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novembre 2005 - Ordre des évaluateurs agréés du Québec

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25ansde laLoi sur lafiscalitémunicipaleL.R.Q., c. F 2.1Le conceptde valeur enévaluationmunicipaleparErnest Lépine, É.A. etLuc Villiard, avocat/05NOVEMBRENo 2


z/ 2EN ANNEXE – Numéro 2, <strong>novembre</strong> <strong>2005</strong>Revue québécoise de l'évaluation immobilière publiée par l'<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong><strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>La revue EN ANNEXE est la revue québécoise <strong>des</strong> recherches et pratiques enévaluation immobilière; ses objectifs sont l'avancement de la science de l'évaluationet l'amélioration de l'exercice de la profession. Les articles publiés sont de naturescientifique ou de vulgarisation et comportent <strong>des</strong> sujets originaux. La revue s'adresseaux membres, stagiaires, étudiants et partenaires de l'<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong><strong>du</strong> <strong>Québec</strong> ainsi qu'à toute personne ou organisme qui s'intéresse de près ou de loinà l'évaluation.L'<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>Fondé en 1969, l'<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> (OEAQ) est régi par leCode <strong>des</strong> professions.La mission première de l'<strong>Ordre</strong> est de protéger l'intérêt <strong>du</strong> public en garantissant leprofessionnalisme de ses membres. De plus, l'OEAQ s'est fixé comme objectifd'assurer le développement professionnel de ces derniers.Administré par un Bureau formé de seize membres dont un(e) président(e) et troisreprésentants <strong>du</strong> public, l'<strong>Ordre</strong> a créé <strong>des</strong> comités de travail chargés de mettre enapplication divers mécanismes <strong>du</strong> système professionnel québécois assurant laprotection <strong>du</strong> public.À titre d'exemple, tout acte professionnel relevant <strong>des</strong> activités <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong>est soumis à la surveillance <strong>du</strong> Comité d'inspection professionnelle chargé de fairerespecter les normes de pratique reconnues par l'<strong>Ordre</strong>.Seul le titre « ÉVALUATEUR AGRÉÉ », utilisé par les membres de l’<strong>Ordre</strong>, garantit leurcompétence et par le fait même, <strong>des</strong> services de qualité. Pour vérifier si un évaluateurest inscrit au Tableau <strong>des</strong> membres, on peut s'adresser à l’OEAQ.


TABLE DES MATIÈRESz/ 3NOTES CONCERNANT LES AUTEURS 4PRÉSENTATION 5INTRODUCTION 5PARTIE 1Le concept de valeur – l’état <strong>du</strong> droit – l’évolution historique• Avant 1971 6•La Loi sur l’évaluation foncière de 1971 (c.50) 6• Modification de 1973 à la Loi sur l’évaluation foncière de 1971 20•La Loi sur la fiscalité municipale de 1979 (projet de loi 57) 23• Conclusion de la partie 1 39PARTIE 2L’expérience devant les tribunaux• Sun Life assurance Co. of Canada c. Ville de Montréal 42• La jurisprudence contemporaine 44• Le principe d’équité 49• L’obtention <strong>des</strong> renseignements par l’évaluateur 50• Le régime particulier <strong>des</strong> immeubles à vocation unique 54• Les problèmes de confidentialité <strong>des</strong> documents 56• Le rôle de l’évaluateur dans le cadre de la révision administrative 59• Conclusion de la partie 2 63PARTIE 3Le champ de pratique de l’évalulation municipale• Le contexte de l’évaluation municipale 68• Les notions de valeur objective et de valeur subjective 68• Le contexte et la valeur <strong>des</strong> renseignements recueillis par l’évaluateur 71• La valeur réelle d’une unité d’évaluation qui n’est pas susceptible defaire l’objet d’une vente de gré à gré 75• Le processus de l’évaluation municipale 79• La différence entre la valeur réelle et la valeur marchande 81• Conclusion de la partie 3 86CONCLUSION GÉNÉRALE 88LISTE DES JUGEMENTS CITÉS 89


z/ 4NOTES CONCERNANTLES AUTEURSÉvaluateur agréé depuis 1973, Ernest Lépine a œuvrédans les différents champs de pratique, <strong>du</strong> financementhypothécaire, de l’expertise et de l’expropriation, del’assurance sur les biens immobiliers ainsi que del’évaluation municipale.M. Lépine travaille au Service de l’évaluation de la Ville deLaval depuis 1976. Il a occupé successivement les fonctionsde chef de division responsable <strong>des</strong> acquisitions et <strong>des</strong>dispositions d’immeubles, d’assistant directeur à compterde 1995 et de directeur <strong>du</strong> Service de l’évaluation depuis1999. À ce titre, il est le signataire <strong>du</strong> rôle d’évaluationfoncière; il est notamment responsable de l’évaluation à <strong>des</strong>fins d’acquisition et de disposition <strong>des</strong> immeubles ainsique de l’évaluation à <strong>des</strong> fins d’assurance sur les biensimmobiliers municipaux.M. Lépine s’est impliqué à titre d’administrateur <strong>du</strong> bureauet comme examinateur pour le comité d’admission del’<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>. Il est égalementmembre de l’Association <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> municipaux<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.M. Lépine a été chargé de cours en évaluation foncière auCollège Ahuntsic et à l’Université <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> à Montréal. Ila également agi en tant que formateur à l’occasion de laréforme en évaluation foncière dans le cadre de séminairesdonnés par l’École nationale de l’administration publique(ENAP). Il a aussi œuvré comme conseiller professionnel etcomme membre <strong>du</strong> comité administratif <strong>du</strong> Laboratoire derecherche en sciences immobilières de l’UQAM. (LARSI)Luc Villiard est membre <strong>du</strong> Barreau <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> depuis 1980et titulaire d’une maîtrise en fiscalité de l’Université deSherbrooke depuis 1981. Depuis son admission au Barreau,M e Villiard a pratiqué le droit à Laval au sein <strong>du</strong> cabinet dePaul Le<strong>du</strong>c qui a fusionné avec le cabinet Lavery, de Billyen février 1997.Bien qu’il soit considéré comme un avocat généraliste,M e Villiard se spécialise surtout en fiscalité municipale eten droit commercial.M e Villiard a été membre <strong>du</strong> comité juridique formé parl’Union <strong>des</strong> municipalités de la province de <strong>Québec</strong> dansle cadre de la « Réforme Ryan » et a participé, à titre deformateur, à plusieurs sessions de formation permanentedonnées par l’<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.En plus d’agir à titre de conseiller auprès de plusieursmunicipalités et commissions scolaires en matière fiscale,M e Villiard a représenté ces dernières devant le Bureau derévision de l’évaluation foncière <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> (maintenantconnu sous le nom <strong>du</strong> Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>),la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> et la Cour d’appel.Depuis 1994, il est membre <strong>du</strong> Comité sur les tribunauxadministratifs <strong>du</strong> Barreau <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> et depuis 2003, il estmembre <strong>du</strong> comité de liaison entre le Barreau <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>et le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.M e Villiard est également chargé de superviser l’ensemble<strong>des</strong> dossiers, civil et commercial, relevant <strong>du</strong> cabinet deLaval, ce qui l’amène à plaider régulièrement devant lestribunaux de droit commun.


