11.07.2015 Views

Aven de la Mort de Lambert. Un acte de prévention à l'âge du bronze

Aven de la Mort de Lambert. Un acte de prévention à l'âge du bronze

Aven de la Mort de Lambert. Un acte de prévention à l'âge du bronze

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

70Actes. Société française d'histoire <strong>de</strong> l'art <strong>de</strong>ntaire, 2011, 16Fig. 2. Mobilier.Étu<strong>de</strong> odontologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> mandibuleMdL65Fig. 1. Coupe <strong>de</strong> l'aven.Fig. 3. Mandibule MdL65.La mandibule découverte à une profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> -12 m, au cours<strong>de</strong> <strong>la</strong> fouille <strong>du</strong> diverticule 1 s'ouvrant dans <strong>la</strong> salle 2 (cette<strong>de</strong>rnière était comblée dans sa presque totalité par un pierrier),appartient à un squelette dont les restes n'ont pas ététrouvés en p<strong>la</strong>ce mais tombés <strong>de</strong>s niveaux supérieurs, commel'attestent <strong>de</strong>s fragments <strong>de</strong> fibu<strong>la</strong> et d'humérus, provenant<strong>du</strong> même indivi<strong>du</strong>, découverts dans les roches précipitéessecondairement et se situant au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ce diverticule (Fig.1). Le squelette (celui d'un a<strong>du</strong>lte jeune <strong>de</strong> sexe masculin) aun aspect morphologique faisant apparaître une re<strong>la</strong>tive gracilitéqui caractérise, par ailleurs, l'ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<strong>de</strong> l'aven. Les <strong>de</strong>nts présentes sur l'arca<strong>de</strong> sont au nombre <strong>de</strong>dix ; quatre <strong>de</strong>nts (figurées en italique dans le tableau I) sonttombées post mortem, ainsi qu'en témoignent les alvéoleslibres et intacts. Deux <strong>de</strong>nts <strong>du</strong> bloc mo<strong>la</strong>ire sont donc absentes: 37 ou 38 et 47 ou 48 (Tab. I). Pour établir le diagnosticpermettant une i<strong>de</strong>ntification certaine <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières<strong>de</strong>nts, il est possible <strong>de</strong> s'appuyer sur les résultats <strong>de</strong>s examensmacroscopique, microscopique et radiologique.Tableau I. Schéma <strong>de</strong> l'état <strong>de</strong>ntaire <strong>de</strong> <strong>la</strong>mandibule MdL65.18 17 16 15 14 13 12 11 21 22 23 24 25 26 27 2847-48 46 45 44 43 42 41 31 32 33 34 35 36 37-38


