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Robert Cerruti, Les cinémas de Nyon des origines à nos jours

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<strong>Les</strong> cinémas <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong><strong>de</strong>s <strong>origines</strong> à <strong>nos</strong> <strong>jours</strong><strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>


LE CINEMA NATIONAL, 1912-1930L'actuel hôtel Beau-Rivage est un ancien bâtiment qui supporteallègrement son âge puisqu’il a plus <strong>de</strong> cinq cents ans. Il a la chance <strong>de</strong>flirter avec le beau Léman grâce à son emplacement privilégié le long duquai <strong>de</strong>s Alpes à <strong>Nyon</strong>. Au tout début, vers 1480, cet immeuble abritaitle Grand logis <strong>de</strong> la Croix Blanche. Au cours <strong>de</strong>s ans, l’hôtel subit <strong>de</strong>multiples et parfois très importantes transformations. Il changeplusieurs fois <strong>de</strong> propriétaires, il a même été propriété <strong>de</strong> la commune<strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> <strong>de</strong> 1867 à 1873. Tout au long <strong>de</strong> sa longue existence, parsemée<strong>de</strong> moments <strong>de</strong> délabrement ou <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> gloire, il a vu défilerd’importantes personnalités. En 1779, le célèbre écrivain allemandJohann Wolfgang von Goethe (1749-1832), accompagné du grand ducCharles-Auguste <strong>de</strong> Weimar dont il fut le ministre, y ont séjourné. Dèsla fin du XIXe siècle, on retrouve l’établissement sous le nomHôtel Pension Beau-Rivage.1. L’hôtel au début 1900 1 .1Archives <strong>de</strong> la famille Schoch, <strong>Nyon</strong>.- 5 -


En 1899, la presse locale vante l’hôtel pour ses belles chambres, sacuisine soignée, sa terrasse ombragée et la possibilité pour les hôtespassionnés par l’image d’utiliser une chambre noire pour laphotographie.2. Chambre noire pour photographie 2 .En 1903, la Ville <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> commence à installer la fée électricitédans différents quartiers. M. Louis Dorier, architecte, fait une<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la Municipalité au nom <strong>de</strong> M. Brun propriétaire, afin quel’Hôtel Beau-Rivage soit raccordé au réseau électrique. En 1904, l’hôtelest enfin alimenté par cette nouvelle source d’énergie. Après <strong>de</strong> trèslongues rénovations entreprises par le propriétaire et terminées en1905, l’établissement <strong>de</strong>vient l'Hôtel National Beau-Rivage.NYONOn annonce la réouverture <strong>de</strong> l’HôtelNational-Beau-Rivage. L’ancien établissement<strong>de</strong>puis si longtemps fermé, a été complètementrestauré. Sa superbe position au bord <strong>de</strong> l’eaului attirera certainement une clientèle nombreuse.J.N., 26 juillet 1905.Afin d’attirer la population <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et <strong>de</strong>s environs dans sonétablissement rénové, M. Brun organise <strong>de</strong>s soirées récréatives enhiver et les bals y sont fort appréciés dans le grand salon.2Gilbert Rochat, L’Hôtel Beau-Rivage <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> a 500 ans, <strong>Nyon</strong>, 28 octobre 1981, p. 17.- 6 -


3. Bal masqué 3 .Au mois d'octobre 1912, la Municipalité <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> apprendofficieusement par la presse locale qu'un cinématographe permanentvient <strong>de</strong> s'ouvrir dans l'Hôtel National Beau-Rivage et que lesspectacles qui ont débuté le 5 octobre 1912 sont suivis par <strong>de</strong>nombreux enfants.4. Ouverture du cinématographe permanent 4 .Le premier programme proposé les 5 et 6 octobre 1912 est composéd’une série <strong>de</strong> petits films regroupant différents genrescinématographiques. Le prix d'une séance est relativement élevé,comme on le voit sur la publicité ci-<strong>de</strong>ssous, puisqu'il faut débourser40 centimes pour obtenir 1 kg <strong>de</strong> pain à cette époque !1. Côte d'Azur (Corniche) (Paysages)2. Pâques <strong>de</strong> la Reine aveugle (drame couleur)3. Petit tambour d'Austerlitz (drame historique à grand spectacle)4. Le chemin du bonheur (comédie très fine)5. Bébé fait chanter sa bonne (comique irrésistible joué parle jeune Aboilard)6. Grand Machin et petit Chose (comique à trucs)7. Robinet se livre aux sports d'hiver (bon comique fou rire)Ires places, 0,80; IImes places, 0,60; IIImes places, 0,40.C.C., 5 octobre 1912.Le 16 octobre 1912, la Municipalité réagit à ces projections :3J.N., 27 décembre 1905.4C.C., 1 er octobre 1912.- 7 -


M. le Syndic propose que les films à projeter sur l'écran soientpréalablement soumis à la Municipalité afin d'éviter que la jeunesse <strong>de</strong>sécoles ait sous les yeux <strong>de</strong>s scènes immorales ou qui frappent tropvivement l'esprit 5 .En 1910, <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> surveillance avaient déjà été prises :M. Goumaz, Directeur <strong>de</strong>s Ecoles, se présente au cours <strong>de</strong> la séance et,à l'occasion <strong>de</strong> la présence à <strong>Nyon</strong> du cinématographe Weber Clément,attire l'attention <strong>de</strong> la Municipalité sur le fait qu'il y aurait utilité,selon lui, à exercer, à l'avenir, une surveillance sur le programme <strong>de</strong>sreprésentations cinématographiques <strong>de</strong>stinées aux enfants.- LaMunicipalité est d'accord et le charge <strong>de</strong> faire le nécessaire 6 .Monsieur Alexandre Brun, propriétaire directeur <strong>de</strong> l'hôtel <strong>de</strong>puis1902, s'intéresse vivement au cinématographe. Il attire avec sesprojections <strong>de</strong> nouveaux clients, curieux <strong>de</strong> découvrir les actualitésfilmées, les spectacles instructifs et les vues comiques.5. Projecteur utilisé à l’hôtel Beau-Rivage 7 .5ACN BLEU A-73, p. 435, 16 octobre 1912.6 ACN BLEU A-72, p. 263, 11 avril 1910. Weber-Clément, un forain vaudois qui sillonne laRomandie <strong>de</strong>puis 1903 avec son Ciné-National-Suisse <strong>de</strong> 1200 places et un écran <strong>de</strong> 40 m 2.7Collection privée.- 8 -


L'hôtel gagne encore en convivialité par la possibilité donnée auxspectateurs d'étancher leur soif ou <strong>de</strong> se restaurer dansl'établissement, avant ou après le spectacle cinématographique, etmême <strong>de</strong> s'adonner au plaisir <strong>de</strong> la danse dans le grand salon. Café, salleà manger, salle <strong>de</strong> divertissement, grand balcon, jardin aménagé, cinémaet emplacement avec vue panoramique sur le lac et les Alpes sont <strong>de</strong>satouts indéniables.Bien avant l'hôtel Beau-Rivage, d'autres établissements hôteliersen Suisse avaient déjà ouvert leurs portes à la merveilleuse etpassionnante attraction du cinématographe. Certains propriétairesastucieux avaient même installé un projecteur cinématographique dansune pièce jouxtant la salle à manger. En pratiquant une fenêtre <strong>de</strong>projection dans le mur donnant dans ladite salle, ils pouvaient offrir uneprojection à leurs hôtes après le repas du soir.Il est à noter que quelques séances isolées <strong>de</strong> projection avaientdéjà été organisées par <strong>de</strong>s projectionnistes ambulants <strong>de</strong> passage àl'hôtel Beau-Rivage avant l’ouverture du premier cinématographepermanent nyonnais.Avant que l’image ne s’anime, le 27 janvier 1893, <strong>de</strong>s Projectionsphotographiques lumineuses sont présentées dans le grand salon <strong>de</strong>l'hôtel. La soirée est dirigée par Monsieur Milsom <strong>de</strong> Genève sous lesauspices <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> tempérance <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. Le prix <strong>de</strong> la carted’entrée s'élève à 20 centimes.Le 25 octobre 1908, le cinématographe The Royal Sun donne les<strong>de</strong>ux premières représentations cinématographiques connues à l’hôtel.Le public peut assister à ce spectacle <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures et <strong>de</strong>mie pour leprix <strong>de</strong> Fr. 1.50, ce qui n'est sûrement pas à la portée <strong>de</strong>s boursesmo<strong>de</strong>stes.PROGRAMME.Le règne <strong>de</strong> Louis XIV. <strong>Les</strong> effets <strong>de</strong>l’orage.- <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux amis (grand drame).- Lachasse à l’ours en Sibérie.- Le sport auJapon.- Ascension périlleuse dans les Alpeset plusieurs autres vues à succès etinconnues jusqu’à ce jour.Prix <strong>de</strong>s places : un franc et 50 centimes.C.C., 25 octobre 1908.<strong>Les</strong> 1 er et 2 janvier 1910, pour agrémenter les fêtes du jour <strong>de</strong> l'An,- 9 -


le Mo<strong>de</strong>rn-Ciné propose son spectacle instructif et amusant. Leprogramme n'est pas publié, mais il est recommandé pour distraire aussiles enfants.Peu avant l’ouverture du cinématographe à l’hôtel Beau-Rivage, enseptembre 1912, une requête est lancée pour ouvrir un cinémapermanent dans notre cité. C’est M. Albert Rochat <strong>de</strong> Vouvry qui en faitla <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, mais la Municipalité repousse cette requête pour caused’inopportunité. Le Conseil d’Etat informe les autorités nyonnaises viaM. le Préfet que l’on ne peut pas empêcher M. Rochat <strong>de</strong> s’établir à<strong>Nyon</strong>. M. le Préfet ajoute que les entreprises cinématographiques sontsoumises, dans l'intérêt <strong>de</strong> la sûreté publique & <strong>de</strong> la moralité, aucontrôle préalable <strong>de</strong> la police, et qu'il y a lieu <strong>de</strong> veiller à l'application<strong>de</strong> l'art. 73 <strong>de</strong> la loi sur la police du commerce, comme aussi à ce que lesspectacles offerts n'aient rien <strong>de</strong> contraire à la morale, n'aient trait nià la préparation, ni à l'exécution <strong>de</strong> crimes ou <strong>de</strong> délits, et à ce que lesenfants <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 16 ans n'y soient admis qu'accompagnés <strong>de</strong> leursparents ou tuteur 8 . M. Rochat, probablement échaudé par la réponse <strong>de</strong>la Municipalité, abandonne son projet d’établissement à <strong>Nyon</strong>.A l'ouverture du cinéma permanent <strong>de</strong> l’hôtel Beau-Rivage,le 5 octobre 1912, c'est M. Jaques-Otto Hofer <strong>de</strong> St. Gall qui s'occupe<strong>de</strong> la projection et les annonces <strong>de</strong> presse sont libellées sous le nom <strong>de</strong>Cinéma permanent.6. Cinéma permanent 9 .8ACN BLEU A-73, p. 465, 18 novembre 1912.9C.C., 27 octobre 1912.- 10 -


En décembre <strong>de</strong> la même année, les annonces <strong>de</strong> M. Hofer portentle nom <strong>de</strong> Américan Cinéma.7. Américan cinéma 10 .<strong>Les</strong> affichettes <strong>de</strong>s mois <strong>de</strong> février et mars 1913 annoncentAméricain Bio Cinéma.8. Américain Bio Cinéma 11 .10C.C., 21 décembre 1912.11ACN, revue <strong>de</strong> presse.- 11 -


C'est M. Edouard Novel, rue Coutau 11 à Genève qui donne lesreprésentations pendant cette <strong>de</strong>rnière pério<strong>de</strong> et l'agenceHaasenstein & Vogler <strong>de</strong> Genève s'occupe <strong>de</strong> la publicité dans la presselocale.Lors <strong>de</strong> sa séance du 9 décembre 1912, la Municipalité <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>déci<strong>de</strong> d'imposer une taxe <strong>de</strong> surveillance <strong>de</strong> 2 francs par jour <strong>de</strong>représentation cinématographique donnée dans la commune. Pendantcette même séance, lecture est faite d'une lettre <strong>de</strong> la Sociétévaudoise <strong>de</strong>s amis du jeune homme <strong>de</strong> Lausanne qui attire l'attention<strong>de</strong>s autorités sur l'influence délétère que les spectaclescinématographiques exercent sur la jeunesse <strong>de</strong>s écoles et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>quelle est la situation faite à <strong>Nyon</strong> aux cinématographes.Concernant la sécurité du cinématographe installé à l'hôtel Beau-Rivage par Edouard Novel, le brigadier Morel confirme qu'il répon<strong>de</strong>ntièrement aux exigences <strong>de</strong> l'arrêté du Conseil d'Etat vaudois du10 mars 1909. <strong>Les</strong> propriétaires <strong>de</strong> cinématographes avaient déjà étéavertis <strong>de</strong>s conditions d’exploitation <strong>de</strong> leurs appareils en 1909. Eneffet le Conseil d’Etat arrête à l’époque que <strong>de</strong> coûteuses sanctionsseront encourues en cas <strong>de</strong> non-respect <strong>de</strong>s conditions légales.<strong>Les</strong> cinématographes.Le Conseil d'Etat, voulantétablir une surveillance <strong>de</strong>s cinématographes,en vue d'éviter lesacci<strong>de</strong>nts, a pris, en date du 10mars, un arrêté indiquant d'unefaçon détaillée les mesuresauxquelles sera soumis dorénavantl'emploi <strong>de</strong> ces appareils.Aucun cinématographe nepourra être établi et mis enactivité sur le territoire du cantonquel que soit l'usage auquel il est<strong>de</strong>stiné, sans une autorisation <strong>de</strong>la préfecture compétente.<strong>Les</strong> contrevenants à cet arrêtéseront passibles d'amen<strong>de</strong>s allantjusqu'à 300 francs.J.N., 20 mars 1909.- 12 -


L’accès à la salle <strong>de</strong> projection se fait par l’entrée principale <strong>de</strong>l’hôtel, rue <strong>de</strong> Rive. La billetterie indépendante est située à droite enentrant et la salle se situe à gauche dans la pièce occupée actuellementpar les cuisines <strong>de</strong> l’hôtel. <strong>Les</strong> sièges mobiles sont répartis sur unplancher <strong>de</strong> bois par rang <strong>de</strong> onze et en trois catégories, 1 ères , 2 èmes et3 èmes places. La cabine <strong>de</strong> projection en tôle est placée à l’extérieur <strong>de</strong>la salle <strong>de</strong> projection, côté lac. <strong>Les</strong> projections du cinéma <strong>de</strong> l’hôtelBeau-Rivage ont tou<strong>jours</strong> été muettes ; cependant au pied <strong>de</strong> l’écran,situé côté rue <strong>de</strong> Rive, un piano droit permettait à <strong>de</strong>s artistesoccasionnels d'agrémenter les scènes. Parfois, un ou plusieurs musiciensaccompagnent avec beaucoup <strong>de</strong> zèle les événements qui se déroulentsur la toile. Ils sont souvent recherchés par le biais d’un entrefiletinséré dans les publicités <strong>de</strong>s films paraissant dans la presse locale : On<strong>de</strong>man<strong>de</strong> un ou une pianiste, s'adresser à la caisse du Cinéma 12 .M lle Violette Henry, professeur <strong>de</strong> piano à <strong>Nyon</strong>, m’a confirmé en 1973avoir accompagné certains films au piano en adaptant dans la mesure dupossible le genre <strong>de</strong> musique aux images projetées. Exercice parfoisdélicat lors <strong>de</strong> transitions rapi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> scènes gaies à d’autres, tristes,sentimentales ou violentes.9. Mlle Violette Henry et son célèbre chat Pacha 13 .12 J.N., 26 septembre 1924.13ACN, fonds Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. Mlle Henry était très fière que son chat Pacha soit engagé dans unspectacle donné au Grand Théâtre <strong>de</strong> Genève.- 13 -


Se faisant sans doute le relais d’une information diffusée par uneagence <strong>de</strong> presse internationale, le journal local nous informe sur lamanière dont on percevait le cinéma et le doute que suscitait sonpouvoir :La cinémanie. Ces <strong>jours</strong> <strong>de</strong>rniers, une bataille acharnée s'est livrée dans leTirol. A l'entrée <strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> Ziller s'élève sur une hauteur un vieux châteauen ruine, Kropfberg. Huit cents soldats le défendaient, 1600 Tyroliensl'attaquaient. Ne croyez pas à un inci<strong>de</strong>nt qui va compromettre la paix <strong>de</strong>l'Europe. Une entreprise <strong>de</strong> cinématographie avait simplement voulureconstituer le combat qui s'est livré à cette même place en 1809 entre lestroupes françaises et les ban<strong>de</strong>s d'Andreas Hoefer [sic] et <strong>de</strong> Speckbacher.La reconstitution était, paraît-il, fort intéressante. Des trains spéciauxavaient amené sur le champ <strong>de</strong> bataille les francs-tireurs <strong>de</strong> tous les villagesvoisins dans leur costume historique. D'autres paysans arrivaient armés <strong>de</strong>piques, <strong>de</strong> faux, <strong>de</strong> fourches, <strong>de</strong> fléaux même.Chose remarquable, il n'y eut pas besoin <strong>de</strong> stimuler l'ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>scombattants ; les généraux – ou les metteurs en scène, si vous voulez – eurentmême toutes les peines à retenir leurs troupes, qui y allaient bon jeu bon argent.La combativité naturelle s'est éveillée et la lutte prenait une telle animation que<strong>de</strong> nombreux soldats étaient transportés aux ambulances assez gravementatteints <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> baïonnettes. Enfin, tout le mon<strong>de</strong> dans l'ordre et unincendie du château couronna le spectacle.Contre <strong>de</strong> telles reconstitutions, il n'y a rien à objecter. Il en est autrementd'une scène qui se passa la semaine <strong>de</strong>rnière à Berlin. Un pauvre diable, quiavait déjà essayé <strong>de</strong> se suici<strong>de</strong>r, se précipita du haut <strong>de</strong> la colonne <strong>de</strong> la Victoireet vint s'abîmer sur le sol. Des opérateurs <strong>de</strong> cinématographe enregistraient sachute et son effroyable écrasement. Ils ont affirmé, <strong>de</strong>puis qu'ils pensaientseulement assister à une <strong>de</strong>scente en parachute, que le parachute avait malfonctionné, etc. La foule n'interpréta pas les choses ainsi : elle crut qu'ils étaientlà pour photographier la mort d'un homme et que le pauvre diable avait vendusa peau. Elle faillit écharper les photographes.Quoi qu'il en soit, l'importance croissante <strong>de</strong>s « reconstitutions » et <strong>de</strong>s« mises en scène » pour cinématographe est une caractéristique curieuse et unpeu inquiétante <strong>de</strong> notre époque. Naufrages, incendies, batailles, catastrophes etcrimes <strong>de</strong> tout genre sont organisés avec un réalisme croissant pour êtreenregistrés par les opérateurs.Déjà <strong>de</strong> nombreux pauvres diables ont perdu la vie dans ces aventures et sesont noyés ou écharpés pour tout <strong>de</strong> bon.Attendons-nous à voir un <strong>de</strong> ces jour une guerre entre républiques centreaméricainesorganisée par <strong>de</strong>s cinématographes.J.N., 4 octobre 1912.Le 2 janvier 1913, une nouvelle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sollicitant l’autorisationd’installer un cinématographe à <strong>Nyon</strong> est déposée. Elle émane <strong>de</strong>M. Francis Aubert d'Aarau. La Municipalité, sachant désormais qu’ellene peut légalement refuser cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, s’enquiert auprès <strong>de</strong>- 14 -


dimanche, <strong>de</strong> 15h. à 23h., il doit débourser Fr. 25.-. La Municipalitérevient sur sa décision en arrêtant une taxe fixe <strong>de</strong> Fr. 15.- pardimanche. Le samedi, la taxe est fixée à Fr. 15. - pour le programme <strong>de</strong>20h. à 23h.Le cinématographe, ce nouveau spectacle, a mauvaise réputation.<strong>Les</strong> opposants avancent plusieurs arguments soutenus par <strong>de</strong>s autoritésscientifiques, comme l’illustre un article, probablement <strong>de</strong> sourceaméricaine, paru dans le Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.<strong>Les</strong> cinématographes. <strong>Les</strong>visites prolongées et fréquentes à<strong>de</strong>s représentations cinématographiquesprovoquent, assez souvent,un malaise qui naturellement a sonpoint <strong>de</strong> départ aux yeux, mais quise manifeste aussi par <strong>de</strong>s troublesnerveux et gastriques, ainsi que par<strong>de</strong> violents maux <strong>de</strong> tête. Unoculiste, le Dr Gould, a publié, dansune revue médicale américaine, lerésultat <strong>de</strong> sa longue expérience surcette question. Il estime que lesconséquences <strong>de</strong> l’abus <strong>de</strong> ces représentationssont les mêmes quecelles que produit le surmenage <strong>de</strong>la vue, qui provoque les migrainessous les formes les plus diverses.Parmi les symptômes <strong>de</strong> cettemaladie, on constate, le plus souventune sensation <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>lassitu<strong>de</strong> du cerveau, le manqued’appétit, <strong>de</strong>s vomissements même,et <strong>de</strong>s insomnies prolongées.J.N., 3 mars 1913.<strong>Les</strong> autorités nyonnaises craignent aussi que le cinéma porteatteinte à la morale et à la santé <strong>de</strong>s enfants. L’avis suivant publié parles édiles locaux en témoigne clairement.- 17 -


Enfants et cinématographes.La fièvre cinématographique sévit à <strong>Nyon</strong>comme ailleurs. Il y a assez longtemps déjà queles autorités municipales et scolaires sepréoccupent <strong>de</strong>s moyens à employer pourpréserver la jeunesse <strong>de</strong>s émotions malsaines queles représentations excitantes et les filmssensationnels produisent sur les imaginations.Dans l'impossibilité <strong>de</strong> réagir aussi complètementqu'elles l'auraient désiré, et à titre <strong>de</strong>mesure préventive en attendant les dispositionsdéfinitives que le Conseil d'Etat élabore actuellement,la Municipalité et la Commission scolaireont été d'accord pour déci<strong>de</strong>r :1° De déconseiller vivement aux parents <strong>de</strong>conduire leurs enfants aux représentationsordinaires <strong>de</strong>s cinématographes, où l'enfant serepaît ou bien <strong>de</strong> niaiseries ou surtout <strong>de</strong>spectacles <strong>de</strong> carnages et <strong>de</strong> sensations violentespour le grand détriment <strong>de</strong> l'éducation morale etdu système nerveux.2° D'interdire formellement, dès ce jour, auxenfants non accompagnés <strong>de</strong> personnes responsablesla fréquentation <strong>de</strong>s représentations ordinaires<strong>de</strong> cinémas3° D'autoriser, pour les enfants non accompagnés,<strong>de</strong>s représentations spéciales, d'un genreinstructif et d'une portée moralisatrice, dont tousles films seront soumis préalablement à l'approbation<strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong>s écoles.<strong>Les</strong> enfants seront avisés dans leurs classes <strong>de</strong>sdécisions prises.C.C., 6 décembre 1913.Dès cette époque, les séances pour enfants qui ont lieu le samedi à15h. et à 17h. sont annoncées avec la remarque Programme instructif etamusant sous le contrôle <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong>s écoles. Pour les séances<strong>de</strong>s dimanches et <strong>de</strong>s <strong>jours</strong> <strong>de</strong> fêtes, il est mentionné : <strong>Les</strong> enfants <strong>de</strong>moins <strong>de</strong> seize ans ne sont admis qu’accompagnés <strong>de</strong> leurs parents oututeurs.Lors <strong>de</strong> sa séance <strong>de</strong> novembre 1913, la commission cantonale pourla police <strong>de</strong>s cinématographes rapporte au sujet <strong>de</strong> la censure <strong>de</strong>s filmspour enfants : On s’est <strong>de</strong>mandé comment on pourrait exercer uncontrôle efficace sur ces films qui donnent à la jeunesse le goût <strong>de</strong>s- 18 -


aventures. Ici encore on se trouve embarrassé. Certains films, agrandiset en relief [sic], font un autre effet ; le contrôle n’en est pas facile. Sion voulait tous les examiner, avant <strong>de</strong> les faire passer <strong>de</strong>vant le public,il y faudrait une escoua<strong>de</strong> <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>s, et comme le faisait remarquer unmembre <strong>de</strong> la commission, une matinée par semaine y suffirait à peine.En outre, pour faire œuvre <strong>de</strong> censeur intelligent, un doigté toutparticulier serait indispensable, et encore ne parviendrait-on pas àcontenter tout le mon<strong>de</strong>.Autre remarque judicieuse et intéressante <strong>de</strong> ce rapport : Unmembre <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que l’on ne taxe pas trop fortementles cinématographes, parce qu’ils présentent certains avantages pourles classes mo<strong>de</strong>stes <strong>de</strong> la société par leur prix abordable. Tout lemon<strong>de</strong> ne peut pas se payer <strong>de</strong>s représentations du théâtre classique,du Molière. […] 19 .C’est avec « Le Fils prodigue » (France, Pathé, sortie : avril 1912)du réalisateur Camille <strong>de</strong> Morlhon, inspiré <strong>de</strong> la parabole biblique, undrame social <strong>de</strong> 1075 mètres, soit environ une heure <strong>de</strong> projection, quele National interrompt son activité saisonnière à la fin avril 1914.12. Clôture <strong>de</strong> saison 20 .En voici la trame : « Le fils du banquier Dirac fait la connaissancedans un souper d'amis d'une <strong>de</strong>mi-mondaine, ensorcelante <strong>de</strong> beauté etd'esprit, Blanche Diamant. Mais celle-ci n'est qu'un instrument auxmains d'avi<strong>de</strong>s usuriers. Chargée <strong>de</strong> chasser la proie, elle la rabat19ACV ZAO 2, 13 novembre 1913, pp. 343-344.20C.C., 25 avril 1914.- 19 -


ensuite vers les chasseurs, après l'avoir réduite aux abois par son luxeet ses dépenses folles. Jean pris dans l'engrenage fatal, acculé,accumule faux sur faux ; ses agissements frauduleux ruinent etdésolent sa famille, provoquant la rupture du mariage <strong>de</strong> sa sœur, puisle père frappé <strong>de</strong> congestion à la nouvelle <strong>de</strong>s débor<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> son fils,<strong>de</strong>vient aveugle. Accablé <strong>de</strong> honte, <strong>de</strong> douleur et <strong>de</strong> remords, Jean partpour l'Afrique, pour essayer <strong>de</strong> s'y réhabiliter. Là, sans relations, sansmétier, suspecté <strong>de</strong> tous, l'émigrant se voit repoussé <strong>de</strong> partout.Bientôt réduit à la plus gran<strong>de</strong> misère, le malheureux vend sesvêtements pour vivre, lorsque le hasard lui fait trouver sur sa route unportefeuille bourré <strong>de</strong> billets <strong>de</strong> banque. La tentation est forte. MaisDirac a commencé par l'expiation et la souffrance son œuvre <strong>de</strong>réhabilitation; malgré la faim qui tenaille ses entrailles, il reportel'argent trouvé. Jean reçoit la récompense <strong>de</strong> sa bonne action : il trouvechez le propriétaire du portefeuille, patron d'une immense exploitationflorale, un emploi. Deux ans après, Jean est <strong>de</strong>venu, à force d'énergieet <strong>de</strong> travail, directeur <strong>de</strong> l'exploitation. Des pillards riffains, dansl'espoir d'une riche rançon, enlèvent la fille <strong>de</strong> celui-ci, la jeuneMonique. Jean parvient à la leur arracher. Blessé dans la poursuite, ilest soigné par Monique. Ils tombent amoureux l'un <strong>de</strong> l'autre et semarient. Devenu l'associé <strong>de</strong> son patron, Jean reprend le chemin <strong>de</strong> laFrance. Mais là, une terrible déception l'attend : ses parents ontdisparu. Après <strong>de</strong>s recherches il apprend quels désastres a causé saconduite passée. Sa mère, morte <strong>de</strong> chagrin, sa sœur au couvent, sonpère aveugle mendiant à la porte <strong>de</strong>s églises. Recueilli chez ses enfants,le vieillard, <strong>de</strong>venu grand-père, pardonnera au fils prodigue » 21 .Le Mo<strong>de</strong>rne, qui s'est ouvert entre-temps en ville à la fin <strong>de</strong> l'année1913, a d’autant plus <strong>de</strong> succès à cette pério<strong>de</strong>, qu’il est le seul àmontrer <strong>de</strong>s films attractifs comme « Fantômas », « Quo vadis »,« Jérusalem délivrée » ou « Maléfice », accompagnés d’actualitésrégionales comme « La Course <strong>de</strong> moto <strong>Nyon</strong>-St-Cergue 1914 » ou « <strong>Les</strong>Fêtes du Centenaire genevois à <strong>Nyon</strong> ».21Henri Bousquet, Catalogue Pathé, <strong>de</strong>s années 1896 à 1914. 1912-1913-1914, chez l’auteur, s.l.,1995, p. 545.- 20 -


L’intérêt pour les projections cinématographiques s’intensifie dansla région et les entrepreneurs redoublent d’ingéniosité, comme leprouve cet article publié dans la presse locale.Le cinéma à domicile. La vogue est, pour lemoment, au cinéma. Combien <strong>de</strong> temps celadurera-t-il? On ne le saurait dire ; le cinéma atant <strong>de</strong> ressources dans son sac. Rien d’étonnant,dès lors, que beaucoup <strong>de</strong> projets et d’espoirss’attachent au sort du cinéma.Un électricien lausannois. M. Grillet au Pont-<strong>de</strong>-Chailly vient <strong>de</strong> réaliser l’« auto-cinéma ». Uncoup <strong>de</strong> téléphone, le temps d’aller chez quiappelle, une <strong>de</strong>mi-heure d’installation, et les filmsles plus merveilleux commencent à défiler surl’écran.L’auto, qui est une voiture <strong>de</strong> 16-20 HP,transporte le personnel - 4 personnes - l’appareilcinématographique, la cabine - en tôle - <strong>de</strong>l’opérateur, l’écran et le matériel d’éclairage, nonseulement nécessaire aux projections (lampe àarc), mais aussi pour la salle et ses abords.Une génératrice (dynamo) <strong>de</strong> 7 HP estindirectement branchée sur l’arbre <strong>de</strong>transmission <strong>de</strong> l’auto. C’est elle qui fournit laforce pour l’éclairage : lampe du projecteur (8000bougies) et lampes à arc, et qui actionne l’appareil<strong>de</strong> déroulement <strong>de</strong>s films.Le “ri<strong>de</strong>au d’eau”, installé entre la lentille et lefilm et qui a pour mission <strong>de</strong> parer àl’échauffement <strong>de</strong> ceux-ci, a été perfectionné;aussi sur l’écran plus <strong>de</strong> ces rayures verticales quidonnent parfois l’impression <strong>de</strong> la pluie tombant àverseLa projection peut se faire jusqu’à 40 mètres <strong>de</strong>distance et la dimension <strong>de</strong> l’écran est <strong>de</strong> 80mètres carrés.M. Roschi, à Lausanne, qui exploite l’autocinéma,et M. Grillet qui l’a conçu, se proposent<strong>de</strong> donner prochainement <strong>de</strong>s représentationsdans les principales localités <strong>de</strong> notre région.C.C., 10 janvier 1914.L’Eglise, qui a déjà utilisé avec succès les projections <strong>de</strong> vues fixesavec la lanterne magique pour illustrer la vie du Seigneur, se mo<strong>de</strong>rnise- 21 -


en profitant du film cinématographique, nouveau support qui lui apportele réalisme du mouvement.Armée du Salut. Le cinématographe est <strong>de</strong>venu le moyenpopulaire par excellence d’éducation, bien que ses représentationsne soient pas partout et tou<strong>jours</strong> du genre recommandable.L’Armée du Salut a su profiter <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong> ce moyen <strong>de</strong>récréer et d’instruire à la fois, et elle envoie un <strong>de</strong> ses officiers entournée avec <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> première valeur : ce sont <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong>pays étrangers, <strong>de</strong>s vues animées <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s villes, <strong>de</strong>sreprésentations <strong>de</strong> l’œuvre sociale. Il y a aussi une série <strong>de</strong> la Vie<strong>de</strong> Jésus qui est d’un intérêt palpitant et <strong>de</strong> fort bon goût. Noussommes assurés que le passage du cinématographe, dont leprogramme convient aux enfants comme aux gran<strong>de</strong>s personnes,obtiendra dans notre localité le succès qu’il mérite. Nombreuxsont ceux qui assisteront avec joie à ces représentations. Ellesauront lieu à <strong>Nyon</strong> les lundi et mardi 19 et 20 janvier, et nousaimons à croire que ce sera pour beaucoup <strong>de</strong> gens <strong>de</strong>s soiréesagréables et en même temps utiles, vu que le but est en faveur <strong>de</strong>sœuvres sociales en Suisse.J.N., 16 janvier 1914.Mais par ailleurs, la presse ne manque pas <strong>de</strong> faire état <strong>de</strong> l’activitécinématographique suisse, relatant par exemple les expéditions ducinéaste et alpiniste américain Frédérick Burlingham, qui opère <strong>de</strong>puisMontreux.Le cinématographe à la Jungfrau. - M. FrédéricBurlingham, <strong>de</strong> Londres, a réussi à cinématographier vendredil’ascension <strong>de</strong> la Jungfrau, jusqu’au sommet. Il était accompagné<strong>de</strong> quatre gui<strong>de</strong>s. Il a pris les vues les plus difficiles <strong>de</strong> l’ascension,notamment <strong>de</strong> Rottalsattel. M. Burlingham, qui a déjà cinématographiél’ascension du Cervin, était <strong>de</strong> retour à 5 heures à laPetite Schei<strong>de</strong>gg.J.N., 29 juin 1914.Le 2 août 1914, gran<strong>de</strong> première au National qui annonce une soirée<strong>de</strong> Cinéma au jardin avec une séance Pathé, sans autre précisionconcernant le programme. En effet, c’est la première fois qu’un cinémapermanent nyonnais s’exhibe à l’extérieur. L’écran est posé au bord duquai et <strong>de</strong>s chaises sont disposées sur le grand balcon qui <strong>de</strong>viendra lavéranda vitrée que l’on connaît aujourd’hui. Le mobilier disposé dans le- 22 -


jardin, qui n’existe plus actuellement, forme le parterre du cinéma pleinair.13. Séance <strong>de</strong> cinéma au jardin 22 .Cette projection qui ouvre la nouvelle saison n’aura pas <strong>de</strong> suite, carla guerre éclate au début août. Tous les cinémas sont alors fermés pourplusieurs mois comme beaucoup d’autres établissements publics.Au mois <strong>de</strong> mars 1915, un certain Louis Favez, rue du Pré àLausanne, fait une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la Municipalité pour ouvrir un petit cinémapermanent à <strong>Nyon</strong>. Il lui est répondu que la ville en compte déjà <strong>de</strong>ux etqu'il n'y a pas <strong>de</strong> locaux libres à sa disposition. En avril <strong>de</strong> la mêmeannée, M. Favez propose d'aménager la salle du 1 er étage au café duSaumon à la rue <strong>de</strong> la Gare 8. Mais le mois suivant, il informe laMunicipalité qu'il renonce à ce local pour s'installer dans la salle du rez<strong>de</strong>-chaussée<strong>de</strong> l'hôtel Beau-Rivage. On suit les traces <strong>de</strong> sa brèveactivité en ces lieux dans la presse locale, du 29 mai au 13 juin 1915.14. Réouverture 23 .Il faut attendre octobre 1915 pour que le National reprenne uneactivité normale et suivie sous la direction M. Brun. En 1916, uneannonce importante mérite d’être signalée, car elle témoigne pour une22J.N., 31 juillet 1914.23J.N., 28 mai 1915.- 23 -


fois d’une attitu<strong>de</strong> positive <strong>de</strong>s autorités scolaires nyonnaises envers lecinématographe envisagé comme un moyen éducatif.CHRONIQUE LOCALELe Cinéma instructif. Sur l’initiative <strong>de</strong> M. Louis Goumaz,directeur <strong>de</strong>s Ecoles <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, toutes ou presque toutes les écoles dudistrict assisteront vendredi 9 juin à une séance cinématographique àl’établissement <strong>de</strong> Beau-Rivage à <strong>Nyon</strong>. Pour cette première séance, 950élèves <strong>de</strong> toutes les parties du district seront répartis en 5 groupes, quipasseront <strong>de</strong>vant l’écran <strong>de</strong> 7 h du matin à 3 h <strong>de</strong> l’après-midi. Auprogramme, les écoliers verront défiler <strong>de</strong>s numéros fort intéressants: lesmerveilles du fond <strong>de</strong> la mer; épanouissement <strong>de</strong> fleurs d’hiver; ce quel’on peut faire avec un œuf. Préparés à suivre avec fruit ce programmepar <strong>de</strong>s leçons appropriées <strong>de</strong> leurs instituteurs, les écoliers seront ainsien mesure d’en récolter <strong>de</strong> bons fruits.C’est là une excellente idée qui sera certainement approuvée dupublic, comme elle l’a été du Corps enseignant dans sa <strong>de</strong>rnière assemblée,où M. Goumaz avait eu l’occasion <strong>de</strong> la développer. Le cinémaemployé judicieusement est un excellent moyen d’instruction et uneheure passée <strong>de</strong>vant l’écran peut remplacer parfois plusieurs leçons <strong>de</strong>lectures.La dépense pour chaque élève est minime, chaque séance dure 1 1/2heure, et, si l’essai est concluant, il est prévu 4 à 6 « journées <strong>de</strong> cinéma »par an.J.N., 7 juin 1916.A la même époque, un nommé Gaspar Bertholet, BoulevardCarl Vogt 43 à Genève, sollicite les autorités pour obtenir l'autorisationd'ouvrir à <strong>Nyon</strong> un cinématographe permanent. Estimant que les <strong>de</strong>uxétablissements qui existent dans la commune suffisent amplement auxbesoins <strong>de</strong> la population, la Municipalité écrit à M. Bertholet pour ledissua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> mettre son projet à exécution. M. Bertholet n’insiste pas.Si les candidats changent, la réponse ne varie pas : Nouvelle<strong>de</strong>man<strong>de</strong> est faite au mois d’octobre 1916. Un nommé Ernest Reinertoriginaire <strong>de</strong> Bellach (Soleure), imprimeur, rue <strong>de</strong> Coutance 30, àGenève, sollicitant l'autorisation <strong>de</strong> construire dans notre ville uncinéma permanent, pour y donner <strong>de</strong>s représentations le samedi soir etle dimanche. Estimant que les cinémas existants à <strong>Nyon</strong> sont suffisantspour notre commune, la Municipalité déci<strong>de</strong> d'écrire à M. Reinert, pourle dissua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> mettre son projet à exécution 24 .24ACN BLEU A-75, p. 484, 30 octobre 1916.- 24 -


