-1929). Chargé des services législatifs de laprésidence du Comité français de la Libération, puis du Gouvernement provisoire à Alger(juin-juillet 1944). Procureur général adjoint français au Tribunal militaire international deNuremberg (1945). Député radical-socialiste du Jura (1946-1958). Maire de Port-Lesney(Jura, 1947-1970). Conseiller général du canton de Pontarlier (Doubs) de 1967 à 1979. Mairede Pontarlier (1971-1978). Maire de Port-Lesney (depuis 1983). Secrétaire d’État auxFinances, puis ministre du Budget (1949-1950-1951). Ministre de la Justice (cabinet RenéP<strong>LE</strong>VEN, août 1951). Président du Conseil, ministre des Finances (10 janvier-29 février1952). Président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale (1952-19653). Ministre des Finances et des Affaires économiques (cabinet Joseph LANIEL, 28 juin1953). Ministre des Finances, des Affaires économiques et du Plan (cabinet Pierre MENDESFRANCE, 19 juin 1954). Ministre des Affaires étrangères (cabinet Pierre MENDESFRANCE, remanié 20 janvier-5 février 1955). Président du Conseil des ministres (23 février1955-24 janvier 1956). Ministre des Finances (cabinet Pierre PFLIMLIN, 14-31 mai 1958).Sénateur du Jura (avril 1959-février 1966). Président du Comité d’expansion économique deFranche-Comté et du Territoire de Belfort (1951) puis de la Commission de développementéconomique régional (Coder) de Franche-Comté (1964-1973). Professeur à la faculté de Droitde Dijon (1962). Mission en République populaire de Chine (octobre-novembre 1963).Ministre de l’Agriculture (3e et 4e cabinet Georges POMPIDOU, 8 janvier 1966-10 juillet1968). Député du Doubs (3 e circonscription : Pontarlier, mars-mai 1967, juin-août 1968, 19octobre 1969, 6 août 1972, 4 mars 1973, 19 mars 1978). Sénateur du Doubs (1980). Présidentdu Conseil régional de Franche-Comté (depuis 1974). Ministre de l’Éducation nationale(cabinet Maurice COUVE DE MURVIL<strong>LE</strong>, 12 juillet 1968-20 juin 1969). Directeur derecherches, professeur à la faculté de droit de Besançon (depuis 1972). Président de laCommission internationale sur le développement de l’éducation à l’UNESCO (depuis 1971).Ministre d’État, chargé des Affaires sociales (cabinet Pierre MESSMER, 6 juillet 1972-28mars 1973). Président du Comité d’études pour un nouveau contrat social (depuis 1972).Président de l’Assemblée nationale (2 avril 1973-2 avril 1978). Président (depuis 1976) del’Institut libre d’études des relations internationales, de l’Institut international des droits del’Homme. Élu à l’Académie française, le 8 juin 1978, au fauteuil d’André François-PONCET(18e fauteuil) et reçu sous la coupole le 25 janvier 1979 par le duc de Castries. Il est mort le30 mars 1988.FICHTE Johann Gottlieb (1762-1814) dénonce l’absurdité d’une intelligence qui ne seraitpas libre et d’une liberté qui ne serait pas éclairée. Tel semble bien être le sens de la maximeque FICHTE se prescrit à lui-même et qui éclaire son projet philosophique: «Crois sans cesseà ton sentiment, quand bien même tu ne peux réfuter les sophistes.» Selon lui, «Dieu n’est pasau service des princes», mais présent à toute conscience d’homme. L’austère philosophiefichtéenne réconcilie liberté et nécessité, action et système. Elle fournit ses principaux thèmesà l’existentialisme contemporain, à la différence près qu’ici le culte est rendu à l’absurde et làà l’intelligibilité. Johann Gottlieb FICHTE peut, encore plus justement que KANT, êtrenommé «le père de la philosophie moderne». C’est ainsi, que le surnommait651


SCHOPENHAUER. FICHTE conquit vite la gloire, mais bientôt ses lecteurs se trouvèrentrebutés par l’obscurité de ses écrits, en particulier des fameux Principes de la doctrine de lascience (Grundlage der gesamten Wissenschaftslehre, 1794-1795). La philosophie deFICHTE est donc en partie méconnue et en partie défigurée par des commentateursprestigieux: JACOBI, HEGEL et surtout SCHELLING. L’étude de FICHTE contraint àrenoncer à l’idée traditionnelle de la continuité de l’idéalisme allemand: sa philosophie nes’insère pas aisément dans un développement dialectique menant de KANT à FICHTE, deFICHTE à SCHELLING, de SCHELLING à HEGEL. L’œuvre de FICHTE coïncide dans unecertaine mesure avec sa vie. Né à Rammenau (Saxe) de parents pauvres, il put faire de solidesétudes grâce à un philanthrope; arrivé à l’âge adulte sans ressources, il tenta de se suicider.KANT, sans lui prêter d’argent, l’avait recommandé à son éditeur, et FICHTE avait achevéune Critique de toute révélation (Versuch einer Kritik aller Offenbarung), dont il espérait tirerquelque bénéfice. Le livre paraît, mal présenté, sans page de garde et sans nom d’auteur.Aussi l’attribue-t-on à KANT, le malentendu finit par se lever; Désormais FICHTE allaits’efforcer d’achever la philosophie transcendantale et de lui conférer une perfectionsystématique, dont elle manquait à ses yeux. En 1794, il fut nommé professeur à l’universitéd’Iéna et c’est l’époque où il connut sa plus haute gloire. En 1799, il est accusé d’athéisme.L’accusation était grave, et FICHTE, chassé d’Iéna, fut obligé de se réfugier à Berlin et, de là,à Erlangen. Le caractère de son œuvre change alors. D’une part, il ne publie plus sesrecherches fondamentales, les deux versions de la Doctrine de la science (1801 et 1804), ettente d’exposer sa doctrine dans des écrits «populaires», dont les plus célèbres sont LaDestination de l’homme (Die Bestimmung des Menschen, 1800), L’Initiation à la viebienheureuse (Die Anweisung zum seligen Leben oder auch die Religionslehre, 1806).D’autre part, l’expression de sa pensée, même dans ses œuvres non publiées, devientnettement plus religieuse. d’abord supplanté dans les faveurs du public philosophique parSCHELLING, auquel une violente polémique l’opposa, puis discuté parSCH<strong>LE</strong>IERMACHER, son collègue à Erlangen, il est éclipsé par HEGEL, en dépit de sesretentissants Discours à la nation allemande. C’est dans l’indifférence générale qu’il meurt àBerlin. La publication de ses œuvres posthumes en 1835 par les soins de son fils ne suscitepas grand intérêt, et ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’on s’attache à sa pensée. Lespublications de F. MEDICUS, de HEIMSOETH, les travaux magistraux de X. <strong>LE</strong>ON et deM. GUEROULT, d’E. LASK et de G. GURVITCH suscitent un nouveau courant fichtéen,qu’illustrent plusieurs ouvrages.FLANDIN, Pierre-Étienne né le 12 avril 1889 à Paris, mort le 13 juin 1958 à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes), était un avocat et homme politique français, longtemps président del'Alliance démocratique. Il était le fils d'Étienne FLANDIN (1853-1922), magistrat et luimêmeavocat et homme politique. Il a exercé les fonctions de président du Conseil desministres (Troisième République) puis celles de chef du gouvernement (Régime de Vichy) du8 novembre 1934 au 31 mai 1935 , et étant lui-même remplacé par Fernand BOUISSON, du14 décembre 1940 au 9 février 1941 : succédant à Pierre LAVAL (5e gouvernement), et étantlui-même remplacé par l'amiral DARLAN..FORD, Henry, est né le 16 juin 1903. Il créa la Ford Motor Company avec un capital de 150000 dollars dont 28 000 dollars de sa poche. L'usine est installée dans une ancienne fabriquede fiacres de Detroit, elle connaît des débuts difficiles. Mais Henry FORD fourmille d'idées :en cinq ans, il crée 19 modèles différents. Le succès vient en 1908 avec l'arrivée de la célèbreFord T le 12 août 1908. Elle sera vendue à plus de 15 millions d'exemplaires partout dans lemonde. Le succès de la Ford T fut tel que la demande dépassera l'offre. Ford n'eu même pasbesoin de faire de publicité de 1917 à 1923. Pour produire la Ford T, Henry FORD a du652


mettre en place une nouvelle méthode de travail appelée le fordisme inspirée directement dutaylorisme, lui-même nommé OST (organisation scientifique du travail), qui se répandrarapidement au sein de l'ensemble des industries de transformation. Pour faire face à unerelative saturation du marché résultant d'une diffusion très large de la Ford T, Henry FORDélabore le principe du renouvellement des versions pour ses automobiles. De nouvellesversions de la Ford T apparaissent, parfois avec des modifications mineures par rapport auxversions précédentes, de sorte que le marché soit régulièrement stimulé par cet effet de mode.Le succès du Modèle T permet à FORD de s'agrandir considérablement aux États-Unis, maiségalement en Asie (1909), en Amérique du Sud, en Europe (1911) et en Australie (1925), denouveaux sites de production et d'assemblage voient le jour. Ce développement fulgurants'accompagne d'un système de rémunération unique pour l'époque : 5 dollars pour 8 heures detravail par jour en 1914. Pendant la Première Guerre mondiale, FORD produit des sousmarins,des chars, des avions et des ambulances pour les Alliés. La société se lance par lasuite dans la production de camions et de tracteurs (Fordson) en 1917. Suivra la productionaéronautique en 1925 (avion Tri-Motor), malheureusement stoppée par la dépressionéconomique qui sévira aux États-Unis après la crise de 1929. En 1919, Henry FORD prend saretraite et transmet les pouvoirs à son unique fils, Edsel, tout en continuant à s'intéresser detrès près à la société. Le 1 er janvier 1925, FORD sort sa 10 millionième voiture. En 1927FORD décide de remplacer la mythique Ford T et lance la Ford A. Ford s'implante de manièreplus importante en Europe, notamment à Bordeaux, France en 1925, à Dagenham, Angleterreen 1929, puis à Cologne, Allemagne en 1930. Ces deux sites deviendront les quartiersgénéraux de Ford Europe. En 1932, FORD sera le premier constructeur à commercialiser unmoteur V8. Le 18 janvier 1937, Ford sort sa 25 millionième voiture. Pendant la SecondeGuerre mondiale, FORD va se consacrer à l'effort de guerre en construisant des bombardiers,des jeeps, des moteurs d'avions, des chars d'assauts...Les usines de FORD en Allemagne(Fordwerke) et l'usine de Poissy en France ont produit un grand nombre de véhiculesmilitaires utilisés par les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. FORD a dénié cesallégations, toutefois il est prouvé que la société avait commencé à exploiter la main d'œuvrede travailleurs forcés et de prisonniers de guerre avant même l'institution de cette exploitationtrès rentable par le gouvernement nazi. Des accusations identiques ont été portées contre denombreuses entreprises américaines ayant des activités en Europe au moment du conflit. Leprésident de la société, Edsel FORD, meurt prématurément en mai 1943. Ce sera HenryFORD qui le remplacera jusqu'à ce que l'aîné de ses petits-enfants, Henry FORD II, luisuccède en septembre 1945. Henry FORD ne verra pas le renouveau de sa marque, il meurt le7 avril 1947 à l'âge de 83 ans.FOURIER Charles (1772-1837) ; Né à Besançon dans un milieu aisé, Charles FOURIER,après de sérieuses études, s’installe bientôt à Lyon, où la Révolution le ruine. Contraint àgagner sa vie, il exerce plusieurs métiers, dont celui de salarié du commerce. Il ne pourra qu’àpartir de 1830 se consacrer entièrement à une œuvre très personnelle de pensée comme destyle. Son premier ouvrage, Théorie des quatre mouvements et des destinées (1808),développe une conception unitaire du monde: les sociétés humaines comme la nature sontsoumises à la loi d’«attraction» dont le respect s’impose. Paraissent ensuite: Traité del’association domestique-agricole (1812, réédité en 1834 sous le titre de Théorie de l’unitéuniverselle); Le Nouveau Monde industriel et sociétaire (1829) et La Fausse Industrie (1835-1836). À ces ouvrages s’ajoutent les articles parus dans Le Phalanstère, ou la Réformeindustrielle (1832-1834) remplacé par La Phalange (1835-1836). FOURIER y critiquel’«anarchie industrielle» due au morcellement de la propriété et au parasitisme commercial,source de tous les désordres de la «civilisation». Une organisation communautaire conformeaux exigences de la nature doit permettre le passage à l’ère de «l’industrie sociétaire,653


véridique et attrayante». Telle est la raison d’être de la phalange, établie dans un phalanstère,communauté essentiellement agricole de 1 620 hommes et femmes où se combinent les 810caractères que FOURIER a dénombrés. On y travaille dans l’harmonie et le plaisir selon sespropres passions. Si les hiérarchies subsistent ainsi que l’inégalité des richesses, la salariat enest banni, chacun étant propriétaire de tout «en participation». Faute de capitaux, FOURIERne put réaliser le phalanstère dont il rêvait; en revanche, les essais de ses disciples furentnombreux en France comme à l’étranger entre 1830 et 1850. Les analyses qu’il fait descontradictions du système capitaliste, les conceptions qu’il a de l’organisation du travail, savolonté de résoudre pour l’épanouissement des facultés humaines le conflit entre l’individu etla société font de cet utopiste un précurseur original du socialisme français.FREYSSINET Jacques (1937- ), Président du groupe de travail « Niveaux de vie etinégalités sociales » Président de la formation Emploi, revenus jusqu'en mai 2004. Professeurémérite à l'Université de Paris I, Président du Conseil scientifique du Centre d’études del’emploi, Chargé de cours puis professeur à l'Université des Sciences sociales de Grenoble(1965-1979). Directeur de l'Institut de sciences sociales du travail, Université de Paris I(1979-1988). Président du Conseil d'administration de l'ANPE (1981-1987). Membre duconseil scientifique de l'évaluation des politiques publiques (1990-1996). Membre du Conseild'analyse économique (1997-2003). Directeur de l'IRES (1978-2002).FRIEDMANN Georges (1902-1977) qui par son œuvre, par son enseignement, par sonexemple, a été l’un des principaux responsables de la renaissance des sciences sociales enFrance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Devant la division croissante des tâches,il relève les efforts faits pour aller en sens contraire et cherche son information en Europecomme aux États-Unis (Où va le travail humain ?, 1950; Le Travail en miettes, 1956). Ledéveloppement des techniques n’agit pas seulement sur les postes, les qualifications et lesrelations de travail. Il transforme la consommation, les relations quotidiennes, la culture, encréant un milieu technique dont les contraintes nouvelles se retrouvent dans des systèmessociaux très divers à l’Est et à l’Ouest. Les Problèmes d’Amérique latine (I, 1959; II, 1961)s’interrogent sur ces pays neufs, qui abordent à leur tour, avec le développement économique,les difficultés et les espérances de l’industrie et de la technique. Doivent-ils passer par lesmêmes chemins ou y a-t-il des raccourcis, des possibilités d’échapper aux erreurs que leursprédécesseurs ont commises ?GALBRAITH John Kenneth (1908-2006) était un économiste canadien d'origine écossaise.Il est surtout connu en tant que conseiller économique de différents présidents des États-Unis,de Franklin Delano ROOSEVELT à John Fitzgerald KENNEDY jusqu'à Lyndon B.JOHNSON. Après une thèse d'économie agricole, GALBRAITH devient professeur adjoint àl'Université de Princeton en 1934. À partir de 1940, il est employé par le gouvernementfédéral américain à différents postes, notamment pour contrôler les prix pendant la SecondeGuerre mondiale. Il travaille par la suite pour le magazine Fortune. Professeur à l'Universitéde Harvard en 1949, il reste proche du parti démocrate. John F. KENNEDY le nommeambassadeur en Inde (1961 - 1963). Il sera par la suite conseiller économique de présidentsaméricains démocrates. À partir de 1971, il enseigne dans plusieurs universités européennes.Il élabore son corpus théorique dans un cadre aux tendances à la fois keynésiennes et surtoutinstitutionnalistes, tout en restant très hétérodoxe et très critique vis-à-vis de ses collègues. Ilva d'ailleurs critiquer fortement la politique de dérégulation menée par Ronald REAGAN etl'intégrisme économique par son plus grand ennemi Milton FRIEDMAN. Auteur de trèsnombreux livres et articles, il est à ce titre l'économiste le plus lu du XX e siècle. L'économieuniversitaire retiendra surtout du travail théorique de GALBRAITH, poursuivi tout au long de654


sa longue carrière, les deux notions de filière inversée et de technostructure. La notion defilière inversée a été développée dans L'Ère de l'opulence, publié en 1958 aux États-unis. Sonénoncé est simple : « Ce sont les entreprises qui imposent des produits aux consommateurs, etnon l'inverse ». Les théories classique et néoclassique expliquent que les décisions deproduction des entreprises se font en fonction de la demande qui leur est adressée par lesconsommateurs. C'est l'idée de base de l'équilibre, idée centrale dans l'économie libérale : on ad'un côté une fonction dite « de demande collective », de l'autre une fonction « d'offrecollective », et c'est la rencontre de ces deux fonctions (lorsque O = D) qui détermine leniveau de la production. Or, GALBRAITH refuse cette théorie. Non seulement son angled'approche serait mauvais (elle se base sur un individualisme méthodologique, alors queGALBRAITH est partisan du holisme méthodologique), mais en plus son caractère déductifla rendrait peu réaliste. Il propose à la place la « théorie de la filière inversée » : parce qu'ellesont un poids économique, politique et médiatique énormes, les plus grandes entreprisespeuvent imposer l'achat de certains produits aux consommateurs par le biais de la publicité, decertaines politiques de prix, etc. De fait, les consommateurs seraient emprisonnés par ce queGALBRAITH nommera plus tard la technostructure. En résumé, la filière inversée porte cenom, car au lieu de voir les entreprises recueillir l'information par le biais des prix quant auniveau demandé de leur production, ce sont en réalité elles-mêmes qui se fixent un objectif àatteindre, faisant pression sur le consommateur pour parvenir auxdits objectifs. LaTechnostucture a été théorisée dans l'oeuvre principale de GALBRAITH : Le Nouvel Étatindustriel (1967, traduction française 1969). Exposant les progrès de la technologie,GALBRAITH dégage l'idée selon laquelle les individus qui prennent effectivement lesdécisions des entreprises n'appartiennent plus à la classe des détenteurs de capitaux, mais àune catégorie nouvelle qui se distingue et s'impose par ses connaissances technologiques etorganisationnelles : les gestionnaires (ou management). C'est cette catégorie queGALBRAITH appelle la technostructure, que l'on pourrait très schématiquement comparer àune technocratie économique. C'est par sa force intrinsèque que cette bureaucratie parvient àimposer certains choix à ses clients, dans le cadre de la filière inversée.GANDOIS, Jean né le 7 mai 1930 à Nieul, est une personnalité du monde des affairesfrançais. Ancien élève de l'École polytechnique de la promotion 1949, il devient ingénieur desPonts & Chaussées. De 1954 à 1960 il est embauché par les Travaux publics de Guinée entant qu'expert pour les programmes routiers du Brésil et du Pérou. En 1961 il rentre dans legroupe Wendel et après diverses fonctions, devient en 1972 directeur général de Sacilor, puisprésident directeur général de Sollac. En 1976 il entre chez Rhône-Poulenc pour en devenirson directeur général puis président directeur général. Il quitte le groupe en 1982 et exercejusqu'en 1986 l'activité de consultant international. En 1986 il devient président directeurgénéral de Pechiney, groupe qu'il quitte en 1994 pour prendre la présidence du Conseilnational du patronat français (CNPF, ancien nom du Medef). Il démissionne de ce poste avecfracas en 1997 après que le gouvernement socialiste a fait voter une loi pour l'adoption des 35heures, se sentant trahi par le gouvernement. De 1987 à 1999 il exerce simultanément lesfonctions de président de Cockerill Sambre. Il est actuellement président du conseil desurveillance de Suez.GATTAZ, Yvon est centralien. Après la victoire de François MITTERRAND, en 1981, leCNPF élit à sa tête Yvon GATTAZ, le consensuel PDG d’une PME, Radiall. Très vite,l’organisation entame une « guerre des tranchées » avec le gouvernement socialiste en place.La bataille s’engage sur la question du passage aux 39 heures, sur la flexibilité du temps detravail, sur les nationalisations confisquant le capital, sur l’impôt sur les grandes fortunes et laloi d’amnistie. En 1982, Yvon GATTAZ livre avec Michel MAURY-LARIBIERE un combat655


de plusieurs mois pour la baisse des charges patronales. Yvon GATTAZ rencontre FrançoisMITTERRAND et lui fait part de l’exaspération des patrons : « Les entreprises sontexsangues, il faut stopper les saignées qu’on leur impose pour financer le progrès social ». Enjuin 1983, le CNPF obtient à Matignon un « moratoire » sur les charges et l’écrêtement de lataxe professionnelle en échange de l’engagement des entreprises à investir. En décembre[1984], après l’échec de la négociation interprofessionnelle sur l’adaptation des conditionsd’emploi, le CNPF adopte une stratégie d’attente : il renonce à dialoguer avec le pouvoir enplace jusqu’aux législatives de 1986, qui verront la victoire de l’opposition. Il a fondé Ethic,un syndicat patronal et l'ASMEP. Il est encore président de Association Jeunesse etEntreprises (AJE) qu'il a fondé il y a 20 ans et qui vise à rapprocher les jeunes du monde del'entreprise.GAVIRIA, Cesar Trujillo, ex-Président de Colombie, reconnu en Amérique latine commemédiateur de conflits, champion de la démocratie, partisan absolu de l'intégration régionale, etdéfenseur des droits de la personne, fut élu Secrétaire général de l'OEA en 1994. Il fut réélupar acclamation en 1999, et commença son second mandat en septembre de cette mêmeannée. Fort de sa stratégie orientée vers une “Nouvelle vision de l'OEA”, César GAVIRIA aencouragé de profonds changements institutionnels qui ont revitalisé l'Agenda interaméricainet préparé l'Organisation à relever les défis auxquels la région doit faire face aujourd’hui. Lesréformes administratives ont permis à l'OEA d'élargir l’éventail de ses activités malgré lapénurie des ressources, et de renforcer les programmes prioritaires. L’adoption de la Chartedémocratique interaméricaine en 2001 a consacré l’engagement inébranlable de la région enfaveur de la démocratie et des droits de la personne. Le National Democratic Institute a renduhommage au leadership du Secrétaire général GAVIRIA et au rôle de plus en plus importantque remplit l’Organisation dans le renforcement des valeurs démocratiques lorsqu’il a octroyéà l’OEA le Prix W. Averell HARRIMAN de la démocratie pour 2002. Sous sonadministration, l'OEA a aussi multiplié ses efforts pour améliorer la sécurité continentale etpour combattre le terrorisme, les stupéfiants et la corruption. L’Organisation est égalementdevenue un partenaire clé dans le processus du Sommet des Amériques dont elle estmaintenant le secrétariat technique et la mémoire institutionnelle. Elle a également encouragél’avancement du concept de la solidarité intégrale, et a réformé ses programmes decoopération technique. Le Secrétaire général GAVIRIA a rempli un rôle de premier plan dansle dénouement de plusieurs crises dans la région, plus récemment au Venezuela. De novembre2002 à mai 2003, il a situé des efforts novateurs au niveau de la facilitation des négociationsentre le Gouvernement vénézuélien et les représentants de l’opposition. Les négociations ontété officiellement conclues, et un accord est intervenu entre les deux parties, ce qui a ouvert lavoie à la solution “pacifique, démocratique, électorale et constitutionnelle” que lacommunauté internationale appelait à ses vœux. César GARIVIA débuta sa carrière politiqueà l'âge de 23 ans, tout de suite après avoir obtenu son diplôme d’économiste de la Universidadde los Andes à Bogota, lorsqu'il fut élu conseiller municipal dans sa ville natale de Pereira.Quatre ans plus tard, il fut élu maire. Il occupa également la chaire de professeur de Principesde l’économie et des finances publiques à cette même université en 1971, et assura un coursen économie de la Colombie dans le cadre de séminaires en 1972 et 1974 à la UniversidadTecnológica de Pereira. En 1974, il fut élu à la Chambre des Représentants de Colombie, etaccéda à la direction de la Chambre en 1983. De 1983 à 1986, M. GAVIRIA fut chargé de larubrique économique du périodique à plus fort tirage de Colombie, El Tiempo. Il futégalement directeur de La Tarde, périodique régional publié dans sa ville natale. L’année1986 a trouvé M. GARIVIA dans les fonctions de co-dirigeant du Parti Libéral colombien,fonctions qu’il a exercées jusqu'à la campagne électorale qu’il a menée en faveur du candidatde ce parti, Virgilio BARCO, qui déboucha sur l’élection de ce dernier à la présidence. Il656


exerça tout d’abord les fonctions de Ministre des Finances, puis ceux de Ministre del’intérieur, sous l'administration Barco. Il remplit un rôle critique dans le lancement desnégociations de paix avec la guérilla de gauche connu sous le nom de M-19. Au cours despremiers mois de 1989, il démissionna de ses fonctions publiques pour se consacrer à lagestion de la campagne présidentielle du Sénateur Luis Carlos GALAN. Par suite du violentassassinat du Sénateur GALAN par des trafiquants de drogues, le Parti Libéral choisit CésarGAVIRIA comme son candidat à la présidence. Il fut élu Président de la Colombie en mai1990. Durant son mandat de quatre ans (1990-1994), il mit en œuvre des politiques conçuespour renforcer la démocratie, promouvoir la paix et réintégrer les rebelles armés dans la viecivile. Il enclencha également un processus de changements constitutionnels et institutionnelsen focalisant des efforts sur le renforcement du Pouvoir judiciaire et l’accroissement de laprotection des droits de la personne. En 1991, par plébiscite et avec l’aide d'une Assembléeconstitutionnelle élue, la Colombie élabora une nouvelle constitution plus démocratique. LePrésident GAVIRIA entreprit également des réformes économiques afin de moderniser lepays et pour le rendre plus compétitif sur le marché mondial. Il présida à la signatured’accords de libre-échange entre les membres du “Groupe des Trois” (Mexique, Colombie,Venezuela) et entre la Colombie et la CARICOM, et entreprit la revitalisation du Pacte andin.GISCARD D'ESTAING Valéry; naît le 2 février 1926 à Coblence en Allemagne. Son pèreappartient à la Ligue européenne de coopération économique (<strong>LE</strong>CE) fondée en 1946, quiprône un espace économique de libéralisation des échanges et d'harmonisation monétaire. A18 ans, il s'engage dans la Première Armée et participe aux campagnes de France etd'Allemagne (1944-1945). Il est décoré de la Croix de Guerre. Après des études à l'ÉcolePolytechnique et à l'École Nationale d'Administration, il rejoint l'inspection des finances en1952. Nommé secrétaire d'État aux Finances de 1959 à 1962, il devient ministre des Financeset des Affaires économiques des gouvernements POMPIDOU de 1962 à 1966, puis ministrede l'Économie et des Finances du gouvernement CHABAN-DELMAS et MESSMER de 1969à 1974. Parallèlement, il fonde en 1966 la Fédération nationale des républicains indépendants(FNRI), qui, trois ans plus tard adhère au Comité d'action pour les Etats-Unis d'Europe, suiteà l'appel de Jean Monnet pour soutenir la seconde candidature de la Grande-Bretagne à laCommunauté économique européenne (CEE). En 1970, Valéry GISCARD D'ESTAINGexerce la présidence du Conseil de l'OCDE (Organisation de coopération et de développementéconomique). Après avoir proposé au Conseil des ministres des Communautés européennesen 1970 un plan d'union économique et monétaire, il appuie, en 1972, le plan WERNER qui apour objet la mise en place d'une union monétaire pour la fin de la décennie. ValéryGISCARD D'ESTAING est élu Président de la République française en mai 1974. Au coursde son mandat, il poursuit la politique de relance de la construction européenne avec l’appuid’Helmut SCHMIDT. En effet, l'élection de celui-ci à la chancellerie allemande en 1974permet de donner un nouvel élan au couple franco-allemand. Les deux hommes renforcent lacoopération monétaire en impulsant la création du Système monétaire européen, le SME, quidevient effectif le 13 mars 1979. Au cours de son septennat, Valéry GISCARD D'ESTAINGs'attache à donner également un nouveau souffle aux institutions européennes. Dans la lignéedu rapport Davignon de 1970 sur la coopération dans le domaine de la politique étrangère,Valéry GISCARD D'ESTAING propose, afin de relancer la Coopération politiqueeuropéenne, de créer le Sommet européen. Ce sommet, créé en 1974, réunit les Chefs d'Étatou de gouvernement au moins deux fois par an. Lors du sommet de Londres des 29 et 30 juin1977, sont définies les trois principales missions du Sommet européen : permettre un échangede vues des chefs de gouvernement ; faire entendre solennellement la " voix de l'Europe " ;résoudre les problèmes déjà examinés par les autres organes communautaires.Institutionnalisé en 1986 par l'Acte unique qui le nomme conseil européen, il jouera un rôle657


majeur dans la construction européenne et dans le développement de la "Politique étrangère etde sécurité commune" (PESC). Alors que le Conseil des ministres semble paralysé par lerecours à l'unanimité lors des prises de décision, Valéry GISCARD D'ESTAING s'exprime enfaveur d'une application plus fréquente du vote à la majorité. Il désire, en effet, dépasserl'Europe des États sans aller jusqu'à une Europe supranationale. Il est le défenseur d'une"troisième voie" : selon lui, la question de la supranationalité est secondaire si la coopérationentre les gouvernements est effective. Par ailleurs, il donne son aval à l'accroissement dupouvoir du parlement européen". Il accepte non seulement l'augmentation de ses pouvoirsbudgétaires mais aussi son élection au suffrage universel, entérinée, au terme de longuestractations, par l'acte de Bruxelles du 20 septembre 1976. Les premières élections duParlement européen au suffrage universel auront lieu en 1979. Tout en œuvrant pour laconstruction européenne, Valéry GISCARD D'ESTAING contribue à renforcer la solidaritéinternationale. Il suggère, en 1975, la création d'un partenariat Nord-Sud qui aboutit auxaccords de Lomé entre la Communauté économique européenne et les pays de la zoneAfrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Après son départ de la présidence de la République enmai 1981, Valéry GISCARD D'ESTAING continue de s'engager dans la vie politiquenationale, régionale et européenne. Il est Président de l'Union pour la Démocratie française(UDF) de 1988 à 1996. Il est élu à plusieurs reprises député français en 1984, 1986, 1988,1993 et 1997. En mars 1982, il est également élu Conseiller général du Puy-de-Dôme, puis denouveau en mars 1985. En 1986, il exerce la fonction de Conseiller régional d'Auvergne danslaquelle il sera reconduit en 1992, puis en 1998. Depuis le 21 mars 1986, il assume égalementla présidence du Conseil régional d'Auvergne. Entre 1989 et 1993, Valéry GISCARDD'ESTAING siège au Parlement européen. Il devient alors président du groupe Libéral,Démocrate et Républicain (LDR) jusqu'en 1991. Il milite activement en faveur du "oui" lorsde la campagne référendaire sur l'adhésion de la France au traité de Maastricht. Après l'entréeen vigueur du traité, il prend parti pour l'assouplissement des critères de Maastricht (tauxd'inflation, déficit de la dette publique…). Valéry GISCARD D'ESTAING fonde, en 1986,avec Helmut SCHMIDT, le Comité pour l'Union monétaire de l'Europe. Celui-ci publie, en1988, le "programme pour l'action" dont plusieurs propositions seront reprises par le ComitéDELORS, qui est chargé d'étudier un projet d'Union économique et monétaire. Président duConseil régional d'Auvergne depuis 1986, Valéry GISCARD D'ESTAING est, de 1992 à1998, Président de l'Association des Présidents de Conseils régionaux (APCR). En octobre1997, il est également élu président du Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE). Ils'engage activement dans la promotion du rôle des collectivités locales au sein l'Unioneuropéenne. Il publie un rapport pour le Parlement européen sur le principe de subsidiarité quisera une des bases du traité sur l'Union européenne. De 1989 à 1997, il a exercé la Présidencedu Mouvement International Européen. Il est également Président de l'Institut pour laDémocratie en Europe. En décembre 2001, les chefs d’États ou de gouvernement réunis ensommet à Laeken nomment Valéry GISCARD D'ESTAING à la tête de la Convention surl’avenir de l’Europe. Cette convention qui doit formuler des propositions sur la futurearchitecture institutionnelle européenne a tenu sa séance inaugurale le 1 er mars et doit rendreun rapport définitif en juin 2003. " On nous reproche souvent de ne pas faire rêver del’Europe, de nous contenter de bâtir une structure compliquée, opaque, réservée aux seulsinitiés de l’économie, et de la finance. Et bien rêvons d’Europe ! Imaginons un continentpacifié, libéré de ses cloisons et de ses entraves, et où l’histoire et la géographie seront enfinréconciliées, permettant ainsi à tous les États d’Europe de bâtir ensemble leur avenir, aprèsavoir suivi des chemins séparés à l’Ouest et à l’Est. Un espace de liberté et d’opportunité, oùchacun pourra se déplacer selon sa préférence pour étudier, travailler, entreprendre, etcompléter sa culture. Un espace bien identifié par la manière dont il réussira la synthèse entrele dynamisme de la création, le besoin de solidarité, et la protection des plus faibles et des658


plus démunis. Mais aussi, un espace où subsistent et se développent de fortes identitésculturelles, à la fois conscientes de leurs origines, et curieuses des échanges entre elles, quipeuvent les stimuler. Imaginons aussi la voix de l’Europe dans le monde. Son unité garantirason influence, et son autorité. Chacun connaît la richesse de sa culture, et la vigueur toujoursrenouvelée de sa créativité. L’Europe a apporté au monde la raison, l’humanisme et la liberté.Elle est qualifiée pour faire entendre un message de modération, de recherche de solutionsmutuellement acceptables, et d’attachement passionné à la paix. Sa diversité culturellegarantie sa tolérance. Elle doit aussi se montrer capable d’assurer sa propre sécurité, quelleque soit la nature des périls. Oui nous pouvons rêver, et faire rêver de l’Europe ! " ("Discoursintroductif sur l‘avenir de l‘Europe", 28 février 2002) "Il faut inventer l'Europe et ce sera latâche de notre génération de définir et de proposer progressivement une constructionoriginale : ce sera l'Europe existentielle" (8 septembre 1966) "La Commission ne saurait êtrel'embryon du gouvernement de l'Europe. La délégation de souveraineté a servi à fairedémarrer l'entreprise européenne mais ne saurait nous mener plus loin. Cette délégation,tolérée aussi longtemps qu'elle touche peu de secteurs, provoque rapidement des réflexes dedéfense de la part de toutes les administrations et de tous les gouvernements dès qu'elletouche à des matières importantes. Ce qu'il faut faire, c'est organiser la collaborationsystématique des gouvernements et assurer la convergence de leurs politiques tout enrespectant leurs prérogatives" (12 janvier 1967) "La politique européenne ne fait plus partiede notre politique étrangère. Elle est autre chose et ne se sépare plus du projet fondamentalque nous formons pour nous-mêmes." (juillet 1974).GUIGOU, Élisabeth, VALLIER de son nom de jeune fille, est une femme politique française,née le 6 août 1946 à Marrakech (Maroc). Elle est l'épouse de Jean-Louis GUIGOU, ancienconseiller technique de Michel ROCARD, agrégé d'économie, professeur d'université, ayantégalement occupé diverses fonctions publiques (dont directeur de la DATAR), et tous deuxont un enfant. Elle est membre du Parti socialiste. Elle s'est engagée en politique dès lesannées 60 d'abord à la Convention des institutions républicaines puis au PSU et enfin au PS.Élisabeth GUIGOU fut formée à l’ENA (promotion « Simone WEIL»). Elle débuta au cabinetde Jacques DELORS en 1982, avant de rejoindre celui de François MITTERRAND àl’Élysée, sous l'impulsion d'Hubert VEDRINE. En 1986, elle est nommée secrétaire généraledu comité interministériel pour les questions économiques européennes pour la période de lacohabitation. Elle fut successivement chargée des questions économiques européennes, puisplus particulièrement de l’Europe centrale et orientale. Du 2 octobre 1990 à 1993, elle futministre délégué aux Affaires européennes, avant de rejoindre le Parlement européen en 1994.En juin 1997, elle s'implanta dans le Vaucluse dont elle devient la députée. Elle devient Gardedes Sceaux puis ministre des Affaires sociales dans le Gouvernement Lionel JOSPIN. En2001, elle échoue à conquérir la mairie d'Avignon face à Marie-Josée ROIG, où son mariavait déjà échoué en 1989. Elle décide alors de se présenter dans une circonscription plussûre, en Seine-Saint-Denis en 2002, dont le parachutage est réussi. Élisabeth GUIGOU esttrès proche du père Jean-François SIX. En 1990, elle entre au Siècle. Elle est membre duconseil politique de la « Fondation agir contre l’exclusion » de Martine AUBRY. Par ailleurs,elle a créé son propre cercle patronal : « Europartenaires », et son lobby féministe : « Femmesd’Europe ». En outre, elle siège au conseil d’administration de la fondation de JacquesDELORS, « Notre Europe » Elle a défendu le "oui" au referendum du 29 mai, avec bonheurdans sa fédération socialiste en 2004, mais sans succès envers ses électeurs l'année suivante.Elle est Présidente fondatrice et co-présidente avec Jean-Noël JEANNENEY de l'associationEuropartenaires. Elle est licenciée en lettres, diplômée de L'Institut d'Etudes Politiques d'Aixen Provence, diplômée d'études supérieures en littérature américaine, diplômée d'étudesuniversitaires générales en sciences économiques c’est une ancienne élève de l'École659


nationale d'administration. De 1974 à 1979 elle est administrateur civil au ministère desFinances, de 1979 à 1981, attaché financier auprès de l'ambassade de France en Grande-Bretagne, de 1981 à 1982, chef de bureau des États d'Europe, d'Amérique et d'Asie à ladirection du Trésor. En 1982 elle est conseiller technique au cabinet de Jacques DELORS,ministre de l'Économie et des finances, de 1982 à 1988 elle est conseiller technique ausecrétariat général de l'Élysée, chargée de l'économie internationale, du commerce extérieur,des affaires européennes et des sommets, de 1985 à 1990 elle occupe le poste de secrétairegénérale du Comité interministériel pour les questions économiques de coopérationeuropéenne (SGCI). De 1988 à 1990 elle est chargée de mission auprès du président de laRépublique, de 1994 à 1997 elle est présidente de l'association Europartenaires. De 1990 à1993 elle est ministre déléguée, chargée des Affaires européennes (auprès du ministre d'État,ministre des Affaires étrangères), de 1997 à 2000 elle est garde des Sceaux, ministre de laJustice, de 2000 à 2002 elle est ministre de l'Emploi et de la solidarité.HAYEK Friedrich August Von (1899-1992), Prix Nobel d’économie en 1974, Friedrich vonHAYEK est beaucoup plus qu’un économiste: c’est un des grands maîtres de la philosophiesociale et politique du XXe siècle. Né à Vienne le 8 mai 1899, mort à Fribourg-en-Brisgau le23 mars 1992, il a fait des études de droit et de sciences politiques à l’université de Vienne. Ilest d’abord engagé comme expert à l’Institut autrichien de recherche économique, où iltravaille sous la direction du grand représentant de l’école autrichienne d’économie Ludwigvon MISES. De 1929 à 1931, il est privatdozent à l’université de Vienne. En 1931, remarquépour ses premiers travaux en théorie économique, il est nommé professeur à l’université deLondres (London School of Economics) — il acquerra, en 1938, la nationalité britannique. Ilfait la connaissance de KEYNES, dont il devient l’ami tout en combattant ses idées. Aulendemain de la guerre, en 1947, il fonde la Société du Mont-Pèlerin. En 1950, il devientprofesseur à l’université de Chicago. Il est nommé, en 1962, professeur d’économie politiqueà l’université de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne fédérale). Après sa retraite officielle, en1967, il enseigne de nouveau en Autriche, à l’université de Salzbourg. En 1974, il reçoit leprix Nobel d’économie, conjointement avec Karl GUNNAR MYRDAL. La bibliographie deHAYEK compte plus de deux cents titres, dont une vingtaine de livres, parmi lesquels:Monetary Theory and the Trade Cycle (1929), Prix et Production (1931, trad. franç.Calmann-Lévy), Profits, Interest and Investment (1939), The Pure Theory of Capital (1941).La thèse fondamentale sur laquelle reposent ces travaux est que l’octroi artificiel de monnaiepar le crédit d’État a pour effet, au-delà d’une surchauffe temporaire qui donne l’illusion d’unredressement de l’activité, de distordre la structure des prix relatifs, et donc de préparer desdysfonctionnements durables de l’économie et un chômage massif. La Route de la servitude(1944) montre que la socialisation de l’économie ne peut que déboucher sur la suppressiontotale des libertés, y compris des libertés politiques, donc que le socialisme eststructurellement incompatible avec la démocratie. Individualism and Economic Order (1948)reprend des articles connus dès avant guerre, où HAYEK mettait en évidence quel’information, dans les économies ayant dépassé le stade des petits groupes tribaux, estirrémédiablement dispersée. L’économie n’est pas un système fermé dans lequel, compte tenud’un recensement exhaustif des ressources disponibles et des besoins, un planificateurpourrait calculer, puis imposer, une allocation jugée optimale; elle est un système ouvert oùde nouvelles ressources et de nouveaux besoins se créent sans cesse. Seule la procédure demarché, «procédure de découverte», permet aux agents économiques individuels et ausystème dans son ensemble de s’adapter continuellement à ces conditions sans cessechangeantes, et cela sans que l’information soit jamais centralisée en un point précis, un«cerveau» du système. The Counter-Revolution of Science (1952, traduit partiellement enfrançais sous le titre Scientisme et sciences sociales) développe l’épistémologie des660


phénomènes complexes. La société n’est pas un artefact. On ne peut en avoir qu’uneconnaissance schématique, non déterministe, et on ne peut agir sur elle que par des techniquesrégulatrices, non fabricatrices. The Sensory Order: an Inquiry into the Foundations ofTheoretical Psychology (1952) est une théorie des catégories de la perception et del’entendement, quasi kantienne dans l’intention et dans la méthode mais qui fonde l’a prioridans la biologie et la théorie de l’évolution. L’auteur avait par ailleurs exprimé depuis laguerre, dans des articles dispersés, ses vues sur le droit et sur les liens entre un régime de ruleof law et le fonctionnement du marché. The Constitution of Liberty (1960) représente unepremière synthèse de la pensée de HAYEK. L’auteur y expose ses conceptions sur les lienssystémiques qui unissent l’économie, le droit et les institutions politiques. Le livre constitueen outre, quoique indirectement, une remarquable histoire de la philosophie du droit. Studiesin Philosophy, Politics and Economics (1967) et New Studies (1978) contiennent denouveaux développements de l’épistémologie de HAYEK et développent ses vues sur lesmécanismes de l’évolution culturelle, ainsi que des contributions originales à l’histoire desidées, notamment l’histoire de la «tradition de l’ordre spontané», ces Lumières angloécossaises(MANDEVIL<strong>LE</strong>, SMITH, FERGUSON, HUME, BURKE...) qui ont compris —au rebours des Lumières françaises cartésiennes, qui tiennent la société pour une constructionvolontaire — que la société est une réalité intermédiaire entre nature et artifice. La sociétéconstruit, par l’action des hommes (ce qui la distingue des ordres naturels) mais en dépassantleurs intentions (ce qui la distingue des artefacts), les structures à la fois suprêmementraffinées et stables — le langage, la morale, le droit, le marché, etc. — qui lui permettentd’atteindre un niveau de complexité et de performances qu’une démarche organisatrice et«constructiviste» ne lui permettrait pas d’atteindre. Droit, Législation et Liberté (1973-1979)est, avec The Constitution of Liberty, l’œuvre majeure de HAYEK. L’ensemble du système yest cette fois exposé de façon entièrement synthétique. On y trouve: 1) une théorieépistémologique des ordres , «naturels», «artificiels» et «spontanés» (ou «auto-organisés»); 2)une psychologie cognitive, mettant en évidence le rôle des «schèmes» de perception etd’action et du psychisme «métaconscient» dans la pratique humaine; 3) une théorie du droit etde l’État («Le droit est plus ancien que la législation»); l’État tient sa légitimité de ce qu’ilprotège un droit qui lui préexiste et qui limite sa souveraineté; le droit se subdivise en thesis,règles d’organisation pouvant être créées a priori et correspondant à peu près au droit public,et nomos, «règles de juste conduite», abstraites et intentionnelles, ne pouvant être formulées etmodifiées qu’a posteriori, à la lumière de l’expérience collective qui se révèle dans les procès,et correspondant au droit civil et pénal; 4) une théorie cognitive de la propriété privée, qui nefonde pas celle-ci dans un droit naturel absolu de l’individu, mais dans le fait qu’elle permetseule l’«ajustement mutuel des anticipations», et donc un ordre rationnel de coopération; 5)une théorie de la catallaxie, ou de l’économie comme ordre essentiellement polycentrique;cette théorie analyse les prix comme un «medium de communication» assurant — pourvu queles agents économiques soient laissés entièrement libres de leurs décisions — l’optimuméconomique; 6) une théorie de l’évolution culturelle et de l’origine des valeurs morales ,lesquelles sont conçues comme le produit d’un processus d’«essais et d’erreurs» mémorisépar la société qui a conservé celles qui se sont révélées les plus efficientes; 7) la thèse de lasupériorité anthropologique, sur toutes les autres formes connues, de la société libéralemoderne, qui a décuplé en deux siècles la population mondiale à ressources naturellesinchangées; celle de sa supériorité morale, puisqu’elle substitue un ordre de coopérationpacifique à l’antique ordre de prédation; celle de sa supériorité intellectuelle, puisque,organisant l’échange, elle permet une division du travail et du savoir plus poussée que jamaisauparavant, et donc une croissance exponentielle du savoir possédé par la société, à capacitésintellectuelles égales des individus; 8) enfin, une théorie constitutionnelle; HAYEK montreque, dans nos systèmes représentatifs modernes, les gouvernements et les parlements ne sont661


plus que l’émanation d’une même majorité, soumise à la logique du «marché politique». Iln’y a plus de séparation des pouvoirs, puisque le législatif fait ou défait les lois en fonction dela politique voulue par l’exécutif. HAYEK imagine alors un mécanisme permettant de revenirà une véritable séparation des pouvoirs. Deux Chambres, élues selon des procédures et à despériodicités différentes, jouent des rôles rigoureusement différenciés, l’une étant uniquementlégislative, l’autre uniquement exécutive; la seconde ne peut voter aucune mesure quicontrevienne aux règles générales posées par la première. La Chambre législative seule, parexemple, vote la partie «recettes» de la loi de finances, puisque le prélèvement fiscal est unecoercition et ne peut, comme telle, dans un État de droit, être exercée à l’encontre d’uncitoyen qu’en vertu d’une règle générale; en revanche, c’est l’autre Chambre qui vote la partie«dépenses», puisque les affectations de crédits ne sont en aucune façon des règles, mais desmesures particulières. Ainsi, la majorité gouvernementale, ne pouvant changer à son gré lemode de répartition des charges, ne peut décider de dépenses nouvelles qui ne pèseraient quesur les électeurs de la minorité et dont ses propres électeurs n’auraient pas à pâtir. Un desmécanismes ayant permis l’augmentation incessante des prélèvements obligatoires danspresque toutes les démocraties occidentales se trouve ainsi enrayé. Dans The Fatal Conceit(1988), HAYEK reprendra une dernière fois sa critique du socialisme, considéré comme unefatale erreur intellectuelle.HARROD Roy Forbes (1900-1978) a fait ses études et a enseigné à l'université d'Oxford. Il apublié des travaux d'une grande variété, explorant divers aspects de la science économique.Une grande partie de ses travaux traite de l'analyse de la croissance économique, mais il aégalement effectué des recherches sur la monnaie et l'inflation.HERZBERG., Frederick I. (1923-2000), Psychologue du travail, F.I.HERZBERG est connucomme le père de l’enrichissement des tâches, une approche visant à améliorer la créativité etle bonheur de l’être humain en milieu de travail. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont :Motivation at Work (1959) et Work and the Nature of Man (1966). Professeur à la Universityof Utah, consultant mondialement réputé, il est rédacteur de la revue «Industry Week». F.HERZBERG étudie les motivations. Ses travaux le conduisirent à conclure que l’hommeconnaît deux catégories de besoins : Les besoins d’entretien (besoins d’Adam) : Rémunération, conditions de travail, sécuritéde l’emploi…La non satisfaction de ces besoins engendre des conflits, mais leur satisfactionne suffit pas à motiver. Les besoins de réalisation (besoins d’Abraham) : Avancement, nature du travail,responsabilité…La réponse à ces besoins est source de motivation. La rationalisation et la simplification dutravail en ont appauvri le contenu, il faut donner au salarié des tâches plus complexes, plus deliberté et de responsabilité.L’organisation du travail doit permettre d’éviter le mécontentement et provoquer lasatisfaction. Il préconise :- l’élargissement des tâches : rassemblement sur un même poste de travail de tâchesélémentaires précédemment réparties entre plusieurs opérateurs.- l’enrichissement des tâches : consiste à donner un contenu plus qualifié et plus responsable àun poste de travail.662