Actes. Société française d'histoire <strong>de</strong> l'art <strong>de</strong>ntaire, 2011, 16 71Fig. 4. Renversement <strong>de</strong>s axes <strong>de</strong>ntaires <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières mo<strong>la</strong>ires.Examen macroscopique <strong>du</strong> parodonteet <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ntsAspect <strong>du</strong> parodonteL'examen <strong>de</strong> l'os alvéo<strong>la</strong>ire ne révèle aucune lésion parodontalemarquée. Les septa sont intacts et les bords marginauxne présentent aucune trace <strong>de</strong> résorption. Seuls les rebordsalvéo<strong>la</strong>ires vestibu<strong>la</strong>ires et linguaux <strong>de</strong> 46 ont subi une légère<strong>de</strong>struction marginale provoquée par une fracture post mortem<strong>de</strong> <strong>la</strong> mandibule. Au niveau cervical on peut noter <strong>de</strong>chaque côté un é<strong>la</strong>rgissement <strong>de</strong>s septa, séparant les <strong>de</strong>ux<strong>de</strong>rnières mo<strong>la</strong>ires avec début <strong>de</strong> formation d'atrophie osseuseen cuvette, et une corticale criblée. Les distances interproximalescervicales sont <strong>de</strong> 4, 4 mm à gauche et 3, 9 mmà droite alors que les espaces interproximaux mo<strong>la</strong>ireprémo<strong>la</strong>iresont <strong>de</strong> 1, 3 mm. Par ailleurs, aucune lésion cicatricielle<strong>de</strong> <strong>la</strong> table osseuse, externe ou interne, n'a pu êtremise en évi<strong>de</strong>nce dans les zones mo<strong>la</strong>ires.Positions et morphologies <strong>de</strong>ntairesIl n'a pas été constaté <strong>de</strong> malposition ou <strong>de</strong> traces <strong>de</strong> malocclusionimportantes. Cependant, on note un renversementmésial <strong>de</strong>s axes <strong>de</strong>ntaires <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières mo<strong>la</strong>ires, avec déca<strong>la</strong>ge<strong>de</strong>s tables occlusales par rapport au p<strong>la</strong>n d'occlusion (Fig.4). De plus, une rotation axiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>la</strong>ire distale gauche aeu pour effet <strong>de</strong> décaler lingualement sa surface occlusaledans sa partie mésiale. La morphologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière mo<strong>la</strong>iresemble correspondre, à droite, à celle d'une <strong>de</strong>uxième mo<strong>la</strong>ire,avec une topographie occlusale en croix et un contactpunctiforme entre les quatre cuspi<strong>de</strong>s. À gauche, cette topographieest en X, avec un contact linéaire entre les cuspi<strong>de</strong>sprotoconi<strong>de</strong> et entoconi<strong>de</strong>, cette <strong>de</strong>rnière étant très marquéeet dépassant nettement le niveau général <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface occlusale.Degré d'usureL'usure triturante <strong>de</strong>s incisives et <strong>de</strong>s premières mo<strong>la</strong>ires est,en moyenne, <strong>de</strong> 2 sur l'échelle <strong>de</strong> Périer, <strong>de</strong> 1 pour les prémo<strong>la</strong>ireset <strong>de</strong> 0 pour les <strong>de</strong>rnières mo<strong>la</strong>ires visibles sur l'arca<strong>de</strong>(37 ou 38 et 47 ou 48). De façon générale l'usure est plus marquéeà droite.Fig. 5. Micro-striations sur <strong>la</strong> face mésiale <strong>de</strong> 38.Lésions <strong>de</strong>ntairesAucune lésion carieuse n'est déce<strong>la</strong>ble