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L'herbe du Diable et la petite fumée - Jeff Le MAT

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L’HERBE DU DIABLE ET LA PETITE FUMÉE 119en tailleur <strong>et</strong> je ne me souvenais pas d’avoir changé de position. Il m’a fallu un certain tempspour bien comprendre que j’étais assis sur le sol d’une sorte de cloître avec de hautes arcades.J’ai d’abord cru qu’elles étaient en brique, avant de découvrir qu’elles étaient en fait en pierre.La transition a été très pénible. Ce<strong>la</strong> est venu si vite que je n’y étais pas préparé. Ma vision étaitdevenue diffuse, comme dans un rêve, mais les éléments étaient les mêmes. Ils se tenaientparfaitement immobiles <strong>et</strong> je pouvais les observer à loisir. Cependant, <strong>la</strong> vision était moins c<strong>la</strong>ire<strong>et</strong> plus irréelle que celle pro<strong>du</strong>ite par le peyotl, avec quelque chose de brumeux mais d’extrêmement p<strong>la</strong>isant, comme un dessin au pastel.J’ignorais si j’al<strong>la</strong>is pouvoir me lever. C’est alors que j’ai constaté que je m’étais dépassé. Je m<strong>et</strong>enais en haut d’un escalier <strong>et</strong> H., une amie à moi, était debout en bas. Elle avait les yeuxfiévreux. On y distinguait une lueur insensée. Elle a éc<strong>la</strong>té de rire, avec une intensité horrible,puis elle a commencé de gravir l’escalier. Je vou<strong>la</strong>is me sauver ou me cacher, parce que jesavais que déjà une fois « elle avait un peu per<strong>du</strong> <strong>la</strong> boule ». C’est ainsi que <strong>la</strong> chose s’estprésentée à mon esprit. Je me suis dissimulé derrière une colonne, <strong>et</strong> H. est passée à côté demoi sans me voir. « La voilà partie pour un long voyage », me suis-je dit ; <strong>et</strong> finalement j’aipensé : « Elle rit comme ce<strong>la</strong> à chaque fois qu’elle va faire une dépression. »La scène est soudain devenue très c<strong>la</strong>ire, plus <strong>du</strong> tout comme dans un rêve. On aurait dit unescène ordinaire que j’aurais regardée par une fenêtre. J’ai voulu toucher une colonne maisj’étais incapable de bouger. Cependant, je savais que je pouvais rester aussi longtemps que jele vou<strong>la</strong>is à regarder c<strong>et</strong>te scène. J’y étais sans cependant en faire partie.La pensée rationnelle <strong>et</strong> son argumentation me semb<strong>la</strong>ient bloquées. Je me sentais cependantdans un état de bon sens absolu, <strong>et</strong> les éléments autour de moi semb<strong>la</strong>ient parfaitementordonnés, alors que je me savais dans un état normalLa scène avait changé brutalement. C’était <strong>la</strong> nuit. J’étais dans le vestibule d’un bâtiment.L’intérieur sombre m’a soudain fait remarquer qu’au début le soleil rayonnait. Mais j’avais trouvéce<strong>la</strong> tout à fait naturel. J’ai vu alors un jeune homme sortir d’une pièce avec un gros sac sur ledos.120 L’HERBE DU DIABLE ET LA PETITE FUMÉEJ’ignorais qui c’était, mais j’avais déjà dû le voir une fois ou deux. Il m’a croisé <strong>et</strong> il a descen<strong>du</strong>l’escalier. J’avais oublié mes craintes <strong>et</strong> les dilemmes de ma raison. Je me suis demandé de quiil s’agissait <strong>et</strong> pourquoi je le voyais.La scène a changé à nouveau. J’étais en train de regarder le jeune homme mutiler les livres. Ilcol<strong>la</strong>it des pages ensemble, il effaçait des marques <strong>et</strong>c. Puis je l’ai vu ranger des livres dansune caisse. Il y en avait toute une pile. Elles n’étaient pas chez lui mais dans une sorted’entrepôt. D’autres images me sont venues à l’esprit, mais elle n’étaient pas très c<strong>la</strong>ires. Puistout est devenu brumeux <strong>et</strong> j’ai eu <strong>la</strong> sensation de tournoyer sur moi-même.Don Juan m’a secoué par l’épaule <strong>et</strong> je me suis réveillé. Il m’a aidé à me relever <strong>et</strong> nous avonsmarché jusqu’à sa maison. Trois heures <strong>et</strong> demie s’étaient écoulées depuis que j’avaiscommencé à frotter <strong>la</strong> pâte sur mes tempes, mais <strong>la</strong> vision ne pouvait pas avoir <strong>du</strong>ré plus de dixminutes. Je ne ressentais aucun ma<strong>la</strong>ise, j’avais seulement faim <strong>et</strong> très envie de dormir.Jeudi 18 avril 1963Hier soir, don Juan m’a demandé de lui décrire monexpérience récente, mais j’avais trop sommeil pour ce<strong>la</strong>, <strong>et</strong>je n’arrivais pas à me concentrer. Il m’a redemandé ce<strong>la</strong>aujourd’hui, sitôt mon réveil.– Qui vous a dit que c<strong>et</strong>te nommée H. avait per<strong>du</strong> <strong>la</strong>boule ? m’a-t-il demandé à <strong>la</strong> fin de mon récit.– Personne, c’est simplement une des idées qui me sont

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