suisse sans arméeSeptante-neuvième numéro, automne <strong>2008</strong>4Pilatus au Guatemala:« Ces avions qui nousbombardaient »Le Guatemala est avec la Birmanie le pays dans lequel les avions Pilatus ont été engagés contre lapopulation civile depuis le plus longtemps - et le plus brutalement. Rétrospective vers l’un des chapitresles plus sombres de l’histoire des exportations de matériel de guerre suisses.Le Guatemala a un triste passé. Durant des décennies,dictature après dictature se succédèrent, degrosses entreprises états-uniennes s’enrichirent surles ressources du pays, et la couche supérieure, constituéedes Ladinos descendant des Espagnols, opprimala population indigène. En 1960 éclata la terribleguerre civile qui dura jusqu’en 1996, date de la conclusionofficielle de la paix. Approximativement 200'000personnes - en grande majorité des Indigenas - furentassassinées par l’armée guatémaltèque et par lestroupes paramilitaires mises sur pied par l’armée. 500villages furent rasés, leurs habitant-e-s violées et massacré-e-s.Rapports de témoins oculairesEn 1980 apparurent les premiers rapports de témoinsoculaires, selon lesquels - lors de la sanglanteguerre civile du Guatemala - les militaires bombardaientles villages Indios avec des avions PC-7. SoeurPetronilla - habitant la région montagneuse du Guatemala- raconte ce qui suit à propos de l’attaque del’armée de l’air guatémaltèque du 1er décembre 1981dans le département de Quiche: «L’armée s’est mise àReconversion:nous bombarder et nous a pris sous le feu de mitrailleuses.Je ne sais pas comment, mais certains avionsvolaient très bas et lâchaient une quantité de bombes.Nous avons tous commencé, tant bien que mal, à nousréfugier dans les sous-bois. Les enfants se sont mis àhurler ... Les femmes appelaient leurs enfants, parcequ’elles les avaient perdus et qu’elles ne les retrouvaientpas. Comme nous avons dû courir: courir ...courir ... courir ... Par la suite, tout en parlant tranquillemententre nous, nous avons commencé à réaliserque ces avions qui nous bombardaient étaient de ceuxque l’on appelle Pilatos, qui sont équipés d’artilleriepour nous bombarder.»Jusqu’en 1985, les troupes gouvernementales engagèrentsystématiquement des avions Pilatus contrela population civile indigène. L’engagement militaired’avions suisses inquiéta l’opinion mondiale et provoquamême une intervention diplomatique du gouvernementbritannique à Berne. En 1989, le Conseiller fédéralVilliger confirma pour la première fois que desavions Pilatus avaient été engagés contre la populationcivile, et ce n’est qu’en 1993 que la fabrique Pilatusreconnut officiellement ce scandale.Rahel Ruch, trad.: EPOerlikon - moins de canons et plusde systèmes photovoltaïques ?Oerlikon Solar est une filiale «civile» du groupeOerlikon. Aux côtés de la RUAG (le groupe d’entreprisesd’armement propriété de la Confédération), Mowag(fabricant de blindés) et Pilatus (avions légers utilisésdans les guerres civiles surtout dans les pays du Sud),Oerlikon est l’un des quatre principaux fabricants d’armessuisses. Les canons antiaériens livrés cette annéeau Pakistan, c’est Oerlikon. Basée à Trübbach (SG)Oerlikon Solar prévoit une croissance spectaculairedans le secteur de la production de systèmes photovoltaïquesqui va doubler le nombre de ses 400 employésen Suisse d’ici la fin 2009. En plus, Oerlikon Solar vientd’ouvrir une deuxième usine à Singapour. «Singapour?Ce pays, dont la taille correspond à celle de laSuisse, a décidé de miser à fond sur les technologiessolaires. Nous sommes contents pour eux. Mais, ce quidésole Christophe Ballif, Directeur du laboratoire photovoltaïqueà l’Institut de microtechnique de Neuchâtel,c’est que les milieux politiques et économiques suissesn’aient toujours pas compris l’importance de cet enjeu.‘En Suisse, les crédits de recherche dans le domaineénergétique baissent, alors que Singapour a décidéd’investir 150 millions de dollars sur cinq ans dans cettetechnologie!’. Johannes Meier, Directeur de recherchechez Oerlikon Solar, partage cette <strong>fr</strong>ustration: ‘LaSuisse est le pays des discussions éternelles. C’estdommage.‘ Cherchez l’erreur».Infos et extrait de l’article «Oerlikon Solar, pépite des Alpes» parudans l’Hebdo du 21.08.08 http://www.hebdo.ch/edition/<strong>2008</strong>-34/actuels/economie/oerlikon_solar_pepite_des_alpes.htmTS