sur les <strong>de</strong>nts présentes(il est à noter que le maxil<strong>la</strong>ire, où toutes les <strong>de</strong>nts sauf troisantérieures expulsées post-mortem sont en p<strong>la</strong>ce sur l'arca<strong>de</strong>,ne présente pas, non plus, <strong>de</strong> trace <strong>de</strong> carie). Cependant, sur<strong>la</strong> face distale <strong>de</strong> 46, à <strong>la</strong> jonction amélo-<strong>de</strong>ntinaire, on peutobserver une lésion en <strong>de</strong>mi-lune, <strong>de</strong> 1, 5 mm <strong>de</strong> diamètre et<strong>de</strong> 1 mm à sa plus gran<strong>de</strong> hauteur, avec mise à nu <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>ntine.L’origine <strong>de</strong> cette lésion ne peut être attribuée aveccertitu<strong>de</strong> à un début <strong>de</strong> lésion carieuse ou à une lésion postmortem.Examen microscopique <strong>de</strong>s surfacesamé<strong>la</strong>iresLes faces mésiales et distales <strong>de</strong>s mo<strong>la</strong>ires ont été observéespar l'intermédiaire d'empreintes effectuées au moyen <strong>de</strong> silicones<strong>de</strong>ntaires ; ces répliques ont été examinées au microscopeoptique à un grossissement 100x. Du côté droit, <strong>la</strong> régionmésiale <strong>de</strong> 47 (48 ?), près <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone cervicale, montre unesurface striée <strong>de</strong> fines rayures, parallèles entre elles et aubord occlusal, pouvant indiquer une habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> nettoyage <strong>de</strong>l'espace inter<strong>de</strong>ntaire au moyen d'un cure-<strong>de</strong>nt (Fig. 5). Ducôté gauche, <strong>la</strong> face distale <strong>de</strong> 36 est marquée <strong>de</strong> nombreusesstriures à direction verticale, témoins <strong>de</strong> traces <strong>de</strong> <strong>la</strong> masticationd'un bol alimentaire riche en éléments siliceux et quelquesstries à direction oblique, proche <strong>de</strong> l'horizontale, marquantpeut-être aussi une habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> nettoyage inter<strong>de</strong>ntaire.La face mésiale <strong>de</strong> 37 (38 ?) est également marquée <strong>de</strong>striures verticales, <strong>de</strong> quelques marques plus obliques et <strong>de</strong>rares lignes proches <strong>de</strong> l'horizontale qui sont <strong>la</strong> preuve d'uneactivité fonctionnelle <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>nt (Fig. 6). On n'a pas relevé,sur les faces distales <strong>de</strong> 36, mésiales et distales <strong>de</strong> 37(38 ?), <strong>de</strong> surface d'abrasion qui témoignerait d'un contactproximal entre <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>nts, mais il convient <strong>de</strong> se souvenir <strong>de</strong><strong>la</strong> légère rotation axiale <strong>de</strong> 37 (38 ?) engendrant un contact àpeine marqué entre les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>nts.Examen radiologique <strong>de</strong>s corpsmandibu<strong>la</strong>iresLa radiographie <strong>de</strong>s régions mo<strong>la</strong>ires ne révèle aucune <strong>de</strong>ntincluse, mais montre qu'à gauche <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière mo<strong>la</strong>ire comprendtrois racines, <strong>de</strong>ux mésiales et une distale. À droite, enrevanche, les racines sont coalescentes mais <strong>du</strong> fait <strong>de</strong> <strong>la</strong>