HICKS John Richard (1904-1989) économiste britannique et lauréat du Prix de la Banque deSuède en sciences économiques en mémoire d'Alfred NOBEL en 1972, est l'un deséconomistes les plus importants et influents du XX e siècle. Il est le créateur du modèle IS/LM,qui est une transcription de la Théorie générale de John Maynard KEYNES en termesnéoclassiques. Le modèle définit une relation entre les taux d'intérêts i et le revenu y. Lacourbe IS represente les situations pour lesquelles l'investissement est égale à l'épargne (Spour Savings en anglais) et la courbe LM, la demande de liquidité L de monnaie est égale àl'offre M de monnaie. Le modèle IS/LM fait de John HICKS le premier des néo-keynésiens.HIRSCHMAN, Albert Otto est né à Berlin en 1915, c’est un économiste américain deformation. Ses recherches pluridisciplinaires rendent difficile sa classification dans une desdisciplines auxquelles il a contribué telles que l'économie, les sciences politiques ou lasociologie. Il fait ses études au Lycée français de Berlin. À 16 ans, il adhère aux Jeunessessocialistes du Parti Social Démocrate (SPD) allemand avec lesquelles il s'opposera, parfoisviolemment, aux nazis. En 1933, après la prise de pouvoir d'Adolf HIT<strong>LE</strong>R, il quittel'Allemagne pour la France, où il poursuit ses études supérieures à l'École des hautes étudescommerciales et à la Sorbonne, puis au Royaume-Uni à la London School of Economics. En1936, il part en Espagne pour combattre le franquisme. Jusqu'en 1938, il étudie à l'Universitéde Trieste, où il obtient son doctorat d'économie et s'engage dans l'opposition clandestine àBenito MUSSOLINI. Contraint à l'émigration à cause des lois anti-juifs, on le retrouve dansun groupe de volontaires allemands et italiens de l'armée française. Après la signature del'armistice, il participe activement à la protection et à l'exfiltration de personnes menacées parla collaboration du régime de Vichy. En décembre 1940, il est lui-même obligé de fuir versles États-Unis, où il obtient une bourse de recherche ROCKFEL<strong>LE</strong>R à l'université deCalifornie, Berkeley (1941-1943). Il sera fait citoyen américain en 1943. Par la suite, ilrevient en Afrique du Nord au service de l'armée des États-unis (1943-1946) puis travaille à laréserve fédérale (1946-1952) pour la reconstruction économique de l'Europe sous l'égide duPlan Marshall. En 1952, il choisit de se rendre en Colombie pour être conseiller économiquedu National Planning Council puis à partir de 1956, conseiller dans le privé. De retour dans lemonde académique, il obtient des postes dans les plus grandes universités américaines,universités de Yale (1956-1958), Columbia (1958-1964), Harvard (1964-1974) et Princeton(1974-1985). En 1985, il prend sa retraite et est nommé professeur émérite. En 1958,HIRSCHMAN publie un ouvrage sur l’économie du développement, The Strategy ofEconomic Development qui sera un des textes fondateur de ce nouveau champ de recherche. Ilaffirme la spécificité des pays en développement ce qui le conduit à rejeter l'analyseéconomique standard pour analyser ces pays. Ce livre s'inscrit dans une trilogie dans laquelleHIRSCHMAN avait l'espoir de célébrer, chanter l'épopée du développement, son défi, sondrame, sa grandeur. En 1963, paraît Journeys Toward Progress et en 1967, DevelopmentProjects Observed. Dans son livre de 1958, il présente ses stratégies de développementéconomique. L'idée de croissance déséquilibrée, qui rencontra un vif intérêt parmi les pays endéveloppement dans les années 1960, y est formulée. HIRSCHMAN voit dans la croissanceune succession de déséquilibres, car la croissance se manifeste d'abord dans certains secteursou certaines régions avant de s'étendre au reste. Il existe des liaisons entre les branchesindustrielles: dans le cas de liaisons en amont (backward linkages), la mise en place d'uneindustrie va créer une demande pour des intrants (ou input, par exemple, l'industrieautomobile a besoin d'acier); dans le cas de liaisons en aval (forward linkages), le produitd'une industrie peur devenir le facteur de production d'une autre industrie (le forage pétrolierpermet la création d'une filière de pétrochimie). Il préconise donc de concentrer les effortsd'investissement sur un nombre limité de secteurs, qui auront été sélectionnés pour leurs effetsd'entraînement, afin de créer des pôles de croissances. Les secteurs clés seront l'industrie663


lourde. L'Algérie s'est lancée dans le développement d'industries lourdes (sidérurgie,pétrochimie et infrastructures de transport) entre la fin des années 1960 et le début des années1980. Malgré une forte progression de sa production industrielle, cette stratégie a rencontré denombreux problèmes. Cette stratégie d'investissement est coûteuse car la production nécessited'être subventionnée tant que les acheteurs ne peuvent payer le vrai prix. De plus ces projetsont souvent été surdimensionnés et les secteurs de consommation de biens finaux etl'agriculture ont été délaissés faisant passer notamment l'Algérie d'un statut d'exportateur àimportateur de produits alimentaires. À l'époque ce concept s'opposait à l'idée de croissanceéquilibrée prônée notamment par ROSENSTEIN-RODAN, NURKSE, Arthur <strong>LE</strong>WIS etSCITOVSKY. En 1970, il publie son ouvrage le plus connu, Exit, Voice, and Loyalty :Responses to Decline in Firms , Organizations, and States. Il montre que les individus ont àleur disposition trois choix pour répondre à la répression politique: l’exil (exit), la protestation(voice) ou la collaboration (loyalty). HIRSCHMAN remporta de nombreux prix, dont le prixTalcott PARSONS pour les sciences sociales en 1983 de l'académie américaine des sciences,le prix TOYNBEE 1997-98 et la médaille Thomas JEFFERSON décernée par la société dephilosophie américaine.HOOVER Herbert Clark (1874 -1964) est le 31 e Président des États-Unis de 1929 à 1933.Lorsque HOOVER est élu, l’économie est relativement florissante et l’optimisme règne.Quelques mois plus tard, la bourse s’écroule et la Grande Dépression commence. HOOVERtente sans grand succès d’y mettre fin et se retrouve seul désigné responsable de la catastropheéconomique.HUE, Robert (1946- ) est un homme politique français appartenant au Parti communistefrançais. Né le 19 octobre 1946 à Cormeilles-en-Parisis dans le Val-d'Oise, de parentsouvriers et communistes, il va souvent vendre L'Humanité avec son père René, ouvriermaçon. Sa mère, ouvrière textile, a pour nom de jeune fille Raymonde GREGORIUS. Ilétudie au collège d'enseignement technique de Cormeilles-en-Parisis et joue dans le groupe derock « Les Rapaces » sous le nom de Willy BALTON. Il est aussi judoka, champion deFrance académique 1963, ceinture noire deuxième dan. Dès ses seize ans, en 1962, il adhère àla Jeunesse communiste puis un an plus tard au Parti communiste. Après des étudesd'infirmier à Paris, il exerce ce métier en psychiatrie au centre de santé d'Argenteuil. Au PCF,fidèle de Georges MARCHAIS, il gravit un à un les échelons et est élu en 1977 maire deMontigny-lès-Cormeilles. Populaire en son fief, il sera constamment réélu par la suite etobtiendra d'autres mandats tels que celui de conseiller régional d'Ile-de-France et conseillergénéral du Val d'Oise. En février 1981, il fera brièvement parler de lui à l'échelle nationale enmenant un coup d'éclat contre une famille d'immigrés qu'il dénonce à la vindicte populairecomme trafiquants de drogue, sans autre preuve que la lettre de dénonciation d'une voisine dela famille en question. Cette affaire intervient quelques jours avant un meeting de GeorgesMARCHAIS à Montigny-lès-Cormeilles et alors que le Front national grappille des voix auParti communiste et que le thème de l'immigration est porteur. Une telle affaire, qui neressemble pas vraiment au personnage de Robert HUE montre la fidélité absolue qui le lie auParti communiste français à cette époque. En 1987, il entre au Comité central du Particommuniste puis en 1990 au Bureau politique. En 1994, alors qu'il est quasiment inconnu,Georges MARCHAIS fait de lui son successeur : il devient secrétaire national du parti.Quelques heures plus tard, il commet à l'occasion un lapsus fameux en annonçant : « Je nesuis pas l'homme de personne ». Poussé par la chute du mur de Berlin et l'érosion idéologiqueet politique du Parti communiste français, Robert HUE entame une politique de mutation duparti dont il vient de prendre la tête : ouverture vers d'autres mouvements, abandon d'uncertain nombre de doctrines, création d'un exécutif à deux têtes (il devient président du parti664


alors que Marie-George BUFFET devient secrétaire national), etc. Il publie un livre afind'expliquer les réformes internes : Communisme : la mutation. En 1995, Robert HUE est lecandidat du Parti communiste à l'élection présidentielle : il recueille 8,7 %, érodé par laconcurrence de la Ligue communiste révolutionnaire et de Lutte ouvrière, mais faisant mieuxque le précédent candidat communiste. En 1997, il supporte l'idée de la gauche plurielle quivoit l'arrivée de la gauche au pouvoir lors de la troisième cohabitation : il devient député etquelques ministres communistes entrent au gouvernement. Pendant ce temps le Particommuniste continue de perdre du terrain : le nombre d’adhérents passe de 200 000 en 1998 à138 000 en 2001 alors que sort en librairie Le livre noir du communisme qui martèle les mortspar millions dues à l'URSS et à la Chine communiste. En 2001, le Parti perd une grande partiede ses bastions lors des élections municipales. En 2002, Robert HUE se présente de nouveau àl'élection présidentielle et obtient 3,37 % : Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN, qui à la surprise générale estprésent au second tour, clame que le Parti communiste a disparu. Le score est si mauvais quesa campagne n'est pas remboursée totalement et que les comptes du Parti sont gravement dansle rouge. Une souscription est lancée alors qu'il quitte la présidence du parti, le laissant auxmains de la secrétaire nationale Marie-George BUFFET. Le poste de président du PCF, créépar lui, cesse d'exister avec son départ. En 2002, il perd son mandat de député et il ne lerécupère pas lors d'une élection partielle en 2003. Un an plus tard, Robert HUE est élusénateur.JOHNSON Lyndon B., Vice-président de John F. KENNEDY (JFK), (1908-1973), ayantperdu les primaires démocrates face à John F. KENNEDY, il fut néanmoins choisi commevice-président par celui-ci, sans doute pour augmenter les chances de JFK de gagner les voixde l'Etat du Texas. JOHNSON, surnommé "LBJ", succédera au président assassiné.Bénéficiaire direct de la mort de John F. KENNEDY, ce qui en fait aux yeux de plusieurschercheurs un commanditaire potentiel du crime de Dallas.JOSPIN Lionel (1937- ) ; né le 12 juillet 1937 à Meudon (Hauts-de-Seine), est un hommepolitique français, Premier ministre de 1997 à 2002. Né dans une famille protestante etmilitante de gauche, Lionel JOSPIN est issu du second mariage de son père Robert JOSPIN,un enseignant pacifiste membre du parti socialiste SFIO, avec une sage-femme, MireilleDANDIEU. De son premier mariage, Robert JOSPIN a eu deux enfants : un fils, Maurice, ditMowgli, futur journaliste et jazzman, ami de Claude LUTER, et une fille, Hélène. De l'unionde Robert et Mireille JOSPIN naîtront quatre enfants : Agnès, Lionel, Olivier et Noëlle, quiépousera le philosophe François CHATE<strong>LE</strong>T et deviendra romancière. De Meudon, où elleoccupe un appartement, puis une villa avec jardin, la famille vient en 1948 s'installer à Paris,dans le quartier de la Bastille, boulevard Richard-Lenoir. Deux ans plus tard, Robert JOSPINprend la direction d'un centre d'enfants difficiles, à la Ferté-sous-Jouarre, en Seine-et-Marne.Adolescent, Lionel JOSPIN a intégré sous le nom de « Langue agile » les éclaireurs(protestants) de France, et à 15 ans, lors d'un camp dans le Jura, a eu pour chef de patrouilleMichel ROCARD, alias « Hamster érudit ». En 1954, il obtient son baccalauréat au lycéeJanson de Sailly. De 1956 à 1959, il est étudiant à l'Institut d'études politiques de Paris etrésidant à la cité universitaire Jean Zay à Antony. Il réussit le concours de l'École nationaled'administration en novembre 1961. De 1961 à 1963, il effectue son service militaire commeélève-officier à l'école de cavalerie de Saumur (comme avant lui Jacques CHIRAC), puiscomme officier de chars, chef de peloton d'instruction à Trêves (Allemagne). Il y retrouve lesoldat Guy ROUX, futur entraîneur de l'AJ Auxerre, et le soldat Jean-Loup DABADIE, futurscénariste et parolier à succès, ainsi que ses copains d'alors : Josselin DE ROHAN, Jean-Bernard MERIMEE et Jean VIDAL. Issu d'une famille de gauche, mais rebuté par lestalinisme et la politique coloniale de la SFIO, il rejoint le mouvement trotskiste au début de665


1965. Il militera d'ailleurs à l'UNEF contre la guerre d'Algérie. Sous l'influence d'un amiéducateur, Michel LAUTREC (1937-2000), il fait partie du groupe Lambert, Organisationcommuniste internationaliste (OCI) où il milite sous le pseudonyme de Michel, en hommage àson initiateur. De 1963 à 1965, il est élève de l'ENA, dans la promotion Stendhal. Se trouventdans la même promo : Yves CANNAC, le président du Medef Ernest-Antoine SEILLIERE, leministre socialiste Jean-Pierre CHEVENEMENT, le sénateur RPR puis UMP Josselin DEROHAN, Alain GOMEZ, le ministre RPR Jacques TOUBON, Jean VIDAL, Jean-BernardMERIMEE, Tristan D'ALBIS, et Christian AUBIN. Il effectue son stage à la préfecture deBourges, et son stage « ouvrier » dans les houillères du Nord. Il entre au Quai d'Orsay commesecrétaire des Affaires étrangères à sa sortie de l'ENA, en 1965. Il se trouve à la direction dela coopération économique du Quai d'Orsay, où il travaille avec Ernest-Antoine SEILLIERE.En 1970, il abandonne sa carrière de diplomate pour devenir professeur d'économie à l'IUT deSceaux (92). Après le congrès d'Épinay, il rejoint le Parti socialiste en 1971, à la demande del'OCI. Il rencontre régulièrement Pierre LAMBERT ou d'autres responsables de l'OCI. LionelJOSPIN n'en mène pas moins une carrière rapide au PS, devenant un protégé de FrançoisMITTERRAND. Ce dernier, informé des années plus tard par Loïk <strong>LE</strong> FLOCH-PRIGENT dela double appartenance de Lionel JOSPIN, aurait répondu « Ne vous en faites pas, je sais ! Jem'en charge. C'est moi qui le retournerai ». En 1973, il entre au Bureau exécutif et devientSecrétaire national à la formation. En 1977 Lionel JOSPIN est élu au XVIII e arrondissementde Paris, puis député de cette même ville en 1981, jusqu'en 1986, puis député de Haute-Garonne réélu 1988 et en 1997. En 1979 au congrès de Metz du Parti socialiste il déclare"l'objectif du PS n'est pas de moderniser ou de tempérer le capitalisme mais de le remplacerpar le socialisme". En 1981 François MITTERRAND est élu président de la République. Ilvient alors d'être élu Premier secrétaire du parti, succédant à François MITTERRAND. LionelJOSPIN garde ce poste durant toute la durée du premier septennat de FrançoisMITTERRAND. Il quitte l'OCI durant cette période, rompant ses contacts avec lelambertisme autour de 1981. En 1988, il devient ministre de l'Éducation nationale. Il lanceune réforme de la formation des enseignants et redessine la carte universitaire. Mais lacontestation lycéenne l'affaiblit en 1990. Sa rivalité avec Laurent FABIUS, exacerbée lors ducongrès de Rennes en 1990, déchire le Parti socialiste. Lionel JOSPIN s'éloigne de FrançoisMITTERRAND, doit quitter le gouvernement en 1992. Après sa défaite aux législatives en1993, il quitte ses fonctions au PS et songe à se retirer de la vie politique, notamment endemandant un poste d'ambassadeur, ce à quoi s'opposera Alain JUPPE, ministre des Affairesétrangères de l'époque. En 1995 suite au désistement de Jacques DELORS, il rebondit et estélu face au Premier secrétaire Henri EMMANUELLI candidat du Parti socialiste à l'électionprésidentielle le 5 février 1995. Donné perdant dès le début de l'élection, il crée la surprise enarrivant en tête au premier tour, devant les rivaux RPR Jacques CHIRAC et EdouardBALLADUR et en obtenant un bon score au second. Lionel JOSPIN redevient alors Premiersecrétaire et dirige l'opposition. Il fait alliance avec le Parti communiste, les Verts, le Partiradical de gauche et, le Mouvement des Citoyens pour créer la gauche plurielle qui remporteles élections législatives de 1997 suite à la dissolution décidée par Jacques CHIRAC le 21avril 1997. En 1997 le 2 juin Jacques CHIRAC le nomme Premier ministre : c'est le début dela troisième cohabitation. Ayant une image austère, il forme un gouvernement d'union centrésur quelques proches : Dominique STRAUSS-KAHN, Claude AL<strong>LE</strong>GRE et MartineAUBRY. Cette dernière met en place la principale promesse de campagne : les 35 heures.Assez populaire, il doit cependant se séparer du noyau dur de son gouvernement : contesté parles syndicats enseignants, Claude AL<strong>LE</strong>GRE abandonne l'Éducation nationale, tandis queDominique STRAUSS-KAHN, mis en examen, choisit de démissionner. Lors du vasteremaniement ministériel de 2000, il fait alors entrer les "éléphants" du PS, dont Jack LANG,rue de Grenelle, et son rival, Laurent FABIUS, à Bercy. De 1997 à 2001 contrevenant à la666


déclaration commune PS-PC du 29 avril 1997 qui promettait «pour France Telecom,Thomson et Air-France, l’arrêt des privatisations» il entreprend une série de privatisations oud'ouverture aux capitaux privés pour répondre aux attentes et obligations dues à laconstruction européenne : France Telecom, Thomson Multimédia, le GAN, le CIC, les AGF,Société Marseillaise de Crédit, RMC, Air France, Crédit Lyonnais, Eramet, Aérospatial-Matra, EADS Banque Hervet. Il déçoit également de nombreux sympathisants de la gauche àpropos de l'usine Renault de Vilvoorde en Belgique (bien que manisfestant quelques moisplus tôt contre la fermeture il ne put ou ne voulut stopper le processus). En 2001, son passétrotskiste est révélé dans des articles de presse (Le Monde, l'Express, le Nouvel Observateur),puis dans deux biographies. La rumeur courait depuis 1982 (alimentée notamment par troisanciens membres de l'Organisation communiste internationaliste, Yvan BERREBI, PatrickDIERICH et Boris FRAENKEL) mais avait jusque-là été démentie par l'intéressé, quiaffirmait avoir été confondu avec son frère Olivier JOSPIN, lui-même militant avoué del'organisation trotskiste. L'obligation de reconnaître enfin les faits le déstabilise. Sur le planéconomique, Lionel JOSPIN bénéficie d'une période d'embellie liée à une forte croissancemondiale, avec notamment à l'envol des nouvelles technologies, et a mis en œuvre unepolitique ciblée sur l'emploi (emplois-jeunes, prime pour l'emploi, baisse de la TVA, soutien àla consommation, allègements de charges, réforme sur l'annualisation du temps de travail encontrepartie des 35h) ; entre 1997 et 2001, le chômage passe du taux record de 12,2% à unplancher de 8,6 %, mais il repassera la barre des 9 % en 2002. L'impact de la réforme des 35hreste toutefois contesté, pour deux raisons, la première concerne l'efficacité même de laréforme et la deuxième est due au fait qu'à ce moment-là, il n'y avait pas le recul quipermettait de juger correctement. Fier de son bilan, il se présente en 2002 à l'électionprésidentielle. Jacques CHIRAC le prend de vitesse en annonçant bien avant lui sacandidature à l'élection présidentielle. Il gère mal une campagne marquée par le thème del'insécurité, sujet décrit comme ayant pris une place disproportionnée par certains,principalement dans le traitement de l'information par les médias. D'autres accusent même cesderniers de favoriser l'extrême-droite en attisant le racisme à travers des images ne montrantsouvent que des "étrangers", commettant des délits, brûlant des voitures et affrontant lesforces de l'ordre. Ces allégations ont été démenties par les médias eux-mêmes, mais l'extrêmedroitegrimpe néanmoins dans l'opinion publique. Lionel JOSPIN ne s'en soucie pas outremesure. Ainsi, il évalue mal ces risques qui s'ajoutent aux divisions de la gauche: il n'arrivepas à rassembler sous sa candidature les composantes de sa majorité plurielle qui présententchacune un candidat à l'élection présidentielle. Son positionnement n'est pas clair, affirmantau début de la campagne que son "projet n'est pas socialiste", puis nuançant par la suite cepropos avec des drapeaux rouges lors des meetings. D'autre part, ses attaques personnellescontre le Président ont eu un effet mitigé ("Un Président vieux, usé, fatigué"). Enfin, il lui estreproché de ne pas avoir profité des années de croissance économique solide pour affronterles grands problèmes de société, notamment la réforme des retraites. Le scrutin sera marquépar une très forte abstention. Il est éliminé dès le premier tour par les électeurs qui ont placéJean-Marie <strong>LE</strong> PEN en seconde position derrière Jacques CHIRAC qui sera élu très largement(82 %) après de larges mobilisations, dans toute la France, contre l'extrême-droite. Dépité parson échec cuisant, il annonce immédiatement son retrait de la vie politique dès la fin del'élection présidentielle, en déclarant "au-delà de la démagogie de la droite et de la dispersionde la gauche qui ont rendu possible cette situation, j’assume pleinement la responsabilité decet échec et j’en tire les conséquences en me retirant de la vie politique après la fin del’élection présidentielle". Depuis lors, il intervient de temps en temps dans des débatsnationaux ou propres au Parti socialiste. Pour la première fois depuis trois ans, il acceptel'invitation de France 2 à « Question ouverte » le 28 avril 2005 pour défendre le « Oui » auréférendum sur le traité constitutionnel européen puis est revenu le 25 mai s'exprimer sur le667


même sujet sur TF1. Son intervention n'empêche pas le « non » de l'emporter. Lionel JOSPINa trois enfants, issus de deux mariages différents. Son premier mariage est avec ElisabethDANNENMUL<strong>LE</strong>R, il se marie ensuite avec la philosophe Sylviane AGACINSKI. En 2005,sort le livre Le monde comme je le vois qui relance les polémiques au sujet de son éventuelretour en politique : c'est en fait la question de la présidentielle de 2007 qui est implicitementsoulevée par cette publication. Le 26 novembre 2005, Lionel JOSPIN affirme sur la radioEurope 1 qu'il n'est pas « candidat à la candidature » du Parti socialiste pour l'électionprésidentielle en 2007 et qu'il s'est retiré « de la vie politique active » en avril 2002. Il laissetoutefois sous-entendre à diverses occasions qu'il serait prêt à se présenter si les socialistes lelui demandent. Le 26 août 2006, à l'approche des élections présidentielles, Lionel JOSPINretourne dans ses rangs. Mais ne se prononce toujours pas pour sa candidature de 2007. Le 4septembre 2006, Lionel JOSPIN déclare être "capable d'assumer la charge de chef de l'Etat"mais le 28 septembre 2006, il annonce finalement qu'il ne sera pas candidat à la candidaturepour la présidentielle au sein du parti socialiste.JOXE, Pierre né (1934- ) est un homme politique français. Pierre JOXE est le fils de LouisJOXE, ancien ministre du général DE GAUL<strong>LE</strong>, petit-fils du célèbre intellectuel « parisien »libéral-conservateur Daniel HA<strong>LE</strong>VY et arrière-petit-fils du dramaturge, romancier etacadémicien Ludovic HA<strong>LE</strong>VY. Par cette ascendance, il est descendant au 4 e degré de LouisBREGUET, horloger et physicien, et apparenté à l'avionneur Louis Charles BREGUET et àl'actrice Clémentine CELARIE. Licencié en droit, c’est un ancien élève de l'École nationaled'administration (promotion « Albert CAMUS »). Nommé le 26 février 2001 par le présidentde l'Assemblée nationale au Conseil constitutionnel il a prêté serment le 12 mars 2001 devantle président de la République, il est actuellement Vice-président trésorier de l'IFRI.( L’Institutfrançais des relations internationales) est l’un des principaux centres indépendants européensde recherche, de rencontres et de débat sur les questions internationales.KHAN-FREUND (1900-1979), allemand, il étudie le droit du travail en 1929 à l’universitéde Frankfort et devient juge d’Arbeigerich en 1929. Réfugié en Angleterre en 1933, il étudiepuis enseigne en 1936 à la London Scool of Economics jusqu’en 1964 où il devientprofesseur de Droit Comparé à Brassenose CollegeKENNEDY (John Fitzgerald) 1917-1963; Parce que, trois ans après avoir été élu, il est mortassassiné à Dallas dans des conditions encore mal éclaircies, et avant d’avoir atteint aucun desobjectifs qu’il avait proposés à l’Amérique; parce que son frère Robert, décidé à briguer à sontour la candidature du parti démocrate à la présidence des États-Unis, a lui aussi été assassinémoins de cinq ans plus tard, John Fitzgerald KENNEDY, trente-quatrième président desEtats-Unis – du 20 janvier 1961 au 22 novembre 1963 –, est devenu et demeure pourbeaucoup d’Américains un personnage de légende. Fascinant à bien des égards de son vivantmême, il a été vite transfiguré par la mort. La haine qu’il avait suscitée est devenue plusdifficile à exprimer; l’admiration s’est atténuée; mais pour un grand nombre de personnes,surtout dans la jeune génération, il reste la tristesse d’avoir perdu un homme politique quiessayait de comprendre leurs aspirations. Et à chaque nouvelle crise la question surgit:comment KENNEDY aurait-il agi ? Pourquoi était-il, contrairement à ses successeurs,capable d’apprendre, de tirer de ses échecs et surtout de ses fautes des enseignements utiles ?La personnalité du premier catholique élu président des États-Unis reste quelque peuénigmatique. L’abondante littérature qui lui a été consacrée (en particulier les très minutieuxet éclairants récits de deux des plus proches collaborateurs du président, T. SORENSEN etA. SCH<strong>LE</strong>SINGER) ne répond pas à toutes les questions posées à son sujet, et l’évolution desÉtats-Unis depuis 1963 rend l’objectivité difficile. Plus sans doute que des objectifs précis,668


c’est le goût de la politique, l’ambition personnelle et le désir de voir son pays exercerdignement les responsabilités découlant de sa prospérité et de sa puissance qui expliquent lavolonté de John Fitzgerald KENNEDY d’accéder à la présidence. Encouragé par son père etpar toute sa famille, le «clan KENNEDY», très influent à Boston, servi par une fortuneconsidérable, il a dû néanmoins faire preuve d’une intelligence, d’une ténacité et d’un charmehors de pair pour se faire élire en 1952, à 35 ans, sénateur du Massachusetts, et s’imposer en1960 comme candidat démocrate à la présidence des États-Unis. Il succédait àDwight EISENHOWER, président républicain (1953-1961). Auteur de plusieurs livres àsuccès, doté d’une exceptionnelle capacité d’assimilation, il se sent parfaitement à l’aiseparmi les intellectuels et les spécialistes des sujets les plus divers, et les impressionne parl’étendue de sa curiosité et par la conscience très nette qu’il a de ses propres limites. L’équipequ’il rassemble est brillante et lui est dévouée. Pour le public américain, l’image de cethomme jeune et gai, ayant à maintes reprises prouvé son courage physique, appelant son paysà faire des sacrifices pour retrouver l’équilibre et la fierté, a peut-être plus d’importance queles mesures qu’il préconise en vain, ou que les crises qu’il règle. Mais, en dehors d’uneconception volontariste du pouvoir et de la présidence, KENNEDY, élu à une très faiblemajorité, savait-il avec précision ce qu’il voulait ? Moins bien, sans doute, que lui-même ne lecroyait – encore qu’il faille se rappeler l’humour avec lequel il se considérait, et que sonaversion à l’égard du style idéologique l’ait peut-être conduit à ne pas donner à ses sentimentsla force qu’ils avaient parfois. Réagissant contre l’immobilisme de l’administrationrépublicaine, il cherche avant tout à «remettre l’Amérique en mouvement» pour qu’elle règleses problèmes sociaux et économiques, et à la rendre capable non seulement de protéger sesalliés du danger soviétique, mais aussi de stabiliser la situation internationale pour éloigner lerisque d’une guerre nucléaire. Par formation, par goût, par nécessité, croit-il, c’est à lapolitique extérieure qu’il accorde la priorité. Mais la question demeure de savoir quelle était,dans ce domaine, sa marge de liberté. L’héritage d’EISENHOWER était, ou paraissait, bienlourd. Pendant sa campagne électorale, KENNEDY avait affirmé que les États-Unis étaient entrain de perdre la course aux armements nucléaires: le missile gap (en fait imaginaire) risquaitd’encourager l’U.R.S.S. à se montrer agressive. Une erreur de calcul soviétique à propos deBerlin-Ouest, sans cesse menacé, pouvait déclencher une guerre mondiale. Enfin,Fidel CASTRO était installé à Cuba, et les services américains avaient préparé contre sonrégime une opération militaire dont ils garantissaient le succès. KENNEDY ne perdrait-il passon autorité encore mal assurée, aux États-Unis comme sur la scène internationale, s’il nemettait pas à exécution les projets élaborés sous l’administration EISENHOWER ? Aprèsavoir beaucoup hésité, et imposé une révision des plans qui réduit très sensiblement laparticipation directe des forces américaines aux côtés des émigrés cubains, il donne, en mars1961, le feu vert à l’opération qui se termine par la catastrophe de la baie des Cochons . Ilassume la pleine responsabilité de cette défaite, et ne fera plus jamais confiance auxmilitaires, à la C.I.A. (Central Intelligence Agency) et au département d’État.Paradoxalement, sa popularité monte. Cet échec accroît sa hantise de l’erreur de calculsoviétique. À Vienne, en juin 1961, il essaie de persuader KHROUCHTCHEV que lesAméricains se battraient pour Berlin. À la même époque, les accords de neutralisation duLaos semblent réduire les risques de conflit en Asie; en Amérique latine, l’«Alliance pour leprogrès» (1961) cherchera, en soutenant les régimes à la fois démocratiques et réformateurs, àisoler la révolution cubaine et à rendre le terrain moins favorable à qui voudrait l’imiter. Ladécouverte, en octobre 1962, des fusées que l’U.R.S.S. était en train d’installer à Cuba montreà KENNEDY que KHROUCHTCHEV ne l’a pas compris, et que l’erreur de calcul quil’obsède est sur le point d’être commise. Comment réagir dans cette deuxième crise de Cuba ?Peut-être KENNEDY et ses conseillers ont-ils exagéré le danger que présentaient les fuséessoviétiques, ou se sont-ils mépris sur les intentions de l’U.R.S.S. La maîtrise dont a alors fait669


preuve le président des États-Unis, sa détermination et sa modération , son souci d’éviter àl’adversaire de perdre la face et de trouver une solution acceptable pour les deuxsuperpuissances ont sans doute permis d’écarter la guerre. Les dirigeants soviétiques ont euxaussi alors mesuré le danger, et l’accord voulu par KENNEDY peut dès lors être envisagé.Après des mois de pourparlers, dans son discours prononcé le 10 juin 1963 à l’AmericanUniversity, KENNEDY exprime clairement sa hantise et cherche éloquemment à persuaderles dirigeants soviétiques de la bonne foi américaine. La conclusion (en 1963) des accords surl’interdiction des explosions nucléaires dans l’atmosphère, puis sur la non-dissémination desarmes nucléaires, les négociations sur la limitation des armements montrent que, dans cedomaine au moins, la présidence KENNEDY marque un tournant; les présidents JOHNSONet NIXON garderont la même orientation. Désireux de rendre plus durable et plus profondl’intérêt que les Américains portent aux problèmes internationaux, et notamment aux paysdont ils devraient faciliter le développement, créateur du Peace Corps dans lequel desdizaines de milliers de jeunes Américains ont combattu la misère du Tiers Monde,KENNEDY est aussi l’homme qui a décidé de renforcer la présence américaine au Vietnam.Aurait-il, mieux que JOHNSON, évité l’enlisement qu’a été, à partir de 1964, l’escalade ?C’est ce que pensent ses admirateurs; mais rien ne permet de l’affirmer. Loin d’utiliser à pleinses ressources, l’économie américaine, gérée avec pusillanimité par les ministresD’EISENHOWER, connaît un taux de croissance médiocre, un taux de chômage élevé et despoches de misère déshonorantes pour les États-Unis. KENNEDY est persuadé qu’on peutinsuffler à l’économie un plus grand dynamisme par une gestion plus audacieuse, tournant ledos à des dogmes tels que celui de l’équilibre budgétaire annuel, cher aux banquiers et àcertains dirigeants de grandes entreprises. Il veut pratiquer temporairement une politique dedéficit budgétaire systématique, lutter contre la pauvreté, modifier la répartition des dépensespubliques de façon à satisfaire en priorité certains besoins collectifs. Dans ce domaine, sacampagne d’éducation ne suscite guère d’écho. Trop d’hommes d’affaires et de membres duCongrès sont attachés aux «mythes» qu’il dénonce; bien des chefs d’entreprise éprouvent àson égard une antipathie qu’il leur rend (on s’en aperçoit le plus clairement lors de la courteguerre qu’il livre, et gagne, en 1962 contre le président de l’United States Steel Corporationpour l’empêcher de relever le prix de l’acier). Le président JOHNSON, bien plus habile queKENNEDY dans ses rapports avec le Congrès, réalisera ses projets, et lancera l’économieaméricaine dans la direction indiquée avant que la guerre du Vietnam crée de nouveauxproblèmes. Conscient de l’urgence des solutions à apporter au problème noir, le présidentKENNEDY choisit néanmoins une stratégie à moyen terme: les problèmes internationaux etceux de l’économie américaine sont à ses yeux prioritaires, et pour les régler, il a besoin, auCongrès, de l’appui des démocrates du Sud. L’administration KENNEDY décide de faireporter l’essentiel de ses efforts dans ce domaine sur l’amélioration de la situation économiquedes Noirs, et sur l’octroi d’une protection fédérale efficace pour leur inscription sur les listesélectorales: c’est par leurs bulletins de vote que les Noirs parviendront progressivement à sefaire respecter par les hommes politiques. Or, deux ans et demi après son arrivée à la Maison-Blanche, KENNEDY doit reconnaître que la situation appelle une intervention fédéraledirecte, destinée à accélérer l’évolution: dans le Sud, le conflit est devenu aigu et difficile àdominer. Jusqu’au début de juin 1963, il se voit reprocher l’inefficacité de son action; ce n’estque le 11 juin 1963 qu’il s’adresse à la nation pour poser enfin le problème en termes morauxet idéologiques. Il réclame alors une loi permettant de lutter contre la ségrégation; sa mort etla détermination du président JOHNSON assurent, en 1964, le vote d’un texte proche de celuiqu’il avait proposé. La mémoire de KENNEDY n’en est pas moins vénérée par de trèsnombreux Noirs – cette vénération est considérée par les militants du «Pouvoir noir» commeune mystification de plus. Le président KENNEDY aimait à dire, et peut-être n’en excluait-ilpas totalement la possibilité, qu’il était le fondateur d’une dynastie: ses frères, un jour son fils,670


gouverneraient eux aussi l’Amérique; mais la fatalité paraît s’acharner sur la familleKENNEDY... Qu’en est-il de l’«héritage» de KENNEDY ? Dans la crise sociale et politiqueque traversèrent les États-Unis autour des années soixante-dix, l’œuvre qu’il a voulu réaliser,et après lui son frère Robert, a-t-elle encore une signification ? Comment interpréter ces troisannées de vie politique passionnante, mais qui n’ont réglé aucun problème important ? Peuton,ailleurs qu’en politique étrangère, faire l’économie d’une orientation idéologique pluscohérente et plus précise ? Un style et une personnalité suffisent-ils à inspirer confiance ? Laréponse est difficile à donner. Peut-être, malgré notre scepticisme, une action comme cellequ’a menée KENNEDY n’est-elle pas inadaptée aux problèmes actuels de la sociétéaméricaine. Peut-être le véritable héritage reçu par le peuple américain consiste-t-il surtout enun «esprit», une façon nouvelle pour chacun de concevoir sa propre responsabilité politique.Son influence reste réelle aujourd’hui, aussi bien parmi ses anciens collaborateurs que parmiles pauvres, les jeunes... Ainsi, remarque T. SORENSEN, John KENNEDY a «essayé deprouver à l’Amérique et au monde qu’on pouvait réaliser pacifiquement des changements denature littéralement révolutionnaire» susceptibles, pense-t-il, de réparer les injustices liées à lanature du système économique et des relations entre les peuples.KEYNES John Maynard (1883-1946). Nul économiste n’a sans doute davantage influencé lapensée économique contemporaine que le fils de John Neville KEYNES, lui-mêmeéconomiste. Né l’année de la mort de MARX, KEYNES eut, précoce et brillant, une enfancevictorienne. Élève du collège d’Eton, il monopolise les premiers prix. Il devait égalementtriompher au King’s College de Cambridge, où il reçoit l’enseignement de MARSHALL et dePIGOU; c’est contre l’enseignement de ce dernier que s’élèveront par la suite, avec force, lespremières pages de La Théorie générale. À Cambridge, il se lie d’amitié avec un certainnombre de ceux qui devaient former ensuite le groupe de Bloomsbury (Leonard WOOLF etLytton STRACHEY). Entré au service civil, il est envoyé aux Indes. Il en démissionne deuxans plus tard. De retour en Grande-Bretagne, KEYNES collabore avec MARSHALL à King’sCollege. Il est, en 1913, membre de la Royal Commission on Indian Currency and Finance,publiant la même année sa première œuvre, La Monnaie et les finances de l’Inde (IndianCurrency and Finance , 1913), qui attire l’attention sur son nom. Il entre également à larédaction de l’Economic Journal, poste qu’il devait occuper durant trente-trois ans. Pendant laguerre, il entre à la Trésorerie, où il est chargé de veiller sur les finances britanniques d’outremer.Il représente le ministère des Finances à la conférence de la paix qui se tient à Paris, unefois les hostilités terminées. En désaccord avec Lloyd George, il démissionne trois jours avantla signature du traité de paix et expose ses vues dans un livre retentissant, Les Conséquenceséconomiques de la paix (The Economic Consequences of the Peace , 1919), où il montrel’impossibilité pratique du transfert des sommes importantes exigées de l’Allemagne au titredes réparations. Tout en écrivant dans le Manchester Guardian et en donnant des cours àCambridge, il suit de près la vie des affaires et les activités publiques. Les questionsmonétaires, qui ne cesseront jamais de retenir son attention, le conduisent, dans la périodesuivante, à plusieurs publications. Dans son Essai sur la réforme monétaire (A Tract onMonetary Reform , 1923), il s’inscrit en faux contre les conclusions du rapport Cunlife paruen 1918 et déclare, étant pratiquement seul à défendre ce point de vue, que la Grande-Bretagne ne devrait pas revenir au système d’étalon-or d’avant guerre, thèse qu’il continue àdéfendre dans Les Conséquences économiques de M. CHURCHILL (The EconomicConsequences of Mr. CHURCHILL , 1925): dans ce dernier opuscule, il montre que le retourà l’étalon-or conduirait à une surévaluation de la monnaie et à un important chômage. Larupture totale avec les idées de MARSHALL se fait lors de la publication du Traité sur lamonnaie (A Treatise on Money, 1930), ouvrage dans lequel, en abordant la question desrapports de l’épargne et de l’investissement, celle de la déflation, du chômage et du cycle, se671


