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Je vous dirai le titre à la fin… - Forums du Champ Lacanien

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prescrite dans <strong>le</strong> discours commun.Seu<strong>le</strong>ment, c’est une dissidence indivi<strong>du</strong>el<strong>le</strong>,privée. Lacan, pour l’hystérique, a parlé degrève <strong>du</strong> symptôme hystérique. La grève,c’est un terme qui vient <strong>du</strong> col<strong>le</strong>ctif.La psychanalyse, ça traite, via <strong>le</strong> symptôme,de <strong>la</strong> jouissance rebel<strong>le</strong>, <strong>la</strong> jouissance qui necoïncide pas avec <strong>le</strong>s offres à jouir <strong>du</strong>discours commun. <strong>Je</strong> <strong>dirai</strong>s, avec <strong>la</strong>jouissance prescrite et prescrite dans sesformes. Alors, aujourd’hui, une des chosesqui caractérisent notre discours – j’empruntece que je vais dire à une notation de Lacandans Télévision, – c’est que notre jouissancese ré<strong>du</strong>it au plus-de-jouir et que, même, el<strong>le</strong>ne se dit plus autrement. C’est-à-dire quenous ne connaissons plus qu’une seu<strong>le</strong>forme de jouissance et qu’une seu<strong>le</strong> façon de<strong>la</strong> par<strong>le</strong>r. Le plus-de-jouir. Quand on dit plusde-jouir,<strong>vous</strong> voyez, ce petit plus ditbeaucoup choses. Ca dit qu’on est dans <strong>le</strong>registre <strong>du</strong> quantifiab<strong>le</strong>. Et si <strong>vous</strong> vou<strong>le</strong>zavoir une intuition de <strong>la</strong> différence, pensez àd’autres régimes de jouissance. Nous avons,dans <strong>le</strong>s <strong>Forums</strong>, à Paris, invité Jacques LeBrun à propos de son livre Le Pur Amour quipar<strong>le</strong> de Mme Guyon, une des dernièresmystiques, à l’époque de Fénelon. C’étaitune époque où <strong>la</strong> jouissance n’était pas <strong>du</strong>tout dans <strong>le</strong> registre <strong>du</strong> plus-de-jouir. Le puramour, c'était <strong>la</strong> jouissance dans <strong>le</strong> registrede l’infinitude. C’est exactement l’inverseaujourd'hui. Donc, il y a eu des époques oùon par<strong>la</strong>it de <strong>la</strong> jouissance dans <strong>le</strong> registre del’infinitude et <strong>du</strong> non quantifiab<strong>le</strong>. Alors,qu’est-ce à dire, cette petite notation deLacan « notre jouissance se ré<strong>du</strong>it au plusde-jouir» ? Eh bien, ce<strong>la</strong> veut dire que toute<strong>la</strong> jouissance que nous connaissons et quenous parlons, dans <strong>le</strong> discours commun, estune jouissance – permettez <strong>le</strong> terme –capitalisab<strong>le</strong>. Capitalisab<strong>le</strong>, c’est-à-direqu’el<strong>le</strong> se situe toute entière dans <strong>le</strong> registre<strong>du</strong> plus ou <strong>du</strong> moins et, dès qu’on est dans <strong>le</strong>plus et <strong>le</strong> moins, on est dans l’accumu<strong>la</strong>tionpossib<strong>le</strong>, on est dans <strong>la</strong> concurrence, on estdans <strong>la</strong> comparaison et, comme disent <strong>le</strong>ssujets, on est dans <strong>la</strong> gestion : « je n’arrivepas à gérer mes amours, mes orgasmes,mes sensations et toute autre chose ». Bon.Ce<strong>la</strong>, que je rappel<strong>le</strong> rapidement, c’est <strong>le</strong>résultat de trois sièc<strong>le</strong>s de science et deuxsièc<strong>le</strong>s de capitalisme, – parce que,attention, ça ne marche pas <strong>la</strong> main dans <strong>la</strong>main <strong>le</strong> capitalisme et <strong>la</strong> science- et un sièc<strong>le</strong>de psychanalyse, n’oublions pas [rires]. Maisoui ! Mais oui ! Ce que Freud a découvert etécrit dans <strong>le</strong>s Trois Essais sur <strong>la</strong> Sexualité en1905, qui n’a fait que se développer dans <strong>la</strong>psychanalyse et que Lacan a vraiment extraitet poussé, c’est <strong>le</strong> caractère partiel et morcelé desjouissances. Quand on par<strong>le</strong> d’objet partiel, depulsion partiel<strong>le</strong>, c’est de ça qu’on par<strong>le</strong>. Lajouissance n’est pas dans l’infinitude, même cel<strong>le</strong>qui se prend dans <strong>le</strong> coup<strong>le</strong> sexuel, dans <strong>le</strong> corpsà-corpssexuel. El<strong>le</strong> est dans <strong>le</strong> registre <strong>du</strong>morcelé et <strong>du</strong> partiel, avec ce que ça implique denon-béatitude, de non-satisfaction complète. Il y adonc –ça me paraît très important – une certainecongruence entre ce qui s’affirme dans <strong>le</strong> discourscapitaliste, aujourd’hui en c<strong>la</strong>ir et qu’on peutappe<strong>le</strong>r un indivi<strong>du</strong>alisme cynique et ce à quoil’analyse des symptômes con<strong>du</strong>it, et auquelLacan a donné un terme intéressant en 67 : ilpar<strong>le</strong> <strong>du</strong> « solde cynique». Le solde cynique de <strong>la</strong>psychanalyse, ça n’est rien d’autre que de fairedécouvrir à un sujet, qui est bien obligé d’yconsentir, ce caractère partiel, morcelé et noncomb<strong>la</strong>nt des jouissance de l’être par<strong>la</strong>nt. Il y aune congruence entre <strong>le</strong>s deux.Alors, ça m’amène à insister sur <strong>la</strong> question :qu’est-ce que <strong>la</strong> psychanalyse et <strong>le</strong>spsychanalystes ont à dire en propre ? Parce queje veux bien que nous parlions des phénomènesde société en tant que psychanalystes mais àcondition de ne pas répéter simp<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>discours cynico-désabusé des mass-media pour<strong>le</strong>quel on n’a pas besoin des psychanalystes. Delà, je passe à une remarque sur – un bien grandmot – l’essence de <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce. <strong>Je</strong> ne crois pasqu’on puisse <strong>la</strong> mettre au singulier. Il faut par<strong>le</strong>rdes vio<strong>le</strong>nces, au pluriel. <strong>Je</strong> ne par<strong>le</strong> pas de <strong>la</strong>multiplicité des phénomènes de vio<strong>le</strong>nce. <strong>Je</strong> par<strong>le</strong>des types de vio<strong>le</strong>nce. La première que je veuxévoquer, c’est <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce de l’ordre. Tout ordreinstitué – ça veut dire tout discours – repose surune vio<strong>le</strong>nce instituée. C’est ce qu’on dit quand onpar<strong>le</strong> de <strong>la</strong> loi <strong>du</strong> plus fort. La loi ne fait querécupérer <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce qu’on suppose naturel<strong>le</strong>. Il ya quelqu’un qui a bien aperçu ça : c’est <strong>Je</strong>an-Jacques Rousseau qui ouvrait un chapitre d’un deses discours de <strong>la</strong> façon suivante : « l’homme estné libre et, partout, il est dans <strong>le</strong>s fers ». Bien sûr,puisque partout il est dans un discours. Cettevio<strong>le</strong>nce de l’ordre institué, el<strong>le</strong> se perçoit tous <strong>le</strong>sjours. Pour vivre dans un col<strong>le</strong>ctif, on se faitvio<strong>le</strong>nce sans arrêt – il faut bien dire <strong>la</strong> vérité. «Se faire vio<strong>le</strong>nce » est d’ail<strong>le</strong>urs une expressionfort intéressante.Et puis, il y a une autre vio<strong>le</strong>nce, <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce queje vais appe<strong>le</strong>r <strong>du</strong> désordre. La vio<strong>le</strong>nce qui éc<strong>la</strong>teen s’opposant aux impératifs et aux contraintes del’ordre institué. C’est <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce transgressive.C’est cel<strong>le</strong> dont on par<strong>le</strong> d’ail<strong>le</strong>urs en général.Cel<strong>le</strong>s que j’ai énumérées au début, c’est decel<strong>le</strong>-là que je par<strong>la</strong>is, <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce de désordre.Mais il y en a une troisième. Ça me paraît capitalmais je ne peux pas <strong>le</strong> développer. Ce serait ceque je vais appe<strong>le</strong>r une vio<strong>le</strong>nce instituante. Nonpas instituée mais instituante. Il y a eu, à ce sujet,2


Co<strong>le</strong>tte SOLER<strong>Je</strong> <strong>vous</strong> <strong>dirai</strong> <strong>le</strong> <strong>titre</strong> à <strong>la</strong> findans <strong>le</strong>s années vingt, de grands débats, quiont d’ail<strong>le</strong>urs été évoqués récemment dans <strong>la</strong>presse, en France au moins, parce qu’il y aeu des rééditions des uvres de Karl Schmitet de Walter Benjamin. La même année,1922, Karl Schmit publie un texte quis’appel<strong>le</strong> Théologie Politique. Étrangemariage de termes. Ce Karl Schmit est trèssuspect idéologiquement. Ses sympathies etson soutien au nazisme ont été <strong>la</strong>rgementdénoncés et il a eu quelques ennuis. A <strong>la</strong>même époque, Walter Benjamin, qui est del’autre bord idéologiquement, antifasciste,écrit un texte qui s’appel<strong>le</strong> Critique de <strong>la</strong>Vio<strong>le</strong>nce. Dans