Initiative pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre:L’impact des exportations d’armessur le développementIl y a fort à parier que les débats en marge de la votation pour l’interdiction d’exporter du matériel deguerre tourneront surtout autour de l’impact économique en Suisse et sur les conséquences pour sadéfense armée. Pourtant, le véritable enjeu de cette initiative se trouve ailleurs: il s’agit de permettre ànotre pays d’œuvrer à la coopération internationale sans en même temps alimenter des conflits quiempêchent le développement des pays les plus pauvres.La Suisse n’est pas un grand exportateur de matérielde guerre, mais elle est pourtant le deuxième plusgrand exportateur «officiel» de munitions pour armesde petit calibre 1 . La production mondiale annuelle detelles munitions est estimée à 14 milliards, ce qui faitprès de 2 balles pour chaque être humain, et ce sonteffectivement ces armes-là qui font le plus de victimes.Le mois dernier, la Déclaration de Genève sur laviolence armée et le développement a publié un rapportmesurant le fardeau que constitue la violence armée:chaque année celle-ci tue plus de 740'000 personnesdirectement ou indirectement, les deux tiers hors conflit,occasionnant pour l’économie une perte de productivitédue aux décès dépassant les $100 milliards 2 . Onsait que la violence non-armée, soit la violence structurelledu système politico-économique qui laisse desgens mourir de faim et de maladies curables, tue dansdes proportions encore plus grandes, mais est-ce làune raison de ne pas tenter de juguler l’hécatombe dueà la surabondance des armes dans notre monde?Au-delà des victimes qui tombent sous les balles,bombes et autres engins de mort, les armes ont unimpact extrêmement négatif sur le développement despays où elles sont le plus souvent employées et quisont comme par hasard les pays «en développement».En décimant et mutilant des communautés entières, entransformant les champs en terrains minés, en surchargeantdes systèmes de soins déjà rudimentaires,en détruisant les rares in<strong>fr</strong>astructures civiles et l’environnementnaturel, les armes en général entraventdirectement le développement socio-économique despays les plus pauvres. Mais c’est peut-être de manièreindirecte qu’elles sont les plus néfastes: elles coûtenttout comme l’entretien des armées qu’elles équipent.Certains pays dépensent davantage pour la défensenationale que pour l’éducation et la santé de leurspopulations! Doit-on vraiment profiter de leur mauvaischoix de priorité, en leur vendant du matériel de guerre?Enfin, le déséquilibre croissant entre l’investissementpour la sécurité armée et les moyens mis àdisposition pour la prévention des conflits par la coopérationinternationale, devrait nous interpeller. Les dépensesmilitaires mondiales ont presque doublé ces dixdernières années pour atteindre le montant record de$1'339 milliards en 2007 3 . Face à cela, les aidespubliques au développement ne totalisaient que $103.7milliards 4 , soit treize fois moins! alors qu’on s’accordede plus en plus pour reconnaître que les défis pour lasécurité humaine sont avant tout économiques et écologiques.Le parlement a récemment accepté d’augmenterde CHF 300 millions l’enveloppe d’aide audéveloppement sur quatre ans (il refuse toujours d’yconsacrer le 0.7% du PNB fixé par l’ONU), mais à quoibon se donner plus de ressources pour des programmesdont la réalisation est compromise par nos exportationsd’armes?Au premier semestre de cette année, la Suisse aexporté pour CHF 348 millions de matériel de guerre ets’apprête à dépasser le record de 587 millions en 1987.Ces montants restent dérisoires par rapport au commercemondial des armes et même par rapport aux 14milliards des exportations annuelles suisses, mais leseffets dévastateurs de ces armes sont, on l’a vu,autrement plus importants. Osons espérer que le signalque la Suisse donnerait en décidant de ne plusalimenter la violence armée de par le monde, aura unimpact inversement proportionnel à celui du matérielde guerre qu’elle continue de vendre en toute bonneconscience. Être neutre ne signifie pas être insensibleaux tragédies que l’on permet de se produire, ni de nepas être responsable de ce qu’on met entre les mainsd’autrui.Frédéric Durand1 Avec une valeur annuelle moyenne de $ 40 million entre 2002 et2004, la Suisse arrivait en seconde position (après les USA)parmi les 107 pays annonçant leurs exportations de petitemunition (cf: http://www.controlarms.org/en/documents%20and%20files/reports/english-reports/ammunitionthe-fuel-of-conflict)2 Voir le site: http://www.genevadeclaration.org/resources-armedviolence-report.html3 Source: Stockholm International Peace Research Institutewww.sipri.org4 Source: Organisation de coordination et de développementéconomiques: cwww.oecd.org1948-<strong>2008</strong>: Palestine colonisée - peuple dépossédé.Action de rue à Genève (photo: DF).suisse sans arméeSeptante-neuvième numéro, automne <strong>2008</strong>5