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PDF, 349.4 ko - Annales de la recherche urbaine

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118les annales <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>urbaine</strong> n°105 octobre 2008ment d’un pouvoir d’achat élevé. Le « temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation» prend <strong>de</strong> plus en plus le pas, dans <strong>la</strong> croissance,locale, sur le « temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> production » (Davezies, 2004; p.2008). Les habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong>s individus rencontrés,chez lesquels les activités culturelles et <strong>de</strong> loisirs sontsur-représentées, confirment <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> R. Florida. Mais <strong>la</strong>situation géographique particulière <strong>de</strong> Saint-Étienne, à proximité<strong>de</strong> <strong>la</strong> métropole lyonnaise, influence <strong>la</strong> localisation <strong>de</strong>leurs pratiques <strong>de</strong> consommation : Lyon apparaît commeune aire importante <strong>de</strong> consommation, culturelle et commerciale,pour les « créatifs » stéphanois. Leur impact sur le voletproductif <strong>de</strong> l’économie stéphanoise est ainsi contreba<strong>la</strong>ncépar <strong>la</strong> fuite <strong>de</strong> leur pratiques <strong>de</strong> consommation vers <strong>la</strong> métropolelyonnaise. Ainsi, envisager <strong>la</strong> « c<strong>la</strong>sse créative stéphanoise», dont l’apport au développement économique localest certainement surestimé, comme l’un <strong>de</strong>s principauxpublics cibles <strong>de</strong>s politiques <strong>urbaine</strong>s, n’est pas sans risque, etce d’autant plus que l’hétérogénéité <strong>de</strong> ses valeurs débouchesur <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s divergentes, et souvent incompatibles.Des <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s contradictoiresLa plupart <strong>de</strong>s individus rencontrés se sont déc<strong>la</strong>rés très intéresséspar les projets <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville.Néanmoins, cet intérêt semble peu susceptible <strong>de</strong> se traduirepar un soutien plus actif, hormis dans les cas spécifiquesd’opportunités <strong>de</strong> gains professionnels (c’est ainsi le cas <strong>de</strong>sarchitectes désireux <strong>de</strong> s’investir davantage dans l’embellissementdu centre-ville). Ce sont ces opportunités qui expliquentégalement le haut niveau d’intérêt pour le <strong>de</strong>sign parmiles enquêtés, ainsi que leur souhait que <strong>la</strong> ville s’engagedavantage dans le développement durable. En effet, l’attraitconstaté <strong>de</strong> nombreux enquêtés pour les thématiques environnementalesne semble pas tant lié à une préoccupationécologique qu’à <strong>de</strong>s intérêts professionnels personnels :nombre <strong>de</strong>s individus interrogés, œuvrant dans <strong>de</strong>s secteurspourtant fort distincts, estiment que le développementdurable peut à l’avenir favoriser leur activité.Ceci nous amène à nuancer un autre aspect <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie<strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse créative : selon R. Florida, du fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise<strong>de</strong>s institutions exerçant traditionnellement un rôle <strong>de</strong> constitutiond’une i<strong>de</strong>ntité collective (Églises, partis, syndicats…),le lieu <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus un élément constitutif <strong>de</strong>l’i<strong>de</strong>ntité; les « créatifs » seraient conscients <strong>de</strong> ce rôle du lieudans <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> leur i<strong>de</strong>ntité, ce qui les pousserait às’investir dans leur ville. L’exemple stéphanois contredit R.Florida sur ce point : si les enquêtés se déc<strong>la</strong>rent majoritairementattachés à leur ville, ils sont très peu désireux <strong>de</strong> s’impliquerdans <strong>la</strong> régénération <strong>de</strong> celle-ci, hormis dans les rarescas où ils pourraient en retirer <strong>de</strong>s gains professionnels directs.Au vu <strong>de</strong>s entretiens, l’individualisme <strong>de</strong>s « créatifs » stéphanois– qui ne se distinguent pas, sur ce point, <strong>de</strong> <strong>la</strong> théoriegénérale – rend hautement improbable le fait que ceux-cipuissent constituer une ressource dans les stratégies <strong>de</strong> redéveloppement<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville.Par ailleurs, les principaux désirs exprimés concernent ledéveloppement <strong>de</strong> l’activité nocturne, <strong>la</strong> préservation du cachetarchitectural, <strong>la</strong> création d’un grand parc en centre-ville, davantaged’eau dans le paysage stéphanois, <strong>la</strong> propreté <strong>de</strong>s rues…Si ces préoccupations semblent rejoindre <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> R.Florida, il est néanmoins permis <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si cette préoccupationpour <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> vie et ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s pour davantaged’aménités <strong>urbaine</strong>s est propre à <strong>la</strong> « c<strong>la</strong>sse créative ».Enfin, si les individus exerçant <strong>de</strong>s professions créativesse rassemblent autour <strong>de</strong> l’importance qu’ils confèrent à <strong>la</strong>qualité <strong>de</strong> vie, leurs <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s apparaissent <strong>de</strong> nouveau divergentes,voire incompatibles, lors <strong>de</strong> leur interrogation surd’autres aspects <strong>de</strong>s politiques <strong>urbaine</strong>s tels <strong>la</strong> stratégie que<strong>la</strong> ville <strong>de</strong>vrait mener à l’égard <strong>de</strong> l’attraction <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssesmoyennes supérieures. Ainsi, si certains enquêtés estimentque <strong>la</strong> ville <strong>de</strong>vrait favoriser <strong>la</strong> présence d’une offre culturellehaut <strong>de</strong> gamme pour attirer <strong>de</strong>s groupes sociaux favorisés,d’autres estiment au contraire que <strong>la</strong> richesse <strong>de</strong> <strong>la</strong> villerési<strong>de</strong> dans sa diversité sociale et culturelle et s’inquiètentd’une possible po<strong>la</strong>risation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, <strong>de</strong> l’abandon <strong>de</strong>s quartierspériphériques et <strong>de</strong>s transformations sociales <strong>de</strong> certainsquartiers centraux.Un groupe peu susceptible d’apparaîtrecomme une ressourceLes individus stéphanois supposés représenter le cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong>c<strong>la</strong>sse créative se présentent comme un groupe bien plus hétérogèneque celui décrit par R. Florida. Alors qu’en théorie, ilssont supposés afficher une prédilection pour <strong>la</strong> vie en centreville,le cas stéphanois <strong>la</strong>isse apparaître un clivage entre <strong>de</strong>s« urbains » et <strong>de</strong>s « ruraux ». Cette coupure résulte <strong>de</strong> <strong>la</strong> spécificité<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, <strong>de</strong> sa situation géographique couplée à son passéindustriel. De plus, <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> l’agglomération lyonnaiseentraîne une fuite <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> consommation, voire <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce,<strong>de</strong> ces popu<strong>la</strong>tions souvent dotées d’un fort pouvoird’achat et qui échappent ainsi à Saint-Étienne. Les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<strong>de</strong> ce groupe portent surtout sur le développement d’aménités<strong>urbaine</strong>s, rejoignant ainsi <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> R. Florida. Il estnéanmoins permis <strong>de</strong> douter que cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne concerneque les « créatifs ». Enfin, le profil <strong>de</strong> « captifs locaux » <strong>de</strong> <strong>la</strong>plupart <strong>de</strong>s enquêtés, l’hétérogénéité <strong>de</strong> leurs valeurs et <strong>de</strong>leurs désirs en matière <strong>de</strong> stratégie <strong>urbaine</strong> interdisent <strong>de</strong> parler<strong>de</strong> l’existence d’une « c<strong>la</strong>sse créative stéphanoise ».Les thèses <strong>de</strong> R. Florida ne « fonctionnent » c<strong>la</strong>irementpas à Saint-Étienne. Non seulement l’apport réel à l’économielocale <strong>de</strong>s professionnels exerçant <strong>de</strong>s métiers créatifsest discutable, mais leurs valeurs, hétérogènes, ne permettentpas <strong>de</strong> les considérer comme un groupe social homogène. Cesvaleurs différentes se traduisent logiquement par <strong>de</strong>s

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