PRÉSENTATION z/ 5C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous vous présentons cet ouvrage traitant <strong>du</strong>concept de valeur en évaluation municipale. Il est le résultat de recherches et d’analysesassorties de nombreuses références et d’années d’expérience et de partage que les auteursont vécues au cours de leur pratique professionnelle.Les recherches effectuées et la compréhension que nous avons dégagées dans notre étudefourniront un éclairage peut-être nouveau pour certains, et pour d’autres serviront d’appui àleur expérience souvent troublée par la controverse. Cet ouvrage, à son mo<strong>des</strong>te niveau, estavant tout un effort de compréhension et de lucidité dans la mesure où il propose à tous ceuxqui le liront d’appréhender différemment les concepts de valeur réelle et de valeur marchande.Nous vous proposons une façon originale, voire didactique, de faire le point sur un conceptde valeur qui est fondamental à la pratique professionnelle de l’évaluation municipale. Nousabordons la question <strong>du</strong> concept de valeur selon les trois grands thèmes suivants :• Historique <strong>du</strong> concept de valeur;• Expérience devant les tribunaux;• Champ de pratique de l’évaluation municipale.Plusieurs d’entre vous reconnaîtront les approches ou démarches qu’ils ont eux-mêmesexpérimentées au cours de leur pratique professionnelle.Nous espérons que vous serez stimulé par l’utilité <strong>du</strong> présent ouvrage qui n’engage que laresponsabilité <strong>des</strong> auteurs.INTRODUCTIONL’arrêt de la Cour suprême <strong>du</strong> Canada <strong>du</strong> 21 février 1950 impliquant la Sun Life assuranceCo. of Canada et la Ville de Montréal a statué que les termes valeur marchande et valeur réelleétaient synonymes.Malgré ce jugement de la Cour suprême, une certaine confusion persiste toujours dans lemilieu <strong>du</strong> champ de pratique de l’évaluation municipale. Faut-il y voir la manifestationd’intérêts opposés <strong>du</strong> propriétaire <strong>du</strong> droit immobilier dont la finalité subjective s’oppose à lafinalité objective de la Loi sur la fiscalité municipale ?Le concept de la valeur réelle édicté dans la Loi sur la fiscalité municipale n’a-t-il pas pour butde clarifier cette situation et de fournir à l’évaluateur municipal les balises lui permettantd’estimer la valeur foncière de tous les immeubles, en tenant compte <strong>du</strong> principe d’équité ?Au cours de cet ouvrage, nous vous entretiendrons de l’état <strong>du</strong> droit, de la jurisprudence etde la doctrine d’évaluation en regard <strong>du</strong> concept de la valeur <strong>des</strong> immeubles en évaluationmunicipale.


z/ 6PARTIE 1Le concept de valeur – L’état <strong>du</strong> droit –L’évolution historiqueAvant 1971Au début <strong>du</strong> siècle dernier, la confection <strong>des</strong>rôles d’évaluation était régie par la Loi sur lescités et villes ou le Code municipal. L’appartenanceà l’une ou l’autre loi découle <strong>du</strong> statutconstitutif de chacune <strong>des</strong> municipalités <strong>du</strong><strong>Québec</strong>.Aussi, certaines municipalités ont obtenu <strong>des</strong>dispositions particulières par leur charte : c’estnotamment le cas de la charte de la Ville deMontréal.Ainsi, les statuts refon<strong>du</strong>s de 1909 de la Loi surles cités et villes stipulaient à propos <strong>des</strong> rôlesd’évaluation :art. 5696. Il est <strong>du</strong> devoir <strong>des</strong> estimateursde faire, chaque année, au temps et en lamanière ordonnés par le conseil, l’évaluation<strong>des</strong> biens imposables de la municipalité,suivant leur valeur réelle.art. 5699. La valeur réelle <strong>des</strong> biens-fondsimposable dans la municipalité comprendla valeur <strong>des</strong> terrains et celle <strong>des</strong>constructions, usines et machinerie et leursaccessoires qui y sont érigés, et celle detoutes les améliorations qui y sont faites.La Loi sur les cités et villes ne donnait aucunedéfinition de la valeur réelle. Malgré certainesmodifications apportées en 1941, 1943, 1963et 1979, soit avant l’adoption de la Loi surl’évaluation foncière, il n’y a eu aucunemodification <strong>du</strong> devoir de l’évaluateur defaire l’évaluation <strong>des</strong> biens imposables dela municipalité suivant la valeur réelle niaucune définition de ce qu’on entendait parvaleur réelle.Loi sur l’évaluation foncière de1971 (c.50)L’histoire plus contemporaine commence doncavec la première loi cadre sur l’évaluationfoncière adoptée le 23 décembre 1971 (projetde loi 48). L’article 1 donne les définitionssuivantes <strong>des</strong> mots :art. 1 k) rôle : le rôle de la valeur marchande<strong>des</strong> immeubles;art. 1 q) valeur marchande : le prix le plusprobable, compte tenu <strong>des</strong> données<strong>du</strong> marché immobilier au moment del’évaluation d’une vente librement consentiede part et d’autre, avec une connaissanceconvenable de la valeur physique dépréciéede l’immeuble et de sa valeur économiqueactuelle et potentielle, ce prix pouvant encas d’absence ou d’insuffisance <strong>du</strong> marchéou de ses données, être établi uniquementselon la valeur physique dépréciée ou selonla valeur économique actuelle et potentielle,ou selon l’une et l’autre.Il faut savoir qu’à cette époque les municipalités<strong>du</strong> <strong>Québec</strong> faisaient elles-mêmes leur rôled’évaluation et souvent sur <strong>des</strong> bases et <strong>des</strong>critères différents. Il s’agissait donc d’adopterune loi uniforme afin d’avoir un rôle d’évaluationqui serait basé sur <strong>des</strong> normes et <strong>des</strong> critèresidentiques dans toutes les municipalités. Ils’agissait donc d’établir une règle d’équité etde justice.Cette loi sur l’évaluation foncière a intro<strong>du</strong>it,pour la première fois, le concept de valeurmarchande, le manuel d’évaluation foncière etl’obligation pour toute municipalité de pourvoirà la nomination d’un évaluateur qui devradétenir un certificat délivré par la Commissionmunicipale <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Ce projet de loi était considéré commeextrêmement important par le gouvernement,les municipalités, les propriétaires fonciers etles institutions financières. Une commissionpermanente <strong>des</strong> affaires municipales avait étéinstaurée, aux fins d’étudier article par articlece projet de loi, où quatre-vingt (80) mémoiresont été déposés et trente-six (36) organismes,associations, compagnies ou autres regroupementsont été enten<strong>du</strong>s.Quelles ont été les préoccupations <strong>des</strong>principaux intervenants à cette commissionparlementaire, plus particulièrement en cequi concerne le concept de valeur marchandeproposé à l’article 1 de la loi ?


