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Point de vue : Émile Tanawa, Directeur du Bureau Afrique de l'Ouest

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programmes <strong>de</strong> formation : la prise en compte <strong>de</strong>s usages <strong>du</strong> français a con<strong>du</strong>it - semble-t-il - à lanotion <strong>de</strong> compétences, mais ceci ne s’est pas suffisamment tra<strong>du</strong>it sur le terrain. Si la valeur d’usage<strong>de</strong> la langue française avait été mieux considérée par les enseignants et les chercheurs, il aurait été plusaisé <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s partenariats non seulement avec <strong>de</strong>s non-spécialistes, mais aussi avec leséquipes travaillant dans d’autres domaines scientifiques : sciences physiques, environnement, sciences<strong>de</strong> la santé, géographie, etc. Une <strong>de</strong>s portes d’entrée pourrait être la communication, car bien souventles spécialistes ne parviennent pas à communiquer sur <strong>de</strong>s sujets spécialisés avec les non-spécialistes,faute <strong>de</strong> vocabulaire. Entre autres solutions, la réponse à ces besoins <strong>de</strong> communication pourraitmobiliser différentes équipes <strong>de</strong> domaines différents.- Favoriser l’intercompréhension <strong>de</strong>s langues dans la région : la langue française est pratiquée en<strong>Afrique</strong> <strong>de</strong> l’Ouest avec d’autres langues, comme le portugais. De plus, à la faveur <strong>de</strong> l’intégrationsocioéconomique dans la région, les populations se déplacent plus facilement d’un lieu à un autre pourleurs affaires, sans nécessairement avoir appris la langue <strong>du</strong> pays d’accueil. Il en est <strong>de</strong> même pour lesuniversitaires dans leurs échanges internationaux. Des réflexions et <strong>de</strong>s formations ont été menées surl’intercompréhension dans les contextes africains, comme outil pour le plurilinguisme. Des pistes <strong>de</strong>politique linguistique intéressantes ont été dégagées, <strong>de</strong>s outils pour la formation àl’intercompréhension, l’enseignement réciproque ou simultané <strong>de</strong>s langues ont été élaborés etexpérimentés, avec l’appui <strong>de</strong> l’AUF et <strong>de</strong> l’Union Latine. Ils mettent en avant les capacitésd’utilisation <strong>de</strong> toutes les langues dans la variété <strong>de</strong>s usages sociaux.- Assurer la professionnalisation <strong>de</strong>s filières d’étu<strong>de</strong>s françaises : Le problème <strong>de</strong> laprofessionnalisation se pose avec acuité dans les disciplines <strong>de</strong> la linguistique et <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s françaises.Dès lors, les questions suivantes peuvent être posées : quels autres métiers sauraient être accessiblesaux étudiants <strong>de</strong> ces filières ? Dans la mesure où les curriculums sont peu diversifiés, quelles actionsfaudrait-il entreprendre pour développer <strong>de</strong> nouvelles compétences professionnelles ? Par ailleurs, laprofessionnalisation est l’un <strong>de</strong>s points faibles <strong>de</strong> la mise en œuvre <strong>de</strong> la réforme Licence-Master-Doctorat (LMD) dans les universités <strong>de</strong> la région. Les spécialistes <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s françaises ne peuvent pascorriger seuls cette situation, d’où la nécessité impérieuse <strong>de</strong> développer <strong>de</strong> nouveaux partenariats pourla recherche et pour l’enseignement. Deux pistes sont régulièrement évoquées dans le cadre <strong>du</strong> LMD :* le renforcement <strong>de</strong> la professionnalisation pour les débouchés considérés comme « naturels » pources départements (formation <strong>de</strong>s enseignants <strong>de</strong> langue, formation <strong>de</strong>s tra<strong>du</strong>cteurs et <strong>de</strong>s interprètes) ;* ouverture beaucoup plus large vers d’autres débouchés qui convoquent également d’autresdisciplines (journalisme, métiers <strong>de</strong> la communication et <strong>de</strong> la culture, métiers <strong>du</strong> tourisme, métiers <strong>de</strong>l’interculturel dans les entreprises, métiers <strong>de</strong> l’in<strong>du</strong>strie <strong>de</strong>s langues, etc.).Il faudrait alors <strong>du</strong> soutien aux universités, pour qu’elles fassent le bon choix dans la prise en compte<strong>de</strong>s questions linguistiques dans la mise en œuvre <strong>du</strong> LMD.