Critique de <strong>la</strong> Vio<strong>le</strong>nce, ilintro<strong>du</strong>it <strong>la</strong> notion de ce qu’il appel<strong>le</strong> « <strong>la</strong>vio<strong>le</strong>nce divine ». Divine ! Ce n'est pasthéologie politique mais c’est théologie de <strong>la</strong>vio<strong>le</strong>nce, en quelque sorte. Ce que <strong>le</strong>s deuxauteurs cib<strong>le</strong>nt avec des idéologiescomplètement opposées, c'est <strong>le</strong> mêmepoint. C’est que <strong>le</strong> champ où se déploient cesdeux vio<strong>le</strong>nces, cel<strong>le</strong> de l’ordre des discourset cel<strong>le</strong> <strong>du</strong> désordre des transgressions, estimpensab<strong>le</strong> sans un point d’exception qui esthors de ce champ et qui <strong>le</strong> fonde. Ce queKarl Schmit appel<strong>le</strong> « l’exception souveraine». Quand Lacan écrit <strong>le</strong>s formu<strong>le</strong>s de <strong>la</strong>sexuation, « l’exception au pour tous » et « <strong>la</strong>castration pour tous moins un», on est danscette structure. C’est-à-dire que ce<strong>la</strong> désigne<strong>le</strong> point de <strong>la</strong> structure où on n’est ni dansl’ordre ni dans <strong>le</strong> désordre, <strong>le</strong> point d’où toutémerge, d’où peut émerger <strong>la</strong> création exnihilo, d’où peut émerger l’acte,éventuel<strong>le</strong>ment analytique, mais passeu<strong>le</strong>ment, d’où émerge, au fond, toutengagement vital premier d’un indivi<strong>du</strong>.La question se pose de savoir comment <strong>la</strong>psychanalyse se situe par rapport à ces troisstrates de <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce. Partons de l’évidenceclinique. Ce que nous rencontrons d’abord,ce que nous recevons dans <strong>la</strong> psychanalyse,ce sont <strong>le</strong>s éclopés <strong>du</strong> surmoi social, <strong>le</strong>surmoi capitaliste. Les éclopés <strong>du</strong> surmoisocial c’est-à-dire ceux qui ne parviennentpas à entrer dans <strong>le</strong>s requisits, dans <strong>le</strong>sdemandes, dans <strong>le</strong>s offres de l’Autre de <strong>le</strong>urtemps. Fina<strong>le</strong>ment, <strong>la</strong> pulsion, ça n’est pas <strong>la</strong>première vio<strong>le</strong>nce pour l’être par<strong>la</strong>nt. On croitque <strong>le</strong> grand secret de <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce c’est <strong>la</strong>pulsion. C’est juste à certains égards mais cen’est pas <strong>la</strong> première strate. La premièrestrate de <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce, c’est l’antécédence del’Autre qui par<strong>le</strong> sur l’indivi<strong>du</strong> qui naît. Sur <strong>la</strong>naissance. Le premier vrai traumatisme, c’estde naître dans <strong>le</strong> ventre de l’Autre qui par<strong>le</strong>avant <strong>vous</strong>, pour <strong>vous</strong>, sur <strong>vous</strong>, et auquel<strong>vous</strong> ne pouvez plus échapper. Au fond, <strong>la</strong>Association des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de WallonieColloque <strong>du</strong> 3 mai 2003 ACTES3première vio<strong>le</strong>nce, c’est <strong>le</strong> viol fait à <strong>la</strong> vie,j’entends <strong>la</strong> vie anima<strong>le</strong>, par l’Autre par<strong>la</strong>nt.Cette aliénation aux signifiants et à <strong>la</strong> voix del’Autre, que tout enfant rencontre dès l’origine, el<strong>le</strong>est pro<strong>du</strong>ctrice de symptômes. C’est pour ça que,à l’occasion, el<strong>le</strong> con<strong>du</strong>it, à terme, chez unpsychanalyste. Nous recevons aujourd’hui <strong>le</strong>s «symptômatisés » <strong>du</strong> discours capitaliste <strong>du</strong> débutXXI e . Ce ne sont pas <strong>le</strong>s mêmes que ceux <strong>du</strong>début XX e . A bien des égards, certaines chosesont changé.Alors, je voudrais dire quelques mots sur <strong>le</strong>simpératifs nouveaux <strong>du</strong> discours capitaliste. <strong>Je</strong>crois que <strong>le</strong> discours capitaliste pro<strong>du</strong>it, engendrede nouveaux semb<strong>la</strong>nts, de nouveaux impératifsqui prennent des formes très concrètesvéhiculées dans <strong>la</strong> presse, à <strong>la</strong> télévision, partout,mais qui, grosso modo, se ramènent à unimpératif et une idéologie de <strong>la</strong> réussite. Unevariante de l’impératif <strong>du</strong> bonheur, <strong>la</strong> réussite. Laréussite, on <strong>vous</strong> <strong>la</strong> prescrit dans tous <strong>le</strong>sdomaines. Dans <strong>le</strong> domaine affectif, il faut réussirson coup<strong>le</strong>, il faut réussir sa famil<strong>le</strong>, l’é<strong>du</strong>cation deses enfants, sa profession, il faut rester jeune,performant, énergique, beau, etc. C’est délirant,<strong>le</strong>s impératifs que développe notre discoursactuel<strong>le</strong>ment. C’est un discours dont l’idéologiemasque <strong>le</strong> moins-de-jouir, comme dit J.P. Lebrun,mais il ne <strong>le</strong> supprime pas. Plutôt que d’unenécessité <strong>du</strong> moins-de-jouir, je poserais qu’il y atoujours <strong>du</strong> moins-de-jouir, effet de <strong>la</strong>prééminence de l’Autre . Les discours <strong>le</strong> traitent,ce moins-de-jouir. Le discours capitaliste essayede <strong>le</strong> traiter en <strong>le</strong> masquant avec son impératif de« plus ». Plus-de-jouir, plus de consommation,plus d’accumu<strong>la</strong>tion, plus de p<strong>la</strong>isir, etc.Seu<strong>le</strong>ment, que découvre-t-on ? D’abord, c’est undiscours sans aucune transcendance, parce que,évidemment, <strong>le</strong> plus-de-jouir, ça n’est pas unetranscendance. Et malheureusement, <strong>le</strong>s êtrepar<strong>la</strong>nts, justement parce qu’ils ont subi <strong>la</strong>négativation <strong>du</strong> <strong>la</strong>ngage, aspirent à <strong>la</strong>transcendance. C'est dangereux cette absence.Ce<strong>la</strong> peut con<strong>du</strong>ire à des transcendancesdangereuses.Discours sans transcendance mais surtout, <strong>le</strong>pousse-au-plus-de-jouir génère solidairement <strong>le</strong>moins-de-jouir. Pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> couvre. Legénère. C’est <strong>la</strong> thèse de Lacan dansRadiophonie. El<strong>le</strong> me paraît capita<strong>le</strong> et jem’explique ainsi ce qu’évoquait ChristianDemoulin, qu'un auteur, de façon trèssurprenante, par<strong>le</strong> différemment de tout <strong>le</strong> mondeet, au lieu de mettre l’accent sur <strong>le</strong>s affres <strong>du</strong>discours actuel, dise « Mais non. Le discourscapitaliste est plutôt un discours qui tasse <strong>le</strong>svio<strong>le</strong>nces ». Quelqu’un qui nous dresse <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au<strong>du</strong> capitalisme soft alors que tout <strong>le</strong> monde criesur <strong>le</strong> capitalisme horrib<strong>le</strong>. <strong>Je</strong> me l’explique


comme ça : tout dépend de quel côté onregarde. Si on regarde <strong>le</strong> capitalisme <strong>du</strong> côté« Occupez-<strong>vous</strong> de vos petites jouissance.Tout va bien. », il nous invite à vivoter. Il nenous invite pas à vivre mais à vivoter dans<strong>le</strong>s petits équilibres personnels. Mais ce «vivotement » est strictement équiva<strong>le</strong>nt àentretenir <strong>le</strong> manque-à-jouir. C’est pourquoiLacan pouvait dire dans Radiophonie, que,dans <strong>le</strong> régime capitaliste, tous, capitalisteset prolétaires, participent à <strong>la</strong> soif <strong>du</strong>manque-à-jouir. Vous voyez, <strong>le</strong> plus-de-jouir,c’est équiva<strong>le</strong>nt à l’aspiration au manque-àjouir.C’est une difficulté.C’est une vio<strong>le</strong>nce, aussi, spécifique <strong>du</strong>temps et pro<strong>du</strong>ctrice de symptômes dont onse demande comment <strong>la</strong> psychanalyse va yrépondre. Une psychanalyse, qu’est-cequ’el<strong>le</strong> promet face à ces sujets que j’appel<strong>le</strong><strong>le</strong>s éclopés <strong>du</strong> surmoi capitaliste ? Noussommes tous plus ou moins des éclopés <strong>du</strong>surmoi capitaliste. Nous qui nous référons àl’enseignement de Lacan, nous avons unmaître-mot. C’est <strong>le</strong> mot séparation. Ceux quiont lu <strong>le</strong> Séminaire XI ou Positions del’Inconscient, ceux qui ont étudié <strong>la</strong> pulsionde mort reformulée par Lacan, font usage dece mot.Donc, à un sujet complètement aliéné dans<strong>le</strong>s impératifs d’un plus-de-jouir qui ne faitque creuser <strong>le</strong> non-sens de <strong>la</strong> vie, <strong>la</strong>psychanalyse promet un effet de séparationpar rapport à ces impératifs-là. Mais voyonsce que ça veut dire: on invite en réalité <strong>le</strong>sujet à entrer dans une autre vio<strong>le</strong>nce. Carel<strong>le</strong> est partout, <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce. C’est comme <strong>la</strong>jouissance. On ne peut pas rêver d’yéchapper. On peut choisir peut-être <strong>la</strong>quel<strong>le</strong>,parfois. Car il y a aussi une vio<strong>le</strong>nce <strong>du</strong>discours analytique. Laquel<strong>le</strong> ? Il y a unevio<strong>le</strong>nce à l’entrée. C’est que, ce qu’onappel<strong>le</strong> <strong>le</strong> cadre, l’ordre institué <strong>du</strong> discoursanalytique, ça consiste à soumettre <strong>le</strong> sujetqui arrive avec son symptôme, à <strong>la</strong> questionde ce qu’il est dans sa jouissance. Questionde son être, mais de son être dans sajouissance. Ce<strong>la</strong> ne peut se faire qu’avec unsujet qui se tient pour responsab<strong>le</strong> dequelque chose. Et il est vrai que <strong>la</strong>psychanalyse – ça, c’est très vio<strong>le</strong>nt ! – traitecelui qui arrive parce qu’il souffre commeresponsab<strong>le</strong> de sa souffrance alors que – çaa l’air très paradoxal – son symptôme, il ne <strong>le</strong>choisit pas, il en pâtit et il <strong>le</strong> supporte. On ne<strong>le</strong> dit pas à <strong>la</strong> personne qui passe <strong>la</strong> portemais on <strong>le</strong> tient pour responsab<strong>le</strong>, ce qui veutdire non pas tel<strong>le</strong>ment qu’il a <strong>le</strong> choix maisqu’il doit en répondre. C’est lui qui doit enrépondre.Alors voilà un malheureux candidat à l’analyse,coincé entre deux aliénations, que nous faisonsentrer dans une pratique qui va lui faire porter <strong>la</strong>charge, non pas de l’Autre, mais de sonsymptôme. Évidemment, cette finalité <strong>du</strong> discoursanalytique est en affinité avec <strong>la</strong> culpabilité dessujets. La culpabilité, c’est l’émergence spontanéeet sauvage de <strong>la</strong> responsabilité dans <strong>le</strong>s sujets.Or, on a un problème. Le discours actuel, <strong>le</strong>discours capitaliste, est aussi <strong>le</strong> discours desdroits de l’homme, des droits de <strong>la</strong> personne, cequi va de pair avec une irresponsabilisation desvictimes, avec une victimisation-revendication. Etau fond, ce discours-là pousse <strong>le</strong>s sujets – nouspousse tous, d’ail<strong>le</strong>urs – à faire valoir nos droits. Ilnous in<strong>du</strong>it à nous faire accusateurs quandquelque chose ne va pas, voire vengeurs. De qui? De tout ce qui représente l’Autre : <strong>le</strong>s parents,<strong>le</strong>s maîtres, <strong>le</strong>s spécialistes, <strong>le</strong>s gouvernants, <strong>le</strong>sconjoints, <strong>le</strong>s médecins… <strong>la</strong> liste serait longue. Engros, ce discours nous in<strong>du</strong>it à accuser <strong>le</strong> sort.Autrement dit, à rejeter <strong>la</strong> responsabilité surl’Autre, quel<strong>le</strong> que soit <strong>la</strong> figure et <strong>le</strong> nom de cetAutre. La psychanalyse rencontre là un problèmeparce que on ne peut pas analyser une victimerevendiquante. C’est inanalysab<strong>le</strong>. La position devictime revendiquante, on ne peut pas l’analyser.C’est pourquoi nous parlons de rectificationsubjective à l’entrée d’une analyse. C’est-à-direqu’il y a un travail préa<strong>la</strong>b<strong>le</strong> si on reçoit unevictime que j’appel<strong>le</strong> quéru<strong>le</strong>nte – c’est un termede <strong>la</strong> psychiatrie mais je ne <strong>le</strong> prends pas au sensproprement psychiatrique. Si on veut que cettepersonne fasse une analyse, il faut obtenir unchangement de perspective. Il faut <strong>la</strong> faire passerde <strong>la</strong> position de victime accusatrice à victimeresponsab<strong>le</strong> en quelque chose. Non pas en tout.En quelque chose. Et ça, ça exige beaucoup del’analyste parce que ça ne se fait pas au niveaudes déc<strong>la</strong>rations. Ça exige qu’on n’y ail<strong>le</strong> pas àgros sabots, c’est une sorte d’art, de savoir-faire.Tous <strong>le</strong> monde ne sait pas <strong>le</strong> faire, c’est sûr, maissurtout, indépendamment <strong>du</strong> savoir-faire, il y fautune volonté. Si j’emploie ce terme c’est parce quec’est plus qu’un désir, une volonté. C’est pourquoil’éthique de <strong>la</strong> psychanalyse est extrêmementsollicitée à l’entrée de <strong>la</strong> psychanalyse quand onreçoit des sujets qui sont dans <strong>la</strong> position de sep<strong>la</strong>indre <strong>du</strong> monde au lieu de se demander quel<strong>le</strong>est <strong>le</strong>ur part. C’est très fatigant d’obtenir ce viragesubjectif