NYONNom : Cinéma NationalPropr. : Brun AlexandreArt. 27 La salle du Cinéma National contient environ 160 places.[…]Art. 28 Construit en maçonnerie, plancher en bois. […]Art. 32 Le mobilier se compose <strong>de</strong> chaises mobiles. […]Art. 36 Un grand dégagement communique directement au corridor<strong>de</strong> l’hôtel, qui était autrefois une salle <strong>de</strong> billard, largeur5 m.x 5 m. Pas <strong>de</strong> courants contraires.Art. 37 Une sortie Rue <strong>de</strong> Rive, largeur 1 m. 80, une autre surle corridor <strong>de</strong> l’hôtel, largeur 1 m. 80. Pas <strong>de</strong> tambour. Porterue <strong>de</strong> Rive vitrée, mais pas celle communiquant au corridor <strong>de</strong>l’hôtel. Sens d’ouverture en <strong>de</strong>hors.Art. 39 Une inscription lumineuse indiquant en grosses lettres,le mot SORTIE est fixée à l’imposte <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong>Rive.Art. 40 (Conforme) Bureau <strong>de</strong> contrôle à part, à l’entrée <strong>de</strong>l’hôtel.Art. 41 Chauffage central à eau (isolé).Art. 42 Un ventilateur mécanique.Art. 43 Le toilette pour dames, 1 W.C., 1 urinoir, 1 W.C.,1 lavabo pour hommes. Bon entretien.Art. 44 Pas <strong>de</strong> poste d’eau dans la salle.Liste <strong>de</strong>s modifications à apporter et <strong>de</strong>s installationsnouvelles à faire dans cet établissement, en vertu <strong>de</strong> l’arrêtédu 17 juin 1916.--------a/ <strong>Les</strong> couloirs doivent avoir une largeur d’au moins 1 m. Ondoit laisser un couloir contre la face Est, <strong>de</strong> manière à cequ’un spectateur, pour atteindre un couloir, ne soit pas obligé<strong>de</strong> passer <strong>de</strong>vant un nombre <strong>de</strong> places supérieur à 7.<strong>Les</strong> sièges sont au nombre <strong>de</strong> 11 par lignée.b/ <strong>Les</strong> 4 marches donnant sur la sortie Rue <strong>de</strong> Rive doivent êtreremplacées par un plan incliné. Tout le mobilier sera fixé ausol. (Art. 32)c/ Un poste d’eau conforme aux prescriptions <strong>de</strong> l’art. 46 <strong>de</strong>l’arrêté doit être placé dans la salle. La municipalité <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>indiquera l’emplacement <strong>de</strong> ce poste.La cabine, placée entièrement en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la salle, et tout entôle, n’offre pas <strong>de</strong> risques spéciaux.Par contre la ligne d’amenée du courant est beaucoup tropsommaire. Le tableau est insuffisant, se conformer à l’art. 20,lettre d. Installer dans la salle un éclairage <strong>de</strong> secoursconforme au règlement.Etudier l’aménagement d’un dépôt <strong>de</strong> films conforme à l’art. 21.Afficher l’interdiction <strong>de</strong> fumer dans la cabine. Art. 22.Rapport sur les modifications à apporter au Cinéma National 26 .En 1918 sévit la terrible grippe espagnole qui ravage l'Europe et les26ACV KVII b 19/23.- 26 -


victimes se comptent par millions. <strong>Les</strong> établissements publics sontfermés et les cinématographes n'y échappent pas dès le mois <strong>de</strong> juillet.CHRONIQUE LOCALEAVISLa Municipalité <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, vu les dispositions <strong>de</strong> l’article 1<strong>de</strong> l’arrêté du Conseil d’Etat du 19 juillet 1918,concernant certaines mesures à prendre contre la grippe,a décidé d’interdire dès ce jour, jusqu’à nouvel avis, sur leterritoire <strong>de</strong> la Commune, toutes assemblées publiquestelles que cultes, réunions, répétitions <strong>de</strong> Sociétés, fêtes,spectacles et représentations cinématographiques.<strong>Les</strong> infractions à cette décision seront punies conformémentaux dispositions <strong>de</strong> l’article 2 dudit arrêté.<strong>Nyon</strong>, 23 juillet 1918. MunicipalitéL’ordre était formel. Il n’y avait qu’à s’incliner. L’autoritémunicipale, en faisant appliquer l’arrêté du Conseild’Etat veut à tout prix étouffer la grippe perfi<strong>de</strong> et épargnerainsi à notre population <strong>de</strong> nouvelles victimes.Quand au don national, chacun voudra y contribuer endéposant son offran<strong>de</strong> du 1 er août dans les troncs ou crousillesplacées ce jour-là sur les places publiques.<strong>Les</strong> vrais patriotes comprendront tout le bonheur qu’il ya à donner largement pour <strong>nos</strong> chers soldats.Le Conseil <strong>de</strong> Paroisse.J.N., 29 juillet 1918.L'Association cinématographique <strong>de</strong> la Suisse roman<strong>de</strong>, qui siège àLausanne, intervient au début décembre pour la réouverture <strong>de</strong>scinématographes. Donnant suite au rapport du mé<strong>de</strong>cin délégué, lesyndic autorise les <strong>de</strong>ux cinémas nyonnais à reprendre leursreprésentations dès le samedi 21 décembre 1918. <strong>Les</strong> salles <strong>de</strong>spectacle sont toutefois interdites aux membres <strong>de</strong>s familles atteintespar la grippe ! A cette époque, le National paye 300 francs <strong>de</strong> taxescommunales par an et il est tenu compte <strong>de</strong> son activité limitée à neufmois pour cause <strong>de</strong> pause estivale. La salle <strong>de</strong> projection a tou<strong>jours</strong> étéchauffée, ce qui représente un très gros avantage sur le Mo<strong>de</strong>rne quin’a pas ce confort primordial.Suite à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que formule M. Brun au début 1920, le Nationalreçoit l’autorisation <strong>de</strong> projeter <strong>de</strong>s films en plein air, comme il l'avaitdéjà fait une fois en 1914.- 27 -


M. François Lenta, directeur du Mo<strong>de</strong>rne, avait déjà organisé <strong>de</strong>sprojections <strong>de</strong> films en plein air dans son Jardin du Cinéma pendanttoute la saison d’été 1919.15. L’Hôtel National Beau-Rivage vers 1915 27 .<strong>Les</strong> autorités imposent les conditions suivantes à M. Brun : LaMunicipalité n'y voit pas d'inconvénient, mais exigera que M. Brun seconforme aux prescriptions fixées par l'arrêté cantonal du 17 juin 1916concernant les cinématographes et qu'il ne donne pas plus <strong>de</strong> troisreprésentations par semaine, soit les dimanches, jeudis, samedis 28 .Lors <strong>de</strong>s belles soirées d'été, l'ambiance est sympathique sur laterrasse <strong>de</strong> l'hôtel, pas encore perturbée par le trafic intense que nousconnaissons actuellement. L’accès à la terrasse <strong>de</strong> l’hôtel s’effectue parle quai. Lorsque la pluie vient perturber le spectacle tout le mon<strong>de</strong> seréfugie dans la salle intérieure où la projection continue.Voici les titres <strong>de</strong> quelques films projetés sur la terrasse duNational :« Le Petit Café » (France, 1915) <strong>de</strong> Raymond Bernard avecl’inégalable Max Lin<strong>de</strong>r : « Après être <strong>de</strong>venu millionnaire, un garçon <strong>de</strong>café continue à travailler chez son patron afin d’éviter <strong>de</strong> payer un27Collection André Dubois, <strong>Nyon</strong>.28ACN BLEU A-77, p. 593, 24 mai 1920.- 28 -


énorme dédit à ce <strong>de</strong>rnier. Le soir il se défoule en menant la gran<strong>de</strong>vie » 29 .16. Représentations sur les terrasses <strong>de</strong> l’hôtel 30 .« Le Juif Polonais », drame en quatre actes d’après l’œuvred’Erckmann-Chatrian. « <strong>Les</strong> Naufragés <strong>de</strong> la vie », scène dramatique enquatre actes. « L’appel du cœur », grand drame émouvant, joué parFlorence Reed. « Perdue », D’Henry Greville. « Le Fils <strong>de</strong> la nuit »,d’après le roman d’aventure <strong>de</strong> Gérard Bourgeois, le livre peut êtrecommandé dans les librairies <strong>de</strong> la ville.17. J’Accuse 31 .« J’Accuse » d’Abel Gance (France, 1919) annoncé comme le plusbel effort <strong>de</strong> l’art cinématographique français : « Un poète pacifiqueest amoureux d’une fille, mariée contre son gré à un paysan violent etjaloux. Lors <strong>de</strong> la guerre 14-18, le poète et le paysan se réconcilient,mais le paysan est tué. La malheureuse jeune fille est victime <strong>de</strong> labarbarie alleman<strong>de</strong>. Le poète terrifié par l’explosion d’un obus crie un« Debout les morts ». La séquence du réveil <strong>de</strong>s morts qui s’opposent àune nouvelle mobilisation est très célèbre. Cette tragédie exaltée etpatriotique donne l’espoir que c’est la <strong>de</strong>rnière guerre. » « La <strong>de</strong>r <strong>de</strong>s<strong>de</strong>r » 32 . La saison se termine avec « La Carmen du Nord » selonMérimée avec Annie Bos.29D.M.F. 2000, p. 550.30 C.C., 29-30 mai 1920.31J.N., 18 juin 1920.32D.M.F. 2000, p. 375.- 29 -


La Suisse ne possédant pas une véritable productioncinématographique, le National offre tout naturellement un répertoire<strong>de</strong> films historiques, <strong>de</strong> tragédies ou <strong>de</strong> drames sentimentaux <strong>de</strong>provenance étrangère. La presse locale se fait l'écho <strong>de</strong> cette situationen évoquant un film suisse produit en 1919 par Eos-Film (Bâle), « LaDanse et la danseuse » (Der Tanz um die Tänzerin, <strong>Robert</strong> Rosenthal).EN SUISSE-------Le cinéma suisse. Le succès est un fait incontesté. Lecinématographe a l'avantage d'être avant tout naturel ; il estinstructif et éducatif ; il est mobile et aussi social. Cependant,il n'est pas homme sensé qui refusera d'admettre qu'uneréforme s'impose dans le domaine cinématographique, et celadans l'intérêt même du cinéma. En fait <strong>de</strong> création, on n'a pasencore accompli grand chose chez nous. Nous ne pouvons guèrenous enorgueillir que <strong>de</strong> « La danse à la conquête <strong>de</strong> ladanseuse », un drame en quatre actes <strong>de</strong> Félix Moeschlin, avecMary Wigmann, la danseuse bien connue, dans le rôleprincipal. Ce premier grand film suisse a été tourné l'an<strong>de</strong>rnier au Palace Cinéma, à Lucerne, durant la Semainesuisse. Ce sont là <strong>de</strong>s représentations qu'il serait bon <strong>de</strong>multiplier dans <strong>nos</strong> cinémas. <strong>Les</strong> propriétaires <strong>de</strong> cesétablissements ne <strong>de</strong>vraient pas laisser la Semaine suisse sansreprésenter au moins une œuvre cinématographique suisse. Acet égard, il faut rendre hommage aux efforts <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>sfilms Eos, à Bâle. Le cadre si typique <strong>de</strong> la Suisse et sesmilieux si caractéristiques se prêtent merveilleusement à <strong>de</strong>sfilms <strong>de</strong> ce genre. La reproduction cinématographique <strong>de</strong>sscènes <strong>de</strong> la vie populaire suisse serait un auxiliaire précieuxdu « Folklore », tant pour les élèves <strong>de</strong>s écoles que pour lesadultes. La projection sur l'écran <strong>de</strong> paysages suisses a, enoutre, une importance considérable pour notre propagan<strong>de</strong> àl'étranger. Qu'on imagine simplement un Américain faisant levoyage <strong>de</strong> New York à Chicago et assistant à unereprésentation cinématographique dans son confortablePullman Car. Qu'il ait l'occasion <strong>de</strong> voir se dérouler parexemple sous ses yeux une ascension du Mont Cervin et ilsentira naître en lui le désir bien légitime <strong>de</strong> visiter les sitesenchanteurs <strong>de</strong> la Suisse. D'ailleurs, même en faisantabstraction <strong>de</strong> tout cela, le film suisse offre tant <strong>de</strong> ressourcesinstructives et éducatives pour les citoyens suisses, qu'il mérited'être encouragé dans la plus large mesure. S.K.J.N., 5 octobre 1921.Au mois d’août 1920, l’un <strong>de</strong>s frères Burkhardt, exploitants <strong>de</strong>- 30 -


Lumière, qui enregistre les couleurs par synthèse additive à partir <strong>de</strong>grains <strong>de</strong> fécule <strong>de</strong> pomme <strong>de</strong> terre colorés et agissant comme <strong>de</strong>sfiltres). La chorale nyonnaise Le Léman accompagne les 133 vues <strong>de</strong>M. Eugène Chevallier, un photographe lausannois qui semble s'être faitune spécialité <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> spectacle. (On le trouve à Fribourg, le 9mars 1922, donnant « Le chant illustré par la photographie en couleur »,sous l'égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> chant <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Fribourg dirigée parJoseph Bovet).19. Musique et photographie 35 .Le 4 septembre 1923, M. Alexandre Brun décè<strong>de</strong> subitement àl'âge <strong>de</strong> 73 ans et sa veuve <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux autorités d'être mise aubénéfice <strong>de</strong> la patente <strong>de</strong> feu son mari. Le Département <strong>de</strong> justice etpolice répond positivement à cette requête via la Préfecture <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.La patente du National pour cette année s'élève à Fr. 137,50 et laréouverture <strong>de</strong> l'exploitation intervient le 21 septembre 1923.20. Réouverture 36 .35C.C., 17 janvier 1922.36J.N., 19 septembre 1923.- 33 -


Un laconique avis <strong>de</strong> presse du 20 février 1930 fait mention <strong>de</strong> lasuspension <strong>de</strong>s représentations du pionnier <strong>de</strong>s cinémas nyonnais.21. Suspension 38 .Malheureusement, la suspension est définitive, le cliquetis <strong>de</strong> lagriffe d'entraînement du film, le ronronnement <strong>de</strong> la belle mécanique etla puissante lumière découpée par l'obturateur s’arrêtent irrémédiablement.L'écran reste blanc, les images furtives ne le caressentplus. Il ne reste plus que le souvenir <strong>de</strong>s moments <strong>de</strong> rêve, <strong>de</strong> bonheur,d'angoisse et d'émotion vécus dans ce lieu magique. Pour le quartier <strong>de</strong>Rive, une page importante se tourne.Petite consolation aujourd’hui, <strong>de</strong> nouvelles images défilent dans lasalle <strong>de</strong> La Tour à l’Hôtel Beau-Rivage, mais la technique et surtout lebut ont bien changé. La famille Tracchia, propriétaire <strong>de</strong> l’établissement,est très ouverte aux médias audiovisuels. Visions du Réel,festival international <strong>de</strong> cinéma documentaire profite <strong>de</strong> l’hôtel pour yaccueillir chaque printemps ses invités.22. Salle <strong>de</strong> conférence « La Tour » avec écran et projecteur vidéo 39 .L'hôtel Beau-Rivage, qui n'a plus son cinématographe National,continue sa vie avec beaucoup <strong>de</strong> classe. Il <strong>de</strong>meure un fleuron <strong>de</strong>38C.C., 15-16 février 1930.39Photo Isabelle Heiniger <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>, 2006.- 35 -


l'hôtellerie nyonnaise. Vous qui avez vécu l’époque du National ou qui ladécouvrez par ces lignes et ces images, peut-être aurez-vous un autreregard sur cet hôtel et, pourquoi pas, y passerez-vous un moment <strong>de</strong>bonheur lors d’un repas ou d’un heureux séjour.Si le hasard vous fait croiser en ces lieux une ve<strong>de</strong>tte <strong>de</strong> l’écran oumieux encore une équipe <strong>de</strong> tournage, vous saurez que cette présenceperpétue en quelque sorte une tradition, qui commence avec l'ouverturedans cet hôtel du premier cinéma permanent <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.En 1982, « Passion » <strong>de</strong> Jean-Luc Godard est partiellement tournédans l’hôtel Beau-Rivage. Jean-Luc Godard n’est pas un inconnu à <strong>Nyon</strong>,puisqu’il y a vécu et fait une partie <strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s. Son père y a pratiquéla mé<strong>de</strong>cine pendant <strong>de</strong> nombreuses années. Le cinéaste vit <strong>de</strong>puis 1976à Rolle, petite ville située elle aussi au bord du Léman, à une dizaine <strong>de</strong>kilomètre <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. Au générique <strong>de</strong> « Passion » figure un autre enfant<strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, Gérard Ruey, assistant au tournage. <strong>Les</strong> acteurs IsabelleHuppert, Anna Schygulla, Michel Piccoli, Alain Charrière, Laszlo Szaboet François Stévenin ont signé le Livre d’or <strong>de</strong> l’hôtel.23. Jean-Luc Godard et Nicola Tracchia lors du tournage du film Passion 40 .En 1987, Jean-Luc Godard tourne encore « Le Roi Lear » à l’hôtelBeau-Rivage. Juliette Binoche et Burger Meredith ont laissé eux aussi<strong>de</strong> sympathiques messages dans le Livre d’or.En 1989, il réalise « Nouvelle vague » dans la région lémanique. Làencore, on retrouve les signatures <strong>de</strong>s acteurs Alain Delon, DomizianaGiordano, Jacques Dacqmine, Laurence Guerre et Laure Killing à l'hôtelBeau-Rivage, où les artistes séjournent <strong>de</strong>ux mois, aidés dans leurtravail par <strong>de</strong>s propriétaires passionnés par l’art cinématographique.Enfin en 1992, avec « Hélas pour moi », Jean-Luc Godard choisitune fois encore <strong>de</strong> réaliser un film sur les rives du Léman, plus40Archives <strong>de</strong> la famille Tracchia, <strong>Nyon</strong>.- 36 -


précisément à Mies, Tannay et Allaman. Pour les besoins <strong>de</strong> l’action,Gérard Depardieu apprend à piloter le bateau <strong>de</strong> Christian Lochmeier,un pêcheur sympathique qui a son port d'attache et son entreprisefamiliale à <strong>Nyon</strong>. Gérard Depardieu, Raphael Potier, Veronika Beiweis,Au<strong>de</strong> Amiot, Roland Blanche, Béatrice Dalle manifestent dans le Livred'or <strong>de</strong> l'hôtel Beau-Rivage leur reconnaissance et leur satisfactionpour leur séjour.La qualité <strong>de</strong> l’accueil, la gran<strong>de</strong> ouverture et l’ambiance sympathiqueque prodigue la famille Tracchia favorisent la venue à l’hôtel<strong>de</strong> nombreux hôtes <strong>de</strong> renommée internationale. Parmi les artistes ducinéma <strong>de</strong> passage dans son établissement, il faut nommer encoreMichel Simon, Richard Burton, Bruno Cremer, Alain Cuny, Jean-PierreCassel, Macha Méril, Roland Magdame, Aurore Clément, Jane Birkin,<strong>Robert</strong> Carses et Jean-Louis Trintignant. Tous ont laissé <strong>de</strong>s marquesd’amitié dans le Livre d’or <strong>de</strong> l’hôtel.Souhaitons que le promeneur passant rue <strong>de</strong> Rive ou sur le quain’oublie pas, en contemplant ce superbe hôtel, le passé glorieux ducinématographe National, qui a sûrement permis à plus d’un <strong>Nyon</strong>nais <strong>de</strong>découvrir les merveilles du 7 e art.24. L’Hôtel Beau-Rivage actuel 41 .41Photo <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>, 2000.- 37 -


LE CINEMA MODERNE, 1913-1937Au début du XX e siècle, <strong>Nyon</strong>, petite ville vaudoise, compte environcinq mille âmes. La cité bénéficie d’un emplacement idéal sur une collineau-<strong>de</strong>ssus du lac Léman, où par bonheur <strong>de</strong> nombreuses zones <strong>de</strong>verdure ont été préservées. Un imposant château du XII e siècle dominele bourg <strong>de</strong> Rive. Depuis sa terrasse, située côté lac, on admire lemajestueux massif du Mont-Blanc et la vue s'étend du Salève auMoléson. Un intéressant musée historique est installé au rez-<strong>de</strong>chaussée.Grâce à la richesse et à la diversité <strong>de</strong> ses collections, il esttrès fréquenté et se visite alors gratuitement.De nombreux commerces et plusieurs industries apportent travailet aisance à la cité. L'agriculture et l'élevage du bétail sont encorebien représentés dans la périphérie <strong>de</strong> la ville. <strong>Les</strong> nombreuses sociétéslocales sont très actives et diverses : théâtre, chant, musique, sports,bienfaisance, etc. La place Perdtemps située au centre <strong>de</strong> la villeaccueille sur son tapis <strong>de</strong> verdure les manifestations importantes :fêtes <strong>de</strong> tir, <strong>de</strong> chant, <strong>de</strong> musique, cirques, concours hippiques,matches <strong>de</strong> football. <strong>Les</strong> forains attirent leurs clients avec lesattractions classiques : balançoires, carrousels, personnages horsnormes, jeux d’adresse, etc. Certains y exhibent les premierscinématographes avec grand succès dès le début du XX e siècle.En 1844, les anciennes écuries du château avaient été transforméesen théâtre avec une salle en fer à cheval et une galerie à double cordon.25. Salle du théâtre 42 .42 ACN BLEU J-34.4.-38-


Une salle communale est à l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis quelques années, mais saréalisation n'interviendra qu'en 1930.En 1888, la Société <strong>de</strong> développement voit le jour. Son but consisteà favoriser l'embellissement <strong>de</strong> la ville, à promouvoir le tourisme, àencourager le sport, principalement le patinage, à améliorer l'instructionpublique et à développer les activités intellectuelles et culturelles.Dans ce <strong>de</strong>ssein, elle organise <strong>de</strong>s conférences, <strong>de</strong>s concerts et même<strong>de</strong>s soirées cinématographiques au théâtre. En 1938, la Société <strong>de</strong>développement est tou<strong>jours</strong> en activité, mais sous l'appellationAssociation <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> (ADIN). Dès lors, elle oriente sonactivité vers le tourisme et en 1972 elle adopte la raison sociale« Office du tourisme ».En 1912, il subsiste encore quelques maisons datant du Moyen Age,la plupart en mauvais état, malgré l’effort considérable <strong>de</strong>s autoritésqui œuvrent pour la mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> la cité. <strong>Les</strong> rues sont parfoispartiellement occupées par d’anciennes constructions qui nuisent à lasécurité <strong>de</strong>s personnes et à la circulation <strong>de</strong>s véhicules. C’est l’héritaged’un passé que les exigences <strong>de</strong> l’urbanisme mo<strong>de</strong>rne doivent parfoissacrifier. <strong>Les</strong> autorités <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> déci<strong>de</strong>nt que c'est lemoment opportun d'élargir la rue Nicole. Des travaux sont prévus pourla transformation d'un immeuble situé à l’angle <strong>de</strong> cette rue et <strong>de</strong> celledu Vieux-Marché.26. Plan du quartier <strong>de</strong> 1870 Plan du quartier <strong>de</strong> 1942 43 .43 ACN BLEU K-300.-39-


M. Jean Falconnier, architecte chargé <strong>de</strong> la transformation <strong>de</strong>l’immeuble appartenant à M. Antoine Winkler, avise la Municipalité queson client consent à cé<strong>de</strong>r le terrain nécessaire pour réaliserl'alignement prévu à cet endroit. Conséquence <strong>de</strong> cet accord, la moitié<strong>de</strong> l'immeuble va disparaître. En mars 1913, M. le Syndic Louis Bonnard,27. Louis Bonnard, syndic <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> <strong>de</strong> 1894 à 1931 44 .charge M. Jacques Lüscher, photographe à <strong>Nyon</strong> <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s vues<strong>de</strong> la maison Winkler, anciennement hoirie Dumont-Gastaldy, avant sadémolition partielle, eu égard à l'intérêt historique qu'elle représente.28. Maison Dumond-Gastaldy avant sa tranformation 45 .Dans sa lettre du 5 septembre 1913, Victor Birbaum <strong>de</strong> Lausanneinforme la Municipalité qu'il a trouvé chez M. Antoine Winkler 46 à44 Collection <strong>de</strong> la famille Bonnard, <strong>Nyon</strong>.45 ACN, fonds Champrenaud.46 A. Winkler vit à <strong>Nyon</strong> comme tailleur à la Grand’Rue 10. Il acquiert la bourgeoisie en 1912.-40-


<strong>Nyon</strong>, un local à la rue du Vieux-Marché pour installer soncinématographe permanent, avant même que les travaux <strong>de</strong>transformation soient terminés. Pour <strong>de</strong>s raisons inconnues, Birbaum,qui est le fondateur <strong>de</strong> la première salle <strong>de</strong> cinéma à Lausanne (leMo<strong>de</strong>rne Cinéma, installé fin 1907 dans l'ancienne brasserie Gloor,place St François) renonce à son projet <strong>de</strong> venir s'installer à <strong>Nyon</strong>.Au début octobre 1913, M. Louis Dorier architecte dépose les planspour l'installation d'un cinématographe dans un local du sous-sol dubâtiment réparé <strong>de</strong> M. Winkler. La Commission <strong>de</strong> salubrité présenteson rapport à la Municipalité: Installation d’un cinématographe au soussoldu bâtiment reconstruit <strong>de</strong> M. Antoine Winkler, rue duVieux-Marché 15; la Commission présente <strong>de</strong>s observations au point <strong>de</strong>vue <strong>de</strong>s dangers d'incendie, ainsi qu'un certain nombre d'objections surl'opportunité <strong>de</strong> la création d'un tel établissement dans notre ville. Elle<strong>de</strong>man<strong>de</strong> que certaines mesures soient prises, d'entente avec lacommission scolaire, au sujet <strong>de</strong> la fréquentation <strong>de</strong>s séancescinématographiques par les enfants <strong>de</strong>s écoles ; la copie <strong>de</strong> la partie durapport <strong>de</strong> la Commission traitant <strong>de</strong>s dangers d'incendie sera jointe audossier d'enquête ; en outre, il sera transmis à la Commission scolaire, àtitre <strong>de</strong> renseignement, une copie <strong>de</strong>s observations relatives à lafréquentation <strong>de</strong>s séances par les enfants 47 . Le 10 novembre 1913 aunom du Département militaire, Service <strong>de</strong>s assurances, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>la Commission d'inspection <strong>de</strong>s bâtiments annonce que M. AntoineWinkler est autorisé à installer un cinématographe permanent dans sonimmeuble <strong>de</strong> la rue du Vieux-Marché 15, sous un certain nombre <strong>de</strong>conditions qui lui ont été signifiées directement.Connaissance est donnée <strong>de</strong>s conditions que la Commission scolaireestime <strong>de</strong>voir imposer aux entrepreneurs <strong>de</strong> représentationscinématographiques pour la fréquentation <strong>de</strong> leurs séances par lesenfants ; ces conditions sont les suivantes : 1° création <strong>de</strong> séancesspéciales pendant l'après-midi (dimanche ou semaine), avec une duréemaximum <strong>de</strong> 1 heure ; 2° à ces séances spéciales, la présence <strong>de</strong>sparents ne sera pas nécessaire ; 3° les tenanciers <strong>de</strong> cinémas <strong>de</strong>vrontpréalablement soumettre leurs programmes au Directeur <strong>de</strong>s Ecoles etlui fournir verbalement toutes les explications voulues, pour luipermettre <strong>de</strong> juger si tel ou tel film est "indésirable" ; 4° la présence<strong>de</strong>s enfants aux séances pour adultes ne pourra avoir lieu qu'encompagnie <strong>de</strong>s parents ou du tuteur ; 5° la police locale veillera à ce que47 ACN BLEU A-74, p. 152, 27 octobre 1913.-41-


les conditions ci-<strong>de</strong>ssus soient strictement observées.- La Municipalitése déclare d'accord, mais réserve l'application <strong>de</strong>s dispositions légalessur la matière, qu'élabore en ce moment le Conseil d'Etat ; enattendant, les tenanciers intéressés seront invités à faire droit auxconditions qui précè<strong>de</strong>nt 48 .Suite à la visite du cinématographe <strong>de</strong> M. Winkler par un inspecteur<strong>de</strong> police l'établissement est autorisé à fonctionner, son installationrépondant aux exigences du service cantonal <strong>de</strong>s installationsélectriques. La séance d'ouverture du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne a lieu le31 décembre 1913 avec l’annonce d’un "Programme sensationnel <strong>de</strong> gala"sans autres précisions.29. Ouverture du Mo<strong>de</strong>rne 49 .Afin <strong>de</strong> lutter contre son concurrent, le National, qui projette <strong>de</strong>sfilms <strong>de</strong>puis plus d’une année, et <strong>de</strong> faire oublier certains inci<strong>de</strong>nts quisemblent avoir émaillé les premiers <strong>jours</strong> d'exploitation, M. Winklerremercie par voie <strong>de</strong> presse le public venu en nombre pour le galad’ouverture :CINEMA MODERNE.Le soussigné remercie sincèrement le public <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et <strong>de</strong>s environsd'être venu si nombreux à l'ouverture du Ciné Mo<strong>de</strong>rne, le 31 décembre1913, ainsi que pendant les fêtes du Nouvel An.Il fait toutes ses excuses pour les quelques lacunes du début et fera toutson possible pour qu'à l'avenir le public soit entièrement satisfait. Il serecomman<strong>de</strong> également pour les représentations du dimanche 11 janvier1914 et <strong>de</strong>s dimanches suivants.Ant. Winkler,Cinéma Mo<strong>de</strong>rne15, rue du Vieux-Marché<strong>Nyon</strong>C.C., 10 janvier 1914.48 ACN BLEU A-74, p. 186, 1 er décembre 1913.49 J.N., 29 décembre 1913.-42-


M. Winkler n’exploite pas longtemps son cinéma. En 1914 déjà, il leremet à M. François Lenta, patron d’une petite entreprise <strong>de</strong> peintureen bâtiments à <strong>Nyon</strong>. M. Lenta apparaît pour la première fois dans unP.V. <strong>de</strong> la Municipalité en mai 1914 : M. François Lenta, propriétaire duCinéma Mo<strong>de</strong>rne, rue du Vieux-Marché 15, prie la Municipalité <strong>de</strong> luiaccor<strong>de</strong>r l'autorisation <strong>de</strong> placer, contre la faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> Joux <strong>de</strong>l'immeuble communal sise rue du Château 8, une enseigne portant le motCINEMA et une flèche indicatrice, ainsi qu'un châssis <strong>de</strong>stiné àrecevoir les gran<strong>de</strong>s affiches <strong>de</strong> son établissement. Refusé pour caused'inopportunité 50 . <strong>Les</strong> débuts sont difficiles pour le nouveau directeurdu cinéma Mo<strong>de</strong>rne, les autorités municipales ne facilitant pas soninitiative, ce qui n’a rien d’étonnant connaissant leur manque d’enthousiasmepour le cinéma.La nouvelle direction apporte plusieurs améliorations au Mo<strong>de</strong>rne etla programmation <strong>de</strong> séries <strong>de</strong> films à suspense fidélise un nombreuxpublic qui apprécie ce genre d’aventures.Cinéma Mo<strong>de</strong>rne.Cet établissement continue avec un succèstou<strong>jours</strong> croissant la série <strong>de</strong> ses représentations.Ce succès est bien mérité car, <strong>de</strong>puis que lanouvelle direction a succédé à son fondateurM. Winkler, elle n’a pas cessé d’y apporter lesaméliorations au fur et à mesure jugées nécessaires.Actuellement, ce sont les exploits du célèbrepolicier « Main <strong>de</strong> Fer », dont dimanche 3 mai,sera projetée sur l’écran la <strong>de</strong>uxième série :« Main <strong>de</strong> fer contre la ligue <strong>de</strong>s gants blancs ».Dimanche prochain, à l’occasion <strong>de</strong>s fêtes <strong>de</strong>promotions, la séance <strong>de</strong> l’après-midi serasupprimée, par contre la séance du soircommencera comme d’habitu<strong>de</strong> à 7h.J.N., 1 er mai 1914.Divertissement nouveau dans la cité, le cinéma suscite diversdébats. <strong>Les</strong> autorités civiles, religieuses et scolaires prônent la réserveet la pru<strong>de</strong>nce envers un spectacle dont elles jugent certaines imagesnuisibles par leur contenu violent et immoral, tout en reconnaissant sonintérêt éducatif. Cette prévention suscite <strong>de</strong>s réactions à <strong>Nyon</strong> aussi,50 ACN BLEU A-74, p. 352, 18 mai 1914.-43-


comme en témoigne cet article qui reprend <strong>de</strong>s observations ironiquesparues dans un journal parisien.Le cinématographe.On a quelque peine à comprendre pourquoi tantd’honnêtes gens accusent le cinématographe <strong>de</strong>démoraliser le peuple. Evi<strong>de</strong>mment les scènes qui sedéroulent sur l’écran ne sont pas tou<strong>jours</strong> spirituelles; il arrive même qu’elles n’aient pas unextrême intérêt. Mais d’une façon générale, leniveau <strong>de</strong> la production dramatique est-il sensiblementsupérieur ?Le certain, c’est que la plupart <strong>de</strong>s aventures,gaies ou tristes, dont les auteurs <strong>de</strong> films nousoffrent le spectacle, se terminent d’une manière nonpas seulement très morale, mais très édifiante. Audénouement, la vertu est récompensée et le vicepuni avec une parfaite ponctualité.La raison en est d’ailleurs toute commerciale. Unfilm est vraiment bon, c’est dire assuré d’un grossuccès <strong>de</strong> vente, que s’il peut être projeté indifféremment<strong>de</strong>vant tous les publics et chez tous lespeuples. Car rien n’est plus international que lecinéma.Il en résulte que les spécialistes du genre,appréhendant l’ombrageuse censure anglo-saxonne,s’appliquent <strong>de</strong> leur mieux à n’alarmer aucunepu<strong>de</strong>ur. Pas <strong>de</strong> situation risquée, pas <strong>de</strong> gestelibertin dont un clergyman ou une jeune miss pourraients’émouvoir.S’il faut vous donner une idée <strong>de</strong> la surveillanceexercée dans certains pays sur la surveillancecinématographique, apprenez nous dit dans le« Journal» Gustave Téry, que le Censeur <strong>de</strong>s filmsen Pennsylvanie vient <strong>de</strong> fixer à trois piedsmaximum la longueur <strong>de</strong>s baisers. Vous enten<strong>de</strong>z,n’est-ce pas, que si <strong>de</strong>ux personnages <strong>de</strong> sexedifférent s’embrassent sur l’écran, la partie <strong>de</strong> laban<strong>de</strong> où se trouve figurée leur étreinte ne doit pasmesurer plus d’un mètre. Un baiser d’un mètre dixserait inconvenant ; d’un mètre vingt, il <strong>de</strong>viendraitimpudique...Ne criez pas au puritanisme : en somme, un baiserd’un mètre, c’est déjà très gentil.J.N., 22 juillet 1914.-44-


Pour sa publicité, le directeur du Mo<strong>de</strong>rne revient à la charge etobtient l’autorisation <strong>de</strong> poser un panneau publicitaire.30. L’ancienne forge 51 .La faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'ancienne forge située sur la place Bel-Air reçoit cepanneau jusqu'en 1918, date à laquelle l'immeuble a été démoli pourêtre remplacé par la Société <strong>de</strong> Banque Suisse inaugurée en 1921 et enactivité jusqu'en 1999.Mais qui est donc ce nouveau directeur du Mo<strong>de</strong>rne ? M. FrançoisLenta est né le 14 septembre 1883 à Tricerro, province <strong>de</strong> Vercelli enItalie. Il vient en Suisse en 1907, avec sa famille probablement, commesaisonnier en qualité <strong>de</strong> peintre en bâtiment. C'est un homme intelligentet entreprenant qui possè<strong>de</strong> <strong>de</strong> multiples compétences. En 1909, il suitun cours <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin supérieur à <strong>Nyon</strong> où il obtient une note d’excellence.51 Archives Edy Berger, <strong>Nyon</strong>.-45-


Il est aussi peintre en lettres et à ses heures artiste peintre amateur<strong>de</strong> talent. Actif dans plusieurs sociétés locales, il est très souventdisponible pour participer bénévolement aux œuvres <strong>de</strong> bienfaisancenyonnaises par le biais <strong>de</strong> son activité cinématographique.31. François Lenta peignant à Tatiana dans la région nyonnaise 52 .En 1913, l'Union instrumentale nyonnaise offre à l'heureux gagnantd'un billet <strong>de</strong> tombola, une reproduction du célèbre tableau <strong>de</strong> laJocon<strong>de</strong> réalisée par M. Lenta. On lui doit aussi un tableau au pastel quise trouve maintenant au musée <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et qui représente sa filleJoséphine en 1926. Il peint <strong>de</strong>s paysages, <strong>de</strong>s fleurs, et décore mêmeune assiette datée <strong>de</strong> 1926 représentant le projet <strong>de</strong> la future écolecatholique avec l'église et le château <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. Elle sera vendue enfaveur <strong>de</strong> la nouvelle école inaugurée le 24 mars 1929.François Lenta s'est marié à Jeanne Ferraris en 1903 et cinqenfants naissent <strong>de</strong> cette union. Malheureusement, la tuberculosedécime sans pitié cette famille. La première fille, Eva (1903) estemportée en 1952 à l’âge <strong>de</strong> 49 ans, la <strong>de</strong>uxième, Joséphine (1906), en1910 à 4 ans, la troisième, Joséphine Louise (1911), en 1933 à 22 ans, laquatrième, Louise Caroline (1914), en 1928 à 14 ans, et l'unique garçon,Roger (1921), en 1940 à 19 ans. François Lenta quittera ce mon<strong>de</strong> à46 ans, à un moment fondamental <strong>de</strong> sa passion pour l’exploitationcinématographique, comme nous le verrons plus tard.L'histoire <strong>de</strong> M. Lenta ayant fortement marqué la vie locale, il aparu intéressant <strong>de</strong> s'attar<strong>de</strong>r un peu sur sa trajectoire <strong>de</strong> pionnier <strong>de</strong>l'exploitation cinématographique nyonnaise. De ses efforts, il subsistequelques documents d’archives officiels, <strong>de</strong>s traces dans la presse52 Archives <strong>de</strong> la famille Lenta, Florence, Italie.-46-


locale et surtout la maison qui a vu naître le Mo<strong>de</strong>rne. Certains faitsrelatés dans cette mo<strong>de</strong>ste étu<strong>de</strong> rappelleront peut-être <strong>de</strong> vieuxsouvenirs aux anciens <strong>Nyon</strong>nais qui ont fréquenté les projections ducinéma Lenta, comme on désignait communément la salle. Un nyonnais,Ernest Penveyres, m’a cité une autre dénomination du Mo<strong>de</strong>rne parfoisusitée Le cinéma coup <strong>de</strong> poing. Cette expression est sûrement liée auxfilms à sensations fortes régulièrement présentés par M. Lenta.Un événement important a lieu à <strong>Nyon</strong> les 4, 5 et 6 juillet 1914 avecla fête du « Centenaire genevois » qui commémore les cent ans <strong>de</strong>l’entrée <strong>de</strong> Genève dans la Confédération. <strong>Les</strong> autorités fédérales,cantonales et <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> Genève et <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> se rencontrent avec lesinvités pour un grand cortège à travers la ville, puis s’embarquent sur lebateau pour rallier Genève. Fait exceptionnel, un opérateur venuspécialement <strong>de</strong> Paris filme toute la fête. Le Mo<strong>de</strong>rne projette le filmdu Centenaire genevois lors d’un programme <strong>de</strong> gala du 11 au 13 juillet1914.32. Le bateau La Suisse ayant à son bord les Autorités genevoises arrive à <strong>Nyon</strong> 53 .Le 10 août 1914, à la suite <strong>de</strong> la mobilisation générale et complétantles dispositions déjà prises à l'égard <strong>de</strong>s établissements publics, laMunicipalité interdit jusqu'à nouvel avis les pia<strong>nos</strong> mécaniques dans lescafés, ainsi que les représentations cinématographiques jusqu’à nouvelavis.53 Brochure officielle du Centenaire genevois, ATAR S.A., Genève, 1914. Archives Marcel Dreyfus,<strong>Nyon</strong>.-47-