- Contribuer à répondre aux importants besoins <strong>de</strong> tra<strong>du</strong>ction d’autres langues vers le français : lesbesoins <strong>de</strong> tra<strong>du</strong>ction et d’interprétariat sont importants en <strong>Afrique</strong> <strong>de</strong> l’Ouest. Il s’agit là <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>scréneaux pour la professionnalisation, d’où la nécessité, pour les réseaux <strong>de</strong> chercheurs, les réseauxinstitutionnels et les réseaux <strong>de</strong> départements d’étu<strong>de</strong>s françaises, <strong>de</strong> se positionner par rapport à cesbesoins professionnels. Mais la difficulté est plus gran<strong>de</strong> ici, dans la mesure où il faut prendre encompte la globalité <strong>de</strong> la politique linguistique dans les établissements car les autres langues doiventaussi être équipées.- Favoriser l’interaction entre les langues nationales et le français afin <strong>de</strong> puiser, dans la culture


locale, toute la richesse nécessaire à la formation <strong>de</strong>s étudiants et à la pro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> connaissancesnouvelles : les chercheurs en é<strong>du</strong>cation, les linguistes, sociolinguistes, didacticiens en francophonie etdans d’autres aires linguistiques ont largement montré que l’apprentissage <strong>de</strong>s langues et ledéveloppement harmonieux <strong>de</strong>s compétences ne peuvent être déconnectés (à tous les niveaux) <strong>de</strong> laconnaissance et <strong>de</strong> la mise en valeur <strong>de</strong>s langues en contact dans le milieu social. La prise en compte <strong>du</strong>plurilinguisme dans les sociétés africaines est un élément primordial pour la réflexion sur les questions<strong>de</strong> langues. Les États Généraux <strong>de</strong> l’enseignement <strong>du</strong> français en <strong>Afrique</strong> subsaharienne francophone(Libreville, mars 2003) et le Forum <strong>de</strong> Bamako sur le multilinguisme (janvier 2009) ont fait référence à<strong>de</strong> nombreux travaux publiés <strong>de</strong>puis une vingtaine d’années. Sur cette question, le projet LASCOLAF -Langues <strong>de</strong> scolarisation dans l’enseignement fondamental en <strong>Afrique</strong> sub-saharienne francophone misen œuvre entre 2007 et 2009 par la communauté <strong>de</strong>s chercheurs <strong>du</strong> programme <strong>de</strong> l’AUF, en partenariatavec l’Agence française <strong>de</strong> développement et le Ministère <strong>de</strong>s Affaires étrangères et européennes <strong>de</strong> laFrance en est un <strong>de</strong>rnier exemple.- Renforcer les compétences linguistiques <strong>de</strong>s enseignants <strong>du</strong> secondaire à travers la formationinitiale et la formation continue assurées par l’enseignement supérieur : les centres universitairesd’enseignement <strong>de</strong>s langues qui accueillent <strong>de</strong>s publics très divers, pas seulement anglophones oulusophones mais aussi francophones, ont développé <strong>de</strong>s modèles pédagogiques ainsi qu’une réflexionsur la place <strong>du</strong> français langue secon<strong>de</strong>. Leur association, en réseau pour certains d’entre eux(notamment le Réseau <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> français langue étrangère d’<strong>Afrique</strong>- RECFLEA), <strong>de</strong>vraitpermettre d’élaborer une politique régionale <strong>de</strong> service linguistique universitaire.Comment mettre à profit la masse critique <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ction scientifique déjà existante ?Dans quelles directions faut-il stimuler les projets <strong>de</strong> recherche à venir