prépare l’intégration de la théorie monétaire et de la théorie générale. L’intégration totale seréalise dans La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (The GeneralTheory of Employment , Interest and Money , 1936). Dans cet ouvrage, KEYNES considèreque le revenu national, c’est-à-dire le volume de la production globale, est lié au volume del’emploi. La production dépend de la demande effective ou demande appuyée d’un pouvoird’achat disponible. Cette demande effective se décompose en consommation etinvestissement: le niveau de la première est lié au revenu par l’intermédiaire de la propensionà consommer; quant au montant du second, il dépend d’une comparaison à laquelle se livrentles entrepreneurs entre le rendement escompté qu’ils en attendent et le taux d’intérêt; selonKEYNES, ce dernier représente le coût des emprunts, lui-même fonction de l’offre demonnaie par la banque centrale et de la demande de monnaie des particuliers dont lapréférence pour la liquidité dépend de trois motifs (transaction, précaution, spéculation).KRIVINE, Alain né le 10 juillet 1941 à Paris, est un homme politique français. Issu d'unefamille juive d'Ukraine émigrée en France à la fin du XIX e siècle lors des pogroms(antisémites), il épouse en 1962 Michèle MARTINET, enseignante, fille de GillesMARTINET, journaliste et ancien député socialiste au Parlement européen qui fut l'un desfondateurs du PSU et ambassadeur à Rome. Il est cousin du chef d'orchestre EmmanuelKRIVINE. Étudiant au lycée Condorcet puis à la faculté des lettres de Paris, il obtient salicence puis un DES d'histoire. Maître auxiliaire d'histoire au lycée Voltaire, il devientsecrétaire de rédaction chez Hachette (1966-1968). Figure du mouvement de mai 1968, il partensuite effectuer son service militaire à Verdun comme 2 e classe. Il revient à Paris où ildevient journaliste à Rouge à partir de 1970. Aux côtés d'Olivier BESANCENOT et deRoseline VACHETTA, il est l'un des trois porte-parole de la Ligue communisterévolutionnaire (LCR), formation politique d'extrême gauche.En 1955, il adhère aux Jeunesses communistes du PCF. De 1958-1965 il est membre duComité national de l'Union des étudiants communistes de France et secrétaire de la Sorbonne.En 1966, il est exclu du Parti communiste français pour son refus de soutenir la candidaturede François MITTERRAND, et plus généralement ses prises de position trotskistes. En 1965,il participe à la création de la Jeunesse communiste révolutionnaire, dissoute par legouvernement en 1968. En 1969, alors qu'il fait son service militaire, il est candidat auxélections présidentielles, il participe en 1969 à la création de la Ligue communiste, dissoutepar le gouvernement en 1973. En 1974 il est membre du bureau politique de la Liguecommuniste révolutionnaire, membre du comité exécutif international de la IVeInternationale. En 1974 il est candidat aux élections présidentielles, et fonde pour l'occasion leFront communiste révolutionnaire. De 1999 à 2004 il est député européen, élu sur la liste LO -LCR. En 2006 il démission du bureau politique de la LCR. En 1969 il est candidat de la Liguecommuniste, obtient 239 106 voix (1,06 % des suffrages, 7 e et bon dernier). En 1974 il estcandidat du Front communiste révolutionnaire, obtient 93 990 voix (0,37 % des suffrages, 9 esur 12 candidats) avant d’avoir été en 1981, candidat de la Ligue communiste révolutionnaireoù il ne parvient pas à obtenir les 500 signatures.KRUGMAN Paul Robin (1953 - ) est un économiste américain, et depuis 2000 éditorialisteau New York Times. Il a d'abord suivi des études d'histoire à l'Université de Yale, puis auMIT, où il a obtenu son doctorat d'économie en 1977. Après avoir enseigné à Yale, Stanfordet au MIT, il est professeur d’économie et de relations internationales à l’université dePrinceton. KRUGMAN est connu pour ses critiques contre la politique générale etéconomique de l'administration de George W BUSH. Il est un des principaux auteurs de lanouvelle théorie du commerce international, qui repose sur le commerce intra-firme et intraindustrie,les effets de réseau, et les situations de compétition imparfaite. En 1991, il reçoit la672


médaille John Bates CLARK de l’American Economic Association (attribuée tous les deuxans à un économiste de moins de 40 ans ayant apporté une contribution substantielle auxsciences économiques), ce qui fait de lui un candidat potentiel au Prix de la Banque de Suèdeen sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel. Il est co-auteur avec MauriceOBSTFELD de International Economics: Theory and Policy, le livre de cours le plus utilisédans ce domaine aux États-Unis, ainsi que d'une vingtaine d'autres ouvrages. KRUGMANs'est fait connaître du grand public par ses ouvrages de vulgarisation publiés depuis la fin desannées 1980, où il s'attaque entre autres aux contresens économiques colportés par les "thinktanks". Il est devenu réellement célèbre depuis son entrée au New York Times, où il écrit unéditorial deux fois par semaine ; il s'y est illustré comme l'un des critiques les plus virulents deGeorge W. BUSH.LACROIX Hubert T. agit présentement comme conseiller spécial auprès de EntreprisesTélémédia Inc. et comme conseiller spécial auprès du cabinet d'avocats Stikeman Elliott(bureau de Montréal). M. LACROIX enseigne à la faculté de droit de l'Université de Montréalà titre de professeur invité (droit des valeurs mobilières, et fusions et acquisitionsd'entreprises). M. LACROIX est le président du conseil du Fonds SFK Pâte et agit aussicomme administrateur de Zarlink Semiconducteurs Inc., Transcontinental Inc., Cambior Inc.,et Société en commandite d'Investissements ITS. Au cours des dernières années, il aégalement siégé au sein des conseils d'administration de Donohue Inc., Circo Craft Co. Inc.,Aventure Électronique Inc. et Michelin Canada Inc. Il est aussi fiduciaire de la FondationMartlet de l'Université McGill, un membre du comité aviseur (International) de la Faculté degestion de l'Université McGill, et siège au conseil d'administration de la Fondation del'Hôpital Général de Montréal et du Fonds de développement du Collège Jean-de-Brébeuf. M.LACROIX détient un B.C.L. de l'Université McGill (1976) et est membre du Barreau duQuébec depuis 1977. Il possède aussi une maîtrise en administration qu'il a également obtenueà l'Université McGill (1981).LAFFER Arthur B. est diplômé en Sciences Economiques de l’université de Munich(Allemagne) et l’université de Yale où il obtint son « bachelor of arts » en 1963. Outre unMBA en 1965, il reçut son diplôme de doctorat en sciences économique de l’université deStanford en 1972. Il est l’auteur de la fameuse « courbe » qui suggère que la hausse du tauxd’imposition marginale peut entraîner une baisse des recettes fiscales : « trop d’impôts tuel’impôt ».A la fin des années 70, Arthur LAFFER illustre l'idée selonlaquelle il existe un niveau maximal de taxation au delàduquel le produit de l'impôt diminue. Avant "t", uneaugmentation de la pression fiscale engendre un hausse desrecettes pour l'Etat. Après ce point, l'effet désincitatif surl'offre de travail l'emporte sur les recettes attendues."Trop d'impôts tuent l'impôt" et "Les hauts taux tuent lestotaux" : mais comme aucune étude empirique n'a étéeffectuée, personne ne peut situer précisément ce taux, et cedernier ne sera pas constant, car les besoins d'un Etat ne sontpas toujours les mêmes. Les théoriciens de l'offre avancentque le moyen d'action essentiel est la réduction des impôts,qui permet de diminuer le poids des charges fiscales sur lesentreprises et de réduire la pénalisation du travail et del'épargne. Pour ces économistes, il convient, parallèlement,673


de diminuer les charges de l'Etat-Providence, qui sont à l'origine de la hausse d'impôts.(Années 80, politique de REAGAN aux Etats-Unis).LAGUIL<strong>LE</strong>R, Arlette Yvonne est une femme politique française d'extrême gauche,appartenant au mouvement Lutte ouvrière. Arlette LAGUIL<strong>LE</strong>R est née le 18 mars 1940 àParis, dans une famille ouvrière des Lilas marquée par la guerre et les bombardements. Samère, catholique, lui fait faire sa première communion. Son père manœuvre et athée, aimait àse définir anarchiste et lui transmet son goût pour la lecture : enfant elle s’invente des mauxde gorge pour pouvoir rester à la maison avec un livre. A cette époque, elle forge sespremières notions politiques. Elle obtient un BEPC au collège des Lilas avant de commencerà travailler dans une agence du Crédit lyonnais à 16 ans comme mécanographe. En 1963 elleest mutée au siège central et y reste durant toute sa vie professionnelle en tant qu'employée etmilitante syndicale. Elle part à la retraite en 2000. En 1960, elle a 20 ans et participe à sapremière action, contre la guerre d'Algérie. Elle adhère au PSU avant de rejoindrel'organisation trotskiste Voix Ouvrière. Elle milite à la CGT dans les années 1960 et en estécartée pour ses idées révolutionnaires. Après la révolte étudiante et la grève générale de maijuin1968, les organisations d'extrême gauche dont Voix Ouvrière sont dissoutes par décret duGénéral DE GAUL<strong>LE</strong>. Elle participe à la formation de Lutte Ouvrière le 26 juin 1968 puiselle est choisie à 33 ans pour en être la porte-parole nationale aux élections législatives de1973. L’année suivante éclate la grève qui de février à avril s’étendra à tout le secteurbancaire. Avec ses camarades elle convainc la majorité des grévistes du siège à l’idée de lagrève active, dirigée par les employés combatifs eux-mêmes, organisés au travers de comitésde grèves qu’ils ont eux-mêmes élus. La grève sera un succès. Ce même mois d’avril, ànouveau comme porte-parole de Lutte Ouvrière, elle deviendra la Première femme candidate àl'élection présidentielle. Militante syndicale, militante révolutionnaire, militante politique, elleest reconduite chaque année dans ses fonctions de porte-parole de Lutte ouvrière et représentele mouvement à toutes les élections. Elle ne donnera plus de consigne de vote au 2ème touraprès les exceptions du deuxième tour du 19 mai 1974 et du 10 mai 1981 qui voit la victoirede François MITTERAND. Députée européenne de 1999 à 2004, ses interventions auParlement Européen se sont tournées contre les mécanismes capitalistes et la loi du marché,contre la diminution des salaires et des minima sociaux. Elle y a appartenu au groupe GaucheUnitaire Européenne/Gauche Verte Nordique (GUE/NGL) et était membre de la commissionde l'emploi et des affaires sociales, membre suppléante de la commission de développement etde la coopération, et membre suppléante de la délégation à la commission parlementaire mixteUE-Lituanie. Le 5 décembre 2005, Arlette LAGUIL<strong>LE</strong>R déclare que sa candidature àl'élection présidentielle de 2007 devrait être la dernière et qu'une jeune militante de LutteOuvrière lui succèdera la fois suivante. Selon elle, « un vivier de jeunes femmes (...) peuventjouer ce rôle ».LANGE Oskar (1904-1965), Économiste polonais qui, après avoir émigré aux États-Unis,enseigna dans différentes universités américaines, puis, de retour dans son pays à la fin de laSeconde Guerre mondiale, aux universités de Cracovie et de Varsovie. L’œuvre d’OskarLANGE est essentiellement marquée par le souci d’intégrer les théories marginaliste et néomarginaliste,utiles pour expliquer le processus de formation des prix, à la théorie marxiste,indispensable à ses yeux pour expliquer l’évolution du système capitaliste. Aussi comporte-telledeux grands volets. D’une part, dans ses Études d’économie mathématique etd’économétrie (Studies in Mathematical Economics and Econometrics, 1942) que prolongeson Introduction à l’économétrie (Introduction to Econometrics, 1962), réinterprétant la loi deSAY, LANGE précise, dans une optique de «welfare», les conditions de l’équilibreéconomique, tandis que dans Flexibilité des prix et emploi (Price Flexibility and674


Employment , 1944), il traite des prix en relation avec l’activité économique. D’autre part,dans la publication faite en collaboration avec TAYLOR, Sur la théorie économique dusocialisme (On the Economic Theory of Socialism, 1938), développant l’argumentation deBARONE, il montre la possibilité pour le bureau de planification de résoudre partâtonnements, comme le fait le marché concurrentiel, le problème de l’équilibre de laproduction et de la répartition. Dans ses ouvrages ultérieurs, Economie politique, traduit en1962 (Ekonomia polityczna, 1959), Théorie de la reproduction et de l’accumulation (Teoriareprodukcji i akumulacji, 1961), il développera ces idées, montrant les possibilités concrètesd’effectuer des mesures des données économiques en régime socialiste, s’inscrivant ainsi dansla tradition des grands économistes mathématiciens russes (NEMTCHINOV,KANTOROVITCH, NOVOJILOV) ou hongrois (KORNAI, LIPTAK).LAS<strong>LE</strong>TT Peter, entreprend les premières études systématiques sur la taille et la dimensiondes familles. Elles sont faites par les historiens démographes à partir des recensements etd’autres sources statistiques, qui ont révélé qu’il s’agissait en grande partie d’un mythe. PeterLAS<strong>LE</strong>TT en particulier, a pu montrer que dès la fin du Moyen Âge, en Angleterre, aux Pays-Bas et dans la France du Nord, la famille nucléaire dominait. La France du Sud, en revanche,et l’Italie ont connu jusqu’au début de l’ère industrielle les grandes maisonnées où plusieurscouples cohabitent avec leurs enfants, sans parler des Balkans ou se sont maintenues jusqu’aumilieu du XXe siècle les zadruga , ces énormes communautés familiales aux dimensions d’unclan, vivant sous le même toit et sous l’autorité du patriarche. Dans l’Europe septentrionale,des coutumes d’héritage plus égalitaires, et l’usage du bois (ou d’autres matériaux bonmarché) pour les habitations, ont pu accélérer l’établissement des jeunes mariés hors du foyerpaternel. En revanche, le droit préciputaire, majoritaire dans la France du Sud, et l’habitude deconstruire en pierre valorisaient l’autorité paternelle et l’attachement à l’oustal ; la demeureancestrale était symbole de la permanence et, pourrait-on dire, de l’immortalité du lignage.Les travaux de Peter LAS<strong>LE</strong>TT et du groupe de Cambridge ont suscité de nombreusescritiques. Des historiens comme Lutz BERKNER ont estimé que les recensements nefournissaient que des instantanés qui dissimulaient l’évolution cyclique des groupesfamiliaux. Or dans beaucoup de pays (en Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie, etc.),jusqu’au XIXe siècle, la coutume était de placer très tôt les enfants hors de la famille, pourleur apprendre un métier. À dix ans de distance, la même famille pouvait donc présenter surles recensements un profil tout à fait différent: supposons un premier recensement quelquesannées après le mariage: le jeune couple, ayant plusieurs enfants en bas âge, cohabite avec lesparents en attendant de prendre la relève. Ce ménage appartient au modèle de la familleélargie. Dix ans après, les parents sont vraisemblablement morts, plusieurs enfants sont placésdans d’autres familles. Le même couple constitue maintenant une famille nucléaire de tailleréduite. Dix ans plus tard, le fils aîné, marié et déjà père d’un ou de deux enfants, cohabiteavec les parents et quelques frères et sœurs plus jeunes qui doivent bientôt se marier. En trenteans, la même famille est passée de la structure élargie à la structure réduite pour revenir enfinà une structure étendue. On peut se demander également si les périodes de dépressiondémographique et d’insécurité politique ne favorisèrent par les regroupements en puissantescommunautés familiales, alors que les périodes d’expansion et de renforcement de l’État ontincité au desserrement des liens familiaux et à la multiplication des familles réduites. Dans laclasse seigneuriale du Mâconnais au XIe siècle, Georges DUBY constate un renforcement deliens lignagers. De la même manière, Emmanuel <strong>LE</strong> ROY LADURIE observe chez lespaysans du Languedoc au XVe siècle la constitution de nombreuses «frérèches», où plusieursfrères ayant femmes et enfants décident de vivre ensemble «à même pot et à même feu». AuXIe siècle comme au XVe siècle, la dissolution de l’appareil étatique provoque le repli sur lessolidarités du sang. Quand l’État faiblit ou s’effondre, la famille se fait bastille. La dépression675


démographique du bas Moyen Âge fait baisser en outre le prix de la terre et monter le prix dutravail. Au siècle de l’«homme rare», les paysans, qui se réinstallent sur les premières étudessystématiques sur la taille et la dimension des familles, faites par les historiens démographes àpartir des recensements et d’autres sources statistiques, ont révélé qu’il s’agissait en grandepartie d’un mythe.LAVAL Pierre (1883-1945) est avocat, député socialiste pendant la Première Guerremondiale, il passe ensuite à la droite parlementaire. Il est plusieurs fois ministre et présidentdu Conseil pendant les années 20 et les années 30. Il est écarté du pouvoir en janvier 1936 etgarde dès cette date une vive hostilité à l'égard de la III ème République. La défaite de 1940fournit à LAVAL l'occasion de revenir au pouvoir. Il est vice-président du Conseil de juillet àdécembre 1940 : il mène une politique de collaboration active avec l'Allemagne nazie.Révoqué et arrêté à cette date, Pierre LAVAL est libéré à la demande de l'Allemagne etreprend la tête du gouvernement en Avril 1942. Souhaitant la victoire de l'Allemagne, il crééen 1942 le service du travail obligatoire (STO) et la Milice en 1943. Arrêté par lesAméricains en 1945, il est jugé par un tribunal français, condamné à mort pour haute trahisonet fusillé en octobre 1945 après avoir tenté de se suicider.LAZARSFELD Paul (1901-1976) est née à Vienne, en l'Autriche. Il a étudié à l'Université deVienne, en Mathématiques appliqués et Physique avec une thèse sur les aspectsmathématiques de la théorie d'Einstein. Il a fréquenté aux intellectuels du 'cercle de Vienne ',entre lesquels figuraient Otto NEURATH et Rudolf CARNAP. En 1929 il a fondé l'Institut deRecherche Appliquée en Psychologie Sociale de l'Autriche. Avec une bourse Rockefeller il avoyagé aux Etats-Unis en 1933 et a travaillé à l'Université de Princenton comme directeur del'Office of Radio Research. Plus tard, en 1936, a dirigé le Research Center de l'Université deNewark, New Pull-over. En 1940 après un transfert à la neoyorquina Université de Colombie,il a travaillé trente ans au département de Sociologie et a dirigé le Bureau of Applied SocialResearch (1941). Pendant une longue période il est resté très proche à la théorie de l'École deFrancfort aux Etats-Unis. A l'Université de Colombie il a maintenu une relation étroite avecRobert MERTON, avec lequel a écrit l'article 'Mass Communication, Taste Populaire andOrganized Social Action '. Il est mort à New York. Entre ses travaux plus connus, ThePeoplés Choice. How the Voter Makes Up his Mind in the Presidential Campaing (1944),Radio Listening In l'Amérique (1948), Voting (1954), Infuence Personnel, avec Et KATZ(1955). En langue espagnole : Le peuple choisit. Comment il décide le peuple dans unecampagne électorale (avec BERELSON et GAUDET), Éditions 3, Buenos Aires, 1962 ; Lasociologie et le changement social, Paidós, Buenos Aires, 1971 ; L'Influence personnelle(avec Et KATZ), hispanique- Européenne, Barcelone, 1979.<strong>LE</strong>NINE Vladimir, homme politique russe, 1870-1924, fondateur du parti bolchevik, ilorganise la Révolution d'octobre 1917. Il fait signer en 1918, avant la fin de la PremièreGuerre mondiale, un traité de paix avec l'Allemagne. En tant que dirigeant du Conseil descommissaires du peuple, il se consacre à la construction du communisme en URSS qu'il afondée en 1922. Sa succession en 1924 à la tête de l'URSS donne lieu à un affrontement ausein du parti communiste soviétique : STALINE sort vainqueur de cette lutte contreTROTSKI. Théoricien politique et homme d'action, <strong>LE</strong>NINE fut le premier des héritiers deMARX à mener une révolution à la victoire, il a jeté les bases du système soviétique. Menantde pair une réflexion théorique originale et une action d'organisation intense, il fut considéréde son vivant comme le véritable père de la révolution russe. Il est aussi à l'origine du systèmede répression et de suppression des libertés sur lequel se basera la dictature stalinienne.676


<strong>LE</strong>ONTIEF Wassily (1906-1999) économiste américain, d'origine russe et lauréat du Prix dela Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred NOBEL en 1973. Sonnom est associé avec l'analyse entrée-sortie. Né à Saint-Pétersbourg, en Russie, <strong>LE</strong>ONTIEFobtient son doctorat à Berlin et rejoint l'université d'Harvard en 1932. En 1973, il reçoit lePrix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred NOBEL pour sestravaux sur l'analyse entrée-sortie. Le théorème D'HECKSCHER-OHLIN-SAMUELSON(HOS) établit que chaque pays exporte les biens qui utilisent intensivement le facteur deproduction abondant dans le pays. En utilisant des tableaux d'entrées-sorties, <strong>LE</strong>ONTIEFmontre que les États-Unis exportent des biens moins intensifs en capital que ne le sont leursimportations. Ce résultat semble réfuter le théorème HOS qui prédit que les pays développésvont exporter des biens à fort contenu capitalistique et importer des biens à fort contenu enfacteur travail. Ce résultat est connu sous le nom de paradoxe de <strong>LE</strong>ONTIEFF qui seraamplement discuté et contesté par les spécialistes du commerce international. Les critiquesont porté sur différents points : L'hypothèse sous-jacente est une même fonction de productionentre les pays, ce qui n'est vraisemblablement pas le cas. L'introduction d'un troisième facteurde production, les ressources naturelles, peut changer les résultats.<strong>LE</strong> PEN Jean-Marie (1928- ) ; En 1984, Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN apparaît sur le devant de lascène politique, lorsque sa liste obtient près de 11 % des voix aux élections européennes,permettant à son parti, le Front national (F.N.), de sortir d’une longue période de marginalité.Le président du F.N. n’était pourtant pas un inconnu, ni un novice. Né en 1928 à la Trinitésur-Mer(Morbihan), orphelin de père depuis la Seconde Guerre mondiale, il s’est investi dansles mouvements d’extrême droite en même temps que dans la vie étudiante. Engagévolontaire dans la légion, il part en 1954 combattre en Indochine, mais arrive après la bataillede Diên Biên Phu. Élu en 1956 député de Paris à la faveur de la vague poujadiste, il sebrouille rapidement avec Pierre POUJADE et, après un nouvel engagement militaire, cettefois en Algérie dans le 1er régiment parachutiste (janvier-mars 1957), revient siéger à laChambre comme non-inscrit. Il est de nouveau député (indépendant) de 1958 à 1962. En1965, il dirige la campagne présidentielle de Jean-Louis TIXIER-VIGNANCOUR. Fondateurdu Front national en 1972, il en devient le président. Les débuts sont difficiles; il n’obtientque 0,7 % des suffrages lors de l’élection présidentielle de 1974. En 1981, il n’est pas enmesure de réunir les cinq cents signatures nécessaires pour pouvoir se présenter. La premièrepercée électorale intervient lors des municipales de 1983. Il revient à l’Assemblée avec trentequatreautres députés F.N. en 1986, grâce au scrutin proportionnel. Battu aux législatives de1988, il obtient néanmoins cette année-là 14 % des voix à l’élection présidentielle; il améliorece résultat en 1995 (15 %). Père de trois filles, il est député européen depuis 1984 et conseillerrégional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur depuis 1992.<strong>LE</strong>HIDEUX, François, (1904-1998), Fils de Jacques <strong>LE</strong>HIDEUX. banquier, et de Mme néeSuzanne SIMON. Marié en 1929 à Françoise RENAULT, fille de Fernand RENAULT, frèrede Louis et de Marcel, des usines Renault. Père de Patrick, Gérald, Marie-France, Maitchou.Licencié es lettres, licencié en droit, diplômé de l'Ecole libre des sciences politiques. Il estadministrateur délégué de la Société des aciers fins de l'Est en 1930 et des Forges de l'uniondes consommateurs de produits métallurgiques industriels en 1931, En 1934, il entre dans lasociété dirigée par son oncle par alliance, Louis RENAULT, et devient directeur,administrateur délégué puis directeur général de la société anonyme des usines Renault.Parallèlement, il préside de 1934 à 1939 la société Caudron S. A., ex-société des avionsCaudron, prenant la gérance de Renault Aviation à partir de 1935 et devenant administrateurde la société des moteurs Renault-Aviation, filiale de Renault SA à partir de 1938. En 1939, ilentre dans l'équipe constituée par Raoul DAUTRY, le ministre de l'Armement. Louis677


RENAULT, qui espérait faire de François <strong>LE</strong>HIDEUX son successeur, est obligé de seséparer définitivement de lui par arbitrage du Maréchal PETAIN (27 aout 1940). François<strong>LE</strong>HIDEUX est nommé en octobre 1940 commissaire à la lutte contre le chômage et, de 1940à 1944, directeur responsable du comité d'organisation de l'automobile et du cycle. De juillet1941 à avril 1942, délégué général à l'équipement national, il succède à Pierre PUCHEU dansle gouvernement de l'amiral DARLAN en tant que secrétaire d'État à la Productionindustrielle du 18 juillet 1941 au 18 avril 1942 ; il quitte le gouvernement lors du retour dePierre LAVAL au pouvoir (remplacé par BICHELONNE) et reprend ses fonctions au comitéd'organisation de l'automobile et du cycle. A la Libération, fin 1944, il est arrêté etemprisonné mais sera remis en liberté provisoire dès 1946 et bénéficiera d'un non-lieu en1949 pour charges insuffisantes et faits de résistance. Il entre alors dans le conseild'administration de la société Ford et, de 1950 à 1953, préside la société française Ford.Administrateur de plusieurs sociétés dont Poliet et Chausson. De 1959 à 1961, il est membredu Conseil économique et social. Il préside l'association pour défendre la mémoire dumaréchal PETAINLIPIETZ, Alain est un homme politique français, membre du parti écologiste Les Verts, etun économiste. Né le 19 septembre 1947 sous le nom de Alain Guy LIPIEC, entré second àl’École Polytechnique (promotion X1966), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées,directeur de recherche au CNRS, Alain LIPIETZ s’est, depuis le début de sa carrière dechercheur, consacré à analyser les rapports sociaux-économiques au sein des communautéshumaines, et entre celles-ci et leur espace, aux niveaux urbain, régional, national, etinternational, à travers plusieurs centaines d’articles et conférences. Il a rédigé la synthèsed’une étude mondiale sur les rapports capital-travail pour le compte de l’Université desNations unies, et coordonné une étude sur les positions des différents pays du monde dans laConférence des Nations unies pour l’environnement et le développement de Rio en 1992,pour le compte de l’UNESCO. Cette orientation se reflète dans son engagement civique pourl’écologie politique. En France, il fait partie de la Commission française du développementdurable et du Conseil d’établissement du Collège de France. Il est nommé membre du Conseild’analyse économique du Premier ministre Lionel JOSPIN en juillet 1997 et au Haut conseil àla coopération internationale en septembre 1999. Militant maoïste, puis membre du PSU de1968 à 1971 ou il est rapporteur de sa Commission Cadre de vie mais aussi animateur d'unetendance maoïste la Gauche Ouvrière Prolétarienne (GOP) qui sera exclue du PSU etconnaîtra de brèves années d'existence avant de fusionner avec l'Organisation CommunisteRévolution dans l'Organisation Communiste des Travailleurs (OCT). Dans sa brève existencela GOP apportera une aide active à la lutte des paysans du Larzac, il participe ensuite à diversgroupes de la nouvelle gauche et sera l’un des principaux organisateurs des Marches sur leLarzac. De 1978 à 1983, il anime la revue Partis Pris, tout en collaborant au Mondediplomatique, aux Temps Modernes, etc. Lors de primaires, il est élu par les Verts pour lesreprésenter lors des élections présidentielles de 2002 mais est finalement remplacé pour cescrutin par Noël MAMERE à la suite d'une prise de position malheureuse sur l'amnistie desnationalistes corses. Au vu de son expérience éprouvante en 2001 couplée à des soucispersonnels et des doutes sur la possibiltié de ranimer l'espoir en politique, il décide de ne pasfaire acte de candidature à la candidature pour la présidentielle de 2007. Au sein de soncourant, c'est alors Yves CONTASSOT qui a sa préférence mais c'est finalement CécileDUFLOT qui est choisie. Refusant de soutenir une candidate ayant milité pour un NON qu'ilvoit comme une régression et une impasse, il décide de soutenir à nouveau DominiqueVOYNET dans la campagne interne de son parti. Au cours des années 2002-2003, il figureparmi une douzaine de personnalités menacées de mort par un certain Raphaël-GuySCHOEMANN pour leur engagement pour les droits des palestiniens. En 2005, il a signé678


l'Appel des indigènes de la république soutenu notamment par Tariq RAMADAN. Il estchroniqueur de l’hebdomadaire Politis.Il est tête de liste des Verts aux élections législatives de 1986 en Seine-Saint-Denis, et entreen 1988 dans ce parti dont il devient porte-parole national en 1997. Élu (Vert) au Parlementeuropéen en juin 1999, il est membre de la Commission économique et monétaire et suppléantà la Commission Emploi et Affaires Sociales de ce Parlement. Il participe aux intergroupesTiers secteur, OMC et Initiatives pour la paix, et est membre de la délégation parlementaireauprès de l’Amérique du Sud et du Mercosur. Il est élu député européen en 1999, puis rééluen 2004. Il est notamment président au Parlement européen de la délégation pour les relationsavec les pays de la Communauté andine, et membre de trois commissions. Il tente d'oeuvrer àla libération d'Ingrid BETANCOURT et de tous les otages retenus en Colombie. En 2004-2005, il prend à l'instar de Michel ROCARD et de Daniel COHN-BENDIT une part activedans la fronde contre les brevetabilité illimitée des logiciels mise en oeuvre depuis plusieursannées par l'Office européen des brevets, pratique que le Conseil de l'Union européenne (etavec lui la commission européenne) désirent légaliser dans la directive européenne sur lesinventions mises en oeuvre par ordinateur. Il joue un rôle de liant entre les revendications despetites entreprises réunies au sein de l'Association pour une infrastructure de l'informationlibre et des partisans des logiciels libres d'une part, et les eurodéputés d'autre part. Le 6 juillet2005, le parlement européen rejette très nettement le projet de directive en seconde lectureaprès avoir constaté que le Conseil de l'Union européenne n'avait tenu aucun compte de sesamendements votés lors de la première lecture en septembre 2003 et visant à encadrer labrevatibilité du logiciel. Il s'engage fortement en faveur du Traité établissant une Constitutionpour l'Europe. Affecté par le rejet du TCE, qui apportait à ses yeux plusieurs réponses à descritiques qu'il avait formulé dans son long combat politique envers les traités européensprécédents mais au nom de l'Europe politique et fédérale (voir ses critiques sur l'Acte unique,le Traité de Maastricht, le Traité d'Amsterdam et le Traité de Nice), Alain LIPIETZ continuenéanmoins au sein du parlement européen à tenter d'en repêcher certaines avancées menacéespar la victoire du NON, notamment la loi européenne sur les services publics dans l'UnionEuropéenne prévue par l'article 122 du TCE. Il prend néanmoins acte de la mort du TCE etpose le 6 août 2006 la question ouverte suivante : « quelle stratégie désormais pour sortir deMaastricht-Nice ? »En mai 2006 a lieu le procès faisant suite à une action de Georges LIPIETZ, père d'AlainLIPIETZ. Après le décès de leur mari et père, Colette GEUIN<strong>LE</strong>, la mère, Alain, Catherine etHélène LIPIETZ avaient repris en 2003 son action contre l'État et la SNCF devant le tribunaladministratif de Toulouse, pour complicité de crime contre l'humanité, au côté de leur beaufrèreet oncle, Guy, interné à 16 ans. Cette action, critiquée par Louis GALLOIS, est intentéeen raison du rôle de l'État français et de la SNCF dans le transport en train de Toulouse vers lecamp de Drancy de leur père, décédé en 2003, et qui devait terminer la guerre commeingénieur stagiaire dans les mines du Nord et du Pas de Calais, et de leur oncle en 1944. Leministère de la Défense, qui représente l'État pour ces faits commis en temps de guerre,avance l'argument de la prescription mais si le crime contre l'humanité est avéré, il ne peutêtre question de prescription. En juin 2006, le tribunal administratif de Toulouse a condamnél'État et la SNCF, à leur verser 62.000 €. En août 2006, 200 familles ont décis d'attaquer laSNCF sur la base de cette jurisprudence.LINCOLN Abraham (1809–1865 ) né à Washington est le seizième président des États-Unisd'Amérique. Il est élu pour un mandat de quatre ans en 1861 et réélu pour un second mandat àpartir de 1865. Il est donc le premier président républicain de l'histoire du pays. Son nom estassocié à la guerre de Sécession et à l’abolition de l'esclavage. Il meurt assassiné à la suited'un complot émanant des confédérés au début de son second mandat. Il est considéré comme679


l’un des plus grands présidents des États-Unis. Avocat de province sans expérience il devientà la fois un homme politique et un chef militaire efficace au moment où les États-Unistraversent la plus grande crise de leur histoire. L’élection d’un Républicain abolitionnisteentraîne immédiatement la création des États confédérés d'Amérique formés de 11 Étatsesclavagistes et, peu après, la Guerre de sécession. Après des revers initiaux, l’armée desÉtats-Unis sous le commandement du général Ulysses S. GRANT prend le dessus. LINCOLNrédige la proclamation émancipant les esclaves et signe le 13 e amendement abolissantl’esclavage. Dans son discours d’investiture au début de son second mandat, il se montreconciliant envers les États de l’ex-Confédération et lance un programme de reconstruction quine vit pas le jour en raison de son assassinat par un extrémiste pro-Confédéré.LOCKE John 1632-1704. Dans le devenir des idées, certaines œuvres paraissent des jalonsprivilégiés et ont une portée qui leur donne le statut d’«événements». L’Essai surl’entendement humain du philosophe anglais John LOCKE est de celles-là. Paru en 1690,constamment réédité, l’Essai était devenu, dès 1692, l’ouvrage de base de l’enseignementphilosophique au Trinity College de Dublin. Au siècle suivant, la philosophie des Lumièreslui faisait un accueil enthousiaste. Selon Voltaire, «jamais il ne fut peut-être un esprit plussage, plus méthodique, un logicien plus exact que LOCKE; cependant, il n’était pas un grandmathématicien». L’allusion est lourde de sens. DESCARTES est un grand mathématicien etson œuvre est également un événement décisif dans l’histoire des idées. Avant LOCKE, il aamorcé le renouveau d’une pensée où les idées claires et distinctes doivent remplacer lediscours simplement vraisemblable, toujours suspect de n’être qu’une vaste logomachie. Or,le Discours de la méthode et les Méditations ont donné congé à la philosophie scolastique,respectivement en 1637 et en 1640. C’est donc seulement un demi-siècle après son illustreprédécesseur que LOCKE s’exprime, et on peut supposer qu’il le fait largement contreDESCARTES. En effet, on ne se pose qu’en s’opposant, et le voisinage historique des deuxphilosophes justifie l’hypothèse d’un anti-cartésianisme de LOCKE, plus ou moins conscient,plus ou moins explicite.MABLY Gabriel BONNOT DE (1709-1785), frère du philosophe Étienne BONNOT DECONDILLAC, l’abbé de MABLY, moraliste, économiste et historien, était entré au séminaireSaint-Sulpice mais ne reçut que le sous-diaconat. Introduit dans l’élite de la société, iltravailla auprès du cardinal de TENCIN, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Sesfonctions l’amenèrent à négocier, en 1743, avec l’ambassadeur de Prusse, un accord contrel’Autriche. En 1746, MABLY rompit avec le cardinal et se consacra à ses travaux. Ildéveloppa un système de pensée proche de celui de Jean-Jacques ROUSSEAU. Il est connuavant tout comme un adversaire des physiocrates. Son ouvrage intitulé Doutes proposés auxphilosophes économistes sur l’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, et paru en1768, est une réponse à L’Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, publié par Mercierde La Rivière un an plus tôt. L’auteur s’y attache à réfuter la thèse physiocratique faisant de lapropriété privée, et particulièrement de la propriété du sol, l’expression de l’ordre naturel. Ildénonce la propriété privée comme une cause de désordre, d’injustice et d’oisiveté. Ils’attaque aussi à la thèse de l’intérêt personnel comme fondement de l’activité économique etprincipe d’organisation politique et social. MABLY est un socialiste, voire un communiste,dans la mesure où il cède au goût de son temps pour la construction de sociétés idéales etd’utopies rétrospectives. Son idéal est celui d’un retour à un communisme agraire supposéoriginaire. Dans la pratique, il est un réformiste. Tout en dénonçant la concentrationcroissante des fortunes, ainsi que, en termes déjà modernes, l’appropriation des moyens detravail par une classe capitaliste de propriétaires fonciers au détriment des salariés, il admet lecaractère irréversible de l’institution de la propriété privée. Pour limiter les effets d’une680


inégalité croissante, il préconise la suppression de la transmission héréditaire des patrimoines.Outre les Doutes, MABLY a publié notamment Parallèles des Romains et desFrançais (1740), Le Droit public de l’Europe fondé sur les traités (1748), Observations surl’histoire de France (1765), De la législation ou Principes des lois (1776), Du cours et de lamarche des passions dans la société et Observations sur le gouvernement et les lois des États-Unis d’Amérique, ouvrage paru en 1784, peu de temps avant sa mort.MACDONALD, James Ramsay (1866-1937) fut un homme politique britannique. Filsillégitime d'une servante écossaise, il passe une enfance et une adolescence difficile. Aprèsavoir été instituteur et exercé divers petits métiers, il devient secrétaire d'un membre de laChambre des Communes et dès 1886 il adhère à la Fabian Society et entre en politique dansl'Independent Labour Party de Keir HARDIE en 1894 et l'année suivante se présente dans lacirconscription de Southampton, mais comme tous les candidats de l'ILP, il est battu. Sonmariage avec Margaret GLADTSONE en 1897 lui ouvre les portes du monde bourgeois et luipermet de vivre plus confortablement. Le fait qu'il n'ait pas à être payé grâce à sa femme estun des facteurs de sa nomination en février 1900 à la tête du Labour RepresentationCommittee, commission née du rapprochement entre des partis de gauche et les syndicats afinde permettre une plus grande représentation de la classe ouvrière au Parlement. En 1905 ilpublie Socialism and Society où il compare la société à un organisme qu'il faut aider àévoluer. Ayant passé un accord avec un des chefs du parti libéral, Herbert GLADSTONE, leparti libéral accepte alors de laisser certaines circonscriptions ouvrières aux travaillistes sanscandidat libéral face à eux. Ainsi en 1906, les travaillistes obtiennent 29 sièges lors desélections générales. Le Parti travailliste est créé la même année par ces membres du Parlementet MACDONALD est chef de l'aile gauche du parti dirigé par Keir HARDIE. PuisMACDONALD prend la tête du Parti travailliste en 1911 et le reste jusqu'en 1914 et revientde 1922 à 1931, il se montre un fervent partisan du socialisme « évolutionniste ». En 1924, ildevient le premier chef d'un gouvernement travailliste pendant une très courte période. Ilredevient Premier ministre majoritaire durant le début de la grande dépression, de 1929 à1931. Durant ces trois années au pouvoir, il préconise un désarmement ainsi que lacoopération internationale. Cependant, il perd sa majorité et doit alors former ungouvernement de coalition jusqu'à 1935. Lors de son second mandat comme Premier ministre,il s'efforce de réduire les effets dévastateurs de la crise économique.MADELIN Alain est un homme politique français, né le 26 mars 1946 à Paris (12 earrondissement). Fils de Gaétan, ouvrier spécialisé chez Renault et d'Aline MADELIN,femme de ménage, il passe son enfance à Belleville, à Paris. Choqué par les accords d'Évian,il s'engage dès ses 16 ans dans la cause nationaliste et devient familier des bagarres contre lesmilitants d'extrême gauche. En 1963, il fait partie de la Fédération des Etudiants Nationalistes(FEN, extrême droite), où il est responsable de l'action militante. Il sera blessé à l'entrée dulycée Turgot dans une bagarre entre lycéens communistes et membres de la FEN. En 1964,alors qu'il étudie le droit à Assas, il est l'un des fondateurs du mouvement Occident,mouvement étudiant d'extrême droite souhaitant la suppression du suffrage universel, avecGérard LONGUET et Patrick DEVEDJIAN. Revenant sur cette époque, il déclare avoir étéanimé par un « anti-communisme militant, extrême et passionné, qui a accompagné une bonnepartie de ma vie d'étudiant. Et comme à ce moment-là, la France de l'anticommunisme étaitmarginalisée, nous avons été systématiquement confinés à l'extrême droite. En face, ils étaientpour MAO et POL POT, pour les Gardes rouges et pour les Khmers rouges. Je ne regrette pasde ne pas avoir choisi ce camp-là. ». Selon un rapport de la préfecture de police de Paris datéd'août 1968, Alain MADELIN « aurait participé à la préparation d'un hold-up ». Le 2 juin1964, il fait partie des membres d'Occident qui attaquent le cinéma « Le Savoie ». Son681


