suisse sans arméeSeptante-neuvième numéro, automne <strong>2008</strong>14Afghanistan: victimes civilesLes <strong>fr</strong>appes aériennes provoquentun revirement de l’opinionpublique et nuisent aux efforts deprotectionLe nombre de civils tués en Afghanistan lors des bombardements aériens des forces des Etats-Uniset de l’OTAN a presque triplé entre 2006 et 2007, problème aggravé par les récentes <strong>fr</strong>appes aériennesmeurtrières qui ont alimenté un revirement de l’opinion publique, selon un nouveau rapport de HumanRights Watch publié aujourd’hui. Le rapport condamne aussi l’utilisation par les Talibans de « boucliershumains », qui constitue une violation des lois de la guerre.Bien que depuis leur apparition en juillet 2007, deschangements opérationnels préconisés par HumanRights Watch aient réduit le nombre de victimes civiles,des tragédies continuent à se produire, par exempleles <strong>fr</strong>appes sur une fête de mariage le 6 juillet <strong>2008</strong> etle bombardement du 22 août <strong>2008</strong> sur Azizabad, quiont nui gravement au soutien local des efforts desforces internationales pour assurer la sécurité enAfghanistan.Le rapport de 43 pages, «‘Troops in Contact’: Airstrikesand Civilian Deaths in Afghanistan» («‘Troupes aucontact’: Frappes aériennes et mort de civils enAfghanistan»), analyse le recours aux <strong>fr</strong>appes aériennespar les forces des Etats-Unis et de l’OTAN et lesvictimes civiles causées par ces <strong>fr</strong>appes, en particulierquand elles sont effectuées pour pallier le manque deforces terrestres et dans des situations d’urgence.Human Rights Watch a observé que les <strong>fr</strong>appes aériennesplanifiées faisaient peu de victimes civiles,tandis que presque toutes les victimes avaient étécausées par des bombardements non planifiés.«Les <strong>fr</strong>appes aériennes des forces de réactionrapide se sont traduites par un nombre plus élevé devictimes civiles, puisque chaque bombe lâchée sur deszones peuplées augmente la probabilité d’une erreur»,a déclaré Brad Adams, directeur pour l’Asie à HumanRights Watch. «Les erreurs commises par les Etats-Unis et l’OTAN ont fait chuter de façon spectaculaire lesoutien de la population au gouvernement afghan et àla présence des forces internationales censées apporterla sécurité aux Afghans.»Le rapport décrit la façon dont les forces insurgéesont contribué aux pertes civiles causées par les <strong>fr</strong>appesaériennes en déployant leurs forces dans desvillages habités, parfois dans l’intention précise de seprotéger elles-mêmes contre des représailles, ce quiconstitue une grave violation des lois de la guerre.Human Rights Watch a relevé plusieurs cas où lesforces des Talibans ont intentionnellement utilisé descivils comme boucliers pour empêcher des attaques dela part des forces sous commandement américain oude l’OTAN.En 2006, 929 civils afghans au moins ont été tuésdans des combats liés au conflit armé. Parmi eux, 699au moins sont morts au cours d’attaques menées parles Talibans (par exemple des attentats suicide etautres attaques illégitimes qui prennent des civils pourcible) et 230 au moins sont morts au cours d’attaquesmenées par les forces américaines ou de l’OTAN.Parmi ces derniers, 116 ont été tués par des <strong>fr</strong>appesaériennes de l’OTAN ou des forces américaines. En2007, 1633 civils afghans au moins ont péri lors decombats liés au conflit armé. Parmi eux, 950 environont péri au cours d’attaques menées par diversesforces insurgées, dont les Talibans et Al-Qaïda. Aumoins 321 d’entre eux ont été tués par des <strong>fr</strong>appesaériennes américaines ou de l’OTAN. Ainsi, les victimesciviles provoquées par les <strong>fr</strong>appes aériennes desforces américaines et de l’OTAN ont presque tripléentre 2006 et 2007.Au cours des sept premiers mois de <strong>2008</strong>, 540 civilsafghans au moins ont été tués dans des combats liésau conflit armé. Parmi eux, 367 au moins ont péri aucours des attaques menées par les diverses forcesinsurgées et 173 sont morts au cours des attaques desforces américaines ou de l’OTAN. Au moins 119 d’entreeux ont été tués par des <strong>fr</strong>appes aériennes desforces américaines ou de l’OTAN. Pour toutes lespériodes citées, Human Rights Watch a utilisé leschif<strong>fr</strong>es disponibles les plus prudents.Human Rights Watch a critiqué la faiblesse desréactions des autorités américaines lorsqu’il y a desvictimes civiles. Avant même l’ouverture d’enquêtessur les <strong>fr</strong>appes aériennes ayant causé des pertesciviles, les autorités américaines nient souvent immédiatementtoute responsabilité pour ces morts de civilsou bien en rejettent la faute sur les Talibans. Lesenquêtes menées par les Etats-Unis ont été unilatérales,laborieuses, et elles ont manqué de transparence,affaiblissant au lieu de les améliorer les relations avecles populations locales et le gouvernement afghan. Unsystème défectueux de paiement de dédommagementsn’a pas offert de compensation suffisante etopportune pour aider les civils affectés par les attaquesaméricaines.