d’une victime qui se p<strong>la</strong>int. Il faut sefatiguer, dans <strong>la</strong> psychanalyse, bien qu’on soitassis.C’est donc une forme de vio<strong>le</strong>nce d’entrée que depro<strong>du</strong>ire <strong>le</strong> virage d’un sujet qui est partieprenante de l’idéologie <strong>du</strong> discours de l’envers etde <strong>le</strong> faire partie prenante <strong>du</strong> discours analytiquequi <strong>le</strong> charge de <strong>la</strong> responsabilité de sajouissance. On n’y arrive pas dans tous <strong>le</strong>s cas.Qu’est-ce qui fait qu’on n’aperçoit pas vraimentcette vio<strong>le</strong>nce d’entrée ? Parce que, si el<strong>le</strong> était4


Co<strong>le</strong>tte SOLER<strong>Je</strong> <strong>vous</strong> <strong>dirai</strong> <strong>le</strong> <strong>titre</strong> à <strong>la</strong> finvraiment éc<strong>la</strong>tante, personne ne viendrait. Cequi fait qu’on ne l’aperçoit pas tout à fait,c’est que il y a <strong>le</strong> transfert et que l’écoute,l’intérêt que suppose l’écoute d’un sujet, çapro<strong>du</strong>it <strong>le</strong> transfert c’est-à-dire un appel àl’interprétation et, disons, ce que Freud aaperçu comme l’amour transfert. Et puis, çapro<strong>du</strong>it l’espoir, c’est-à-dire <strong>la</strong> promesse dequelque chose qui va changer. Cet amour detransfert et cette promesse d’entrée voi<strong>le</strong>ntun peu <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce <strong>du</strong> choc entre <strong>le</strong>s deuxdiscours mais il ne faut pas <strong>la</strong> négliger.Alors, maintenant, que pouvons-nouspromettre ? Parce que ce n’est pas <strong>la</strong>vio<strong>le</strong>nce pour <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce. C’est quand même<strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce pour obtenir quelque chose.Qu’est-ce que nous promettons avec ceterme de séparation ? Nous promettonsaussi quelque chose qui, curieusement, estéga<strong>le</strong>ment vio<strong>le</strong>nt. Très vio<strong>le</strong>nt. Ce sujet quisouffre mais qui est tout entier construit surun « je n’en veux rien savoir d’un certainnombre de choses », <strong>la</strong> psychanalyse, <strong>le</strong>processus analytique, <strong>le</strong> pousse, voirel’oblige à savoir ce dont il ne veut rien savoir.Comment appel<strong>le</strong>ra-t-on ce dont il ne veutrien savoir ? Il y a beaucoup de noms pource<strong>la</strong> dans <strong>la</strong> psychanalyse, suivant <strong>le</strong>sauteurs. Chez Freud, en gros, il y a deuxnoms de ce<strong>la</strong> – il faudrait nuancer – :castration, il ne veut rien savoir, mais aussipulsion inassimi<strong>la</strong>b<strong>le</strong>, pulsion inadmissib<strong>le</strong>,<strong>le</strong>s pulsions impossib<strong>le</strong>s à métaboliser et àadmettre. Ce sont deux noms <strong>du</strong> « je ne veuxpas savoir ça ». Evidemment, c’est <strong>le</strong> « je neveux rien savoir » qui est à l’origine <strong>du</strong> retourdans <strong>le</strong> symptôme. Chez Lacan, <strong>le</strong>s noms <strong>du</strong>« je n’en veux rien savoir » s’appel<strong>le</strong>nt aussicastration mais il utilise en outre <strong>le</strong> terme deréel.Bien enten<strong>du</strong>, cette vio<strong>le</strong>nce de pousse-ausavoir,un savoir qui n’est jamais p<strong>la</strong>isant,el<strong>le</strong> est un peu couverte et compensée parquelque chose qui est un bénéfice. Il faut <strong>le</strong>dire en terme capitaliste. Bénéfice c’est unterme capitaliste. Ce quelque chose, c’estl’effet thérapeutique. Au passage, quandmême, <strong>la</strong> psychanalyse, ça pro<strong>du</strong>it des effetsthérapeutiques. Ça se voit d’autant mieux,d’ail<strong>le</strong>urs, que <strong>la</strong> psychanalyse est pluscourte. Pensez à L’Homme aux Rats.L’homme aux rats, il n’était pas guéri, maisson obsession bien. En quelques mois,ré<strong>du</strong>ire une obsession comme cel<strong>le</strong> del’homme aux rats, c’est quand mêmefantastique et c’est un sacré bénéfice. Malgrécette compensation thérapeutique, Lacan apu par<strong>le</strong>r d’« horreur froide » <strong>du</strong> discoursanalytique. C’est ce qui l’a poussé à dire enAssociation des <strong>Forums</strong> <strong>du</strong> <strong>Champ</strong> <strong>Lacanien</strong> de WallonieColloque <strong>du</strong> 3 mai 2003 ACTES574, – il faut comprendre cette phrase sinon çaparaît loufoque – « fina<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> psychanalyste, i<strong>le</strong>st