domicile est perquisitionné par la police. En 1965, il est délégué à la jeunesse dans le comitéde soutien à Jean-Louis TIXIER-VIGNANCOURT dans le X e arrondissement de Paris.Membre du commando qui attaque violemment le Comité universitaire pour le Vietnam, enjanvier 1967, son domicile est de nouveau perquisitionné. À l'automne 1968, AlainMADELIN retourne à la faculté de droit d'Assas, et adhère aux Républicains indépendants deValéry GISCARD D'ESTAING, vers lesquels se tournent de nombreux militants d'extrêmedroite désireux de se recentrer politiquement. Il obtient une licence de droit. L'avocat prêteserment en 1971, coupant progressivement les ponts avec son milieu politique d'origine. Iltravaille dans différents instituts et organismes patronaux, notamment avec GeorgesALBERTINI. Il est directeur de publication du journal antisocialiste Spécial Banlieue lors dela campagne présidentielle de 1974. Il intègre l'état-major de Valéry GISCARD D'ESTAING,qui est élu président en 1974. Il conserve sa place pour l'élection de 1981. En 1978, AlainMADELIN est élu député d'Ille-et-Vilaine et devient vice-président du Conseil régional deBretagne ; il fait sensation en arrivant sans cravate dans l'hémicycle. Pour l'hebdomadaired'extrême-droite Minute, Alain MADELIN, Gérard LONGUET et Hubert BASSO, sont lesnouveaux élus « d'extrême droite par majorité interposée ». Lorsque la droite gagne lesélections législatives en 1986 et que débute la première cohabitation, Jacques CHIRAC lenomme ministre de l'Industrie, des Postes et Télécommunications et du Tourisme. Le scénariose répète lorsque la droite gagne les élections législatives en 1993 et qu'ÉdouardBALLADUR, premier ministre de la seconde cohabitation, nomme Alain MADELIN ministredes Entreprises et du Développement économique. Son passage laisse deux traces notables :d'une part les contrats de retraite dit « Madelin », permettant aux non-salariés de se constituerune retraite par capitalisation ; d'autre part une simplification des démarches de créationd'entreprise, avec la mise au point du statut d'entreprise unipersonnel (EURL et EARL). En1995, Alain MADELIN est élu maire de Redon. Il ne sollicite pas de deuxième mandat.Lorsque l'UDF se range derrière Édouard BALLADUR lors de l'élection présidentielle de1995, il choisit de soutenir Jacques CHIRAC. Élu, ce dernier le nomme ministre del'Économie et des Finances mais ses positions libérales le mènent à la démission au bout detrois mois et il est remplacé par Jean ARTHUIS. À la victoire de la gauche en 1997, il prendla tête du Parti républicain. À l'été 1997, il renomme ce parti Démocratie Libérale. En mars1998, le refus d'Alain MADELIN de condamner les présidents de régions élus, commeMILLON et BLANC, avec les voix du Front national provoque la rupture entre DL(Démocratie Libérale) et sa maison mère, l'UDF. Il se présente à l'élection présidentielle de2002, où il obtient 3,91% des suffrages exprimés. Il rejoint ensuite avec son parti l'UMP en2002. Au sein de l'UMP, il incarne la doctrine libérale en étant membre du courant « lesréformateurs ». En 2003 il se prononce en faveur de l'intervention américaine en Irak. Trèscritique envers le CPE, il invite néanmoins le gouvernement à rester ferme sur ses positions,expliquant que le Contrat première embauche n'est pas fait contre les jeunes mais pour lesjeunes. Il est avocat au barreau de Paris, divorcé, et a trois enfants (Gaëlle, Armelle, Brian-Stefan)MAJOR, John (1943- ) Né dans un riche quartier de la banlieue londonnienne, John MAJORfait des études scolaires discrètes et arrête l'école à 16 ans. Après s'être vu refuser sa licencede chauffeur de bus sous prétexte qu'il n'avait pas le niveau en arithmétique, il va de petitboulot en petit boulot, successivement courtier en assurances et fabriquant de nains de jardin,pour atterrir au poste de directeur à la Standard Chartered Bank. Tout en gravissant peu à peules échelons bancaires, il prend de plus en plus d'importance dans le réseau des conservateursanglais. Conseiller municipal à 25 ans, il se présente aux élections parlementaires, et estfacilement élu et réélu en 1983, 1987, 1992, et 1997, gardant son siège au Parlement pendantprès de deux décennies. De plus en plus influent au sein de la vie politique anglaise, il gagne682


les élections au sein du parti des Conservateurs et devient Premier ministre le 27 novembre1990. Son ministère connaît de nombreuses difficultés conjoncturelles - guerre du Golfe,récession économique - et structurelle - luttes partisanes internes - qui affaiblissent saposition, mais sa campagne dynamique aux petites touches populistes lui offre un secondmandat inattendu. Il soutient la signature du traité de Maastricht, mais l'opposition destravaillistes et les manigances de certains de ses ministres le destabilisent, jusqu'à le forcer àdémissionner en 1997, après avoir perdu son siège au profit de Tony BLAIR.MALINVAUD Edmond (1923 - ), économiste Français, il est analyste de la croissance.Ancien élève de l'École Polytechnique (Promotion X1942) et de l'ENSAE, il intègre l'INSEEen 1946. Il occupe les fonctions de directeur de l'ENSAE (1962-1966), de directeur de laDirection de la prévision au ministère de l'économie et des finances (1972-1974), puis dedirecteur général de l'INSEE (1974-1987). Il devient ensuite professeur au Collège de France,où il occupe la chaire d'analyse économique (1988-1993). Il est l'auteur de nombreux travauxde recherche en économie mathématique, ainsi que de nombreux manuels. Il est marié et adeux enfants. A travers le livre La Croissance Française (publié en 1972) EdmondMALINVAUD, Jean Jacques CARRE et Paul DUBOIS admettent que le progrès techniqueexplique en grande partie la croissance des 30 Glorieuses.MARSHALL George Catlett (1880 - 1959), général et homme politique américain. Secrétaired’État de TRUMAN, il est l’auteur du plan d’assistance économique à l’Europe (planMARSHALL en 1948) adopté par 17 pays et appliqué jusqu’en 1952. Il est prix Nobel de lapaix en 1953.MARX Karl (1818 - 1883) a réalisé avec Friedrich Engels (1820-1895) une oeuvrephilosophique et sociale qui a marqué, en profondeur, le XIXe et le XXe siècle. Né à Trèves,en Allemagne, dans une famille aisée, fils d'un avocat descendant d'une lignée de rabbins,Karl MARX fait des études de droit et de philosophie, et consacre, en 1841, sa thèse àDEMOCRITE et EPICURE. Il épouse, en 1843, Jenny DE WESTPHA<strong>LE</strong>N, d'une illustrefamille aristocratique. A Paris, il fait la rencontre d'ENGELS, fils d'un industriel, avec qui ilcollaborera pendant toute sa vie. Expulsé de France, il gagne la Belgique, puis Londres. AvecENGELS, il rédige le célèbre Manifeste du Parti communiste (1848). A Londres, où ils'installe définitivement, MARX vit dans une très grande pauvreté, malgré les subsidesD'ENGELS. Néanmoins, il produit une œuvre abondante et anime la Première Internationaleouvrière. En 1881, Jenny meurt et, en 1883, MARX s'éteint lui-même. De son travailimmense, nous retiendrons essentiellement : La question juive (1844), La critique de laphilosophie du droit de HEGEL (1844), les Manuscrits de 1844 (1844), La Sainte Famille (encollaboration avec ENGELS, (1845), L 'Idéologie allemande (avec ENGELS et HESS, 1845-1846) ; Misère de la philosophie (1847) ; la Contribution à la critique de l'économie politique(1859); Le Capital (1867-1894, les derniers tomes étant posthumes). MARX dans leManifeste écrit: «L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttesde classes.» Cette proposition doit être prise au sens fort: elle ne signifie pas que les luttes declasses ont été le principal phénomène qu’on puisse observer dans l’histoire; ni même que lesluttes de classes sont la cause profonde, plus ou moins directe, des phénomènes historiques.Elle signifie que les phénomènes historiques, qui sont la seule réalité de l’histoire, ne sont pasautre chose que des formes (diverses, complexes) de la lutte des classes. La précision apportéepar MARX : «jusqu’à nos jours» – précision qu’on peut répéter aujourd’hui encore sansmodification au vu de soixante ans d’histoire du socialisme – ne signifie donc pas que ladéfinition apparaîtrait partielle, inexacte, si l’on prenait en considération les «sociétés sansclasses» qui ont précédé ou qui suivront l’histoire des sociétés «de classes». Les sociétés sans683


classes ne révèlent pas (et ne révéleront pas) une réalité sociale plus profonde, plus généraleque la lutte des classes, ou lui échappant (c’est généralement ce que l’anthropologie sociale vay rechercher), et par là même «sans histoire». Les sociétés sans classes de l’avenir – dont lestendances de la société actuelle indiquent seulement certains traits – ne peuvent être que lerésultat de la transformation de la lutte des classes sous l’effet de cette même lutte de classes.C’est pourquoi MARX et ENGELS ont toujours insisté sur le fait que les communautéscommunisme qui succédera au capitalisme comme mode de production et d’organisationsociales. L’analyse de tendances, qui est l’objet du matérialisme historique, ne peut consister,comme chez HEGEL, à rechercher la vérité des fins dans l’accomplissement des origines. Ilimporte de bien saisir ce point pour comprendre l’usage et la signification du concept declasse sociale dans le marxisme. En 1852, MARX écrivait à son ami WEYDEMEYER: «Cen’est pas à moi que revient le mérite d’avoir découvert l’existence des classes dans la sociétémoderne, pas plus que la lutte qu’elles s’y livrent [...]. Ce que j’ai apporté de nouveau, c’estde démontrer: 1o que l’existence des classes n’est liée qu’à des phases historiquesdéterminées du développement de la production ; 2o que la lutte des classes mènenécessairement à la dictature du prolétariat ; 3o que cette dictature elle-même ne représentequ’une transition vers l’abolition de toutes les classes et vers une société sans classes » Cettedéclaration, faite à une époque où cependant MARX n’avait pas encore élaboré le concept desurvaleur ou plus-value , c’est-à-dire le concept de l’exploitation spécifiquement capitaliste,nous éclaire sur la nature du renversement, mieux, de la révolution théorique opérée parMARX dans l’usage du concept de classes sociales. Les économistes et les philosophesclassiques avaient déjà développé une théorie de la division de la société en classes enfonction des sources de revenus et de leur rôle dans l’accroissement du «produit net».MASSÉ Pierre (1898-1987); Dans un très beau livre, Aléas et progrès, publié en 1984, PierreMASSE a décrit sa traversée du siècle. Né le 13 janvier 1898, le jour du «J’accuse» de ZOLA,il est reçu en 1916 à la fois à Polytechnique et à Normale supérieure. Il s’engage aussitôtprenant part à l’offensive du Chemin des Dames. Ingénieur des ponts et chaussées, il choisit,vers la trentaine, de faire carrière dans l’industrie électrique, où il se passionne pour laconstruction de barrages. Durant l’Occupation, il s’engage activement, avec son épouse, dansla résistance. À la Libération, E.D.F. deviendra sa «patrie professionnelle». Directeur del’équipement en 1946, directeur général adjoint en 1948, il retrouvera, comme président, lagrande entreprise nationalisée après son passage au Plan. Commissaire général au Plan de1959 à 1965 (IVe et Ve plan), il a assuré, fort de l’appui du général DE GAUL<strong>LE</strong>, laresponsabilité de 1’«ardente obligation». Membre de l’Institut depuis 1977, il est par ailleursl’auteur de nombreux ouvrages: Les Réserves et la régulation de l’avenir (1946), Le Choixdes investissements (1949), Le Plan, ou l’antihasard (1965), Les Dividendes duprogrès (1969), La Crise du développement (1973). Pierre MASSE appartient à cettegénération de grands serviteurs de l’État qui a conduit la reconstruction de la France etfavorisé l’expansion des «trente glorieuses». La foi dans le progrès, une rigueur et une forcede caractère rares constituent les fils directeurs de son existence. «Comprendre, construire,convaincre, instruments de politique économique (programmation en v», tels sont les motsqu’il avait fait graver sur son épée d’académicien. Homme d’action et d’entreprises, PierreMASSE était également un homme de réflexion - un économiste de la décision comme il seprésentait lui-même - qui a exercé une influence intellectuelle considérable. Son ouvrage LeChoix des investissements a constitué le point de départ de l’école française du calculéconomique. C’est à lui que l’on doit la notion de comptes de surplus si indispensable pourl’analyse de la répartition des gains de productivité. À la tête du Commissariat au plan, il afavorisé le développement de nouveaux instruments de politique économique (programmationen valeur, clignotants). Pierre MASSE a incarné avec Jean MONNET les grandes heures de la684


planification française. Il a parfaitement défini – et mis en œuvre – ce qui a fait l’ambition,l’originalité et la force de la mission de la Rue de Martignac: dépasser l’immédiat pourétudier les enjeux du moyen et du long terme; promouvoir l’échange, le dialogue pourfavoriser la conscience et la réalisation de ce qui est important. Le Plan a une double fonction:assurer une meilleure cohérence entre les fins et les moyens, servir de guide pour orienter ledéveloppement économique et social. Mais sa vision de l’économie et de la société n’était pasréductrice, ni technocratique. Dans l’introduction du IVe plan, l’humaniste recommandait«une idée moins partielle de l’homme». Il y écrivait aussi: «Pour conjurer les périls, il nousfaut retrouver une éthique, conciliant la cohésion collective et l’épanouissement personnel auprix d’une révision déjà commencée de nos valeurs.»MAUROY Pierre (né en 1928), diplômé de l'École nationale d'apprentissage de Cachan, ilintègre très vite la vie militante dans les jeunesses socialistes (1944) dont il devient secrétairegénéral (1950-1958). Fondateur des Club Léo LAGRANGE (1951), il intègre le bureau duparti socialiste SFIO en 1963 qui le désigne secrétaire général adjoint en 1966.Parallèlement à ses fonctions politiques nationales, il mène des actions de terrain dans sarégion natale du Nord qui lui permettent d'être élu conseiller général (mars 1967), puis députédu Nord (1973-1992), puis maire de Lille (avril 1973), mandat qu'il occupe toujoursactuellement. Il joue un rôle central dans la mise en oeuvre de l'Union de la gauche qui permetà François MITTERRAND d'être élu président de la République en 1981. Il est nomméPremier ministre du premier Gouvernement de la gauche (mai 1981-juillet 1984). Il occupeensuite les fonctions de Premier secrétaire du Parti socialiste (1988-1992). Il est élu présidentde la communauté urbaine de Lille (juin 1989) et fonde la Fondation Jean JAURES qu'ilpréside (1990). Elu sénateur du Nord en 1992, il préside également l'Internationale socialistedepuis cette date.MAYER René; Homme politique français (Paris, 1895 — id., 1972). Il fut plusieurs foisministre sous la IV e République et dirigea le gouvernement de janvier à mai 1953. Licencié èslettres et en droit, il combat dans l'artillerie pendant la Première Guerre mondiale et est blessé.Il entre au Conseil d'État en 1920. Il fut homme d'affaires avant la guerre et s'était occupéd'importations de charbon allemand et de l'organisation de la SNCF en 1937. Il fut membre duconseil d'administration de cette société et fondateur d'Air France. Parallèlement, il estprofesseur à l'Ecole libre des Sciences politiques. Mobilisé en 1939, il dirige à Londres lamission de l'armement. Il rentre en France en mai 1940 puis passe en zone sud et parvient àrejoindre le général Henri GIRAUD à Alger en 1943 qui lui confie le secrétariat auxcommunications. Il est maintenu dans ce poste lorsqu'il devient membre du Comité françaisde la Libération nationale à Alger, puis ministre des Transports et des Travaux publics dugénéral DE GAUL<strong>LE</strong> le 9 septembre 1944. Après la Libération, il se présente commecandidat dans la Gironde mais n'est pas élu à la première Assemblée nationale constituante. Ildevient député radical de Constantine en Algérie en 1946 et siège jusqu'en 1956. Il défend lesintérêts des colons. Entre 1947 et 1952, il est plusieurs fois ministres des Finances et desAffaires économiques, de la Défense nationale et de la Justice. René MAYER est président duConseil des ministres du 8 janvier au 28 juin 1953. Les gaullistes du RPF lui apportent leursvoix lors de son investiture. Son ministère tombe sur une demande de pouvoirs spéciaux enmatière financière (71 gaullistes ont voté contre le gouvernement d'un Européen convaincu,partisan de la CED). Il demandait aux députés de lui permettre de s'attaquer aux causespermanentes de l'augmentation des dépenses publiques. Il avait résumé ses idées en uneformule: "La vocation de la France est triple : européenne, atlantique et mondiale".685


MEGRET, Bruno (1949- ) est un homme politique français, classé à l'extrême droitefondateur du Mouvement national républicain (MNR). Il est le fils d'un haut fonctionnaire,Jacques MEGRET, et de Colette CONSTANTINIDES. Il est l'aîné d'une famille de 4 enfantsdont il est le seul garçon. Bruno MEGRET est scolarisé à l'école européenne. De retour àParis, il est interne au pensionnat catholique Bossue, pour effectuer sa classe préparatoire aulycée Louis-le-Grand où il lutte contre Mai 68 et entre à l'École polytechnique. Il termine dansla « botte » et entre aux Ponts et chaussées. Diplômé des Hautes Études de la Défensenationale, capitaine de réserve de l'Arme blindée de cavalerie, il a fait Saumur, 3 ans d'activitédont un stage commando à Quellern (1969 à 1973). Il séjourne dans la garnison d'Offenburgen Allemagne et pendant 8 mois dans un régiment de cuirassiers à Lens. Pendant l'annéescolaire 1974-1975, il passe un an aux États-Unis et en revient diplômé de l'université deBerkeley. Il est chargé de mission au Commissariat général au Plan en 1975 et 1976. Il estaffecté à l'aménagement du territoire dans la préparation du VIe plan. Il est à la directiondépartemental de l'équipement de l'Essonne de 1977 à 1979, il a été Conseiller technique auCabinet du ministre de la Coopération de 1979 à 1981, directeur adjoint des infrastructures etdes transports à la préfecture de la région Île-de-France jusqu'en 1986. Mis en disponibilité, ilrejoint son corps d'origine deux ans plus tard, après sa défaite aux élections législative.Jusqu'en juin 1989, où il devient député européen, il émarge au conseil général des Ponts etChaussés. En 1979, après être devenu membre du Club de l'Horloge, il entre au RPR via lesréseaux de Charles PASQUA et devient presque immédiatement membre du comité central.En 1981, lorsque François MITTERRAND est élu, il se présente aux élections législativescontre Michel ROCARD qu'il met en ballotage. Ressentant un manque de considération de lapart du parti, il le quitte à la fin de cette année et fonde en janvier 1982 les Comités d'actionrépublicaine, un club destiné à lui servir de tremplin politique, dont il reste le Présidentjusqu'en 1988. Avec les CAR et de nombreux clubs et associations, il a créé la CODAR, àl'initiative de laquelle se tiendront les premiers et seconds états généraux de l'opposition en1984 et 1985.En 1986, profitant du scrutin à la proportionnelle, Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN, président du Frontnational, décide de créer le Rassemblement national avec pour but de s'ouvrir à d'autresmouvements. Bruno MEGRET et les Comités d'action républicaine s'allient au Front national:« Plutôt que d'être 22 e au RPR, il vaut mieux être second au FN. » Il est alors élu député del'Isère et devient député européen en 1989. En 1987, il rejoint le Front national et Jean-Marie<strong>LE</strong> PEN le nomme directeur de sa campagne présidentielle et responsable de la cellule depropagande. Quelques semaines plus tard, il se présente dans la 10 e circonscription desBouches-du-Rhône (Gardanne), où il obtient 26 % des suffrages au premier tour et 44 % ausecond. Il prend une influence de plus en plus importante dans le parti, rival de Jean-PierreSTIRBOIS, le secrétaire général. Ce dernier meurt dans un accident de voiture et est remplacépar Carl LANG, puis Bruno GOLLNISCH. En octobre 1988, il est nommé Délégué généraldu Front national par Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN. Il est chargé de la formation, de la communication,de la propagande, des études, et des manifestations du Mouvement national. En juin 1989, ilest élu au Parlement européen ou il est membre de la Commission politique et de laCommission économie. Depuis octobre 1990, il est, de surcroît, le leader du Front nationaldans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il conduit la liste aux élections régionales dansles Bouches-du-Rhône et en mars 1992, il est élu conseiller régional de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Bruno MEGRET s'impose comme numéro deux du Front national endurcissant son image. Il provoque un tollé en proposant de revenir sur la naturalisationd'immigrés. Aux législatives de mars 1993 dans la circonscription de Marignane, il frôlel'élection avec 49,5 % des voix au second tour. C'est en décembre 1993 qu'il choisit Vitrollescomme point de chute. Pour les élections européennes de juin 1994, il est placé en deuxièmeposition sur la liste conduite par Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN et réélu au Parlement de Strasbourg. En686


juin 1995, candidat à l'élection municipale de Vitrolles dans les Bouches-du-Rhône, il obtient43 % des suffrages au premier tour, le score record du Front National dans les villes de plusde 30 000 habitants et échoue de justesse au second tour devant la liste conduite par Jean-Jacques ANGLADE. Il se marie avec Catherine RASCOVSKY, d'origines russe et juive, quile remplace comme candidate à la mairie de Vitrolles car il est frappé d'inéligibilité pour unan pour non-respect des dispositions de financement de la campagne. Elle est élue avec46,70 % des voix au 1er tour et 52,48 % au second. Bruno MEGRET a été épaulé, dans lacréation de la société d'édition Camix par Alef BANK (prêt sans caution), filiale d'Alef SaudiBank, dont les établissements français sont dirigés par un Syrien : Jamal RADWAN. AlefBANK gère les intérêts financiers d'une partie de la famille royale saoudienne ainsi que ceuxde l'émir du Qatar. Bruno MEGRET est lié à Alef BANK par son beau-frère, Paul LOISEAU.Le 17 février 1997, Bruno MEGRET déclare, au cours d'une émission télévisée sur France 2,qu'il croit en « la supériorité d'une race sur une autre ». Il est condamné, le 25 novembre 1998,à verser des dommages et intérêts à l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), qui s'étaitportée partie civile. MEGRET comparaissait en septembre 2006 aux côtés de sa femmedevant le tribunal correctionnel de Marseilles pour détournement de fonds publics. BrunoMEGRET apparaît comme étant de plus en plus gênant à la direction du Front national. Le 5décembre 1998, une crise éclate au parti, soutenue par Bruno MEGRET, entraînantrapidement la suspension de son affectation à la délégation générale du parti puis sonexclusion. Ces événements font perdre au Front national une majorité de cadres et d'élus, qui,scissionnistes par force ou par raison, créent, lors d'un Congrès à Marignane, les 23 et 24janvier 1999, le « Front national-Mouvement national », et portent Bruno MEGRET à laprésidence. Le parti est rebaptisé en catastrophe « Mouvement national », au mois de mai, à lasuite d'une action judiciaire de Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN puis se transforme formellement enMouvement national républicain (MNR) au mois de septembre. Suite à la séparation avec leFront national, la liste conduite par Bruno MEGRET sous l'étiquette « Mouvement national »obtient un peu plus de 3 % des voix lors des élections européennes et aucun député puisqueson score est inférieur à la barre des 5 % exigée pour obtenir des élus. Pendant ce temps, laliste conduite par Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN passe péniblement cette barre avec 5,69 %, obtenant 5sièges. Le 21 avril 2002, candidat à l'élection présidentielle, il remporte 2,34 % des suffrages(12 e sur 16 candidats). En février 2004, sa candidature pour l'élection régionale des 21 et 28mars en Champagne-Ardenne est rejetée par le préfet de Région, pour cause d'absence dedomiciliation ou d'attache fiscale dans la région. Voulant se placer à la gauche du Frontnational, il ne parvient pas à décoller politiquement et les campagnes électorales successivessont catastrophiques. Ses comptes de campagnes sont invalidés et son parti en gravesdifficultés financières. Il a deux enfants.Bruno MEGRET et Catherine MEGRET, ancien maire de Vitrolles (Bouches-du-Rhône), sontjugés en septembre 2006 devant le tribunal correctionnel de Marseille pour détournement defonds publics. La municipalité de Vitrolles, dirigée par Catherine MEGRET, a déboursé en2000 et 2001 quelque 75 000 euros pour financer l'envoi de quatre courriers aux maires deFrance dans le cadre de la candidature de Bruno MEGRET, président du MNR, à l'électionprésidentielle de 2002. Affaire similaire à celle qui a touché, en 2004, Alain JUPPE (redevenuaujourd'hui un maire bordelais respectable), recel d'abus de bien social sans enrichissementpersonnel, et qui repose la question du financement des partis.MELINE Jules (1838-1925) après avoir participé aux événements du printemps 1871 en tantqu'élu de la Commune, quitte le mouvement dont il refuse l'orientation révolutionnaire dumouvement. Avocat, élu député (1872-1906) puis sénateur des Vosges (de 1906 jusqu'à samort), il devient ministre de l'Agriculture, fonction qu'il conserve même lorsqu'il dirige legouvernement. Il démissionne en 1898, hostile à la révision du procès d'Alfred DREYFUS.687


Battu à l'élection présidentielle de 1899, il est ministre de l'Intérieur pendant la guerre (1915-1916).MENDES FRANCE Pierre (1907-1982), avocat, membre du parti radical, Pierre MENDESFRANCE est élu pour la première fois à 25 ans, en 1932, et devient secrétaire d'Etat en 1938.En 1942, il quitte la France pour rejoindre la résistance et les FFL à Londres. A la Libération,il devient ministre de l'Economie nationale. Il souhaite mettre en place une politique derigueur, ce qui est désaccord avec les idées de DE GAUL<strong>LE</strong>. MENDES FRANCEdémissionne donc en avril 1945. Après la défaite française de Diên-Biên-Phu, il devientprésident du Conseil le 18 juin 1954. Revendiquant une certaine indépendance par rapport auxpartis politiques, il mène une politique d'apaisement dans les colonies et de rigueur du pointde vue économique. Opposé aux institutions de la V ème République, il s'éloigne peu à peu dupouvoir tout en conservant l'image d'un homme politique modèle qui a marqué l'histoire de laIV e République.MENEM, Carlos Saúl (1930- ) fut le président de l'Argentine de 1989 à 1999. Issu d'unefamille d'origine syrienne à Anillaco (province de La Rioja). Étudiant en droit à l'université deCordoba, il défend les prisonniers politiques. Gouverneur de La Rioja en 1973, il estemprisonné à l'arrivée de la dictature militaire en 1976. Au retour de la démocratie il est réélugouverneur, en 1983. Après une grave crise économique, il fut élu président en 1989.L'économie argentine souffrait de récession et d'hyperinflation. Il mène une politique libéraleen privatisant les sociétés publiques. Il décida ausi la convertibilité peso/dollar qui eut poureffet de diminuer l'inflation. La croissance revint mais le chômage restait important. Il permitla création du Mercosur en1991 et abolit le service militaire obligatoire. Il fut accusé d'avoirmanipulé le pouvoir judiciaire notamment en augmentant le nombre de juges de la Coursuprême. MENEM était très populaire et fut réélu en 1995. Sous son deuxième mandat lasituation économique s'aggrava et il y eut des accusations de corruption, il a laissé sa place en1999 à Fernando de la RUA. Il est marié à Cecilia BOLOCCO, ancienne Miss Univers,depuis le 26 mai 2001 dont il a un garçon Máximo Saúl qui est né à Santiago le 19 novembre2003. En 2001 il a été arrêté pour trafic d'armes. Il s'est présenté à la présidence en 2003 etobtint 25% des voix au premier tour, le 27 avril, le second tour devant avoir lieu le 18 maiface à Néstor KIRCHNER. MENEM préféra se retirer car il possédait un très large retarddans les sondages face à son concurrent, mais aussi parce qu'il avait reçu des menaces de morts'il maintenait sa candidature au second tour.MEYERSON Ignace (1888-1983) est le créateur de la psychologie historique, dont il a établiles fondements théoriques et fixé les règles de méthode. Né à Varsovie, dans une famille juived’intellectuels, médecins et savants, il est obligé d’abandonner son pays natal en 1905, toutjeune étudiant il a participé au mouvement en Pologne quand les premières secoussesrévolutionnaires ébranlent l’empire des tsars. Après six mois passés à l’université deHeidelberg, il arrive en France où il se fixera. Il arrive à Paris en 1906 et y retrouve son oncleEmile MEYERSON, philosophe et historien des sciences. De 1907 à 1920, il poursuit desétudes de sciences naturelles, de médecine et de philosophie et développe des travaux dephysiologie musculaire et nerveuse. En 1915, il entre comme interne dans les services de Ph.CHASLIN et J. NAGEOTTE à l’hôpital de la Salpêtrière. Il se lie à P. CURIE et Ch.SEIGNOBOS. Inscrit au parti socialiste en 1908, il noue des liens étroits avec Victor BASCHet Jeannette HALBWACHS. A la fin de la guerre, MEYERSON devient chef adjoint aulaboratoire de psychologie de l’asile clinique de Sainte-Anne. Il remet en route le Journal depsychologie et est élu, en 1920, secrétaire de la Société française de psychologie (fonction688


qu’il exerce jusqu’en 1938) et secrétaire général de la Fédération des sociétés françaises dessciences philosophiques, historiques, philologiques et juridiques. En 1921, il est nommé chefde travaux au laboratoire de psychologie physiologique de l’Ecole pratique des hautes études.En 1922, il commence la traduction de la Traumdeutung de S. FREUD. Cette traduction estpubliée en 1926. Naturalisé français en 1923, il devient directeur-adjoint au laboratoire depsychologie physiologique de l’Ecole pratique des hautes études. Entre 1927 et 1938, il mèneune série de recherches sur les grands singes au Muséum d’histoire naturelle et à l’InstitutPasteur. A partir de 1928, il est chargé de cours de psychologie à la Sorbonne. Réfugié dès ledébut de la Seconde Guerre mondiale à Toulouse, il est détaché par le ministère pourenseigner la psychologie à la faculté des lettres. Relevé de ses fonctions le 19 décembre 1940,il continue clandestinement son enseignement et crée la Société toulousaine de psychologiecomparative. Après l’invasion de la zone sud, il dirige le journal clandestin de l’Arméesecrète du Sud-Ouest. A la fin de la guerre, il est réintégré et mis à disposition du recteur deToulouse pour donner un enseignement à la faculté de lettres. En 1947, il soutient sa thèse dedoctorat, Les fonctions psychologiques et les œuvres. En 1951, il est nommé directeurd’études à la 6 e section de l’Ecole pratique des hautes études. Il y crée le Centre de recherchesde psychologie comparative. MEYERSON a également dirigé le Journal de psychologie, quiaprès la création de Psychologie française, en 1950, a cessé d’être l’organe de la Société depsychologie.MESSERLIN Patrick A. (1953- ) est docteur en sciences économiques, professeur desuniversités à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences Po) depuis 1990, et directeur duGroupe d'Economie Mondiale de Sciences Po (GEM) depuis 1997. De juin 2002 à mai 2005,il a co-présidé avec Ernesto ZEDILLO, ancien Président du Mexique, Directeur du YaleCenter for the Study of Globalization, la Task Force établie par Kofi ANNAN, SecrétaireGénéral des Nations Unies, sur les aspects commerciaux des “ Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement ”. De juin 2001 à septembre 2002, il a été conseiller spécial auprès de MikeMOORE, Directeur Général de l’OMC.MISES Ludwig Von (1881-1973) est un économiste autrichien, professeur à l’université deVienne (1913-1938), puis à l’université de New York (1945-1969), Ludwig von MISESappartient à la seconde école marginaliste de Vienne. Dans son œuvre, trois centres d’intérêtcomplémentaires peuvent être distingués. Tout d’abord, et en particulier dans son Économienationale (Nationalökonomie. Theorie des Handelns und Wirtschaftens, 1940), l’économie luiapparaît comme une science rationnelle des choix, qu’il s’agisse des buts ou qu’il s’agisse desmoyens, qui ne sont que des fins subordonnées ou secondaires. Ensuite, dans sa Théorie de lamonnaie et du crédit (Theorie des Geldes und der Umlaufsmittel , 1912), il étudie la monnaieà la lumière des principes marginalistes; la valeur étant le résultat d’appréciations purementsubjectives, la question de la mesure du pouvoir d’achat de la monnaie est pour lui un fauxproblème. Cette analyse monétaire qui débouche sur les questions d’intérêt et de capital seprolonge en une théorie monétaire des cycles dans Théorie monétaire et théorieconjoncturelle (Die Geldtheorie und die Konjunkturtheorie, 1929). Enfin, c’est surtout sathèse de l’impossibilité d’un calcul économique en régime socialiste, développée dans LeSocialisme (Die Gemeinwirtschaft, 1922), en raison d’une absence de prix de marché libres,qui fut à l’origine d’une controverse économique célèbre et assura à l’œuvre de MISES ungrand retentissement. MISES a fondé par ailleurs l’Institut autrichien de conjoncture.689


MITTERAND, François (1916 - 1996) Président de la République pendant deux septennats,François Mitterrand est, avec Helmut KOHL et Jacques DELORS un des Européens qui asans doute le plus contribué à la construction européenne au cours des vingt dernières années.François Mitterrand naît à Jarnac, en Charente, le 26 octobre 1916. Après avoir obtenu unelicence de lettres et le diplôme de l'Institut de Sciences politiques, il appartient, sous le régimede Vichy, au Commissariat chargé du reclassement des prisonniers de guerre avant de rallierla Résistance en 1941, au sein de laquelle il exerce bientôt des responsabilités importantes. Aulendemain de la guerre, il anime l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR).Tout en exerçant la profession d'avocat, il gravit rapidement les échelons de la politiquefrançaise. Elu député de la Nièvre en 1946, il détient divers portefeuilles durant la IVèmeRépublique, dont celui de l'Intérieur sous le gouvernement Mendès FRANCE. En désaccordavec la politique algérienne de la France, il démissionne du gouvernement en 1957.Demeurant longtemps hostile à la Vème République, François MITTERRAND est cependantcandidat aux élections de 1965 et crée la surprise en mettant Charles DE GAUL<strong>LE</strong> enballottage. Après sa défaite au second tour, il s'attache à rénover le Parti socialiste (PS) dont ildevient secrétaire lors du Congrès d'Epinay en 1971. En 1974, il est de nouveau candidat auxélections présidentielles et échoue au second tour face à Valéry GISCARD D‘ESTAING.Cependant le PS ne cesse de progresser au cours des scrutins suivants. En mai 1981, FrançoisMITTERRAND remporte les élections présidentielles face au président sortant et devient lepremier président socialiste de la Vème République. François MITTERRAND cherche àrenforcer les liens entre l'Europe et les pays en voie de développement, mais le bilan de sesefforts est mitigé. Certes en 1989, est signée entre l'Europe et les pays ACP (Asie, Caraïbes,Pacifique) la Convention de Lomé IV, qui renforce les systèmes de soutien à l'exportation desproduits de base (Stabex) et à la production minière (Sysmin), mais son appel à ladémocratisation de La Baule en 1991 est partiellement entendu. Par ailleurs, très attaché àl'extension de la Communauté économique européenne vers le Sud, il soutient la candidaturede l'Espagne et du Portugal qui entrent officiellement dans la Communauté européenne le 1 erjanvier 1986. Parallèlement, dans le sillage du projet SPINELLI de 1984, il contribue à larelance de la construction européenne grâce à l'Acte Unique, signé le 14 février 1986, qui visela création d'un espace économique sans frontières pour le 1 er janvier 1993. De concert avecHelmut KOHL, élu à la chancellerie allemande en 1982, il relance la politique étrangère et desécurité commune (PESC) et consolide les relations franco-allemandes. L'image du champ debataille de Verdun, où les deux hommes se tiennent la main en septembre 1984, demeure undes symboles les plus marquants de la réconciliation franco-allemande. De plus, en 1992, lorsdu sommet de La Rochelle, François MITTERRAND et Helmut KOHL décident de créer uncorps de défense franco-allemand, l'Eurocorps, que rejoindront ensuite la Belgique, leLuxembourg et l'Espagne. Le 14 juillet 1994, la présence des soldats allemands de l'Eurocorpssur les Champs-Elysées symbolise à la fois le retour de l'Allemagne en tant qu'acteurinternational et constitue la première concrétisation de la défense européenne. Au Conseileuropéen de Bruxelles de 1993, il est demandé à l'Union de l'Europe occidentale (UEO) demettre en œuvre les dispositions du traité de Maastricht en élaborant une "identité communede sécurité et de défense", compatible avec l‘OTAN. François MITTERRAND donneégalement un nouvel élan à l'Europe sociale. En 1989, au Conseil européen de Strasbourg, estadoptée une Charte sociale par les Etats de la Communauté européenne, à l'exception de laGrande-Bretagne, charte ajoutée, sous forme de protocole, à l'Acte Unique européen. Suite àla chute du mur de Berlin en novembre 1989, Helmut KOHL, et François MITTERRANDproposent, le 19 avril 1990, la tenue d'une conférence intergouvernementale sur l'Unioneuropéenne, afin de " transformer l'ensemble des relations entre les pays membres en unevéritable Union politique ". Le couple franco-allemand s'oppose à la conception thatchériennede l'Europe visant à créer une vaste zone de libre-échange sans entité supranationale. C'est690


pourquoi les deux hommes mettent l'accent sur l'approfondissement plutôt que surl'élargissement. Leurs efforts aboutissent le 7 février 1992, à la signature du traité deMaastricht qui, tout en visant la création d'une Europe économique et monétaire, donne unevocation politique à la Communauté européenne. Toutefois, si les négociations en vue del'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède sont reportées au 1 er février 1993,l'Union européenne s'ouvre rapidement à l'Est en signant, à partir de 1994 des traitésd'association avec plusieurs pays d'Europe Centrale et orientale, préludes à l'engagement denégociations d'adhésion. Les deux dernières années de son mandat présidentiel sont marquées,au plan national, par la défaite du parti socialiste aux élections législatives, qui aboutit à unedeuxième cohabitation, et, au plan international, par le conflit yougoslave, que l'Europes'avère impuissante à résoudre. Le 1 er janvier 1995, l'entrée de trois pays neutres, l'Autriche, laFinlande et la Suède, dans l'Union européenne, entérine la fin de plusieurs décennies deguerre froide en Europe. Un an plus tard, le 8 janvier 1996, François MITTERRAND s'éteint,six mois après son départ de la présidence de la République. "L'Europe a besoin d'un horizon,elle a besoin d'une méthode de travail, elle a besoin d'une ambition mobilisatrice, elle a besoind'actions immédiatement utiles. A vrai dire, peu importe le nom : l'invention est libre (...). J'aiemployé le mot de confédération parce que cela représente un minimum de contenu juridique.Cela m'a été reproché. Constatons simplement qu'il faut des structures très souples, limitéespour éviter le retour en masse de toute bureaucratie, qui elle-même serait étouffante". "On sedemande s'il y a place pour de nouvelles institutions en Europe. Je crois plutôt que l'Europes'édifiera sur des fondations diverses, sur de nombreux piliers, sans quoi elle serait bienfragile. Elle a d'abord besoin d'une Communauté européenne et d'une Communautéeuropéenne plus forte et plus soudée. Je suis de ceux qui aspirent à son unité économique,monétaire et politique. Ce n'est donc pas par soustraction que j'imagine une confédération."(extraits du Projet de "Confédération européenne", cité dans Histoire de la constructioneuropéenne de Charles ZORGBIBE, Presses Universitaires de France, Paris, 1993, p. 379).MOL<strong>LE</strong>T Guy, Né le 31 décembre 1905 à Flers (Orne). Décédé le 3 octobre 1975 à Paris.Son père, ouvrier tisserand, gazé pendant la Première Guerre Mondiale, meurt en 1931. Samère a été couturière, puis concierge à la Caisse d’Épargne de Flers. Après des études auCollège de Flers, il obtient un baccalauréat mathématiques et philosophie.Licencié ès-lettres anglais. En 1921 il adhère aux Jeunesses socialistes, puis en 1923 au Partisocialiste SFIO. En 1928 il est Secrétaire Fédéral adjoint des JS du Pas-de-Calais et en 1946,membre du Comité directeur du Parti socialiste SFIO. Parallèlement à ses activités politiques,il a une activité syndicale importante, qui lui vaut d'être déplacé d'office à Arras en 1925, où ila fait carrière. Il est Secrétaire du Syndicat des maîtres d'internat, puis du syndicat desrépétiteurs. En avril 1931-Avril 1932, il est incorporé au 32e Régiment d'Infanterie de Tours.En août 1939, il est affecté à l'hôpital complémentaire St Jean-Baptiste de Bapaume (Pas-de-Calais) puis, en octobre 1939, dans un établissement similaire à Cambrai. Blessé, il est faitprisonnier le 23 mai 1940 au Touquet-Paris-Plage, et envoyé au camp de Weinsberg, enAllemagne, dont il est rapatrié comme sanitaire blessé le 28 janvier 1941. Après un séjour àVire, il rejoint Arras en février 1942, où il prend contact avec la résistance locale, autour dugroupe animé par Fernand LOBBEDEZ, puis avec l'COM. (Organisation Civile et Militaire),où il s'occupe du 2ème Bureau. En décembre 1943, il est arrêté par les Allemands, puisrelâché ; il quitte alors Arras, séjourne quelques temps à Paris, puis dans l'Yonne, avant departiciper aux combats de la Libération dans l'Orne. Il retourne à Arras en octobre 1944, etdevient secrétaire du Comité Départemental de libération. Il est successivement maire d'Arras,député du Pas-de-Calais (1945 - 1975), Président du Conseil Général du Pas-de-Calais (1945 -1946), Président de la Commission de la Constitution (1946), Secrétaire Général du Partisocialiste SFIO de (1946-1969), Ministre d’État, gouvernement Léon BLUM (1946), Ministre691


d’État chargé du Conseil de l'Europe, gouvernement Pleven (juillet 1950 - mars 1951), Viceprésidentdu Conseil, gouvernement Queuille (mars - août 1951. Représentant français àl'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe (1948 - 1956), il préside l'Intergroupesocialiste à l'Assemblée du Conseil de l'Europe (1948 - 1956). Il est ensuite membre del'Assemblée de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (1952 à 1956), etprésident du Groupe socialiste à cette Assemblée. Vice-Président de l'Internationale socialiste(1951 - 1969), Président de l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe (1954 - 1956),Président du Conseil des ministres (février 1956 - mai 1957), Vice-Président du Conseil,gouvernement PFLIMLIN (mai 1958). Ministre d’État, gouvernement DE GAUL<strong>LE</strong> (juin1958 - janvier 1959). Président de l'OURS, Office Universitaire de Recherche Socialiste(1969-1975).MONNET Jean naît à Cognac le 9 novembre - à 16 ans il découvre Londres, le Canada et lesEtats-Unis1888 dans une famille de négociants d'eau de vie. En 1904, il parcourt le mondepour le compte de la maison familiale, entre 1914 et 1918, il crée le Bureau commun deravitaillement allié et organise le premier "pool" maritime à Londres, en 1919 il participe à lacréation de la Société des nations dont il devient Secrétaire général adjoint. De 1940 à 1943, ilpréside le comité de coordination franco-britannique pour la mise en commun des ressourcesalliées à Londres. Puis, à Washington, avec le Président ROOSEVELT, Jean MONNET joueun rôle déterminant dans la conception et la mise en oeuvre du "Victory Program" quipermettra de faire des Etats-Unis "l'arsenal des démocraties". Membre, à Alger, du premiergouvernement de la France libre, il organise en 1943 l'armement des Forces Françaises quiparticiperont à la libération du territoire. En 1946, il propose au Général DE GAUL<strong>LE</strong> unplan de modernisation et d'équipement de la France. Il le réalise en étroite collaboration avectoutes les forces vives du pays. En 1950, il conçoit la Communauté Européenne du Charbonet de l'Acier (Plan Schuman) dont il préside la Haute Autorité. L'Europe communautairedevient une réalité vivante. En 1955, Jean MONNET crée le Comité d'Action pour les Etats-Unis d'Europe qui rassemble les principaux responsables politiques et syndicaux européens. Iljoue un rôle décisif dans les étapes successives de la construction européenne : traités deRome sur le marché commun et EURATOM, entrée de la Grande-Bretagne dans laCommunauté, Conseil Européen, élection du Parlement Européen au suffrage universel,Union monétaire, etc. En 1976, Jean MONNET se retire à Houjarray (Yvelines) où il rédigeses Mémoires, il meurt à Houjarray en 1979 à 91 ans. Le 9 novembre 1988 ses cendres sonttransférées au Panthéon en présence des chefs d'états européens.MONORY René, né à Loudun le 6 juin 1923 est un ancien chef d’entreprise. Sénateur de laVienne, membre du groupe de l’Union Centriste; Président du Conseil Général de la Vienne,il est président de la Communauté de Communes du Loudunais, conseiller municipal deLoudun, et maire honoraire. En Mars 1953 il est Conseiller municipal de Loudun, de 1959 à1999, maire de Loudun. Depuis 1999, Conseiller municipal et maire honoraire de Loudun,depuis 1968, Sénateur de la Vienne, il démissionne en avril 1977 pour exercer des fonctionsministérielles. Réélu en septembre 1977, renonce à son mandat pour continuer à exercer desfonctions ministérielles. De 1981 à 1986, de nouveau Sénateur, réélu en septembre 1986, ilrenonce à son mandat pour exercer des fonctions ministérielles. Il est réélu en septembre1988. D’octobre 1992 à octobre 1998, il est Président du Sénat; Réélu Sénateur de la Viennele 24 septembre 1995; Conseiller Régional et Président du Conseil Régional de Poitou-Charentes De novembre 1973 à mars 1989, Conseiller Régional De mars 1985 à mars 1986,Président du Conseil Régional Conseiller Général et Président du Conseil Général de laVienne Depuis 1961, Conseiller Général de la Vienne, canton de Loudun Depuis juillet 1977,Président du Conseil Général. Du 20 mars 1977 au 31 mars 1978, Ministre de l’Industrie, du692