et dans quel but ?Comment la recherche peut-elle ai<strong>de</strong>r à développer <strong>de</strong>s dispositifs et pro<strong>du</strong>ire <strong>de</strong>s outils d’équipementpour l’enseignement <strong>de</strong> la langue sur <strong>de</strong>s objectifs et <strong>de</strong>s compétences variables ?Les moyens à mettre en œuvre pour faire face aux préoccupations majeuresPour répondre à ces préoccupations les moyens à mettre en œuvre en <strong>Afrique</strong> <strong>de</strong> l’Ouest peuvent êtreles suivants :* dresser un état <strong>de</strong>s lieux actualisé <strong>de</strong> la formation et <strong>de</strong> la recherche dans les domaines <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>sfrançaises à l’échelle régionale, avec pour objectif d’élaborer une cartographie <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s françaisesdans la région ;* contribuer à rompre l’isolement <strong>de</strong>s départements d’étu<strong>de</strong>s françaises par rapport aux autresdisciplines dans les universités et par rapport aux usagers <strong>de</strong> la langue française autres que lesspécialistes ;* renforcer les relations d’action entre les équipes <strong>de</strong> la région ;* veiller à la prise en compte <strong>de</strong>s usages <strong>de</strong> la langue dans la mise en œuvre <strong>du</strong> LMD* préciser et développer <strong>de</strong>s outils TICs adaptés aux étu<strong>de</strong>s françaises ;* encourager et soutenir <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> recherche transversaux moyennant par exemple ladiversification <strong>du</strong> partenariat dans les équipes <strong>de</strong> recherche ;* mettre à profit la pro<strong>du</strong>ction scientifique disponible dans les domaines <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s françaises ;* remettre en œuvre <strong>de</strong>s bourses <strong>de</strong> stage culturel ciblées en fonction <strong>de</strong>s objectifs à atteindre.En conclusion, le plus grand défi dans la région <strong>Afrique</strong> <strong>de</strong> l’Ouest, consiste à mesurer l’importance <strong>de</strong>la valeur d’usage et <strong>de</strong> l’utilité <strong>de</strong> la langue française non seulement dans les universités, mais aussi etsurtout dans les milieux socioprofessionnels, <strong>de</strong> manière à former autrement les formateurs et lesétudiants <strong>de</strong>s autres disciplines. L’enseignement <strong>de</strong>vant être soutenu par la recherche, <strong>de</strong> nouveaux


partenariats associant universitaires et non universitaires <strong>de</strong> différents horizons <strong>de</strong>vraient permettre nonseulement <strong>de</strong> faire émerger <strong>de</strong> nouveaux sujets, mais <strong>de</strong> garantir la pertinence <strong>de</strong>s travaux, <strong>de</strong> mobiliserles moyens humains, méthodologiques et financiers à mobiliser pour atteindre les objectifs poursuivis.L’Agence peut y contribuer efficacement.Pour réaliser sans retard les moyens que nous avons i<strong>de</strong>ntifiés, nous proposons d’organiser unséminaire régional mettant en contact les responsables <strong>de</strong>s départements d’étu<strong>de</strong>s françaises, lesresponsables d’autres filières universitaires, les déci<strong>de</strong>urs et les partenaires afin d’élaborer avec eux unplan d’action à mettre en œuvre à partir <strong>de</strong> l’année 2011. Nous proposons aussi <strong>de</strong> renforcer l’action<strong>de</strong>s réseaux thématiques <strong>de</strong> chercheurs dans la région à partir d’une analyse critique qui pourrait êtremenée à l’occasion <strong>de</strong> la rencontre <strong>de</strong>s responsables <strong>de</strong> départements universitaires <strong>de</strong> français.<strong>Émile</strong> <strong>Tanawa</strong><strong>Directeur</strong> <strong>du</strong> <strong>Bureau</strong> <strong>Afrique</strong> <strong>de</strong> l’OuestAgence universitaire <strong>de</strong> la FrancophonieAvec la collaboration <strong>de</strong> Michel Guerrero et Thierry Tréfault

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