hors de l’humanité ». Entendez qu’il nepartage pas, dans sa pratique – non pas en tantqu’indivi<strong>du</strong> propre –, l’aspiration au « je n’en veuxrien savoir et je veux être heureux » qui définitl’humanité.Il y a aussi une vio<strong>le</strong>nce de sortie. La révé<strong>la</strong>tion,sans <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> il n’y a pas de sortie, est aussi uneconclusion qui a une certaine vio<strong>le</strong>nce. Ce qu’il ya d’intéressant, c’est que, <strong>la</strong> vio<strong>le</strong>nce de sortie,c’est l’analyste qui <strong>la</strong> porte, ce n’est pasl’analysant. La vio<strong>le</strong>nce de sortie, Lacan l’aformulée, et nous <strong>la</strong> répétons, en disant «l’analyste est <strong>le</strong> rebut de l’opération ». Il estpromis au rejet – il y a beaucoup d’expression,toute une série. Évidemment, ça l’a con<strong>du</strong>it à sedemander «comment, quelqu’un qui est analysé,peut-il devenir analyste ?» Il y a un petit problèmelà ! Et bien, – je souhaite insister sur ceci: je croisque l’acte analytique est profondémentanticapitaliste. Le bénéfice de l’analyse, il est pourl’analysant. Heureusement, l’analyste, on <strong>le</strong> paie,quand même ! Sinon, ce serait plus que de <strong>la</strong>vocation ! Mais, quand même, l’acte analytique, i<strong>le</strong>st anticapitaliste. <strong>Je</strong> m’explique : c’est un actequi doit être réitéré à chaque fois, qui s’appuie surun vouloir – je l’ai indiqué – qui doit être parfoistrès fort, rien n’est jamais acquis, ce n’est pas unefois pour toutes – si c’était une fois pour toutes,quel repos ! C’est dire que, dans l’analyse, <strong>du</strong>côté de l’analyste, il faut toujours « mettre <strong>la</strong>gomme ». Lacan a employé cette expression, «mettre <strong>la</strong> gomme ». Très bien ! Seu<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>sréussites de l’acte se jugent dans <strong>le</strong>s suites, c’estl’analysant qui <strong>le</strong>s capitalise, ce n’est pasl’analyste. C’est l’analysant qui a <strong>le</strong> bénéfice soitthérapeutique soit au-delà <strong>du</strong> thérapeutique, <strong>le</strong>bénéfice épistémique de révé<strong>la</strong>tion.Autrement dit, l’acte ne sustente pas <strong>le</strong> nompropre de l’analyste. Vous voyez <strong>la</strong> différenceavec ce qui se passe dans bien d’autresdisciplines. On peut dire, par exemp<strong>le</strong>, que tous<strong>le</strong>s artistes, dans quelque champ que ce soit,créent ex nihilo à partir <strong>du</strong> point d’exception de <strong>la</strong>structure que j’évoquais. Seu<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> bénéficeva à <strong>le</strong>ur nom. On se fait un nom avec sesuvres d’art, on se fait un nom avec ses uvrespolitiques. Dans <strong>la</strong> psychanalyse, ce n’est pasavec l’acte analytique que <strong>le</strong>s psychanalystes sefont un nom. Il y a bien quelques noms dans <strong>la</strong>psychanalyse, il y a même des gens que ça gêne.Ils disent « pourquoi est-ce que <strong>le</strong>s noms restent,pourquoi est-ce qu’on ne <strong>le</strong>s élimine pas commedans <strong>la</strong> science ? » Il y a donc des noms maistous <strong>le</strong>s noms de <strong>la</strong> psychanalyse sont des nomsqui se sont faits par l’é<strong>la</strong>boration de savoir. Freud,Lacan, Mé<strong>la</strong>nie K<strong>le</strong>in, Ferenczi…, – <strong>vous</strong> pouveztous <strong>le</strong>s passer en revue – c’est tous à partir


d’une contribution au savoir analytique. Auniveau de l’acte, dans <strong>la</strong> cure, au quotidienavec <strong>le</strong> patient, on ne thésaurise pas. L'acteest même extrêmement diffici<strong>le</strong> à évaluer.Dès lors, il y a une difficulté actuel<strong>le</strong>ment,non seu<strong>le</strong>ment pour <strong>le</strong>s sujet de <strong>la</strong> civilisationmais aussi pour <strong>le</strong>s psychanalystes, dans <strong>le</strong>capitalisme. L’éthique de l’acte me paraîttoujours plus en tension avec l’éthiquecapitaliste dans <strong>la</strong> mesure où l’éthiquecapitaliste promeut, comme va<strong>le</strong>urfondamenta<strong>le</strong>, l’affirmation personnel<strong>le</strong>. Etça, ça ne va pas avec l’acte analytique.L’affirmation personnel<strong>le</strong>, c’est-à-dire se fairevaloir, se faire entendre, réussir quelquechose qui <strong>vous</strong> pose sa personne. J’ai unpeu l’idée, donc, que <strong>le</strong>s psychanalystessouffrent plus dans <strong>le</strong> discours