Commerce et de l’Artisanat (dans le 2 e gouvernement de Raymond BARRE) puis du 5 avril1978 au 21 mai 1981, Ministre de l’Économie (dans le 3 e gouvernement de RaymondBARRE) ensuite du 20 mars 1986 au 10 mai 1988, Ministre de l’Éducation Nationale (dans legouvernement de Jacques CHIRAC). De mai 1976 à novembre 1977, Secrétaire National(économie et finances), membre du Bureau politique du CDS. Juin 1976, membre du Bureaudu Comité National des Jumelages. Novembre 1978, membre du Conseil National de l’Unionpour la Démocratie Française. De janvier à mai 1981, Président du Comité intérimaire duFMI, De janvier 1981 à septembre 1988, Président de l’Association "Défense Epargne" etéditeur de la "Lettre de l’Epargne", Juin 1982, membre de la commission exécutive restreintedu CDS, 1983, Président de l’Union des Présidents du Conseil Général, Octobre 1983,Président du Club des Démocrates et éditeur de la "Lettre de René MONORY", D’octobre1984 à janvier 1995, Premier Vice-Président du CDS, 1987, fondateur du Futuroscope,Président de la commission du Futuroscope du Conseil Général de la Vienne jusqu’en 2000.Depuis, co-Président de la Commission des investissements. Président de la Fondation pour laProspective et l’Innovation Président de l’Association des Amis de Chambord. Commandeurdes Palmes Académiques Grand Officier de l’Ordre National du Burkina-Faso DocteurHonoris Causa de l’Université de Moncton (Nouveau-Brunswick, Canada) Docteur HonorisCausa de l’Université de Ouagadougou (Burkina-Faso).MORE Thomas (1478-1535), Juriste, historien, philosophe, théologien et homme politiqueanglais, grand ami D’ERASME, philanthrope, il participe pleinement à l’humanisme chrétien,dont il était le plus illustre représentant anglais dans une époque charnière entre le Moyen Âgeet la Renaissance. Le mot « utopie » est formé à partir du grec ou-topos, qui signifie en aucunlieu ou bien, dans le monde des idées, en tout lieu. Dans son ouvrage ainsi intitulé, ThomasMORE prône la tolérance et la discipline au service de la liberté à travers un mondeimaginaire et merveilleux, représentation du monde idéal de l’auteur.MORELLY (1717 env.-env.1778). Bien qu’il fût l’un des principaux représentants dusocialisme utopique et l’inspirateur de BABEUF (qui se réclama du Code de la nature aucours de son procès) ainsi que de la génération suivante, MORELLY demeure mal connu.Certains auteurs vont même jusqu’à soutenir qu’il y a eu deux MORELLY. Plusieursdocuments permettent toutefois d’avancer que les œuvres signées de ce nom ont pour auteurun abbé MORELLY, qui fut régent du collège de Vitry-le-François vers 1756. L’obscurité quientoure sa vie est aisément explicable, dans la mesure où ses thèses n’ont pas acquis leur pleinrayonnement de son vivant, mais seulement avec les socialistes des générations postérieures.MORELLY apparaît comme le contraire d’un spécialiste étroitement enfermé dans les limitesd’un seul domaine; ses préoccupations diverses le conduisent à s’interroger sur tous lesaspects du développement humain. Tout d’abord et sans doute en raison de ses fonctionssupposées au collège de Vitry-le-François, il s’intéresse à la pédagogie et rédige un ouvrageen deux volumes sur Les Principes naturels de l’éducation (1743-1745). Il en vient ensuiteaux questions plus abstraites des mécanismes des sensations (Physique de la beauté ,1748).Mais l’on retient surtout de lui ses œuvres politiques: le Naufrage des îles flottantes ouLa Basiliade, épopée parue en 1753, et le Code de la nature (janv. 1755), son œuvremaîtresse, qui fut attribuée à Diderot pendant plus de cinquante ans. L’idée de la nature soustendl’ensemble de la doctrine de MORELLY. L’homme, selon lui, peut être défini à partird’un certain nombre de caractéristiques «naturelles», qui sont communes à tous et qu’ilimporte de respecter. La nature est «une, constante, invariable», et il s’agit de découvrir seslois et de s’y conformer. Les implications de ce principe apparaissent déjà dans les textes deMORELLY sur l’éducation, lesquels tentent de dégager une méthode pour éviter que lespréjugés, les erreurs des éducateurs n’aient une influence néfaste sur les qualités naturelles693


des enfants. La nécessité d’un processus de perfectionnement est un thème constant dansl’œuvre de MORELLY, qui est passionnément convaincu que le progrès est la «loi généralede la nature». Cette idée centrale prend toute sa portée lorsqu’il développe son projetd’organisation sociale et politique. Si MORELLY, qui n’est guère économiste, condamnesévèrement la propriété privée, c’est en raison de l’égoïsme que traduit cette institution et desconséquences désastreuses qu’elle introduit dans les rapports interpersonnels. De même, cettedimension morale de son œuvre est indispensable pour comprendre le modèle de société qu’ilpropose et dont il donne une description détaillée dans le Code de la nature. Ses choixsociaux et politiques sont dictés par la préoccupation de construire une société qui soit enadéquation avec la nature de l’homme et qui favorise l’épanouissement de la qualité humainefondamentale: la probité. Dans cette perspective, MORELLY élabore un système qui, d’aprèslui, n’est pas une construction purement imaginaire, mais fait référence à un «âge d’or»,époque que presque tous les peuples ont connue et que l’on peut d’ailleurs encore observer, auXVIIIe siècle, chez les populations d’Amérique du Nord. La société idéale, qui est fondée surce modèle et qui a un caractère centralisateur accusé, obéit à trois lois «fondamentales etsacrées» qui ne peuvent être ni modifiées ni même discutées. En premier lieu, elle ne doit pluscomporter aucune propriété personnelle, sauf pour «les besoins, les plaisirs, ou le travailjournalier des individus». La deuxième loi garantit, pour tout citoyen, le droit d’être nourri,entretenu et d’obtenir un emploi «aux dépens du public», c’est-à-dire de la collectivité. Enfin,tout citoyen doit contribuer pour sa part au bien-être et à la prospérité de la collectivité, enfonction de ses forces, de son âge et de ses capacités. En matière économique, MORELLY,dans La Basiliade, prévoit une organisation communautaire fondée sur une répartition paratelier de cent personnes, et le Code de la nature institue une division très stricte entre lesdeux principaux secteurs de la production, l’industrie et l’agriculture; dans ce dernier, enraison du caractère pénible des tâches, doivent seuls être employés les jeunes gens de vingt àvingt-cinq ans. Le communisme de MORELLY est exempt de tout emprunt à la philosophiematérialiste, qu’il n’a cessé de critiquer, affirmant, en effet, avec vigueur l’existence d’unedivinité et d’un «plan divin», et voyant en celle-là le principe premier de toutes choses. Tel estd’ailleurs, pour lui, le fondement de la prééminence de la nature: Dieu étant à l’origine deslois, de l’ordre et du droit naturel, c’est ce caractère divin qui entraîne la nécessité absolue des’y conformer.MÜNSTERBERG Hugo (1863-1916) publie The Photoplay en 1916, peu après queNaissance d’une nation (1915) confirme l’existence de l’art cinématographique. Le vulgairecroit, selon MÜNSTERBERG, que l’art imite la réalité, et le raffiné rejette le film à cause decette imitation. Il n’en est rien, dit-il. Le film est une mixture de reproduction mécanique et demécanismes psychiques. Mais ceux-ci sont l’essentiel: le mouvement et la profondeur n’ontpas d’existence sur l’écran, leurs perceptions sont des actes mentaux. S’il anticipe sur lathéorie d’Arnheim, MÜNSTERBERG ne cherche pas à montrer comment l’angle, l’objectif,le cadre, la lumière, etc., transfigurent la reproduction. Celle-ci est d’emblée appréhendéecomme le support d’activités mentales, et le film comme la mise en œuvre, par le moyen dugros plan et de la succession des vues, de notre intériorité et des actes psychiques: attention,mémoire, imagination qui la commandent. Le film, d’après MÜNSTERBERG, raconte unehistoire à travers la parfaite unité de l’intrigue et de l’apparence visuelle.NADAUD Martin est un homme politique français né le 17 novembre 1815 à Soubrebostdans le hameau de La Martinèche (Creuse) de Léonard NADAUD et Marie JULIEN, et mortle 28 décembre 1898 au même endroit. Son père tenait à ce que son fils ait de l'instruction,malgré l'opposition de sa femme et du reste de la famille. Le 26 mars 1830, il partit à Parisavec son père que maçon de la Creuse. Il découvrit alors les conditions de travail de ses694


semblables: journées de 12 à 13 heures, travaux dangereux sur les échafaudages, malnutrition,logements insalubres... Il réchappa lui-même à plusieurs accidents. Soucieux de parfaire soninstruction, il fréquenta les cours du soir et à partir de 1838 en tient un pour ses jeunescompagnons. Il se marie le 23 février 1839 avec Jeanne AUPETIT. Sa fille unique Désiréenaquit en 1845 (mariée avec Victor BOUQUET et eut 3 enfants: Marie, Hélène et Louis). Ilfréquente le socialiste Pierre <strong>LE</strong>ROUX et en 1840, il fut des meneurs de la manifestationouvrière de la plaine de Bondy. Sa popularité dans les milieux de l'émigration, son aisance àparler en public en font dans les débuts de la Seconde République un délégué à la commissiondu Luxembourg, un conseiller prud'homme et un candidat à la Constituante de 1848. Battu enle 23 avril 1848, il fut élu en 1849 député de la Creuse, mais fut emprisonné le 2 décembre1851, après le coup d'État de Louis NAPO<strong>LE</strong>ON. Sa femme mourut le 21 décembre. Le 9janvier 1852, il fut banni et s'exile en Belgique, puis partit pour Londres, où il reprit sonmétier de maçon. Après avoir appris l'anglais, il devint professeur de français en 1855 àBrighton et à Wimbledon. Il fréquente d'autres exilés comme Victor HUGO, Louis BLANC,Étienne CABET et Pierre <strong>LE</strong>ROUX. Quand le conflit éclata entre la France et la Prusse, ilregagne son pays en juillet 1870. Le 6 septembre 1870, Léon GAMBETTA le nomme préfetde la Creuse, mais n'est pas élu député de la Creuse le 8 février 1871. Il devra attendre 1876pour cela; il le restera jusqu'en 1889. A la fin de la même année, il devint conseiller municipalde Paris. Il demanda alors la relance de l'activité du bâtiment (il s'est mobilisé aussi pour lareconstruction de l'Hôtel de Ville), l'amélioration de l'hygiène et la construction d'un métro;une station de métro portera son nom, mais elle fut absorbée par la station Gambetta. Le 25novembre 1876, les parlementaires BOYSSET, BARODET, MARGIE, LOCKROY,MADIER DE MONTJAU, Louis BLANC, Georges PERIN, FLOQUET, TURIGNY,ORDINAIRE, Martin NADAUD et DUPORTAL demandent la suppression du budget descultes. Comme député, il défendit l'instauration de retraites ouvrières en 1879, de protectionscontre les accidents de travail, sur lesquels il intervint en 1881, 1883 et 1888, pour fairereconnaître la responsabilité de l'employeur soit engagée, ce que reconnaîtra finalement la loide 1898. Il demandera aussi l'amnistie des Communards et se battra pour le développementd'un enseignement laïc dans chaque département, soutenant donc la loi du 28 mars 1882 (loiFERRY) sur l'instruction publique. Comme élu local, sa grande fierté est d'avoir obtenu laréalisation de la ligne de chemin de fer de Bourganeuf à Vieilleville inaugurée en 1883. Il seprésenta encore aux élections sénatoriales de 1894, mais connut cette fois un net échec, maisconsacra ces années à l'écriture de son livre.NAVIL<strong>LE</strong> Pierre (1904 -1993) dont le nom est attaché, dans l’histoire des idées duXXe siècle, au mouvement surréaliste et au développement de la sociologie du travail. Élevédans un milieu très aisé, le futur militant communiste a connu, de son propre aveu (Mémoiresimparfaites, 1987), une enfance plutôt gâtée à l’abri des horreurs de la guerre. Inscrit enphilosophie à la Sorbonne, il rencontre en 1922 Philippe SOUPAULT et interrompt pourlongtemps ses études; collaborateur de plusieurs revues d’avant-garde, il participe en 1924 àla fondation du surréalisme. Cette même année, il assure, avec Benjamin PERET, la directionde La Révolution surréaliste, après avoir publié à compte d’auteur une plaquette que diffuserala librairie de la rue Blanche: Les Reines de la main gauche, parfaite illustration de l’écritureautomatique, «livre éperdu comme PICRATT chez les cachalots», «brouillard moral dans laplaine logique», bref «le surréalisme pur». Dans le quatrième numéro (juill. 1925), AndréBRETON annoncera qu’il prend la direction de la revue; NAVIL<strong>LE</strong>, lui, est passé à Clarté .À la question «Que peuvent les surréalistes ?», il a répondu qu’ils doivent «s’engagerrésolument dans la voie révolutionnaire, la seule voie révolutionnaire, la voie marxiste» (LaRévolution et les intellectuels, 1926). Quelques mois plus tard, BRETON dissociera, dansLégitime Défense, le problème de la connaissance de celui de l’action et dénoncera l’influence695


«crétinisante» de la presse du Parti. À cette date, NAVIL<strong>LE</strong>, selon Maurice NADEAU, arompu en fait avec le mouvement surréaliste. Du surréalisme, il conservera cependant leprojet d’une libération totale de l’individu et une certaine idéalisation du marxisme. Autantque cette orientation utopique, son amitié pour TROTSKI — auquel il rendra plus tardhommage (Trotski vivant, 1962) — explique son exclusion, en 1928, du P.C.F.NIXON Richard Milhous, (1913-1994) est le trente-septième président des États-Unisd'Amérique. Il est élu pour deux mandats de quatre ans en 1969 et 1973 mais démissionne en1974. Sa présidence est marquée par la Guerre du Viêt Nam mais, pour ses contemporains, lescandale créé par l'affaire du Watergate qui amènera sa démission reste probablementl'évènement majeur. Ses parents, Francis NIXON et d'Annah MILHOUS, sont des Quakerspratiquants et si son père gère l'épicerie et la station d'essence familiale, sa mère l'éduque dansl'esprit Quaker (pas de boissons alcoolisées, pas de soirées dansantes et défense d'utiliser desjurons) et veut en faire un missionnaire. Ses études secondaires brillantes lui permettentd'obtenir une bourse offerte par l'Université Harvard mais ses parents n'ont pas les moyensd'assurer son entretien en dehors de la maison. Il fréquente donc le Whittier College (uneécole Quaker) où il finit deuxième de sa promotion, puis reçoit une bourse qui lui permet defaire ses études de droit à l'université Duke en Caroline du Nord. Pendant la Seconde Guerremondiale il s'engage dans la Marine alors que sa religion lui aurait permis d'être exempté. Ilsert sur un navire de ravitaillement et termine la guerre avec le rang de Commandant ensecond et l'estime de ses supérieurs qui le considèrent comme un bon officier et un meneurd'hommes. C'est aussi pendant son service militaire dans la Marine qu'il apprend à jouer aupoker et qu'il devient rapidement un excellent joueur ; le bruit court qu'il aurait gagné près de10000 dollars, une somme considérable à cette époque. Un groupe d'hommes d'affairescaliforniens (The Committee of 100) lui demande de devenir candidat pour la Chambre deRépresentants à la fin de son service militaire. Il est élu à la Chambre des représentants desÉtats-Unis en 1946 comme député de l'État de Californie. NIXON grimpe rapidement leséchelons politiques se faisant connaître comme un ferme anti-communiste. Il est membre duComité de lutte contre les menées anti-patriotiques ('House Un-American ActivitiesCommittee') et participe au procès d'Alger Hiss (accusé d'être un espion communiste, il futcondamné à cinq ans de prison pour faux témoignage). En 1950, NIXON bat la candidateHelen GAHAGAN aux élections sénatoriales, en l'accusant d'avoir des sympathies pour lecommunisme. C'est durant cette dernière campagne électorale qu'un petit journal lui donne unsurnom qu'il conservera toute sa vie, « Tricky Dick » (Richard le rusé). NIXON est élu viceprésidentde Dwight EISENHOWER en 1952. Il n'a alors que 39 ans. Un des pointsmarquants de sa campagne est l'utilisation de la télévision, une nouveauté à ce moment.NIXON est accusé d'avoir été financé par une caisse noire et il utilise la télévision pourassurer lui-même sa défense dans un discours destiné à émouvoir l'opinion publique(Checkers Speech). Il est alors submergé de soutiens ce qui permet à EISENHOWER de legarder sur le ticket républicain. En tant que vice-président, NIXON voyage en Amérique duSud et reçoit des éloges pour sa détermination, faisant face aux opposants de la politiqueétrangère des États-Unis. Durant sa vice-présidence, NIXON assume à trois reprises lesfonctions de chef d'État, lorsque le président EISENHOWER tombe malade : à l'occasion dela crise cardiaque D'EISENHOWER du 24 septembre 1955, de celle de juin 1956, et de cellede novembre 1957. Il prouve aussi qu'il est un fin penseur lors de sa confrontation avec NikitaKHROUCHTCHEV lors de l'«American National Exhibition» à Moscou (le 24 juillet 1959).Cette célèbre confrontation voit les deux leaders débattre des mérites respectifs des systèmescapitaliste et communiste dans un modèle de cuisine américaine aménagée présenté àl'exposition. Lors de l'élection présidentielle de 1960, il est le candidat principal desrépublicains, mais il perd de justesse face à John F. KENNEDY. La plupart des observateurs696


s'accordent pour dire que le facteur crucial qui a fait basculer la campagne est le premier débattélévisé de l'élection présidentielle. Lors du débat télévisé entre Richard NIXON et John F.KENNEDY en 1960, malgré une barbe naissante (le débat ayant lieu en fin d'après midi),NIXON refusa qu'on le maquille, de plus, il était malade et fatigué par de nombreuxdéplacements de campagne. Il espérait gagner des voix grâce à ses connaissances en politiqueétrangère, mais les Américains ont seulement vu un homme mal à l'aise, transpirant beaucoupet portant un costume gris qui se confondait avec le décor. D'ailleurs les sondages ont montréque les auditeurs qui avaient suivi le débat à la radio considéraient que NIXON était levainqueur alors que les téléspectateurs optaient pour KENNEDY. Le mardi 6 novembre 1962,il perd une nouvelle élection : celle pour le poste de gouverneur de Californie. Dans sondiscours de clôture, NIXON affirme que c'était sa «dernière conférence de presse». Pendantsa traversée du désert, DE GAUL<strong>LE</strong> le reçoit, geste que le futur président américainn'oubliera pas. Il déménage à New York où il devient un éminent avocat. En 1968, candidatdes républicains, il a sa revanche en remportant de justesse l'élection présidentielle devant ledémocrate Hubert HUMPHREY et le candidat Dixiecrat George WALLACE. En janvier1969, Richard NIXON devient le 37 e président des États-Unis. Il meurt le 22 avril 1994 àNew York à l'âge de 81 ans, à la suite de complications d'un accident vasculaire cérébral. Ilest enterré aux côtés de sa femme (Pat NIXON) sur ses terres dans sa ville natale à YorbaLinda, Californie.NOTAT Nicole (1947- ), ex secrétaire générale de la Confédération Française Démocratiquedu Travail (CFDT) à également été présidente du conseil de l’assurance chômage (UNEDIC)de 1992 à 1994 et de 1996 à 1998. Enseignante de profession, Nicole NOTAT a joué un rôleactif dans le syndicalisme Français et Européen.OWEN Robert (1771-1858), né au pays de Galles, Robert OWEN partit de rien et devint àvingt-huit ans le propriétaire d’une importante manufacture de coton à New Lanark (Écosse).Industriel philanthrope, paternaliste et autoritaire, il en fait une usine modèle, bientôt célèbre àtravers l’Europe. Ses innovations pédagogiques en particulier retiennent l’attention: jardind’enfants, méthodes actives, cours du soir. OWEN mène aussi campagne auprès du pouvoirpour l’amélioration des conditions du travail ouvrier, pour la réduction du temps de travail etla réglementation du travail des enfants. Riche et influent, il perd progressivement sessoutiens au Parlement en raison de la critique sociale radicale qu’il entreprend. En 1817, sesprojets de «villages de coopération» pour les pauvres, alternative à la société de compétitioncapitaliste, s’accompagnent d’une dénonciation fracassante de toutes les religions. SelonOWEN, l’érection de communautés autonomes de travailleurs (groupant de cinq cents à deuxmille personnes) résoudra la question sociale et inaugurera un nouvel ordre mondial. Neparvenant pas à les réaliser, OWEN passe aux États-Unis en 1824 et achève d’engloutir safortune dans l’éphémère communauté de New Harmony. Après un espoir de colonisationcommunautaire du nord du Mexique, il se retrouve en Angleterre, en 1829, à la tête d’unréseau de coopératives, puis d’un système de bourses du travail, enfin d’une considérablemais éphémère union syndicale, la Grand National Consolidated Trades Union (1834), où unelarge fraction de la classe ouvrière se rallie à lui: autant d’échecs. Il revient alors plusdirectement à la propagation de ses propres idées, notamment avec son ouvrage Le Livre dunouveau monde moral (Book of the New Moral World, 1834-1845), qui présente l’ensemblede sa doctrine. À travers plusieurs regroupements, telle l’Association de toutes les classes detoutes les nations, se développe un mouvement qu’on appellera le socialisme. À son apogée,vers 1840, celui-ci touche des dizaines de milliers d’ouvriers et d’artisans, galvanisés parl’attente et la préparation de la «communauté», avènement imminent d’un monde égalitaire etfraternel, dont le succès sera tel que, par contagion, il gagnera la planète. L’enthousiasme697


provoqué par cette vision pallie l’inexistence de cette communauté jusqu’à ce que la pressiondu mouvement finisse par forcer ses chefs à officialiser la création de l’exploitationcommunautaire de Queenwood (Hampshire, 1839). Ses déboires et son échec (1845)entraînent l’effondrement du mouvement.Les «socialistes» menèrent une critique permanentede l’oppression de la femme, de la propriété privée et du christianisme officiel en raison deson rôle dans l’exploitation de la classe ouvrière. D’où une violente opposition venue duclergé. Incapables d’analyse politique cohérente, les owénistes suivirent une dynamiquesectaire qui fit progressivement d’eux un organisme religieux, animés moins par lemillénarisme déiste d’OWEN que par la conscience d’être les véritables chrétiens mettant enpratique les enseignements du philanthrope Jésus. Après l’échec du «socialisme», OWENcontinua, jusqu’à quatre-vingt-sept ans, de multiplier les projets de réforme sociale enharcelant les gouvernements du monde entier, adoptant alors un spiritisme millénariste.Autodidacte aux idées simplistes inlassablement répétées, il fut durant des dizaines d’annéesun prodigieux animateur social; sa séduction sur les foules et sa générosité d’espritmasquaient l’inconsistance de ses théories économiques et sociales. Créateur du premiermouvement appelé socialisme, ancêtre supposé des systèmes coopératifs, critiqué non sansvénération par MARX et ENGELS, il est l’un des grands du «socialisme utopique». Soninfluence sur les utopistes français, notamment CABET, fut très importante.PARETO Vilfredo (1848-1923); De tous les sociologues classiques, PARETO est, sansdoute, celui qui a été le plus contesté et le plus discuté dans la sociologie contemporaine.Célébrée par les uns, abhorrée par les autres, son œuvre a soulevé des polémiquespassionnées. Le pessimiste niant le progrès, le prophète annonçant la fin inéluctable d’uneépoque, l’écrivain sarcastique au tempérament pléthorique, l’adversaire des idéologies et detoute philosophie, le critique acéré des milieux intellectuels a peut-être ainsi détournél’attention d’une œuvre importante pour la connaissance de l’homme en société. Pourtant,dans la seconde moitié du XXe siècle, on commence à prendre la mesure d’une pensée solidemais tortueuse: TALCOTT PARSONS a mis en évidence l’apport de PARETO àl’élaboration de la théorie du système social et des concepts de structure et de fonction; JeanPIAGET a montré l’importance des notions d’équilibre, d’interaction et de communication,tandis que Raymond ARON a dégagé l’intérêt de l’étude des actions non logiques pourl’analyse des processus politiques. La sociologie mathématique actuelle et l’économétrie sesont emparées du concept de globalité postanalytique tel qu’il a été élaboré par PARETO danssa théorie systémique. Il est vrai que ces modèles contemporains utilisent, à la place deséquations différentielles, les programmes informatiques et la théorie des jeux; néanmoins, lesprogrès actuels auraient été inconcevables sans les contributions de PARETO. Grâce à l’étudedes fondements génético-fonctionnels des actions humaines et des implications sociales detoute pratique scientifique, il a ouvert les voies à la sociologie de la connaissance, à lasociologie de la sociologie et à l’étude des logiques «autres». Né à Paris, le 15 juillet 1848, demère française et de père italien (exilé en France pour raisons politiques), Vilfredo FedericoPARETO vient en Italie en 1858 et, après des études techniques à Gênes, à Casale Monferratoet à Turin, il obtient le diplôme d’ingénieur avec une thèse sur la théorie de l’élasticité descorps solides. Par tempérament et par éducation, il est un libéral. Les doctrines de Gustave deMOLINARI, son libéralisme extrême et abstrait l’attirent beaucoup. Dès 1870, il s’établit àFlorence où il commence une carrière dans les chemins de fer pour passer ensuite dansl’industrie métallurgique. Il participe aux luttes des libre-échangistes groupés autour d’unancien ministre de Cavour, Ubaldino PERUZZI, et de la Société Adam SMITH. Il estrapporteur à des congrès pacifistes et, par des discours et des articles enflammés, il répand lecredo libre-échangiste dans un pays engagé dans une politique protectionniste. Dans lesarticles de cette période, le doctrinarisme abstrait se superpose mécaniquement à la réalité, si698


ien que celle-ci lui demeure souvent étrangère. PARETO est un contemplateur tourné versl’extérieur. On sent chez lui, en définitive, une répugnance instinctive pour l’action. Iln’aperçoit dans la politique que l’arrivisme et la mauvaise foi des intrigants qui exploitent lespassions populaires. Il essaie vainement de se faire élire, à deux reprises, député au Parlement;ces expériences pratiques de la politique le convainquent que la puissance est funeste et que lepouvoir n’est que corruption et méchanceté. Son hostilité envers l’État centralisateur etbureaucratique va de pair avec un ardent désir de voir garantis l’ordre, l’autorité et lahiérarchie. Contraint de batailler contre le protectionnisme, contre les programmes militaires,contre la gallophobie du ministère CRISPI et contre les méfaits d’une classe politiquemédiocre, PARETO finit par adopter le ton d’un prédicateur. Même la politique du nouveauministère RUDINI-LUZZATTI, qui rassure quelque peu ses amis libre-échangistes, nemodifie pas son orientation générale. La découverte de l’économie pure, discipline à laquelle,dès 1890, PARETO consacre désormais ses forces, n’est pas un hasard: c’est au fond lalibération des misères de la vie quotidienne, le guide qui conduit au bonheur. L’économisteMaffeo PANTA<strong>LE</strong>ONI lui révèle Léon WALRAS et les équations de l’équilibre économique,monde parfait dans sa pureté formelle. C’est ainsi que commence à se construire l’universthéorique de PARETO. Cet individualiste, qui avait éprouvé son impuissance à devenir«quelqu’un» dans une Italie en plein développement économique et social, découvrait que laseule possibilité de s’affirmer et de s’apaiser lui était offerte par la fuite dans le monde del’économie pure. Ce qui le conduisait à l’étude de l’économie mathématique était donc unbesoin d’ordre, de rigueur et de logique, mais aussi sa défiance envers l’action concrète. De lasorte, cet homme riche, marquis de son état, lié presque charnellement à la Toscane,amoureux jaloux et atrabilaire de «son» Italie, a pu accepter, en 1893, la chaire d’économiepolitique que lui offrait l’université de Lausanne et rompre par là avec tout un passé d’idéaux,de luttes et d’habitudes. PARETO a quarante-huit ans lorsqu’il écrit à Lausanne son premierlivre, le Cours d’économie politique, paru en deux volumes, en 1896 et 1897. Il y soutient quel’économie doit être étudiée selon les mêmes critères que la physique. Les actions deshommes présentent des uniformités. Certaines actions se proposent en effet de procurer unesensation agréable; d’autres, de procurer certaines conditions de santé, de développement ducorps et de l’intelligence; d’autres encore, de procurer ces conditions à tout un agrégat et d’enassurer la reproduction. Les qualités qui se rapportent aux deux derniers types d’actionprennent le nom d’utilité. La qualité du premier genre d’action est appelée ophélimité, notionqui «exprime le rapport de convenance par lequel une chose satisfait un besoin ou un désir,légitime ou non». Grâce à cette notion, il est possible d’isoler certaines propriétés permettantde construire des modèles abstraits. Ceux-ci rendent possible ensuite l’explication dephénomènes concrets et complexes. Le Cours contient une théorie de l’évolution sociale. PourPARETO, l’histoire est un fait proprement mécanique, c’est-à-dire pratiquement immobile,dont le résultat, pour qui le contemple, est la constatation que l’homme est toujours le même.N’est-ce pas la preuve, ou la confirmation de la vanité de l’action ? Il est désenchanté à telpoint qu’il a rompu, en fait, avec le libéralisme. L’atomisme et la structure statique de lasociété, qui sont les postulats fondamentaux de la philosophie libre-échangiste, impliquent laprédominance d’individus qui ne peuvent être que l’exact opposé de l’homo œconomicus. Lesnaïvetés d’une pareille philosophie sociale n’échappent pas à PARETO, mais pour l’instant ilcontinue à observer les causes sociales et psychologiques de la destruction de la sociétééconomique libérale. Il les dénonce avec fureur dans La Liberté économique et lesévénements d’Italie, livre paru en 1898, mais, en même temps, il commence à tourner enridicule le credo de ses années de jeunesse. Dans Les Systèmes socialistes (1902-1903), ilétudie une des causes majeures de la déperdition des doctrines libérales. Ce qui ressort de cetouvrage, ce sont les faiblesses du libéralisme, faisant uniquement appel à la raison, etl’inconsistance logique des idées socialistes, mais aussi leur puissance explosive, leur699


caractère agissant, car elles sont fondées sur les sentiments, sur les passions et les instincts deshommes. Le socialisme est arrivé ainsi à élaborer des mythes puissants, des formulespolitiques capables de pousser les hommes à agir. Dans ce sens, il est un «levain d’héroïsmeet de vertu», mais également une force plus efficace que le libéralisme. Pourtant, libéralismeet socialisme visent les mêmes buts: permettre à des minorités, les élites, de conquérir et degarder le pouvoir. Sur le plan économique, ils sont également similaires: une économieplanifiée peut produire les mêmes résultats qu’une économie de marché. Quant à l’efficacité,un système socialiste pur est semblable à un système économique libéral pur en régime deconcurrence parfaite. Dans Les Systèmes socialistes, PARETO étudie également le rapportentre la vérité subjective et la vérité objective, entre l’action logique et l’action non logique, etessaie de discerner si la vérité objective doit nécessairement devenir vérité subjective afinqu’elle puisse favoriser l’action. Alors que PARETO a atteint le sommet de sa carrière, unedouloureuse contrariété familiale (sa femme l’abandonne) bouleverse sa tranquillité de savantà la vie très réglée et routinière. Il s’efforce de sortir de son abattement en lisant et méditantses poètes préférés: VIGNY et MUSSET. Désormais, son scepticisme se fondera sur ledogmatisme des sentiments, et la raison, déchue, ne sera plus que la manifestation extérieureet superficielle d’une activité intérieure absolue. Cette ambiguïté conditionnera dès lors sonœuvre. À partir de l’année 1902, on constate que Pareto veut toujours traiter les sciencessociales comme des sciences exactes, bien qu’il fasse tout pour démontrer les imperfectionsde la raison et pour prouver que ce qui pousse les hommes à agir est le sentiment, chose,somme toute, mystérieuse et insaisissable. Dans le Manuel d’économie politique, paru en1906, l’objet central est toujours l’homme considéré comme un être abstrait dont l’activité estguidée par l’égoïsme. Les différents éléments du système sont isolés de toute influencepossible est étudiée à un moment bien déterminé grâce au calcul analytique. Abstractions toutà fait générales, a-t-on dit, et PARETO lui-même n’en est bientôt plus satisfait. Les beautésd’un système logique parfait ne suffisent plus à son esprit inquiet et intolérant. De cetteévolution, un premier témoignage, parfois impitoyable jusqu’à l’irrévérence, est donné parl’opuscule paru en 1911: Le Mythe vertuiste et la littérature immorale, où PARETO se moquedu moralisme et du puritanisme, des sentiments de renoncement et d’ascétisme, qui sont pourlui des manifestations de faiblesse. En 1916, le monumental Traité de sociologie générale,dont on se bornera ici à relever les point d’intérêt très général, systématise tous ces éléments.Les formes sociales y sont étudiées en examinant les actions humaines, les états d’espritauxquels elles correspondent ou la manière dont ils les expriment. Dès lors, on distingue lesactions logiques et les actions non logiques: les premières sont celles qui utilisent des moyensappropriés à leur fin et qui relient logiquement les moyens à la fin. Les autres, non logiques,ont une grande importance dans la vie sociale et paraissent logiques à ceux qui lesaccomplissent ou qui en font la théorie. Si, pour PARETO, plusieurs de ces théories sont un«amas de sottises», il note cependant que des doctrines absurdes peuvent être socialement trèsutiles, que les différentes classes sociales peuvent et doivent même avoir des doctrinesdifférentes et, ce qui revient au même, comprendre différemment une même doctrine. Dansles actions non logiques, PARETO trouve une part constante, instinctive, expression decertains sentiments humains, les résidus, et une part variable, qu’il appelle dérivations, et quireprésente l’effort, propre à l’homme, de se conformer à la logique. On se laisse convaincresurtout par les sentiments (résidus), tandis que les dérivations cherchent à donner uneapparence logique aux actions non logiques en raisonnant à partir des sentiments plus que desvérités logico-expérimentales. Il étudie les actions non logiques au moyen de conceptsclairement définis se rapportant à des phénomènes observables. La science comporte uncaractère de recréation, c’est-à-dire de simplification. Il observe donc des aspects dephénomènes déterminés; ces aspects sont exprimés en concepts rigoureux, puis on établit desrelations entre les phénomènes que recouvrent ces concepts, après quoi on tente de700


ecomposer en une unité la réalité complexe. PARETO admet, en conséquence, que la scienceest toujours connaissance du partiel et qu’elle ne peut jamais être normative. La sciencelogico-expérimentale a pour objet l’étude des relations constantes entre les phénomènes, maisces relations, appelées uniformités expérimentales, ne sont pas nécessaires. À une époque oùles sciences sociales étaient toutes engagées dans la discussion de la causalité et de la naturedes explications causales, PARETO fait figure d’isolé. En effet, puisque les relations necomportent pas de nécessité intrinsèque, il attache davantage d’importance à l’implicationqu’à la causalité. Toutefois, est-il juste d’affirmer que seules les actions logiques sontscientifiques ? Une action est logique si l’on peut en prévoir les conséquences et déterminerpar le raisonnement le but à atteindre. Or, pour PARETO, la science permet bien dedéterminer les fins et les conséquences des actes, mais d’une manière extrêmement limitée.Donc, les actions qui sont un objet de science ne sont pas toutes logiques. Quoi qu’il en soit,PARETO est persuadé que les hommes donnent une apparence logique à des actions dictéespar les sentiments, mais que la science ne saurait démontrer que le caractère non logique deces actions. Il se doit de conclure qu’il n’y a pas de solution scientifique au problème desactions humaines, pas plus qu’à celui de l’organisation sociale. Démocratie, droit, solidarité,etc. sont de pures abstractions, des concepts pseudo-expérimentaux. Il étudie à nouveau lesproblèmes de la démocratie, de la liberté et de la révolution dans La Transformation de ladémocratie, paru en 1921. Les révolutionnaires promettent toujours un changement total etradical. Leur action peut être utile, mais elle n’est pas en rapport avec la fin qu’ils seproposent. En accord avec Georges SOREL, PARETO admet que les hommes ont besoin,pour agir, de croire à quelque chose, par exemple à une société d’où seront bannies l’injusticeet la misère. Mais, aussitôt que les révolutionnaires ont conquis le pouvoir, ils créent unesociété qui n’a rien à voir avec celle qu’ils promettaient. Ces vues désolées et désolantesdeviennent un pessimisme tragique lorsque PARETO prend en considération le fait que leséchelles de valeur des individus sont hétérogènes, alors qu’il n’existe pas d’hétérogénéitésociale. Il y a, dans la société, une séparation, une opposition entre les masses et les élites. Lalutte des classes elle-même ne donnera pas le pouvoir au prolétariat, mais bien à ceux quiparlent en son nom, c’est-à-dire à une minorité, privilégiée comme toutes les élites. L’histoireest donc un «cimetière d’élites»; c’est l’histoire d’une succession de minorités privilégiées quise forment, luttent, arrivent au pouvoir et profitent de ce pouvoir, puis déclinent et sontremplacées par d’autres minorités. Vision cyclique, amère et tragique: l’histoire de l’hommeest une série d’alternances indéfiniment répétées, de cycles de mutuelle dépendance, d’où leprogrès, bien évidemment, est exclu. Les choses étant ainsi, on peut s’interroger sur l’apportde PARETO à l’étude de l’action humaine. Néanmoins, il serait faux de l’enfermer sans autreconsidération dans la case du scientisme. Son accent est plus moderne: «Les actions tirentprincipalement leur origine d’un état psychique déterminé: sentiments, subconscient...»Cependant, parmi ceux qui reconnaissent une supériorité à l’irrationnel et ceux qui visent à larationaliser, PARETO occupe une position particulière entre NIETZSCHE et FREUD. Pourlui, il faut étudier l’irrationnel, non pas qu’on puisse l’assujettir, mais parce qu’il est le «sang»de l’homme. Voilà pourquoi ce pessimiste, malgré sa vision désolée, est – a-t-on dit de lui –l’antidote énergique à deux maux extrêmes, communs aux idéologues: l’intellectualismepolitique qui renouvelle constamment l’illusion du succès d’une politique «éclairée», malgréles constants démentis qu’elle essuie, et la politique des chimères qui fait prendre à chacun sesdésirs pour la réalité. En nous montrant comme nous sommes réellement, en nous faisantprendre conscience du système de relations sous-jacentes aux conduites humaines, en nousindiquant les modes par lesquels nous produisons les connaissances et notre être au monde, lasociologie de PARETO est une sociologie du pluralisme, du relativisme, del’antitotalitarisme, de la société civile contre l’État. PARETO est mort à Céligny, dans lecanton de Genève, le 19 août 1923, dix mois après la prise du pouvoir en Italie par les701


fascistes. Au début de 1923, il n’avait pu accepter sa nomination comme sénateur du royaumed’Italie, car il venait de renoncer à la citoyenneté italienne pour acquérir celle de l’État librede Fiume.PERROUX François (1903-1987); Lyonnais d’origine, élève de SCHUMPETER, professeurà Lyon puis à Paris, François PERROUX est élu en 1955 à la chaire d’économie créée à sonintention au Collège de France. PERROUX a profondément marqué, depuis plus de quaranteannées, l’université et la pensée économique françaises. Il poursuit dans la voie del’hétérodoxie schumpetérienne (La Pensée économique de Joseph SCHUMPETER. Unethéorie pure de la dynamique capitaliste, 1935) à l’égard du marxisme, qu’il a profondémentétudié (d’où sa longue préface aux œuvres de MARX dans la collection «La Pléiade», 1963,et Aliénation et société industrielle, 1970), du néo-classicisme, qu’il tente un moment deramener aux véritables dimensions parétiennes (La Valeur, 1943; Le Néo-Marginalisme,1945) ou du keynésianisme, dont il marque très vite les limites (La Généralisation de laGeneral Theory , 1950). De même, à l’image de SCHUMPETER, il lie très étroitement lathéorie économique la plus rigoureuse à une permanente attention aux évolutions profondesde notre civilisation, comme à ses dangers (Les Mythes hitlériens, 1936, et Des mytheshitlériens à l’Europe allemande, 1940). Il modernise, renouvelle et élargit cependant lesconcepts clés de son maître: il approfondit Le Problème du profit (1926), mais il préfère àl’analyse individualiste de l’innovation celle de la création collective (Industrie et créationcollective, 2 t, 1964 et 1970). Bien avant les réformes récentes, il jette les bases d’unerénovation fondamentale de l’enseignement de l’économie en France sur trois points. Il insistesur la recherche scientifique fondamentale, créant dès 1944 l’Institut de science économiqueappliquée qu’il dirige et développe sans cesse depuis (avec sa revue Économie appliquée, etcette véritable encyclopédie économique que constituent les multiples séries des Cahiers del’I.S.E.A.). Il opte vigoureusement pour l’analyse formalisée et quantitative, mettant toutefoisen garde les économistes contre le danger de se laisser dominer par les techniquesmathématiques et d’accepter des hypothèses contraires aux faits pour le seul avantage detrouver une solution au problème: il introduit ainsi en France les techniques de la comptabiliténationale (Le Revenu national, son calcul, sa signification, avec P. URI et J. MARCZEWSKI,1947, et Les Comptes de la nation, 1949); il poursuit un dialogue ininterrompu avec lesmathématiciens et l’ensemble des scientifiques (il publiera entre autres dans ses Cahiers lespremiers modèles économiques inspirés de la thermodynamique dus à Marc et AndréLICHNEROWICZ, 1971, par opposition à ceux qui sont tirés de la mécanique, avant detransformer l’I.S.E.A. en Institut de science mathématique et économique appliquée), commeil le fera avec les philosophes dans cette série de Cahiers (M) dirigée par J. LACROIX.Enfin, il ouvre délibérément la pensée économique française à la pensée anglo-saxonne (sanssacrifier en rien à la mode de l’américanisme), ou à la pensée soviétique, soucieux qu’il est detransmettre en France le meilleur de leurs apports (entre autres par la série de Cahiers (G)dirigée par Henri CHAMBRE). Très vite armé (dès son Cours, 1936) d’une conceptualisationoriginale qui lui permet de proposer une véritable théorie générale, il développe celle-ci soiten opposition à la théorie dominante, soit en fonction des sollicitations de l’actualité, dans undialogue fécond de la théorie et de la pratique. Au monde abstrait et irréel d’un équilibre demicrodécisions prises par des unités égales parce que toutes dénuées de pouvoirs dans laconcurrence parfaite, il oppose le monde de la réalité, celui des macrodécisions, des espacesstructurés, de la domination (influence asymétrique et irréversible), des effets d’entraînement,des firmes motrices, de la contrainte dans l’exercice du pouvoir, éventuellement parl’intermédiaire de la politique monétaire, et du don ou du pseudo-don (L’Économie du XXesiècle où se retrouvent ses principaux articles, 1969; Économie et société, contrainte,échange, don , 1963; Pouvoir et économie, 1973). À la croissance équilibrée, il oppose la702


croissance harmonisée sous l’influence des pôles de croissance et il analyse la contradictionqui en résulte entre le développement par pôles et le développement par territoires. Auxmodèles globaux ou plurisectoriels mais sans structure, il oppose les modèles qui couplent desindustries diversement actives, des industries de croissance, des industries modernes ouabsolument nouvelles (Les Techniques quantitatives de la planification, 1965). Il n’a pas depeine à appliquer son analyse aussi bien à la nation qu’à l’économie mondiale capitaliste envoie de se constituer, reprenant l’étude par Maurice BYE de la grande unité interterritorialepour en tirer Grande Firme et petite nation et analyser dans cette perspective L’Indépendancede la nation (1969). Une place à part doit être faite dans cette construction à la théorie dusous-développement. Dès 1952, PERROUX fournit les bases de l’analyse sur laquelle seretrouveront progressivement, même sans que cela apparaisse, aussi bienA. O. HIRSCHMAN qu’A.G.FRANK, pour n’en citer que deux: Les Trois Outils pourl’analyse du sous-développement sont en effet la domination, la désarticulation, la noncouverturedes coûts de l’homme. Il les complétera en 1962 par L’Économie des jeunesnations, industrialisation et groupement des nations. Il consacre à l’étude du sousdéveloppementune partie importante de son temps, étudiant et enseignant en Afrique oùl’I.S.E.A. ouvrira un temps des bureaux à Tunis, à Dakar, à Niamey, et plus encore enAmérique latine où il puisera matière à de nombreuses contributions. C’est ce qui lui permetde rénover fondamentalement l’I.E.D.E.S. et la revue Tiers Monde lorsqu’on lui demanded’en prendre la direction. Quand il en sera écarté, il fondera une nouvelle revue (trilingue)Mondes en développement. L’appel de l’actualité ne cessera cependant de lui fournirl’occasion d’appliquer, d’enrichir, d’approfondir sa théorie. Hostile à l’Europe américainepuis démochrétienne, il écrit Le Plan Marshall ou l’Europe nécessaire au monde (1948) puisL’Europe sans rivages (1954); partisan de la Coexistence pacifique, il lui consacre troisvolumes (1958); inquiet des faiblesses du commissariat général au Plan, il écrit Le IVe Planfrançais (1963). Attentif à l’évolution de la science, il étudie la conquête de l’espace (diversarticles) et l’évolution de la recherche-développement (Recherche et activité économique,1969). Le souci d’une analyse rigoureuse ne le détourne cependant pas des options concrètes.L’économie doit nourrir les hommes, soigner les hommes, libérer les esclaves, c’est ladéfinition même du Progrès économique (1956 et 1957). C’est aussi ce qui lui fera prendreposition vigoureusement contre le pouvoir de l’argent, qu’il hait, pour les pauvres (Le Pain etla parole, 1969), pour l’homme, «pour tout l’homme et pour tous les hommes», puisque c’està lui qu’on doit cette expression que Jean XXIII reprendra dans Mater et Magistra.PÉTAIN Philippe (1856-1951) Formé à l'école militaire de Saint-Cyr, jeune général au débutla guerre de 14-18, PETAIN organise la défense de Verdun en 1916. Commandant en chef desarmées françaises en 1917, il est élevé à la dignité de Maréchal de France en 1918. Aprèsavoir rétabli la situation pendant la guerre du Rif au Maroc (1925), il est nommé ministre dela guerre (1934) puis ambassadeur de France à Madrid (1939). Dans le même temps, soninfluence reste grande au sein de l'état-major français : il y défend la guerre de positiondéfensive (stratégie de la France lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate). en 1916. Aprèsla débâcle française, PETAIN est appelé à la présidence du Conseil le 16 juin 1940. Ildemande l'armistice et le 10 juillet 1940, obtient du Parlement, réuni à Vichy les pleinspouvoirs. Il fonde alors l'"Etat français" et engage la France dans une politique decollaboration avec l'Allemagne. A la Libération, il est jugé et condamné à mort. Sa peine estcommuée en détention à perpétuité par le général DE GAUL<strong>LE</strong>. Il meurt sur l'Ile d'Yeu où ila été emprisonné après son jugement.703