74Actes. Société française d'histoire <strong>de</strong> l'art <strong>de</strong>ntaire, 2011, 16d’un chasseur, Y. Tourguenieff re<strong>la</strong>te sa rencontre avec unetribu spécialisée dans l’avulsion <strong>de</strong>ntaire qui est pratiquée àmain nue. Saisissant <strong>la</strong> <strong>de</strong>nt entre le pouce et l’in<strong>de</strong>x et parun ba<strong>la</strong>ncement d’amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> plus en plus gran<strong>de</strong>, jouantsur <strong>la</strong> <strong>la</strong>xité re<strong>la</strong>tive <strong>du</strong> ligament alvéolo-<strong>de</strong>ntaire, l’officiantarrive à extraire l’organe. Il est également possible d’utiliserun instrument réalisé à partir d’un os long <strong>de</strong> gros mammifère,et <strong>de</strong> l’utiliser à <strong>la</strong> manière d’un levier soulevant <strong>la</strong> <strong>de</strong>ntchoisie pour l’extraire. Cette intervention ayant respecté lesstructures osseuses alvéo<strong>la</strong>ires parfaitement discernables sur<strong>la</strong> radiographie prouve un "professionnalisme" certain <strong>de</strong> l'opérateur,donc, une connaissance indéniable, dès cette époque,<strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie et d'une certaine thérapeutique <strong>de</strong>ntaire. Ducôté droit, il n'est pas certain que <strong>la</strong> 48 ait été dans <strong>la</strong> mêmedisposition anatomique qu'à gauche mais, par pru<strong>de</strong>nce, l'opérateura estimé <strong>de</strong>voir effectuer <strong>la</strong> même intervention.ConclusionLes pratiques <strong>de</strong>ntaires ont toujours visé, au cours <strong>de</strong>s siècles,à éliminer les douleurs, souvent extrêmes, provoquées par <strong>la</strong>pathologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> sphère buccale, et surtout à permettre d'éviterles acci<strong>de</strong>nts infectieux risquant très vite <strong>de</strong> ne plus êtrecontrô<strong>la</strong>bles. Depuis <strong>la</strong> préhistoire, un souci <strong>de</strong> confort etd'esthétique a également in<strong>du</strong>it une action restauratrice oud'entretien <strong>du</strong> capital santé <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>nture. Il convient <strong>de</strong> nepas perdre <strong>de</strong> vue les premières tentatives <strong>de</strong> réimp<strong>la</strong>ntationau Néolithique, les modifications volontaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> morphologie<strong>de</strong>ntaire dans <strong>de</strong> nombreuses cultures, les tentatives <strong>de</strong>restauration <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>nture ante et post mortem chez lesÉgyptiens, Étrusques, Romains et autres. Le savoir faire enmatière d'avulsion a dû, très tôt, être maîtrisé, mais le souci<strong>de</strong> prévention, qui semble ici avoir dicté l'<strong>acte</strong> chirurgical,n'avait pas été, jusqu'ici, mis en évi<strong>de</strong>nce sur un sujet <strong>de</strong> l'âge<strong>du</strong> <strong>bronze</strong>.Références bibliographiquesJAGU D., "La sépulture néolithique <strong>de</strong>s Marsaules à Malesherbes. Étu<strong>de</strong>odontologique", Revue Archéologique <strong>du</strong> Loiret, 12, 1986, p. 28-29.MANSON J. -D., "The <strong>la</strong>mina <strong>du</strong>ra", Oral Surgery, 16, n°4, 1963, 432.MAYTIE A., "Les parodontolyses préhistoriques. Rapport <strong>de</strong> fréquenceparodontolyse-carie chez les Néo-lithiques français", L'information<strong>de</strong>ntaire, n° 47, 1973, p. 25-32.NALLY J.-N., "La résorption et l'apposition osseuse normales dans <strong>la</strong>mâchoire humaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> naissance à l'âge a<strong>du</strong>lte", Revue MensuelleSciences Odontologiques, 49, 1939, p. 649.PÉRIER A.-L., 1969. Usure, abrasion, érosion. P. Odont. Stomat., 141,1969, Genève.PINET R., Étu<strong>de</strong> parodontologique d’un matériel humain (époque chalcolithique-<strong>bronze</strong>)provenant <strong>du</strong> Languedoc oriental, Thèse <strong>de</strong> IIIecycle en sciences odontologiques (n°43.12.81.01). Lyon I, 1981, 282 p.PONT A., Précis <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts et <strong>de</strong> <strong>la</strong> bouche, Paris, Doin,1929, 798 p.PRITCHARD J.-J., "Osteob<strong>la</strong>st", in G.-H. Bourne, The Biochemistry andPhysiology of Bone, New-York, Acad. Press inc. edit., 1956.RACADOT J., WEILL R., Histologie <strong>de</strong>ntaire. Masson et Cie, JulienPré<strong>la</strong>t, 1966.SAUZADE G., RÜCKER C., "L’aven <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Mort</strong> <strong>de</strong> <strong>Lambert</strong> à Valbonne,Alpes-Maritimes : lieu <strong>de</strong> culte à l’âge <strong>du</strong> <strong>bronze</strong>", Actes <strong>du</strong> Colloque<strong>de</strong> Ten<strong>de</strong> (Alpes-Maritimes), Juillet 1991, p. 663.SCHOUR I., MASSLER B.-S., "Studies on Tooth Developpment", JournalAmer. Dent. Ass., 27, 1940, p. 1778.ÜBELAKER D.-H., Human skeletal remains. Excavation, analysis, interpretation.Chicago, Aldine Publishing Company, 1978.VERGER-PRATOUCY J.-C., "Histoire <strong>de</strong>s extractions <strong>de</strong>ntaires : mise aupoint concernant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> préhistorique", Actualités Odonto-Stomatologiques, 111, déc. 1975, p. 421-427.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!