capitalistedéveloppé que dans un discours capitalistecommençant. C’est peut-être ainsi que l’onpourrait éc<strong>la</strong>irer <strong>le</strong>ur passion actuel<strong>le</strong> pour sefaire entendre hors de <strong>le</strong>ur cabinet. Parcequ’el<strong>le</strong> est patente. Ils veu<strong>le</strong>nt se faireentendre et se faire voir ail<strong>le</strong>urs [rires dansl’auditoire] – je ne l’ai pas fait exprès maisc’est très bien ! Ils cherchent une petitecompensation à ce qu’a de drastique l’acteen lui-même. Il ne faut pas oublier que <strong>le</strong>spsychanalystes eux-mêmes sont des sujets<strong>du</strong> capitalisme. Parce que je suis toujoursgênée quand je <strong>le</strong>s vois dénoncer <strong>le</strong>sanalysants <strong>du</strong> capitalisme ou <strong>le</strong>s nonanalysants<strong>du</strong> capitalisme. C’est vrai que <strong>le</strong>capitalisme remodè<strong>le</strong> tout ça. Mais noussommes dedans, nous ne sommes pasdehors, n’est-ce pas ? Les psychanalysteseux-mêmes sont remaniés par ce<strong>la</strong> et je croisqu'ils cherchent des compensations pourrendre l’obscurité de l’acte analytique vivab<strong>le</strong>pour eux. Ferenczi est <strong>le</strong> premier qui a perçu,en d’autres termes, qu’il y avait un problèmepour supporter l’exercice de <strong>la</strong> psychanalyse.Alors, <strong>la</strong> question est cel<strong>le</strong>-ci : combien detemps ça va <strong>du</strong>rer qu’il y ait des sujets quiacceptent de se consacrer à l’acte analytique? Cette question me paraît plus importanteque de savoir s’il y a encore des analysantspossib<strong>le</strong>s parce que ça, je n’en doute pas <strong>du</strong> tout,bien que <strong>le</strong>s difficultés changent de figure, c’estsûr. Peut-être que cette vio<strong>le</strong>nce-là dont l’analystepaye l’écot à <strong>la</strong> fin n’apparaît pas tout de suite àl'analyste. Il y a aussi, dans <strong>la</strong> vie des analystes,des rythmes. Les analystes débutants sont encoredans une authentique innocence. Lacan définitl’authenticité : c’est celui qui n’a de loi que sondésir. Ils sont tout entiers encore dans <strong>la</strong> questionde : comment soutenir l’acte analytique ?Comment s’assurer de sa validité ? Ils sont dans<strong>la</strong> découverte de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce analyste et de <strong>la</strong>fonction analyste et de comment <strong>la</strong> supporter et,<strong>du</strong> coup, ils sont encore portés par <strong>le</strong> vecteurd’une forme <strong>du</strong> désir de savoir comment mettreen uvre l’acte analytique. Avec l’expérience –disons vingt ans, trente ans – il y a quelque chosequi se perd chez <strong>le</strong>s analystes, je <strong>le</strong> crains. J’aiexalté <strong>la</strong> volonté qu’il fal<strong>la</strong>it mais il y a aussi unepart d’automaton dans l’exercice de <strong>la</strong>psychanalyse. <strong>Je</strong> pense que c’est peut-être avec<strong>le</strong> temps que <strong>le</strong>s analystes commencent às’apercevoir à quel point ils sont entrés dans uneprofession bizarre et qui n’est pas capitalisab<strong>le</strong>,bien qu’ils gagnent <strong>le</strong>ur vie avec ça. C’est commeça que je m’explique que beaucoup hésitentparfois à supporter <strong>le</strong> coup des nouvel<strong>le</strong>sdemandes et cherchent des compensationsnouvel<strong>le</strong>s. Quand je par<strong>le</strong> d’une profession noncapitalisab<strong>le</strong>, si <strong>vous</strong> en doutez, pensez à tel<strong>le</strong>question qui m’était posée aux Etats-Unis où, aumoins, on est sûr que <strong>le</strong> pragmatisme règne.Quelqu’un me disait – et c’est une question qu’onentend souvent quand on va dans certainescontrées – : « Ah, être analyste ? Oui. Très bien.Alors, combien d’années de formation ? Qu’est-ceque ça coûte et qu’est-ce que ça rapporte ? »Alors, si <strong>vous</strong> répondez : « combien d’années deformation, ça, on ne peut pas <strong>le</strong> dire à l’avance.C’est long et c’est indéfini. Donc, combien çacoûte, on ne peut pas <strong>le</strong> dire à l’avance non plus.On n’est même pas sûr que, au terme, çapro<strong>du</strong>ira un psychanalyste. Et combien il vagagner, on <strong>le</strong> sait encore moins ».Alors, là, on sent, au niveau <strong>le</strong> plus externe, unegrande tension avec <strong>le</strong> capitalisme.Donc, mon <strong>titre</strong>, c’était:L’Anticapitalisme de l’Acte Analytique6

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