Rêvesdefemme,femmesderêveEntretien entreJosé Alvarez et Pascal AmelGaleries nationalesdu Grand Palais, Paris.Du 24 mars au 17 juin 2012.Helmut Newton.Commissariat : June Newton.Self-portrait with wife and models, Paris.1981.
le même : Helmut sortait un minusculecarnet sur lequel il consignait ses idées, demême que les détails de la prise de vue, etdemandait à June, – après lui avoir donnéle détail des vêtements – « Qu’est-ce que jepourrais faire ?» Et alors, les propositionsde June fusaient. À la sortie du magazine jereconnaissais les idées de June, métamorphoséespar le talent du maître.June n’a jamais été son assistante au senspropre du terme. Elle-même avait sa vie,ses activités propres. Elle fut par exemple,un excellent peintre, après avoir été unetrès grande actrice de théâtre à Melbourne,puis à Londres, où elle fit une prodigieusecarrière à la télévision. Carrière, que leurinstallation en France, stoppa. Dans lesannées 70, elle commença à photographieren choisissant pour sujet le portrait,sous le pseudonyme d’Alice Springs. LesÉditions du Regard publièrent un premierlivre de ses portraits en 1981. Phénomènepour le moins intéressant, à la parutionde cet ouvrage, Helmut, tout en appréciantle travail d’Alice, eut l’idée de réaliserdes portraits lui-même et demanda àla revue américaine, Vanity Fair, de lui encommander.June, je pense, a l’œil absolu. C’est ellequi a réalisé l’ensemble des catalogueset des livres consacrés à Helmut Newton,de même qu’elle a été la commissaire dechacune de ses expositions. Il n’y a doncrien d’extraordinaire à ce qu’elle soitaujourd’hui commissaire de la rétrospectiveque lui consacre le Grand Palais.Expositions66Catherine Deneuve, Paris.1976.Pascal Amel | Vous avez fort bien connu Helmut Newton, décédé il ya quelques années, en 2004, et vous êtes toujours en relationamicale avec sa femme June qui fut beaucoup plus que son« assistante » puisqu’elle est – aujourd’hui – la commissaire del’exposition. Pouvez-vous nous parler du couple Newton dontvous dressez le portrait dans le catalogue de l’exposition ? Durôle de chacun d’eux dans l’invention des œuvres photographiquesvisibles au Grand Palais ?José Alvarez | J’ai fait la connaissance d’Helmut et de June Newtonen mai 1968, invité par des amis au restaurant La Grille, rueMontorgueil à Paris. À l’instar des grands créateurs, Newtonest unique. Avant de faire sa connaissance, je savais le trèsgrand photographe de mode qu’il était déjà et dont j’appréciaisle travail, l’univers, les propositions très personnelles,révolutionnaires à cette époque. L’amitié qui bientôt nousa liés, m’a permis, dans leur intimité au cours d’un repas,d’assister à l’élaboration d’une séance de photos pour unmagazine. Le scénario n’était pas immuable, mais souventPA | Pouvez-vous nous décrire davantagele processus de création entre Helmut etJune ? Il y a par exemple cette photo trèsconnue d’Helmut où on le voit effectuer laprise de vue d’un modèle nu (tous deux sereflétant dans un miroir), et June – de face –le(s) regardant. D’un point de vue esthétiquec’est un espace que l’on pourrait qualifierde maniériste ou de baroque avec plusieurslignes de fuite. Qu’en est-il de leur culturevisuelle ? Quelles étaient leurs références ?JA | Il y a dans la composition de cette photoquelque chose qui s’apparente aux Méninesde Vélasquez et aux Epoux Arnolfini deVan Eyck. Le corps du photographe, invisibleau centre du dispositif, s’empare del’avant-scène en se reflétant par un jeu demiroirs, auprès du mannequin nu, sous >YSL, French Vogue, Rue Aubriot, Paris.1975.