Le 10 octobre 1914 : M. Lenta, propriétaire du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne,prie la Municipalité <strong>de</strong> revenir sur son interdiction concernantl'ouverture <strong>de</strong> son établissement pendant la crise actuelle & sollicitel’autorisation pour donner une représentation par semaine. Aprèsdiscussion, la Municipalité déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> se renseigner sur ce qui se fait àLausanne, à Vevey et à Genève 54 .Un mois plus tard : Rapportant sur les objets traités à la séance du15 courant du Comité <strong>de</strong> l'Union <strong>de</strong>s principales communes vaudoises, àLausanne, M. le Syndic annonce qu’à Lausanne et Vevey les cinémas ontété à nouveau ouverts, leur fermeture n'étant pas justifiée par unedisposition légale. Dans ces conditions, la Municipalité déci<strong>de</strong>d'autoriser M. François Lenta à ouvrir son établissement une fois parsemaine, le dimanche 55 .A la fin <strong>de</strong> l'année, on se préoccupe à nouveau <strong>de</strong> la fréquentation<strong>de</strong>s écoliers : Le Directeur <strong>de</strong>s Ecoles attire l'attention <strong>de</strong> la Municipalitésur l'abus <strong>de</strong>s séances cinématographiques que commet uncertain nombre d'enfants <strong>de</strong>s écoles primaires et sur le fait que la plusgran<strong>de</strong> partie d'entre eux se ren<strong>de</strong>nt au Cinéma Mo<strong>de</strong>rne sans êtreaccompagnés <strong>de</strong>s parents, ce qui est contraire aux décisions municipalesprises à ce sujet. La Section <strong>de</strong> Police, qui s'est occupée <strong>de</strong> l'affaire,trouve que M. Goumaz exagère un peu, attendu que, d'après le brigadier<strong>de</strong> police Morel, M. Lenta, propriétaire du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne, tient lamain à l'observation <strong>de</strong>s règles qui lui sont imposées. Néanmoins unavertissement sera adressé à ce <strong>de</strong>rnier ; la police a du reste déjà étéchargée par M. Ba<strong>de</strong>l d'interdire l'entrée du cinéma aux enfants <strong>de</strong>parents assistés, <strong>de</strong> façon qu'ils ne gaspillent pas le maigre argentqu'ils pourraient gagner pendant l'époque critique actuelle, et qu'aucontraire, ils l'apportent à la maison 56 .L’activité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux cinémas nyonnais se ressent fortement <strong>de</strong>seffets <strong>de</strong> la guerre. Pourtant, M. Lenta organise pour la première foisune projection en plein air à l’occasion <strong>de</strong> la Fête nationale <strong>de</strong> 1915.C’est sous la voûte <strong>de</strong>s grands arbres <strong>de</strong> la Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniersque la population peut admirer, après les discours <strong>de</strong> circonstance etles intermè<strong>de</strong>s musicaux <strong>de</strong> l’Instrumentale, un « Guillaume Tell »produit en 1914 par Lémania-Film, Genève. Une plaquette avecprogramme général <strong>de</strong> la journée et texte explicatif <strong>de</strong> la projection54 ACN BLEU A-74, p. 478, 12 octobre 1914.55 ACN BLEU A-74, p. 483, 19 octobre 1914.56 ACN BLEU A-74, p. 518, 30 novembre 1914.-48-


est offerte aux participants pour la somme <strong>de</strong> 20 centimes. Laplaquette n'a pas été conservée, mais la presse rendit compte <strong>de</strong> cetteprojection qui a profondément émut l’assistance, sensibilisée en cettepério<strong>de</strong> <strong>de</strong> guerre à la célébration <strong>de</strong> la Fête nationale.[…] Pour terminer, M. Lenta, directeur du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne,fit défiler sur l’écran le splendi<strong>de</strong> film <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>Guillaume Tell. Ce film, pris sur les lieux même où sedéroulèrent les faits, il y a plus <strong>de</strong> six siècles, a fait revivrel’histoire <strong>de</strong> Tell d’une façon saisissante. <strong>Les</strong> vues très netteset l’action tenue par les acteurs <strong>de</strong> valeur et revêtant bienchacun un caractère propre et original et vrai. La figure <strong>de</strong>Tell a soulevé par sa noble expression <strong>de</strong>s applaudissementsfrénétiques ainsi que nombre <strong>de</strong> tableaux dont l’évocationpatriotique était intense et bien faite pour fortifier notrepatriotisme. Aussi fut-ce d’un cœur vibrant que pourterminer toute l’assistance chanta le “Cantique suisse”. […]J.N., 2 août 1915.33. La Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniers. (Actuelle Esplana<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniers) 57 .57 C.C., 23-24 juin 1934.-49-


<strong>Les</strong> séances régulières au Mo<strong>de</strong>rne recommencent seulement audébut d’octobre 1915 et M. Lenta attire les spectateurs en instaurant<strong>de</strong>s "tombolas primes" assorties <strong>de</strong> beaux ca<strong>de</strong>aux.Tombola. - Dimanche durant la séance du soir, au Cinéma Mo<strong>de</strong>rne, il aété procédé au tirage <strong>de</strong> la tombola prime. Le numéro gagnant le tableau estle N o 137. Pour le cas où ce billet ne serait pas présenté d’ici à dimanche soir31 octobre, la Direction a procédé par mesure <strong>de</strong> précaution à un secondtirage, le N o sortant est le 926. A partir <strong>de</strong> dimanche 31 octobre, le CinéMo<strong>de</strong>rne recommencera une nouvelle série <strong>de</strong> billets gratuits avec troisprimes au lieu d’une. Le premier lot consistera en une peinture à l’huile <strong>de</strong>M. Lenta, dans les dimensions du premier, le <strong>de</strong>uxième lot sera unagrandissement portrait. Et enfin le troisième est un bon pour sixphotographies sortant <strong>de</strong>s ateliers <strong>de</strong> M. J. Lüscher, en notre ville.J.N., 25 octobre 1915.Le 9 octobre 1915, M. Lenta a l’opportunité <strong>de</strong> projeter ses filmsavec le concours <strong>de</strong> l’Orchestre <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> pour une soirée <strong>de</strong>bienfaisance donnée au Théâtre <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.34. Soirée au théâtre, alternances <strong>de</strong> musiques et <strong>de</strong> films 58 .58 J.N., 8 décembre 1915.-50-


35. Le vieux théâtre 59 .Ce spectacle est organisé par le Comité italien <strong>de</strong> secours surl’initiative <strong>de</strong> M. Lenta. La recette intégrale est versée au Comité <strong>de</strong>secours <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. La soirée, dont le riche programme alterne morceauxmusicaux et films, fait salle comble. Le bénéfice net s’élève à Fr. 900.-.Au début <strong>de</strong> 1916, M. Lenta formule une première <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourprojeter ses films en plein air. Il se présente en séance <strong>de</strong> Municipalitéet <strong>de</strong>man<strong>de</strong> l'autorisation <strong>de</strong> pouvoir donner dans la cour <strong>de</strong> l'immeuble<strong>de</strong> l'hoirie Isch, rue <strong>de</strong> Perdtemps 7, <strong>de</strong>s représentations cinématographiquesles <strong>jours</strong> <strong>de</strong> beau temps, en lieu et place <strong>de</strong> celles qui sontdonnées dans son local <strong>de</strong> la rue du Vieux Marché. Cette autorisationest accordée, toutefois M. Lenta est avisé qu'elle sera retirée le jouroù les représentations en question donneraient lieu à <strong>de</strong>s plaintes <strong>de</strong> lapart du public ou <strong>de</strong>s voisins 60 . Le 3 avril 1916, M. François Lenta seprésente à nouveau en séance et informe qu'il renonce à donner <strong>de</strong>s59 Archives Edy Berger, <strong>Nyon</strong>.60 ACN BLEU A-75, p. 310, 20 mars 1916.-51-


eprésentations cinématographiques dans la cour <strong>de</strong> l'immeuble <strong>de</strong>l'hoirie Isch à cause du projet <strong>de</strong> construction d'un hangar parM. Parola, plâtrier peintre. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> pouvoir installer un couvertpermanent à l'entrée <strong>de</strong> la place du marché au bétail pour y donner lesdites représentations. Cette requête est repoussée. M. Lenta s'estfinalement décidé à installer son cinéma dans la cour <strong>de</strong> l'Hôtel <strong>de</strong> laCroix Verte 61 . Cette information n’est pas confirmée. M. Parola,compatriote <strong>de</strong> M. Lenta, est aussi artiste peintre à ses heures. Il estl’auteur <strong>de</strong>s tableaux exécutés à l’occasion du Tir cantonal vaudois, quis’est déroulé à <strong>Nyon</strong> en 1906. Ces œuvres ornent encore aujourd’hui lasalle à boire du café du Marché.En 1916, Monsieur Lenta redouble d'activité. Il loue au coup parcoup le théâtre situé sur la place du Château pour <strong>de</strong>s séancescinématographiques. Sa démarche se comprend aisément, car la salle duMo<strong>de</strong>rne, créée dans le sous-sol d’un ancien immeuble, est assortie <strong>de</strong>plusieurs inconvénients majeurs. Sa capacité restreinte, son accèsdifficile par un escalier peu pratique, son aération déficiente et sonambiance humi<strong>de</strong> liée à un chauffage insuffisant pénalisentl’établissement. En comparaison, son concurrent à Rive, le cinémaNational, possè<strong>de</strong> une salle bien chauffée et il n’est pas confronté auxmêmes problèmes <strong>de</strong> salubrité et <strong>de</strong> sécurité. Le 1 er et le 2 janvier1916, M. Lenta donne quatre séances <strong>de</strong> gala au théâtre <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.36. Soirées <strong>de</strong> gala au théâtre 62 .Il organise en même temps un gala cinématographique au Casino <strong>de</strong>Rolle.61 ACN BLEU A-75, p. 323, 3 avril 1916.62 J.N., 29 décembre 1915.-52-


37. F. Lenta au casino <strong>de</strong> Rolle 63 .Une soirée <strong>de</strong> bienfaisance au profit <strong>de</strong> la crèche nyonnaise estdonnée le 10 février au théâtre <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> en collaboration avec l'Unioninstrumentale.38. Affichette du spectacle donné au profit <strong>de</strong> la crèche 64 .La population nyonnaise y vient en nombre et le théâtre affichecomplet. <strong>Les</strong> 12 et 13 août, un spectacle musical et cinématographique63 C.C., 30-31 décembre 1915.64 ACN, sans cote.-53-


en faveur <strong>de</strong>s soldats mala<strong>de</strong>s est proposé par l'Union instrumentale etMonsieur Lenta assure la projection sur la Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniers.Au programme, le chef-d’œuvre <strong>de</strong> Giovanni Pastrone tiré du roman <strong>de</strong>Gabriel D’Annunzio, « Cabiria » (Italie 1914), dans une versionraccourcie qui dure tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong>ux heures. L'Union instrumentaleagrémente les intermè<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ses plus belles productions musicales.39. Projection sur la Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniers 65 .« Pendant la 3 e guerre punique, un patricien romain (Fulvio) et sonesclave (Maciste) sauve une enfant (Cabiria) qui <strong>de</strong>vait être sacrifiée audieu Baal. Ils l’élèvent. Elle <strong>de</strong>vient la confi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> la reine Sophonisbequi se suici<strong>de</strong> après la victoire <strong>de</strong> Scipion. Cabiria doit être à nouveausacrifiée, mais Maciste la sauve et elle épouse le patricien Fulvio » 66 .C’est la première superproduction <strong>de</strong> l’histoire du cinéma. <strong>Les</strong> figurantssont nombreux et les décors gigantesques. G. Pastrone, réalisateur, s’ydistingua par l’usage du travelling, alors rarement utilisé.Octobre 1916 : M. Durand rend la Municipalité attentive au fait que65 J.N., 9 août 1916.66 D.M.F. 2000, p. 102.-54-


<strong>Les</strong> cinémas. On nous écrit :Monsieur le rédacteur,Je lis dans votre honorable journal que M. Dorier Henri adéposé, au Conseil communal, une motion en termes injurieuxcontre les cinémas, les cinématographistes et votre serviteur.M. H. Dorier prend le couvert d'une tendre sollicitu<strong>de</strong> à l'égard<strong>de</strong> la population indigente, mais en réalité il discute surtout sesintérêts personnels, car tant qu'on ne l'avait pas touché dans sasinécure <strong>de</strong> machiniste au Théâtre, rien pour lui n'a jamaiscloché.Je ne répondrai pas autre chose à ce Monsieur, ce seraitm'abaisser. Je tiens uniquement à le relever [sic] que monétablissement n'est pas le ver rongeur que prétend M. Dorierque <strong>de</strong> plus [sic] que d'autres je me suis tou<strong>jours</strong> offert pourfaire jouer au cinéma le rôle instructif et éducatif qu'il doittenir.Pour ce qui concerne ma situation <strong>de</strong> « rentier la semaine pourne travailler que le dimanche » c'est <strong>de</strong> la pure malveillance, etje répondrai à M. Dorier que je satisfais plus <strong>de</strong> clients, dans maprofession <strong>de</strong> peintre, moi, d'une semaine, que lui dans celle <strong>de</strong>menuisier pendant l'espace d'un mois.Décidément il y a fagot et fagot, Dorier et Dorier, cinéma etcinéma.Agréez, Monsieur le Rédacteur, mes sentiments distingués.François Lenta, peintre,Directeur du Cinéma Mo<strong>de</strong>rneJ.N., 13 octobre 1916.<strong>Les</strong> représentations cinématographiques au théâtre n'en posent pasmoins <strong>de</strong>s problèmes techniques et légaux. Le Département Militaire et<strong>de</strong>s Assurances informe, par lettre du 12 courant, qu'il a inspecté lesinstallations faites au théâtre pour les représentations cinématographiqueset qu'il les a trouvées insuffisantes, la cabine et letableau ne sont pas conformes aux prescriptions et présentent <strong>de</strong>srisques sérieux. Comme il n'est pas possible d'aménager une cabine et<strong>de</strong>s installations satisfaisantes conformes aux dispositions <strong>de</strong> l'arrêtédu 17 juin 1916 sur les cinématographes, le Département <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quel'on renonce à donner <strong>de</strong> telles représentations au théâtre. A cepropos, M. Durand-Kocher, vice syndic, fait part d'un projet <strong>de</strong> laSociété <strong>de</strong> développement tendant à placer une cabine en <strong>de</strong>hors dubâtiment du théâtre, <strong>de</strong>rrière la scène, <strong>de</strong> manière à ce qu'ellen'obstrue pas la sortie <strong>de</strong>s galeries. La Municipalité déci<strong>de</strong> <strong>de</strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à cette Société <strong>de</strong> formuler son projet par écrit et <strong>de</strong> le-56-


Soirée cinéma. Nousapprenons qu'une améliorationimportante sera apportée àl'installation <strong>de</strong> l'opérateur. Lanetteté <strong>de</strong>s vues, déjà bonne dansla <strong>de</strong>rnière soirée, sera augmentée.Raison <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> ne pasmanquer l'intéressant spectacleoffert par la Société <strong>de</strong> Développement,mercredi 1 er novembre,à huit heures, au théâtre.CHRONIQUE LOCALE<strong>Nyon</strong>Société <strong>de</strong> Développement. - Nousapprenons que la soirée cinémasera agrémentée <strong>de</strong> musique, unpetit orchestre ayant gracieusementoffert ses services qui ont étéacceptés avec empressement. Il yaura donc joie pour les oreillesaussi bien que pour les yeux.C.C., 30 octobre 1916. J.N., 1 er novembre 1916.L’utilisation du théâtre comme lieu <strong>de</strong> projection cinématographiquen’est pas sans éveiller la vigilance cantonale : Le Département Militaire,contrôle <strong>de</strong>s installations électriques et industrielles, à Lausanne,revenant sur le contenu <strong>de</strong> sa lettre du 12 octobre 1916, avise laMunicipalité qu'il autorise l'installation du cinématographe au théâtre,sous les réserves suivantes : a) la cabine s'enlèvera après chaquereprésentation. Elle sera entièrement à l'extérieur, sans autrecommunication avec la scène que les ouvertures nécessaires pour laprojection, b) la cabine sera construite en matériaux incombustibles, ycompris le plafond et le plancher ; c) l'appareil cinématographique seraconforme à toutes les prescriptions <strong>de</strong> l'arrêté du 17 juin 1916 ; il enest <strong>de</strong> même du tableau <strong>de</strong>s appareils électriques, qui sera monté surpanneau incombustible […] 69 .Le conflit local, lui, est réglé l’année suivante : Le Secrétaire duConseil communal communique la décision prise par cette autorité danssa séance du 22 décembre 1916, à savoir : prise en considération <strong>de</strong> lamotion déposée par M. Henri Dorier, le 9 octobre 1916, concernantl'usage du théâtre pour les représentations cinématographiques, motionqui a été largement modifiée par la Commission du Conseil, qui lui adonné la teneur suivante : « Ne pas louer le théâtre pour <strong>de</strong>s séancescinématographiques, sauf celles qui sont organisées par la Société <strong>de</strong>Développement, les autorités scolaires ou dans un but <strong>de</strong> bienfaisance,cela jusqu'à <strong>de</strong>s temps meilleurs » 70 .M. Dorier est satisfait, sa motion a passé la rampe du législatifnyonnais, M. Lenta est privé <strong>de</strong> l’usage du théâtre pour ses projectionsoccasionnelles.69 ACN BLEU A-75, pp. 494-495, 6 novembre 1916.70 ACN BLEU A-75, p. 539, 3 janvier 1917.-59-


En 1916, les prescriptions <strong>de</strong> l’arrêté sur les cinématographes du 17juin 1916, entraînent l’examen <strong>de</strong> toutes les salles du canton. LeMo<strong>de</strong>rne est inspecté par le service <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s installationsélectriques et industrielles <strong>de</strong> l’Etat <strong>de</strong> Vaud. Monsieur Lenta reçoit enfévrier 1917 le rapport lui ordonnant les améliorations à exécuter pourêtre conforme à l’arrêté précité.NYONNom : Cinéma Mo<strong>de</strong>rnePropr. : Francesco Lenta.Art. 27 La salle du cinéma Mo<strong>de</strong>rne contient 70 places au parterre et 50places à la galerie. […]Art. 32 Bancs et 20 chaises. Le tout mobile […]Art. 37 1 sortie rue du Vieux Marché, 2 sur la rue Nicole, dont une servantégalement aux appartements. […]Art. 39 Aucune inscription lumineuse.Art. 40 Un appareil placé dans le dégagement <strong>de</strong> la galerie entrave lacirculation. Le bureau <strong>de</strong> contrôle est placé dans le mur à côté <strong>de</strong> l’entréerue du Vieux Marché.Art. 42 La ventilation s’effectue par les portes et fenêtres.Art. 43 Pas <strong>de</strong> W.C.Art. 44 1 poste d’eau avec dévidoir. Bon entretient.Liste <strong>de</strong>s modifications à apporter et <strong>de</strong>s installations nouvelles à fairedans cet établissement, en vertu <strong>de</strong> l’arrêté du 17 juin 1916.a/ <strong>Les</strong> couloirs <strong>de</strong>s galeries doivent avoir au minimum 1 m. <strong>de</strong> largeur(art. 30).b/ <strong>Les</strong> tremplins <strong>de</strong> la galerie doivent être supprimés (art. 31).c/ <strong>Les</strong> bancs et les chaises doivent être fixés au sol ; un espace <strong>de</strong>0.35 cm. [sic, pour 0.35 m] sera laissé entre chaque rang.d/ Le cordon barrant le couloir au parterre doit être supprimé (art. 38).e/ 4 inscriptions lumineuses avec lettres rouges <strong>de</strong> 10 cm. <strong>de</strong> haut surfond noir et l’inscription « SORTIE » et « SORTIE DE SECOURS » doiventêtre placées au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s portes <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> spectacle. Ces inscriptions<strong>de</strong>vront fonctionner pendant toute la durée du spectacle.f/ La Municipalité veillera à ce que pendant les représentations il nesoit placé aucun objet encombrant dans le dégagement principal (art. 40).Ce cinéma présentant <strong>de</strong>s risques spéciaux par le fait que le parterre setrouve 2m.20 en contrebas du sol extérieur et que le mobilier permetd’entasser les spectateurs, le Département <strong>de</strong>s Travaux Public propose :1° d’exiger que les bancs du parterre soient remplacés par un mobiliermo<strong>de</strong>rne et conforme aux prescriptions <strong>de</strong> l’article 32. <strong>Les</strong> places <strong>de</strong>vrontêtre bien séparées les unes <strong>de</strong>s autres.2° Il ne sera pas toléré <strong>de</strong> mettre plus <strong>de</strong> 70 places au parterre.3° La Municipalité <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> <strong>de</strong>vra veiller à ce que le nombre <strong>de</strong> personnesadmises au parterre ne soit supérieur à 70. […]Il y a lieu d’installer dans la salle un éclairage <strong>de</strong> secours conforme aurèglement.Afficher l’interdiction <strong>de</strong> fumer dans la cabine (art. 22)Rapport sur les modifications à apporter au Cinéma Mo<strong>de</strong>rne 71 .71 ACV KVII b 19/23.-60-


L'activité cinématographique se déroule normalement au Mo<strong>de</strong>rnependant toute l'année 1917. Dans le cadre d’une action <strong>de</strong> bienfaisancemise sur pied à l’échelle nationale par les exploitants <strong>de</strong> cinéma, laJournée cinématographique suisse, M. Lenta organise une soirée <strong>de</strong> galaen plein air avec le concours <strong>de</strong> l'orchestre symphonique Lémania. <strong>Les</strong>pectacle est donné le 30 juillet sur la Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniers.« La Course <strong>de</strong> motos <strong>Nyon</strong> St-Cergue 1917 » (organisée par le club <strong>de</strong>Genève) figure au programme <strong>de</strong> la soirée et le bénéfice est <strong>de</strong>stinéaux œuvres <strong>de</strong> bienfaisance <strong>de</strong> l'armée suisse.40. Affichette du gala pour l’armée suisse 72 .CONFEDERATION SUISSE<strong>Les</strong> cinémas et l’armée. - La soirée donnéeau bénéfice <strong>de</strong> l’armée, le 30 juillet <strong>de</strong>rnier, parles cinémas <strong>de</strong> toute la Suisse, a produit 16’ 000francs, qui seront versés au Départementmilitaire fédéral pour être affectés aux diversesœuvres en faveur <strong>de</strong>s soldats.C.C., 9 août 1917.72 ACN, sans cote.-61-


Sur la même place, <strong>de</strong>ux soirées <strong>de</strong> cinéma sont organisées par lasociété <strong>de</strong>s Tambours et Clairons <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> les 4 et 5 août 1917. Auprogramme, drame patriotique, vau<strong>de</strong>ville, actualités et fou rireprésentés par M. Lenta. Une partie <strong>de</strong> la recette est versée à uneœuvre <strong>de</strong> bienfaisance locale. En décembre, le Mo<strong>de</strong>rne présente unfilm <strong>de</strong> Louis Feuilla<strong>de</strong>, « Ju<strong>de</strong>x », <strong>de</strong> la firme Gaumont (France 1917) ,« Un mystérieux justicier, Ju<strong>de</strong>x, entre en lutte contre le banquierFavraux, qui a édifié sa fortune en employant <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s indignes.Mais ses plans sont contrariés par une aventurière, Diana, qui désireépouser le banquier. De plus, Ju<strong>de</strong>x est amoureux <strong>de</strong> Jacqueline, lapropre fille du banquier » 73 . C'est le principe du cinéroman réalisé surplus <strong>de</strong> 8000 mètres <strong>de</strong> pellicule en douze épiso<strong>de</strong>s. Lors <strong>de</strong>sprojections <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> film à série, quelques épiso<strong>de</strong>s sontprésentés par séance, ce qui oblige les spectateurs à revenir pourconnaître le dénouement <strong>de</strong> l'histoire.Au début 1918, Monsieur Lenta, qui ne peut tou<strong>jours</strong> pas louer lethéâtre, cherche d’autres solutions pour ses projections. Il rêve d'unnouvel emplacement pour son cinématographe afin d'obtenir <strong>de</strong>sconditions idéales. L’opportunité <strong>de</strong> construire un nouveau cinéma seconcrétise sur l'emplacement <strong>de</strong> l'ancienne Maison du peuple.41. Maison du Peuple, Cercle Coopératif communiste 74 .73 D.M.F. 2000, p. 392.74 Collection André Dubois, <strong>Nyon</strong>.-62-


Une enquête <strong>de</strong> 30 <strong>jours</strong> est ouverte au sujet d'une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>M. Charles Winkler, architecte, à Genève, lequel se propose <strong>de</strong> démolirl'immeuble appartenant à M. Tranquille Quadri, à la rue duVieux Marché et <strong>de</strong> reconstruire à sa place, pour le compte <strong>de</strong> M.François Lenta, un bâtiment à l'usage <strong>de</strong> cinématographe et <strong>de</strong>logement 75 .La Commission <strong>de</strong> salubrité émet les réserves suivantes dans sonrapport du 7 mai 1918 :1. - Deux cinémas étant suffisants pour amuser et instruire notrepopulation et l'alléger <strong>de</strong> son argent, l'autorisation <strong>de</strong> construire etd'exploiter ne <strong>de</strong>vrait être accordée que si l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxétablissements existants est supprimé.2. - Nous <strong>de</strong>mandons que les plans soient soumis à l'examen <strong>de</strong>M. Martin architecte chargé <strong>de</strong> notre plan d'extension. - L'examen<strong>de</strong>vant porter sur le plan <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> principale, l'alignement, - lapossibilité <strong>de</strong> prolonger la rue Nicole jusqu'à celle <strong>de</strong>s Jardins.(Actuelle rue Maupertuis) 76 .Réponse <strong>de</strong>s autorités : […] La Municipalité ne partage pas l'avis <strong>de</strong>la Commission tendant à soumettre les plans à l'architecte Martin quis'occupe du plan d'extension ; mais elle charge M. Durand d'avoir uneentrevue avec M. Lenta pour lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d'apporter <strong>de</strong>s modificationsà la faça<strong>de</strong> donnant sur la rue du Vieux Marché 77 .M. François Lenta ayant fait modifier avantageusement le plan <strong>de</strong> lafaça<strong>de</strong> du cinéma qu'il se propose <strong>de</strong> faire construire à la rue duVieux Marché le nouveau projet est accepté en date du 17 juin 1918. LaMunicipalité charge la Section <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> lui délivrer le permis <strong>de</strong>construction prévu par la loi 78 .75 ACN BLEU A-76, p. 350, 15 avril 1918.76 ACN BLEU K-315. Lenta, correspondance.77 ACN BLEU A-76, p. 381, 13 mai 1918.78 ACN BLEU A-76, pp. 411-412, 17 juin 1918.-63-


42. Cinéma F. Lenta, 1 er projet refusé, et Cinéma E<strong>de</strong>n, 2 e projet accepté 79 .79 ACN BLEU K-315.-64-


Le nouveau cinéma s’appellera E<strong>de</strong>n. M. Lenta y voit déjà laréalisation <strong>de</strong> ses rêves les plus chers, mais les travaux <strong>de</strong> constructiontar<strong>de</strong>nt à démarrer. Va-t-il abandonner son beau projet, comme lelaisse supposer l'offre qu'il fait à la commune au mois <strong>de</strong> décembre ?La Section <strong>de</strong>s travaux informe que M. François Lenta lui a offert <strong>de</strong>vendre à la Commune l'emplacement où se trouvait la Maison du Peuple,rue du Vieux Marché. La Municipalité ne juge pas opportun <strong>de</strong>s'intéresser à cette affaire 80 .<strong>Les</strong> effets <strong>de</strong> la terrible grippe espagnole ont-elles arrêtél'entreprenant directeur du Mo<strong>de</strong>rne ? En effet, dès le 24 juillet,l'activité cinématographique est interrompue par l’épidémie. Unereprise <strong>de</strong> courte durée intervient le 1 er septembre, mais le fléaureprenant <strong>de</strong> l'ampleur, toute réunion est interdite dès le28 septembre. A la suite d'un rapport verbal du mé<strong>de</strong>cin délégué, lesyndic autorise les <strong>de</strong>ux cinémas <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> à reprendre leursreprésentations dès et y compris le samedi 21 décembre, à conditionque l'entrée <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> spectacle soit interdite aux gens dont lafamille est affectée par la grippe. Par mesure <strong>de</strong> précautionsupplémentaire, la salle du Mo<strong>de</strong>rne est spécialement désinfectéeavant, pendant et après chaque séance.43. Réouverture et inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la grippe 81 .Avant <strong>de</strong> quitter la difficile année 1918, mentionnons un événementculturel <strong>de</strong> qualité qui se déroule juste avant la mise en œuvre <strong>de</strong>smesures imposées par la grippe espagnole. En effet, l'Unioninstrumentale organise <strong>de</strong>ux soirées sur la Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniersles 20 et 21 juillet. Au programme, la projection d’un film80 ACN BLEU A-77, p. 3, 9 décembre 1918.81 C.C., 21-22 décembre 1918.-65-


d’avant-guerre, « l'Aiglon » (Emile Chautard, France, 1914) d'aprèsl’œuvre d'Edmond Rostand, accompagné par la musique <strong>de</strong> l’Unioninstrumentale.44. Spectacle sur la Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniers 82 .« <strong>Les</strong> partisans <strong>de</strong> l’Empire veulent inciter le roi <strong>de</strong> Rome àreprendre le titre d’empereur <strong>de</strong>s Français que les Chambres lui avaientreconnu à l’abdication <strong>de</strong> son père » 83 . « Le cinéma nuit-il au théâtre ?En tout cas, il lui <strong>de</strong>vait déjà beaucoup ; il lui <strong>de</strong>vra désormais unnouveau chef-d’œuvre. Mais il fallait une singulière audace <strong>de</strong>conception et d’exceptionnels moyens <strong>de</strong> réalisation pour transposer enfilm un drame tel que « l’Aiglon », <strong>de</strong> M. Edmond Rostand. M. HenryHertz s’y est appliqué et, avec l’ai<strong>de</strong> d’un excellent metteur en scène,M. Chautard, et d’artistes choisis jusque dans les troupes <strong>de</strong> laComédie Française et <strong>de</strong> l’Odéon, il a réussi avec éclat. <strong>Les</strong> six actes <strong>de</strong>« l’Aiglon » se sont transformés en cent cinquante-quatre tableaux, parun procédé ingénieux qui amplifie singulièrement l’œuvre originalepuisqu’elle consiste à faire dérouler <strong>de</strong>vant nous, non seulement lesscènes <strong>de</strong> la pièce, mais toutes les scènes écrites ou simplement82 J.N., 19 juillet 1918.83 C.G. 2003, p. 27.-66-


évoquées, au cours du dialogue, <strong>de</strong> sorte que c’est, à propos et autour<strong>de</strong> ces six actes, presque toute la vie <strong>de</strong> « l’ aiglon » et toute uneépoque reconstituée, animée sur l’écran avec une exactitu<strong>de</strong>, un aspect<strong>de</strong> vérité, et, pour certains tableaux, une somptuosité encoreinégalée » 84 .On peut imaginer l'ambiance qui règne sous les grands marronniers<strong>de</strong> l'esplana<strong>de</strong> dominant le bassin lémanique. C'est bien entenduM. Lenta qui assure la projection. Détail intéressant, une superbebrochure <strong>de</strong> « l'Aiglon » éditée par Aubert Films à Paris est en venteen faveur du Don national suisse.45. L’Aiglon, brochure <strong>de</strong> la maison Aubert Films 85 .84 L’Illustration, 6 juin 1914, cité d’après Le Cinéma. <strong>Les</strong> grands dossiers <strong>de</strong> l’Illustration. Histoired’un siècle 1843-1944, Le Livre <strong>de</strong> Paris, Paris, 1987, p. 42.85 ACN R.378.-67-


Le 26 janvier 1919 : La Municipalité prend connaissance d'unrapport <strong>de</strong> l'agent Badoux au sujet du feu qui s'est déclaré hier soir à10h au Cinéma Mo<strong>de</strong>rne, rue du Vieux Marché, pour lequel l'alarme aété donnée en ville, bien qu'il n'y ait eu qu'un film cinématographiqueconsumé 86 . Concernant les mesures <strong>de</strong> sécurité exigées dans la cabine<strong>de</strong> projection, le début <strong>de</strong> l'article 21 <strong>de</strong> l'arrêté cantonal du 17 juin1916 stipule : Pendant que l'appareil à projection fonctionne,l'opérateur se tiendra continuellement dans la cabine et aura à sadisposition un seau rempli d'eau et un torchon 87 . La cabine <strong>de</strong>projection du Mo<strong>de</strong>rne mesurant à peine trois mètres carrés (L 1.70 x L1.80 x H 1.90), il faut réagir très promptement en cas d’incendie si l'onveut limiter les dégâts, surtout avec l’extrême inflammabilité <strong>de</strong> lapellicule <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> l’époque, en nitrate <strong>de</strong> cellulose, quand ils sontexposés à une source <strong>de</strong> chaleur mal isolée.Qu'en est-il <strong>de</strong> l'E<strong>de</strong>n projeté par M. Lenta ? Après la démolition<strong>de</strong> l’ancienne Maison du peuple, la faça<strong>de</strong> côté Jura donnant sur la ruedu Vieux-Marché est érigée en moellons assemblés, les murs <strong>de</strong>smaisons latérales bor<strong>de</strong>nt le terrain à gauche et à droite tandis qu’unsimple mur donnant sur la rue <strong>de</strong>s Jardins clôt la parcelle côté lac.46. Démolition <strong>de</strong> la Maison du peuple 88 .86 ACN BLEU A-77, p. 60, 27 janvier 1919.87 AVL, recueil <strong>de</strong>s lois et décrets du canton <strong>de</strong> Vaud, p. 140.88 ACN, fonds Champrenaud.-68-


47. F. Lenta <strong>de</strong>vant la faça<strong>de</strong> du futur cinéma E<strong>de</strong>n 89 .Mais le début <strong>de</strong>s travaux pose déjà problème à son propriétaire quine respecte pas les conditions légales : La Section <strong>de</strong>s Travaux avise laMunicipalité que M. François Lenta fait construire un sous-sol dans sonimmeuble <strong>de</strong> la rue du Vieux Marché, pour l'installation du chauffagecentral <strong>de</strong> son futur cinématographe. Cette construction n'étant pasprévue aux plans déposés à l'enquête, la Municipalité déci<strong>de</strong>, pourmettre sa responsabilité à couvert, d'en informer M. Ernest Pélichet,Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Commission d'inspection <strong>de</strong>s bâtiments. En outre, unrapport sera dressé contre M. Lenta, pour contravention à l'article 38<strong>de</strong> la loi du 12 mai 1898 sur la police <strong>de</strong>s constructions et <strong>de</strong>shabitations et aux articles 23, 25 et 29 du règlement communal, du14 mars 1900, sur la matière 90 .Deux mois plus tard, nouveau rebondissement : Ensuite <strong>de</strong> la motionconcernant le prolongement <strong>de</strong> la rue Nicole, déposée par M. LouisTecon, à la séance du Conseil communal du 28 mars écoulé, laMunicipalité a <strong>de</strong>mandé à M. François Lenta à quelles conditions ilconsentirait à vendre à la Commune l'emplacement où se trouvait laMaison du Peuple à la rue du Vieux Marché. Celui-ci répond qu'à sonavis, cet emplacement vaut Fr. 29'700.-, somme à laquelle il y aura lieud'ajouter la note <strong>de</strong> l'entrepreneur Quadri Tranquille pour les travaux89 Archives Edy Berger, <strong>Nyon</strong>.90 ACN BLEU A-77, p. 75, 5 février 1919.-69-


préliminaires exécutés à ce jour. Cette lettre sera transmise à laCommission du Conseil communal, qui a été chargée <strong>de</strong> rapporter sur cetobjet 91 .Le Secrétaire du Conseil communal informe que dans sa séance du2 courant, cette autorité a pris la décision suivante : repousser,conformément au préavis municipal, la proposition <strong>de</strong> M. Louis Tecon,tendant à l'achat <strong>de</strong> l'immeuble <strong>de</strong> M. François Lenta, à la rue duVieux Marché pour le prolongement <strong>de</strong> la rue Nicole 92 .Suite à toutes ces discussions au sein <strong>de</strong>s autorités communales,M. Lenta fait une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux autorités afin d'utiliser sonemplacement <strong>de</strong> la rue du Vieux-Marché pour y donner <strong>de</strong>s projectionscinématographiques en plein air.Le Département militaire et <strong>de</strong>s assurances, Contrôle <strong>de</strong>sinstallations électriques et industrielles, avise qu'il autorise M. FrançoisLenta à installer provisoirement son cinéma dans la cour <strong>de</strong> sonbâtiment en construction à la rue du Vieux Marché et à y donner <strong>de</strong>sreprésentations en plein air. Le Département réserve toutefois lesobservations qui pourraient être relevées lors d'une inspection etrappelle que le dossier complet <strong>de</strong> l'installation <strong>de</strong> ce cinéma <strong>de</strong>vra luiêtre soumis avant tous travaux 93 .La première représentation sur l’emplacement <strong>de</strong> l’ancienne Maisondu peuple a lieu le 18 juin 1919 avec le concours <strong>de</strong> l’Unioninstrumentale. « Vingt milles lieues sous les mers », réalisé par AllanJ. Hollubar en 1915, enchante les spectateurs avec ses excellentes vuessous-marines. Le public revit dans ce film inspiré du célèbre roman <strong>de</strong>Jules Verne, les fantastiques aventures du capitaine Némo et <strong>de</strong> soncélèbre sous-marin Nautilus. « Le film doit surtout son succès auxprises <strong>de</strong> vues sous-marines <strong>de</strong>s frères Williamson, pionniers du cinémaen plongée et futurs documentaristes <strong>de</strong> la mer » 94 .91 ACN BLEU A-77, p. 151, 7 avril 1919.92 ACN BLEU A-77, p. 268, 21 juillet 1919.93 ACN BLEU A-77, p. 231, 17 juin 1919.94 A.C. 1992, p. 99.-70-


48. Film <strong>de</strong> Jules Verne avec accompagnement musical 95 .<strong>Les</strong> places réservées sont à Fr. 1.50, les premières à Fr. 1.- et lessecon<strong>de</strong>s à Fr. 0.80, les enfants accompagnés bénéficient du <strong>de</strong>mitarif.Tou<strong>jours</strong> très social et généreux, Lenta offre le produit duspectacle à l'Asile <strong>de</strong>s vieillards et à la Crèche <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. La recettes’élève à Fr. 320. - ce qui permet d’évaluer à environ trois cents lenombre <strong>de</strong>s spectateurs pour une moyenne du prix <strong>de</strong>s places à Fr. 1.10.Joli succès pour un début !Cinématographe. Le directeur du cinéma Mo<strong>de</strong>rnea eu l’idée d’ouvrir son nouveau local en plein air par uneséance <strong>de</strong> bienfaisance. Fixée au mercredi, cette soirée futrenvoyée à jeudi à cause du mauvais temps.Le public a répondu avec un empressement dont nous leremercions, à l’appel qui lui a été adressé. Une foulecompacte remplissait l’emplacement ingénieusementaménagé.Nous avons le plaisir <strong>de</strong> l’informer que la recette nette aatteint la belle somme <strong>de</strong> fr. 320.30, répartie entre l’Asile<strong>de</strong> Vieillards et la Crèche <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.Il nous reste à dire publiquement au nom <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>uxinstitutions notre vive gratitu<strong>de</strong> à M. Lenta et à sonpersonnel qui ont rivalisé <strong>de</strong> dévouement et <strong>de</strong> désintéressement.Comité <strong>de</strong> l’Asile <strong>de</strong> Vieillards.Comité <strong>de</strong> la Crèche.J.N., 23 juin 1919.Cette première saison en plein air, qui se déroule jusqu’au95 C.C., 17 juin 1919.-71-