z/ 7Parmi les organismes convoqués, la Corporationprofessionnelle <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong><strong>Québec</strong> (maintenant l’<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong><strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>), représentée par M e GillesHébert, avocat, soulignait :« Qu’une loi unique d’application généralefacilitera la tâche de tous ceux qui, de prèsou de loin, oeuvrent dans le domaine del’évaluation et de la taxation municipaleet principalement, les <strong>évaluateurs</strong>municipaux. »Et ajoutait à propos de l’article 1 de la loi :« Nous croyons que l’appellation valeurmarchande devrait être définie. Si ce n’estpas fait dans la loi, il faudrait au moins quecela apparaisse dans le manuel d’évaluationqui servira de base et de guide et qui serapublié à la suite de l’adoption de la loi. »À son tour invitée à prendre la parole,l’Association <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> municipaux<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, représentée par M. Jean-JacquesLacroix, alors évaluateur agréé à Trois-Rivières,a fait une intervention remarquée à propos <strong>du</strong>terme valeur marchande :« Nous sommes fortement d’opinion qu’ilserait nécessaire d’ajouter à l'article 1 unedéfinition de ce terme et ce, pour deuxraisons. D’abord, pour établir la distinctionqui s’impose entre la notion de prix et,en second lieu, pour couvrir les cas <strong>des</strong>immeubles dont la valeur ne peut s’établirselon les conditions <strong>du</strong> marché parce qu’ilsne font jamais l’objet de ventes. »Il soumet au président de la commission, ladéfinition suivante à être incluse à l’article 1 :« Valeur marchande : La somme probable quiconstitue le prix auquel un immeublepourrait se vendre après avoir été offerten vente pendant une période de tempsraisonnable, selon les conditions généraleset particulières <strong>du</strong> marché au momentde l’évaluation, entre un vendeur et unacheteur, tous deux agissant librement etsans contrainte et étant convenablementinformés <strong>des</strong> conditions de l’immeuble etde l’utilisation la plus avantageuse pourlaquelle il est adapté ou pour laquelle il peutêtre employé; toutefois, lorsque cette valeurne peut être établie à l’égard d’un immeuble,faute de données disponibles en rapportavec le marché, elle peut être établie par <strong>des</strong>moyens indirects, incluant la valeur deremplacement dépréciée. »En ajoutant :« Cette définition est celle qui est tirée ettra<strong>du</strong>ite <strong>du</strong> lexique de l’American Institute ofReal Estate Appraisers et elle apparaît dansplusieurs jugements, en particulier danscelui de la Ville de Montréal c. Sun Lifeassurance Co. of Canada, qui s’est permis derésumer et de rapporter tous les jugementsantérieurs. Elle apparaît d’ailleurs, pour lapremière fois, dans un jugement de la Coursuprême <strong>des</strong> États-Unis en 1894. »Parlant de l’article 9 <strong>du</strong> projet de loi,M. Lacroix dit :« Cet article stipule que tout immeuble doitêtre porté au rôle à sa valeur marchande.À notre avis, il serait préférable de dire à lavaleur marchande, car en disant à sa valeurmarchande cela implique que l’évaluateurdevra faire une expertise pour chaqueimmeuble. »À l’étude de l’article 96 relativement au droitd’en appeler d’un jugement <strong>du</strong> Tribunal del’évaluation foncière auprès de la Cour d’appel,M. Lacroix propose d’établir la conditionsuivante :« …que l’écart devrait être au moins de10 p.c. entre le montant de l’évaluationdécidé par le tribunal et la valeur demandéepar le plaignant…Si on tient compte que l’évaluateur fait del’évaluation en série, ce qu’on appellecommunément <strong>du</strong> mass appraisal et que cesmétho<strong>des</strong> sont orientées vers une uniformitérelative, il faut reconnaître que cetteméthode d’évaluation ne peut pas pro<strong>du</strong>ire


z/ 8de résultats aussi précis qu’une expertiseindivi<strong>du</strong>elle de chaque immeuble. Latechnique et les procédés d’évaluation ensérie ont été développés pour les fins del’évaluation municipale en vue d’obtenir <strong>des</strong>évaluations justes et équitables au moyend’opérations permettant d’atteindre le butvisé en consacrant moins de temps etpartant moins de dépenses que pour uneexpertise indivi<strong>du</strong>elle.Il est reconnu que la valeur d’un immeubleest pour une bonne part une affaire d’opinionparce que bien souvent les donnéesdisponibles ne permettent pas d’établir lavaleur avec une exactitude mathématique.De plus la valeur n’est pas statique. Elleévolue constamment sous l’influence dedivers facteurs tels que la conjonctureéconomique, les conditions d’une localitéet même d’un quartier et les conditionsparticulières à un immeuble. Tout changementde ces conditions peut modifierdans une certaine mesure la valeur immobilière<strong>du</strong>rant la période de confection <strong>du</strong>rôle et aussi entre l’époque où l’évaluateurfait l’évaluation et l’époque où lecontribuable porte plainte.En tenant compte de ces éléments quiconditionnent le travail de l’évaluateurmunicipal, on doit considérer l’écart entreune évaluation en masse et celle obtenuepar expertise indivi<strong>du</strong>elle comme une margede tolérance plutôt que comme une marged’erreur. Et cette marge de tolérance asouvent été reconnue par les tribunauxcomme pouvant s’élever à 10 p.c. en plus ouen moins, sans que cela constitue une erreurgrave justifiant l’intervention <strong>des</strong> tribunaux.On ne devrait pas ré<strong>du</strong>ire cette marge detolérance à moins de 10 p.c. parce que celacompromettrait l’application <strong>des</strong> procédésde l’évaluation en série. »Cette intervention de M. Lacroix mettaitainsi fin au mémoire présenté par l’Association<strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> municipaux <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> le9 septembre 1971.Par la suite, dans la période de commentaires etquestions <strong>des</strong> membres de la commissionparlementaire concernant le mémoire del’Association <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> municipaux <strong>du</strong><strong>Québec</strong>, les échanges suivants ont eu lieu :« M. le président :La parole est au député de Dubuc.M. Rock Boivin :Je félicite votre association et particulièrementM. Lacroix de la façon dont il a faitses remarques sur le projet de loi. J’ai <strong>des</strong>craintes aussi sur le terme de valeurmarchande dont il est question ici, dans laloi, et je remarque que la définition de valeurmarchande que vous avez donnée serapproche beaucoup de la définition de lavaleur réelle, telle que mentionnée au Codemunicipal. J’ai les mêmes craintes que vousque la valeur marchande soit de nature àapprécier la petite propriété foncière et àdéprécier certaines grosses valeurs où on serattachera beaucoup plus à la notion de prixque de valeur. Pour expliquer un peu mescraintes…M. Maurice Tessier, ministre <strong>des</strong> Affairesmunicipales :M. le président, si mon collègue, le députéde Dubuc le permet, afin de sauver <strong>du</strong>temps, je peux dire immédiatement quenous avons révisé la définition de la valeurmarchande et que nous avons tenu compte<strong>des</strong> suggestions faites par l’association.M. Rock Boivin :J’aimerais bien, par exemple, qu’il puissenous donner son opinion, par exemple, surle terme de valeur marchande et de valeurréelle. C’est une chose tout de même quenous avons au Code municipal depuis <strong>des</strong>années. Je partage certaines craintes etj’aimerais avoir l’opinion de gens qui ontœuvré…M. Maurice Tessier :Dans le mémoire on le définit bien.