PHILLIPS Alban William, 1914-1975 est l'homme dont le nom est joint à la fameuse courbedans des sciences économiques d'après-guerre - "la courbe PHILLIPS". Le rapport qu'il adécouvert dans ses 1958 célèbres le papier n'a pas été posé en principe comme rapportthéorique mais il était assez suggestif. L'étude originale PHILLIPS décrit le rapport entre leschangements de salaire et le chômage entre 1861 et 1957. Son analyse a traité réellementtrouver les mouvements cycliques dans la croissance du chômage et de salaire. La période1861-1913 lui a donné un mouvement dans le sens contraire des aiguilles d'une montre autourd'un certain niveau de croissance de salaire et le chômage, la période 1948-1957, a rapportéune trajectoire dans le sens des aiguilles d'une montre tandis que la période intermédiaire(1918-39), avait les cycles alternatifs : dans le sens des aiguilles d'une montre, 1918-21 ; dansle sens contraire des aiguilles d'une montre, 1921-25 ; dans le sens des aiguilles d'une montre1926-33 ; et dans le sens contraire des aiguilles d'une montre 1934-43. PHILLIPS (1958) aalors adapté une courbe par ces résultats et a constaté qu'elle lui a rapporté ce qui suit : g W +0.9 = 9.64 U t -1.39 ou : ln (g W + 0.9) = ln9.64 - ln 1.39 U t. là où g W est la croissance des salaireset du U t d'argent est le niveau du chômage. Il y a, comme a noté PHILLIPS, un rapportnégatif entre le chômage et la croissance des salaires d'argent. Par conséquent, ceci a produitde la forme générale de la courbe à laquelle son nom a été prêté. Il y avait plusieurs théories.C'était Richard LIPSEY (1960) qui ont développé des résultats PHILLIPS en plus largecontexte, conception de l'hausse inflationniste des salaires comme procuration pour l'inflationdes prix et incorporation de l'explication de demande pour l'événement. KALDOR (1959),d'autre part, a opté pour une explication d'"croissance du coût". Paul SAMUELSON etRobert SOLOW (1960) ont pris la version de LIPSEY et ont couru aux conclusions depolitique sur des différences rendement-inflation. PHILLIPS lui-même a semblé peu intéresséà de telles discussions -- peut-être il avait mené une vie trop mouvementée à l'avance pour lestrouver amusante. Le nouveau Zélandais PHILLIPS -avait fonctionné dans une mineaustralienne depuis qu'il avait seize ans, où il a appris l'électrotechnique ; émigrant en Grande-Bretagne en 1937, il a été bientôt impliqué dans la deuxième guerre mondiale et a été faitprisonnier par les Japonais. Libéré à la fin de la guerre, il est revenu à Londres et s'est inscritdans le service de sociologie du LSE. Il est bientôt impliqué dans les sciences économiqueset ses qualifications de technologie ont été employées pour créer "la machine PHILLIPS"célèbre - un modèle hydraulique de l'économie keynésienne qu'il a décrite en 1950. Il abientôt joint la faculté des statistiques au LSE, une position qu'il a gardée jusqu'en 1967,quand il a pris un poste à l'université nationale australienne. Le travail de PHILLIPS dans lapartie postérieure de sa carrière était en grande partie dans des techniques optimales de théoriede commande et de série chronologique dans leur application à l'économétrie. Le travail dePHILLIPS sur des modèles de moyenne mobile et l'évaluation de paramètre dans deséquations de différence stochastiques seulement ont été tardivement identifiés, assezremarquablement par les mêmes nouveaux disciples classiques qui ont enterré sa courbe.704


PHILIP André (1902-1970) devient professeur d'économie après des études universitaires.En 1920, il adhère au parti socialiste (SFIO). En 1936, il est élu député du Rhône et rédige lerapport sur la loi des 40 heures. Le 10 juillet 1940, il fait partie du " groupe des 80 " quivotent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain puis reprend ses cours à l'université de Lyon etentre dans la Résistance où il devient l'un des chefs du mouvement Libération-Sud. Il fondealors des groupes d'études clandestins et les Amitiés chrétiennes. En 1942, André PHILIPgagne Londres, où le général DE GAUL<strong>LE</strong> le nomme commissaire à l'Intérieur au sein duComité national français. En septembre 1944, Philip devient commissaire d'Etat chargé desrelations entre l'Assemblée consultative provisoire et le Comité français de libérationnationale. Directeur politique du journal Cité-Soir, il devient ministre des Finances et del'Economie nationale dans les cabinets GOUIN et BLUM (1946-1947), puis ministre del'Economie nationale dans le cabinet RAMADIER (janvier-novembre 1947). Membre ducomité directeur du parti socialiste, il est élu député du Rhône à la première Assembléenationale de la IVe République et désigné membre de l'Assemblée consultative européenne deStrasbourg. De 1947 à 1948, il préside la commission de la Constitution à l'Assemblée. De1947 à 1951, il est membre du Conseil de l'Europe et chef de la délégation française à lacommission économique européenne de l'Organisation des Nations unies. Il est déléguégénéral du mouvement européen et président du mouvement pour les Etats-Unis socialistesd'Europe. Battu aux législatives de juin 1951, il est désigné comme membre du Conseiléconomique et social où il appartient à la commission des affaires économiques en tant quemembre du groupe de la Pensée française. En 1952, il est nommé professeur de politiquesociale comparée à la faculté de droit de Paris et président de la délégation française au GATT(General Agreement on Tariffs and Trade, l'Accord général sur les tarifs douaniers et lecommerce). Exclu de la SFIO en 1958, André PHILIP trouve refuge au PSU, dont il devient,d'avril 1960 à juin 1962, membre du comité politique national. Il évolue ensuite vers legaullisme où il pense trouver un renouvellement de la gauche et, dans le même temps, tenteen vain de créer une fédération des démocrates-socialistes. En 1964, il préside la délégationfrançaise à la Conférence mondiale sur le commerce et le développement, en 1967, le centrede développement de l'Organisation de coopération et de développement économique(OCDE) En avril 1968, il abandonne ses fonctions de président de la Fédération française desmaisons de jeunes et de la culture pour protester contre la politique du ministre de la Jeunesse,François MISSOFFE, et contre l'attitude du syndicat CGT du personnel. André PHILIP avaitpublié L'Europe unie en 1953, La Démocratie industrielle en 1955 et Le Socialisme trahi en1958.705


PIGOU Arthur Cecil (1877–1959) était un économiste britannique. Il a particulièrementtravaillé sur l'économie du bien-être, et a introduit la notion d'externalité. Il a été élèved'Alfred MARSHALL, puis professeur de John Maynard KEYNES.PINAY Antoine (1891-1994), industriel et maire de la petite ville de Saint-Chamond (Loire)il est élu député en 1936 puis en 1946. Il devient ensuite secrétaire d'Etat en 1948 puisministre en 1950. Il appartient alors à un parti de droite libéral : le Centre National desIndépendants (CNI). Après l'échec de la troisième force il dirige la nouvelle coalitionpolitique au pouvoir. A partir de mars 1952, il est à la fois président du Conseil et ministre desfinances. Sa politique économique plutôt populaire donne de lui l'image d'un homme soucieuxd'une saine gestion. De juin 1958 à janvier 1960, il est à nouveau ministre des finances, cettefois à la demande du Général DE GAUL<strong>LE</strong>. Il mène à nouveau une politique visant unéquilibre financier de l'Etat. Jusqu'à sa mort, celui que l'on surnomme le "sage de Saint-Chamond" sera consulté par de nombreux hommes politiques qui font appel à son bon sens età son expériencePINOCHET Augusto (1915- ) est un participant de la dernière heure au coup d'Etat le 11septembre 1973, qui a conduit au renversement du président AL<strong>LE</strong>NDE. Certains officiersde rang intermédiaire l'ont considéré comme indécis dans son opposition à l'ancien président.du contrairement à ce qu'il a toujours affirmé Cependant Augusto PINOCHET s'emploiera,dès les premiers jours, à éliminer toute opposition : la dictature fera plus de 3 000 morts oudisparus et conduira à l'exil des milliers de Chiliens. Soutenue par les autres dictatures de larégion et avec la bénédiction des Etats-Unis, la Junte qu'il préside participe au " planCondor", outil de poursuite des opposants sur le continent américain et en EuropeLe 16 octobre 1998, son arrestation à Londres marque une victoire pour la justiceinternationale, puis son retour au Chili laisse espérer un procès. Mais, en dépit des efforts dujuge chilien GUZMAN, PINOCHET ne sera jamais jugé dans son pays, officiellement pourdes raisons de santé. La dictature d'Augusto PINOCHET a pris fin il y a 16 ans. Depuis, ladroite n'est jamais revenue au pouvoir, qui n'a pas quitté les mains de la "Concertacion",alliance démocrate du parti socialiste, de la démocratie chrétienne et du PPD (Partito Por laDemocracia). Les deux premiers présidents étaient issus des rangs démocrates-chrétiens,mais le président sortant, Ricardo LAGOS, élu en 2002, est socialiste, le premier présidentsocialiste depuis Salvador AL<strong>LE</strong>NDE. Michelle BACHE<strong>LE</strong>T est donc la troisièmeprésidente socialiste de l'histoire du Chili, et la première femme.POINCARE Raymond (1860-1934) avocat au barreau de Paris, fils de grands bourgeoislorrains, devient, à vingt-sept ans, l’un des plus jeunes députés de France. Les électeurs de laMeuse lui renouvelleront régulièrement leur confiance jusqu’en 1903. Plusieurs fois ministrede l’Instruction publique et des Finances, il est appelé en 1912 par le président Fallières pourformer le gouvernement. Fort du succès de ce ministère “d’union nationale”, POINCAREprésente sa candidature à la présidence de la République en 1913. Il devance d’une largemajorité le candidat que lui oppose C<strong>LE</strong>MENCEAU, Jules PAMS, mais appellera cependantle “Tigre” à ses côtés en 1917, lorsque la situation de la France lui semblera l’exiger. Aprèsl’armistice et la fin de son septennat, POINCARE retrouve le Palais du Luxembourg. Il sera ànouveau président du Conseil, en 1922 puis en 1926, où il a la lourde tâche de redresser lasituation monétaire et d’assainir les finances publiques. En 1929, la maladie l’oblige à seretirer. Réélu au Sénat en 1932, il ne peut siéger. A sa mort, en 1934, le pays lui consacre desfunérailles nationales.706


POLANYI Karl (1887-1964), Spécialiste d’histoire et d’anthropologie économiques.D’origine hongroise, il manifesta très tôt des idées anti-autoritaires et fut obligé de quitter sonpays après la Première Guerre mondiale pour se réfugier à Vienne. En 1930, il partit pour laGrande-Bretagne, où il enseigna aux universités d’Oxford et de Londres. C’est là qu’ilentreprit son immense ouvrage d’érudition, The Great Transformation, vaste remise enquestion de tout ce qui était admis concernant l’histoire économique de l’Angleterre. Après laSeconde Guerre mondiale, POLANYI, qui connaissait bien les États-Unis pour y avoir donnéde nombreuses conférences, vint enseigner l’histoire économique à l’université Columbia, oùil exerça sur ses étudiants une influence considérable. Avec Conrad Arensberg, il mit sur piedun vaste projet d’étude comparative des systèmes économiques; le résultat en fut lapublication d’un gros ouvrage collectif intitulé Trade and Market in the Early Empire (1957),qui marque une date importante en matière d’anthropologie et d’histoire économiques.POLANYI ne vit pas la parution de son ouvrage sur le Dahomey et le commerce des esclaves(Dahomey and the Slave Trade: an Analysis of an Archaic Economy , 1966). Cettecontribution de premier ordre en anthropologie économique peut être considérée comme ayantfondé, au sein de cette dernière discipline, l’école dite substantiviste, qui s’oppose à l’écoleformaliste. Pour celle-ci, la théorie économique doit pouvoir rendre compte de tous les typespossibles de systèmes économiques. POLANYI montre au contraire, dans son livre, que lesmécanismes économiques tels que la monnaie, les marchés, le commerce extérieur ou lesports de commerce fonctionnent de façon tout à fait différente des mécanismes économiquestels qu’ils sont décrits dans la littérature économique libérale.POMPIDOU Georges est un homme politique français. Né le 5 juillet 1911 à Monboudifdans le Cantal de parents enseignants, il fait Khâgne au lycée Louis-le-Grand aux côtés deLéopold SEDAR-SENGHOR et d'Aimé SECAIRE. Il est reçu à l’école normale supérieure en(1931), passe l'agrégation de lettres en 1934 et commence une carrière de professeur. Ilenseigne d'abord à Marseille, puis à Paris au lycée Henry IV. Après la libération, il devientmaître des requêtes au Conseil d‘État, puis directeur du commissariat au Tourisme 1946-1949. Entre 1954 et 1958, il travaille à la banque Rothschild. Lors du retour au pouvoir duGénéral Charles DE GAUL<strong>LE</strong>, en 1958, il devient son directeur de cabinet. Le 16 avril 1962,il est nommé premier ministre. Il le restera jusqu'à sa démission, le 13 juillet 1968. Le 15 juin1969, Georges POMPIDOU est élu Président de la République avec 58,22 % des voix. Il estl'auteur d'une anthologie de la poésie française. Il meurt d'un cancer le 2 avril 1974.REAGAN, Ronald, Président des Etats-Unis (1911-2004), Son père, Jack, est vendeur dechaussures, catholique irlandais et démocrate convaincu, et sa mère Nelle affiche unpuritanisme protestant militant. Tout d'abord militaire puis reporter sportif à la radio, ildevient acteur de cinéma à partir de 1937. Mais sa carrière n'évoluant pas, Ronald REAGANse tourne vers la télévision et acquiert ainsi une grande popularité dans les années 60. C'estalors qu'il s'engage en politique. Il devient alors le chef de file du parti républicain et est élugouverneur de Californie de 1967 à 1975. Ses idées conservatrices et anticommunistes luivalent alors une renommée nationale. Candidat en 1980, il est élu à la présidence des États-Unis. Bien que conservateur, sa politique sur le plan économique est libérale. Réélu en 1984,il encourage le programme d'armements de la 'guerre des étoiles', hostile à l'URSS. Mais enoctobre 1986, il signe des accords de désarmement. Bien que son second mandat ait étéentaché par « l'Irangate », sa notoriété n'a jamais diminué. Il quitte la Maison Blanche enjanvier 1989, peu avant son 80e anniversaire. Atteint de la maladie d'Alzheimer depuis unedizaine d'années, il meurt à l'âge de 93 ans.707


REYNAUD, Paul né le 15 octobre 1878 à Barcelonnette, décédé le 21 septembre 1966 àNeuilly-sur-Seine, est un homme politique français. Diplômé de l'école des hautes étudescommerciales, avocat, Paul REYNAUD se tourne assez vite vers le monde de la politique. Éluà la Chambre des Députés avec le Bloc National d'abord en 1919, puis de 1928 à 1940.Membre d'un parti de droite modérée, l'Alliance démocratique, il est plusieurs fois ministresous la Troisième République et est en charge des portefeuilles des Finances, des Colonies etde la Justice. En 1938, il est en rupture avec la ligne directrice de son parti qui tend àapprouver la signature des accords de Munich par le radical-socialiste Édouard DALADIER.En septembre 1939, il déclare : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ».Interrogé après la fin de la guerre sur cette phrase, Paul REYNAUD affirma avoir toujours euen tête qu'il s'agirait d'une guerre mondiale, continuation de la première. Paul REYNAUD estnommé, le 22 mars 1940, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères par Albert<strong>LE</strong>BRUN. Le 9 mai 1940, devant la tournure que prend les évènements, Paul REYNAUDsoumet sa démission mais se rétracte devant l'insistance du Président <strong>LE</strong>BRUN. Il reprend leportefeuille de la guerre à Édouard DALADIER et s'adjoint le maréchal PETAIN commevice-président et le général Charles DE GAUL<strong>LE</strong>, pour lequel il a une grande estime, commeSous-secrétaire d'État à la Guerre. Le 10 juin, en prévision de l'entrée des Allemands à Paris,les pouvoirs publics se réfugient à Tours puis à Bordeaux. L'affrontement entre les partisansde la continuation des combats (MANDEL, DE GAUL<strong>LE</strong>) et les tenants d'un armistice(PETAIN, MAXIME WEYGAND), tourne à l'avantage des derniers. Alors, après l'échec le16 juin 1940 du projet d'union des nations françaises et britanniques défendues par WinstonCHURCHILL et Charles DE GAUL<strong>LE</strong>, et face au progressif ralliement des membres de songouvernement à la demande du Maréchal PETAIN de demander les conditions d'armistice,Paul REYNAUD présente sa démission au Président <strong>LE</strong>BRUN qui l'accepte. Le MaréchalPETAIN, nommé chef du gouvernement, propose à REYNAUD le poste d'ambassadeurauprès des États-Unis que celui-ci refuse. Finalement, le 5 septembre 1940, il est interné surordre de PETAIN au château de Chazeron, comme étant l'un des responsables de la défaite, ilest ensuite pris par les Allemands. Emprisonné au camp d'Oranienburg, il est dans un secondtemps (de 1943 à 1945) gardé prisonnier dans le Tyrol.De 1946 à 1958, Paul REYNAUD estréélu député mais il est battu par Jules HOUCKE (UNR) en novembre 1962 après s'êtreopposé à l'élection du président de la République au suffrage universel (référendum du 28octobre 1962). Rallié aux conceptions du Général Charles DE GAUL<strong>LE</strong> en 1958, il préside lecomité consultatif constitutionnel. Il rompt avec DE GAUL<strong>LE</strong> en 1962 pour soutenir Jean<strong>LE</strong>CANUET lors de l'élection présidentielle de 1965.RICARDO David (1772-1823), fait carrière dans la finance pour suivre les traces de sonpère. Après avoir fait fortune à la Bourse, il vit de ses rentes et se consacre, à partir de 1799, àl'étude de la théorie économique. C'est alors qu'il découvre Adam SMITH. Il se positionne enfaveur de la théorie du capitalisme libéral, théorie qu'il reformule dans 'Des principes del'économie politique et de l'impôt' (1817). Mais il y critique l'optimiste d'Adam SMITHpuisque le mécanisme libre des prix n'entraîne pas automatiquement, et sans correction,l'équilibre entre l'offre et la demande. Il est d'ailleurs le chef de file de l'école classiqueanglaise dite pessimiste. La nouveauté est alors le 'principe différentiel de la rente foncière'selon lequel le revenu des propriétaires fonciers les mieux lotis en capital augmente d'autantplus vite que les autres s'appauvrissent. David RICARDO s'est également consacré à l'étudede la 'division internationale du travail' : la répartition de la production mondiale de biens etde services selon les spécialisations des différents pays.708


ROBBINS L. systématise sur le plan épistémologique l’économie politique issue du néomarginalisme,qu’il définit en tant que «science qui étudie le comportement humain commerelation entre les objectifs et les moyens rares susceptibles d’usages alternatifs».ROCARD Michel (1930- ); Né à Courbevoie d’un scientifique de renom — son père, YvesROCARD (1903-1992), fut notamment directeur du laboratoire de physique de l’Écolenormale supérieure —, Michel ROCARD a préféré ne pas s’orienter vers une carrièrescientifique. Licencié ès lettres, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, ancien élèvede l’École nationale d’administration, il a choisi la fonction publique en devenant inspecteurdes finances en 1958. Un itinéraire brillant: chef de la division des budgets économiques à laDirection de la prévision (1965), puis secrétaire général de la Commission des comptes etbudgets économiques de la nation (1965). Mais, dès ses études supérieures et plus encoreaprès son entrée dans l’administration, Michel ROCARD mène une double activité. À côté deMichel ROCARD étudiant ou fonctionnaire, il y a Michel ROCARD militant. Ou plutôtGeorges SERVET, puisque le collaborateur du ministre des Finances Valéry GISCARDD’ESTAING utilise un pseudonyme quand il devient le collaborateur de Pierre MENDESFRANCE au P.S.U. Michel ROCARD est un vieux militant et il en est fier. Secrétairenational de l’Association des étudiants socialistes dès 1955, il quitte la S.F.I.O. en 1958 pourfonder, avec quelques compagnons qui se désespèrent du socialisme français, le Partisocialiste autonome puis le Parti socialiste unifié (P.S.U.,1960) En 1966, Michel ROCARDest un des animateurs des Rencontres socialistes de Grenoble qui tentent de jeter les basesd’une nouvelle gauche. En juin 1967 il devient secrétaire national du P.S.U., poste qu’iloccupera malgré de nombreuses luttes politiques jusqu’en 1973. Candidat malheureux auxélections législatives dans les Yvelines en 1967 et 1968, il parvient à se faire élire à la faveurd’une élection partielle en 1969 contre Maurice COUVE DE MURVIL<strong>LE</strong>. Auparavant ils’était présenté à l’élection présidentielle de 1969, recueillant 3,61 % des voix au terme d’unecampagne axée sur les thèmes de Mai-68, où le P.S.U. s’était illustré. Après avoir participé àla campagne de François MITTERRAND en 1974, Michel ROCARD, qui a perdu son siègede député en 1973, quitte le P.S.U. Il entre au Parti socialiste à l’occasion des Assisesnationales du socialisme qu’avait préparées son ami Pierre MAUROY. En 1975 il devientmembre du bureau exécutif et secrétaire national chargé du secteur public. Élu maire deConflans-Sainte-Honorine en 1977 et à nouveau député des Yvelines en 1978, il se place, ausoir des élections législatives perdues par la gauche, en possible recours. FrançoisMITTERRAND, voit en lui un concurrent. Au congrès de Metz, il est rejeté dans la minoritédu Parti socialiste en compagnie de Pierre MAUROY. Le 19 octobre 1980, dans unedéclaration télévisée en direct de sa mairie, il annonce sa candidature à l’électionprésidentielle de 1981. Pour emporter l’adhésion des socialistes, Michel ROCARD avait ditqu’il se retirerait devant François MITTERRAND si ce dernier décidait finalement de seprésenter. Le 8 novembre, Michel ROCARD annonçait son retrait. Sa campagne n’avait duréque vingt jours. Après l’élection de François MITTERRAND, Michel ROCARD est nomméministre d’État, ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire (1981-1983) avant d’êtrenommé ministre de l’Agriculture (1983-1985), poste difficile mais électoralement importantpour qui y réussit. Le monde agricole, qui n’avait guère apprécié son prédécesseur, ÉdithCRESSON, accueille bien l’homme de gauche le plus populaire depuis des années malgré lesvicissitudes de sa carrière politique. Il démissionne à un an des législatives pour marquer sonopposition à la proportionnelle. Au cours de ces années, l’homme a pris de la carrure etconstitué une image. Inventif, sincère, de manières simples et directes, affichant peu de goûtpour la «langue de bois», un peu franc-tireur en somme, Michel ROCARD a gagné dessympathies dans l’opinion au-delà de l’électorat socialiste. «Présidentiable» pour les Français,il lui faut encore convaincre ou séduire les appareils de gauche. La méfiance, sinon l’hostilité709


des communistes à son égard ne constitue pas un problème majeur en raison del’affaiblissement du P.C. Mais le P.S. ne manque ni de rivaux (Laurent FABIUS, LionelJOSPIN) ni de fidèles à François MITTERRAND qui, de plus en plus, va apparaître commele seul recours possible contre la montée en puissance de l’opposition. Candidat à lacandidature pour l’élection présidentielle de 1988, Michel ROCARD devra suspendre sacampagne et, une fois encore, s’effacer devant François MITTERRAND. À la tête d’ungouvernement d’ouverture comprenant quelques ministres U.D.F., Michel ROCARD doitcomposer avec une Assemblée nationale à majorités variables, un Parti communiste quicherche le raidissement et un Parti socialiste volontiers critique, de plus en plus dominé parles affrontements des hommes à travers ceux des «courants». Par nature, le nouveau Premierministre est porté à la quête du consensus. La «méthode ROCARD», d’inspirationmendésienne, connaît des réussites (règlement de la situation en Nouvelle-Calédonie) mais seheurte aussi à de sérieux obstacles (réforme introduisant la contribution sociale généralisée).Pour autant, le problème du futur «candidat virtuel» à l’élection présidentielle à venir estsimple à poser, sinon à résoudre: il lui faut démontrer à la tête du gouvernement sa dimensiond’homme d’État dans un contexte économique et politique où la marge de manœuvre estfaible, affirmer sa différence par rapport à François MITTERRAND sans dissocier son actionde celle du chef de l’État, lutter enfin contre la tendance permanente à sa propremarginalisation au sein du Parti socialiste. En 1991, presque trois ans jour pour jour aprèsl’avoir nommé — mais aussi presque dix ans après sa propre victoire initiale —, FrançoisMITTERRAND désigne Édith CRESSON pour diriger le gouvernement. «Il m’a viré», diraMichel ROCARD un peu plus tard. Il s’agissait pour le premier, qui jugeait la France moroseet lassée, de reprendre la main. La même obligation s’ouvre au second. L’échec d’ÉdithCRESSON, le développement des «affaires» qui éclaboussent alors le Parti socialiste encontraste avec la forte image d’homme intègre dont jouit Michel ROCARD sont favorables àce dernier. Nouveau premier secrétaire du P.S. en succession de Pierre MAUROY (1992),Laurent FABIUS est affaibli par sa propre implication dans l’affaire du sang contaminé. LeP.S. se cherche un nouveau souffle et des raisons d’espérer à l’approche des électionslégislatives de 1993 que beaucoup voient comme l’antichambre de l’élection présidentielle de1995. Michel ROCARD appelle de ses vœux un «big bang» à gauche et le rassemblementavec les socialistes des centristes, des écologistes et des déçus du P.C. (discours deMontlouis-sur-Loire, février 1993). Dans la foulée des élections législatives perdues par lagauche, il parvient à écarter Laurent FABIUS de la direction du P.S.: le voici présidentprovisoire puis, au congrès ordinaire du Bourget en octobre, premier secrétaire, très largementélu par les délégués. Qui d’autre que lui pourrait espérer représenter honorablement la gaucheà l’élection présidentielle de 1995 ? La position de Michel ROCARD est pourtant bien fragile:en juin 1994, après la débâcle du P.S. aux élections européennes, il met en jeu son postedevant le bureau national et ne se considère plus comme le «candidat naturel». Soutenu parles fabiusiens et l’aile gauche du parti, Henri EMMANUELLI le remplace. Désormais, c’estvers Jacques DELORS que se trouvent les espoirs des socialistes. ROCARD, une fois de plus,s’efface et ne reviendra pas sur sa décision après le renoncement de ce dernier, reportant sesambitions pour 1995 sur un siège au Sénat. Michel ROCARD se veut un homme de réflexionà l’image de son maître, Pierre MENDES FRANCE. Il a développé ses idées dans plusieursouvrages: Les Partis politiques français (sous le pseudonyme de Jacques MALTERRE), LeP.S.U. et l’avenir socialiste de la France (1969), Des militants du P.S.U. présentés par MichelROCARD (1971), Questions à l’État socialiste (1972), Un député pour quoi faire ? (1973), LeMarché commun contre l’Europe (1973), L’Inflation au cœur (1975), Parler vrai (1979), LeCœur à l‘ouvrage (1987) auxquels s’ajoutent deux recueils de textes politiques, À l‘épreuvedes faits (1986) et Un pays comme le nôtre (1989).710


ROMAINS Jules, né à Saint-Julien-en-Chapteuil (Haute-Loire), le 26 août 1885. Filsd’instituteurs, il ut élevé dans le respect de l’idéal laïque et rationaliste de la IIIe République.Après des études secondaires au lycée Condorcet, il fut reçu à l’École normale supérieure en1906, et obtint l’agrégation de philosophie en 1909. Ayant commencé sa carrièred’enseignant, il fut mobilisé en 1914 dans le service auxiliaire. Après avoir publié sespremiers poèmes dès l’âge de dix-huit ans (L’Ame des hommes, 1904), il devait, à l’issue de laPremière Guerre mondiale, renoncer à sa carrière dans l’enseignement pour se consacrerexclusivement à la littérature. Son œuvre allait être marquée par une idée maîtresse, conçuelors de ses années de jeunesse : celle de l’unanimisme, expression de l’âme collective d’ungroupe social. Cette théorie nourrit son recueil de poèmes, La Vie unanime (1908), et sesromans : Mort de quelqu’un (1911) et Les Copains (1913). Elle trouvera son expressionaccomplie dans la somme que constituent Les Hommes de bonne volonté, vingt-sept volumespubliés entre 1932 et 1946, vaste fresque dans laquelle, à travers le récit de destins croisés,Jules ROMAINS brosse un tableau de l’évolution de la société moderne entre 1908 et 1933.Mais ce fut d’abord au théâtre que Jules ROMAINS acquit sa notoriété, dès après la GrandeGuerre, notamment avec Knock ou le Triomphe de la médecine, créé par Louis JOUVET en1923. Devaient suivre Amédée ou les Messieurs en rang (1923), Le Mariage de monsieur LeTrouhadec (1926), Le Déjeuner marocain (1926), Démétrios (1926), Jean le MAUFRANC(1926), Le Dictateur, (1926), Boën ou la Possession des biens (1930), etc. À la fin des années1920, Jules ROMAINS était avec PIRANDELLO et George Bernard SHAW l’un des troisdramaturges de son temps les plus joués dans le monde. Engagé dans la vie politique, JulesRomains fut proche dans l’entre-deux-guerres du parti radical-socialiste, et se lia avec sonchef, Édouard DALADIER. Ayant soutenu le Front populaire, il milita par pacifisme pourl’amitié franco-allemande, et ce, malgré son antifascisme, après l’accession d’Hitler aupouvoir. Président du Pen club international de 1936 à 1941, Jules ROMAINS devait s’exilerpendant la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis et au Mexique. En 1945, poussé par legénéral DE GAUL<strong>LE</strong>, soucieux de rénover l’Académie française, et encouragé par son amiGeorges DUHAMEL, à l’époque secrétaire perpétuel, Jules ROMAINS, qui s’apprêtait àquitter une nouvelle fois la France pour le Mexique, rédigea pour poser sa candidature unelettre dans laquelle la mention du fauteuil restait en blanc. Il fut élu en son absence le 4 avril1946, par 13 voix au premier tour, à la place laissée vacante par la destitution d’AbelBONNARD, découlant de sa condamnation en 1945 pour collaboration avec l’ennemi. C’estGeorges DUHAMEL qui le reçut, le 7 novembre 1946. Il ne rendit pas hommage à sonprédécesseur. Son orientation politique le portait désormais vers un certain conservatisme,qui s’exprima dans les chroniques hebdomadaires qu’il donna à L’Aurore de 1953 à 1971 ;partisan de l’Algérie française, il mena le cartel des non contre DE GAUL<strong>LE</strong> au référendumde 1962. Il est mort le 14 août 1972.ROSANVALLON, Pierre, né en 1948 à Blois, il est maître de conférence à l’EHESS et àl’ENA. Il est également secrétaire général de la fondation Saint-Simon. Historien etintellectuel français, ses travaux portent principalement sur la démocratie et sur le rôle del'État dans les sociétés contemporaines. Il a été l'un des principaux théoriciens de l'autogestionet il est depuis longtemps associé à la CFDT. Il occupe la chaire d'histoire moderne etcontemporaine du politique au Collège de France tout en demeurant directeur d'études àl'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), où il dirige le Centre de recherchespolitiques Raymond ARON. En 1982, il crée la Fondation Saint-Simon avec FrançoisFURET, dont l'auto-dissolution eut lieu le 31 décembre 1999.711


ROOSEVELT Franklin Delano (1882-1945), Sénateur démocrate de l'Etat de New-York en1910, il est élu président des Etats-Unis à partir de 1932. Pour faire face à la dépressionéconomique des années 30, il lance la politique du New-Deal. Il est réélu en 1936, puis 1940 et1944. Il engage son pays dans la Seconde Guerre mondiale après l'attaque de Pearl Harbor. Ildirige tout l'effort de guerre des Etats-Unis contre le Japon et l'Allemagne. Il rencontre àplusieurs reprises les dirigeants alliés : CHURCHILL (avec qui il signe la charte del'Atlantique en 1941), et STALINE (lors des conférences de Téhéran, 1943 et de Yalta, 1945).Pendant la guerre, il décide la fabrication de la bombe atomique et en même temps, il estl'initiateur de l'Organisation des Nations Unies (ONU) destinée à arbitrer les conflits après laguerre. Il meurt à la veille de la victoire des Alliés, le 12 avril 1945.ROOSEVELT Théodore, (1858-1919) est le vingt-sixième président des États-Unisd'Amérique. Il succède à William MCKIN<strong>LE</strong>Y, assassiné, et termine son mandat entre 1901et 1905 puis il est élu pour un second mandat jusqu'en 1909. ROOSEVELT devient présidentalors qu’il n’a que 43 ans. Grand amateur d’exercice il incarne une présidence qui ne se limitepas à la politique. Il est très populaire, ce qui lui donne beaucoup d’influence.ROUSSEAU Jean-Jacques (1712-1778), en plein siècle des Lumières, Jean-JacquesROUSSEAU élève une véhémente protestation contre le progrès des sciences etl’accumulation des richesses, contre une société oppressive et des institutions arbitraires. Ilstigmatise la dénaturation croissante de l’homme et prévient ses contemporains que, faute deretourner à la simplicité naturelle, ils courront inévitablement à leur ruine. Il propose tour àtour de réformer l’éducation, les mœurs, les institutions politiques et sociales, le droit etmême la religion. Si l’homme occupe aujourd’hui une place centrale dans notre conception dumonde, c’est en grande partie à ROUSSEAU qu’on le doit. Ainsi que l’a dit KANT:«ROUSSEAU est le NEWTON du monde moral.» ROUSSEAU a répété plusieurs fois que savocation littéraire était née sur la route de Vincennes, où, dans une sorte d’illumination, ilavait découvert la voie à suivre pour réformer une société injuste et oppressive. Jusqu’alors ilavait songé à faire une carrière de musicien, jouant du violon, de l’orgue et du clavecin,dirigeant de petits concerts et donnant des leçons de musique. À trente ans il imagina unnouveau système de notation musicale qu’il présenta à l’Académie des sciences de Paris avantde le publier (Dissertation sur la musique moderne), puis il se mit à composer un opéra, LesMuses galantes, qui ne remporta pas le succès attendu, et il écrivit plusieurs pièces decirconstances. En octobre 1749 – ROUSSEAU prit la route de Vincennes pour rendre visite àDIDEROT qui était incarcéré au Donjon, pour avoir écrit la Lettre sur les aveugles. En sixmois, Rousseau était devenu célèbre. Lui qui, depuis vingt ans, cherchait à acquérir quelquenotoriété comme musicien se trouvait d’un jour à l’autre le point de mire de tous les cercles deParis. D’ailleurs cette célébrité allait s’enrichir l’année suivante d’une renommée musicale:Rousseau faisait représenter à Fontainebleau devant le roi et la reine de France son opéraballetLe Devin du village et y remportait un succès éclatant. Il avait quarante ans. Uneextraordinaire carrière littéraire s’ouvrait devant lui. Carrière fulgurante puisque, à l’exceptionde ses œuvres autobiographiques (Confessions, Dialogues, Rêveries du promeneur solitaire )qui sont toutes posthumes, tous ses grands livres ont paru en l’espace de seize années: leDiscours sur l’origine et l’inégalité (1755), la Lettre à d’Alembert sur les spectacles (1758),La Nouvelle Héloïse (1761), Émile (1762), Du contrat social (1762), la Lettre à Christophe deBeaumont (1763), les Lettres écrites de la montagne (1764), auxquels il faut ajouterl’achèvement du Dictionnaire de musique (1767). Entre-temps, ROUSSEAU s’est réfugié enSuisse, il a été lapidé à Môtiers, expulsé de l’île de Saint-Pierre puis est parti pourl’Angleterre. Désormais, ROUSSEAU est un proscrit, un être traqué, soupçonneux, malade,en proie à la folie de la persécution, qui s’engage même à plusieurs reprises à ne plus rien712


publier de son vivant.RUEFF, Jacques (1896-1978) est un haut fonctionnaire et économiste français. Après avoirfini ses études à l'École polytechnique (Promotion X1919S), il est chargé de mission auprèsde Raymond POINCARE, président du Conseil et ministre des Finances en 1926. Il estnommé en particulier sous-gouverneur de la Banque de France en 1939, après avoir étéattaché financier à l'ambassade de France à Londres, puis directeur du Mouvement généraldes fonds. Il préside à partir de 1945 la conférence des réparations à Paris. Il est, par ailleurs,l'un des fondateurs de la Société du Mont Pèlerin en 1947. Dans les années 1950, il occupeplusieurs postes dans les instances européennes, à la Cour de justice de la Communautéeuropéenne du charbon et de l'acier et à la Cour de Justice des Communautés européennes. Ilpréside le Comité d'experts chargé d'étudier comment assainir les finances publiques en 1958pour lancer la Cinquième République sur de bonnes bases. Cela conduit au « plan Rueff »,mis en œuvre par le ministre des Finances Antoine PINAY, DE GAUL<strong>LE</strong> étant Président duConseil. Le franc va redevenir convertible, le contrôle des changes s'assouplir. Préfigurant leMarché commun, alors en formation, RUEFF recommande l'ouverture à la concurrence dansun second rapport qu'il rédige en collaboration avec Louis ARMAND, à la tête d'un Comitéd'experts ad hoc. À sa publication en 1960, les journalistes dénomment « plan Rueff-Armand » ce document intitulé Rapport du Comité pour la suppression des obstacles àl'expansion économique. Jacques RUEFF est élu membre de l'Académie des sciences moraleset politiques en 1944 et de l'Académie française en 1964. Jacques RUEFF s'est toujoursopposé aux idées de lord KEYNES, d'abord, dans The Economic Journal, sur le problème destransferts - en relation avec les réparations allemandes - à la fin de la décennie 1930, etensuite, en 1947, telles qu'elles étaient développées dans la Théorie générale de l'emploi, del'intérêt et de la monnaie. S'ensuivra une passe d'arme avec James TOBIN en 1948 dans TheQuarterly Journal of Economics. Près de trente ans plus tard, il enfoncera le clou une bonnefois pour toutes dans "La fin de l'ère keynésienne" qu'il publie dans le quotidien Le Monde.SAINT-SIMON ; Né à Paris, en 1760, décédé en 1825, Claude Henri de ROUVROY, comtede SAINT-SIMON, lointain cousin du mémorialiste Louis de ROUVROY, duc de SAINT-SIMON, apparaît à la fois comme le dernier encyclopédiste du XVIIIe siècle et comme lepremier socialiste français de l’ère industrielle. «Industriel», ce grand seigneur l’est lui-même,du moins au sens saint-simonien du mot: c’est-à-dire toujours lancé dans la vie active. Il«entreprend». Il se ruine, s’enrichit, se ruine de nouveau, et vit enfin du mécénat de l’amitié.Ce grand seigneur d’entreprise est aussi un grand seigneur libéral. Il fait la guerred’indépendance américaine. Son libéralisme proclamé le place du côté des patriotes pendantla Révolution française. Il reste libéral sous l’Empire et la Restauration, mais d’un libéralismequi, finalement, le porte à rompre avec les libéraux. Car son libéralisme est social, et l’onretrouve ici ses choix fondamentaux. Chez lui, le progressisme intellectuel conduit auprogressisme politique et social. Peut-être a-t-il été tout jeune l’élève personnel du plus granddes encyclopédistes: D’A<strong>LE</strong>MBERT. Sûrement, l’Encyclopédie le façonne, et le discipleaspire à en être le continuateur. De même que le grand monument inachevé avait donné unpoint d’appui central à la génération des Lumières, de même SAINT-SIMON vise toutd’abord à constituer une synthèse scientifique et philosophique qui puisse jouer un rôleanalogue pour le nouveau siècle. Analogue, mais répondant à des problèmes qui ont changé. Iln’a plus, comme l’autre Encyclopédie, à ruiner la Genèse, mais à transformer la sociétéfondée sur l’exploitation. Son encyclopédisme sera celui de la «science de l’homme».Encyclopédiste, politiste, économiste, humaniste, prophète, et Messie de l’ère industrielle quis’annonce! SAINT-SIMON, apparaît à la jonction des deux siècles. C’est un «hommefrontière».Il se dit le témoin d’une «époque de transition». En transition, en évolution lui-713


même. En évolution son libéralisme. De transition son «socialisme» – le mot n’est pas encorené. S’agit-il d’un libéralisme social ? D’un présocialisme ? On peut hésiter. Mais la Doctrinede SAINT-SIMON, prêchée par les saint-simoniens immédiatement après la mort du maître,fait corps avec son œuvre et s’épanouit en socialisme.SAMUELSON Paul Anthony (1915- ) est un économiste américain qui a obtenu le prixNobel en sciences économiques en 1970. Après des études à l'Université de Chicago, PaulSAMUELSON rejoint l'Université d'Harvard, où il soutient un doctorat en philosophie en1941. Ses premiers travaux lui valent une rapide reconnaissance de ses pairs : il reçoit en 1941le prix David A. WELLS attribué par l'Université Harvard en 1941, et, en 1947, la médailleJohn Bates CLARK attribuée par l’American Economic Association à l'économiste de moinsde quarante ans censé avoir le plus contribué aux progrès de la pensée économique. Il est éluprésident de l’International Economic Association en 1965. Après la guerre, PaulSAMUELSON s'impose comme l'un des économistes les plus influents auprès dugouvernement américain ; il est particulièrement proche de John Fitzgerald KENNEDY, quien fait son conseiller économique à la Maison Blanche. Paul SAMUELSON est l'un deséconomistes les plus prolifiques, avec plusieurs centaines d'articles et deux ouvrages à sonactif. Il publie Foundations of economic analysis en 1947, dans lequel il dénonce lesincohérences et les approximations du discours économique classique et prône l'utilisation desmathématiques pour mieux comprendre les phénomènes économiques. Il y explique commenton peut déduire des « lois » à partir des comportements individuels, et ceci dans uneperspective d'équilibre général, et y formule mathématiquement la théorie du « tâtonnementwalrassien ». Son second ouvrage intitulé Economics : an introductory analysis, qu'il publieen 1948, demeure le livre d'économie le plus vendu à ce jour. Il a servi de manuel deréférence à des générations d'étudiants. Se décrivant lui-même comme « le dernier généralistede l'économie », Paul Anthony SAMUELSON touche à de très nombreux domaines del'économie. Il est notamment réputé pour ses travaux sur l'inflation, qu'il considère commel'un des plus grands dangers pour les sociétés occidentales, mais il craint tout autant lapsychose de la déflation, qui risque d'être tout aussi néfaste. Cherchant des fondements microéconomiquesà la macroéconomie, il est considéré comme l'un des initiateurs de la « synthèsenéo-classique ». Il a ainsi donné son nom à un modèle qui reprend le multiplicateur keynésienet le principe de l'accélérateur (« oscillateur de SAMUELSON »). L'interaction de cemultiplicateur et de l'accélérateur peut engendrer des cycles (dénommés « oscillations »), dontl'origine est endogène, du fait de problèmes de comportement et de coordination. PaulAnthony SAMUELSON est également connu pour ses apports aux théories du commerceinternational, avec sa participation à l'élaboration du fameux théorème HECKSHER-OHLIN-SAMUELSON (« théorème HOS »). Ce théorème indique que les échanges entre pays sontdus à des différences dans leurs dotations en facteurs de production, plutôt qu'à leurscaractéristiques propres, comme le suggère David RICARDO. Il est enfin à l'origine, avecMaurice ALLAIS, des modèles à générations imbriquées qui ont trouvé de nombreusesapplications en macroéconomie et en théorie monétaire. Dans le domaine du commerceinternational, il a remis en question la théorie des avantages comparatifs appliquée auxrelations entre la Chine et les Etats-Unis. Cette analyse totalement novatrice déstabilise lacroyance dans les bienfaits automatiques du commerce international en posant l'hypothèseque les Etats-Unis pourraient ne tirer aucun développement, même à long terme, ducommerce avec la Chine. Celle-ci étant un monde à elle toute seule, la spécialisation nefonctionnerait pas.714