22 septembre 1919, a beaucoup <strong>de</strong> succès. M. Lenta offre <strong>de</strong>s films àépiso<strong>de</strong>s que l’on suit <strong>de</strong> semaine en semaine comme « La Nouvellemission <strong>de</strong> Ju<strong>de</strong>x ». (Louis Feuilla<strong>de</strong>, France, 1918). <strong>Les</strong> programmescomportent aussi <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> guerre, <strong>de</strong>s drames américains, unTarzan interprété par Elmo Lincoln et, bien entendu, <strong>de</strong>s filmscomiques que la publicité qualifie souvent <strong>de</strong> "fou rire". Il n’y amalheureusement pas <strong>de</strong> document photographique montrant le Jardindu Cinéma Mo<strong>de</strong>rne avec son projecteur, les bancs pour le public etl’écran au fond <strong>de</strong> la place, côté lac. On peut imaginer l’ambiance du lieu,avec tous ces spectateurs qui atten<strong>de</strong>nt en babillant le moment magiquequi les fera rêver, rire ou pleurer, avec l’espoir que l’orage ne vienne pastroubler la fête.En 1920, le sort du futur cinéma EDEN n’évolue pas vraiment,comme le confirme un rapport <strong>de</strong> la Municipalité, car M. Lenta sedistingue par ses petits bricolages imprévus. M. Durand-Kocher informela Municipalité qu'il a prononcé une amen<strong>de</strong> contre M. François Lenta,propriétaire, pour avoir construit, sans autorisation, un pavillon en boiset un hangar dans sa propriété, rue <strong>de</strong>s Jardins. Vu le peu d'importance<strong>de</strong> ces constructions, la Municipalité renonce à exiger <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong>M. F. Lenta et charge la Section <strong>de</strong>s Travaux <strong>de</strong> lui délivrer un permis<strong>de</strong> construction pour régulariser cette affaire 96 .L’histoire <strong>de</strong> la propriété <strong>de</strong> M. Lenta, située à la rue duVieux-Marché, est parsemée d’événements désagréables et imprévus.<strong>Les</strong> difficultés financières <strong>de</strong> l’entreprenant propriétaire ne sont peutêtrepas étrangères à cette situation. En automne une nouvelleaffectation <strong>de</strong> la parcelle est proposée par un groupe <strong>de</strong> citoyens, maiselle ne sera jamais réalisée à cet endroit. M. le Syndic fait part d'unprojet du Comité d'initiative <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Salle, présidé par M. ErnestBonzon, notaire, tendant à acheter l'immeuble <strong>de</strong> M. François Lenta, àla rue du Vieux-Marché pour y créer ladite Gran<strong>de</strong> Salle. Ce Comitédisposerait du fonds existant et émettrait un certain nombre <strong>de</strong> parts<strong>de</strong> Fr. 1000.- jusqu'à concurrence <strong>de</strong> la somme <strong>de</strong> Fr. 60000.-nécessaire à la réalisation <strong>de</strong> ce projet. Dont acte 97 .Pour l’année 1920, la saison au Jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne débute le12 mai et se termine le 20 septembre. Elle comporte un programmecinématographique intéressant ainsi que différents spectacles sportifs96 ACN BLEU A-77, p. 526, 15 mars 1920.97 ACN BLEU A-78, p. 120, 4 octobre 1920.-72-


ou culturels. Citons-en quelques-uns pour mieux comprendre lescontinuelles recherches <strong>de</strong> l’entreprenant petit émigré italien pourcaptiver sa clientèle.Le 13 mai, c'est un spectacle <strong>de</strong> music-hall, avec un exploitathlétique comme attraction principale : le Vaudois Maurice Deriaz,champion du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> force, porte douze hommes sur un plateau.Athlétisme. Après les gran<strong>de</strong>s capitales, <strong>Nyon</strong> aura l’occasion<strong>de</strong> voir le célèbre athlète Maurice Deriaz, proclamé Champion dumon<strong>de</strong>, dans une représentation extraordinaire qui aura lieu dansle jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne, jeudi 13 mai, à 3h <strong>de</strong> l’après-midi.Il offre 5000 francs à celui qui l’égalera ou le surpassera dans sesstupéfiants exercices <strong>de</strong> force et d’adresse.Le spectacle sera du reste varié, car Dériaz est accompagné d’unetroupe d’artistes <strong>de</strong> 1 er ordre, composée <strong>de</strong> chanteurs, chanteuses,comiques, etc.C.C., 11 mai 1920.Le 26 mai, une « Séance Extraordinaire d’Art Biblique » est donnéeen faveur <strong>de</strong> la salle paroissiale catholique avec « La Ré<strong>de</strong>mption <strong>de</strong>Marie-Ma<strong>de</strong>leine » <strong>de</strong> Carmine Gallone (Re<strong>de</strong>nzione, Italie, 1919)Séance <strong>de</strong> bienfaisance.Mercredi soir, les amateurs <strong>de</strong> saines jouissances artistiques <strong>de</strong><strong>Nyon</strong> et <strong>de</strong>s environs auront le privilège <strong>de</strong> pouvoir assister à unspectacle qui se donnera au bénéfice <strong>de</strong> la salle paroissialecatholique <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.Pour cette circonstance, M. Lenta a pu se réserver le grand film<strong>de</strong> la célèbre Diane Karenne dans le rôle <strong>de</strong> Marie-Ma<strong>de</strong>leine.Voici à propos <strong>de</strong> cette œuvre capitale ce qu'écrivait l'académicienJean Carrère dans les quotidiens <strong>de</strong> France :« Ce film poétique a permis à ses créateurs <strong>de</strong> réaliser un <strong>de</strong>splus grandiose spectacle <strong>de</strong> la cinématographie mo<strong>de</strong>rne ; on yadmire le temple d'Isis. Au bord <strong>de</strong> la mer, dans l'Ile du Phare,près d'Alexandrie, avec ses murailles géantes et ses milliers <strong>de</strong>spectateurs juchés sur les murs et les colonnes.Pour ce qui est <strong>de</strong> l'exécution <strong>de</strong> cette œuvre, elle dépasse engran<strong>de</strong>ur et en perfection tout ce qui était permis d'une maisoneuropéenne.Surtout, ce qu'il faut admirer, c'est la véritable création <strong>de</strong>l'héroïne qu'a réalisée Mme Diane Karenne. En cette artistesupérieurement intelligente passent, tour à tour, tous lestourments <strong>de</strong> la pécheresse et toutes les exaltations <strong>de</strong> lasainte ».C.C., 24 mai 1920.-73-


A la fin mai, l'athlète suisse André Cherpillod, champion du mon<strong>de</strong><strong>de</strong> lutte, est proposé aux amateurs <strong>de</strong> sensations fortes.Cherpillod à <strong>Nyon</strong>. Dimanche prochain, à2 h 45, au Jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne, notre « as »national André Cherpillod sera aux prises avec plusieurslutteurs <strong>de</strong> valeur.Il rencontrera le célèbre nègre Sam, un splendi<strong>de</strong>athlète tout en muscle qui veut prouver àCherpillod que sa métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> Jiu-Jitsu est supérieureet qu’il ne craint personne dans ce style <strong>de</strong>lutte.Egalement Cherpillod disputera un beau match<strong>de</strong> lutte libre avec le lutteur professionnel Martinqui s’est classé premier à divers tournois <strong>de</strong> lutte àl’étranger.Cherpillod est tou<strong>jours</strong> prêt à rencontrer plusieurslutteurs qui voudront goûter la valeur <strong>de</strong> ses biceps.C.C., 27 mai 1920.49. André Cherpillod, le champion <strong>de</strong> St. Croix 98 .Le 17 juin, le Grand thé concert du Foyer féminin <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> a lieu surla Promena<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Marronniers. La fête se termine le soir au Jardin duCinéma Mo<strong>de</strong>rne avec la projection du film « La Naissance d’unenation » (The Birth of a Nation, USA, 1915) <strong>de</strong> David W. Griffith. Lors<strong>de</strong> cette séance offerte gracieusement par M. Lenta, les quatre centsspectateurs vivement intéressés restent jusqu’à la fin <strong>de</strong> la représentation,malgré une pluie impitoyable.« La guerre <strong>de</strong> Sécession sépare <strong>de</strong>ux familles sudistes amies : lesStoneman, fidèles à l’Union, et les Cameron, sécessionnistes. Après lachute d’Atlanta, Ben Cameron, prisonnier <strong>de</strong> son ami Phil Stoneman(dont le père est un conseiller <strong>de</strong> Lincoln), tombe amoureux <strong>de</strong> la sœur<strong>de</strong> celui-ci, Elsie, qui est son infirmière. La ca<strong>de</strong>tte <strong>de</strong>s Cameron Florase suici<strong>de</strong> pour ne pas être violée par un Noir, jadis esclave. Pour la98 C.C., 27 mai 1920.-74-


venger, Ben Cameron (qui a eu la vie et l’honneur sauvés par Lincoln)rompt avec Elsie et participe à la fondation <strong>de</strong> ce qui sera le Ku KluxKlan. Bataille finale entre une troupe anarchique <strong>de</strong> Noirs assiégeant lesCameron et les cavaliers <strong>de</strong> Ben (auxquels se joignent in extremis <strong>de</strong>sNordistes ! Le vieux Stoneman déplore le passé : ce « méchantmélodrame » (Griffith dixit) s’achève par une vision <strong>de</strong> paixuniverselle » 99 . « A New York, le film sera projeté onze mois au LibertyTheatre et sept mois au Clune’s Auditorium , les places étant réservées<strong>de</strong>s semaines à l’avance. En cinq ans, les bénéfices du film représententdix-huit millions <strong>de</strong> dollars, pour un coût <strong>de</strong> production <strong>de</strong> trois centquatre vingt milles dollars » 100 .Le 24 juin, autre spectacle intéressant en plein air avec laconférence du journaliste et conférencier <strong>de</strong> cinéma Louis Françon,accompagnant le film « <strong>Les</strong> Régions polaires ». Un grand meeting <strong>de</strong>boxe est organisé le 27 juin dans le Jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne par leCercle <strong>de</strong>s nageurs <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> qui n’a pas peur d’aligner ses hommescontre les champions suisses du ring.Boxe. C’est dimanche 27 qu’aura lieu à14h30, dans le jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne, lemeeting <strong>de</strong> boxe anglaise organisé par le cercle<strong>de</strong>s nageurs <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, sous le contrôle <strong>de</strong> laFédération Suisse <strong>de</strong> boxe. Dix combats sontannoncés qui mettront aux prises les boxeursdu club pugiliste <strong>de</strong> Genève, comprenant 4champions suisses 1919-1920 et les meilleursdu Cercle <strong>de</strong>s Nageurs <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.Rosset, J., <strong>Nyon</strong>, contre PozzoDurand, <strong>Nyon</strong>, - MossazCryam - ZanottiMylo, <strong>Nyon</strong>, - GenicoudGirollet (Champion 19-20) - RyodCorbet, <strong>Nyon</strong>, - Regnault.Gindre - Georgy.Rosset, L., <strong>Nyon</strong> - CappoGivel - AubinPerren ( Champion 1919) - Bozonnet.C.C., 25 juin 1920.99 D.M.F. 2000, p. 491.100 A.C. 1992, p. 74-75.-75-


A relever aussi la “ Soirée Cinématographique <strong>de</strong> Bienfaisance ” enfaveur <strong>de</strong> la Ligue contre la tuberculose, section <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>.50. Séance en faveur <strong>de</strong> la Ligue contre la tuberculose 101 .En ouverture <strong>de</strong> programme figurent <strong>de</strong>ux documentaires sur laterrible maladie : « Nos soldats tuberculeux en traitement » à Leysinet « Ecole et gymnastique au soleil », exposant la métho<strong>de</strong> duD r A. Rollier, promoteur <strong>de</strong> l’héliothérapie. A cette époque, latuberculose n'est malheureusement pas encore éradiquée et M. Lentaest d'autant plus sensible à ce fléau qu’il le touche personnellement,ainsi que toute sa <strong>de</strong>scendance. Après le film principal, «Le Châtiment »ou « Le Martyre <strong>de</strong>s Arméniens » <strong>de</strong> l’Américain Thomas Ince,(« Charlot en scène ») clôture la soirée.101 J.N., 30 juin 1920.-76-


Bienfaisance. On peut voiraux annonces le programmecomplet <strong>de</strong> la séance <strong>de</strong> cinémadonnée en son jardin d’été parl’établissement <strong>de</strong> M. Lenta, aubénéfice <strong>de</strong> la section <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong><strong>de</strong> la ligue contre la tuberculose.Cette œuvre dontl’activité est intense, parcequ’elle a une œuvre immense àaccomplir, a aussi un urgentbesoin d’être appuyé financièrementpar le public <strong>de</strong>notre ville. Quant au programme,il est réellement pour lesfamilles, qui en apprécieront lacomposition.J.N., 30 juin 1920.L’activité cinématographique au Jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne sepoursuit avec succès malgré la concurrence assidue <strong>de</strong>s séances en pleinair du National. Petite anecdote familiale, ma mère a vu le premier film<strong>de</strong> sa vie au Jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne en 1920, alors qu’elle étaitenceinte <strong>de</strong> mon frère aîné Jean-Pierre. <strong>Les</strong> serpents d’Afrique qu’ellea vus ce soir-là ont suscité <strong>de</strong> fortes craintes à cette future maman,affolée à l’idée que ces images puissent influencer la santé <strong>de</strong> sonenfant. Heureusement, ses craintes restèrent sans conséquence !En 1921, le Jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne est le seul à projeter <strong>de</strong>sfilms en plein air, le National ayant abandonné ce genre <strong>de</strong> spectacle.Peut-être que la diversité <strong>de</strong>s programmes et l’ambiance que M. Lentaoffre à son public compensent la mo<strong>de</strong>stie <strong>de</strong> son établissement. Eneffet, les spectateurs sont assis sur <strong>de</strong> simples bancs(vraisemblablement ceux qu’il avait dû remplacer en 1917 par <strong>de</strong>schaises au Mo<strong>de</strong>rne) disposés à même la terre battue du terraininitialement prévu pour la construction du cinéma E<strong>de</strong>n. Le16 septembre 1921, un « César Borgia », présenté au profit <strong>de</strong> la Liguevaudoise contre la tuberculose, clôture cette troisième année <strong>de</strong>projections en plein air sur le terrain <strong>de</strong> la rue du Vieux-Marché, qui neverra jamais la construction <strong>de</strong> l’E<strong>de</strong>n. A relever l’existence d’unimportant site romain sous ce terrain et qui sera mis au jour bien plustard (Musée romain actuel).-77-


CHRONIQUE DE LA COTENYONSoirée <strong>de</strong> bienfaisance. Nous nous faisons un<strong>de</strong>voir <strong>de</strong> recomman<strong>de</strong>r chaleureusement à tout lemon<strong>de</strong> <strong>de</strong> participer nombreux à la soirée <strong>de</strong>bienfaisance que la Ligue contre la tuberculose, section<strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, organisera sous la forme d'une séancecinématographique, au jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne,<strong>de</strong>main vendredi , à 8 heures précises.Pour cette occasion exceptionnelle, M. Lenta a pu,non sans peine et sacrifice se procurer un film célèbreentre tous : César Borgia.Le spectateur restera confondu <strong>de</strong>vant la puissancetechnique et dramatique d'une pareille reconstitution.Il est en effet difficile <strong>de</strong> trouver une époque plusturbulente et plus fastueuse dans l'histoire <strong>de</strong>l'homme, que ce fabuleux et cruel moyen âge.Que les philanthropes et les amateurs <strong>de</strong> boncinéma veuillent y participer nombreux, ils ne leregretterons pas.C.C., 15 septembre 1921.51. Plein air au jardin, en cas <strong>de</strong> mauvais temps, il y aura <strong>de</strong>ux séances à la salle 102 .Le beau rêve, l’inaccessible E<strong>de</strong>n <strong>de</strong> M. Lenta, s’éteint faute <strong>de</strong>moyens financiers. Mais le spectacle continue au Mo<strong>de</strong>rne, cette salleque tant <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>naises et <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>nais fréquentent malgré sesmo<strong>de</strong>stes dimensions, ses escaliers abrupts, son chauffage à problèmeset son aération déficiente. M me Lenta s’occupe <strong>de</strong> la vente <strong>de</strong>s billetstout près <strong>de</strong> l’entrée principale située au 15 <strong>de</strong> la rue du Vieux-Marché.102 J.N., 15 septembre 1921.-78-


Au même niveau, on accè<strong>de</strong> directement à la galerie <strong>de</strong> droite quis’étend sur toute la longueur <strong>de</strong> la salle, avec un seul rang <strong>de</strong> sièges. Aufond <strong>de</strong> la salle, la galerie principale comporte plusieurs rangées <strong>de</strong>chaises. A gauche une petite galerie latérale est très appréciée parcertains habitués. A proximité <strong>de</strong> l’entrée principale, <strong>de</strong>s escalierslongeant l’écran <strong>de</strong> projection donnent accès au parterre <strong>de</strong> la salleaménagée dans les sous-sols <strong>de</strong> l’immeuble52. Plan du Service du contrôle <strong>de</strong>s installations électriques et industrielles 103 .<strong>Les</strong> retardataires perturbent souvent le spectacle, car ils passentimmanquablement <strong>de</strong>vant l’écran et les spectateurs manifestentsouvent leur mécontentement. Parmi ces retardataires, il y a aussi <strong>de</strong>senfants du quartier que M me Lenta laisse parfois entrer sans payer, car103 ACV KVIII b 19/23.-79-


ils n’ont pas les moyens <strong>de</strong> s’offrir le spectacle. Jean Velen, un ancien<strong>Nyon</strong>nais qui était gosse à l'époque, m'a avoué un jour avoir lâché unplein cornet <strong>de</strong> hannetons lors d'une séance <strong>de</strong> projection, ce quiproduisit un joli désordre !M. Lenta, lui, s’affaire à la cabine <strong>de</strong> projection située <strong>de</strong>rrière lemur <strong>de</strong> la galerie principale.53. Cabine <strong>de</strong> projection désaffectée du cinéma Mo<strong>de</strong>rne 104 .Le projecteur est fixé <strong>de</strong>vant l'ouverture équipée d’un volet enfonte qui permet d'isoler la cabine <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> spectacles en cas <strong>de</strong>sinistre. Une <strong>de</strong>uxième ouverture dans le mur permet à l’opérateur <strong>de</strong>régler l’appareil et <strong>de</strong> surveiller le bon déroulement du film sur l'écran.Une conduite d’eau terminée par une pomme d’arrosoir <strong>de</strong> grand104 Photo <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, 2000.-80-


diamètre située au-<strong>de</strong>ssus du projecteur permet d’éteindre rapi<strong>de</strong>mentun début d’incendie en actionnant la vanne d’arrivée à portée <strong>de</strong> main duprojectionniste. Afin <strong>de</strong> répondre aux nouvelles exigences <strong>de</strong> sécurité,une porte métallique isole la cabine du restant <strong>de</strong> l’immeuble.Dans la salle <strong>de</strong> projection, un piano mécanique permet d’accompagnerles films avec une musique appropriée.54. Rouleau <strong>de</strong> piano mécanique signé M. Lenta 105 .L’instrument tombe parfois en panne et si M me Lenta n’arrive pas àle remettre en marche, c’est M. Lenta qui interrompt la projection pourintervenir.105 Collection <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>.-81-


55. Texte d’une fidèle spectatrice nyonnaise désirant gar<strong>de</strong>r l’anonymat 106 .Parfois <strong>de</strong>s musiciens sont engagés pour illustrer musicalement uneprojection.106 Archives Marcel Dreyfus, <strong>Nyon</strong>.-82-


Pour la saison d’automne 1921, le Mo<strong>de</strong>rne propose un programmeattrayant publié dans la presse locale.SPECTACLESaison cinématographique. - Une bonne nouvelle pour lesamateurs <strong>de</strong> beaux films ! Le Cinéma Mo<strong>de</strong>rne a pu s’assurerpour cet automne la priorité pour une série <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>s françaises<strong>de</strong> la plus haute valeur artistique, dramatique et moralesurtout.Pour samedi et dimanche, c’est « Gosse <strong>de</strong> riche » [CharlesBurguet, 1920], l’émouvante, création <strong>de</strong> la tant regrettéeSuzanne Grandais. Pour mercredi, c’est le célèbre GasconTartarin [Tartarin sur les Alpes, Henry Vorins, 1920] avec sesexploits dans les plus ravissants <strong>de</strong>s paysages suisses.Ensuite, « <strong>Les</strong> Deux Gamines » [1920], le meilleur <strong>de</strong>s films <strong>de</strong>Louis Feuilla<strong>de</strong>, interprété par les acteurs tant aimés <strong>de</strong>« Ju<strong>de</strong>x », « Barrabas », etc.Pour terminer, « Mathias Sandorf » [Henry Fescourt, 1921], lechef-d’œuvre <strong>de</strong> Jules Verne. Ce <strong>de</strong>rnier film, vraiment admirable,se déroule sur la côte <strong>de</strong> la Dalmatie et <strong>de</strong> l’Adriatique etmérite tous les éloges.C.C., 15-16 octobre 1921.Pour le gala <strong>de</strong> fin d’année, la publicité du film « El Dorado » <strong>de</strong>Marcel L’Herbier (France, 1921) est assortie d’une nouvelledésagréable, les billets d’entrée <strong>de</strong> tous les spectacles seront majoréspour la première fois d’une taxe communale <strong>de</strong> 10 % dès le 1 er janvier1922. « Sibilla a été abandonnée par un riche protecteur. Pour survivreet élever son fils mala<strong>de</strong>, elle se produit comme danseuse au cabaretEldorado « Un jeune peintre suédois et un pitre difforme s’intéressentà elle. Mais son <strong>de</strong>stin la condamne à la solitu<strong>de</strong> et à l’ennui <strong>de</strong> vivre.Lasse d’une existence sans espoir, elle se suici<strong>de</strong> au moment d’entrer enscène » 107 .Au mois <strong>de</strong> mars 1924, on reparle du Jardin du Cinéma Mo<strong>de</strong>rne, carla section communale <strong>de</strong>s domaines se porte acquéreuse <strong>de</strong>s trente-cinqbancs provenant <strong>de</strong> l’immeuble Lenta à la rue du Vieux-Marché, mis envente pour le prix <strong>de</strong> Fr. 8.- pièce par l’Office <strong>de</strong>s poursuites, ce quiconfirme les difficultés financières <strong>de</strong> M. Lenta! En 1925, le terrainclos par <strong>de</strong>s murs et par la faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'ex-cinéma Lenta est acquis par107 D.M.F. 2000, p. 233.-83-


M. Octave Golay, qui désire à son tour y construire une maison.L’histoire se répète : comme son prédécesseur, M. Golay ne réussirajamais à construire sur cette parcelle. Il faut attendre 1929 pour queM. Boldrini, quincaillier italien, rachète le terrain et y construise unimmeuble mo<strong>de</strong>rne. Cet édifice <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux étages sur rez portant lenuméro 10, est très connu, puisqu’on peut admirer aujourd’hui sur lemur nord-est un superbe trompe l’œil représentant la basilique romainedécouverte en 1970, et dont une partie <strong>de</strong>s vestiges subsiste sousl’immeuble.56. La basilique en trompe-l’œil 108 .Le Mo<strong>de</strong>rne continue sa mo<strong>de</strong>ste existence et au cours <strong>de</strong>s ans lesaffaires semblent aller assez bien pour son propriétaire. <strong>Les</strong>programmes présentés commencent souvent par <strong>de</strong>s actualités etparfois un petit documentaire précédant le film principal. Le spectaclese termine en général par un film comique. Voici quelques titres <strong>de</strong> filmsprésentés à cette pério<strong>de</strong>.« Le Miracle <strong>de</strong>s loups » (Raymond Bernard, France, 1924),« <strong>Robert</strong> Cottereau, porte-bannière <strong>de</strong> Charles le Téméraire, est épris108 Photo <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, 2000.-84-


<strong>de</strong> Jeanne Fouquet, filleule <strong>de</strong> Louis XI. <strong>Les</strong> aléas <strong>de</strong> la politique fontque les jeunes gens sont séparés. Le sinistre sire <strong>de</strong> Châteauneuf ourdit<strong>de</strong>s complots contre le roi, à qui Jeanne sert d’émissaire secret. Elleest un jour sauvée <strong>de</strong> ses poursuivants par une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> loups qui laprotège du traître Châteauneuf » 109 .57. Projection avec accompagnement musical 110 .Avec « Le Miracle <strong>de</strong>s Loups », « les acteurs ont souvent été confrontésaux dangers que représentent ces animaux sauvages privés <strong>de</strong> leurmilieu <strong>de</strong> vie naturel. L’opérateur a filmé les moments ou les acteurs sesont trouvés en difficulté avec les loups, ce qui confère au film uneforte atmosphère dramatique » 111 .« <strong>Les</strong> Nibelungen » (Fritz Lang, Allemagne, 1924) Film en <strong>de</strong>ux pério<strong>de</strong>s.1. « La Mort <strong>de</strong> Siegfried », « Siegfried <strong>de</strong>vient invulnérable en sebaignant dans le sang du dragon qu’il a tué. Il désir épouser Kriemhild,princesse <strong>de</strong>s Burgon<strong>de</strong>s. Pour cela, il doit conquérir la reine Brunehildpour le roi Gunther, frère <strong>de</strong> Kriemhild, et y parvient. Mais Brunehild etGunther s’allient contre Siegfried. Par inadvertance, Kriemhild leur109 D.M.F. 2000, p. 468.110 C.C., 25-25 avril 1925.111 L’Illustration, 14 juin 1924, cité d’après Le Cinéma, op. cit. p. 76.-85-


indique le seul point vulnérable du héros. Siegfried meurt ».2. « La Vengeance <strong>de</strong> Kriemhild », « Kriemhild épouse Attila, roi <strong>de</strong>sHuns. Pour célébrer la naissance <strong>de</strong> son enfant, elle invite Gunther etBrunehild à un banquet. Ils sont massacrés par les Huns, et Kriemhildmeurt à son tour dans l’incendie du palais qu’elle a provoqué » 112 .Ces <strong>de</strong>ux premiers films sont accompagnés musicalement parMM. Champrenaud et Matter, <strong>de</strong>ux musiciens nyonnais.58. MM. Walter Matter et René Champrenaud musiciens 113 .« Le Bossu » (Jean Kemm, France, d’après Paul Féval, 1925), « A la mort<strong>de</strong> son ami le duc <strong>de</strong> Nevers, tué par le prince <strong>de</strong> Gonzague, Laguardèrejure <strong>de</strong> veiller sur sa femme et sur sa fille Aurore et <strong>de</strong> le venger.Après bien <strong>de</strong>s années et <strong>de</strong> multiples péripéties, il retrouve son ennemiet le tue grâce à sa botte secrète » 114 .Précédé d’un reportage du Ciné journal suisse sur la Fête nautique<strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, qui a lieu du 20 au 21 août 1927, « Le Fantôme <strong>de</strong> l’Opéra »(Rupert Julian, USA, 1925), « Un déséquilibré veut favoriser la carrièred’une cantatrice en tuant ses rivales » 115 .« Petronella », (Hans Schwarz, Suisse, 1927), « En 1801, undétachement <strong>de</strong> l’armée française se heurte à une résistanceinsoupçonnée aux abords du village valaisan <strong>de</strong> Brunegg. <strong>Les</strong>autochtones – hommes, femmes et enfants – remportent la victoire auprix <strong>de</strong> lour<strong>de</strong>s pertes humaines. Pia Schwiek, farouche combattante,voit mourir son mari sur les barrica<strong>de</strong>s ; Josmarie Seiler pleure sonpère, le vieil armurier du village. La détresse s’installe parmi la112 D.M.F. 2000, p. 499.113 ACN, fonds Champrenaud.114 D.M.F. 2000, p. 92.115 C.G. 2003, p. 458.-86-


population lorsqu’on découvre la disparition <strong>de</strong> la cloche porte-bonheur,qui porte le nom <strong>de</strong> la sainte patronne du lieu, Petronella. Deux paysans,introuvables <strong>de</strong>puis la bataille, l’avaient mise en sécurité quelque partdans les montagnes. Une épidémie mortelle s’abat sur le village ; laguérisseuse Tschä<strong>de</strong>rli se révèle inefficace ; la jolie veuve Pia, qui tientune auberge avec son père, parvient à enrayer le mal par <strong>de</strong>s soinsappropriés, tandis que la population lapi<strong>de</strong> la sorcière impuissante. Piaest courtisée par le riche propriétaire Fridolin, mais son cœurappartient à Josmarie. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux rivaux organisent un combat <strong>de</strong> reinesavec leurs vaches dont l’enjeu sera Pia. C’est Fridolin qui l’emporte ; lesadversaires en viennent aux mains et le vainqueur s’empale sur sonpropre couteau. Le conseil du village bannit Josmarie pour tou<strong>jours</strong> :son retour signifierait la mort. Errant la nuit dans les parages, lemalheureux retrouve par hasard Petronella, la cloche perdue <strong>de</strong> sonéglise, au fond d’une crevasse. Ramenant la relique au village, il obtientle pardon <strong>de</strong> la communauté et peut s’unir à Pia au son <strong>de</strong> la saintecloche » 116 .« <strong>Les</strong> Derniers <strong>jours</strong> <strong>de</strong> Pompéi » (Carmine Gallone, Amleto Palermi,Italie 1926), « L’action se passe, comme l’indique le titre en l’an 79 <strong>de</strong>notre ère. Elle a pour héros un jeune Athénien, Glaucus et la tendre etdouce Ione, pupille <strong>de</strong> l’Egyptien Arbacès, astucieux et corrompu.Arbacès, lui aussi, aime Ione, tandis que Julia, riche patricienne, estéprise <strong>de</strong> Glaucus. Le perfi<strong>de</strong> Egyptien tentera <strong>de</strong> se débarrasser <strong>de</strong>son rival en l’empoisonnant, puis il l’accuse faussement d’un meurtre qu’ila lui-même commis, et le fait jeter aux bêtes. Mais au moment où sonmensonge est découvert, une pluie <strong>de</strong> cendres, mêlée d’eau bouillante et<strong>de</strong> pierres calcinées, s’abat sur la ville, la campagne, la mer. Le Vésuveest en éruption. Pompéi commence à être ensevelie sous un linceulbrûlant. La population s’enfuit, éperdue. Le volcan se chargera duchâtiment du coupable, mais Glaucus et Ione seront sauvés grâce aumagnanime dévouement d’une jeune et touchante aveugle » 117 .« Ce <strong>de</strong>rnier programme suscite une plainte du Comité d’hygiènesociale et morale auprès <strong>de</strong> la Municipalité. M. le Syndic fait uneobservation à M. Lenta pour cette représentation cinématographiquecontraire à la morale et qui contient <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> violence » 118 .D'autre part, il est rappelé à la police municipale les dispositions <strong>de</strong>116 H. Dumont, Histoire du cinéma suisse. Films <strong>de</strong> fiction 1896-1965, Cinémathèque suisse,Lausanne, 1987, p. 102.117 L’Illustration, 6 novembre 1926, cité d’après Le Cinéma, op. cit. p. 81.118 ACN BLEU A-82, p. 40, 20 avril 1927.-87-


l'article 11, 1 er alinéa, <strong>de</strong> l'arrêté du 17 juin 1916 concernant lescinématographes, avec ordre <strong>de</strong> veiller à son application stricte 119 .Art.11. Il est interdit d’admettre aux représentationscinématographiques <strong>de</strong>s enfants âgés <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> seize ans nonaccompagnés <strong>de</strong> leur père, mère ou tuteur. <strong>Les</strong> communes peuvent, dansleur règlement <strong>de</strong> police, interdire d’admettre <strong>de</strong>s enfants âgés <strong>de</strong>moins <strong>de</strong> seize ans même accompagnés <strong>de</strong> leurs parents ou tuteur 120 .59. F. Lenta au 1 er plan, fête en faveur <strong>de</strong> l’infirmerie, le 1 er .juillet 1927 121 .L'entreprenant M. Lenta cherche tou<strong>jours</strong> une solution afin <strong>de</strong>disposer d'une salle <strong>de</strong> projection mo<strong>de</strong>rne et plus vaste. Par sa lettredu 14 avril 1928, il sollicite à nouveau la Municipalité afin qu'elle lui louele théâtre pour ses projections cinématographiques. Il fait une offre<strong>de</strong> location <strong>de</strong> Fr. 1000. - par an et confirme qu'en cas d'accord, ilabandonnera son local actuel à la rue du Vieux-Marché 122 .Peu <strong>de</strong> temps après, le 1 er mai 1928, la société Ciné Lémania S.A. <strong>de</strong>Genève se propose à son tour <strong>de</strong> louer le théâtre pour y donner <strong>de</strong>sreprésentations cinématographiques, comme elle le fait déjà à Aubonne,Rolle et Morges. Elle propose même d'engager M. Lenta commedirecteur afin qu'il ne soit pas lésé ! Cette société offre Fr. 1500. -119 ACN BLEU A-82, p. 45, 25 avril 1927.120 ACV.121 Collection <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>. (L’ancienne infirmerie est <strong>de</strong>venue l’actuel Musée du Léman.)122 ACN BLEU J-34.3.-88-


pour la location annuelle du théâtre dans l'état actuel et propose <strong>de</strong>porter cette somme à Fr. 3000. - après les transformations prévuespar les autorités afin d'assurer une projection conforme auxprescriptions légales. La société se propose même <strong>de</strong> prendre à sacharge les frais d'amélioration <strong>de</strong>s conditions d'hygiène et <strong>de</strong> confortestimés à Fr. 12’000. – 123 .Loin d'abdiquer, M. Lenta, sachant que l'on va construireincessamment la salle communale sur la place Perdtemps, propose <strong>de</strong>louer cette <strong>de</strong>rnière les <strong>jours</strong> où elle sera disponible. Cela luiconviendra parfaitement, car l'installation d'un projecteur 35 mm estprévue.60. Projecteur Bauer 35 mm <strong>de</strong> la salle communale <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> 124 .La Société <strong>de</strong> développement fut la première en 1890 à prévoir laconstruction d’une salle communale, afin que les citoyens puissent jouird'un espace digne d'accueillir les différentes activités locales. En 1920,un comité d'initiative <strong>de</strong> la salle communale se constitua afin <strong>de</strong>rassembler <strong>de</strong>s fonds par émission <strong>de</strong> parts. <strong>Les</strong> autorités nyonnaiseshésitaient sur le choix <strong>de</strong> l'emplacement <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> salle, la place duchâteau fut pressentie, mais la majorité opta pour la place Perdtemps.123 ACN BLEU J-34.3.124 Collection du Musée historique <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. Photo <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, 2006.-89-


En date du 5 avril 1929, M. Lenta renouvelle sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> locationdu théâtre. Il termine sa lettre en précisant qu'en tant que pionnier ducinéma à <strong>Nyon</strong> il trouverait là une mo<strong>de</strong>ste récompense pour tous sesefforts 125 .Confronté à une réponse insatisfaisante et ne pouvant plus attendrepour réaliser son grand rêve, M. Lenta est contraint à prendrerapi<strong>de</strong>ment une décision importante. En effet, la concurrence du toutnouveau cinéma Le Phare, qui est en activité <strong>de</strong>puis le 28 décembre1928, lui porte préjudice. A la fin du printemps 1929, et malgré <strong>de</strong>graves soucis <strong>de</strong> santé, il entreprend les démarches pour construire unnouveau cinéma et charge M. Louis Genoud, architecte nyonnais,d'établir les plans qui lui permettront <strong>de</strong> réaliser enfin son ambitieuxprojet.Une enquête <strong>de</strong> 30 <strong>jours</strong> sera ouverte au sujet d'une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>M. Louis Genoud, architecte à <strong>Nyon</strong>, lequel se propose <strong>de</strong> construire unbâtiment pour cinématographe, magasin, atelier et habitation, sur lapropriété <strong>de</strong> la S.A. Fabrique <strong>de</strong> vis, à la rue Neuve et pour le compte<strong>de</strong> M. François Lenta, qui renoncera ainsi à l'exploitation du CinémaMo<strong>de</strong>rne, rue Nicole. Vu ce qui s’est passé pour le cinématographe« Le Phare », propriété <strong>de</strong> M. Pécaut, à la rue <strong>de</strong> Perdtemps, laMunicipalité renonce à faire opposition au projet et en avertira leConseil Communal. La Municipalité réservera dans la feuille d'enquêtel'application du plan d'alignement <strong>de</strong> la rue Neuve, que M. Pélichet a étéchargé d'établir 126 . L’architecte insiste pour que la durée <strong>de</strong> l’enquêtesoit aussi courte que possible, car l’ouverture du cinéma est prévuepour octobre ou novembre prochain.Le Département militaire et <strong>de</strong>s assurances fait connaître parlettre du 15 juillet, les conditions sous lesquelles il autorise laconstruction d'une salle <strong>de</strong> cinématographe dans l'immeuble <strong>de</strong> la S.A.Fabrique <strong>de</strong> vis pour le compte <strong>de</strong> M. François Lenta, à la rue Neuve.Ces conditions seront communiquées à l'architecte Louis Genoud 127 .Sur le projet <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> l'immeuble, la Commission <strong>de</strong>salubrité ne formule aucune observation. Tout va donc parfaitementbien pour le futur propriétaire du cinéma qui portera le nom <strong>de</strong>Capitole. Un cinéma vraiment mo<strong>de</strong>rne, sans comparaison avec lepremier cinéma <strong>de</strong> la rue Nicole qui n'a <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne que le nom !125 ACN BLEU J-34.4.126 ACN BLEU A-83, pp. 328-329, 24 juin 1929.127 ACN BLEU A-83, p. 362, 23 juillet 1929.-90-