z/ 9M. Rock Boivin :Pas absolument dans le mémoire, il a donnéune définition que je n’ai pas totalementretrouvée dans le mémoire.M. Maurice Tessier :Bien oui…M. Rock Boivin :Je voudrais avoir …M. Maurice Tessier :…nous l’avons à la page 3.M. Rock Boivin :Mais j’ai remarqué, lorsqu’il a lu ce passagelà,que la définition n’était pas exactementcomme dans le mémoire.Je voudrais qu’il étale un peu plus sonopinion ou ses craintes quant au termevaleur marchande, parce que je me proposed’intervenir en chambre si cette chose n’estpas nette.M. Jean-Jacques Lacroix :M. le président, on pourrait peut-être direque la définition donnée pour la valeurmarchande dans notre mémoire pourrait,avec un minimum de modifications,s’adapter pour devenir une définition dela valeur réelle.La valeur marchande est un concept, commevient de le dire l’honorable député, qui estpeut-être plus facile à établir dans le cas <strong>des</strong>propriétés qui sont ordinairement soumisesaux lois <strong>du</strong> marché, alors que la valeur réelle,c’est par l’habitude et par la jurisprudencequ’on a fini par la définir et par lui donnerles cadres qui, en somme, s’assimilaient,dans le cours ordinaire <strong>des</strong> choses, auconcept de la valeur marchande.M. Rock Boivin :Pour faire suite à la question que j’ai poséetout à l’heure à M. Lacroix, je ne suis passatisfait. Quelle différence mettrez-vousentre la définition que vous donnerez de lavaleur marchande et la définition de lavaleur réelle ? Si vous définissez la valeurmarchande comme la valeur réelle, pourquoine l’appellerait-on pas la valeur réelle aulieu de la valeur marchande et en faire touteune grande définition qui reviendrait à lamême chose.M. Maurice Tessier :C’est la même chose.M. Rock Boivin :Je ne vois pas la même chose, moi. Je trouvesage de faire une distinction dans cesdéfinitions parce qu’il y a la notion de valeuret la notion de prix. La valeur marchanderapproche toujours l’offre et la demande.M. Maurice Tessier :C’est ça.M. Rock Boivin :Vous revenez à ma conclusion de tout àl’heure. Si vous donnez trop d’importance àla valeur marchande, ça va augmenter lavaleur de la petite propriété foncière qui vatoujours se maintenir à un prix très élevéquant la grosse propriété, qui n’a pasd’acheteur, va se maintenir plus bas.M. Maurice Tessier :Dans les normes, on va tenir compte de cesfacteurs-là.M. Rock Boivin :Moi, je voudrais avoir la distinction entre savaleur marchande et sa valeur réelle, tellequ’au Code municipal.M. le président :La parole est à M. Lacroix.M. Jean-Jacques Lacroix :M. le président, vous concevrez que laréponse à cette question n’est pas facile àtrouver. Cela met en cause <strong>des</strong> principes et<strong>des</strong> notions de prix, de valeur, de coût. Onconçoit aussi que la valeur réelle, de la façondont les jugements l’ont définie le plussouvent, c’était, en somme, la valeur marchande,mais ça pouvait aussi, dans certainscas, être autre chose. Certains jugementsont dit : Oui, mais, dans ce cas particulier,ce n’est pas ça.


z/ 10De toute manière, qu’on adopte commedéfinition dans la loi la valeur réelle ou lavaleur marchande ou tout autre qualificatifde la valeur, en autant qu’on dise, pour secomprendre, ce qu’on entend par cettevaleur-là, cela ira.Tandis que, si l’on dit que c’est quelquechose la valeur réelle, la valeur marchande,la valeur normale, la valeur actuelle,n’importe quel qualificatif avec le motvaleur, et qu’on ne dise pas ce qu’on entendpar ce qualificatif, il va falloir que quelqu’unle définisse. Ce quelqu’un sera probablementla cour, les tribunaux. Dans notreopinion, il est plus normal que la loi soitfaite par les législateurs que par lestribunaux. Nous préférons que la loi faitepar les législateurs permette uneinterprétation sur laquelle on s’entend.M. Armand Bois :M. le président, j’aurais une autre question àposer à M. Lacroix. Ne trouvez-vous pasqu’il serait mieux dans la définition, pourl’optique générale <strong>du</strong> bill, d’utiliser le motvaleur actuelle ? Valeur marchande peutprêter à une foule d’interprétations, c’est-àdirequ’on peut donner parfois <strong>des</strong> valeursinterprétatives à une chose alors qu’enréalité le commerce lui-même qui estexploité sur les lieux ne sera pas ce qu’ilpourrait être, par exemple. En fait, ceschoses sont définies par <strong>des</strong> bilans et celademeure quand même personnel à lasociété, à l’indivi<strong>du</strong> qui l’exploite.M. Jean-Jacques Lacroix :Je pensais l’avoir déjà dit auparavant qu’onpouvait dire la valeur actuelle, la valeurnormale, la valeur marchande, la valeur réelleet peut-être plusieurs autres qualificatifs, àla condition qu’on s’entende sur ce que celaveut dire, qu’on le définisse et qu’ons’assure que cela ne cause pas de préjudiceévidemment, parce que ce qu’on cherchec’est la répartition la plus équitable possible<strong>du</strong> fardeau <strong>des</strong> impositions foncières. N’estcepas ?M. Rock Boivin :M. Lacroix, la définition que vous nous avezdonnée de la valeur marchande, est-ce quece n’est pas la définition de la valeuractuelle ? Si je vous demandais de définir lesdeux, quelle différence y aurait-il entre ladéfinition que vous nous avez donnée de lavaleur marchande et la valeur réelle ? Voyezvousune différence entre les deux ?M. Jean-Jacques Lacroix :Cela pourrait aussi être encore unedéfinition qui s’appliquerait à la valeuractuelle. Il n’y a pas de contradictionabsolue.M. Rock Boivin :Dans la conception que vous vous faitesde la valeur réelle telle que décrite par lajurisprudence, telle que décrite au codemunicipal, quelle différence voyez-vousavec la définition que vous avez donnéece matin ?M. Jean-Jacques Lacroix :Je n’en vois pas tellement, je vous l’avoue.Seulement, cela fait longtemps qu’elleexiste, la valeur réelle, et on sait quedifférentes personnes l’ont interprétée dedifférentes façons. Au sujet <strong>du</strong> principe quiconsiste à avoir un nouveau mot, qu’ons’entende sur une définition de cettenouvelle <strong>des</strong>cription et qu’à partir de cela onfonctionne. Personnellement, je vous avoueque cela me plaît assez, mais je n’aurais pard’objection à ce qu’on revienne à dire lavaleur réelle au lieu de la valeur marchandeparce qu’à ce moment-là on pourrait profiter<strong>des</strong> jurisprudences qui ont été établiesauparavant.M. le président :Est-ce que vous me permettez d’ajouter unmot ici ? Lorsqu’on parle de valeur réelle entermes comptables, c’est la valeur d’achatmoins la dépréciation, et cela nous donne lavaleur réelle. À ce moment, je pense qu’il yaurait peut-être une confusion.