SAUVY Alfred, économiste et démographe de renom international est né le 31 octobre 1898 àVilleneuve-de-la-Raho (Pyrénées-Orientales). Polytechnicien (1920), entré à la Statistiquegénérale de la France (1922), directeur de l’Institut de conjoncture (1937-1945), il a fondé etdirigé l’Institut national d’études démographiques (1945-1962) et la revue Population (1946-1975). Professeur à l’Institut d’études politiques de Paris (1945-1959) puis au Collège deFrance (1959-1969), membre du Haut Comité de la population dès 1939, du Conseiléconomique et social (1947-1974), il fut aussi délégué de la France aux Nations unies(Commission de la statistique puis de la population, 1945-1981). Grand officier de la Légiond’honneur, appartenant à plusieurs académies étrangères, docteur honoris causa denombreuses universités étrangères, il comptait au nombre de ses prix scientifiques le grandprix de l’Académie des sciences morales et politiques (1984) et le prix des Nations unies pourla population (1990). Il a publié quelque quarante-cinq ouvrages, souvent mis à jour ettraduits en diverses langues, ainsi que des centaines d’articles et chroniques dans des revuesscientifiques et dans la grande presse. Statisticien, Alfred SAUVY a toujours eu la volontéd’améliorer les méthodes de collecte et d’analyse (La Conjoncture et la prévisionéconomique, 1938 et 1943). Un des premiers dans le monde, il a établi avec rigueur des«projections de population» (1937), qui deviendront de pratique courante. Un thème centralde tous ses ouvrages, véritable leitmotiv, est la nécessité d’observer sans relâche, au jour lejour, les données de toutes sortes sur la production, l’emploi, les prix, etc., afin de mettre aupoint des indices significatifs et de déterminer des tendances. L’observation, exempte de toutethéorie préalable et de tout jugement moral, est destinée non à dicter des choix, quiappartiennent aux représentants politiques, mais à «éclairer l’action». La science doit être auservice des hommes, pour améliorer leur condition. L’économie, c’est avant tout des hommes.Leur nombre, leur répartition sur le sol, leur distribution par âge, leurs besoins, leursaspirations commandent toute l’activité (Richesse et population, 1943, Théorie générale de lapopulation, t. I Économie et population, 1952, et t. II, Biologie sociale, 1954). En matière depeuplement, l’idéal est celui d’un «optimum», c’est-à-dire du nombre d’hommes le plusfavorable pour assurer à tous et à chacun le maximum de bien-être, le niveau de vie le plusélevé. Difficile à préciser, l’optimum peut varier en fonction des objectifs – économique,politique, militaire, religieux ou autre –, des circonstances et de l’état des techniques. Leprogrès technique, «processif» ou «récessif» suivant qu’il augmente ou diminue le nombredes emplois, provoque des oscillations et soulève la question du «rythme optimal devariation». Le vieillissement de la population, corollaire de la baisse de la fécondité, a desconséquences financières sur les retraites ou l’investissement, mais aussi psychologiques etsociales, entraînant un repli sur les valeurs du passé, source d’un véritable «malthusianisme»,économique aussi bien que démographique, contre lequel SAUVY a mené sa vie durant uncombat sans relâche. L’optimum varie aussi dans l’espace. Considérer la population mondialecomme un ensemble unique n’a guère de sens. Les problèmes diffèrent suivant le stadeatteint dans la transition démographique. Les solutions ou les issues possibles ne sauraientêtre les mêmes partout: par exemple, soutenir la natalité en Europe et tout spécialement enFrance, la limiter ailleurs, dans les pays attardés, ce «Tiers Monde», expression jaillie un jourde 1952 de la plume de SAUVY dans les colonnes de France-Observateur et reprise danstoutes les langues. L’homme, «cet éternel gêneur», déjoue les prévisions les mieux fondées.Les lois économiques et démographiques s’appliquent, dans l’univers social où toutes sortesde mécanismes déformants dissimulent la réalité, aux dirigeants comme à l’homme de la rue:mécontentement pourtant facteur de progrès, croissance continue des besoins, perméabilité dela propagande, claironnée par les puissants et reprise par les médias, force persistante demythes toujours renaissants, âge d’or, abondance, libération promise dans le futur... Une sorted’«hypocrisie sociale» cache les faits désagréables pour assurer le confort de l’esprit. Bien desdifficultés ou des erreurs tiennent à la méconnaissance des faits, au divorce dommageable715


entre les faits et l’opinion (Le Pouvoir et l’opinion, 1949; L’Opinion publique, 1956, LaNature sociale, 1957). L’observation débouche sur l’information. «L’information est la clefde la démocratie.» On chercherait en vain chez SAUVY un exposé doctrinal ou une théoriephilosophique ou sociologique. Esprit positif et concret, il n’a jamais détourné son regard duprésent qui lui fournissait des exemples pour illustrer son propos. Fort d’une expériencevécue, il est revenu souvent sur l’échec des gouvernements entre les deux guerres, qui, dedroite ou de gauche, par manque d’information, n’ont pas profité à temps des opportunités quis’offraient pour préparer le pays à affronter dans les meilleures conditions la lutte quis’annonçait (Histoire économique de la France entre les deux guerres, 4 vol., 1965-1975). Lechemin tracé se situe dans un juste milieu entre les idéologies contraires, entre le libéralismeet le dirigisme. Trop complexe, la société moderne ne peut se passer d’une organisationcentrale, mais l’idéal de justice et de liberté ne doit pas faire oublier les contraintes et larigueur financière. SAUVY s’est toujours attaché à définir un programme pragmatiqued’action, soutenu par des mesures ponctuelles, ce qu’il appelle un «socialisme libéral» (LePlan SAUVY, 1960; Le Socialisme en liberté, 1970). Dans la plus totale indépendance, grâce àune activité intense et à une œuvre écrite considérable, poursuivies jusqu’aux derniersmoments de sa longue existence, Alfred SAUVY a exercé une influence certaine sur lesinstitutions et sur l’esprit public. Il a contribué à la création des allocations familiales et œuvrépour le redressement démographique (Des Francais pour la France, 1946, avec RobertDEBRE). Il a mis en garde de manière prémonitoire contre les risques qu’encourait le payss’il ne réussissait pas à accueillir les jeunes plus nombreux nés après la guerre (La Montée desjeunes, 1959; La Révolte des jeunes, 1970). Il n’a cessé de proclamer que l’idéal est àpoursuivre «en avant et non en arrière».SCEL<strong>LE</strong> Georges (1878-1961). Né à Avranches (Manche, France) en 1878 GeorgesSCEL<strong>LE</strong> a fait ses études supérieures à la Faculté de droit de Paris et à l"Ecole libre dessciences politiques". Après l'agrégation en 1912 il enseigne le droit international et le droitdes relations industrielles à la Faculté de droit de Dijon, poste qu'il retrouve après la guerre.En 1933 Georges SCEL<strong>LE</strong> est nommé à Paris où il enseigne le droit international à la Facultéde droit, jusqu'à sa retraite en 1948. Il a représenté la France dans les organismesinternationaux et a participé à des cabinets ministériels.Son oeuvre comprend essentiellement :- Précis de droit des gens, 2 vol. Paris 1932 et 1934- Règles générales du droit de la Paix, R.C.A.D.I. 1933, IV, pp.331-697- Manuel de droit international public, Paris 1948La théorie de Léon DUGUIT a été reprise et développée par Georges SCEL<strong>LE</strong> en droitinternational. Georges SCEL<strong>LE</strong>, comme Léon DUGUIT, un disciple d'Emile DURKHEIM,fonde le droit sur la solidarité, la solidarité par similitude et la solidarité par division dutravail, qui entraîne les échanges sociaux. Selon nos auteurs le droit naît des nécessitésbiologiques, il est secrété par le groupe social parce qu'il est nécessaire à la survie du groupesocial. Il est donc "naturel" dans le sens d'objectif, car il s'agit d'un impératif social traduisantune nécessité vitale. Ce droit objectif s'oppose au droit positif qui est l'ensemble des règlessociales en vigueur dans un groupe social déterminé, à une époque déterminée. Le droitpositif n'est que la traduction du droit objectif, une traduction plus ou moins fidèle,mais unetraduction qui se doit d'être la plus fidèle possible car le respect du droit objectif est lacondition fondamentale de la survie du groupe. Le fondement biologique du droit estapplicable au droit international comme au droit interne. De même que l'Etat n'est qu'ungroupement social de superposition la société internationale est la composante de groupesplus restreints. Les groupes sociaux sont composés d'individus ayant des rapports de olidarité.Il n'existe pas de différences fondamentales entre les groupes sociaux composés d'individus716


ayant la même nationalité et les groupes sociaux internationaux comprenant des individus denationalité différente. La société universelle, la communauté humaine globale, secrèteégalement son droit objectif qui est le droit des "gens", c'est-à-dire le droit des individus, ledroit des membres du groupe social mondial. De même que le droit objectif de la sociétéétatique qui inclut des groupes sociaux plus restreints est supérieur au droit objectif de cesgroupes restreints, de même le droit objectif de la société universelle, le droit des "gens" estsupérieur au droit objectif des Etats, des groupes sociaux territoriaux. C'est la loi de lahiérarchie des normes. La norme étatique est subordonnée à la norme internationale. Le droitinternational est un ordre juridique de superposition. Certes la société universelle ne comportepas encore d'organes pouvant constater l'existence du droit objectif et le transformer ainsi endroit positif dont il faudrait assurer l'exécution. En attendant la formation d'un groupe socialuniversel aussi élaboré que le groupe social étatique ce sont les Etats qui, en vertu de la loi dudédoublement fonctionnel, agissent à la fois pour leur compte et au nom de la sociétéuniverselle en participant à la formation du droit international, droit positif, et en assurent sonexécution.SCHULTZ, Theodore William (1902-1998) est un économiste américain spécialisé enéconomie du développement. Une grande partie de sa carrière universitaire se déroulera àl'université de Chicago. En 1960, SCHULTZ devient président de l'American EconomicAssociation et obtient en 1972 la médaille WALKER, le titre le plus élevé délivré parl'association. Il partage le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoired'Alfred NOBEL 1979 avec Arthur <strong>LE</strong>WIS. Mais contrairement à ce dernier, SCHULTZcritique le primat de l'industrie dans les processus de développement envisagés. Il réfute,l'idée dominante à l'époque, d'une productivité marginale nulle dans l'agriculture dansl'ouvrage The economic organization of agriculture (1953). Un autre apport de SCHULTZ estl'élaboration de la notion de capital humain qui deviendra célèbre grâce aux travaux de GaryBECKER.SCHUMPETER Joseph Alois (1883-1950) économiste autrichien (bien que ne faisant paspartie de l'école autrichienne) des plus connus du XX e siècle. Il se retrouve orphelin à 4 ans. Ilentre en 1901 à la Faculté de droit de Vienne et s’intéresse successivement à la sociologiepuis à l’économie en suivant notamment les cours des théoriciens de l'école autrichienneFriedrich VON WIESER et Eugen VON BÖHM-BAWERK. Docteur en 1906, il voyage, semarie en 1908 en Angleterre. Avocat au Caire, il publie son premier ouvrage devenu très viteun classique de la statistique économique, Nature et contenu principal de la théorieéconomique qui lui fit obtenir à 26 ans une chaire de professeur d’université en économiepolitique à l'université de Czernowitz puis en 1911 à l'université de Graz (en autriche). Avecles sociologues Werner SOMBART et Max WEBER, il dirige les Archives pour les sciencessociales et entre 1911 et 1919, il enseigne à Graz. L’année suivante paraît sa Théorie del’évolution économique, ouvrage qui s’affranchit du cadre néo-classique et témoigne de sonintérêt pour la dynamique et les lois du changement économique. SCHUMPETER metparticulièrement en exergue l'importance de l'entrepreneur et du processus de destructioncréatrice apportée par l'offre de nouveaux produits sur le marché. Après la guerre, il estbrièvement ministre des Finances (1919-1920) d’un gouvernement socialiste alors quel’Empire austro-hongrois s’effondre, puis il dirige pendant quatre ans une banque privée,Biederman Bank, qui fait faillite (1920-1924). Il reprend sa carrière universitaire à l'universitéde Bonn puis à Harvard suite à la montée du nazisme en Europe centrale puis s’installedéfinitivement aux États-Unis en 1932. De 1937 à 1941, sa réputation internationale lui vautde présider la Société d’économétrie dont il est l’un des fondateurs. En publiant en 1939 LesCycles des affaires, il revient sur l’analyse de la croissance. En 1942, Capitalisme, socialisme717


et démocratie lui vaut une réputation d’économiste « hérétique ». En 1950, alors qu’il devientprésident de l’Association internationale d’économie, il s’éteint à 67 ans. Son épouse édite en1954 la monumentale Histoire de l'analyse économique à laquelle il a consacré ses dernièresannées. L'entrepreneur dans l'entreprise schumpéterienne n'est pas comme chez RICARDO ouMARX celui qui achète la force de travail. Il n'est pas un employeur, et même s'il peut êtreamené à employer des salariés, ce n'est pas sa définition première. L'entrepreneur n'est pasnon plus celui qui assure la gestion de l'entreprise ou qui combine des facteurs de productioncomme le définit Jean-Baptiste SAY. L'entrepreneur n'est pas non plus celui qui assure lerisque, l'aléas de l'entreprise comme le propose COTILLON. L'entrepreneur schumpéterienest celui qui met en oeuvre une innovation. Ce n'est ni une invention, ni une découverte : c'estla mise en oeuvre industrielle d'un nouveau bien, d'une nouvelle combinaison productive, d'unnouveau marché, d'une nouvelle source d'énergie... L'innovation au sens de SCHUMPETERest celle qui, mise en oeuvre par l'entrepreneur, apporte une amélioration d'un produit, d'unecomnbinaison productive, mais qui peut aussi être une rupture qui transforme le monde. Il vadévelopper son analyse dans son ouvrage Business Cycles, dans lequel il remarque quel’évolution économique provoquée par l’innovation ne se déroule pas sur un rythme linéaire etrégulier mais en suivant, à l’intérieur d’un cycle, une alternance de phases d’expansion, decrise et de récession ; puis une alternance de cycles. Il annonce même que les phases derécession sont des phases normales de l’économie, tout comme celles de croissance. Ilexplique cette évolution cyclique de l’économie par le fait que les innovations apparaissent demanière discontinue, par «grappes», en remplaçant les éléments vieillis par des neufs. D’autrepart, il reprend et développe l’idée que la croissance contient en elle des germes de récession,et qu’elle ne va donc pas pouvoir durer éternellement. Tout d’abord, parce que cettecroissance n’est jamais généralisée à toute l’économie (elle met en difficulté les entreprisesqui ne s’adaptent pas assez vite) et deuxièmement, parce que le succès des entreprises va leurpermettre de rembourser leurs crédits, cette destruction de monnaie entraînant alors une baissedu pouvoir d’achat et donc de la demande des consommateurs, c’est l’ « auto-déflation ». Ilreprend cette idée de Clément JUGLAR (1819-1905), qui avant lui, avait dit que « la seulecause de la dépression, c’est l’essor », et qu’à l’inverse la croissance trouvait sa source dans larécession. Ainsi il va s’intéresser aux cycles de croissance générés par la puissance duprocessus de destruction créatrice. Il en distingue trois types :- les cycles courts, où cycles KITCHIN, qui durent en moyenne 40 mois et s’expliquent selonlui par des variations de stocks.- les cycles moyens, dits « cycles JUGLAR » qui durent, eux entre 6 et 11 ans.- les cycles longs, où cycles KONDRATIEFF (du nom de l’économiste soviétique, auteur en1926 de Vagues longues de la conjoncture) qui s’étalent sur 40 à 60 ans. Ils seraient le résultatd’innovations majeures : machine à vapeur, automobiles …- L’addition de ces trois types de cycles donnera à l’économie une évolution très irrégulière,chaotique et pour réduire l intensité des ces à-coups de la conjoncture, Schumpeter vaproposer la mise en place de politiques étatiques pour améliorer la prévision de la conjonctureet par là même en diminuer les effets néfastesSÉGUIN Philippe (1943- ); Pour comprendre la personnalité à la fois puissante et complexede Philippe SEGUIN, il faut sans doute se reporter à sa biographie de Napoléon III (Louis-Napoléon le Grand, Grasset, 1990), auquel il voue presque autant d’admiration qu’au généralDE GAUL<strong>LE</strong>. «Il voyait trop loin, trop grand et surtout trop tôt», écrit-il de ce personnage àses yeux incompris de ses contemporains, peut-être comme le président de l’Assembléenationale estime l’être des siens. Il faut aussi évoquer ce 11 novembre 1949 qui devait àjamais marquer la mémoire du maire d’Épinal. Ce jour-là, le petit Philippe SEGUIN, six anset demi, reçoit la médaille militaire de son père, mort pour la France en septembre 1944.718


Toute sa vie, il aura à cœur de se montrer digne de ce père héroïque et inconnu. Du haut du«perchoir», il lui rendra hommage dès son premier discours de président de l’Assembléenationale. Philippe SEGUIN est né le 21 avril 1943 à Tunis. Il y fera ses études primairesavant que l’indépendance du pays ne pousse sa mère, institutrice, à regagner la métropole.Elle s’installe à Draguignan (Var). Lui vit mal ce qu’il considère comme une «dégringoladesociale» – ses grands-parents sont eux aussi rentrés, ruinés. Un besoin de revanche stimulerale jeune homme: après la faculté des lettres d’Aix-en-Provence, il est major de l’Institutd’études politiques d’Aix et intègre l’E.N.A. dont il sort septième (promotion Robespierre,1970). Pendant ce temps, il a travaillé et découvert la politique. Il est journaliste au Provençal,le quotidien dirigé par Gaston DEFFERRE. Il milite à la Jeunesse étudiante catholique, àl’U.N.E.F., pour l’indépendance de l’Algérie, s’inscrit à la S.F.I.O., mais fait campagne pourDE GAUL<strong>LE</strong> en 1965. Philippe SEGUIN, qui a rejoint la Cour des comptes à sa sortie del’E.N.A., se retrouve, trois ans plus tard, appelé à l’Élysée (1973-1974). Alors secrétairegénéral de la présidence de la République, Michel JOBERT raconte qu’il a vu arriver dansson bureau «un homme maigre et sombre. Il m’a raconté que son père avait été tué tout prèsde l’endroit où j’avais été blessé. Alors je l’ai engagé. J’ai estimé que je devais ça à son père».Trois semaines plus tard, Michel JOBERT quitte l’Élysée pour le Quai d’Orsay. Sonsuccesseur, Édouard BALLADUR, lui reprochera de lui avoir laissé en héritage uncollaborateur «impossible». Car Philippe SEGUIN fait déjà montre d’un caractère entier. Leministre de l’Agriculture de l’époque en sait quelque chose: le jeune conseiller commetquelques notes qui ne ménagent pas Jacques CHIRAC. Après la mort de GeorgesPOMPIDOU, Philippe SEGUIN trouve place à la direction de l’Éducation physique et desSports (1974-1975). Il réclame un jour au secrétaire d’État Pierre MAZEAUD la démissiondu directeur des Sports, Jacques PERILLAT. A partir de 1977, son itinéraire se fait pluspolitique. Recruté par sa future épouse, Béatrice TOUBON, il dirige quelques mois le cabinetdu secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement, Christian PONCE<strong>LE</strong>T. Puis il rejointcelui de Raymond BARRE, à l’hôtel Matignon. Pour peu de temps. Les élections législativesde 1978, annoncées comme difficiles pour la majorité, approchent. Lui se présenterait biendans le Var de son enfance. La direction du R.P.R. l’envoie dans une circonscriptionconsidérée comme perdue, à Épinal, dans les Vosges. Il est élu, et sera réélu sans discontinuerdepuis lors, même en 1981, en 1988, où le siège se joue à quelques voix près, et en 1997,année cuisante pour le R.P.R.. En 1983, il conquiert la mairie d’Épinal. Il fera de la citévosgienne un laboratoire et une vitrine de son savoir-faire: semaine «anglaise» pour lesécoliers (cours le matin, activités de plein air l’après-midi), câble dans presque tous leslogements, trophées de la ville de France la plus fleurie, la plus sportive, etc. Mais c’estd’abord le député qui se fait connaître. Dès son élection, il rédige un rapport préconisantl’abolition de la peine de mort. Après 1981, il est avec un petit groupe (Michel NOIR, CharlesMILLON, François D’AUBERT) de tous les combats parlementaires contre les projetssocialistes. Au sein du R.P.R., il fait déjà entendre sa différence en s’inquiétant d’une «dérivedroitière» et en plaidant pour l’existence de courants. Charles PASQUA le traitera de «zozo»et Alain JUPPE se demandera «ce qui le retient encore dans l’opposition». En 1986, le voici àla tête du ministère des Affaires sociales et de l’Emploi. En maugréant, il fait voter lasuppression de l’autorisation administrative de licenciement et le non-remboursement desmédicaments «de confort». Mais il entretient de bonnes relations avec les syndicats et se faitremarquer en conservant à son poste le directeur des relations du travail, Martine AUBRY. Ladéfaite de Jacques CHIRAC à l’élection présidentielle de 1988 ouvre pour Philippe SEGUINle temps des frondes. Battu d’une voix par Bernard PONS pour la présidence du groupeR.P.R. à l’Assemblée nationale, il rejoint le mouvement des rénovateurs au printemps de 1989(avant de quitter prématurément le navire), puis s’allie un an plus tard avec Charles PASQUApour contester la gestion du R.P.R. par Alain JUPPE et l’influence d’Édouard BALLADUR,719


accusé de libéralisme, sur Jacques CHIRAC. L’offensive échoue: la motion soutenue par lesdeux compères n’obtient qu’un tiers des voix aux Assises nationales du Bourget – mais ledéputé des Vosges a pris date. C’est le débat sur la ratification du traité de Maastricht qui vadéfinitivement l’installer dans «la cour des grands». Dans la nuit du 5 au 6 mai 1992, àl’Assemblée nationale, Philippe SEGUIN défend pendant plus de deux heures une motiond’exception d’irrecevabilité qui vise à rejeter la réforme constitutionnelle devant permettre laratification du traité. À la surprise générale, l’opposition se divise. Pendant plusieurssemaines, le député des Vosges va sillonner la France pour expliquer, à grand renfort depédagogie, en quoi ce traité «technocratique» lui semble négatif. Malgré la compagnie defortes personnalités (Charles PASQUA, Philippe DE VILLIERS, Jean-PierreCHEVENEMENT, sans oublier Jean-Marie <strong>LE</strong> PEN et Georges MARCHAIS), il s’imposecomme le chef de file du non. Sa primauté est reconnue par François MITTERRAND luimêmequi en fait son contradicteur lors d’un débat télévisé, le 3 septembre. Le non échoued’un cheveu, à 49 %. Après les élections législatives de mars 1993, il refuse d’entrer dans legouvernement BALLADUR et se fait élire président de l’Assemblée nationale. Là encore, ilimprime sa marque, réhabilite le «vote personnel» des députés, invite des chefs d’Étatétrangers à s’exprimer dans l’hémicycle, encourage les commissions d’enquêtes ou lesmissions d’information, obtient de Jacques CHIRAC l’instauration d’une session unique duParlement. Le maire de Paris trouvera en lui l’un de ses plus précieux alliés et l’un de sesprincipaux inspirateurs pour la campagne présidentielle de 1995. Pourtant, les relations entreles deux hommes n’ont jamais été simples. L’actuel chef de l’État se méfie du caractèreombrageux de son ancien ministre; lequel souffre depuis toujours de ce qu’il estime être unmanque de reconnaissance et d’une préférence régulièrement marquée pour Alain JUPPE.Entre Jacques CHIRAC et Philippe SEGUIN, on l’a vu, la période des malentendus acommencé tôt, dès la présidence de Georges POMPIDOU. Plus tard, les multiples frondes dudéputé des Vosges irritent celui de la Corrèze: «M. SEGUIN est d’abord séguiniste», observet-ildès 1984. Le libéralisme chiraquien des années 1980 mais aussi le double échec à laprésidentielle agacent le maire d’Épinal: «Le R.P.R. a autre chose à faire que de soutenir lescandidatures présidentielles de M. CHIRAC», grogne-t-il en août 1988. Même lorsquel’éloignement du pouvoir et l’antiballadurisme naissant devraient rapprocher les deuxhommes, ils ont du mal à s’entendre. Quand, à l’université d’été du R.P.R. de Strasbourg, enseptembre 1993, Philippe SEGUIN prononce un fougueux plaidoyer en faveur de JacquesCHIRAC, invité à «montrer et ouvrir la route», l’intéressé répond par un hommage à... AlainJUPPE, «le meilleur d’entre nous». Philippe SEGUIN n’aura cessé de retrouver Alain JUPPEsur sa route. «Ce sera lui ou moi», pronostiquait-il dès 1979. Ce fut souvent «lui». CHIRACdonne au premier le secrétariat général du R.P.R. en 1988, puis la présidence du même R.P.R.en 1994, enfin Matignon en 1995. À SEGUIN, il proposera alors la mairie de Paris, un lot deconsolation à l’arrière-goût de cadeau empoisonné. Il semble que la méfiance du président dela République envers Philippe SEGUIN repose avant tout sur le caractère de ce dernier. Car leprésident de l’Assemblée nationale s’est fait connaître dans le monde politique pour sescolères légendaires, par une répugnance à se constituer des réseaux, qui fait de lui un solitaire,et par un pessimisme qui le conduit à porter un regard acerbe sur ses contemporains commesur lui-même. Pour un bon mot (souvent cruel), pour une remarque blessante, PhilippeSEGUIN s’est créé beaucoup d’ennemis tout en laissant s’éloigner des fidèles qui lui étaientdévoués. Travailleur acharné – il rédige lui-même ses discours –, personnage boulimique – ilalterne les orgies de pizzas et les régimes draconiens –, Philippe SEGUIN a conservé del’enfance une certaine timidité. Sa déférence ostentatoire lors de son débat avec FrançoisMITTERRAND ne s’explique pas autrement. Mais elle a sur le moment consterné amis etadversaires. À la veille des élections législatives anticipées du printemps de 1997, après deuxans de septennat chiraquien, plusieurs se posaient la question du destin de Philippe SEGUIN.720


Si l’actuel locataire de l’Élysée devait appeler à Matignon l’homme d’Épinal, ce serait à coupsûr sous la pression d’événements graves. Ce serait avant tout, pour le premier, reconnaîtreson propre échec et cela reviendrait à installer une dyarchie à la tête de l’État, disait-on àl’Élysée. «Je ne me bats pas pour aller à Matignon. La politique, c’est aussi une réflexion àlong terme«, déclarait pour sa part l’intéressé, laissant transparaître de plus vastes ambitions.«Il faut vingt ans et être parvenu à une paix intérieure» pour devenir chef de l’État, affirmait-ilencore. La lourde défaite électorale enregistrée par la majorité et l’installation à Matignon deLionel JOSPIN éclairciront-elles l’horizon élyséen de Philippe SEGUIN ? Elles ont, à tout lemoins, modifié la donne. En se retrouvant dans l’opposition, le député des Vosges a dûabandonner le perchoir du Palais-Bourbon, mais peut s’en consoler: dans l’histoire de laRépublique, seulement cinq présidents de l’Assemblée nationale sont passés du troisième aupremier rang de l’État. En revanche, plus ouverte sur l’avenir a pu lui paraître son élection, le6 juillet 1997, à la présidence du R.P.R., mandat dans lequel il succède à Alain JUPPE.Reconduit en décembre 1998, au terme d’une année qui aura vu la cohésion du R.P.R. mise àl’épreuve (querelles à la mairie de Paris, débat sur l’Europe), il ne peut toutefois empêcherl’U.D.F. de François BAYROU de former sa propre liste aux élections européennes de juin1999 et choisit avec éclat de prendre ses distances: en avril 1999, critiquant le soutien accordépar Jacques CHIRAC à cette liste «fédéraliste», il démissionne de la présidence dumouvement néo-gaulliste.SEILLIERE de Laborde, Ernest-Antoine né le 20 décembre 1937 à Neuilly-sur-Seine est unentrepreneur. Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, licencié en droit et ancienélève de l'École nationale d'administration. Vice-président du CNPF et membre du Conseilexécutif de 1988 à 1997, président de la commission économique du CNPF de 1988 à 1994, ilfut président du Medef (anciennement CNPF) de décembre 1997 au 5 juin 2005. Il est PDGde Wendel Investissement. Il est officier de la Légion d'honneur et officier de l'Ordre nationaldu Mérite. Contrairement aux idées reçues les SEILLIERE n'appartiennent pas à la noblesseet ne sont donc pas barons. Son arrière grand-père Aimé SEILLIERE (1835-1870) se mariaavec Marie DE LABORDE (1844-1867) en 1865. Son grand-père est Ernest SEILLIERE. Ilprend la succession du CNPF de Jean GANDOIS en décembre 1997, après la démission de cedernier du syndicat à l'approche de la mise en place des 35 heures par le gouvernementsocialiste. C'est sous sa direction que le syndicat patronal, qu'il anime avec Denis KESS<strong>LE</strong>R,change de nom. Il se retire après sept années de présence. Laurence PARISOT lui succède le5 juillet 2005. Depuis l'été 2005, Ernest-Antoine SEILLIERE est président de l'UNICE, lafédération des entreprises européennes, basée à Bruxelles.SMITH Adam (1723-1790), «le père de l’économie politique»: qualification bien connue etqui, sous une forme concise, a le mérite de bien exprimer ce que cette discipline lui a dû à sesvéritables débuts, c’est-à-dire dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, mais qualificationinsuffisamment précise, car il ne paraît pas exagéré d’avancer que ses idées et ses propositionsont bouleversé le monde. En effet, dans un livre célèbre, La Richesse des nations , paru en1776 et toujours étudié depuis, il a, en synthétisant le savoir de son temps, exposé les causesde cette richesse ainsi que les mesures les plus propres à favoriser son accroissement, ouencore, en termes actuels, une théorie détaillée de la croissance d’une économie nationale,ouvrant ainsi la voie à une lignée d’économistes et provoquant l’établissement de nouvellesconditions de l’activité économique qui n’ont subi de modifications qu’à une époquerelativement récente. SMITH n’a toute sa vie été qu’un universitaire. Né à Kirkaldy (Écosse),il entra à quatorze ans au collège de Glasgow, à dix-sept ans à Oxford où, pendant six années,il étudia la philosophie et la littérature. Il fut nommé professeur de littérature à Glasgow àvingt-huit ans et occupa à partir de 1753 la chaire de philosophie morale, professant entre721


autres l’économie politique et publiant la Théorie des sentiments moraux. En 1763, tuteur dujeune duc de BUCC<strong>LE</strong>UGH, il passa trois ans en Europe, principalement en France, où ilrencontra les physiocrates. Revenu en Écosse en 1767, il se consacra à la rédaction de LaRichesse des nations, ainsi qu’à ses devoirs officiels et aux rééditions de son œuvre. Il mourutà Édimbourg. L’ouvrage de SMITH est d’abord l’exposé du mécanisme de la croissanced’une nation. En premier lieu, il présente un certain nombre de notions. Ainsi distingue-t-iltrois facteurs de production: le travail , rémunéré par le salaire, dont la division est synonymede spécialisation et de productivité accrue; le capital , qui fournit un profit et provient del’épargne et donc du revenu des particuliers; la terre, dont le propriétaire perçoit la rente. Il enrésulte que le montant du produit est fonction de la quantité et de la qualité du travail mis enœuvre par le capital, que le coût de production d’un bien est formé de salaires, de profit et derente (le produit du travail n’appartient donc pas en totalité au travailleur); la richesse sedéfinit comme une puissance d’achat; l’utilité d’un objet est sa valeur d’usage, et son pouvoird’acheter, sa valeur d’échange.SOLOW Robert Merton, né à Brooklyn en 1924, formé à Harvard, assistant au MassachusettsInstitute of Technology, puis professeur à partir de 1957, a obtenu le prix Nobel d’économieen 1987. Sa Théorie de la croissance , publiée en 1970, fait référence, de même que sonouvrage sur Les Origines du chômage aux États-Unis (1964), qui a contribué à des analyseséconomiques internationales. On attribue généralement à Solow la paternité de l’analyse néoclassiquede la croissance économique. Expert en analyse mathématique, il signa dès 1958,avec Paul A. SAMUELSON (prix Nobel 1970) et R. DORFMAN, un ouvrage sur ledéveloppement des modèles linéaires. Mais il doit sa renommée à un article paru deux ansauparavant, «Contribution to the Theory of Economic Growth», où il définissait à la fois lecadre de la théorie macro-économique moderne et les conditions d’une croissance régulière deplein emploi. À ce titre, il expliqua par un modèle mathématique l’influence coordonnée desdivers facteurs de production et démontra qu’un accroissement du stock des capitauxengendrait par la suite une augmentation de la production par tête. Ce modèle connut denombreux prolongements, et son succès incita différents pays occidentaux à engager descrédits de recherche pour la mise en œuvre et l’application du modèle. En 1957, SOLOWpublia un nouvel article fondamental sur la recherche des méthodes de mesure des facteurs dela croissance. Il mit en évidence l’importance d’un facteur, jusque-là «résiduel», pourexpliquer le taux de croissance de la production, quand bien même les quantités de travail etde capital restent constantes. Ce nouveau concept, traditionnellement appelé «progrèstechnique », recouvre en fait une réalité très complexe puisqu’il touche aussi bien àl’amélioration de la qualité de la main-d’œuvre ou du capital qu’à celle de l’organisation desentreprises. Le mérite de SOLOW est précisément d’avoir introduit une variable qualitativedans les processus de production. En dépit de critiques concernant tout à la fois le concept etla méthode de quantification, SOLOW ouvrait la voie à un renouvellement théoriqueconsidérable en matière de fonctions de production, d’incorporation du progrès technologiqueaux biens d’investissement et de substitution des facteurs. À partir de 1959, SOLOW travailleencore avec SAMUELSON à la reformulation du système keynésien, dans une présentationqui soit plus conforme aux traditions néo-classiques. Alors que KEYNES ne s’intéressait quemarginalement aux problèmes de la croissance et se plaçait délibérément au niveau des grandséquilibres globaux, SOLOW propose une analyse à long terme de la croissance et desdéséquilibres. Pur produit de l’enseignement universitaire, cette théorie n’en représente pasmoins l’un des courants les plus importants du néo-classicisme. En effet, elle modifie lathéorie pure de l’équilibre walrassien en intégrant certaines propositions keynésiennes plusréalistes telles que le rôle de la monnaie, la possibilité d’une rigidité des prix ou des salaires etl’existence d’un chômage involontaire. Débouche-t-elle pour autant sur une pratique722