61. Projet du Capitole en 1929 128 .Son emplacement au centre <strong>de</strong> la cité est idéal. Ce nouveau projetne manque pas d'audace, avec sa vaste salle judicieusement éclairée etsa lanterne d'aération fixée sur la charpente métallique du plafond. Legrand écran est précédé d'une avant-scène avec escaliers d'accès <strong>de</strong>part et d'autre. L'entrée principale est imposante avec ses troisdoubles portes. A gauche <strong>de</strong> ladite entrée un grand magasin à butcommercial est prévu. Outre la cabine <strong>de</strong> projection et le local <strong>de</strong>128 ACN BLEU K-322.-91-


stockage <strong>de</strong>s films, un appartement est prévu pour la famille, ainsiqu'un atelier <strong>de</strong> peinture permettant à M. Lenta d’exercer en parallèleson métier <strong>de</strong> peintre. L’exploitation cinématographique ne génére pasun revenu important. <strong>Les</strong> frais <strong>de</strong> construction du futur cinéma l’obligeà trouver d’autres ressources afin d’en assurer le financement. Danscette optique, M. Lenta loue le magasin à la Société coopérative suisse<strong>de</strong> consommation. (Cette société est implantée à <strong>Nyon</strong> à l'AvenueViollier <strong>de</strong>puis 1914) 129 . On imagine pourtant que M. Lenta a quelqueséconomies, accumulées ces <strong>de</strong>rnières années, lui permettant d’obtenirun crédit bancaire malgré la gran<strong>de</strong> crise <strong>de</strong>s années 1930 qui sévit.Le terrain <strong>de</strong> la future construction est traversé par le bief <strong>de</strong>l’Asse, canal qui actionne une série <strong>de</strong> moulins à eau tout au long <strong>de</strong> sonparcours. Le projet <strong>de</strong> construction du nouveau cinéma prévoit ungroupe turbine dynamo pour la production d’énergie électriqued’appoint.Mais le <strong>de</strong>stin s'oppose à la réalisation <strong>de</strong> l'ouvrage qui auraitconsacré la carrière <strong>de</strong> ce passionné <strong>de</strong> la projection cinématographique.En effet, le 7 octobre 1929, François Lenta s’éteint après<strong>de</strong>s années <strong>de</strong> souffrances, emporté par une maladie <strong>de</strong>s poumons, luiqui a tant donné pour les œuvres <strong>de</strong> bienfaisance et qui s’est battujusqu’au bout. L'article inséré dans la presse locale reflète bien l'imagedu petit émigré italien en Suisse <strong>de</strong>puis 1907 qui a su parfaitements'intégrer et se faire apprécier chez nous.François LentaUne figure bien familière à notre vie nyonnaisevient <strong>de</strong> disparaître. M. F. Lenta, après une douloureuseet longue maladie a succombé.Il laisse le souvenir d’un homme aimable et bon,complaisant en toute occasion et désireux dans ledomaine où il travaillait l’art cinématographique, <strong>de</strong>n’apporter par un soin consciencieux, que ce qui nepouvait nuire.Nos œuvres locales ont eu souvent recours à sesbons services, tou<strong>jours</strong> spontanément et généreusementaccordés. Nous présentons à la famille <strong>de</strong>M. Lenta <strong>nos</strong> sentiments <strong>de</strong> sincère sympathie.J.N., 7 octobre 1929.Heureusement, sa veuve ne perd pas courage. Obligée d'abandonner129 C.C., 21 mai 1914.-92-


le projet <strong>de</strong> construction du Capitole, elle donne toute son énergie pourexploiter seule le Mo<strong>de</strong>rne. Après avoir perdu <strong>de</strong>ux enfants et sonmari, il lui reste encore trois enfants <strong>de</strong> 8, 19 et 26 ans. Comme six ansauparavant la veuve <strong>de</strong> M. Brun du National, elle sollicite l'autorisation<strong>de</strong> faire usage <strong>de</strong> la patente <strong>de</strong> feu son mari jusqu'à la fin <strong>de</strong> l'année encours. Elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aussi qu'on lui accor<strong>de</strong> une patente à son nom pour1930.Exploiter un cinéma n'est pas chose facile, d'autant plus pour unefemme seule qui espérait beaucoup du nouveau projet <strong>de</strong> construction.Dans son cinéma vétuste, il faut offrir au public <strong>de</strong>s films attrayants,assurer les projections régulières, entretenir le matériel et les lieux,gérer la publicité avec intelligence et dispenser aux spectateurs unaccueil chaleureux afin <strong>de</strong> lutter efficacement contre la concurrence.Le choix <strong>de</strong>s films reste très délicat, il faut éviter à tout prix <strong>de</strong>ssujets qui portent atteinte à la moralité et respecter les règlements envigueur. Heureusement pour M me Lenta, les autorités locales,conscientes <strong>de</strong> la générosité et du dévouement que son mari a prodigués<strong>de</strong> son vivant, préavisent favorablement à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> patenteadressée aux autorités cantonales. Pour la somme annuelle <strong>de</strong> Fr. 250.–,M me Lenta reçoit la patente pour l'exploitation du Mo<strong>de</strong>rne qui possè<strong>de</strong>140 places et qui offre trois représentations hebdomadaires d'octobreà avril et <strong>de</strong>ux pour les autres mois. A titre <strong>de</strong> comparaison, le National<strong>de</strong> M me Brun, qui fonctionne <strong>de</strong> façon intermittente selon les saisons,paie Fr. 150.- pour 165 places. Le cinéma Le Phare donne cinqreprésentations par semaine et paie Fr. 280.- pour ses 346 places.M me Lenta obtient l'autorisation <strong>de</strong> placer un cadre publicitaireavec photographies contre l’immeuble <strong>de</strong> MM. Emile et <strong>Robert</strong> Genoudau No 4 <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> la Gare. Le Mo<strong>de</strong>rne fonctionne assez bien etM me Lenta est aidée dans son travail par ses enfants et <strong>de</strong>s amis.62. M me Jeanne Lenta 130 .Le 11 janvier 1930, projection du film « Quand le lilas blanc130 Collection <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>.-93-


efleurit », « Ce titre seul offre une vision <strong>de</strong> printemps délicieux, unfrais rayon d’amour éclot dans un buisson fleuri… une merveille enfin,qui fut un délire à sa présentation, et obtint partout un succès énormepar la grâce et la finesse qui s’en dégagent » 131 . Malheureusement, lapellicule prend soudainement feu ! Le public évacue rapi<strong>de</strong>ment la sallesans inci<strong>de</strong>nt et sans panique. Le rapport <strong>de</strong> police mentionne que lesinistre a été rapi<strong>de</strong>ment maîtrisé et que les dégâts se bornent à unrouleau <strong>de</strong> film complètement brûlé. Dès le mois <strong>de</strong> mars 1930,M me Lenta loue un extincteur à la S.A. Sécuritas comme préconisé parl'inspecteur <strong>de</strong>s sinistres du district et n'a plus besoin du pompier quilui a été imposé après l'incendie. Petite consolation, le Département <strong>de</strong>Justice et Police accepte d'abaisser sa patente à Fr. 200.- au lieu <strong>de</strong>Fr. 250.-.En août 1930, un événement exceptionnel est proposé auxspectateurs. "<strong>Les</strong> Célèbres Négresses à Plateaux qui ont fait courirtout Paris au Jardin d'acclimatation" se produisent en chair et en os auMo<strong>de</strong>rne !63. Fille noire défigurée afin <strong>de</strong> décourager les marchands d’esclaves 132 .Ces danseuses ont été filmées lors <strong>de</strong> la célèbre croisière noire enautochenilles Citroën. La croisière traverse l’Afrique <strong>de</strong>Colomb-Béchard à Madagascar, <strong>de</strong> 1924 à 1925, sur un parcours <strong>de</strong>28'000 kilomètres. Des danseuses ont probablement été ramenées enEurope pour être exhibées en public, pratique assez courante àl’époque. Plusieurs habitants <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et <strong>de</strong> la région se souviennentencore <strong>de</strong> leur passage au hasard d’une rencontre dans <strong>nos</strong> rues avantou après les spectacles. Léon Poirier, cinéaste, chargé <strong>de</strong> rendrecompte <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> la vie indigène lors <strong>de</strong> l’expédition, réalise le film« La Croisière noire ». Ce film est projeté officiellement le 2 mars1926 à l’opéra Garnier en présence <strong>de</strong>s autorités françaises.M me Lenta a <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> difficultés pour gérer son cinéma et131 J.N., 10 janvier 1930.132 C.C., 26 août 1930.-94-


elle s'entoure <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux collaborateurs, MM. Maurice Addor et GabrielLouis Hanhard. Mais en février 1931, le Département exige unerégularisation <strong>de</strong> l'exploitation du cinéma, car les collaborateurs <strong>de</strong>M me Lenta ne sont pas au bénéfice d'une autorisation et elle doit s'enséparer. <strong>Les</strong> problèmes accablent la petite Italienne qui n'a pasl'envergure <strong>de</strong> son défunt mari pour résoudre les difficultés du métier.Peu <strong>de</strong> <strong>jours</strong> après, un certain Romano Torroni, allié Rosetti, Italiendomicilié à Genève, dépose une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> patente pour reprendre leMo<strong>de</strong>rne. <strong>Les</strong> renseignements pris par les autorités sur M. Torroni sontcontradictoires selon les lieux où il a exercé ses différentsmétiers : hôtelier, cordonnier et cafetier.Le 26 février, le Préfet confirme que le Mo<strong>de</strong>rne doit être exploitéuniquement par la famille Lenta en attendant que le Département <strong>de</strong>Justice et Police ait statué sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> patente <strong>de</strong> M. Torroni.M me Lenta cherche à remettre son cinéma dès que possible, elle trouveun nouvel intéressé au mois d'avril 1931 en la personne <strong>de</strong> M. GustaveSamuel Ba<strong>de</strong>l allié Pellarin, né le 7 avril 1893, bourgeois <strong>de</strong>s communesvaudoises <strong>de</strong> Marchissy et Longirod ainsi que <strong>de</strong>s Eaux-Vives à Genève.<strong>Les</strong> renseignements pris par les autorités sur M. Ba<strong>de</strong>l étant bons, ilest autorisé à faire usage <strong>de</strong> la patente No 24 <strong>de</strong> M me Lenta dès le mois<strong>de</strong> mai et jusqu'en décembre <strong>de</strong> l'année en cours, en attendant unenouvelle patente pour 1932.Une page importante se tourne pour M me Lenta qui quitte le mon<strong>de</strong>du spectacle cinématographique après dix-sept années d'efforts, <strong>de</strong>soucis, <strong>de</strong> satisfactions et d'intérêts partagés en famille. Peu <strong>de</strong> tempsaprès, libérée <strong>de</strong> ses activités, elle reprend une pension, puis seremarie avec M. Elie Gilliéron le 8 octobre 1932. Elle décè<strong>de</strong>ra à <strong>Nyon</strong>au mois d'octobre 1959 après avoir perdu toute sa proche famille.Ayant connu personnellement M me Lenta, je gar<strong>de</strong> d'elle un très bonsouvenir. Personne discrète, souriante et ouverte, elle comprenaitfacilement les plaisanteries malgré son âge avancé. Elle nousaccompagnait parfois lors <strong>de</strong>s camps <strong>de</strong> scouts dans le Jura où elleexcellait dans sa fonction <strong>de</strong> cuisinière. Etant trop jeune pourfréquenter le Mo<strong>de</strong>rne en activité, je n'ai jamais songé à questionnerM me Lenta sur cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa vie. Je le regrette d'autant plus qu'ilne reste pas, à ma connaissance, <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendants pouvant nousrenseigner aujourd'hui.-95-


Peu <strong>de</strong> temps après avoir repris le Mo<strong>de</strong>rne, M. Ba<strong>de</strong>l entreprendquelques réparations durant la pério<strong>de</strong> du 26 au 29 juin 1931. Au mois<strong>de</strong> juillet, il fait une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux autorités pour que son cinéma prennedorénavant le nom <strong>de</strong> Cinéma Central. La réponse est positive et lechangement intervient rapi<strong>de</strong>ment. Il sollicite aussi l'autorisation <strong>de</strong>donner une ou <strong>de</strong>ux représentations par mois pour les enfants et ilsoumet une liste <strong>de</strong> films instructifs et éducatifs pour la jeunesse. Surle préavis négatif <strong>de</strong> la Commission scolaire, la Municipalité refusel'autorisation, le local du Central n'offrant pas les garanties nécessairespour la sécurité <strong>de</strong>s enfants.On peut comprendre en partie l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s autorités ; lors <strong>de</strong> sacréation en 1913, le propriétaire d'alors, M. Antoine Winkler, avaittransformé une ancienne bâtisse dont il aménagea après coup une partiedu sous-sol en salle <strong>de</strong> spectacles.<strong>Les</strong> prescriptions à l'époque n’étant pas très exigeantes, l'ouvrageest accepté sans trop <strong>de</strong> difficultés. Mais l'accès à la salle <strong>de</strong>spectacles est délicat, car les escaliers y sont très rai<strong>de</strong>s et maléclairés. Une certaine o<strong>de</strong>ur émane <strong>de</strong>s anciennes fondations en pierresscellées au mortier <strong>de</strong> chaux qui restent tou<strong>jours</strong> un peu humi<strong>de</strong>s. Ducôté <strong>de</strong> l'hygiène, un minuscule local abrite les toilettes d'allure plutôtmisérables. Concernant les issues <strong>de</strong> secours en cas d'incendie, il y a laporte principale d’entrée du cinéma située <strong>de</strong>rrière l’écran et quidébouche sur la rue du Vieux-Marché 15, une autre issue à côté <strong>de</strong>sgaleries qui donne sur la rue Nicole ainsi que la porte d'entrée <strong>de</strong>l'immeuble <strong>de</strong> la rue Nicole 2 pouvant <strong>de</strong>sservir le parterre.<strong>Les</strong> exploitants <strong>de</strong>s salles cinématographiques roman<strong>de</strong>s sont engénéral affiliés à l'Association cinématographique suisse roman<strong>de</strong>(A.C.S.R) qui a son siège à Lausanne. Cette organisation défend lesintérêts <strong>de</strong> ses membres contre la concurrence déloyale encollaboration étroite avec l'Association <strong>de</strong>s loueurs <strong>de</strong> films en Suisse.(A.L.S.). M. Ba<strong>de</strong>l adhère à l'A.C.S.R. en date du 1 er juillet 1932. LeCentral est inscrit avec les caractéristiques suivantes: 180 places,4 représentations par semaine réparties sur 44 semaines par année 133 .A peine cette inscription établie, M me Ba<strong>de</strong>l avise l'association qu'ellese voit dans l'obligation <strong>de</strong> régler les cotisations par acomptes, sonmari étant mala<strong>de</strong>! Monsieur Ba<strong>de</strong>l doit lutter pour fidéliser sa clientèleet attirer <strong>de</strong> nouveaux spectateurs. Pour limiter les effets <strong>de</strong> laconcurrence du cinéma le Phare, il propose <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> qualité tels que133 ACSR CSL2 48/5 C.5, 17 octobre 1934.-96-


« Robin <strong>de</strong>s Bois » (Allan Dwan, USA, 1922), ce film muet caracolantinterprété et produit par Douglas Fairbank est déjà ancien. Il estprésenté exceptionnellement avec une « orchestration spéciale ».« L'Argent » (Marcel L'Herbier, France, 1929) d'après le romand'Emile Zola. Muet à l'origine, ce film est annoncé par la presse localedans une version synchronisée.« Mata Hari » (Georges Fitzmaurice, USA, 1931).« La Ruée vers l'or » (Chaplin, USA, 1925), un <strong>de</strong>s succès mondial d’un<strong>de</strong>s rares cinéastes dont la reprise <strong>de</strong>s œuvres n’épuise pas le potentielcommercial.<strong>Les</strong> techniques fondamentales du cinéma progressent et en 1927 lecinéma sonore fait une première percée avec les films à son labial,c’est-à-dire la parole correspondant <strong>de</strong> manière tout à fait synchroneaux mouvements <strong>de</strong>s lèvres <strong>de</strong> l'acteur. C'est le système Vitaphoneavec tourne-disque, couplé mécaniquement au projecteur <strong>de</strong> film. A<strong>Nyon</strong>, le Phare est le premier cinéma nyonnais à s'équiper dès 1931d'une installation sonore avec le système universel du son optiqueenregistré photographiquement sur le film. Au Central, M. Ba<strong>de</strong>lpropose <strong>de</strong> temps en temps une soirée avec orchestration spéciale pouragrémenter ses films muets, mais le public préfère la nouveauté dusonore et parlant. <strong>Les</strong> affaires ne sont pas brillantes et M. Ba<strong>de</strong>l doits'acquitter du sol<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses cotisations dues pour l'année 1933 àl'A.C.S.R. sous la pression d'un comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> payer. Au début <strong>de</strong>l'année 1933, il apprend qu'un troisième cinéma va se construire à<strong>Nyon</strong>, sur l'emplacement qu'avait prévu M. Lenta en 1929. Ce nouveaucinéma sera lui aussi équipé <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers progrès du film sonore.Réalisant que son matériel <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus obsolète et qu'il vainévitablement au-<strong>de</strong>vant d’un échec, il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rniser soninstallation. Le 2 juin 1933, il inaugure le Central sonore avec lemélodrame « La Lumière bleue » (Allemagne, 1932) premier film réalisépar Leni Riefenstahl, qui avait été primé à la Biennale <strong>de</strong> Venise en1932. « En plein cœur <strong>de</strong>s Dolomites, le Monte Cristallo étincelle parles nuits <strong>de</strong> pleine lune. Pour en découvrir le secret, un jeune peintresuit Junta l’orpheline, qui vit à l’écart du village et que l’on accuse <strong>de</strong>sorcellerie. Arrivé <strong>de</strong>rrière elle au sommet, il découvre une grottetapissée <strong>de</strong> cristaux, dont s’emparent les villageois » 134 . « LeniRiefensthal, femme exceptionnelle qui fut sportive, danseuse, cinéaste,plongeuse et photographe <strong>de</strong> talent s’est éteinte à 101 ans, le 8134 D.M.F. 2000, p. 422.-97-


septembre 2003, après une vie pleine <strong>de</strong> gouffres et <strong>de</strong> sommets. Sestalents <strong>de</strong> cinéaste, appréciés par Hitler, lui causèrent un tortimmense. En 1934, elle réalisa « Le Triomphe <strong>de</strong> la volonté » 135 pour ledictateur, au nom <strong>de</strong> son amour <strong>de</strong> l’esthétique <strong>de</strong> l’image. Hitler fit <strong>de</strong>Leni sa cinéaste officielle, mais elle n’adhérera jamais au partinazi » 136 .Pouvant enfin projeter <strong>de</strong>s films sonores, M. Ba<strong>de</strong>l a beaucoupd’espoir pour l’avenir <strong>de</strong> son cinéma. Mais le contrôle <strong>de</strong> lafréquentation <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus sévère, suite à lamise en application <strong>de</strong> l'arrêté cantonal <strong>de</strong> 1933, comme le montrent lesprocès-verbaux municipaux en relation avec les directives duDépartement <strong>de</strong> justice et police.La circulaire du 20 juillet écoulé du Département <strong>de</strong> Justice etPolice prévoit qu'un contrôle spécial doit être exercé par un agent enuniforme à l'entrée <strong>de</strong>s cinématographes, pour en interdire l'accès auxenfants âgés <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 16 ans, même accompagnés. La Municipalitédéci<strong>de</strong> que le contrôle sera fait par un seul agent, celui <strong>de</strong> service enville, qui surveillera l'entrée <strong>de</strong>s établissements et pénétrera <strong>de</strong> tempsà autre dans les salles pour vérification […] 137 .M. Gustave Ba<strong>de</strong>l, propriétaire du cinéma Central, a sollicitél'autorisation <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s représentations aux enfants une fois parmois, le mercredi en matinée, avec programme approprié. Partageantl'avis <strong>de</strong> la Commission scolaire, qui s'est préoccupée <strong>de</strong> la questiondans sa séance du 17 courant, la Municipalité refuse l'autorisation<strong>de</strong>mandée. <strong>Les</strong> autorités municipales et scolaires considèrent que leditcinéma n'offre pas toutes les garanties <strong>de</strong> sécurité voulues et n'exclutdonc pas <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts, spécialement pour <strong>de</strong>s représentations<strong>de</strong>stinées aux enfants 138 .Le Département militaire et <strong>de</strong>s assurances, consulté peu <strong>de</strong> <strong>jours</strong>après, fait savoir que le Cinéma Central ne répond pas aux prescriptionsactuelles sur les cinématographes et qu'il comprend les scrupules <strong>de</strong>sautorités communales au sujet <strong>de</strong>s représentations pour les enfants.M. Ba<strong>de</strong>l a donc été informé, en réponse à une requête du 26 novembre,qu'il n'était pas possible <strong>de</strong> lui accor<strong>de</strong>r l'autorisation <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>telles représentations, mais que le Syndic pourra lui permettre dèsNoël prochain <strong>de</strong> donner, à l'occasion, <strong>de</strong>s films où les enfants135 Film sur le rassemblement du parti nazi à Nuremberg en 1934.136 E. Dumont, Tribune <strong>de</strong> Genève. Leni Riefenstahl quitte l’écran. Genève, 10-11 septembre 2003.137 ACN BLEU A-85, p. 348, 7 août 1933.138 ACN BLEU A-85, p. 457, 20 novembre 1933.-98-


accompagnés pourraient être admis. Il sera examiné comme le conseillele Département, dans le cadre <strong>de</strong> l'article 73 <strong>de</strong> l'arrêté actuel, si etdans quelles conditions la salle peut continuer à être utilisée pourcinématographe 139 .Chargé par la Municipalité d'examiner les locaux du Cinéma Central,ensuite <strong>de</strong> la lettre du Département <strong>de</strong> Justice et Police du29 novembre protocolée à la séance du 4 courant, le Commissaire <strong>de</strong>police a fait un rapport que les dégagements <strong>de</strong> cet ancien cinéma necorrespon<strong>de</strong>nt plus aux exigences <strong>de</strong> l'arrêté du 4 octobre 1927 et ildéclare que l'utilisation <strong>de</strong> cette salle à l'occasion <strong>de</strong> séances pourenfants seuls est <strong>de</strong>s plus risquées. La Municipalité s'en tient donc à cequi a été décidé le 4 décembre et avisera le Département qu'à son avis,la salle <strong>de</strong> ce cinéma peut continuer à être utilisée pour les adultes etqu'il est préférable <strong>de</strong> ne pas permettre <strong>de</strong>s séances spéciales pourenfants 140 .M. Ba<strong>de</strong>l a <strong>de</strong> la peine à rentabiliser son commerce, lui qui a déjàinvesti une somme importante pour mo<strong>de</strong>rniser son matériel <strong>de</strong>projection. Il se trouve confronté à une infrastructure désuète et enmauvais état. Le propriétaire <strong>de</strong> l'immeuble qui loue le cinéma ne veutpas investir <strong>de</strong> l'argent dans ces locaux pour améliorer les conditions<strong>de</strong> sécurité et d'hygiène vu le faible ren<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> ses biens.L'inauguration du troisième cinéma nyonnais, le Capitole, qui intervienten novembre 1933, accentue encore les difficultés du Central. Il setrouve en effet confronté à une puissante concurrence, le nouvelétablissement étant doté d'un excellent confort et d'une installationtechnique <strong>de</strong>rnier cri. Au mois <strong>de</strong> mars 1934, M. Ba<strong>de</strong>l, fatigué etdémoralisé, se sépare <strong>de</strong> son cinéma qu'il vend à M me Valentine Combeet à son fils Edmond, qui habitent Genève. M. Eugène Locca <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> estprésenté comme gérant dès le 1 er mars 1934. Le montant <strong>de</strong> latractation s'élève à Fr. 18000.- dont Fr. 5000.- payés comptant. Par lasuite, M. Ba<strong>de</strong>l réduit un peu ses prétentions financières, M me Combeayant beaucoup <strong>de</strong> difficultés à régler le sol<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>tte.Le Préfet adresse une lettre du 27 courant <strong>de</strong> M. GustaveCogniasse-Grandjean, ex-principal clerc d'avocat. à Genève, informantque M. Gustave Ba<strong>de</strong>l a vendu, dès le 1 er mars, le Cinéma Central àM me Valentine Combe, Chemin <strong>de</strong>s Voirons, au Petit Lancy, Genève; cette<strong>de</strong>rnière a comme gérant M. Eugène Locca, à <strong>Nyon</strong>. Avant <strong>de</strong> donner139 ACN BLEU A-85, p. 475, 4 décembre 1933.140 ACN BLEU A-85, p. 488, 14 décembre 1933.-99-


suite à cette affaire, M. le Syndic verra M. le Préfet et <strong>de</strong>srenseignements seront pris sur M. Locca 141 .<strong>Les</strong> autorités nyonnaises, après avoir pris <strong>de</strong>s renseignements, sedéclarent favorables à la reprise provisoire <strong>de</strong> la gérance par M. Locca,en attendant que la patente soit délivrée. Le rapport <strong>de</strong> police <strong>de</strong>Genève relatif à M me Combe est aussi positif. La Municipalité nyonnaiseapprécie l'intention <strong>de</strong> M me Combe qui se propose <strong>de</strong> venir habiter à<strong>Nyon</strong> et transmet un dossier favorable aux autorités cantonales.M. Edmond Combe qui exploite le Central avec sa mère, est rapi<strong>de</strong>mentsollicité par l'A.C.S.R. pour adhérer à l'association. Mais, M me Combetardant à produire les pièces nécessaires et M. Locca n'étant plusreconnu comme gérant, la Municipalité, en accord avec le Préfet,interdit toute représentation dès le 18 avril 1934. Le 4 mai, après <strong>de</strong>uxsemaines <strong>de</strong> fermeture, les affaires <strong>de</strong> patente étant enfin réglées, leCentral reprend son activité en s'excusant <strong>de</strong> ce contretemps par voie<strong>de</strong> presse auprès <strong>de</strong> sa clientèle.64. Excuses <strong>de</strong> la direction 142 .Entre-temps, la Municipalité a agréé M. Albert Jaccoud alliéRochat, présenté par l'agent d'affaires Genton, comme gérant ducinéma. Mais M me Combe n'arrive plus à faire face à ses obligationsfinancières et le propriétaire <strong>de</strong> l'immeuble, M. Bryand, dénonce salocataire à l'Office <strong>de</strong>s poursuites. La faillite est déclarée.L'exploitation du cinéma par M me Combe et son fils aura été <strong>de</strong> trèscourte durée, soit du 1 er mars au 18 avril et du 4 au 30 mai 1934 !Au début août 1934, M. Gustave Ba<strong>de</strong>l, à Genève, informe laMunicipalité nyonnaise qu'il est obligé <strong>de</strong> reprendre le Central, venducinq mois auparavant à M me Combe. Cette <strong>de</strong>rnière ne peut pas régler lesol<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>tte envers lui. M. Ba<strong>de</strong>l sollicite les autorités pour lerenouvellement <strong>de</strong> sa patente. Sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est agréée sans141 ACN BLEU A-85, p. 588, 5 mars 1934.142 J.N., 4 mai 1934.-100-


problème et il ouvre à nouveau le cinéma le 5 octobre 1934 après plus<strong>de</strong> cinq mois <strong>de</strong> fermeture. Mais cette longue interruption causebeaucoup <strong>de</strong> tort au Central. A la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> M. Ba<strong>de</strong>l, le montant <strong>de</strong>sa patente est ramené <strong>de</strong> Fr. 250.- à Fr. 150.-, afin <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong>son manque à gagner et <strong>de</strong> sa situation difficile. Parmi les filmsprésentés à la reprise du Central, figure la comédie <strong>de</strong> mœurs française« Jean <strong>de</strong> la Lune » (Jean Choux, France, 1931) avec Michel Simon,Ma<strong>de</strong>leine Renaud, René Lefèvre et Jean-Pierre Aumont, « Une femmevolage épouse un fleuriste qui n’a pour se défendre que sa loyauté » 143 .65. Ba<strong>de</strong>l reprend le Central 144 .M. Ba<strong>de</strong>l confronté à une puissante concurrence et à <strong>de</strong> nombreusesautres difficultés, abandonne définitivement son commerce le 1 er mai1935. Sa patente est annulée.En juillet <strong>de</strong> la même année, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> patente pourcinémas permanents prévus pendant la belle saison parviennent à laMunicipalité, l'une <strong>de</strong> M me Ernestine Roschi, Café <strong>de</strong> Rive, l'autre <strong>de</strong>M. David Rochat, Café du Nord. La Municipalité préavise favorablementet propose le tarif <strong>de</strong> Fr. 50.- pour chaque patente. Au début août,Mme Roschi ayant renoncé, la patente numéro 51 pour l’exploitation d’uncinématographe permanent est octroyée à David Rochat, au Café duNord. Elle est valable jusqu'au 30 septembre 1935, et la taxe se monteà Fr. 128.50, timbre et émolument compris. <strong>Les</strong> projections sontassurées par la maison Jaekle 145 . Le 2 août 1935, une publicité paruedans la presse locale annonce la projection <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux films auCinéma Jardin du Café du Nord. Au programme, un petit festivalCharlie Chaplin avec entre autres, le célèbre « Mon Gosse » (The Kid,USA, 1921) avec Jackie Coogan, « Charlot a trouvé un bébé abandonnéet l’a adopté. Il l’adore, il le soigne, s’occupe <strong>de</strong> lui comme une vraie143 C.G. 2003, p, 640.144 J.N., 12 octobre 1934.145 ACN BLEU A-87, p. 467, 5 août 1935.-101-


mère. L’enfant - le « kid » - grandit, adorable et attaché à son pèreadoptif qui exerce le métier <strong>de</strong> vitrier. La vie est agréable jusqu’au jouroù l’administration vient chercher l’enfant pour le placer dans uneinstitution. La séparation est douloureuse, mais brève. La mère du kidse manifeste. Elle est <strong>de</strong>venue riche et récupère son enfant. Charlotjubile » 146 . <strong>Les</strong> séances au Cinéma Jardin du Café du Nord se déroulentnormalement pendant le mois d’août et une partie du mois <strong>de</strong> septembre1935.66. Cinéma-Jardin, Chaplin l’artiste tou<strong>jours</strong> apprécié 147 .A chaque fin <strong>de</strong> programme, un ancien film <strong>de</strong> Chaplin est projetéen complément du film principal, les séances ont lieu seulement parbeau temps chaque fin <strong>de</strong> semaine.Le Central est fermé <strong>de</strong>puis près d’une <strong>de</strong>mi-année, sa réouvertureest annoncée pour le 10 octobre 1935 sous le nouveau nom <strong>de</strong> Faubourg.L’annonce paraît en forme <strong>de</strong> triptyque où sont associés les <strong>de</strong>ux autrescinémas nyonnais. Le Capitole, le Phare et le Faubourg sont réunis dèslors sous une même direction. <strong>Les</strong> textes explicatifs <strong>de</strong>s filmsconcernant les trois cinémas sont aussi groupés sous la même rubrique« <strong>Les</strong> Spectacles ». Dès le 1 er octobre 1935, la patente N° 26 ayantappartenu à M. Ba<strong>de</strong>l est accordée à M me Henriette Péry-Meylan, qui146 D.M.F. 2000, p. 399.147 C.C., 8 août 1935.-102-


est agréée comme gérante du Faubourg. La publicité vante le Faubourgcomme « la salle aux exclusivités <strong>de</strong> films à sensations fortes », afind’attirer un public spécifique. Nous verrons dans le dossier consacré auCapitole, la raison <strong>de</strong> cette association <strong>de</strong>s trois cinémas nyonnais.Malheureusement, le 17 février 1936, les ennuis recommencent pourl’ancien cinéma <strong>de</strong> la rue Nicole.Ensuite aux nombreuses réclamations <strong>de</strong>s voisins, la Direction ducinéma Faubourg sera mise en <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> pourvoir cet établissement<strong>de</strong> cabinets d’aisances et d’urinoirs comme prescrit à l’article 67 <strong>de</strong>l’arrêté du 4 octobre 1927 concernant les cinématographes et lesdépôts <strong>de</strong> films 148 .Dans sa lettre du 1 er mai 1936, M. Henry Bryand, propriétaire <strong>de</strong>l’immeuble dans lequel est installé le Faubourg répond qu’il n’y a pas <strong>de</strong>possibilité d’établir un <strong>de</strong>uxième WC dans ce cinéma, la place faisanttotalement défaut. Le dossier est renvoyé à la commission <strong>de</strong> salubrité.Une enquête a été ouverte du 13 au 22 mai 1936 au sujet dutransfert pendant les mois d'été du Cinéma Faubourg <strong>de</strong> la rue duVieux Marché au jardin du Café du Nord, propriété <strong>de</strong> M. David Rochat,rue St Jean. Le permis pourra être délivré sous réserve <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>stiers et après approbation du Département <strong>de</strong> Justice et Police. Préavisfavorable donné à ce sujet 149 .Par lettre du 18 juin 1936, le Département <strong>de</strong> Justice et Police ainformé le Préfet qu'il n'avait pas d'objection <strong>de</strong> principe à présenterquant à la mise à exécution du projet <strong>de</strong> transfert temporaire duCinéma Faubourg au jardin du Café du Nord. Le Département réserveque l'appareil <strong>de</strong> projection soit protégé dans une cabine bienconditionnée, placée à distance suffisante du public, que la ligneélectrique d'amenée soit munie <strong>de</strong>s appareils <strong>de</strong> protectionréglementaires et qu'elle soit établie dans <strong>de</strong>s conditions excluant toutrisque d'acci<strong>de</strong>nt ou <strong>de</strong> détérioration […] 150 .Dès le 26 juin 1936, débute la <strong>de</strong>uxième saison en plein air auJardin du Café du Nord, sous la nouvelle direction commune aux troiscinémas nyonnais. Gran<strong>de</strong> nouveauté, les films présentés sont sonoresce qui n’était pas le cas en 1935.148 ACN BLEU A-88, p. 57, 17 février 1936.149 ACN BLEU A-88, p. 155, 27 mai 1936.150 ACN BLEU A-88, p. 187, 29 juin 1936.-103-


SPECTACLEDans <strong>nos</strong> cinémasCINEMA-JARDIN. Au café duNord gran<strong>de</strong> semaine d’ouverture. Tousles soirs en cas <strong>de</strong> beau temps, chacunpourra, tout en prenant le frais, sedélasser en contemplant un film <strong>de</strong>choix. Dès ce soir <strong>Les</strong> Ailes Brisées, avecVictor Francen et Alice Field.Pour corser ce magnifique programmeun film comique avec Fernan<strong>de</strong>l, et lesactualités.C.C., 27-28 juin 1936.Le programme débute avec « <strong>Les</strong> Ailes brisées », une comédiedramatique d'André Berthomieu (France, 1933), « Un père et un filssont amoureux d’une même femme » 151 . Le programme se poursuitjusqu’au 10 septembre avec <strong>de</strong>s films comme « L’Athlète incomplet » <strong>de</strong>Clau<strong>de</strong> Autant-Lara, (France, 1932) avec Douglas Fairbanks junior etJeannette Ferney, « Un étudiant écrit <strong>de</strong>s lettres passionnées à lareine <strong>de</strong>s étudiants. L’une d’elles parvient à sa <strong>de</strong>stinatrice » 152 . Estégalement présenté durant cette pério<strong>de</strong> «Triple Enigme » <strong>de</strong> MichaelCurtiz (USA, 1933), mettant en scène Philo Vance, détective amateurcréé par le romancier S.S. Van Dine et interprété par le très populaireWilliam Powell, « Un privé enquête sur la mort d’un industriel, prouveque son suici<strong>de</strong> est en réalité un meurtre, et découvre que <strong>de</strong>s agents<strong>de</strong> l’étranger se cachaient dans son entourage » 153 . Ces films sontprésentés chaque semaine du jeudi au dimanche dès 21h et par beautemps pour le prix unique <strong>de</strong> 75 centimes. Dès le 11 septembre 1936, lesséances reprennent au Faubourg. <strong>Les</strong> conditions d’hygiène et <strong>de</strong>sécurité laissent tou<strong>jours</strong> à désirer, comme le confirment les rapports<strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong> salubrité. Le premier rapport traite <strong>de</strong> la question<strong>de</strong>s WC supplémentaires qu'il faut construire, le second, la Commissionrelève que ce cinéma ne répond pas aux exigences <strong>de</strong> l'arrêté du 4octobre 1927 et n'offre pas la sécurité nécessaire.Article 67 : Des cabinets d'aisances et <strong>de</strong>s urinoirs seront établisen nombre suffisant. Ils seront disposés <strong>de</strong> telle façon que le public etle personnel puissent aisément en faire usage. Ils seront entretenus151 C.G. 2003, p. 27.152 C.G. 2003, p. 82.153 D.M.F. 2000, p. 720.-104-


dans un état constant <strong>de</strong> propreté, éclairés, ventilés et aménagés <strong>de</strong>manière à ne dégager aucune o<strong>de</strong>ur 154 .Par sa lettre du 20 janvier 1937, le Département <strong>de</strong> Justice etPolice prévient qu'il a accordé à la Direction du Cinéma Faubourg, undélai <strong>de</strong> 3 mois échéant le 31 mars 1937 pour faire procé<strong>de</strong>r àl'exécution <strong>de</strong> travaux dont il donne la liste. L'établissement peutcontinuer à être exploité mais à la condition que les dits travauxn'ajoutent pas <strong>de</strong> risques nouveaux concernant les issues et la sécuritéen général. La Municipalité est chargée d'exercer une surveillance etd'intervenir au cas où une suspension momentanée <strong>de</strong>s représentationsparaîtrait nécessaire 155 .Comme on le voit, l’avenir du vieux cinéma s’assombrit <strong>de</strong> plus enplus et si <strong>de</strong>s mesures urgentes ne sont pas prises, sa survie estvraiment compromise. Ce cinéma, qui avait vu le jour en 1913 sous le nomquelque peu usurpé <strong>de</strong> « Mo<strong>de</strong>rne » et l’était peut-être en partie àl’époque, a beaucoup vieilli. Maintenant, il est vraiment hors normes. Le11 avril 1937, c’est un film du "genre fort", interdit aux jeunes Vaudoisen <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> 18 ans, « La Vampire <strong>de</strong> New York » (ou « Une femmediabolique », « The Notorious Sophie Lang », Ralph Murphy, USA,1934) qui illumine pour la <strong>de</strong>rnière fois l’écran du Faubourg. La semainesuivante, la publicité du cinéma Le Phare annonce que pour cause <strong>de</strong>transformation du cinéma Faubourg, les films <strong>de</strong> "genre fort" passeronttemporairement au Phare. Fausse information, la société financière quidétient les cinémas nyonnais renonce à investir dans l’établissement duFaubourg qui n’offre plus aucun intérêt. Finalement, et après toutes cespéripéties, la fermeture est irrémédiable. Pour la <strong>de</strong>uxième fois à<strong>Nyon</strong>, un cinéma disparaît pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> sécurité, les mauvaisesconditions d’hygiène venant encore fortement aggraver le problème.<strong>Les</strong> locaux du défunt cinéma ont continué un bout <strong>de</strong> vie enaccueillant une société d’histoire, le Cercle d’étu<strong>de</strong>s nyonnais, dirigéavec beaucoup <strong>de</strong> compétences et <strong>de</strong> passion par l'historien Jean-RenéBory <strong>de</strong> 1950 à 1963. Là encore le parcours fut mouvementé pourtransformer les lieux afin qu’ils puissent être ouverts au public. De1965 à 1985, la société théâtrale la Dramatique, la Dram pour les<strong>Nyon</strong>nais, investit à son tour les lieux rebâptisés Théâtre <strong>de</strong> l’Escalieret le spectacle y régne avec beaucoup <strong>de</strong> succès et <strong>de</strong> diversité. « Dansla rue », spectacle poétique mis en scène par Danielle Dubois est à154 AVL. Recueil <strong>de</strong>s lois et décrets du canton <strong>de</strong> Vaud, article 67, 1927. Cote 1.432.155 ACN BLEU A-88, p. 380, 25 janvier 1937.-105-


l’affiche lors <strong>de</strong> l’inauguration du théâtre en 1965. Mais avant <strong>de</strong>s'ouvrir au public, <strong>de</strong> nouvelles transformations changent beaucoupl’aspect <strong>de</strong> la salle. La charmante galerie est supprimée pour faire placeaux loges <strong>de</strong>s artistes. Sur ordre <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong> salubrité, <strong>de</strong>uxventilations sont installées, l'éclairage <strong>de</strong> l'entrée est amélioré, lesmains courantes sont renforcées, tandis qu'un <strong>de</strong>uxième cabinetd’aisance est enfin créé près <strong>de</strong> l'entrée, qui se fait maintenant <strong>de</strong>puisla rue Nicole. La Dram est une vieille dame née en 1872. Avant <strong>de</strong>s’installer dans le petit théâtre, elle a connu <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> gloire dansle Théâtre <strong>de</strong> la place du Château où elle se produisait souvent avec lacollaboration <strong>de</strong> l’orchestre <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> ou l’Union instrumentale. A la findu XIX e , le genre comique avait la prédilection et Labiche était un <strong>de</strong>sauteurs préférés. Elle a aussi joué <strong>de</strong>s œuvres célèbres <strong>de</strong> VictorSardou, Edmond Rostand, Molière, Shakespeare, etc. Après l’inauguration<strong>de</strong> la salle communale en 1930, les célèbres revues locales <strong>de</strong> laDram y sont données. Elles attirent les spectateurs par leur humour etleur mise en scène. <strong>Les</strong> figures locales <strong>de</strong> la cité sont égratignées etcaricaturées dans leurs attitu<strong>de</strong>s, leur accent et leurs problèmessentimentaux ou politiques.Le Club <strong>de</strong> cinéma amateur <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, qui sous-loue les locaux à laDramatique, anime lui aussi pendant une vingtaine d’années l’écran blanc<strong>de</strong> ses productions cinématographiques avec beaucoup <strong>de</strong> bonheur.Premier prési<strong>de</strong>nt et fondateur du club en 1962, Bernard Jaques <strong>de</strong>Begnins, cinéaste chevronné, transmet avec compétence et dévouementses vastes connaissances sur le cinéma amateur et professionnel. J’aimoi-même assumé la prési<strong>de</strong>nce pendant plusieurs années avec beaucoup<strong>de</strong> plaisir et <strong>de</strong> satisfaction. Philippe Vioget, membre du club,habitant dans l’immeuble <strong>de</strong> la rue Nicole possè<strong>de</strong> une cave qui jouxte lethéâtre, il la met spontanément à notre disposition. Deux petitesfenêtres équipées <strong>de</strong> verres optiques sont créées entre le théâtre etcette cave qui est convertie en cabine projection. Yves Buvelotconstruit un support réglable pour les appareils <strong>de</strong> projection. Unepetite régie comman<strong>de</strong> l’éclairage progressif <strong>de</strong> la salle ainsi que leniveau sonore <strong>de</strong>s films. Grâce à ce travail effectué par une petiteéquipe <strong>de</strong> passionnés, les conditions <strong>de</strong> projection sont idéales. La sallecompte une cinquantaine <strong>de</strong> chaises indépendantes pouvant êtresdisposées selon le type <strong>de</strong> spectacle. Des petits films à scénario sonttournés dans ces lieux transformés pour l’occasion. Des <strong>de</strong>ssins animéssont réalisés en équipe dans les loges du théâtre. Toutes ces conditions-106-


facilitent l’activité d’un club dans une ambiance amicale et sympathique.Nous y vivons <strong>de</strong>s soirées <strong>de</strong> projection fascinantes, surtout lors <strong>de</strong>sconcours annuels ou en invitant d’autres clubs. Malheureusement, en1986, suite à <strong>de</strong>s problèmes internes, la société théâtrale <strong>de</strong> laDramatique est dissoute. La belle enseigne en métal peinte du Théâtre<strong>de</strong> l’Escalier, suspendue à une potence <strong>de</strong> fer forgé, est retirée. Nepouvant pas assumer à lui seul la charge financière <strong>de</strong> la location duthéâtre, le club quitte à regret ce merveilleux endroit. Heureusement,le Club <strong>de</strong> cinéma amateur <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> est tou<strong>jours</strong> très actif dans la sallequ’il occupe actuellement en périphérie <strong>de</strong> la ville à l’école <strong>de</strong>s Tattesd’Oie 158 .<strong>Les</strong> lieux qui ont accueilli le Mo<strong>de</strong>rne pendant un quart <strong>de</strong> siècle ontretrouvé leur fonction première <strong>de</strong> cave où règnent les ténèbres etl’immobilité. Le rêve, la créativité et l’art en ont disparu. Dommage, unerestauration et une mise en valeur <strong>de</strong> qualité entreprises en tempsvoulu et la vie animerait peut-être encore ces lieux pleins <strong>de</strong> charme etd’originalité. En automne 2004, rentabilité oblige, l’immeuble <strong>de</strong> la rueNicole subit d’importantes transformations. Des locaux commerciauxsont créés au rez-<strong>de</strong>-chaussée, les sous-sols sont réaménagés en locauxtechniques et l’extérieur du bâtiment est entièrement rénové.L’ancienne salle qui a vu naître un cinéma <strong>de</strong> quartier et plus tard unsympathique petit théâtre a disparu définitivement!67. Le bâtiment aujourd’hui 159 .158 Voir site internet : www.ccvn.ch159 Photo <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>, 2006.- 107 -