z/ 11M. Jean-Jacques Lacroix :Évidemment, je soumettais tantôt qu’onn’avait pas d’objection en autant qu’on ladéfinisse pour qu’on dise exactement cequ’on veut dire quand on emploie les motsvaleur réelle, valeur actuelle, valeur normaleet valeur marchande.M. Rock Boivin :Vous voyez un danger, de parler de valeurmarchande, puisque vous avez mentionné,ce matin, que l’on confond un peu la notionde valeur et la notion de prix. Je pense quevous avez raison là-<strong>des</strong>sus et c’est pour çaque j’insiste pour que vous saisissiez ladistinction entre la valeur marchande et lavaleur réelle.M. Jean-Jacques Lacroix :Je soumets respectueusement que la mêmedistinction s’appliquerait, même si c’était lavaleur réelle qu’on aurait utilisée au lieu dela valeur marchande, entre la valeur réelle,qui est un concept d’ordre général, et savaleur réelle, qui est un concept d’ordreparticulier. L’objection qu’on y voyait, c’estqu’en fait l’évaluateur, fatalement, par sesfonctions d’évaluateur municipal, doitprocéder sur un très grand nombred’immeubles, et ce qu’il recherche, c’est cequ’on pourrait appeler la valeur généralemoyenne marchande d’une propriété situéede telle façon dans tel contexte, etc., et nonpas nécessairement dans tous les cas tousles travaux qui vont jusqu’à l’expertise, quiest un travail beaucoup plus long, doncbeaucoup plus coûteux, beaucoup pluscompliqué. »L’Association <strong>des</strong> banquiers canadiens représentéepar Monsieur André Dionne, alorsévaluateur agréé à la Banque Royale <strong>du</strong> Canadaa été invitée à soumettre ses commentaireset suggestions suivants concernant le projetde loi 48.« À l’article 1, M. le président, nous suggéronsd’insérer une définition de la valeur marchande.La valeur marchande pourraitse définir comme étant le montant réalisélors de la vente d’un immeuble entre unvendeur et un acheteur consentants.L’article 9 prévoit que la valeur marchandedoit être établie conformément au manueld’évaluation. Nous suggérons que le manueld’évaluation soit utilisé seulement à titrede guide et que l’évaluation se fasseconformément à la valeur marchande, telque mentionné précédemment à l’article 1. »Répondant à une interrogation de M. LucienLessard, membre de la commission parlementaireau sujet de la définition qu’il fait de lavaleur marchande, M. Dionne répond :« Ici c’est une indication. La valeur marchandeest obtenue non seulement avec une seuletransaction, une seule vente, mais beaucoupplus à l’aide d’un nombre plus considérablepossible de transactions, afin d’établir <strong>des</strong>moyennes représentatives pour chacun <strong>des</strong>secteurs étudiés et pour chacune <strong>des</strong>catégories de bâtiments. Alors, ici la valeurmarchande serait non pas l’indication d’unepropriété comme étant la valeur marchandede cette propriété, mais comme étantl’indication de la valeur marchande pour <strong>des</strong>propriétés semblables dans un secteuréquivalent. »Appelée à présenter son mémoire, l’Union <strong>des</strong>municipalités <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> par la voie de sonprésident M. Réal Desrosiers, salue avecsatisfaction l’intro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> projet de loi surl’évaluation foncière. Elle endosse globalementles mémoires présentés par la Corporation <strong>des</strong><strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> et l’Association<strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> municipaux.Au sujet de la valeur marchande définie àl’article 1 de la loi, l’Union <strong>des</strong> municipalités <strong>du</strong><strong>Québec</strong> préférait conserver le concept de lavaleur réelle et à ce propos elle dit :« Il y aurait lieu de conserver le concept de lavaleur réelle plutôt que d’utiliser la valeur


z/ 12marchande et de la définir. En effet, la valeurmarchande n’est qu’un <strong>des</strong> éléments servantà établir la valeur réelle. S’il n’existe pas dedonnées pertinentes au marché, il faut quel’évaluateur puisse utiliser d’autres approches,c’est-à-dire la valeur de remplacementsoumise aux dépréciations de toutes natures.Ici, je fais un aparté pour dire que noussommes d’accord sur les explications quiont été données tantôt par le ministre etpar les estimateurs municipaux pour direque n’importe quel terme peut être acceptable.On peut dire que le terme de valeurmarchande est acceptable pour autantqu’on le définisse et qu’il veuille dire cequ’on veut bien dire. »Présentant leur mémoire commun, les villes deBaie-Comeau, Hauterive et Sept-Iles, représentéespar M e Rouleau, soumettent leursobservations à l’égard <strong>du</strong> projet de loi 48. Elless’opposent d’abord à l’augmentation <strong>du</strong> régime<strong>des</strong> exemptions prévues par le projet de loi,pour ensuite souligner le manque de précisionet l’absence de définitions fondamentales dontcelle de valeur marchande ou réelle.« Dans le passé, les difficultés venaient del’absence de normes et de définitions de laloi. Nous soulignons que le manque deprécision et l’absence de définitionsfondamentales dans le projet de loi actuelentraîneront peut-être de plus gran<strong>des</strong>difficultés.À l’article 1, M. le ministre a déjà déclaréque la valeur marchande serait définie dansle projet de loi.On sait que les difficultés <strong>du</strong> passé venaient<strong>du</strong> manque de définitions dans la Loi ou leCode municipal. La jurisprudence avait alorsdéterminé une définition de la valeur réelle.De plus, la coutume comme la jurisprudence,jusqu’à ce jour, voulaient que la valeur réellese retrouve par différentes métho<strong>des</strong>. Labase de la recherche de la valeur vénales’établissait au moyen de comparaison avec<strong>des</strong> ventes de propriétés identiques oucomparables. Si cela n’était pas possiblejusqu’à aujourd’hui, la jurisprudenceindiquait qu’il fallait rechercher la valeurréelle par <strong>des</strong> facteurs de valeur deremplacement et de valeur économique.Le projet de loi veut tout baser sur le marketou rental value mais sans définir ces termes.On nous dit que ce sera défini. Est-ce que cesera défini en fonction de l’expérience de lajurisprudence qui existe aujourd’hui ?Le manuel indique bien <strong>des</strong> indices de lavaleur réelle comme les ventes d’immeublescomparables, la valeur capitalisée <strong>du</strong> revenupro<strong>du</strong>it par l’immeuble ou le coût d’unimmeuble comparable, mais nous croyonsque cela laissera une ouverture, s’il restetel quel, à une plus grande interprétationqu’autrefois et mettra de côté une jurisprudencemaintenant arrêtée surplusieurs points. »La ville d’Outremont représentée deM e Jean-Marie Paquet se déclare favorable,en principe, au projet de loi sur l’évaluationfoncière. En ce qui concerne la définition dela valeur celui-ci déclare :« Nous nous demandons, si l’article 9 <strong>du</strong>projet de loi, qui définit la valeur qui doitêtre trouvée en évaluation municipalecomme étant la valeur marchande, n’auraitpas intérêt à revenir à la notion, dis-je, devaleur réelle. Nous comprenons que lajurisprudence a fait une équation entrevaleur marchande et valeur réelle, mais nousnous demandons si le fait de changer lestermes que nous utilisions auparavant, devaleur réelle en ceux de valeur marchande,n’aura pas pour effet de faire perdre auxcontribuables le bénéfice d’une jurisprudencebien établie dans ce domaine-là. »La parole a ensuite été donnée à M. MauriceTessier, ministre <strong>des</strong> Affaires municipales.« M. le président, je voudrais d’abordremercier M. Paquet de son exposé etj’aimerais simplement parler au sujet del’article 9 quant à la valeur marchande etla valeur réelle. Pourquoi en sommes-nousvenus à la conclusion de prendre