économique plus efficace ? Le doute est permis, mais c’est dans ce cadre que Solow proposede réinterpréter la courbe de PHILLIPS qui devient alors l’ensemble de combinaisons taux dechômage-taux d’inflation entre lesquelles doivent choisir les responsables de la politiqueéconomique. Robert SOLOW considère que la théorie économique doit rendre comptesimultanément des rigidités salariales et du chômage qu’elles peuvent engendrer. Et, si lesprocessus de négociation entre responsables syndicaux et responsables patronaux peuventstabiliser les salaires au détriment de l’emploi, le maintien des salaires peut égalementpréserver la productivité du travail. Vice-président (1963), puis président (1964) de la Sociétéinternationale d’économétrie, vice-président de l’American Economic Association, ce«centriste de gauche», qui ne reniait ni WALRAS ni KEYNES, a par ailleurs exercé desresponsabilités auprès de deux administrations démocrates en étant tour à tour l’un desmembres importants du Conseil économique du président KENNEDY et nommé plus tard parle président JOHNSON pour traiter des problèmes de transferts des ressources et des aspectsdu système d’aide et d’assistance publique. Défenseur de l’intervention stabilisatrice desgouvernements dans l’économie, SOLOW n’hésite pas à critiquer la situation américaine aulendemain du krach financier d’octobre 1987. «Le président REAGAN a commis les erreursles plus graves de politique macro-économique depuis l’époque de HOOVER», déclare-t-il.Selon lui, en diminuant les impôts et en laissant augmenter les taux d’intérêt, REAGAN afavorisé la hausse du dollar, accru le déficit commercial et ralenti les investissements.STEIN Lorenz Von (1815-1890), né dans le Schleswig, de nationalité danoise, Lorenz VONSTEIN a étudié la philosophie et le droit à l’université de Kiel. Venu à Paris en 1841 pourétudier l’histoire du droit, il y rencontra notamment Victor CONSIDERANT, CABET, LouisBLANC, qui devaient déterminer son orientation politique. Il publia alors Le Socialisme et lecommunisme de la France contemporaine (Sozialismus und Kommunismus des heutigenFrankreich , 1842) qui contribua grandement à la connaissance du mouvement social françaisdans les pays germaniques, et ne fut pas sans influer sur l’évolution de MARX et deENGELS. Après s’être longtemps opposé aux autorités danoises et prussiennes, STEIN se vitfinalement confier un poste de professeur à Vienne et le conserva jusqu’en 1885. Lasociologie de STEIN vise à la découverte de la loi qui régit la dynamique sociale. Dans sonanalyse, il envisage trois termes articulés: la société, société de classe dont le mécanisme estune lutte entre le capital et le travail pour le contrôle de l’État; l’État qui vise à sauvegarderl’intérêt général et dont la nature est libérale et égalitaire; et la personnalité qui domine à lafois la société et l’État, et qui constitue le point de départ du développement de la liberté. Larévolution est inévitable, mais elle ne peut que reproduire l’inégalité; seules des réformessociales peuvent donc permettre l’introduction d’une personnalité harmonieuse dansl’histoire, en donnant au travail les biens correspondant en qualité et en quantité à ce qu’ilreprésente. Synthèse de l’idéalisme hégélien et du positivisme saint-simonien, l’analyse deSTEIN est à plusieurs égards annonciatrice de celle de MARX. Mais, après la parution, en1850, de l’Histoire du mouvement social en France de 1789 à nos jours (Geschichte dersozialen Bewegung in Frankreich von 1789 bis auf unsere Tage, STEIN abandonna ce typed’études pour se consacrer à des travaux juridiques (finances publiques et droit international),publiant notamment le Manuel de science financière (Lehrbuch der Finanzwissenschaft,1860) et le Manuel de science administrative (Die Verwaltungslehre, 1865-1868).STIG<strong>LE</strong>R George (1911-1991), né le 17 octobre 1911 à Renton, dans l’État de Washington,docteur de l’université de Chicago en 1938, le professeur George STIG<strong>LE</strong>R a fait toute sacarrière comme enseignant aux universités de l’Iowa (1936-1938), du Minnesota (1938-1946), à Brown University (Rhode Island) en 1946-1947, à Columbia (1947-1958), enfin àChicago (1958-1981). Il n’a pas eu, en Europe, une audience comparable à celle qu’ont pu723


atteindre les analyses de son collègue Milton FRIEDMAN. STIG<strong>LE</strong>R s’est consacré à tousles aspects théoriques de la science économique, mais c’est essentiellement pour sescontributions en matière d’organisation industrielle que le prix Nobel d’économie lui a étéattribué le 20 octobre 1982. Connu pour ses travaux sur les théories de la production, descoûts et des structures industrielles, STIG<strong>LE</strong>R a ouvert de «nouvelles perspectives sur lesmodes de fonctionnement et les structures des marchés». C’est ainsi que, dès le début desannées 1960, il critique les réglementations étatiques et tourne son programme de recherchevers l’application de la science économique aux comportements politiques. Pour cela, iltravaille avec deux autres économistes de renom: Gary BECKER, pour l’application del’économie à la sociologie, et Richard POSNER, pour l’application de l’économie auxproblèmes juridiques. Sur le plan méthodologique, le raisonnement de STIG<strong>LE</strong>R reste dansles limites de l’analyse micro-économique et part de postulats simples. Pour lesconsommateurs, l’économie la plus efficace est celle où règne la libre concurrence. Seulesexceptions, peut-être: le contrôle des loyers, avantageux pour les consommateurs locataires, etl’intervention de l’État pour corriger certains dysfonctionnements du marché (la pollution, parexemple). Pour les entreprises, il estime que certaines politiques monopolistiques entravent laconcurrence et permettent à celles qui devraient normalement être éliminées (du fait de coûtsfixes de production trop élevés) de se maintenir sur le marché. C’est ce qu’il appelle le«principe du survivant». Quant à l’intervention de l’État, elle devient très vite coûteuse à lafois pour le consommateur, qui paiera plus cher les produits concernés, et pour l’industriel,qui utilisera ces produits dans son propre processus de production. La protection de certainesindustries n’aidera souvent qu’à la recherche d’une rente de situation. Mais, et c’est là queSTIG<strong>LE</strong>R dépasse le message habituel de l’école de Chicago, l’obstacle principal à un retourau libéralisme viendrait de la «communauté des affaires» elle-même. Contrairement àcertaines idées reçues, le dirigisme est loin d’annoncer le «crépuscule du capitalisme». Bienau contraire, il débarrasse les hommes d’affaires des contraintes de la concurrence et ne lesincite guère à souhaiter le relâchement des interventions publiques. Les choix publics, commeles décisions politiques, seront alors biaisés en faveur des groupes de pression dominants.STIG<strong>LE</strong>R examine en profondeur l’action de la législation économique sur les marchés etaboutit à l’hypothèse selon laquelle certaines réglementations peuvent être conçues demanière à protéger les entreprises, les organisations et les groupes professionnels (donc lesintérêts des producteurs) plutôt que le public et les consommateurs. Les travaux de GeorgeSTIG<strong>LE</strong>R mettent également en relief le rôle de l’information dans l’évolution du marché.Selon la théorie traditionnelle, le cours des événements du marché doit mener à ce que chaquemarchandise soit vendue partout au même prix. D’après STIG<strong>LE</strong>R, ce phénomène peuts’expliquer si les frais de recherche et de diffusion de l’information sur les marchandises et lesprix sont insérés dans le modèle global, aux côtés des frais habituels de production et detransport. L’ensemble des recherches de STIG<strong>LE</strong>R sur l’organisation industrielle ont étépubliées en 1982 sous le titre The Pleasures and Pains of Modern Capitalism (Institute ofEconomic Affairs, Londres). Auparavant, son manuel sur La Théorie des prix (The Theory ofPrice, 1946) avait été traduit en français en 1972. Élu en 1974 président de l’AmericanEconomic Association, George STIG<strong>LE</strong>R a dirigé aussi, à partir de 1973, le Journald’économie politique.STIGLITZ Joseph E. est un économiste américain né en 1943 qui reçut le Prix de la Banquede Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel en 2001 (avec GeorgeAKERLOF et Michael SPENCE). Il est aujourd’hui l’un des plus célèbres économistes ducourant des « nouveaux keynésiens ». STIGLITZ est né à Gary, Indiana (États-Unis), deCharlotte et Nathaniel STIGLITZ. De 1960 à 1963, il étudia à Amherst College. Sa quatrièmeannée d’université se déroula au MIT, où il entreprit ses travaux de recherche. De 1965 à724


1966, il continua ses recherches à Chicago avec Hirofumi UZAWA. Au cours des années quisuivirent, il obtint son doctorat au MIT et une bourse Fulbright de recherche à Cambridge. Ilenseigna au MIT et à Yale. STIGLITZ enseigne actuellement dans la Graduate School ofBusiness de l’Université de Columbia et est le rédacteur en chef du journal The Economists'Voice aux côtés de Bradford DELONG et Aaron EDLIN. Il est également membre du Boardof Advisors du Oxford Council on Good Governance. Il a par ailleurs été nommé par Jean-Paul II à l’Académie pontificale des sciences sociales. Après deux divorces, STIGLITZ aépousé en troisièmes noces Anya SCHIFFRIN le 29 octobre, 2004. Celle-ci travaille à laSchool of International and Public Affairs de l’Université de Columbia. STIGLITZ aégalement joué de nombreux rôles politiques. Il a ainsi servi dans l’administration CLINTONcomme responsable de ses conseillers économiques (1995 - 1997), suite à quoi il publie LaGrande Désillusion. Il a par la suite été vice-président et économiste en chef de la Banquemondiale de 1997 à 2000. Il n’en critiquera pas moins fortement cette institution par la suite,ainsi que le Fonds Monétaire International. Il se montre également très critique envers leprésident George W. BUSH, le considérant comme une menace pour la bonne tenue del’économie mondiale; pour lui « le président américain serait plus dangereux que les candidatsaux élections brésiliennes de 2002. » Parmi les recherches les plus connues de STIGLITZfigure la théorie du screening, qui vise à obtenir de l’information privée de la part d’un agentéconomique (cette théorie, avec les lemons D’AKERLOFF et l’effet signal de SPENCE, est àla base de l’économie de l'information et du nouveau keynésianisme). Selon une étude qu'il acodirigée avec Linda BILMES (professeur en économie à Harvard), le coût de la guerre enIrak est sous-estimé, elle pourrait coûter entre mille et deux mille milliard de dollars contreune évaluation officielle (institut de recherche du congrès) de 251 milliards depuis 2005 et sixmilliard de dollars par mois depuis. Aux côtés de ces publications académiques, STIGLITZest également l’auteur de Whither Socialism, un ouvrage plus littéraire visant à expliquer lesraisons de l’échec de la mise en œuvre du socialisme en Europe de l’Est, le rôle del’information imparfaite dans les marchés, et à dénoncer les idées fausses quant au libremarché théorique dans lequel opère le système capitaliste dans sa forme libérale. En 2002,STIGLITZ publia La grande désillusion (Globalization and its discontents), où il affirme quele FMI fait passer l’intérêt de son « principal actionnaire », les États-Unis, avant ceux desnations les moins favorisés qu’il a pourtant pour objectif de servir. D'autre part, en prenantcomme exemple la crise asiatique et la transition russe, STIGLITZ soutient que les politiquespréconisées par le FMI ont souvent aggravé les problèmes dont il avait à s'occuper, entraînantdes conséquences sociales dévastatrices et un accroissement de la pauvreté. Dans cet ouvrage,il offre également quelques réflexions quant aux raisons sous-jacentes à l’hostilité desprotestataires de Seattle ou Gênes à l’égard de la mondialisation.STOFFAËS, Christian est Président du Conseil du CEPII depuis juillet 2004.Il est Délégué général de la Direction des Participations Internationales et du Gaz d’Electricitéde France. Sa carrière professionnelle d'ingénieur du Corps des Mines l’a conduit à traiter desquestions d’économie et de politique industrielles, d’économie de l’énergie et de régulation:- au Ministère de l’Industrie, de 1972 à 1988, où il a été successivement en charge du servicedes Mines d’Ile de France, puis des affaires industrielles internationales ; directeur du Centred’Etudes et de Prévision ; directeur adjoint de la Direction des Industries Electroniques et del’Informatique ; chargé de mission auprès du Ministre- à Electricité de France (EDF), depuis 1988, où il a été : Président du Comité de laProspective et Rapporteur général du Comité de Gestion Stratégique ; Directeur del’Inspection Générale; Directeur de la Prospective et des Relations Internationales.Il est en outre Professeur-associé à l’Université de Paris-Dauphine (depuis 1994), Président del’Institut d’Histoire de l’Industrie, Président d’Initiative pour les Services d’Utilité Publique725


en Europe. Christian STOFFAËS est ingénieur de l’Ecole Polytechnique (1968) et de l’Ecoledes Mines de Paris (1970) ; maître-es-sciences et diplômé d’études approfondies demathématiques (1969) ; diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (1970) ; Master inPublic Policy de la Kennedy School of Government de l’Université de Harvard (1972). Il estOfficier de l’Ordre National du Mérite, Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier desPalmes AcadémiquesSTROUMILINE, Stanislav Goustavovitch (1877-1974); Économiste et sociologue né enUkraine STROUMILINE fit des études scientifiques poussées (économie et statistiques) àl’Institut polytechnique de Saint-Pétersbourg. Membre de l’Académie des sciences del’U.R.S.S., il a enseigné à l’université de Moscou, où il eut notamment pour élève<strong>LE</strong>ONTIEV; ses travaux sont largement connus tant en U.R.S.S. que dans les autres pays. Desa participation à la révolution russe et de ses contacts personnels avec <strong>LE</strong>NINE,STROUMILINE a tiré une formation marxiste très classique. De 1917 à 1919, il organise lesservices de statistiques dont il devient le directeur. Il cherche alors à mettre au point «uneunité stable de compte dans l’économie et le budget en prenant pour mesure l’unité detravail». Ses propositions peuvent se résumer ainsi: on peut concevoir une économie nonmonétaire; dans celle-ci pourraient être résolus à la fois le problème macro-économique del’affectation des ressources rares à divers emplois et le problème micro-économique de lacombinaison rationnelle des facteurs productifs dans l’entreprise; dans une telle économie, enmême temps, chaque membre de la société aurait la liberté de choisir les articles deconsommation dans des conditions de limitation des biens matériels. STROUMILINEpropose de prendre, comme unité de valeur, la valeur du produit fabriqué pendant une journéenormale par un ouvrier exécutant sa tâche à 100 % selon les normes prévues (la valeur duproduit est ainsi mesurée par la quantité de travail physique fournie). Pour tenir compte del’utilité sociale des biens, il préconise d’appliquer une seconde unité de mesure, représentantles besoins alimentaires minimaux d’un homme normal dans une journée (soit 2 000 calories).Cependant, avec la Nouvelle Politique économique (1921-1927) consacrant la restaurationprovisoire du marché «capitaliste», ce projet qui s’inscrit dans la période du communisme deguerre (période où apparaît un courant tendant à nier l’emploi de la monnaie) devient vitepérimé. Jusqu’en 1928, STROUMILINE travaille également au Conseil fédéral des Unionsprofessionnelles (organisme syndical suprême) et au Commissariat du peuple. Membre duprésidium, puis vice-président au Gosplan dès sa création en 1921, il assure les fonctions deprésident du groupe des chiffres du premier plan quinquennal. La décision de passer au stadede planification ayant été prise en 1927 (XVe congrès), ce plan, approuvé au début de 1929,s’établit sur la base des études et enquêtes réalisées à partir de 1925. STROUMILINE estainsi l’un des économistes qui ont le plus participé à la planification économique. Tâcheimportante quand l’on sait que lors de la révolution d’Octobre, l’élan révolutionnaire n’a pasété complété par une «théorie de la période de transition». L’idée de planification étaitseulement contenue de façon implicite dans les écrits du marxisme. Pendant la SecondeGuerre mondiale, STROUMILINE consacre ses efforts à la commission chargée de mobiliserles ressources nécessaires à la défense. Tout au long de sa vie, STROUMILINE multiplie sesrecherches dans plusieurs domaines. En tant qu’historien, il tente de reconstituer un indicebudgétaire pour les XVIe et XVIIe siècles en Russie à partir du prix des biens de premièrenécessité. En 1954, il publie également, dans le cadre de ses travaux historiques, L’Histoire dela métallurgie lourde en U.R.S.S. Cet ouvrage, qui lui valut le prix <strong>LE</strong>NINE, retrace ledéveloppement de cette industrie du XVIe siècle au milieu du XIXe siècle. STROUMILINE,dans le cadre de ses recherches démographiques, établit des projections sur l’évolution de lapopulation de 1920 à 1941, cela à partir des données fournies par le recensement de 1920 enR.S.F.S.R., calculs qui se révèlent approximativement exacts. Il consacre les plus importants726


de ses travaux au développement de la théorie socialiste et de la méthodologie de laplanification socialiste. À cette occasion, il est amené, au début des années vingt, à étudier larépartition du temps hors travail pour chaque travailleur, le parti désirant connaître la partmaximale de ce temps que l’on peut demander à chacun de consacrer à sa formation et àl’action politique; STROUMILINE élabore alors la méthode dite des budgets temps. Dans lecadre de ses recherches permanentes sur la base matérielle et technique du communisme,STROUMILINE étudie la formation des prix; il propose d’établir ceux-ci d’une manièrerigoureusement proportionnelle aux coûts (en travail) des biens (c’est-à-dire aux salaires),selon le principe qui veut que la valeur d’un bien soit créée par le travail seul.TAYLOR Frédéric Winslow (1856-1915) est le fondateur du management scientifique dutravail, qui fit passer l'art, le savoir faire d'un petit nombre au savoir refaire du plus grandnombre en formalisant et standardisant les méthodes, les outils, les connaissances. Taylors'appuya sur la démarche scientifique qui observe et quantifie. Il utilisa essentiellement lechronomètre, segmenta les tâches et sépara les fonctions d'exécution et d'organisation, prônala spécialisation. Sa recherche d'amélioration était basée sur une relation gagnant - gagnantentre exécutants et donneurs d'ordre, mais ses principes seront pervertis et son nom seraassocié aux excès de méthodes segmentant à outrance les tâches afin de gagner enproductivité, sans réelle contrepartie pour l'exécutant. Frédéric Winslow TAYLOR, considérécomme l'un des pionniers du management, est né, en 1856, en Pennsylvanie, à Germantown,dans une famille aisée de tradition Quaker. De 1874 à 1878, il apprend les métiers d'ouvriermodeleur et de mécanicien dans une petite usine, tout en préparant les concours d'admission àl'enseignement secondaire. (+1915). En 1878, il entre comme simple manoeuvre, à laCompagnie des Aciéries de MidvaIe. TAYLOR, ouvrier qualifié, se voit confier la conduited'un tour dans un atelier de machines-outils. Ses résultats le font vite remarquer. Sur un toursemblable aux autres, il produit davantage. Au bout de quelques mois, il est nommé chefd'équipe. Sa nouvelle responsabilité le pousse à obtenir une production plus élevée que par lepassé. Lorsqu'il veut persuader ses anciens camarades d'atelier, dont il est devenu le chef, deproduire plus, il butte sur leur opposition acharnée. Certains vont jusqu'à briser leursmachines pour faire croire qu'elles cassaient à cause d'une surcharge excessive due à la foliedu chef d'équipe trop zélé. Après trois ans d'efforts et devant une hostilité qui ne désarme pas,TAYLOR perçoit qu'il faut, non pas essayer de persuader les ouvriers de produire plus, maischanger radicalement le système de management. Il accumule les expériences, avec l'appui duPrésident de la Compagnie des Aciéries, dans deux directions :1. Arriver à déterminer ce que peut constituer une juste journée de travail c'est-à-dire cequi peut être fait pendant des années sans fatigue excessive, et donc selon une allureparfaitement convenable, excluant la hâte, et donc acceptée volontiers.2. Arriver à déterminer plus précisément la forme des outils et les meilleurs anglesd'attaque pour couper l'acier, afin d'effectuer le travail plus rapidement.Pendant des années, TAYLOR fait des milliers d'essais, réduit en copeaux des centaines detonnes de métaux, ce qui l'amènera - bien plus tard, en 1900, avec son ami WHITE - àinventer des tours à coupe rapide qui multiplieront par trois la vitesse de coupe de l'acier. Enmême temps, il fait faire une étude approfondie et scientifique du temps exact nécessaire pourexécuter correctement les différents genres de travaux faits dans son atelier (placer les piècessur les machines, les enlever, etc.). Les outils de son étude sont le chronomètre et un bloc depapiers. Il ne veut pas trouver la confirmation d'une théorie nouvelle et encore non éprouvée;il veut seulement recueillir les résultats d'essais et de calculs conduits de manièresystématique et rigoureuse. TAYLOR se révèle être un homme d'ordre, scandalisé par ledésordre du monde industriel. Il refuse le gaspillage du travail humain. Pour lui, la maladresseet l'inefficacité des actes journaliers, la mauvaise exécution des mouvements spontanés, sont727


source de pertes immenses. Il pense que la prospérité ne peut venir que de la plus grandeproductivité possible des hommes et des machines. Il veut donc contribuer à ce que chacun,s'entraînant et se perfectionnant, puisse accomplir le travail le plus compatible avec sesaptitudes personnelles, à l'allure la plus rapide et avec l'efficacité maximale. TAYLOR ne faitpas confiance au jugement individuel de l'ouvrier (qualifié). Il pense que celui-ci garde pourlui ses connaissances, qu'il ne tient pas à en faire profiter les autres, qu'il veut préserver ses"secrets professionnels", qu'il est fainéant et nécessite une surveillance. Replacé dans lecontexte de la fin du XIXè siècle, il faut se souvenir qu'une grande partie de la populationaméricaine était composée d'immigrants récemment débarqués, ne maîtrisant passuffisamment la langue anglaise et souvent faiblement éduqués. TAYLOR en conclu vite queles ouvriers et contremaîtres n'ont pas la qualification nécessaire pour planifier et organiser letravail de manière rationnelle et efficace. La planification, au sens large, du travail et sonexécution, ne peuvent selon lui être concentrés sur les mêmes individus.Il scinde donc les planificateurs et les exécutants. Ainsi naissent les bureaux des méthodes oùse concentrent les ingénieurs (industrial engineers). Leur tâche est de développer desméthodes scientifiques pour l'accomplissement des tâches, fixer les objectifs de productivité,établir des systèmes de primes de rendement, éduquer le personnel pour l'utilisation de cesméthodes de travail et la réalisation des objectifs.TARDIEU André, lauréat du Concours général, reçu premier à l’Ecole normale supérieure sefait remarquer dès ses débuts. Attiré par la politique, il démissionne de l’Ecole normale pourse tourner vers les Affaires étrangères, au concours desquelles il est encore reçu premier. Sonpremier poste est celui d’attaché d’ambassade à Berlin en 1897. Il devient en 1899 lecollaborateur de DELCASSE, puis celui de WALDECK-ROUSSEAU comme secrétaire de laPrésidence du Conseil. En même temps, Adrien HEBRARD l’attache au Temps où, pendantplus de dix ans, André TARDIEU est chargé de la chronique diplomatique. En 1908 lui estdonnée la chaire de littérature française à l’université de Harvard (Etats-Unis). L’annéesuivante, il est professeur d’histoire diplomatique contemporaine à l’Ecole des Sciencespolitiques et chargé de cours à l’Ecole des langues orientales. Il est professeur à l’Ecole deGuerre en 1911. Elu député républicain de gauche de Seine-et-Oise en 1914, AndréTARDIEU part pour la guerre quatre mois plus tard. Il est alors capitaine de chasseurs à pied.Rappelé en 1917 par le gouvernement, il se voit confier la mission de haut-commissaire auxEtats-Unis, dont il revient en 1918, sur l’instigation de Clemenceau, pour prendre la directiondu Commissariat général aux Affaires franco-américaines. Il participe aussi à la conclusion duTraité de Versailles. La carrière politique d’André TARDIEU est alors tracée : député deBelfort, onze fois ministre et trois fois Président du Conseil. Il se retire en 1935 à la suited’attaques que sa politique rencontre, avec l’idée qu’un poste politique ne vaut sans doute pasla liberté d’action et d’expression dont il va se servir, tout au long d’ouvrages et d’articles depresse nombreux et réguliers, d’une forme souvent violente et polémique, notamment dans lejournal Gringoire. Foudroyé par une attaque qui le laisse définitivement amoindri, après 1939,André TARDIEU reste loin de toute politique et de toute nouvelle action personnelle. Ils’éteint dans la nuit du 15 au 16 septembre 1945.THATCHER, Margaret (née Margaret Hilda ROBERTS le 13 octobre 1925 à Grantham),baronne THATCHER, LG, OM, PC, FRS, est une femme politique britannique. Leader duParti conservateur de 1975 à 1990. Elle est 4 e femme premier ministre dans le monde, lapremière en Europe, elle est aussi à ce jour, la seule femme à avoir dirigé un parti politiquebritannique et également la seule Premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990 et c'estelle qui détient le record du plus long mandat de premier ministre au Royaume-Uni auXX e siècle. Assurément l'un des politiciens britanniques les plus significatifs dans l'histoire728


politique récente, et l'une des plus admirées comme l'une des plus détestées. Face auxgrévistes de la faim irlandais en 1981, aux mineurs en grève pendant un an en 1984 et 1985,elle se montre inflexible. D’où son surnom de « Dame de fer » ou de « tigresse entourée dehamsters ». Viscéralement attachée à la souveraineté britannique, comme elle l’a prouvé lorsde la crise des Malouines en 1982, elle n’a cessé de guerroyer avec Bruxelles quand elle étaitau pouvoir, répétant aussi bien à ses pairs qu’elle a toujours eu du mal à considérer commedes partenaires, qu’au président de la Commission européenne « I want my money back ! ».(« Je veux récupérer mon argent ».).TINBERGEN, Jan (1903-1994), Premier prix Nobel d'économie en 1969, "pour avoirélaboré et appliqué des modèles dynamiques à l’analyse des processus économiques."Spécialiste de l'économie du développement, il a avec Ragnar FRISH (1875-1973), créél'économétrie. À partir de 1945, Jan TINBERGEN concentre ses travaux sur la politiqueéconomique. Contre la coexistence de politiques juxtaposées visant chacune un objectif, ilprône une politique unique poursuivant une gamme d'objectifs, il montre que pour êtreefficace, une telle politique doit se donner autant de moyens (fiscalité, stabilité des prix,équilibre de la balance des paiements).À partir de 1955, il travaille principalement sur lesproblèmes de développement. Il a aussi développé une théorie de l'intégration.TRUMAN Harry (1884-1972), Sénateur démocrate, vice-président des Etats-Unis, HarryTruman devient président des Etats-Unis à la mort de ROOSEVELT en 1945. Pour mettrefin à la résistance Japonaise, il décide d'utiliser à deux reprises la bombe atomique contre cepays (Hiroshima le 6 août 1945 et Nagasaki le 9 août 1945). Le Japon capitule le 2septembre 1945. Réélu président des Etats-Unis en 1948, Truman souhaite limiter l'expansiondu communisme. Pour cela, il crée la CIA (1947), favorise l'aide à l'Europe occidentale (planMarshall, 1947), et contribue à la fondation de l'OTAN (1949). Il réagit aussi à l'attaque de laCorée du Sud par la Corée du Nord communiste (juin 1950) en envoyant des troupesaméricaines, mais il refuse de faire bombarder les bases chinoises.VALÉRY, Paul (1871-1945), D’ascendance corse par son père et génoise par sa mère, PaulVA<strong>LE</strong>RY fit ses études primaires chez les Dominicains de sa ville natale et ses étudessecondaires au lycée de Montpellier. Ayant renoncé à préparer l’École navale, vers laquelle leportait son amour de la mer, il s’inscrivit en 1889 à la faculté de Droit. Passionné par lesmathématiques et la musique, il s’essaya également à la poésie et vit, cette même année, sespremiers vers publiés dans la Revue maritime de Marseille. C’est encore à cette époque qu’ilse lia d’amitié avec Pierre LOUŸS, qu’il lui arrivera de nommer son « directeur spirituel », etfit la connaissance de GIDE et de MALLARME. Les vers qu’il écrivit dans ces années-làs’inscrivent ainsi, tout naturellement, dans la mouvance symboliste. Ayant obtenu sa licencede droit, il s’installa, en 1894, à Paris, où il obtint un poste de rédacteur au ministère de laGuerre. Mais cette période devait marquer pour Paul VA<strong>LE</strong>RY le début d’un long silencepoétique. À la suite d’une grave crise morale et sentimentale, le jeune homme, en effet,décidait de renoncer à l’écriture poétique pour mieux se consacrer à la connaissance de soi etdu monde. Occupant un emploi de secrétaire particulier auprès du publiciste Édouard<strong>LE</strong>BEY, directeur de l’agence Havas, il entreprit la rédaction des Cahiers (lesquels ne serontpubliés qu’après sa mort), dans lesquels il consignait quotidiennement l’évolution de saconscience et de ses rapports au temps, au rêve et au langage. En 1900, Paul VA<strong>LE</strong>RYépousait Jeannine GOBILLARD, dont il aurait trois enfants. Ce n’est qu’en 1917 que, sousl’influence de GIDE notamment, il revint à la poésie, avec la publication chez Gallimard deLa Jeune Parque, dont le succès fut immédiat et annonçait celui des autres grands poèmes (LeCimetière marin, en 1920) ou recueils poétiques (Charmes, en 1922). Influencé par729


MALLARME, Paul VA<strong>LE</strong>RY privilégia toujours, dans ses recherches poétiques, la maîtrisede la forme sur le sens et l’inspiration. Quête de la « poésie pure », son œuvre se confond avecune réflexion sur le langage, vecteur entre l’esprit et le monde qui l’entoure, instrument deconnaissance pour la conscience. C’est ainsi que ces interrogations sur le savoir se nourrirentchez le poète de la fréquentation de l’univers scientifique : lecteur de BERGSON,d’EINSTEIN, de Louis de BROGLIE et LANGEVIN, Paul VA<strong>LE</strong>RY devait devenir en 1935membre de l’Académie des Sciences de Lisbonne. Après la Première Guerre mondiale, lacélébrité devait peu à peu élever Paul VA<strong>LE</strong>RY au rang de « poète d’État ». Il multiplia dansles années 1920 et 1930 les conférences, voyages officiels et communications de toute sorte,tandis que pleuvaient sur lui les honneurs ; en 1924, il remplaçait Anatole FRANCE à laprésidence du Pen Club français, et devait encore lui succéder à l’Académie française où il futélu le 19 novembre 1925, par 17 voix au quatrième tour. Paul VA<strong>LE</strong>RY avait d’abord posé sacandidature au fauteuil d’Haussonville, lequel devait être pourvu le même jour, mais s’étaitravisé, au dernier moment, sur les conseils de Foch, pour disputer, avec plus de chancesestimait-il, à Léon BERARD et Victor BERARD, le fauteuil d’Anatole FRANCE. Lediscours que devait prononcer Paul VA<strong>LE</strong>RY lors de sa réception par Gabriel HANOT<strong>AUX</strong>,le 23 juin 1927, est resté célèbre dans les annales de l’Académie. VA<strong>LE</strong>RY, en effet, réussitce tour de force de faire l’éloge de son prédécesseur sans prononcer une seule fois son nom.On raconte qu’il n’avait pas pardonné à Anatole FRANCE d’avoir refusé à MALLARME lapublication de son « Après-midi d’un faune », en 1874, dans Le Parnasse contemporain. En1932, Paul VA<strong>LE</strong>RY devint membre du conseil des musées nationaux ; en 1933, il futnommé administrateur du centre universitaire méditerranéen à Nice ; en 1936, il fut désignéprésident de la commission de synthèse de la coopération culturelle pour l’expositionuniverselle ; en 1937, on lui attribua la chaire de poétique au Collège de France ; en 1939,enfin, il devenait président d’honneur de la Sacem. Lorsque éclata la Seconde Guerremondiale, Paul VA<strong>LE</strong>RY, qui avait reçu en 1931 le maréchal PETAIN à l’Académie,s’opposa vivement à la proposition d’Abel BONNARD qui voulait que l’Académie adressâtses félicitations au chef de l’État pour sa rencontre avec HIT<strong>LE</strong>R à Montoire. Directeur del’Académie en 1941, il devait par ailleurs prononcer l’éloge funèbre de BERGSON, dans undiscours qui fut salué par tous comme un acte de courage et de résistance. Refusant decollaborer, Paul VA<strong>LE</strong>RY allait perdre sous l’Occupation son poste d’administrateur ducentre universitaire de Nice. Par une ironie du sort, il mourut la semaine même où s’ouvrait,dans la France libérée, le procès PETAIN. Après des funérailles nationales, il fut inhumé àSète, dans son cimetière marin.VEIL, Simone (née Simone JACOB le 13 juillet 1927 à Nice), est une femme politiquefrançaise. Rescapée de la Shoah à Auschwitz, Simone VEIL est avant tout connue pour la loidite Loi Veil dépénalisant en France l'avortement qu'elle fit adopter par le Parlement françaiscomme ministre de la santé en 1975. Elle est aussi la première femme à présider le Parlementeuropéen de 1979 à 1982. Fille d'un architecte, Simone JACOB est d'origine juive, ce qui luivaut les persécutions nazies pendant l'occupation. Déportée avec sa famille en mars 1944 aucamp de concentration d'Auschwitz-Birkenau (sous le matricule 78651), elle en est la seulesurvivante avec sa sœur. Elles sont libérées le 27 janvier 1945. Ayant obtenu son baccalauréaten 1943 avant d'être déportée, elle s'inscrit en 1945 à la faculté de droit et à Institut d'étudespolitiques de l'Université de Paris où elle rencontre Antoine VEIL, futur inspecteur desfinances, qu'elle épouse le 26 octobre 1946. Ils ont trois fils. Munie de sa licence et de sondiplôme de l'I.E.P., elle renonce à la carrière d'avocat qu'elle avait envisagée pour entrer dansla magistrature où elle mène sa carrière jusqu'en mai 1974. Elle devient alors, après l'électionde Valéry GISCARD D'ESTAING à la présidence de la République, ministre de la Santé dansle gouvernement dirigé par Jacques CHIRAC, poste qu'elle conserve sous les gouvernements730


successifs de Raymond BARRE jusqu'en juillet 1979. À ce titre, elle est maître d'œuvre del'adoption par le Parlement du projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG),qui dépénalise l'avortement, texte qui entre en vigueur le 17 janvier 1975. Elle devient, et lereste longtemps, la personnalité politique la plus populaire de France. En juin-juillet 1979,elle quitte le gouvernement pour conduire, à la demande de Valéry GISCARD D'ESTAING,la liste Union pour la démocratie française (UDF) lors des premières élections européennes ausuffrage universel, devenant dans la foulée la première présidente du Parlement européen,fonction occupée jusqu'au début de l'année 1982 (accord tacite entre les groupes de présidencetournante à mi-mandat). En 1984, avec Jacques CHIRAC, elle impose à l'opposition une listeunique aux élections européennes. Sa liste obtient, le 17 juin 1984, plus de 43 % des voix. Enmars 1993, elle est nommée ministre d'État, ministre des Affaires Sociales, de la Santé et de laVille dans le gouvernement dirigé par Édouard BALLADUR, fonction qu'elle conservejusqu'en mai 1995. Elle est ensuite membre du Haut Conseil à l'Intégration. Elle est nomméemembre du Conseil constitutionnel en mars 1998, son mandat venant à échéance en mars2007. En 2005, elle appelle à voter "OUI" au referendum du 29 mai, provoquant unepolémique sur la compatibilité de son engagement et sa présence au Conseil constitutionnel.Elle est par ailleurs présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Malgré sapopularité, Simone VEIL compte aussi certains détracteurs parmi les opposants àl'avortement. Plusieurs rabbins ont ainsi dénoncé sa présence pour le soixantième anniversairede la libération d'Auschwitz, affirmant qu'en trente ans, la loi qui porte aujourd'hui son nomavait fait plus de victimes que toutes les horreurs des camps d'extermination. Elle est membredu conseil d'administration de l'IFRI.VERNANT, J-P, Né en 1914, orphelin de guerre, Jean-Pierre VERNANT est reçu major del'agrégation de philosophie en 1937. Mobilisé en 1939, il entre dans la Résistance et devient,en 1944, chef des FFI de la région toulousaine. Depuis 1948, il consacre sa vie à la Grèceancienne, travaillant au CNRS d'abord, puis à l'Ecole des hautes études, au Centre derecherches comparées sur les sociétés anciennes, qu'il crée en 1964, et au Collège de France,où il est aujourd'hui professeur honoraire. Engagé à l'âge de 17 ans dans les rangs du Particommuniste, «parce qu'il fallait faire obstacle au fascisme», il est exclu une première fois en1938. Réintégré en 1947, il quitte définitivement le PC en 1970.WALRAS, Léon (né à Évreux - France, le 16 décembre 1834 ; décédé à Clarens - Suisse le 5janvier 1910), est un économiste français. Léon WALRAS a montré que l'équilibre généralqui s'établit sur un marché de concurrence pure et parfaite est le meilleur possible : il estoptimal. Il veut dire par là que l'équilibre de concurrence pure et parfaite permet le pleinemploi spontané de tous les facteurs de production : toute la population active est occupée ettous les capitaux sont utilisés. Enfin, il permet de satisfaire toutes les demandes solvables.Cette idée a été critiquée par KEYNES (les économistes d'influence Keynésienne continuantd'ailleurs à s'opposer à cette vision du fonctionnement du marché), ainsi que nombre delibéraux, particulièrement ceux adhérant aux théories de l'école autrichienne.Il est le fils d'Auguste WALRAS, un économiste français dont la pensée influera beaucoupsur celle de son fils, dans le domaine de la réforme sociale en général et foncière enparticulier. Il étudie au collège de Caen (1844), puis au Lycée de Douai en 1850. Il estdiplômé bachelier-ès-lettres en 1851 et bachelier-ès-sciences en 1853. La même année, il n'estpas déclaré admissible à l'École polytechnique. Malgré une préparation en mathématiques etcours d'analyse, il est refusé une seconde fois. En 1854, il est reçu élève externe à l'École desMines de Paris, mais il n'a pas d'intérêt pour la formation d'ingénieur et il abandonne cetteécole. Il reprend des études pour compléter ses connaissances en philosophie, en histoire, encritique de la littérature et de l'art, en économie politique et en sciences sociales. Antoine-731


Augustin COURNOT, un condisciple de son père Auguste, jouera aussi une influence crucialeen ce qu'il lui inculque le rationalisme à la française et l'usage des mathématiques enéconomie.En 1859, il écrit son premier ouvrage économique (réfutation des doctrines de Proudhon). En1860, il participe au congrès international de l'impôt réuni à Lausanne. Il répond au concoursdu canton de Vaud sur la question de l'impôt, en formulant la théorie de l'attribution de la terreet de la rente foncière à l'État. Il reçoit la quatrième récompense. Il travaille à la Caissed'escompte, contribua à plusieurs journaux et développe sa pensée jusqu'en 1868 (rédactiondu journal Le Travail, Revue du mouvement coopératif, paru pendant deux ans en 1866-67 et1867-68). En 1869, la Faculté de Droit de l'Université de Lausanne (en ce temps Académie deLausanne) souhaite instituer une Chaire d'économie politique en son sein. Se souvenant dumémoire de WALRAS présenté en 1860, elle lui propose de se présenter au concours. Il yrépond en manifestant son intention de créer l'école mathématique qui est son objectif depuis1860. Il est nommé Professeur à la Chaire d'économie politique de l'Université de Lausanne ety enseignera de 1870 à 1892.Avec William JEVONS, Carl MENGER, simultanément mais indépendamment d'eux, il créele concept d'« utilité marginale » au sein de la théorie de la valeur, qui donnera naissance auparadigme du marginalisme. Au sein de ce qu'il convient d'appeler la « révolutionmarginaliste » tant les concepts sont novateurs par rapport a la théorie classique, il fondel'École de Lausanne ou encore appelée walrassienne en son honneur. On peut distinguer troisécoles issues du marginalisme : L'École de Lausanne, avec Léon WALRAS et son successeur, Vilfredo PARETO L'École de Vienne, avec Carl MENGER L'École de Cambridge, avec William JEVONSIl a travaillé sur l'équilibre concurrentiel général en micro-économie. Il fut également unpromoteur actif et engagé des différentes formes d'associations populaires (coopérativesouvrières de production, coopératives de crédit, coopératives de consommation). Il se déclaraau plan politique comme étant socialiste. Il a été considéré par Joseph SCHUMPETERcomme « le plus grand de tous les économistes » ("the greatest of all economists") in:SCHUMPETER, 1954: p.827. Le flambeau de son héritage est toujours allumé avec deséconomistes néo-walrasiens comme Kenneth ARROW ou Gérard DEBREU.WILLIAMSON Oliver (1932- ) est à l’origine du courant néo-institutionnaliste qui regroupeun ensemble de travaux ayant pour objet l’explication des phénomènes institutionnels ducapitalisme. Il est à l’origine des théories néo-libérales de l’entreprise. L’ouvrage de OliverWILLIAMSON en 1985 tente d’en fournir la synthèse. Le postulat de départ est quel’économie n’est pas une somme de purs marchés, mais un ensemble d’institutions composéesde marchés, d’organisations et de formes hybrides. Le courant néo-institutionnaliste cherche àaménager les hypothèses néo-classiques traditionnelles pour intégrer ces phénomènesobservables que le Prix Nobel Ronald COASE invitait dès 1937 à ne pas négliger dans lesreprésentations théoriques de l’économie.732


<strong>LE</strong>XIQUE : Abréviations utiliséesAARE : Allocation d’Aide au Retour à l’EmploiACA : Allocation Chômeur ÂgéAFFS : Allocation de Formation de Fin de StageAFR : Allocation Formation ReclassementAGCC : Association de Gestion des Conventions de ConversionA<strong>LE</strong>NA : Accord de Libre Echange Nord AméricainANDCP : Association Nationale des Directeurs et Cadres de la fonction PersonnelANPE : Agence Nationale Pour l'EmploiAPEC : Agence Pour l'Emploi des CadresARPE : Allocation de Remplacement Pour l’EmploiASEAN : Association of Southeast Asian Nations (Association des nations du Sud-Estasiatique)ASFNE : Allocation Spéciale du Fonds National de l'EmploiASSEDIC : ASSociation pour l'Emploi Dans l'Industrie et le CommerceATD : Allocation Temporaire DégressiveAUD : Allocation Unique DégressiveBEO : Bilan-Evaluation-OrientationBIOP : Bureau pour l'Information et l'Orientation Professionnelle.BIT : Bureau International du TravailCARE : Contrat d’Aide au Retour à l’EmploiCCIP : Centre de bilans de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris.CDD : Contrat à Durée DéterminéeCDI : Contrat à Durée IndéterminéeCES : Contrat Emploi SolidaritéCIE : Contrats Initiative Emploi.733


CNPF : Conseil National du Patronat FrançaisCPCI : Commission Permanente de Concertation Pour l’IndustrieCPN : Commission Paritaire NationaleCRE : Contrats de Retour à l’Emploi.DAGEMO : Direction Administrative Générale de l'Emploi et de la Main d'OeuvreDARES : Direction de l'Animation, de la Recherche, des Études et des StatistiquesDATAR : Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action RégionaleDDTEFP : Direction Départementale du Travail, de l'Emploi et de la FormationProfessionnelleDEFM : Demandeurs d’Emploi inscrits sur les Fichiers à la fin de chaque MoisDGEFP : Direction Générale de l'Emploi et de la Formation ProfessionnelleDREE : Direction des relations économiques extérieures.EMT : Evaluation en Milieu de TravailETAM : Employés Techniciens et Agents de MaîtriseETR : Équipe Technique de ReclassementFED : Réserve fédérale américaineFMA : Fonds Monétaire ArabeFMI : Fond Monétaire International créé par les accords de Breton Woods en Juillet 1944,installé à Washington, il est alimenté par les pays membres selon leur richesse. Il joue un rôlede stabilisateur à l’égard des monnaies et accorde des prêts aux pays connaissant desdifficultés passagères.FNE : Fonds National de l’Emploi.FPE : Formes Particulières d’EmploisG.A.T.T.: General Agreement on Tariffs and TradeGRIVO : Groupement patronal Régional Industriel du Val d’Oise.G8 : Le groupe des huit (G8) est composé de huit pays : le Canada, la France,l’Allemagne, l’Italie, le Japon, la Russie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ainsi que l’Unioneuropéenne (UE) et un représentant de chaque pays membre participera à la réunion du G8des ministres de la Justice et de l’intérieur.736


IDE : Investissement Direct à l’EtrangerINSEE : Institut National de la Statistique et des Études ÉconomiquesMercosur : Marché commun du cône sudMIME : Mission interministérielle sur les mutations économiques.M.I.T.I :Ministry of International Trade and Industry (ministère du commerce extérieur et del’industrie).N.P.I : Nouveaux Pays Industrialisés.OCDE : Organisation de Coopération et de Développement EconomiqueOIT : Organisation Internationale du TravailO.L.P. : Organisation de libération de la PalestineOPAEP : Organisation des Pays Arabes Exportateurs de PétroleOVE : Offre Valable d'EmploiPAO : Population Active OccupéePAP : Projet d’Action PersonnaliséPARE : Plan d’Aide au Retour à l’EmploiPBSCT : Pays à Bas Salaires et à Capacités Technologiques.PRP : PréRetraite ProgressivePSERE : Population Sans Emploi à la Recherche d’un EmploiRAC : Régime d'Assurance ChômageRMA : Revenu Minimum d’ActivitéRMI : Revenu Minimum d’InsertionRGP : Recensement Général de la PopulationRTT : Réduction du Temps de TravailTGI : Tribunal de Grande InstanceTPG : Trésor Public Général737


TRILD : Temps Réduit Indemnisé de Longue DuréeSAE : Stage d’Accès en Entreprise.S.A.F.E.R : Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement RuralSEE : Stratégie Européenne pour l'EmploiSESSI : Service des études et statistiques industrielles.SDF : Sans Domicile FixeSIFE : Stages d'Insertion et de Formation à l'EmploiUNEDIC : Union Nationale interprofessionnelle pour l'Emploi Dans l'Industrie et leCommerceUTR : Unité Technique de ReclassementURSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques738

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