LE PHARE, 1928-1984Dès les années 1910, les cinémas permanents ont le vent en poupedans notre pays et <strong>Nyon</strong> n'échappe pas à ce phénomène. De 1912 à1927, une dizaine <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d'implantation sont adressées à lacommune. Elles sont généralement repoussées par <strong>nos</strong> édiles. Au début<strong>de</strong> l'année 1928, la ville est déjà dotée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux établissementscinématographiques quand une nouvelle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> construction estformulée pour le futur cinéma Le Phare-Variété, première appellationfigurant sur les plans <strong>de</strong> construction d’avril 1927, signés parl’architecte Edmond Donzé ; Le Lan<strong>de</strong>ron.68. Faça<strong>de</strong> du cinéma Le Phare-Variété 160 .160 ACN BLEU K-321.35.- 108 -


Ce projet est fortement combattu par les autorités et les sociétéslocales car il arrive à un moment chargé <strong>de</strong> projets immobiliers, liés à laculture et aux activités <strong>de</strong>s sociétés nyonnaises : construction d'unesalle communale, transformation du théâtre municipal afin qu'il puisseaussi fonctionner comme cinéma, modification <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> gymnastique.A cela s’ajoute les craintes que suscite tou<strong>jours</strong> le cinématographe.Pour beaucoup ce nouveau moyen d'expression peut dépraverle peuple et surtout les jeunes par ses vues immorales et violentes, touten soutirant <strong>de</strong> l'argent aux pauvres gens.Séance municipale du 17 avril 1928 : Abordant la question dubâtiment projeté par M. Donzé du Lan<strong>de</strong>ron, à la rue Perdtemps, en vued'y créer un cinématographe pour le compte <strong>de</strong> M. Charles Pécaut, àLausanne, la Municipalité déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire opposition au projet enréservant expressément son droit <strong>de</strong> limiter les représentations <strong>de</strong>cinéma, s'il venait à être mis à exécution 161 .Séance municipale du 23 avril 1928 : L'Union <strong>de</strong>s sociétésnyonnaises transmet à la Municipalité la résolution suivante votée parson assemblée du 18 courant, concernant la création d'un nouveaucinéma à la rue <strong>de</strong> Perdtemps : 1° Considérant que l'équilibre financier<strong>de</strong> la construction <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> salle exige la transformation du théâtreactuel en cinéma et la cession ultérieure <strong>de</strong> l'exploitation du théâtre àla nouvelle société <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> salle ; 2° Que la création à <strong>Nyon</strong> d'uneautre et nouvelle salle <strong>de</strong> cinéma n'est ni utile ni désirable, l'assembléeprie la Municipalité : a/ <strong>de</strong> s'opposer à la construction d'une nouvellesalle ;b/ <strong>de</strong> prendre toute décision utile pour aboutir à latransformation immédiate du théâtre en cinéma conformément au vœuxémit le 20 octobre <strong>de</strong>rnier par l'Union ; elle déci<strong>de</strong>, en outre, quechaque Société affiliée à celle-ci fera une opposition individuelle aunouveau projet. Après discussion, la Municipalité, qui a déjà décidé <strong>de</strong>faire opposition à ce <strong>de</strong>rnier charge M. Ernest Saüberlin, architecte, <strong>de</strong>faire une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la transformation éventuelle du théâtre en cinémaet <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Département militaire et <strong>de</strong>s assurances <strong>de</strong> bien vouloirdéléguer l'un <strong>de</strong>s fonctionnaires du Contrôle <strong>de</strong>s installationsélectriques et industrielles, pour donner <strong>de</strong>s directives à cet architecte162 .Aux oppositions <strong>de</strong> la Municipalité et <strong>de</strong> l'Union <strong>de</strong>s sociétésnyonnaises, s'ajoute encore celle <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong> salubrité qui161 ACN BLEU A-82, p. 396, 17 avril 1928.162 ACN BLEU A-82, pp. 401-402, 23 avril 1928.- 109 -


justifie ses raisons : […] pour <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong> sécurité en cas d'incendieet basée sur les dispositions <strong>de</strong> l'article 49 <strong>de</strong> l'arrêté du 4 octobre1927, concernant les cinématographes et les dépôts <strong>de</strong> films, s’oppose,s'oppose, dans un second rapport du 28 avril, à la construction d'uncinéma sur le terrain <strong>de</strong> M. Charles Pécaut, rue <strong>de</strong> Perdtemps 163 .69. Emplacement du Phare à la ruelle <strong>de</strong> Pertems 164 .163 ACN BLEU A-82, p. 410, 30 avril 1928.164 ACN BLEU K-321.35. On distingue le tracé pour l’alignement <strong>de</strong>s constructions. Aprèsl’élargissement la ruelle <strong>de</strong> Pertems a pris le nom <strong>de</strong> Rue Perdtemps.- 110 -


OPPOSITION.La Municipalité <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> s'oppose à la construction du cinéma que propose d'édifier M.Charles Pécaut, à la rue <strong>de</strong> Perdtemps, pour les raisons suivantes :ORDRE MORAL & SOCIAL.<strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux cinématographes qui existent déjà l'un en ville, l'autre au quartier <strong>de</strong> Rive,suffisent amplement aux besoins du public. La Municipalité se permet d'attirer l’attention<strong>de</strong> l’autorité cantonale sur le danger social qu’il y a à en avoir trop dans une localité.De tous côtés s’élèvent, avec raison, <strong>de</strong>s protestations contre le nombre exagéré <strong>de</strong>s fêtespopulaires, kermesses, dancings, lieux <strong>de</strong> plaisir, etc.La Municipalité s’est préoccupée <strong>de</strong> la question et a obtenu, avec le concours <strong>de</strong> l’Union<strong>de</strong>s Sociétés <strong>Nyon</strong>naises la réduction <strong>de</strong>s fêtes et <strong>de</strong>s lotos organisés au bénéfice <strong>de</strong> cessociétés.A plus forte raison, la Municipalité doit-elle faire opposition à une entreprisepoursuivant uniquement un intérêt lucratif et rentrant dans le cadre <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> plaisir.ORDRE PUBLIC.La Municipalité, se basant sur la majorité <strong>de</strong> l'opinion publique, estime inopportune laconstruction d'un cinéma à <strong>Nyon</strong>.Ce cinéma ne répond pas aux requisits <strong>de</strong>mandés par la population qui a besoin d'unegran<strong>de</strong> salle et <strong>de</strong> ses annexes.Il ne répond pas non plus à un besoin nouveau, puisqu'il existe déjà <strong>de</strong>ux cinémas à<strong>Nyon</strong> et qu'un projet <strong>de</strong> supprimer l'un d'eux est à l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant l'autorité municipale, quise propose <strong>de</strong> transformer le vieux théâtre pour remplacer un cinéma.ORDRE ECONOMIQUE.Dans le cas particulier, cette entreprise risque <strong>de</strong> compromettre gravement les intérêtscommunaux. En effet, la Municipalité et le Conseil Communal ont décidé l'érection d'unbâtiment <strong>de</strong>stiné à abriter la gran<strong>de</strong> salle, dont la construction est désirée par lapopulation nyonnaise <strong>de</strong>puis une trentaine d'années, et où <strong>de</strong>s spectaclescinématographiques pourront être donnés.Mais il y a plus : la gran<strong>de</strong> salle sera construite sur un emplacement choisi par lesautorités communales, voisin <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> M. Pécaut on peut dire avec une quasi-certitu<strong>de</strong>que l'exploitation <strong>de</strong> l'établissement <strong>de</strong> celui-ci nuira à l'exploitation <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> salle.ORDRE TECHNIQUE.La Municipalité <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra que la vérification <strong>de</strong>s plans au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s exigencesformulées par l'arrêté du 4 octobre 1927 soit faite <strong>de</strong> façon rigoureuse et complète et tiennecompte <strong>de</strong>s observations formulées par la Commission <strong>de</strong> Salubrité dans son rapport, celasurtout en matière <strong>de</strong> dégagements ; elle estime, du reste, n'avoir pas à faire les fraisd'amélioration <strong>de</strong>s voies publiques adjacentes, pour assurer ces dégagements.En conséquence, la Municipalité estime être en droit <strong>de</strong> s'opposer et elle s'oppose à laconstruction du cinéma Pécaut, soit à cause <strong>de</strong> la sécurité publique qui lui paraît menacée,soit à cause <strong>de</strong> moralité publique qui va courir un danger <strong>de</strong> plus grâce à l'augmentation<strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> plaisir et <strong>de</strong> distraction.<strong>Nyon</strong>, 4 mai 1928.Au nom <strong>de</strong> la Municipalité :Le Syndic : L. BONNARD Le Secrétaire : F. FAVRE.Opposition <strong>de</strong> la Municipalité, 4 mai 1928 165 .165 ACN BLEU K-321.35.- 111 -


Le projet <strong>de</strong> transformation du théâtre en cinéma est envoyé auxautorités cantonales pour examen. Cette transformation <strong>de</strong>vrait donnerplus <strong>de</strong> force à l'opposition que l'Union manifeste envers la constructiondu nouveau cinéma le Phare.70. Projet <strong>de</strong> transformation du théâtre en cinéma 166 .Le 8 mai 1928, M. Charles Pécaut vient habiter à <strong>Nyon</strong>. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong>que lui soit accordée la patente pour l'exploitation <strong>de</strong> son futur cinéma.Refus <strong>de</strong> la Municipalité qui veut attendre les conclusions <strong>de</strong>s autoritéscantonales au sujet <strong>de</strong> la construction du bâtiment projeté. M. Pécaut,par sa lettre du 26 mai, ayant retenu que dans l’opposition il est faitmention <strong>de</strong> transformer le théâtre pour l’exploiter en cinéma, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>d’être au bénéfice d’un bail <strong>de</strong> location, pour autant que l’installationsoit conforme aux prescriptions <strong>de</strong> la loi sur les cinémas.Le 28 mai, M. Pécaut sollicite M. Genton, agent d'affaire patenté à<strong>Nyon</strong>, qui écrit à la Municipalité afin <strong>de</strong> faire lever les diversesoppositions en cours.166 ACN BLEU J-34.4.- 112 -


Municipalité <strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>. <strong>Nyon</strong>, le 28 mai 1928.Monsieur le Syndic et Messieurs,Charles Pécaut, représenté par Eug. Genton, à <strong>Nyon</strong>, protes-te vivementcontre les oppositions formulées au sujet <strong>de</strong> la construction d'un cinéma à <strong>Nyon</strong>.Il maintient sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> permis <strong>de</strong> construction et donne encore lesrenseignements ci-après :Ordre moral et social.La liberté du commerce est garantie par la constitution fédérale. Le fait qu'ilexiste déjà <strong>de</strong>ux cinémas à <strong>Nyon</strong> n'est pas un argument suffisant pour motiverune opposition, surtout si l'on tient compte que les locaux où sont installés ces<strong>de</strong>ux cinémas n'ont pas été édifiés dans ce but, ce sont <strong>de</strong>s locaux <strong>de</strong> fortune etne présentant pas <strong>de</strong> garantie <strong>de</strong> sécurité telles que celles données par laconstruction projetée.Ordre public et économique :La construction d'un nouveau cinéma à <strong>Nyon</strong> ne nuit en aucune façon [à] laconstruction d'une gran<strong>de</strong> salle. Et le vieux théâtre transformé en cinémaconstituera un établis-sement <strong>de</strong> fortune d'une gran<strong>de</strong> insécurité pour le public.Ordre technique :Charles Pécaut construit un cinéma en se conformant à tous les règlements,arrêtés et lois sur la matière. Toutes les projections seront soumises aupréalable à l'autorité compétente, on ne peut donc prétendre que la moralitépublique courra un danger <strong>de</strong> plus.[…] Enfin, Monsieur Pécaut rappelle que sa construction est mo<strong>de</strong>rne, faitespécialement dans le but <strong>de</strong> l'exploitation d'un cinéma, que l'architecte chargédu travail a déjà édifié plus <strong>de</strong> 40 établissements <strong>de</strong> ce genre en Suisse. […]Riposte argumentée <strong>de</strong> M. Pécaut à la Municipalité 167 .La Municipalité transmet la lettre <strong>de</strong> protestation <strong>de</strong> M. Genton auDépartement <strong>de</strong> justice et police, qui possè<strong>de</strong> déjà le dossierd'enquête. Par l'intermédiaire du Préfet <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, le Département <strong>de</strong>justice et police répond au mois <strong>de</strong> juin 1928 que l'on ne peut pass'opposer à l'édification <strong>de</strong> nouveaux cinématographes si les dispositionsen vigueur sont respectées.Le 12 juillet 1928, le Département militaire et <strong>de</strong>s assurancesprécise que le théâtre, qui est tout en bois à l'intérieur et dontl'aménagement présente <strong>de</strong> sérieux dangers d'incendie, ne peut pasêtre transformé en cinéma, car malgré les modifications prévues cetétablissement ne répondra pas aux dispositions essentielles <strong>de</strong> l'arrêtédu 4 octobre 1927 concernant les cinématographes et dépôts <strong>de</strong> films.Le 6 août 1928, après moult tergiversations, la Municipalité déci<strong>de</strong>enfin d'octroyer le permis <strong>de</strong> construire sous réserve <strong>de</strong> l'observation<strong>de</strong>s conditions imposées par les Départements <strong>de</strong> justice et police,167 ACN BLEU K-321.35.- 113 -


travaux publics, militaire et assurances. Pour M. Pécaut, les travaux <strong>de</strong>construction du cinéma sous la nouvelle appellation le Phare peuventenfin démarrer. Mais dans notre bonne ville <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, cette constructionne fait tou<strong>jours</strong> pas l'unanimité, comme le prouve l'articleci-<strong>de</strong>ssous paru dans la presse locale le 17 août 1928 et qui est courageusementsigné X .Pluie <strong>de</strong> cinéma sur <strong>Nyon</strong>.------------------La soi-disant liberté du commercepermet l'installation et l'exploitation<strong>de</strong> cinémas en nombreillimité.Tel fut dans le temps le jugementdu Tribunal fédéral ; ainsi en adécidé récemment l'autorité exécutivecantonale dans le cas Pécaut,cinéma "Le Phare", qu'on se proposed'installer sur les terrains <strong>de</strong> laCroix-Verte.Cette récente décision, prise àl'encontre <strong>de</strong>s intérêts généraux <strong>de</strong>notre ville, <strong>de</strong> <strong>nos</strong> sociétés locales enparticulier, ouvre la voie à lacréation <strong>de</strong> plusieurs cinémas à<strong>Nyon</strong>.Si nous sommes bien renseignés,<strong>de</strong>ux nouvelles <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cinémadans notre ville vont être déposéessous peu, car elles n'attendaient quela solution du cas ci-<strong>de</strong>ssus pourêtre lancées.Nous ne pouvons que regretter ledéveloppement <strong>de</strong> notre ville dansun sens aussi contraire à celuipoursuivi par l'autorité et par laSociété <strong>de</strong> Développement. X.J.N., 17 août 1928Un citoyen bien pensant du cercle <strong>de</strong> Coppet, lecteur du Journal <strong>de</strong><strong>Nyon</strong>, vient appuyer l’opinion du courageux auteur anonyme. Ses propostraduisent une forte antipathie à l'égard <strong>de</strong>s cinémas.- 114 -


CORRESPONDANCETrop <strong>de</strong> cinémas. - On nous écrit du cercle <strong>de</strong> Coppet :Un correspondant écrivait dans le « Journal » du 17 écoulé, un articlepour protester contre la surabondance <strong>de</strong>s cinémas à <strong>Nyon</strong> ; je me<strong>de</strong>man<strong>de</strong> aussi pourquoi on tolère l'ouverture d'un nouveau ciné dans lapetite ville qu'est <strong>Nyon</strong>. Sauf erreur cela porterait avec les <strong>de</strong>ux nouvelles<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, qui soi-disant vont être déposées, à cinq le nombre <strong>de</strong> ces lieux<strong>de</strong> plaisir. Il faut croire que ceux qui existent actuellement sont beaucouptrop petits maintenant, pour satisfaire le public assoiffé plus que jamaisd'aventures tragiques et romanesques ; à grands fracas, sur <strong>nos</strong>quotidiens, on annonce l'arrivée d'une ve<strong>de</strong>tte <strong>de</strong> l'écran, et si par hasardon augmente le prix <strong>de</strong>s places la salle n'en sera pas moins comble, voiremême jusqu'au « poulailler », alors on ne récriminera pas, mais si par unsingulier retour <strong>de</strong>s choses, le lait hausse d'un <strong>de</strong>mi centime seulement,et que pain et pommes <strong>de</strong> terre subissent le même sort, comme il en seraprobablement le cas cette année, on criera comme <strong>de</strong>s « pies ».D'autre part, je ne serais pas étonné <strong>de</strong> ce que la plupart <strong>de</strong> ceshabitués <strong>de</strong> cinéma diminuent leur ration quotidienne <strong>de</strong> pain et <strong>de</strong> laitafin <strong>de</strong> pouvoir satisfaire leur soif <strong>de</strong> plaisir. Il y a évi<strong>de</strong>mment le boncinéma, ces beaux films saints [sic] et instructifs, que viennent parfoistourner dans <strong>nos</strong> villages, certains opérateurs ; certainement nous aimonsvoir défiler <strong>de</strong>vant <strong>nos</strong> yeux, les tableaux si pittoresques <strong>de</strong> notre beaupays, <strong>de</strong> ces séances nous en remportons le plus beau souvenir, et nouspouvons y envoyer sans crainte <strong>nos</strong> enfants, malheureusement elles sontencore trop rares.Oui, il serait temps quand même <strong>de</strong> sévir contre le développementinquiétant <strong>de</strong> ces établissements dans notre chef-lieu <strong>de</strong> district.P. Jean-Louis agri.J.N., 22 août 1928.Début octobre 1928, le même journal fait paraître un long texte <strong>de</strong><strong>Robert</strong> Jaquillard, commandant <strong>de</strong> la Police cantonale, qui contribueavec pondération au débat. Cette analyse d’un homme <strong>de</strong> terrain,confronté par fonction à la question <strong>de</strong> la censure cinématographique,mérite d’être largement citée ici.Cinématographe et criminalité.Tous droits réservésDans la constellation <strong>de</strong>s arts, le benjamin d'entre eux, le cinématographeest, sans contexte, <strong>de</strong>puis quelques années, un astre grandissant, jouissant <strong>de</strong>l'immense faveur <strong>de</strong>s foules. Partout les établissements cinématographiquespoussent comme <strong>de</strong>s champignons, se multiplient trop, d'ailleurs, tandis queles films eux-mêmes sont jetés sur le marché à telle profusion, que, pourbeaucoup d'entre eux, l'offre dépasse la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. […]Quoi qu'il en soit, la photographie animée tend, <strong>de</strong> plus en plus, àparticiper intimement aux diverses manifestations <strong>de</strong> la vie journalière;documentaire, le cinéma est présentement incorporé aux programmesscolaires, qu'il s'agisse d'instruction primaire ou secondaire, d'étu<strong>de</strong>s- 115 -


scientifiques ou techniques, ou <strong>de</strong> formation professionnelle; simplementrécréatif, il est, par excellence, le moyen <strong>de</strong> délassement <strong>de</strong>s massespopulaires comme aussi <strong>de</strong> l'élite intellectuelle, procurant à tous un agréableet utile dérivatif aux soucis <strong>de</strong> l'existence trépidante <strong>de</strong> notre époque. Nousn'aurons gar<strong>de</strong> d'omettre qu'il constitue, lorsqu'on en use avec mesure etdoigté - ce qui n'est pas tou<strong>jours</strong> le cas, - un <strong>de</strong>s meilleurs moyens <strong>de</strong>propagan<strong>de</strong> dans la lutte entreprise par les pouvoirs publics et par lesassociations privées, contre les plaies sociales telles que, par exemple latuberculose, l'alcoolisme, les maladies vénériennes, la prostitution, etc. etcontre la plus terrible d'entre elles: la guerre. […]La question, elle en vaut la peine, a souventes fois été agitée <strong>de</strong> savoirquelle est la répercussion que peut avoir le cinématographe sur la criminalité,tout particulièrement dans les milieux <strong>de</strong> la jeunesse. […]Ici, une première remarque s'impose. Le cinématographe - et c'est précisémentla cause essentielle <strong>de</strong> son succès - en présentant à l'écran <strong>de</strong>s imagesanimées, dans une ambiance propre à donner l'illusion <strong>de</strong> la réalité, frappel'imagination au plus haut <strong>de</strong>gré. […]La lecture d'un ouvrage, quel qu'il soit, ou d'un article d’un journal,n'exerce jamais sur l'esprit d'une gran<strong>de</strong> masse une influence aussi profon<strong>de</strong>qu'un film habilement présenté. Par voie <strong>de</strong> conséquence, les mauvais filmsauront, cela va sans dire, un effet autrement plus néfaste que la mauvaiselittérature. […]Jusqu'il y a une dizaine d'années, les romans d'un goût douteux, lesromans dits policiers, notamment, constituaient à eux seuls la partie la plusimportante <strong>de</strong>s programmes cinématographiques. Or, pourrait-on contesterl'influence pernicieuse <strong>de</strong> tels spectacles ? Nous ne le pensons pas. Présenterpubliquement, <strong>de</strong>vant une assemblée comportant, à côté d'autres, <strong>de</strong>s enfants,<strong>de</strong>s adolescents, ou <strong>de</strong>s gens moralement ou intellectuellement diminués, <strong>de</strong>ssujets dans lesquels <strong>de</strong>s actes criminels sont disséqués jusque dans leursmoindres détails, parfois même glorifiés, constitue une leçon <strong>de</strong> chosesterriblement suggestive, dont les conséquences ne peuvent être que néfastes.Aussi le résultat ne s'est-il point fait attendre et <strong>de</strong> nombreux exemples ontdémontré que certains maîtres <strong>de</strong> l’écran étaient tout simplement passés aurang <strong>de</strong> professeurs ès-cambriole, formant <strong>de</strong>s élèves ayant une activitédélictueuse, empruntant à <strong>de</strong>s films vus les raffinements du ciné-roman. Il futun temps où véritablement le cinématographe était une école du crime.Ceci appartient heureusement au passé, une amélioration très sensible, ànotre avis, se manifestant dans ce domaine tout au moins. Sous l'influence <strong>de</strong>la presse - les critiques cinématographiques peuvent jouer là un rôle prépondérant- grâce au public lui-même, qui, en plus d'une occasion, a suintervenir - et il le peut <strong>de</strong> la façon la plus effective en portant un coup droitaux recettes <strong>de</strong>s directeurs inconscients - grâce aussi aux mesures <strong>de</strong> policeintervenues, les films pouvant inciter à <strong>de</strong>s actes criminels ont diminuéjusqu'à presque disparaître. Ceux qu'on peut encore trouver revêtent uneforme largement atténuée, et ne sont plus guère présentés que dans quelquesétablissements <strong>de</strong> troisième ordre.Si donc le mal subsiste, c'est dans une proportion ne constituant plus ledanger grave d'autrefois. […]C’est ce que nous allons examiner rapi<strong>de</strong>ment sur la base <strong>de</strong> notreexpérience et d'une enquête que nous avons faite <strong>de</strong>puis un an dans lesmilieux <strong>de</strong> jeunes délinquants âgés <strong>de</strong> 10 à 20 ans.<strong>Les</strong> chiffres qui suivent donneront une idée assez exacte <strong>de</strong> l'influence quepeut avoir le cinéma sur la criminalité. Le 30% <strong>de</strong>s jeunes gens interrogés -nous rappelons qu'il s'agissait <strong>de</strong> délinquants - n'étaient jamais allés aucinématographe, tandis que le 70% avaient vu plusieurs, quelques -unsmêmes, <strong>de</strong> nombreux films. Fait curieux, c'est parmi ceux pour lesquels le- 116 -


cinéma était totalement inconnu que nous avons trouvé les cas les plus graves(vols très importants, actes délictueux répétés, etc.). […]Poussant plus avant <strong>nos</strong> investigations, nous avons cherché à déterminerle genre <strong>de</strong> spectacles cinématographiques auxquels ces enfants avaientassisté. Alors que 6% d'entre eux n'avaient gardé aucun souvenir précis <strong>de</strong>sfilms vus par eux, le 48% n'avaient vu que <strong>de</strong> bons films, n'ayant exercé sureux aucune mauvaise influence. (Il s'agit <strong>de</strong> documentaires instructifs, <strong>de</strong>comiques ou <strong>de</strong> contes <strong>de</strong> fée). Par contre, 16% avaient eu l'occasion d'assisterà <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> mauvais goût, dépourvus <strong>de</strong> caractère moral, quand ilsn'étaient pas tout simplement immoraux. Ces films ne pouvaient avoir qu'unemauvaise influence sur <strong>de</strong>s esprits non encore formés.Nous avons cherché enfin quel rôle le cinématographe pouvait avoir jouéquant au <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> perversion atteint par cette jeunesse et dans quelleproportion le 7e art entrait, soit directement, soit indirectement, comme causedéterminante <strong>de</strong> la commission d'actes délictueux. […]Dans un seul cas, un petit cambrioleur s'est inspiré d'une scène <strong>de</strong> cinématographeet y a puisé <strong>de</strong>s éléments propres à lui servir dans l'accomplissement<strong>de</strong> ses méfaits.Quant à ceux ayant assisté à la présentation <strong>de</strong> mauvais films il s'agit,pour la plupart, d'éléments se recrutant parmi les plus tarés, dont le genre <strong>de</strong>vie déplorable est dû essentiellement à <strong>de</strong> l'atavisme ou à un défaut complet<strong>de</strong> surveillance. […]Le cinématographe est une <strong>de</strong>s inventions mo<strong>de</strong>rnes les plus belles et lesplus utiles. Sa production étant énorme, il est clair qu'elle ne peut qu'êtred'inégale valeur. A côté d'œuvres magnifiques, <strong>de</strong> véritables chefs-d'œuvre,source <strong>de</strong> beauté et d'art, il est <strong>de</strong>s films médiocres ou franchement mauvais,dont les effets sont nuisibles et peuvent entraîner au mal les esprits faibles.La littérature et le théâtre ne sont-ils pas logés à la même enseigne ?En matière <strong>de</strong> conclusion, nous dirons que les mesures préventives prisespartout en Suisse permettent aux autorités responsables d'intervenirutilement, <strong>de</strong> suppléer le cas échéant, à la carence <strong>de</strong> directeurs <strong>de</strong> sallesinconscients - ce sont en général tou<strong>jours</strong> les mêmes et ils sont une minorité -et <strong>de</strong> ramener à <strong>de</strong>s proportions humainement possibles les dangers ducinéma, lorsqu'il en présente.R. JaquillardJ.N., 5 octobre 1928 168 .Le journal fait écho à la discussion en publiant quelques donnéesstatistiques reprises à une source inconnue et commentée <strong>de</strong>ux <strong>jours</strong>plus tard en fonction <strong>de</strong> la situation locale.168 Cet article fut repris <strong>de</strong>ux ans plus tard avec <strong>de</strong>s variantes, mais en gros avec la mêmeargumentation dans la Revue internationale <strong>de</strong> l’enfant (Genève) <strong>nos</strong> 55-56, juillet-août 1930, pp. 1-10, sous le titre <strong>de</strong> « Le Cinématographe et l’Enfance criminelle ». On y apprend que l’enquête surlaquelle repose les considérations <strong>de</strong> l’auteur avait été menée sur environ 150 jeunes délinquants etque le canton <strong>de</strong> Vaud compte alors, pour 350'000 habitants, « 45 cinématographes, répartis àraison <strong>de</strong> 28 dans les villes, et 15 dans les contrées rurales. D’où il résulte que l’on trouve ici uncinématographe pour 4'500 habitants dans les centres urbains et un pour 15'000 habitants à lacampagne ». Information communiquée à l’auteur par Roland Cosan<strong>de</strong>y, août 2008.- 117 -


Le cinéma, ce cirque <strong>de</strong> notre sièclea <strong>de</strong>s fervents dans tous les pays. Il estcurieux <strong>de</strong> constater que le paysd'Europe où l'art muet est le plus envogue est la Hongrie.<strong>Les</strong> hongrois, en effet, disposentd'une salle pour 16'000 habitants ou uneplace pour 46.Viennent ensuite l'Allemagne avecune place pour 49 habitants, puis laFrance où il y a 59 pour chaque fauteuil.L'Amérique, évi<strong>de</strong>mment, bat <strong>de</strong> lointous les records européens avec une sallepar 6'500 personnes, soit une place pour13 habitants.J.N., 8 octobre 1928.LES CINEMASNous avons publié dans notre <strong>de</strong>rniernuméro une statistique relative auxcinémas dans divers pays. Nous disionsque l'Amérique battait tous les recordseuropéens en ce qui concerne le nombre<strong>de</strong> salle par rapport à la population, soitune salle pour 6500 habitants ou uneplace pour 13 habitants. Il apparaît que<strong>Nyon</strong> bat nettement les Etats-Unispuisque dans quelques semaines, ilcomptera trois cinémas pour 5'000habitants, soit une place pour cinqpersonnes.J.N., 10 octobre 1928.Signalons qu’en 1928, Lausanne compte sept cinémas, dont le<strong>de</strong>rnier, Le Capitole, est inauguré en décembre ; Montreux et Vevey enont chacun trois.En novembre 1928, la construction du Phare est presque terminée.On a <strong>de</strong> la peine à imaginer que l'on ait pu construire un bâtiment sirapi<strong>de</strong>ment (environ quatre mois), compte tenu <strong>de</strong>s techniques et <strong>de</strong>smatériaux <strong>de</strong> l'époque. M. Pécaut fait une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour donner cinqreprésentations par semaine. La Municipalité veut les réduire à troisseulement, bien que l'arrêté du 4 octobre 1927 précise qu'il n'est paspossible <strong>de</strong> limiter le nombre <strong>de</strong>s représentations ! La Municipalitétransmet enfin au Préfet, avec préavis favorable, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>- 118 -


patente <strong>de</strong> M. Pécaut. Ce <strong>de</strong>rnier donnera cinq représentations parsemaine : le vendredi en soirée, le samedi en soirée, le dimanche enmatinée et en soirée et le lundi en soirée. L'heure <strong>de</strong> fermeture estmaintenue à 23h30 comme pour les cinémas déjà existants, le Nationalet le Mo<strong>de</strong>rne.Au début décembre 1928, le bureau communal <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>que soit effectué un essai général <strong>de</strong> résistance du cinéma avec procèsverbal et chiffres à l'appui. La Municipalité préfère que le Conseild'Etat soit saisi <strong>de</strong> cette affaire. Le 19 décembre 1928, suite à larequête <strong>de</strong> M. Edmond Donzé, constructeur, qui est adressée auDépartement militaire et <strong>de</strong>s assurances et à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> faite par laMunicipalité au Conseil d'Etat, la visite du cinématographe le Phare, rue<strong>de</strong> Perdtemps, est effectuée. M. Aloys Germoud, chef du Service <strong>de</strong>sassurances, M. <strong>Robert</strong> Piguet, chef du Service du contrôle <strong>de</strong>sinstallations électriques et industrielles, et M. Alfred Dutoit, inspecteur<strong>de</strong> la police du feu, sont présents. Pour les autorités nyonnaises,M. le syndic Louis Bonnard (syndic à <strong>Nyon</strong> <strong>de</strong> 1894 à 1931) etM. Cherpillod, municipal <strong>de</strong> la police, sont présents, accompagnés <strong>de</strong>M. Charles Bidal, entrepreneur <strong>de</strong>s travaux, M. Ernest Pelichet,prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Commission d'inspection <strong>de</strong>s bâtiments, M. Donzé,constructeur, MM. Rindlisbacher et Butticaz, chef et sous-chef <strong>de</strong>sServices industriels. <strong>Les</strong> représentants du Département déclarentqu'ils autorisent provisoirement l'exploitation du cinéma, sans attendreque Mme Emma Méroth-Isch ait reporté plus en arrière l'angle <strong>de</strong> sonbâtiment existant pour donner la largeur réglementaire <strong>de</strong> cinq mètresà la rue. Quant aux essais <strong>de</strong> résistance, MM. Germoud et Piguetdéclarent qu'ils incombent aux autorités communales. L'entrepreneur,M. Bidal, assure que la construction a été faite très soli<strong>de</strong>ment au point<strong>de</strong> vue technique et qu'il ne craint pas lesdits essais. M. Henri Vautier,ingénieur en génie civil à <strong>Nyon</strong>, est désigné comme expert et s'entendraavec M. Bidal pour faire un rapport sur la construction <strong>de</strong>s murs. <strong>Les</strong>essais <strong>de</strong> résistance sont réalisés en présence <strong>de</strong> M. Butticaz <strong>de</strong>sServices industriels. Il a fallu répartir sur la galerie cent cinquantesacs <strong>de</strong> sables <strong>de</strong> 55Kg pour effectuer ces essais. Leur poids totalcorrespond à une surcharge <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux fois et <strong>de</strong>mie la charge normaled’exploitation. Quatre fleximètres disposés aux points A,B,C,D (selon<strong>de</strong>ssin ci-après) ont mesuré la flèche <strong>de</strong> la dalle, qui a ainsi prouvé sonexcellente résistance.- 119 -


Sous l’effet <strong>de</strong>s charges les flèches aux différents points <strong>de</strong>mesure varièrent entre 2.75 et 3.75 mm, ce qui est tout à faitconforme aux normes en vigueur.71. Essai <strong>de</strong> résistance <strong>de</strong> la galerie 169 .M. Vautier remet au secrétariat communal <strong>de</strong>s travaux ses rapportsd'expertise concernant le cinéma le Phare, l'un relatif aux murs etl'autre à la galerie. Ces rapports présentant <strong>de</strong>s conclusions favorables,le Préfet donne à M. Charles Pécaut, d'entente avec le Département <strong>de</strong>justice et police, l'autorisation <strong>de</strong> commencer les représentations dèsle 28 décembre 1928.Appelée à donner son préavis au sujet du prix <strong>de</strong> la patente, laMunicipalité le fixe à Fr. 500. - par an, tenant compte <strong>de</strong>s 346 places<strong>de</strong> ce cinéma. Pour les quatre représentations payantes données cetteannée elle préavisera pour que le prix soit fixé à Fr. 20. - .Le 29 décembre 1928, c'est le grand jour. Le Phare ouvre avec« L'Aurore » (« Sunrise : A Song of Two Humans », USA, 1927), tout unprogramme pour une aventure que l'on espère radieuse! Le filminaugural est une production <strong>de</strong> prestige <strong>de</strong> la Fox, qui en a confié laréalisation au cinéaste allemand F. W. Murnau. Ce chef d’œuvre ducinéma muet allait bientôt être redistribué avec une musique originale169 ACN BLEU K-321.3.- 120 -


enregistrée optiquement sur le film. Pour le moment, et cela pendantplus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans, c’est une musique jouée dans la salle et parfois <strong>de</strong>sbruitages qui accompagnent encore les images projetées par le Phare.72. Inauguration du Phare 170 .« L'homme et la femme forme un couple uni, vivant à la campagne aubord d'un lac. Arrive <strong>de</strong> la ville une étrangère, véritable vamp, quiséduit le fermier. Au point qu'il se déci<strong>de</strong> non seulement à abandonnersa femme, mais à la tuer au cours <strong>de</strong> la traversée du lac. Il n'arrive pasà mettre le projet à exécution et sa femme s'enfuit, épouvantée, versla ville. Il la rattrape et la journée se passe à la reconquérir.Réconciliés, ils se retrouvent dans une église et c'est comme s'ils semariaient à nouveau... Mais, au retour, un orage éclate, la barque chavireet il croit sa femme noyée. Fou <strong>de</strong> douleur, il veut étrangler la vamp,quand on lui annonce que sa femme est saine et sauve. La vamp retourneà la ville, l'homme et la femme sont réunis, c'est l'aurore... » 171 .170 C.C., 29-30 décembre 1928.171 D.M.F. 2000, p. 56.- 121 -