z/ 13l’appellation valeur marchande au lieu devaleur réelle ? C’est d’abord parce que la trèsgrande majorité <strong>des</strong> mémoires que nousavons reçus sont d’accord sur l’appellationde valeur marchande au lieu de valeur réelle.De plus, les enquêtes poursuivies, ailleursen dehors de la province, nous ont démontréque dans les autres provinces <strong>du</strong> Canada,de même que dans les États américains,on emploie le mot de valeur marchande.De plus, les manuels et les traités surl’évaluation municipale emploient égalementce mot-là. Nous avons donc voulu avoir uneuniformité afin de faciliter l’interprétation,parce que les <strong>évaluateurs</strong> municipauxdoivent se référer à ces nombreux traitéset manuels pour déterminer la valeurmarchande et non pas la valeur réelle.De plus, il nous est apparu que l’expressionvaleur réelle pouvait prêter à diversesinterprétations; d’ailleurs, nous avons unejurisprudence assez abondante sur le sujetavec <strong>des</strong> interprétations souvent assezcontradictoires. Alors, ce sont les raisonspour lesquelles nous avons cru devoiradopter l’expression valeur marchande. Ence qui concerne vos autres remarques, nousen prenons bonne note.M. Rémi Paul :Le problème avec lequel se trouve auxprises la commission, c’est de trouver unedéfinition <strong>du</strong> terme valeur marchande. Siles membres de la commission, à la lumière<strong>des</strong> mémoires qui nous sont présentés, sonten mesure de trouver une définition quipourrait satisfaire, à toutes fins pratiques,l’utilisation et la portée de ce terme, jecrois que nous aurions mis fin à certainesquestions que se posent beaucoup de gens.Hier, nous avons eu un mémoire qui nousa été présenté par l’Association <strong>des</strong> propriétairesd’aque<strong>du</strong>cs <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>. Je ne sais passi vous étiez présent et si vous avez prisconnaissance de ce mémoire-là. On a tentéde définir le terme valeur marchande commesuit : Prix qu’un vendeur qui n’est pas obligéde vendre et qui n’est pas dépossédé malgrélui, mais qui désire vendre, réussira à avoird’un acheteur qui n’est pas obligé d’acheter,mais qui désire acheter. Nous voyons peutêtredans cette définition l’idée ou la philosophiepratique d’une valeur marchande.C’est une définition lourde, cependant.Est-ce que je pourrais obtenir de vous,une opinion sur cette définition, ou voscommentaires sur cette définition de valeurmarchande, soumise hier ?M. Jean-Marie Paquet :M. le président, la définition qui a étésoumise hier et que l’honorable député deMaskinongé vient de résumer est effectivementla définition que la jurisprudence adonné au terme valeur réelle. On a fait uneéquation entre valeur réelle et valeurmarchande. C’est la définition que l’onretrouve dans la cause de Montmagnydevant la Cour d’appel et qu’on retrouvedevant le Conseil privé dans la cause de SunLife assurance Co. of Canada et, en principe,je n’en vois pas de meilleure. C’est unedéfinition qui est quand même difficiled’application. Cela se vend combien de foisdans un siècle, un aque<strong>du</strong>c ? C’est ça leproblème. Je ne pense pas que l’on puissetrouver autre chose, mais il n’en reste pasmoins que nous sommes obligés d’avoirrecours à <strong>des</strong> approximations et je diraismême à <strong>des</strong> hypocrisies, en faisant un coûtde remplacement d’un aque<strong>du</strong>c pour dire,c’est le prix auquel cet aque<strong>du</strong>c-là sevendrait. Ce sont uniquement <strong>des</strong> fictionslégales, parce qu’en fait, quand on adéterminé le coût de remplacement d’unaque<strong>du</strong>c, il n’y a pas un évaluateur qui peutvous dire sous serment qu’il est sûr que çase vendrait ce prix-là.Effectivement, j’ai cherché longtemps unemeilleure définition que celle-là de la valeurréelle ou de la valeur marchande, et je n’enai pas trouvée. La jurisprudence est fixéelà-<strong>des</strong>sus et je vous soumets respectueusementque, comme elle est fixée et commec’est raisonnablement satisfaisant, il n’y apas lieu de se poser d’autres questions pourla changer. C’est mon opinion personnelle.


z/ 14M. Rémi Paul :Vous respectez la définition <strong>des</strong> tribunaux.M. Jean-Marie Paquet :Je respecte la définition <strong>des</strong> tribunaux, oui,mais je vous avoue franchement que j’en aicherché une autre et que je n’en ai pastrouvé.M. Maurice Tessier :M. Paquet, est-ce que le barreau <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>,lorsqu’il a présenté son mémoire, n’était pasd’accord sur l’expression valeur marchande ?M. Jean-Marie Paquet :Je pense que oui, M. le ministre.M. Maurice Tessier :Est-ce que vous ne représentiez pas, à cemoment-là, le barreau ?M. Jean-Marie Paquet :Oui, M. le ministre.M. Maurice Tessier :Alors, aujourd’hui, vous avez une opiniondifférente représentant un autre client ?M. Jean-Marie Paquet :M. le ministre, je pense avoir pris laprécaution de dire que la jurisprudence avaitfait une équation entre valeur réelle et valeurmarchande. Mais, je suis ici dans un rôled’avocat pour faire valoir les points de vued’un conseil municipal et je n’ai d’autrechoix que celui de faire valoir ces pointsde vue.M. Louis Vézina :M. le président, je veux revenir aux propos<strong>du</strong> député de Maskinongé. C’est un faitqu’on est un peu à la recherche d’unedéfinition <strong>des</strong> mots la valeur marchande.Pour définir la valeur marchande, ce quime fait rire un peu, on se sert de lajurisprudence qui a été établie pourinterpréter les mots la valeur réelle. Je medemande si pour relier l’objection deM e Paquet et l’idée émise par le député deMaskinongé et par le ministre <strong>des</strong> Affairesmunicipales, on ne devrait pas dire que lavaleur marchande est la valeur réelle. On vase rallier à toute la jurisprudence et on vacontinuer. Autrement, on va…M. Jean-Noël Tremblay (Chicoutimi) :Expliquez cela au ministre.M. Rémi Paul :Vous avez remarqué qu’il ne regarde pasparce qu’il sait que nous, nous comprenons.M. Jean-Noël Tremblay (Chicoutimi) :Nous comprenons.M. Louis Vézina :Non mais, je vais vous dire ça trèsclairement, vous allez comprendre.Autrement, je pense qu’on va faire unescission assez importante. Je suis biend’accord avec les <strong>évaluateurs</strong> que ce n’estpas facile de l’appliquer dans plusieurs casd’évaluation. D’un autre côté, je pensequ’il est plus important pour la bonneadministration <strong>du</strong> monde de l’évaluation,pour tous les contribuables <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>,qu’on ait une continuité dans lesinterprétations de nos textes pour quechacun puisse, par l’intermédiaire deconseillers, s’il le faut, savoir où finit sondroit et où commence son obligation.M. Rémi Paul :Est-ce que vous diriez aussi, M. Vézina, quec’est nécessaire d’avoir une uniformité dedéfinition dans nos différentes lois ?M. Louis Vézina :Ces définitions de termes ne sont pastellement <strong>des</strong> définitions que <strong>des</strong> énoncésde principe d’application. Le mot définitionn’est pas très bien choisi. Quand la Coursuprême ou la Cour d’appel interprète lesmots valeur réelle, elles n’essaient pastellement de les définir que d’énoncer le oules principes en vertu <strong>des</strong>quels elles vontrégler le ou les cas qui sont devant elles.Il est important qu’il y ait de la continuité,que ça se tienne ensemble. Si <strong>du</strong> jour aulendemain, vous incorporez les mots valeurmarchande, vous savez qu’il y a une règle