«Les Etats-Unis doivent mettre fin aux erreurs quiprovoquent la mort de tant de civils», a insisté Adams.«Les Etats-Unis doivent aussi assumer leurs responsabilités,par exemple en of<strong>fr</strong>ant des dédommagementsconvenables, lorsque leurs <strong>fr</strong>appes aériennestuent des civils afghans. Si le fait que les Talibansutilisent des boucliers humains joue un rôle dans lamort de certains civils, les Etats-Unis ne devraient passaisir ce prétexte alors qu’ils auraient pu prendre demeilleures précautions. Après tout, ce sont leurs bombesqui tuent.»Les conséquences des <strong>fr</strong>appes aériennes vont audelà des morts de civils. Par exemple, une enquête dugouvernement afghan a révélé que deux attaques surune période de trois jours à partir du 30 avril 2007 dansle district de Shindand avaient entraîné la destructionde nombreuses maisons. Dans chacun des cas examinéspar Human Rights Watch où des <strong>fr</strong>appes aériennesavaient touché des villages, de nombreux civils ont dûquitter le village à cause des dégâts subis par leursmaisons et de crainte de nouvelles <strong>fr</strong>appes. Parfois, leshabitants de villages voisins fuient aussi, craignantd’autres <strong>fr</strong>appes sur leurs villages. Ceci a entraîné ungrand nombre de personnes déplacées à l’intérieur dupays.Pour répondre aux inquiétudes de la population etaux plaintes du Président Hamid Karzaï, en juillet 2007la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF)dirigée par l’OTAN a annoncé plusieurs changementsdans sa tactique de sélection de cibles. Parmi ceschangements, on relève l’emploi de munitions pluspetites, le fait de différer des attaques contre des lieuxoù des civils peuvent être touchés, et le fait de transmettreles fouilles des maisons à l’Armée nationaleafghane. L’examen des indices disponibles suggèreque ces changements ont eu quelque impact, puisqu’ily a eu une chute significative du nombre de victimesciviles causées par des <strong>fr</strong>appes aériennes dans ladeuxième moitié de l’année 2007, alors même que laquantité globale de bombes lâchées avait augmenté.Human Rights Watch a salué ces changementsdans la sélection de cibles, mais est toujours préoccupépar les morts de civils qui continuent à êtreprovoquées par les <strong>fr</strong>appes aériennes, en particulier dufait que le nombre de <strong>fr</strong>appes aériennes a augmenté defaçon spectaculaire et que le nombre de morts et deblessés a bondi cet été.Human Rights Watch a appelé les Etats-Unis etl’OTAN à répondre au bilan de plus en plus lourd decivils tués par des <strong>fr</strong>appes aériennes non programmées,et à résoudre les problèmes persistants del’évaluation des dommages collatéraux sur le terrain etl’application contradictoire de leurs Règles d’engagement.«Les récentes <strong>fr</strong>appes aériennes qui ont tué de trèsnombreux Afghans montrent clairement que le systèmeest encore défectueux et que les civils continuentà payer le prix fort», a observé Adams. «Les morts decivils causées par les <strong>fr</strong>appes aériennes sont un argumentde recrutement pour les Talibans et risquent dedétruire les efforts internationaux pour apporter unesécurité fondamentale au peuple d’Afghanistan.»Article de Human Rights Watch, publié le 8.09.<strong>2008</strong>Nouvelle boutique associative « Ayni »produits du commerce équitable et bioTee-shirts, jeans, pulls en coton bio, cosméthiques, produits naturels, artisanatbolivien (céramiques, sacs,…), laines d’alpaca, bijoux, lessive et produits de nettoyageécologiques, et bien d’autres choses encore!3, rue John Grasset, 1205 Genève (proche place des Augustins et maternité)Horaires: mardi-vendredi 10h-18h30 / samedi : 13h-18h30Tél : 022 321 93 92www.projetswaki.ch/ayni et info@projetswaki.chsuisse sans arméeSeptante-neuvième numéro, automne <strong>2008</strong>15