SPECTACLESInauguration du Cinéma « Le Phare »Ce nouveau cinéma a été inauguré, vendredi soir, à <strong>Nyon</strong>, ruelle <strong>de</strong>Pertemps.La salle était comble, les représentants <strong>de</strong>s autorités locales et ungrand nombre d'invités occupaient les confortables sièges du nouvel établissement.A 20 h. précises, après une marche entraînante, exécutée parune musique spéciale d'un plus bel effet, un magnifique programme a étéprésenté à l'écran.Cet établissement comprend une belle salle mo<strong>de</strong>rne avec un grandbalcon, répondant à toutes les exigences <strong>de</strong>s lois régissant ces lieux <strong>de</strong>spectacles. Aération parfaite et sécurité absolue. Un éclairage sous gorgedonne à cette salle un cachet vraiment féerique.La hâte pour terminer les travaux pour la date fixée a occasionné,par-ci par-là, quelques petits accros. Une simple mise au point, faiteimmédiatement, nous dit-on, et tout sera parfait.Probablement le « Phare » prépare quelques soirées qui seront unrégal pour les amateurs <strong>de</strong> beaux films.En résumé, belle soirée au programme <strong>de</strong> choix et qui fait bienaugurer du succès <strong>de</strong> cette entreprise.C.C., 1-3 janvier 1929.73. Le Phare, la faça<strong>de</strong> latérale et ses trois issues <strong>de</strong> secours 172 .Le Phare est la première salle nyonnaise construite spécifiquementpour l'exploitation cinématographique. Cette construction mo<strong>de</strong>rne172 ACN BLEU K-321.35.- 122 -


peut accueillir 250 spectateurs au parterre et 96 au balcon. L'exploitationd'un cinématographe est parfois une histoire <strong>de</strong> famille. Eneffet, qui voit-on en 1928 auprès <strong>de</strong> M. Pécaut ? Roger Buhler, son neveu.Ce jeune homme, passionné par l'aventure cinématographique,commence sa carrière comme ouvreur dans l'entreprise <strong>de</strong> son oncle. Enpossession d'une excellente formation commerciale, acquise à l'Ecole <strong>de</strong>commerce, il obtient rapi<strong>de</strong>ment son brevet <strong>de</strong> projectionniste.Le 21 janvier 1929, avis est donné par le Préfet que le Département<strong>de</strong> justice et police accor<strong>de</strong> à M. Charles Pécaut la patente 49 pourexploiter le cinématographe permanent le Phare rue <strong>de</strong> Perdtemps.Cette patente est valable jusqu'au 31 décembre 1929 et se monte àFr. 383.50.-, timbres et émoluments compris, plus Fr. 20.- pour lesquatre représentations données en 1928.Le 8 février 1929, présentation du film « Wings » ou « <strong>Les</strong> Ailes »,(W. A. Wellman, USA, 1927), « Deux amis, amoureux <strong>de</strong> la mêmefemme, s'engagent dans l'armée lors <strong>de</strong> la première guerre mondiale ».173 . La publicité dans la presse annonce : « Ce film formidable conduitd'une péripétie à une autre plus angoissante, le tic-tac <strong>de</strong>s mitrailleusesdonne plus <strong>de</strong> réalité aux exploits qui se succè<strong>de</strong>nt. Ce film (muet) seraaccompagné <strong>de</strong>s bruits <strong>de</strong> guerre ». C.C., 9-10 février 1929. Des anciens<strong>Nyon</strong>nais ayant assisté à la projection <strong>de</strong> ce film m’ont confirmél'artifice <strong>de</strong> la sonorisation, réalisée pour l'occasion avec <strong>de</strong>s morceaux<strong>de</strong> carton appuyés contre les pales d'un ventilateur en marche ! En avril1930, le film <strong>de</strong> guerre « <strong>Les</strong> Pilotes <strong>de</strong> la mort » (W. A Wellmann,USA, 1928 avec Gary Cooper) est annoncé avec accompagnements <strong>de</strong>bruits synchronisés. Le ventilateur fut sûrement remis en service poursonoriser ce « tragique épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> la guerre aérienne, tantôt émouvant,pittoresque, tantôt angoissant, héroïque ». C.C., 19-20 avril 1929. « AveMaria », qui est projeté la même année, est annoncé comme « le film leplus évocateur et le plus grandiose <strong>de</strong> l'année » C.C., 1 novembre 1930. Aucours <strong>de</strong> la représentation, Mlle Violette Henry, cantatrice et pianistenyonnaise chante l'Ave Maria <strong>de</strong> Gounod. (Voir le National, p. 13.)Deux ans avant l’inauguration du Phare sonore, la presse locales’était faite l’écho <strong>de</strong>s discussions suscitées par la disparition ducinéma muet en reprenant un article du Journal <strong>de</strong> Genève.173 C.G., 2003, p. 27.- 123 -


Le film sonoreLa <strong>de</strong>stinée du cinéma va-t-elle changer ? C’est bien possible, ensuite<strong>de</strong> la découverte du film parlant ou plutôt du film sonore, dont M. JeanAllary [journaliste et écrivain, 1894-1959] parle avec une indiscutablecompétence dans le <strong>de</strong>rnier numéro <strong>de</strong> l’ « Europe nouvelle ». Mais cettedécouverte présente-t-elle un réel avantage ?Notons d’abord que dans les films nouveaux, la partition est inscritesur la ban<strong>de</strong>, louée avec elle, et que par conséquent l’orchestre <strong>de</strong>s salles<strong>de</strong>vient inutile. C’est 130'000 orchestres qui protestent contre lenouveau procédé. Puis les plus fameux artistes <strong>de</strong> l’écran sont atteints.Car telle star au sourire d’ange peut possé<strong>de</strong>r une voix <strong>de</strong> cor<strong>de</strong> à puits ;voici toute une révision <strong>de</strong> valeurs qui s’impose.En outre, le public européen ne préférera les films parlants aux filmsmuets, que s’il en comprend les paroles. Or, les dialogues <strong>de</strong>s filmssonores américains sont naturellement en anglais, et le bon public ducontinent n’y entendra goutte. Quant à éditer <strong>de</strong>s films sonores français,allemands, italiens, il n’y faut point songer, les Américains quidétiennent le droit d’utiliser et vendre le procédé, tiennent la dragéehaute ; et les firmes européennes, dont le marché est beaucoup moinsvaste que celui <strong>de</strong>s firmes américaines, ne peuvent guère assumer cettenouvelle charge.Verrons-nous donc <strong>de</strong>s torrents <strong>de</strong> films sonores américains déferlersur l’Europe et noyer les productions nationales ? La question inquiètetout spécialement les producteurs britanniques qui ne peuvent opposerau flot envahisseur la barrière <strong>de</strong>s langues nationales.Mais ce qu’il ne faut point oublier, c’est que l’impression artistiqueproduite par une œuvre est en raison inverse <strong>de</strong>s ressources qu’elleemploie. La règle <strong>de</strong>s trois unités a imposé aux classiques cettemagnifique discipline qui aida leurs œuvres à défier les attaques dutemps ; la peinture a commencé <strong>de</strong> décliner avec l’emploi facile <strong>de</strong> l’huile.Le jour où le cinéma ne sera plus qu’un enregistrement photographiquedu réel, sa valeur artistique <strong>de</strong>viendra nulle. Cette victoire remportéesur le silence risque fort <strong>de</strong> tuer l’art du silence.« Journal <strong>de</strong> Genève »J.N., 1 er mars 1929.Le 6 avril 1930, une importante votation fédérale (obligatoire àl'époque) sur la réforme du régime <strong>de</strong>s alcools est organisée afin <strong>de</strong>taxer la vente <strong>de</strong>s alcools forts. Le Conseil fédéral en recomman<strong>de</strong>vivement l’acceptation. Une campagne <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> envergure est lancéeafin que le nouveau régime <strong>de</strong>s alcools obtienne la majorité <strong>de</strong>s voix dupeuple et <strong>de</strong>s cantons. Un film <strong>de</strong> propagan<strong>de</strong> est réalisé par la maison<strong>de</strong> production zurichoise Praesens, avec le soutien du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> laConfédération, M. Jean-Marie Musy. Des projections <strong>de</strong> « Quand lesfruits mûrissent », intitulé « Schnaps » en Suisse alleman<strong>de</strong>, sont- 124 -


organisées dans tout le pays. Après une séance au Mo<strong>de</strong>rne le 10 mars,le film passe au Phare le 3 avril, précédé d'une introduction <strong>de</strong>M. Paschoud, conseiller d'Etat et <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Muralt, conseiller national.Dans les villages vaudois, il est montré soit dans les salles <strong>de</strong> communeou d'auberge, soit dans les églises, le Comité d'action vaudois mettant àdisposition le film et le projecteur, avec un opérateur.Autour d’un filmPendant cette <strong>de</strong>rnière semaine, les cours complémentaires, lespost-scolaires <strong>de</strong> Lausanne ont eu le privilège <strong>de</strong> voir le film contrel’abus du schnaps préparé par les soins <strong>de</strong> l’autorité fédérale. <strong>Les</strong>pectacle dure une heure et quart. C’est une suite <strong>de</strong> tableaux d’unetelle suggestion que l’on sort absolument convaincu presqueenthousiasmé par la sainte cause.A vrai dire, toutes les scènes vécues s’adaptent peu à notrecanton où le vin prime sur toutes les autres boissons alcooliques ;mais dans certaines régions <strong>de</strong> la Suisse cet abus <strong>de</strong>s eaux-<strong>de</strong>-vieexiste encore et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une action énergique <strong>de</strong> tout le pays pourdétruire ce fléau soli<strong>de</strong>ment implanté.Au début, c'est le spectacle <strong>de</strong> <strong>nos</strong> vergers fleuris. Quelle éclosion !Ravissante, la fillette formant son bouquet gracieusement assise aumilieu du verger tout bariolé <strong>de</strong> corolles roses et blanches. Voicil'automne. <strong>Les</strong> arbres ploient. Quelle production ! Et dire que malgrécela plus <strong>de</strong> 30.000.000 <strong>de</strong> francs sont consacrés chaque année àl’importation <strong>de</strong> fruits <strong>de</strong> table étrangers. C'est que la plus gran<strong>de</strong>partie <strong>de</strong> <strong>nos</strong> arbres fruitiers (en Suisse alleman<strong>de</strong>, bien entendu) sontconsacrés à préparer du travail aux distilleries. Il s'agira <strong>de</strong> les grefferpour les orienter vers l'alimentation <strong>de</strong>s villes et <strong>de</strong> la montagne.<strong>Les</strong> bons rires <strong>de</strong> <strong>nos</strong> jeunes gens en voyant trembler ces« blessons » [poires rustiques, mot vaudois] ! Mais tout à l'heure lescœurs vont se serrer. Nous arrivons à l'histoire émouvante <strong>de</strong>l'effondrement d'une fortune parce que le jeune propriétaire <strong>de</strong> laferme s'est mis à boire la liqueur maudite et à signer <strong>de</strong>scautionnements. La faillite est là. Des amateurs, le sourire aux lèvres,misent le riche butin. Mobilier, belles vaches laitières, tout disparaîtpour payer la <strong>de</strong>tte.Comment refouler les larmes en voyant l’attitu<strong>de</strong> désespérée <strong>de</strong> lapauvre mère vieillie avant le temps, étreindre une <strong>de</strong>rnière fois lesbonnes têtes <strong>de</strong>s chevaux <strong>de</strong> la ferme qui eux aussi <strong>de</strong>viennent laproie <strong>de</strong>s profiteurs du malheur <strong>de</strong>s autres. Le moment palpitant estcelui où la vaillante femme, résignée par la force <strong>de</strong>s choses, jette enpartant un long regard sur la <strong>de</strong>meure aimée <strong>de</strong>s aïeux, la fermecossue au milieu <strong>de</strong>s superbes vergers dont la production énorme a étécause <strong>de</strong> son malheur.Et dire que tout cela se passe dans un pays riche entre tous,comme l'attestent les spectacles merveilleux qui défilent. Richesmoissons, industries prospères, soieries, bro<strong>de</strong>ries, et soudain l'image- 125 -


enchanteresse disparaît. C'est le défilé <strong>de</strong>s asiles pour buveurs,enfants <strong>de</strong> buveurs, arrestation <strong>de</strong> l'un d'eux, assassin dans unmoment <strong>de</strong> folie ! La séparation d'avec l'épouse est touchante. Laprison, le remord, que tout cela vous impressionne ! On y pensependant <strong>de</strong>s semaines, mais surtout personne, oh ! mais plus une âmene songerait à déposer autre chose dans l'urne qu'un OUI partant dufond du cœur.H. Berger.J.N., 12 février 1930.En décembre 1930, le Phare présente le célèbre péplum produit parla Metro-Goldwing-Mayer « Ben-Hur » (Fred Niblo, USA, 1926) avecRamón Novarro (Ben-Hur), Francis X. Bushman (Messala), « Ben-Hur,prince juif qui a refusé <strong>de</strong> collaborer avec l’occupant romain dans laPalestine du 1 er siècle, est condamné aux galères. Adopté par le tribunQuintus Arrius, dont il sauve la vie, il va affronter dans le cirque sonex-ami, le Romain Messala qui l’a trahi. Vainqueur, il saura, grâce àJésus, trouver la paix » 174 .Vu l’importance <strong>de</strong> ce film et afin d’assurer une participationmassive <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s villages <strong>de</strong>sservis par la ligne du train <strong>Nyon</strong>-St-Cergue, un horaire exceptionnel est offert le samedi soir avec arrêtà toutes les stations. D’autre part, un autobus relie spécialement <strong>Nyon</strong>-Gingins. Ce superbe film muet est à nouveau accompagné <strong>de</strong> bruitssynchronisés, comme le veut la tradition <strong>de</strong> l’établissement.M. Penveyres est fort probablement l’auteur <strong>de</strong> ces bruitages. Son filsErnest m’a expliqué la façon utilisée par son père pour obtenir certainseffets sonores. Derrière l’écran <strong>de</strong> projection <strong>de</strong>s chaînes sonttraînées sur le plancher, imitant le bruit <strong>de</strong>s rameurs enchaînés. Leroulis <strong>de</strong> la mer est imité avec <strong>de</strong> la grenaille déplacée dans un récipientet les combats à l’arme blanche sont produits en frappant avec unepièce métallique <strong>de</strong>s lames <strong>de</strong> fer suspendues.Tous les <strong>Nyon</strong>nais <strong>de</strong> l’époque ont connu M. Penveyres et son épousequi ont oeuvré dès le début et pendant <strong>de</strong> très nombreuses années pourle Phare, qui <strong>de</strong>viendra le Rex en 1940. Leurs tâches consistaient aucontrôle et poinçonnage <strong>de</strong>s billets, au placement <strong>de</strong>s spectateurs, quisuivaient la petite lampe <strong>de</strong> poche dirigée vers le sol pour signaler lecheminement, ainsi qu’aux multiples travaux <strong>de</strong> conciergerie etd’entretien. M. Penveyres s’occupait aussi <strong>de</strong> la publicité du cinéma dansla presse locale. Il était lui-même employé comme compositeurtypographe à l’imprimerie du Courrier <strong>de</strong> la Côte.174 D.M.F. 2000, p. 80.- 126 -


74. Le couple Penveyres 175 .Le 6 mars 1931, le cinéma Le Phare passe enfin au sonore et c'est lefilm « Huit <strong>jours</strong> <strong>de</strong> bonheur » (<strong>Robert</strong> Wiene, Pierre Billon, France,1931) qui a le privilège <strong>de</strong> charmer les yeux et les oreilles <strong>de</strong>sspectateurs. « Jeanne Leclerc gagne un concours <strong>de</strong> dactylographie quiva lui permettre <strong>de</strong> voir Venise. Croyant qu'il est <strong>de</strong> bon ton d'avoir unsecrétaire pour l'accompagner, elle fait insérer une annonce et engageun riche oisif tou<strong>jours</strong> à la recherche <strong>de</strong> la femme idéale. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>uxjeunes gens vont se plaire » 176 .Le prix <strong>de</strong>s places au parterre est <strong>de</strong> Fr. 2.- en 1er , Fr. 1.60 en 2eet Fr. 1.20 en 3e. Au balcon on débourse Fr. 2.40 en 1er classe, Fr. 2.20en 2e et Fr. 2.- en 3e. Comparé à un kilo <strong>de</strong> pain vendu Fr. 0.50 à lamême époque, le prix du spectacle est relativement élevé. Il n'est pas àla portée <strong>de</strong>s bourses mo<strong>de</strong>stes !En 1931, le spectacle est “100% sonore et parlant”, y compris lesactualités Pathé montrées en avant-programme. Cette foudroyantetransformation explique les propos que l’on fait tenir à Edison, dont lapresse mondiale annonce la mort le 18 novembre 1931 : […] J'ai moimêmeinventé un appareil qui permet <strong>de</strong> combiner la reproduction <strong>de</strong> lavoix avec le mouvement <strong>de</strong>s personnages sur l'écran. [Le Kinétophone]Je l'ai vendu 30'000 dollars à <strong>de</strong>s Japonais qui ont gagné <strong>de</strong>s millionsavec. Mais je suis convaincu que le public ne tient pas à avoir du cinémaparlant». […] C.C., 20 octobre 1931.A propos d’Edison, rappelons qu’il est le père du Kinétoscope,inventé en 1891 et commercialisé dès 1894. Cet appareil permet à unepersonne <strong>de</strong> visionner à l'ai<strong>de</strong> d'un oculaire un film cinématographique<strong>de</strong> 35 mm se déroulant en boucle. Ces petits films d'une durée <strong>de</strong> vingtsecon<strong>de</strong>s environ sont visibles dès que le spectateur introduit une pièce175 Archives <strong>de</strong> la famille Penveyres, <strong>Nyon</strong>.176 Raymond Chirat. Catalogue <strong>de</strong>s films français <strong>de</strong> long métrage. Films sonores <strong>de</strong> fiction, 1929-1939. Cinémathèque Royale <strong>de</strong> Belgique, Bruxelles, 1975, 873.- 127 -


<strong>de</strong> monnaie. <strong>Les</strong> <strong>Nyon</strong>nais avaient assisté à la démonstration <strong>de</strong> cetappareil lors <strong>de</strong> l'exposition présentée dans la petite salle du Café duSoleil. Ce café, tenu par Monsieur Jules Recordon, était situé dansl'immeuble qu’occupe actuellement la Caisse d'épargne <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> à la rueSt Jean. L’aspect général <strong>de</strong> cet immeuble n’a pratiquement pas changé.<strong>Les</strong> exhibitions avaient eu lieu les 6 et 7 avril 1895, à la même pério<strong>de</strong>que celles qui sont proposées à Lausanne et à Genève. Des auditionsphonographiques sont diffusées simultanément.Une nouvelle et intéressante opportunité est offerte au publicromand et aux germanophones avec « A l'Ouest rien <strong>de</strong> nouveau » (« AllQuiet on the Western Front », Lewis Milestone, USA, 1930). Ce filmest présenté en alternance en version française et alleman<strong>de</strong>postsynchronisée. La réalisation <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> film nécessitait àl'époque la double prise <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s scènes avec <strong>de</strong>s acteurs bilingues.<strong>Les</strong> acteurs monolingues étaient remplacés par d'autres parlant la<strong>de</strong>uxième langue.La projection <strong>de</strong> cette adaptation américaine du fameux romanpacifiste d’Erich Maria Remarque, Im Western nichts neues (1929),suscite la réaction nuancée d’un “officier suisse, ennemi convaincu <strong>de</strong>l’antimilitarisme”, qui commente le livre sans avoir vu l’œuvre <strong>de</strong>Milestone. Le C.C. octroie une large place à cette discussion, ce quitémoigne d’autant plus <strong>de</strong> l’importance donnée à ce film que les journauxnyonnais ne publiaient pas <strong>de</strong> critiques cinématographiques.A propos d’un film« J’apprends qu’un cinéma <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> va prochainement projetersur son écran le film « A L’Ouest, rien <strong>de</strong> nouveau », film composéd'après le roman <strong>de</strong> Remark [sic]. Cette nouvelle me pousse à fairepart ici <strong>de</strong> certaines réflexions dans le désir que la pensée <strong>de</strong>l’auteur ne soit pas méconnue ni dénaturée.Interdit dans les Etats d'humeur belliqueuse, ce film a ungrand succès dans les autres pays. D'aucuns le critiquent commeétant déprimant, défaitiste, antimilitariste, d'autres l'approuventparce qu'il met au jour les horreurs <strong>de</strong> la guerre.Sauf quelques exceptions, nous ne sommes pas <strong>de</strong>santimilitaristes nous autres Vaudois, au contraire; nous sommesmême quelque peu cocardiers, cependant nous souhaitonsprofondément et intensément la paix. Nous sommes sincèrementpatriotes et désirons le rester pacifiquement... et pourtant le jouroù la mobilisation serait ordonnée, chacun serait prêt à faire son<strong>de</strong>voir, sinon avec un enthousiasme guerrier, du moins avec rageprofon<strong>de</strong> contre le trouble fête et avec la ferme volonté <strong>de</strong> frapperfort s'il y a lieu <strong>de</strong> frapper.- 128 -


[…] L'histoire commence dans une salle <strong>de</strong> collège où l'on voitun maître souverainement exalté chauffant à blanc ses élèves pourles pousser à s'engager comme volontaires (ce bonhomme est sûr <strong>de</strong>ne pas aller au front, il rend bien trop <strong>de</strong> services à l'arrière ! ), illes leurre avec <strong>de</strong>s rêves <strong>de</strong> gloire, il leur assure que leurs mèresseront heureuses <strong>de</strong> les savoir sacrifiés pour la Patrie. Il enflammetellement ses auditeurs, presque encore <strong>de</strong>s enfants, que tousfinissent par quitter la salle en chantant la Wacht am Rein (l'airguerrier allemand) pour aller s'engager.[…] « A l'Ouest... » initie crûment aux horreurs du champ <strong>de</strong>bataille et <strong>de</strong> la tranchée et résume tout cela en une parole « c'esthi<strong>de</strong>ux ». Le mot n'est pas beau, mais n'est-il pas plus vrai que lesexhortations trompeuses du régent Kantorek? Dans tous lesdomaines, il faut avoir le courage <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r en face et <strong>de</strong> monterce qui est laid ou triste, le geste <strong>de</strong> l'autruche n'est admissiblenulle part.[…] Quand on nous parle <strong>de</strong> l'histoire <strong>de</strong> Guillaume Tell, <strong>de</strong>Winkelried, cela nous enthousiasme : quand on nous raconte laconduite <strong>de</strong>s Waldstaetten, nous nous écrions : c'est magnifique!…, mais peut-on en dire autant <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> <strong>nos</strong> <strong>jours</strong> ?Autrefois le combat était chevaleresque, on y mettait les formes(Messieurs les Anglais, tirez les premiers, disait le maréchal <strong>de</strong>Saxe en saluant l'armée ennemie), l'auréole <strong>de</strong> noblesse et <strong>de</strong> gloireplanait sur les champs <strong>de</strong> batailles.[…] Une <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> guerre que l'on ignore trop, c'est lavie en pays envahi: un ou plusieurs fils au front, le père et lesca<strong>de</strong>ts emmenés par l'envahisseur dans <strong>de</strong>s camps <strong>de</strong>concentration différents, les femmes et le vieux grand-père laissésà la maison et <strong>de</strong>vant loger <strong>de</strong>s ennemis qui ne leur parlent querevolver au poing. Voilà ce qu'un livre et un film <strong>de</strong>vraient raconterpour compléter « A l'Ouest... », chacun comprendrait alors que c'estun <strong>de</strong>voir sacré <strong>de</strong> se préparer à la guerre défensive, et <strong>de</strong> courirau-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> l'agresseur d'où qu'il vienne.Telles sont les impressions que m'ont données l'œuvre <strong>de</strong>Remark [sic], à moi, officier suisse, ennemi convaincu <strong>de</strong> l'antimilitarisme».A.V.C.C., 14-15 mars 1931.En 1931, le Phare Sonore sollicite la participation active du public àl’occasion <strong>de</strong> la projection <strong>de</strong> « La Gran<strong>de</strong> mare » (Jacques Bataille-Henry, France, 1930), « Un aristocrate français ruiné accepte d'allertravailler dans l'usine américaine <strong>de</strong> son futur beau-père » 177 . Ladirection du cinéma <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la population d'apprendre le refrain quifigure dans les publicités <strong>de</strong> la presse locale. Lors <strong>de</strong> la177 C.G., 2003, p. 548.- 129 -


projection, le public est invité à chanter en chœur avec l'acteur,Maurice Chevalier !75. Le cinéma fait chanter son public 178 .Cette pratique avait déjà cours dans les années dix, notammentsous la forme <strong>de</strong>s chansons filmées (environ trois cents) du réalisateurfrançais Georges Lordier. Un chanteur loué avec les films interprétaitsur scène les chansons filmées que le public reprenait en chœur tout endécouvrant les images à l'écran. <strong>Les</strong> textes <strong>de</strong>s chansons, qui étaientgénéralement du genre patriotique, se vendaient dans les salles <strong>de</strong>projection. Cette tradition du « public chanteur » sera prolongé audébut du sonore avec certains courts métrages musicaux dont le textefigurait en sous-titre.En cette fin d'année 1931, la direction du Phare fait œuvre <strong>de</strong>philanthropie en offrant une soirée cinématographique aux mala<strong>de</strong>s duPavillon <strong>de</strong> la Côte, situé au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Rolle. <strong>Les</strong> patients, atteints duterrible fléau <strong>de</strong> la tuberculose, sont enchantés <strong>de</strong> cette soirée <strong>de</strong>distraction accompagnée d'une distribution <strong>de</strong> friandises. Beau gested’un exploitant <strong>de</strong> cinéma qui avait eu pourtant <strong>de</strong> sérieuses difficultésà l'époque pour ouvrir son établissement. J.N., 16 novembre 1931.Le Phare, qui se veut aussi éducateur, propose en 1932 un filmcontre le péril vénérien. Le docteur Philippe Sauvin, qui fut pendanttrès longtemps le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> nombreuses familles nyonnaises, est178 C.C., 9-10 mai 1931.- 130 -


chargé <strong>de</strong> l'introduction <strong>de</strong> ce film à but prophylactique, dont lesenfants en âge scolaire sont évi<strong>de</strong>mment écartés.FILM ANTIVENERIENCe film qui a été présenté au « Phare »le 24 courant a attiré la foule au point que<strong>de</strong> nombreuses personnes n'ont pu trouver<strong>de</strong> la place. C'est pourquoi le comitéd'hygiène sociale et morale a décidé <strong>de</strong> leredonner avec l'introduction et lescommentaires si judicieux <strong>de</strong> M. le DocteurSauvin, mercredi 2 mars à 20h30. Commeil a été dit, les enfants en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> 16 ansne sont pas admisJ.N. 29 février 1932.Petite anecdote cinématographique locale. Au début du mois <strong>de</strong>décembre 1931, les passants intéressés et curieux se massent à la rue<strong>de</strong> la Gare pour admirer <strong>de</strong>s films qui sont projetés dans la vitrine <strong>de</strong> laDroguerie <strong>de</strong> la Gare appartenant à MM. Golaz et Fluckiger. Lacirculation est entravée et le commissaire <strong>de</strong> police en donne rapport àla Municipalité. Suite à ce rapport, la Municipalité autorise cesreprésentations trois fois par semaine, samedi excepté, <strong>de</strong> 18 à 19heures pendant le mois <strong>de</strong> décembre. L’opération est répétée auxmêmes conditions en septembre 1933, le début <strong>de</strong>s projections estautorisé à partir <strong>de</strong> 19 heures. En 1934, c'est au tour <strong>de</strong> M. MarcChopard, photographe à la rue <strong>de</strong> la Gare, d’exhiber <strong>de</strong>s films 16 mmdans sa vitrine. La circulation étant fortement gênée, la Municipalitédéci<strong>de</strong> d'interdire immédiatement ces projections.Le 10 avril 1933, une désagréable surprise attend les spectateurs<strong>de</strong> « Topaze » (Louis Gasnier, France, 1932) interprété par LouisJouvet, Edwige Feuillère et Pierre Larquey, « Humble professeur,M Topaze est engagé comme précepteur chez l'élégante amie d'uncynique conseiller municipal. Il <strong>de</strong>vient alors un homme d'affaire <strong>de</strong>gran<strong>de</strong> envergure » 179 .L’article <strong>de</strong> presse ci-<strong>de</strong>ssous relate avec humour l’aventure quiperturbe cette soirée <strong>de</strong> projection.179 C.G. 2003, p. 1162.- 131 -


Une grosse émotionPendant la représentation <strong>de</strong> samedi soir, au Phare, alors que lasalle était particulièrement pleine, un rat, désinvolte ou en promena<strong>de</strong>en ville, - était-ce peut-être le fameux Rat <strong>de</strong> campagne du bonLa Fontaine, - se mit à courir sur les bords <strong>de</strong> velours <strong>de</strong> la galerie età manifester sa joie <strong>de</strong> voir « Topaze ». Sa silhouette très peusympathique aux dames surtout, mit ces <strong>de</strong>rnières « au champ » et<strong>de</strong>s cris, <strong>de</strong>s bouscula<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s départs précipités dans l’obscurité <strong>de</strong>la salle, émurent quelque peu l’auditoire… On sait combien lesdrames qui se passent dans l’ombre ont vite <strong>de</strong> l’importance !Puis tout se calma ; mais à l’entracte, le pauvre égaré tapis fortprobablement sous une banquette, bousculé à nouveau par lesrentrants, reprit sa promena<strong>de</strong> indiscrète parmi les jambes et lesgenoux, au détriment <strong>de</strong>s annonces qui passaient en ce moment surl’écran… Désespéré <strong>de</strong> ne trouver aucune sympathie sur la galerie,dans un moment d’égarement qui le fit jouer sa vie, ce malheureuxresquilleur se jeta du haut du balcon dans le parterre. Sa chute fitdans l’air un foudroyant sillon… et l’histoire fini tragiquement, car latête sur laquelle il pensait tomber et trouver le doux moelleux d’uneépaisse toison, était le bois <strong>de</strong> la banquette où il s’assomma… Sonagonie et son arrivée intempestive transportèrent pour un instant larumeur du haut en bas, puis chacun reprit son poste pour suivre lesévolutions <strong>de</strong>s artistes à l’écran, qui eux, impassibles à cette tragiquehistoire, continuaient imperturbablement à tenir leur rôle : ce qui enl’occurrence n’était pas le moins amusant <strong>de</strong> l’affaire.C.C., 11 avril 1933.Dès le 5 novembre 1933, la pression augmente sur M. Pécaud avecl’inauguration d’un nouveau cinéma, le Capitole, situé à proximité, au 5<strong>de</strong> la rue Neuve.En été 1934, Jean Brocher, fondateur <strong>de</strong>s Cinémas populairesromands (CPR), réalise « 13 Grand'Rue » en partie à <strong>Nyon</strong> même. Cettefiction raconte l’histoire <strong>de</strong> la famille Bonnand, dont le père est libraireà <strong>Nyon</strong>. Afin <strong>de</strong> diffuser les idées moralisatrices prônées par les CPR,ce film est appelé à circuler dans plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents localités suisses.- 132 -


76. <strong>Nyon</strong> à l’écran 180 .« Un petit libraire est acculé à la ruine ; pour s'y soustraire ilaccepte <strong>de</strong> vendre <strong>de</strong>s publications peu recommandables, dont sa fillefait un usage clan<strong>de</strong>stin qui la démoralise. Elle s'enfuit au Tessin, encompagnie, emportant le bien mal acquis par le libraire ; elle chute, puis,à l'annonce <strong>de</strong> la fin prochaine <strong>de</strong> son père, elle rentre, <strong>de</strong> justesse,pour la scène finale du pardon ». C.C., 23 octobre 1934.Le film est projeté le 18 octobre 1934 en première au Phare, sousles auspices <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> développement avec la participation <strong>de</strong>Jean Brocher. <strong>Les</strong> familles sont expressément autorisées à y assister !Le prix unique est fixé à Fr. 1.10 et le cinéma affiche complet. Le Pharedoit refuser <strong>de</strong>s billets à près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents personnes. Dans saprésentation, d’après le Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, Brocher souligne que troisfaits distinguent ce film <strong>de</strong>s autres : il se passe à <strong>Nyon</strong>, il est muet etc'est… un sermon. J.N., 19 octobre 1934. Le personnage du libraire Bonnan<strong>de</strong>st incarné par Louis Amann, qui avait été musicien <strong>de</strong> cinéma à Genèveet qui avait composé un accompagnement musical sur disques en 1932pour « <strong>Les</strong> fiançailles <strong>de</strong> Line » (1932), un autre film, muet aussi, <strong>de</strong>Jean Brocher 181 . Certains spectateurs nyonnais présents lors dutournage ont pu se reconnaître à l'écran, figurants involontaires <strong>de</strong>cette belle réalisation dont le chroniqueur souligne qu’elle contribue à lanotoriété <strong>de</strong> la ville.180 C.C., 18 octobre 1934.181 Renseignement fourni par Pierre-Emmanuel Jaques, août 2008.- 133 -


77. Affiche du film, « 13 Grand'Rue » 182 .182 Hervé Dumont, Histoire du cinéma suisse. Films <strong>de</strong> fiction 1896-1965, Lausanne, 1987, p. 162.- 134 -


Chronique <strong>de</strong> la CôteNYON<strong>Nyon</strong> filméSous le titre « 13 Grand'Rue » une ban<strong>de</strong> muette <strong>de</strong>vues, prises pour une bonne part dans les quartierspittoresques, à <strong>Nyon</strong> et aussi au Tessin, a passé jeudisoir, au cinéma Le Phare sous les auspices <strong>de</strong> laSociété pour <strong>de</strong> Développement. Une assistance trèsnombreuse, attirée par la nouveauté du spectacle,occupait toutes les places disponibles <strong>de</strong> la salle. Etc'est en toute sincérité que M. Horngacher, prési<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> la société précitée, put exprimer sa reconnaissanceaux spectateurs d'être accourus aussi nombreux. Ilremercia les autorités et M. le Préfet pour les facilitésaccordées, puis présenta au public M. Jean Brocher,réalisateur du film. Celui-ci donna les renseignementsnécessaires à la compréhension <strong>de</strong> son œuvre, qui seraprésentée dans plus <strong>de</strong> 200 localités. Ce scénario adonc pour notre cité un intérêt <strong>de</strong> propagan<strong>de</strong>touristique, mais dans une acceptation plus large, c'estsurtout une œuvre moralisatrice, un sermon, d'unetrame un peu longue et fort sombre, illustrée <strong>de</strong> vues,en partie notoire mais très belles et soutenu par uneexcellente orchestration : un petit libraire est acculé àla ruine ; pour s’y soustraire il accepte <strong>de</strong> vendre <strong>de</strong>spublications peu recommandables, dont sa fille fait unusage clan<strong>de</strong>stin qui la démoralise. Elle s’enfuit auTessin, en compagnie, emportant le bien mal acquispar le libraire ; elle chute, puis, à l’annonce <strong>de</strong> la finprochaine <strong>de</strong> son père, elle rentre, <strong>de</strong> justesse, pour lascène finale du pardon.Souhaitons à ce film, bon à plus d'un titre, uneheureuse carrière, dans l'espoir qu'il atteigne le butdésigné. Puisse-t-il aussi contribuer à faire connaîtreplus largement notre belle cité.C.C., 23 octobre 1934.Pour lutter contre les difficultés persistantes <strong>de</strong> son cinéma etpour répondre efficacement à la concurrence, Pécaut propose un doubleprogramme. Du 22 au 25 mars 1935, « L'Ordonnance » (Jean Worms,France, 1930), avec Fernan<strong>de</strong>l, et « L'Oncle <strong>de</strong> Pékin » (ArmandBernard, France, 1934) sont à l’affiche du spectacle, qui débute à20h15 et se termine à 23h20. La direction du Capitole proteste le jourmême auprès <strong>de</strong> l'Association cinématographique suisse roman<strong>de</strong> et<strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu’une amen<strong>de</strong> <strong>de</strong> Fr. 500.- soit infligée à Pécaut.L’Association informe M. Fischlin, administrateur du Capitole, qu’il estimpossible d’infliger une telle sanction, aucune clause <strong>de</strong>s statuts- 135 -


n’interdisant le double programme 183 . Fischlin précise que ce n’est pasla première fois que la concurrence cherche par tous les moyens à luifaire du tort. Pécaut ne renouvelle pas ce type <strong>de</strong> soirée et se rallie auxconseils <strong>de</strong> l’Association. Celle-ci planche <strong>de</strong>puis peu sur une modalitéd’interdiction du double programme, qui sera mise en vigueur avec lanouvelle convention en cours d’élaboration.Du 5 au 8 juillet 1935, le Phare présente « Le Voyage imprévu »(Jean <strong>de</strong> Limur, France, 1934), « Laurence, qui a oublié sa mule <strong>de</strong> satinchez son amant, envoie son amie Betty la récupérer à Paris, alors qu'elleest installée en Suisse » 184 . Charles Pécaut présente ce film au moyen<strong>de</strong> la publicité habituelle dans la presse locale en précisant à sa fidèleclientèle que c'est la <strong>de</strong>rnière séance qu'il donne et qu'il y aura souspeu une nouvelle direction. Le cinéma est provisoirement fermé au moisd'août 1935. Pourquoi M. Pécaut abandonne-t-il le Phare qu'il avaitconstruit en 1928 après avoir surmonté toutes les difficultés que l'onconnaît ? On ne peut qu'échafau<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s hypothèses : difficultésfinancières liées à une faible fréquentation, concurrence trop forteexercée par le Capitole, avantageuse offre <strong>de</strong> reprise, problèmes <strong>de</strong>santé? Pécaut déménage à Lutry, où il décè<strong>de</strong> trois ans plus tard danssa soixantième année.Son neveu Roger Buhler quitte <strong>Nyon</strong> et déménage à Lausanne en mai1935. On le retrouve en 1936 au cinéma Bel-Air <strong>de</strong> Lausanne commeopérateur, puis plus tard comme directeur. Son ascension ne s'arrêtepas là. En 1961 il possè<strong>de</strong> sa propre salle <strong>de</strong> cinéma, l'Eldorado, installéedans la Maison du Peuple place Chau<strong>de</strong>ron. Dans ses programmes, ilprivilégie les films pour enfants. Walt Disney est souvent <strong>de</strong> la fête.<strong>Les</strong> films d'aventures, les bons policiers et <strong>de</strong>s comédies agréablessont régulièrement programmés. Il projette en première suisse« Le Guépard » (Luchino Visconti, Italie, 1962), un <strong>de</strong> ses films favoris.78. Roger Buhler 185 .183 ACSR CSL2 48/5 C.5, 30 mars 1935184 C.G. 2003, p. 1297.185 Archives <strong>de</strong> la famille Ricciardi, <strong>Nyon</strong>.- 136 -