z/ 15d’interprétation qui dit que le législateurn’a pas légiféré pour ne rien dire.Or, c’est très important, parce quequelquefois on a <strong>des</strong> doutes, si elles ontchangé l’expression valeur marchande,si elles ont modifié leur propre loi pourremplacer valeur réelle par valeurmarchande, si les tribunaux vont êtrejustifiés d’arriver à la conclusion que lelégislateur voulait dire autre chose que lavaleur réelle. Or, pour définir la valeurmarchande actuelle, on se sert de ce quia été connu et établi lorsqu’on a tentéd’établir les principes d’application <strong>des</strong>mots valeur réelle.On arrive à un cul de sac. Je me demandetrès honnêtement, sans faire de jeu demots, si la meilleure définition de la valeurmarchande, ce n’est pas de dire, c’est lavaleur réelle.C’est une opinion que j’émets, j’ai eul’occasion d’étudier cette question. Je suisloin d’être convaincu que s’éloigner rigoureusementde ce qui a été établi à date,quitte à l’améliorer, est une bonne solutionlégislative.M. François Gagnon :La valeur marchande, est-ce que ça supposela valeur marchande dans une région, dansun territoire donné, suivant les transactionsqui y sont effectuées, ou si ça suppose lavaleur marchande de chaque propriété enparticulier ?M. Philippe Demers :C’est selon l’économie de la région.M. François Gagnon :Moi, je crois qu’une valeur marchande…Marchande veut dire qu’il y a <strong>des</strong> transactionsqui se font d’une façon générale dansun secteur donné par rapport à l’économie.À ce moment-là, ce sont <strong>des</strong> casd’exception.M. Louis Vézina :Mais il y a <strong>des</strong> choses qui sont horscommerce. Et comme on traite <strong>des</strong> casd’exception…M. François Gagnon :Des aque<strong>du</strong>cs dans la Province, il peut s’envendre peut-être un ou deux annuellement.Ce sont <strong>des</strong> cas d’exception qui demandent<strong>des</strong> experts pour étudier la question.M. Louis Vézina :Oui, mais l’Alcan…M. François Gagnon :Mais même, comme le disait l’avocat toutà l’heure, si les experts étudient en profondeurun service d’aque<strong>du</strong>c, on ne peut paslui donner sa valeur réelle parce que c’estcaché, c’est sous terre. Mais une propriété,ce n’est pas la même chose. Une valeurmarchande, je considère, suivant ce qui s’estdit tout à l’heure et suivant l’expression dela loi, que c’est la valeur <strong>des</strong> propriétés quise vendent dans tel secteur ? À ce momentlà,on établit une moyenne et ça donne unevaleur marchande.Mais ça n’est pas un cas en particulier. Tellemaison, quelle est sa valeur marchande ?Tel type qui l’achète n’est pas obligé del’acheter, celui qui vend n’est pas obligé devendre, c’est faux au départ.M. Louis Vézina :Oui, mais si mon…M. François Gagnon :Je suis convaincu que les <strong>évaluateurs</strong>, à cemoment-là, révisent leurs positions. C’estl’ensemble <strong>des</strong> propriétés ven<strong>du</strong>es dans unsecteur donné par rapport à l’économie, etd’autres facteurs peut-être secondaires quijouent un rôle dans la valeur marchande.M. Louis Vézina :À tout événement c’est un domaineextrêmement difficile et bien fin celui quiporte le flambeau qui con<strong>du</strong>ira cette nationdans la valeur marchande. »


z/ 16Invité à présenter son mémoire, la ville deSherbrooke, par la voie de M. Jacques Besré <strong>du</strong>Service juridique municipal, accompagné d’unmembre <strong>du</strong> Service de l’évaluation municipale,ont voulu comparaître devant la commissionsurtout pour apporter les points de vue <strong>du</strong>Service de l’évaluation, plus particulièrementen ce qui concerne la définition de la valeurmarchande et le manuel d’évaluation. Puisquenous nous intéressons qu’au concept de valeur,ici, nous allons nous limiter aux éléments dediscussion se rapportant à la valeur.« À l’article 1, nous suggérons d’ajouter ladéfinition suivante de la valeur marchande :Le prix de vente le plus probable selon lesconditions générales et particulières aumoment de l’évaluation.Nous aurons l’occasion lorsque nousdiscuterons de l’article…M. Louis Vézina :Comment définissez-vous le prix de vente leplus probable ?M. Jacques Besré :Par l’analyse <strong>des</strong> transactions.M. François Gagnon :C’est ce que nous disions tout à l’heure.M. Jacques Besré :Purement et simplement. Lorsque nousparlons de conditions générales et particulières,cela couvre le cas <strong>des</strong> propriétés,par exemple, où il n’y a pas de transactionpossible : <strong>des</strong> in<strong>du</strong>stries, <strong>des</strong> propriétésnon imposables, là, l’évaluateur doit tenircompte de la condition générale ou spéciale.À l’article 9, la définition de valeurmarchande est si déterminante qu’elledevrait, à notre avis, faire partie <strong>du</strong> bill 48intégralement. Les implications sont ici trèsvastes; il faudrait, pour une fois, tenterd’être clair sur les écueils d’interprétationqui ont été et risquent d’être <strong>des</strong> sources delitige dans l’application de la loi. Nous vousréférons à l’article 1q), pour la définitionproposée.Lorsqu’une valeur ne peut être établiedirectement sur le marché, il faudraitpréciser que les métho<strong>des</strong> indirectes dele faire sont permissibles, tel le coût deremplacement déprécié.Nous suggérons que l’article 9 soit remplacépar le suivant : Sauf disposition contraire,tout immeuble doit être porté au rôle à savaleur marchande. Lorsqu’il n’existe pas deventes directement comparables, cettevaleur peut être établie par <strong>des</strong> moyensindirects, incluant la valeur de remplacementdépréciée.Alors, ça revient un peu au commentairequ’on a fait au sujet de l’article 1.Nous voulons concrétiser le fait quel’évaluateur, dans un cas précis où il n’y apas de transaction possible, puisse utilisercette méthode de coût de remplacement oud’autres métho<strong>des</strong> qu’il jugera bonnes.M. Louis Vézina :Vous dites : Lorsqu’il n’existe pas de ventedirectement comparable. Quant au motdirectement, si on avait dit : Lorsqu’iln’existe pas de vente comparable. Qu’ajoutel’adverbe directement.M. Jacques Besré :En fait on veut dire, tout simplement,directement comparable dans le sens depropriété…M. Louis Vézina :Dans le sens de comparable.M. Jacques Besré :Oui.M. Philippe Demers :Dans le sens de directement comparable.M. Louis Vézina :Ce n’est pas pour vous critiquer mais pourdire que ces définitions, chaque mot, chaquelettre qu’on ajoute ou qu’on retrancheincluent nécessairement…


