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PDF, 349.4 ko - Annales de la recherche urbaine

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Richard Florida in Saint-Étienne ?113Sociologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> « c<strong>la</strong>sse créative » stéphanoiseMax RousseauLa publication en 2002 <strong>de</strong> The Rise of the Creative C<strong>la</strong>ssa valu à son auteur, l’économiste Richard Florida, une fortemédiatisation et un succès d’édition étonnants pour unouvrage universitaire. Rapi<strong>de</strong>ment, les élites <strong>de</strong>s villes nordaméricainesse sont approprié les notions développées dansl’ouvrage, R. Florida se transformant en un véritable prescripteur<strong>de</strong> politiques <strong>urbaine</strong>s facturant ses conférenceset ses audits à <strong>de</strong>s tarifs très élevés (Peck, 2005).Ses thèses ont ensuite traversé l’At<strong>la</strong>ntique et ontinfluencé les politiques <strong>urbaine</strong>s britanniques, puis françaises.Nous avons ainsi montré ailleurs comment les déci<strong>de</strong>urs<strong>de</strong> certaines villes nées <strong>de</strong> l’industrialisation que nousqualifions <strong>de</strong> « villes perdantes 1 » s’inspirent particulièrement<strong>de</strong>s prescriptions <strong>de</strong> R. Florida pour mettre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>sstratégies <strong>de</strong> marketing urbain visant à attirer <strong>de</strong>s membres<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses moyennes et supérieures désormais chargées <strong>de</strong>régénérer l’économie <strong>urbaine</strong>. L’attrait <strong>de</strong>s élites <strong>de</strong> ce typespécifique <strong>de</strong> villes pour <strong>de</strong>s politiques visant à favoriser <strong>la</strong>venue <strong>de</strong> groupes sociaux aisés est selon nous à chercher ducôté d’une double injonction qui se présente à elles : d’uncôté, elles doivent désormais assurer par elles-mêmes ledéveloppement local <strong>de</strong> leur ville ; <strong>de</strong> l’autre, elles héritent<strong>de</strong> l’industrialisation fordiste d’une structure économique<strong>urbaine</strong> <strong>de</strong> plus en plus obsolète dans un contexte d’avènementen Europe occi<strong>de</strong>ntale d’une société post-industriellefondée sur l’information (Rousseau, 2008). Ceci expliquel’attention particulière que leurs élites prêtent aux nouveauxmodèles <strong>de</strong> développement économique local influents àpartir <strong>de</strong>s années 1990 et qui mettent en avant le rôle du« capital humain » – c’est-à-dire <strong>de</strong>s individus à haut niveaud’instruction, <strong>de</strong> diplôme, dans <strong>la</strong> croissance <strong>urbaine</strong> (parexemple, G<strong>la</strong>eser, 2004).Reliant ces théories économiques au développement<strong>de</strong>s analyses sociologiques sur <strong>la</strong> « nouvelle c<strong>la</strong>ssemoyenne 2 » qui s’établit en centre-ville, R. Florida pointel’importance du « capital créatif » pour <strong>la</strong> croissance<strong>urbaine</strong>. Son innovation – et, selon nous, <strong>la</strong> clef <strong>de</strong> sonsuccès – est d’écrire que le pouvoir <strong>de</strong> ceux qu’il considèrecomme constituant une « nouvelle c<strong>la</strong>sse sociale » est toutautant économique que culturel, éveil<strong>la</strong>nt ainsi l’attention<strong>de</strong>s élites <strong>urbaine</strong>s soucieuses d’assurer <strong>la</strong> croissance <strong>de</strong> leurville. Si, pour lui, certaines villes et certaines régions possè<strong>de</strong>ntles caractéristiques nécessaires pour attirer <strong>la</strong> « c<strong>la</strong>ssecréative » et ainsi enclencher le cercle vertueux <strong>de</strong> l’innovationet <strong>de</strong> <strong>la</strong> croissance, il serait cependant possible <strong>de</strong>construire <strong>de</strong> toutes pièces une « communauté créative »en mettant en œuvre certains types <strong>de</strong> politiques <strong>urbaine</strong>s :« les villes ont besoin d’un climat humain bien plus que d’unclimat d’affaires. (…) Au lieu <strong>de</strong> subventionner <strong>de</strong>s entreprises,<strong>de</strong>s sta<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong>s centres commerciaux, les villesferaient mieux d’être ouvertes à <strong>la</strong> diversité et d’investirdans les formes <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong> vie et d’équipements que lesgens veulent vraiment. » (Florida, 2002, p. 283). R. Floridaquitte ensuite sa posture <strong>de</strong> chercheur pour celle d’expertet propose, au fil <strong>de</strong> son ouvrage, une série <strong>de</strong> mesures quipeuvent être prises dans l’optique <strong>de</strong> favoriser <strong>la</strong> venue etle maintien en ville <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse créative : <strong>de</strong>s politiquesrenforçant <strong>la</strong> sécurité, <strong>la</strong> qualité environnementale,l’« authenticité » <strong>de</strong>s lieux, <strong>la</strong> création d’espaces publics<strong>de</strong> qualité, d’espaces piétonniers en particulier en centre-1. En nous appuyant sur les exemples <strong>de</strong> Sheffield et <strong>de</strong> Roubaix, nousavons défini les « villes perdantes » comme possédant <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong>problèmes, un problème « objectif » – c’est-à-dire <strong>de</strong>s taux élevés <strong>de</strong>chômage ou d’insécurité, un déclin démographique prononcé, unefaible qualification <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion – auquel s’ajoute un problème« subjectif » – qui consiste, lui, en <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> ces villes commerépulsives par divers prescripteurs sociaux (les journalistes, les hommespolitiques, les artistes) Ces <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> problèmes découlent <strong>de</strong> l’effondrementdu socle économique <strong>de</strong> ces villes.2. Cette définition est celle du géographe canadien David Ley, qui yvoit avant tout une « nouvelle c<strong>la</strong>sse culturelle » qui partage « unevocation d’augmenter <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> vie dans un but qui n’est pas simplementéconomique » (Ley, 1996, p. 15).Les <strong>Annales</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>urbaine</strong> n°105, 0180-930-X, 2008, pp.113-119© MEEDDAT, PUCA

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