L'Eldorado est repris par Métro Ciné, puis par la société Europlex.En juin 2003, après quelques années d'exploitation, Europlex abandonneà son tour cette salle, préférant s’investir dans <strong>de</strong>s salles multiplexes.L’établissement nyonnais est repris par la société Le Phare S.A.,nouvellement constituée par MM. Jean Séquin <strong>de</strong> Coppet, WalterFischlin <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et Fernand Desponds <strong>de</strong> Genève. Madame SophieFischlin, épouse <strong>de</strong> Walter Fischlin est désignée comme gérante avecl'accord <strong>de</strong>s autorités. Dès le 10 octobre 1935, une seule direction està la tête les trois cinémas nyonnais, le Capitole, le Faubourg et le Phare.Au Phare, il faut attendre le 6 septembre 1935 pour assister au gala <strong>de</strong>réouverture. Geste sympathique, pendant la première semaine <strong>de</strong>projections, une petite attention est réservée aux dames. Auprogramme, « Esquimaux » <strong>de</strong> S. Van Dyke (USA, 1933), « Mala est lechasseur le plus habile <strong>de</strong> l'Alaska. Sa vie est dure mais heureuse,jusqu'au jour où apparaît une « maison flottante », un navire <strong>de</strong>Blancs » 186 .Le 15 septembre 1935, reportage complet sur la vie et lesfunérailles <strong>de</strong> S.M. la reine Astrid <strong>de</strong> Belgique, à peine quinze <strong>jours</strong>après l'acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> voiture qui lui coûta la vie, le 29 août 1935 àKüssnacht ; durée <strong>de</strong> la projection, 40 minutes. « Le Roi <strong>de</strong>s Champs-Elysées » avec Buster Keaton (Max Nosseck, France, 1934), « Unamoureux transit se trouve entraîné, en raison <strong>de</strong> sa naïveté, dans unesuccession d'aventures ». « L'ami Fritz » (Jacques <strong>de</strong> Baroncelli,France, 1934), « Un célibataire endurci, gros propriétaire foncier,s'éprend <strong>de</strong> la fille <strong>de</strong> son fermier » 187 .De temps en temps, <strong>de</strong>s séances à but publicitaire sont proposées.Ainsi, en novembre 1935, une « Semaine Radion » fait la promotion <strong>de</strong> lasavonnerie Sunlight à Olten. La projection comprend un film sur laChine et un film humoristique agrémentée <strong>de</strong> tours <strong>de</strong> prestidigitation.L'entrée est gratuite et un bon offert à chaque dame. Attention, lesséances sont réservées aux dames et aux jeunes filles au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> 18ans !Notons que les tournées Radion prolongent une forme <strong>de</strong> publicitéque le fondateur <strong>de</strong> la Savonnerie Sunlight (Olten, 1898), FrançoisHenri Lavanchy-Clarke (1848-1922), avait mis au service du savonSunlight (Lever Brothers, Liverpool) avant même <strong>de</strong> fabriquer le186 C.G. 2003, p. 434.187 C.G. 2003, p. 44.- 137 -


produit sous licence, en utilisant dès 1896 le Cinématographe Lumière,dont il avait obtenu la concession pour le territoire suisse 188 .79. Radion promeut sa lessive au cinéma 189 .Quelques <strong>jours</strong> plus tard paraît une annonce illustrée, dans ungraphisme mo<strong>de</strong>rne et dépouillé qui fait du phare un projecteur <strong>de</strong>cinéma. C’est la publicité du film « Un Homme en or » (Jean Dréville,France, 1934, avec Suzy Vernon, Pierre Larquey et Harry Baur), « Unpetit fonctionnaire se lance dans les affaires pour reconquérir safemme, qui le trompe » 190 . Il est fait mention <strong>de</strong> « nouveaux appareils<strong>de</strong> sonorité », sans autre précision.80. Le Phare 191 .188 Roland Cosan<strong>de</strong>y, Jean-Marie Pastor, « Lavanchy-Clarke : Sunlight & Lumière, ou les débuts ducinématographe en Suisse », Equinoxe (Lausanne), n° 7, printemps 1992, pp. 9-27.Roland Cosan<strong>de</strong>y, « Le Catalogue Lumière 1896-1907 et la Suisse, éléments pour une filmographienationale », 1895 (Paris), n° 15, décembre 1993, pp. 3-30.189 J.N., 11 novembre 1935.190 C.G. 2003, p. 1217.191 C.C., 14 novembre 1935.- 138 -


Comme beaucoup d'autres établissements, le Phare est en proie àd'importantes difficultés financières, la gran<strong>de</strong> crise ne facilitant pasla vie <strong>de</strong>s exploitants. En ce début d'année 1936, le conseild'administration, via son directeur, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à l'A.C.S.R (Associationcinématographique suisse roman<strong>de</strong>) d'intervenir auprès <strong>de</strong> l'A.L.S.(Association suisse <strong>de</strong>s loueurs <strong>de</strong> films) afin <strong>de</strong> bénéficier <strong>de</strong> l'article20, al. 2 <strong>de</strong> la convention pour obtenir une réduction à Fr. 80.- du prixminimum <strong>de</strong> location, qui était fixé en pourcent <strong>de</strong> la recette, avec unminimum garanti <strong>de</strong> Fr. 100.-.- 139 -<strong>Nyon</strong>, 6 janvier 36A l'Association C.S.R. (Monsieur BECH, secrétaire)LAUSANNE.Messieurs,Faisant suite à notre entretien téléphonique du 3 ct.nous nous permettons <strong>de</strong> vous adresser une nouvelle <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> mise au bénéfice <strong>de</strong> l'article 20, al. 2 <strong>de</strong> la convention,cette fois pour le compte <strong>de</strong> notre établissementLE PHARE à <strong>Nyon</strong>.Malgré tous <strong>nos</strong> efforts presque surhumains, nousn'arrivons pas à un résultat nous permettant <strong>de</strong> payer lagarantie minima <strong>de</strong> fr. 100.-. Certes la situation s'estencore beaucoup aggravée <strong>de</strong>puis notre <strong>de</strong>rnière entrevue.Abstraction faite du marasme général dans les affairesvaudoises (crise du vin, crise agricole), inondations etc.Nous avons 39 sociétés locales qui donnent <strong>de</strong>s soirées, nousavons plus <strong>de</strong> 15 lotos et enfin là-<strong>de</strong>ssus vient se grefferune véritable folie du ski. Par une espèce <strong>de</strong> snobisme,chacun se croit obligé <strong>de</strong> se munir d'un équipement <strong>de</strong>skieur, même s'il ne sait même pas faire un pas. L'une <strong>de</strong><strong>nos</strong> placeuses a dépensé fr. 220.-, toutes ses économies pourêtre à la page du mon<strong>de</strong> sportif. Voilà où nous en sommes àl'heure actuelle et c'est la mort du cinéma si aucunévénement ne se produit en faveur du cinéma d'ici peu <strong>de</strong>temps.A titre <strong>de</strong> renseignement nous vous indiquons ci-aprèsqq. recettes qui ne laissent aucun doute sur la sincérité <strong>de</strong>notre requête.Au Phare :3% avec Signoret 4 au 7 Oct.Fr.138.20Sapho 27 30 Sept. 163.95Une enquête est ouv. 20 24 Sept. 111.90L'aventurier 25 28 Oct. 347.25L'ami Fritz 18 21 Oct. 139.90Et ainsi une liste lamentable s'allonge.......On nous impose <strong>de</strong>s films démodés, trop vieux, sortis <strong>de</strong>la mémoire du public etc.etc.Nous sommes également trop près <strong>de</strong> Genève, c'estpourquoi nous sommes obligé d'insister auprès <strong>de</strong> <strong>nos</strong> loueurs<strong>de</strong> bien vouloir renouveler les anciens contrats par lanouvelle production dont les tout gros morceaux ont encorequelques chances <strong>de</strong> succès à condition, nous répétons, à la


seule condition, que ces programmes passent 3 à 6 semainesaprès Genève ou Lausanne.[…] Nous vous serions vivement obligé si vous pouviez,en passant, parler <strong>de</strong> cet état <strong>de</strong> choses tou<strong>jours</strong> plusintenable, à la A.L.S. Si les loueurs voulaient faire preuved'un tout petit peu <strong>de</strong> bonne volonté à notre égard, nousarriverions à nous sortir <strong>de</strong> ce pétrin d'ici à l'automneprochain.Il est combien pénible pour nous <strong>de</strong> tergiverser avec lapresque totalité <strong>de</strong>s loueurs au sujet <strong>de</strong> contrats échus et<strong>de</strong> films non passés...... c'est à <strong>de</strong>venir fou. […]H. SEQUIN G. DAVAINE W. FischlinLa direction du Capitole sollicite l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ACSR 192 .La requête du Phare n'est pas acceptée par l'A.L.S. Par contre, unemême <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour le Faubourg est agréée au vu <strong>de</strong> sa mauvaisesituation financière.Du 24 au 26 novembre 1936, le Phare interrompt ses projectionsafin d'accueillir une exposition <strong>de</strong> radios <strong>de</strong> la firme Paillard àSte-Croix. C'est la maison Lassueur & Cie <strong>de</strong> Ste-Croix qui organisecette démonstration pendant ces trois <strong>jours</strong>, <strong>de</strong> 9 à 22h. Le public peutdécouvrir et tester gratuitement une quinzaine d'appareils différents.C.C., 21-22 novembre 1936.A <strong>Nyon</strong>, le besoin d'une nouvelle infirmerie se fait fortementsentir. L'actuelle est vétuste et ne répond plus aux normes <strong>de</strong> lamé<strong>de</strong>cine mo<strong>de</strong>rne et aux besoins d’une ville qui s'est agrandie. Ladécision d'en construire une nouvelle a été décidée, mais il fautrassembler <strong>de</strong>s fonds. <strong>Les</strong> cinémas nyonnais s'engagent dans cetteaction philanthropique et organisent une semaine <strong>de</strong> projection aubénéfice <strong>de</strong> la nouvelle infirmerie, en avril 1936. On peut y voir <strong>de</strong>sœuvres célèbres comme : « La Veuve Joyeuse » (Ernst Lubitsch, USA,1934, avec Maurice Chevalier et Jeannette MacDonald), « En 1885, leprince Danilo est chargé par son gouvernement <strong>de</strong> séduire la jolie veuveMissia, dont la fortune est nécessaire au pays » 193 , « Le PetitJacques » (Gaston Roudès, France, 1934), « Un jeune garçon découvreque son père n'est pas coupable d'un crime qu'il a acceptéd'endosser » 194 , « <strong>Les</strong> Mutinés <strong>de</strong> l'Elseneur » (Pierre Chenal, France,192 ACSR CSL2 48/5 C.5, 6 janvier 1936.193 C.G. 2003, p. 1267194 C.G. 2003, p. 908.- 140 -


1936), avec l'actrice Winna Winfried qui a séjourné près <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>,comme le signale la Chronique <strong>de</strong> la Côte reproduite ci-<strong>de</strong>ssous. « Aprèsune mutinerie, un journaliste prend le comman<strong>de</strong>ment d'un navire sedirigeant vers l'Australie » 195 . <strong>Les</strong> enfants sont aussi <strong>de</strong> la fête, avecle film comique « <strong>Les</strong> Chevaliers <strong>de</strong> la flemme », interprété par Laurelet Hardy (« Me and My Pal », Lloyd French et Charles H. Rogers, USA,1933).NYONSemaine du cinéma en faveur <strong>de</strong> la nouvelleInfirmerieLa fin approche <strong>de</strong>s manifestations organisées par lacommission <strong>de</strong>s spectacles <strong>de</strong> la vente pour l'Infirmerie.Profitez <strong>de</strong>s quelques soirées qui restent; et surtout faitesprofiter les enfants du ravissant et désopilant film <strong>Les</strong>Chevaliers <strong>de</strong> la flemme qui est donné mercredi 29 avril,à 15h.Quant aux programmes du Capitole, du Phare et duFaubourg il n'est plus besoin d'en faire l'éloge. <strong>Les</strong> foulesqui ont défilé tous ces soirs passés dans ces troisétablissements ont fait la réclame la meilleure enmanifestant partout leur plaisir et leur parfaitconsentement.Dans les Mutinés <strong>de</strong> l'Elseneur les connaissances etamis <strong>de</strong> Mlle Winna Winfried, l'héroïne du roman, aurontété heureux <strong>de</strong> la revoir. Cette artiste a passé <strong>de</strong> longsmois à <strong>Nyon</strong>, plus exactement sur le territoire <strong>de</strong>Prangins, en villégiature, nous a-t-on dit...Nous attirons, toutefois, plus spécialement l'attentionsur le programme du « Phare » où se joue Le petitJaques [sic]. Ce film est, <strong>de</strong> l'avis <strong>de</strong> tous ceux qui ont eule privilège <strong>de</strong> le voir, le meilleur qui ait paru sur l'écran.Personnellement nous en gardons un souvenir émouvant ;joie et tristesse ; rires et larmes ; il déchaîne dans tous lescoeurs toutes les émotions les plus belles et laisse surtoutdans l'esprit une histoire, <strong>de</strong>s images, <strong>de</strong>s sentimentsdont on gar<strong>de</strong> longtemps le retentissement intime etmerveilleux en soi. Allez voir Le petit Jaques au Phare.C.C., 28 avril 1936.<strong>Les</strong> trois cinémas, profitant <strong>de</strong> la publicité pour la semaine aubénéfice <strong>de</strong> la nouvelle infirmerie, invitent les commerçants à faire195 C.G. 2003, p. 816.- 141 -


leurs réclames lumineuses durant cette pério<strong>de</strong> pour la modique somme<strong>de</strong> Fr. 10.-.Après une clôture <strong>de</strong> saison du 9 juillet au 25 septembre 1936, lePhare reprend son activité par un gala d'ouverture avec « Variété »(Nicolas Farkas, France, 1935), avec Annabella, Jean Gabin, FernandGravey, « Deux trapézistes sont amoureux <strong>de</strong> leur partenaireféminine » 196 .Le 20 décembre 1936, Mme Sophie Fischlin, gérante du Phare<strong>de</strong>puis quatre mois environ, est remplacée par M. Gustave Davaine <strong>de</strong><strong>Nyon</strong>. Comme on le verra, le Phare subira encore <strong>de</strong> multipleschangements <strong>de</strong> propriétaires et <strong>de</strong> gérants. En avril 1937, les films du"genre fort" passent au Phare et le cinéma Faubourg, comme on l’a déjàvu, a fermé définitivement.Dès le mois d’août 1938, une nouvelle politique <strong>de</strong>s prix est mise enplace pour les <strong>de</strong>ux cinémas en activité. Au Phare on débourserespectivement Fr. 1.10 et 1.65, taxes comprises. <strong>Les</strong> caisses du Phareet du Capitole, délivrent dorénavant <strong>de</strong>s abonnements pour cinq séancespayantes plus une gratuite. Cette offre abaisse le tarif à Fr. 0.90 pourles secon<strong>de</strong>s et à Fr. 1.35 pour les premières. Bien entendu ces billetssont valables pour les <strong>de</strong>ux établissements.Sous les auspices du Parti libéral, projection le 29 mars 1939 dufilm <strong>de</strong> « l’Expédition suisse au Groenland » (1938) dont les images duesà Otto Conyx sont commentées par le Dr Edouard Wyss-Dunand, chef<strong>de</strong> l’expédition 197 .196 C.G. 2003 p. 1258.197 L’expédition fait l’objet <strong>de</strong> nombreux articles, dans la presse illustrée en particulier, et futrelatée dans un livre : Mirages groenlandais. Récit <strong>de</strong> l’expédition <strong>de</strong> 1938 à la côte orientale duGroenland, Payot, Lausanne, 1939.- 142 -


SPECTACLESFilm <strong>de</strong> l’expédition suisse 1938au GroenlandM. le Docteur Wyss-Dunand commenteramercredi soir prochain, au cinéma le Phare à<strong>Nyon</strong>, le film cinématographique tournédans les montagnes du Schweizerlandgroenlandais.Le public verra succé<strong>de</strong>r aux scènes <strong>de</strong> lavie esquimau<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s tableaux <strong>de</strong> plus en plusimpressionnants <strong>de</strong> la marche au travers dulabyrinthe <strong>de</strong>s montagnes, col franchi àl’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> poulies, passages <strong>de</strong> l’inextricablechaos <strong>de</strong> glaciers encombrés par les séracs etles moraines ; il assistera à la montée progressive<strong>de</strong> la caravane jusque vers le granddésert glacé.Une soirée à ne pas manquer.C.C., 25-26 MARS 1939.Le 18 janvier 1940, c'est la fête au Phare, on inaugure la salle qui aété transformée, ainsi que la pose <strong>de</strong> nouvelles installations. A cetteoccasion, le cinéma change aussi <strong>de</strong> nom et s'appelle dorénavant Rex.Pour la première, la direction promet une surprise à chaque spectateurainsi qu'une soirée inoubliable. Gran<strong>de</strong> nouveauté, soirée avecprogramme double : pour débuter, « Police montée » « The Renega<strong>de</strong>Ranger » (David Howard, USA, 1938), avec Rita Hayworth et GeorgeO'Brien, suivi <strong>de</strong> « La poursuite <strong>de</strong>s bandits <strong>de</strong> Chicago » avec lecomique Joe Brown. Le Phare propose dès lors le double programmeavec succès pendant plusieurs mois, avec une direction unique pour les<strong>de</strong>ux cinémas nyonnais, le problème <strong>de</strong> la concurrence déloyale que l’on aconnue en 1935 n’existant plus.La guerre a plusieurs inci<strong>de</strong>nces sur le fonctionnement <strong>de</strong>s cinémas.Le public est rendu attentif que pendant les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong>chauffage <strong>de</strong> la salle, les faveurs sont suspendues. <strong>Les</strong> billets <strong>de</strong> cinémaofferts aux commerçants qui acceptent d'apposer les affichespublicitaires ne donnent plus droit à l'entrée gratuite aux spectacles,mais seulement à un déclassement. Par contre, les abonnements <strong>de</strong> cinqbillets payants donnent tou<strong>jours</strong> droit à une entrée gratuite. Le publicest invité à <strong>de</strong>s concerts d'orgue avant la projection <strong>de</strong>s films, <strong>de</strong> 20hà 20h30 afin <strong>de</strong> profiter <strong>de</strong>s nouvelles installations sonores. Dès 1942,en raison <strong>de</strong>s circonstances [obscurcissement dès 20h] les spectacles- 143 -


<strong>de</strong>s salles <strong>de</strong> cinéma <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> commencent à 20h15 très précises. Dès19h45, concert par radio ou disques. C.C., 19 novembre 1942.Lors <strong>de</strong> l'assemblée générale <strong>de</strong> la société Rex <strong>Nyon</strong> S.A. 198 , du 1erfévrier 1946, les administrateurs Jean Séquin et Fernand Despondsdémissionnent, Walter Fischlin reste seul administrateur et prési<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> la société 199 .Du 19 juillet au 3 août 1948, le Rex fait relâche. A sa reprised'activité et pour marquer ses vingt ans d'existence, un grand gala <strong>de</strong>réouverture est organisé. Programme exceptionnel dès le 4 août avectrois films réunis sous le titre <strong>de</strong> « <strong>Nyon</strong> en liesse » 200 . Ces reportagesreflètent <strong>de</strong>s évènements qui ont marqué la vie nyonnaise. Le premiernous fait revivre la splendi<strong>de</strong> Fête cantonale <strong>de</strong>s chanteurs vaudois <strong>de</strong>s14 et 15 mai 1947. Le second permet aux spectateurs <strong>de</strong> revoir lasuperbe Exposition nationale <strong>de</strong> porcelaine <strong>de</strong> mai 1947 avec lecommentaire du journaliste Pierre Valère (<strong>de</strong> son vrai nom Aloïs Zingg),lu par Pierre Molteni. Le troisième nous invite à la traditionnelle fêteannuelle du cyclisme, le Critérium <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, prise <strong>de</strong> vue et commentaire<strong>de</strong> Jean Luscher, fils <strong>de</strong> Jacques, excellent photographe nyonnais.C'est « Bethsabée », (Léoni<strong>de</strong> Moguy, France, 1947), mélodramed'après le roman <strong>de</strong> Pierre Benoit, qui est présenté comme filmprincipal, « Une jeune femme fatale, la belle Arabella, rejoint sonfiancé dans un poste <strong>de</strong> spahis aux confins du Maroc » 201 .Au Cinéma « Rex »On ne peut que féliciter ici la Direction du cinéma Rexpour avoir fait réaliser <strong>Nyon</strong> en liesse qui nous a faitreplonger dans la si sympathique Fête <strong>de</strong> Chant. Nous avonsvu à l'écran défiler dans toute son ampleur le cortège, lesprincipaux orateurs et retrouvé quelques échos <strong>de</strong>sréjouissances <strong>de</strong> ces gran<strong>de</strong>s journées que les <strong>Nyon</strong>naisn'oublierons pas <strong>de</strong> sitôt. Le reportage sur l’Expositionnationale <strong>de</strong> porcelaines nous permet <strong>de</strong> revoir quelqueséchantillons <strong>de</strong>s magnifiques collections qui attirèrent tant<strong>de</strong> visiteurs dans les salles du château, pièces magnifiquesqui firent et font encore la gloire <strong>de</strong> notre cité. Le troisième198 But <strong>de</strong> la société : exploitation d’un ou plusieurs cinémas à <strong>Nyon</strong> et <strong>de</strong> louer ce qui sera jugéutile et nécessaire dans l’intérêt <strong>de</strong> la société. Registre du commerce, <strong>Nyon</strong>. Registre principal.199 ACSR CSL2 49/1 C.5. FOSC du 21 février 1946, p. 565.200 « <strong>Nyon</strong> en liesse » comprenant trois films 35 mm, noir-blanc : « Exposition nationale <strong>de</strong>porcelaine » 172 m, (6’17”) muet. « Fête cantonale <strong>de</strong>s chanteurs vaudois » 248 m, (9’04”) muet.« Critérium <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> » 130 m, (4’46”) sonore. Information communiquée à l’auteur par Michel Dind<strong>de</strong> la Cinémathèque suisse, Lausanne.201 C.G. 2003, p. 138.- 144 -


eportage enfin nous a fait revivre les péripéties <strong>de</strong> l'une <strong>de</strong>splus populaires manifestations sportives, le critérium, dont<strong>Nyon</strong> est chaque année le théâtre.Au même programme Bethsabée avec Danielle Darrieux,histoire très belle se déroulant dans un cadre magnifique.L'interprétation <strong>de</strong> ce film ne manquera pas d'enchanterchacun. Citons les noms d'Andrée Clément qui moins connueque Danielle Darrieux l'égale cependant. Racée, attirante,Andrée Clément est bien « la jeune personnalité la plussensible et la plus intelligente du cinéma français » (Ciné-Suisse). Quelques gloires chevronnées comme Jean Murat,Nicolas Vogel, Pierre Louis complètent avec le séduisantGeorges Marchal l'éclatante distribution <strong>de</strong> ce film, œuvrehumaine et puissante où les passions s'affrontent et opposentles héros en une lutte farouche et sans merci.C.C., 7-8 août 1948.En février 1949, M. Fischlin, municipal aux finances <strong>de</strong> 1946 à 1953abandonne sa fonction d'administrateur du Rex qu'il occupe <strong>de</strong>puis1935. Il conserve néanmoins sa qualité <strong>de</strong> membre <strong>de</strong> l'Associationcinématographique suisse roman<strong>de</strong> afin <strong>de</strong> poursuivre ses activités dansl'exploitation d'autres salles <strong>de</strong> cinéma. C'est M. Roger Bau<strong>de</strong>t <strong>de</strong>Lausanne qui lui succè<strong>de</strong>. La gérance est confiée à un <strong>Nyon</strong>nais, M.Jaques Cavin, opérateur au Rex <strong>de</strong>puis 1943 202 . Cette direction est <strong>de</strong>courte durée, le 6 avril 1951, c'est M. Pierre Berret, domicilié àCernier, Neuchâtel, où il exploite déjà le cinéma Etoile, qui rachète lecapital action <strong>de</strong> la société Rex <strong>Nyon</strong> S.A 203 .En octobre 1959, une section <strong>de</strong> l’Union suisse du film documentaireest constituée au nom <strong>de</strong> Cinédoc par quelques personnalités nyonnaises: M. Hippolyte Guignard, architecte, la prési<strong>de</strong>. MM. JeanMottaz, directeur <strong>de</strong>s écoles, D r Bernard Glasson, D r Roger Joris, EmileGétaz, professeur, Olivier Pacaud, instituteur, Roger Zogmal, directeuret cinéaste. La première séance du Cinédoc <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et environs a lieuau Rex le 7 novembre avec « <strong>Les</strong> noces <strong>de</strong> sable » d’André Zwobada,France, Maroc, 1948. Suivent le 5 décembre « <strong>Les</strong> animaux du mon<strong>de</strong> »d’Heinz Sielmann, le 23 janvier 1960 « Afrique nue », le 2 avril« Léonard <strong>de</strong> Vinci », le 17 décembre « Le Rhin », le 7 janvier 1961 « Tues Pierre » (Philippe Agostini, France, 1960), le 21 janvier 1961 « Unelégen<strong>de</strong> <strong>de</strong> la jungle », le 4 février « L’Amazone mystérieuse », le 18février 1961 « Crin blanc » (Albert Lamorisse, France, 1952), le 4 mars202 ACSR CSL2 49/1 C.5, 27 février 1949.203 ACSR CSL2 49/1 C.5, 9 avril 1951.- 145 -


« Au pays fabuleux <strong>de</strong>s mers du sud », enfin le 18 mars « Visages <strong>de</strong>France ».Afin <strong>de</strong> créer un cinéma plus attractif, M. Berret envisage ladémolition du Rex et une reconstruction mo<strong>de</strong>rne et performante. <strong>Les</strong>plans sont établis en 1966 par R. Fleury et P. Collin, architectes auGrand-Saconnex. Il est prévu <strong>de</strong> construire quatre étagessupplémentaires pour <strong>de</strong>s appartements, le cinéma <strong>de</strong>vant être déplacéen sous-sol. Le 29 juin 1967, « Baraka sur X13 », film d’espionnage <strong>de</strong>Maurice Cloche (France, Italie, Espagne, 1965) est le <strong>de</strong>rnier spectacleprésenté avant le début <strong>de</strong>s travaux. Mais <strong>de</strong>s causes imprévuesviennent bouleverser ces plans audacieux, et notamment, selon la presselocale, la présence d'une vilaine nappe phréatique provenant sans doute<strong>de</strong> l'Asse, rivière qui passe sous l'usine Luthi, toute proche. Un nouveauprojet, réalisé par Ciné Agencement SA. Neuchâtel, est accepté ; ilprévoit uniquement une mo<strong>de</strong>rnisation complète <strong>de</strong> la salle et laréparation du toit qui a subi les outrages du temps.81. La toiture endommagée du Rex 204 .L'intérieur <strong>de</strong> la salle est complètement transformé et les murssont recouverts <strong>de</strong> velours bleu. <strong>Les</strong> colonnes latérales et le balconcontrastent avec <strong>de</strong>s teintes blanches et or. Un satin ignifugé esttendu au plafond et le sol est recouvert d'une nouvelle moquette. Afind'assurer un excellent confort et une mobilité accrue, les 346 siègesdu début sont remplacés par 250 superbes fauteuils recouverts <strong>de</strong>velours or. Un magnifique ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> couleur or complète le tout. Le hall204 ACN BLEU K-482 E-3225 BLEU. Photo Edy Berger, <strong>Nyon</strong>.- 146 -


d'entrée est remis à neuf et la nouvelle caisse, agencée avec goût, afière allure. Pour la projection <strong>de</strong>s films et la diffusion <strong>de</strong>s sons, uneinstallation à la pointe du progrès est mise en place par la maisonKinolux <strong>de</strong> Lausanne, qui représente la célèbre firme italienne Cinemeccanica.Autre avantage <strong>de</strong> taille, un nouveau chauffage et une meilleureventilation sont installés. Simplification <strong>de</strong> la billetterie, <strong>de</strong>ux tarifssont appliqués, un pour le parterre et un pour le balcon, les places nesont plus numérotées.82. Salle du Rex entièrement rénovée 205 .Après seize mois <strong>de</strong> relâche, le cinéma Rex fête sa réouverture le19 novembre 1968 avec « Benjamin ou les mémoires d'un puceau »(Michel Deville, France, 1967), avec Michèle Morgan, Michel Piccoli,Pierre Clément, Catherine Deneuve, Jacques Dufilho, « Un adolescent<strong>de</strong> 16 ans est accueilli au château <strong>de</strong> sa tante. Laquelle <strong>de</strong>s dames dudomaine séduira le nouveau venu » 206 . Lors <strong>de</strong> l'inauguration, uneréception réunit les représentants <strong>de</strong> la commune, du canton ainsi quel'architecte et les maîtres d'état. M. Wartel, représentant la Sociétéroman<strong>de</strong> <strong>de</strong>s cinémas, félicite M. Berret en ces termes : Il faut fairepreuve <strong>de</strong> courage pour entreprendre une réalisation <strong>de</strong> cetteenvergure, à une époque où la fréquentation <strong>de</strong>s salles obscures est en205 Archives <strong>de</strong> la famille Ricciardi, <strong>Nyon</strong>.206 C.G.2003, p. 135.- 147 -


égression du fait <strong>de</strong> la concurrence tou<strong>jours</strong> plus accrue <strong>de</strong> latélévision. J.N., 20 novembre 1968.83. Pierre Berret 207 .Suite à toutes ces transformations, la situation du Rex s’amélioreprogressivement, la concurrence avec le cinéma Capitole <strong>de</strong>vient plusfacile à gérer. <strong>Les</strong> difficultés ne sont pourtant pas toutes vaincues, latélévision qui se généralise retient les spectateurs chez eux. Il faut<strong>de</strong>s films <strong>de</strong> qualité pour attirer le public et le marché n’a pas que <strong>de</strong>schefs d’œuvre à offrir aux exploitants. Le succès est au ren<strong>de</strong>z-vousavec <strong>de</strong>s films comme « Le Docteur Jivago » (David Lean, Angleterre,1965), avec Omar Sharif, Julie Christie, Géraldine Chaplin ; « <strong>Les</strong>Misérables » (Jean-Paul le Chanois, France, 1957), avec Jean Gabin,Bernard Blier, Bourvil, Serge Reggiani ou le remake <strong>de</strong> « King Kong »(John Guillermin, USA, 1976). Dans les années septante, Berret attireaussi une clientèle frian<strong>de</strong> <strong>de</strong> films sexy, qui sont très à la mo<strong>de</strong>, et qu’ilpasse à 22h30 pour les spectateurs dès 18 ans. Pour les saisonniersitaliens, <strong>de</strong>s séances à 17 heures en version originale italienne sontproposées le week-end et rencontrent un certain succès.Le 1er janvier 1977, changement d'exploitant au cinéma Capitole,M. Carmine Ricciardi <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> loue la salle. La situation générale esttou<strong>jours</strong> difficile pour les cinémas et l'on enregistre une forte baisse<strong>de</strong> la fréquentation. La télévision n'est pas seule en cause. La crise <strong>de</strong>la construction a fortement diminué le nombre <strong>de</strong> saisonniers venanttravailler en Suisse sans famille. Ces ouvriers sont <strong>de</strong>s clients réguliers207 Archives <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>.- 148 -


<strong>de</strong>s salles <strong>de</strong> cinémas. D'autre part, une partie <strong>de</strong> la clientèle préfèrese déplacer à Genève ou à Lausanne afin <strong>de</strong> voir les films qui passent enpremière. Autre aspect du problème, <strong>Nyon</strong> offre une gran<strong>de</strong> palette <strong>de</strong>spectacles en tout genre et la population est fortement sollicitée.MM. Berret et Ricciardi sont conscients qu'ils doivent collaborer afind'améliorer leur situation respective. Il faut s'entendre pour unepublicité harmonieuse et <strong>de</strong>s horaires complémentaire. En tirant sur lamême cor<strong>de</strong>, les cinémas nyonnais ont plus <strong>de</strong> chance <strong>de</strong> s'en tirer. J.N.,21 janvier 1977. La collaboration ne dure pas longtemps. Le 10 août 1977,Pierre Berret démissionne <strong>de</strong> l'A.C.S.R. suite à <strong>de</strong> très gros ennuis <strong>de</strong>santé. Le 19 septembre, il décè<strong>de</strong> à l'âge <strong>de</strong> 51 ans après une cruellemaladie. Ce Jurassien qui a tenu le Rex plus d’un quart <strong>de</strong> siècle était unhomme discret et réservé. Il avait <strong>de</strong>ux passions, le cinéma et le cheval.En 1967 il avait créé le manège <strong>de</strong> Givrins, où il dispensait <strong>de</strong>s leçonsd’équitation à <strong>de</strong> nombreux cavaliers maintenant licenciés. Le Clubéquestre <strong>de</strong> la Côte et Le fer à cheval ont perdu en Monsieur Berret unexcellent cavalier et un membre fondateur. M. Carmine Ricciardi, quiavait déjà travaillé au Rex comme opérateur <strong>de</strong>puis quelques années,reprend l'exploitation avec passion et dans le ferme espoir <strong>de</strong> fairerevivre cette salle. Le 1er août 1977 un bail <strong>de</strong> location est signé entrela société Cinéma <strong>Nyon</strong> Rex S.A, représentée par M. Edouard Leyduz,membre du conseil d'administration, et Carmine Ricciardi. Le bail entreen vigueur aux conditions suivantes : Loyer mensuel Fr. 2'300.- la 1erannée, Fr. 2'500.- la 2e année, Fr. 2600.- la 3e et Fr. 2'700.- les 4e et5e année 208 .L'amour du cinéma <strong>de</strong> Carmine le Napolitain est né en pleine pério<strong>de</strong>du néo-réalisme italien. Pour se faire plaisir et innover, il réalise unvieux rêve, avec une rétrospective du cinéma italien. Du 3 au 13décembre 1982, il passe respectivement « Riso Amaro » (Giuseppe <strong>de</strong>Santis, 1948), le premier film qu'il avait projeté en tant qu'opérateuret qui n'avait plus été distribué en Suisse <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> vingt ans, « LeNotte di Cabiria » (Fe<strong>de</strong>rico Fellini, 1957), « La Dolce Vita » (F. Fellini,1959), « Giulietta <strong>de</strong>gli Spiriti » (F. Fellini, 1965), « Mamma Roma »(Pier Paolo Pasolini, 1962), « Parfum <strong>de</strong> Femme » (Dino Risi, 1974),« Don Camillo Monseigneur » (Carmine Gallone, 1961), « Don Camillo enRussie » (Luigi Comencini, 1965).Fin 1983, Carmine Ricciardi annonce par voie <strong>de</strong> presse la fermetureprochaine du cinéma Rex afin <strong>de</strong> consacrer toute son énergie et ses208 ACSR CSL2 49/1 C.5, 1 er août 1977.- 149 -


moyens à la restauration complète du Capitole. Le Rex, qui avait vu lejour il y a plus <strong>de</strong> cinquante ans, a subi l'outrage <strong>de</strong>s ans et uneimportante rénovation s'imposerait. Le parterre est miné parl'humidité, la ventilation est déficiente et beaucoup d'autres problèmesont surgi. Une restauration entraînerait <strong>de</strong>s frais importants, incompatiblesavec la rentabilité du vieux cinéma.Au cours <strong>de</strong>s sept <strong>de</strong>rnières années d'exploitation, le Rex n'a pasconnu le succès escompté malgré toute l'énergie, les innovations enmatière <strong>de</strong> programmes et la qualité <strong>de</strong> l'accueil prodigué par M. etMme Ricciardi. En 1984, après mûre réflexion, Carmine se résigne àabandonner l'exploitation <strong>de</strong> cette salle. Le Rex n'a jamais rien rapporté.Et il y aurait <strong>de</strong> gros travaux à faire que je ne pourrais jamaisamortir. Alors, j'ai préféré grouper l'exploitation au cinéma Capitole.J.N., 19 octobre 1984. Le 18 octobre, c'est la soirée <strong>de</strong> clôture, à laquelleM. et Mme Ricciardi, entourés du personnel, ont invité les amis ducinéma. La <strong>de</strong>rnière séance se termine dans le hall où l'on partage leverre <strong>de</strong> l'amitié en évoquant <strong>de</strong>s souvenirs. Emu mais confiant enl'avenir, M. Ricciardi le battant veut tout miser sur le cinéma Capitolequ'il exploite parallèlement <strong>de</strong>puis janvier 1977. Dernière projection auRex avec « La femme publique » (Andrzej Zulawski, France, 1984) et« A la poursuite du diamant vert » (<strong>Robert</strong> Zemeckis, USA, 1984).M. Jacky Chevallaz, architecte, à Genève, acquiert l'immeubleinscrit au nom <strong>de</strong> la société Rex <strong>Nyon</strong> SA. Avec le concours <strong>de</strong>M. Jean-Paul Graber, architecte à <strong>Nyon</strong>, il réalise les plans d’un locatifmo<strong>de</strong>rne avec locaux commerciaux. Mais le vieux monarque (Rex)bénéficie d’un <strong>de</strong>rnier sursis avant la construction du nouvel immeuble.En effet, la pelle mécanique <strong>de</strong> l’entreprise genevoise chargée <strong>de</strong> ladémolition est gravement endommagée. Lors <strong>de</strong> son acheminement via laRoute suisse, le chauffeur du convoi voulant éviter une voiture roulanten sens inverse, doit se rabattre rapi<strong>de</strong>ment. En redressant satrajectoire, le camion transporteur déséquilibre la pelle mécanique <strong>de</strong>28 tonnes qui essaie <strong>de</strong> prendre le large en mettant une <strong>de</strong> seschenilles à terre. Au cours <strong>de</strong> sa glissa<strong>de</strong> en équilibre instable, la lour<strong>de</strong>machine entre en contact avec une voiture en stationnement et faucheles branches d’une <strong>de</strong>mi-douzaine <strong>de</strong> platanes. Une autre voiture enstationnement est à son tour endommagée par la chute <strong>de</strong>s branches.Ce scénario d’aventure se termine là et la pelle mécanique en a perdu sacabine. Le centre <strong>de</strong> secours incendie doit intervenir pour éviter unepollution par l’huile du système hydraulique qui se répand dans le lac.- 150 -


84. Carmine Ricciardi <strong>de</strong>vant le Rex désaffecté 209 .Après toutes ces péripéties, l’immobilier arrive à ses fins. Unbâtiment mo<strong>de</strong>rne qui s’intègre assez bien dans le paysage local prend laplace du vieux cinoche.209 Archives <strong>de</strong> la famille Ricciardi, <strong>Nyon</strong>.- 151 -


85. Commerces et logements remplacent le Rex 210 .L'ère <strong>de</strong>s petits cinémas est malheureusement compromise parl'arrivée <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s salles multiplexes qui se créent un peu partout. LePhare qui illuminait l'écran <strong>de</strong>puis 1928 est à son tour victime <strong>de</strong>l'évolution <strong>de</strong>s choses. Le combat <strong>de</strong> David et Goliath est terminé et lePhare s'éteint définitivement.210 Photo <strong>Robert</strong> <strong>Cerruti</strong>, <strong>Nyon</strong>, 2008.- 152 -


SourcesACN Archives communales <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>ACV Archives cantonales vaudoisesAVL Archives <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> LausanneACSR Association cinématographique suisse roman<strong>de</strong> (Fonds ACSR, Cinémathèque suisse)ALS Association <strong>de</strong>s loueurs <strong>de</strong> films en SuisseCartes postales anciennes, collections privéesPhotographies, collections privéesPresse nyonnaiseAbréviations utilisées pour les titres <strong>de</strong> la presse localeC.C. Courrier <strong>de</strong> la Côte, 1864-1968J.N. Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et <strong>de</strong>s districts <strong>de</strong> la Côte, 1892-1898Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et feuilles d’annonces <strong>de</strong>s districts <strong>de</strong> la Côte, 1898-1923Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et Feuille d’Avis <strong>de</strong> Coppet, 1923-1932Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et <strong>de</strong>s cercles <strong>de</strong> Coppet, Gingins, Begnins, 1932-1944Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et Feuille d’Avis <strong>de</strong> la Côte, 1944-1968Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong> et Courrier <strong>de</strong> la Côte, fusion avec le Courrier <strong>de</strong> la Côte, 1968-1987L'Ouest lémanique, supplément régional hebdomadaire, 1968-1975Journal <strong>de</strong> <strong>Nyon</strong>, Ouest lémanique, L'Ouest lémanique est incorporé au Journal <strong>de</strong><strong>Nyon</strong>, 1975-1987Le Quotidien <strong>de</strong> la Côte, 1987-1996La Côte, mai 1996 -Abréviations <strong>de</strong>s ouvrages utilisés pour les synopsisC.G. 2003 Eric Leguèbe, Cinégui<strong>de</strong>, Omnibus, Paris, 2003A.C. 1992 Philippe d’Hugues, Almanach du cinéma, Encyclopaedia Universalis, Paris, 1992D.M.F. 2000 Bernard Rapp, Jean-Clau<strong>de</strong> Lamy, Dictionnaire mondial <strong>de</strong>s films, Larousse, Paris, 2000© Etat au 20 juin 2011- 153 -

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