z/ 17M. Jacques Besré :Oui, mais vous savez que – toujours entenant pour acquis que le domaine del’évaluation est très complexe – si, parexemple, on parle de comparablesévidemment vous savez qu’il y a toujourspossibilité de trouver <strong>des</strong> propriétéscomparables qui ne sont pas identiques.Les métho<strong>des</strong> utilisées nous démontrentqu’il est possible, par analogie, d’en arriverà démontrer une certaine tendance <strong>du</strong>marché pour une catégorie de propriétéssemblables mais qui sont loin d’êtreidentiques et qui peuvent être aussicomparables jusqu’à un certain point.C’est la raison pour laquelle nousprétendons qu’en incluant directementcomparable, ça pourrait peut-être limiterune certaine tendance de vouloir rendretoute propriété comparable. Autrement dit,on ne voudrait pas comparer toujours <strong>des</strong>oranges avec <strong>des</strong> poires, si vous voulez.M. Louis Vézina :Cela reste deux fruits.M. Jacques Besré :Et ça reste deux fruits; c’est justementla raison pour laquelle on veut incluredirectement <strong>des</strong> fruits, on pourrait peut-êtres’entendre. Mais, <strong>des</strong> légumes avec <strong>des</strong>fruits, ce serait trop loin.M. Louis Vézina :L’évaluation c’est plus qu’une opinion.M. Jacques Besré :C’est-à-dire que cela devient une questiond’opinion basée nécessairement sur <strong>des</strong>étu<strong>des</strong> de cas. Par exemple, pourl’évaluation d’une propriété, vous pouvezutiliser le coût de construction de lapropriété, vous pouvez également vousservir <strong>du</strong> revenu de la propriété commeindice valable, pour enfin, à l’étude de cesdeux métho<strong>des</strong> que vous aurez utilisées,en arriver à vous former une opinion dela valeur.M. Louis Vézina :Arriver à vous former une évaluation pourlaquelle vous allez opiner, qu’elle est bonne.M. Jacques Besré :Et que vous pourrez justifier.M. Louis Vézina :Vous ne direz pas mon opinion, c’est tant;vous allez dire : l’évaluation que j’en fais,c’est tant, et défendre votre évaluation.M. Jacques Besré :Oui, évidemment, là où le problème sepose, c’est quand on parle d’évaluationmunicipale. Ce n’est pas tellement d’enarriver à déterminer <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> précisesd’évaluation, c’est l’application et le contrôlede l’uniformité et de l’équité. Je pense quec’est la raison d’être <strong>du</strong> projet de loi. C’estla raison pour laquelle on prétend que lesmétho<strong>des</strong> d’évaluation ne devraient pas êtreinsérées à l’intérieur d’un projet de loi, maison devrait s’en tenir, si vous voulez, àassurer ce contrôle de l’uniformité.À l’article 21, une définition claire <strong>du</strong>concept de la valeur marchande commeproposée à l’étude <strong>des</strong> articles 1q et 9,trouve au paragraphe A une applicationpratique. Les bâtiments abritant unecentrale téléphonique, par exemple, fontpartie intégrale d’un groupe d’actifs plusvaste, les structures sont très fortes etsouvent construites en prévision d’étagesadditionnels. Les spécifications sontrigoureuses et la qualité <strong>des</strong> matériaux del’exécution, de très grande qualité. Endehors de l’usage très particulier qui en estfait, ces bâtiments seraient jugés suraméliorés,et il est notoire que les ventesd’édifices semblables sont inexistantes.La définition que nous avons suggéréeindique bien l’obligation de considérerces conditions générales et particulièresau moment de l’évaluation. »


z/ 18Dans son mémoire déposé à la commissionparlementaire, le Conseil <strong>du</strong> patronat <strong>du</strong><strong>Québec</strong> était d’avis qu’une définition plusexplicite de la valeur marchande devrait êtreformulée à l’article 9.« Nous sommes d’avis que l’article 9 doit êtreréécrit de façon à être plus explicite. Dans sanouvelle rédaction, cet article devraitnotamment comporter une brève définitionde la valeur marchande, comme c’estnotamment le cas dans la Loi de l’évaluationfoncière de l’Ontario.Et les recommandations de la CommissionBélanger concernant l’évaluation foncièreréitérait son attachement au concept devaleur réelle.Le concept de valeur réelle devrait êtremaintenu comme base de l’évaluationfoncière, et l’évaluation devrait être faite à100 p.c. de la valeur réelle. »L’adoption de la valeur marchandeVoici un aperçu <strong>des</strong> dernières discussions entrele ministre <strong>des</strong> Affaires municipales et d’autresdéputés, membres de la commission, tout justeavant l’adoption de la définiition de valeurmarchande, telle que libellée à l’article 1 dela loi.« M. Maurice Tessier :…qu’on me pose la question tout simplementà moi. Pourquoi a-t-il été décidéd’employer le mot ou l’expression valeurmarchande au lieu de valeur réelle ? Je vaisvous donner les explications.M. Philippe Demers :C’est ce que nous allons faire d’une façontrès régulière. Pourriez-vous me répondredans ce sens-là ?M. Maurice Tessier :Oui, avec plaisir, M. le président. D’abord,nous étions le seul endroit en Amérique <strong>du</strong>Nord à employer l’expression valeur réelle.Les autres provinces anglaises de même quetous les États américains – et là-<strong>des</strong>sus unevérification a été faite par les fonctionnairesde mon Ministère et les experts qui ont étéengagés pour la rédaction de ce texte de loi– emploient partout valeur marchande. Tousles manuels qui servent dans les universitésà la formation <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> réfèrent àl’expression valeur marchande. En somme,il s’agit, en profitant de cette nouvelle loi,d’essayer d’uniformiser le plus possible avecce qui existe ailleurs.M. Guy Gauthier :Au sous-article q), on parle toujours de lafameuse valeur marchande. Aux dernièreslignes, on dit : …ou selon la valeur économiqueactuelle et potentielle. Il me semble àpremière vue qu’on a une valeur qui vauttant à l’heure actuelle. S’il faut se mettre àévaluer un immeuble et ce qu’il pourraitvaloir…M. Guy Bacon :C’est selon le quartier où il peut être situé.M. Guy Gauthier :Au sujet de la valeur potentielle, il mesemble qu’on évalue la valeur marchande aumoment de l’évaluation. Ce n’est pas cequ’elle pourrait valoir dans X années ouselon <strong>des</strong> conditions de marché.M. Maurice Tessier :C’est la valeur marchande au moment où lerôle d’évaluation est proportionnel.M. Guy Gauthier :Pourquoi parlons-nous de valeurpotentielle ? Expliquez-moi donc ça ?M. Maurice Tessier :Qui a parlé de valeur potentielle ?M. Guy Gauthier :Selon la valeur économique actuelle etpotentielle. C’est dans la définition.M. Philippe Demers :Est-ce escompté ?M. Guy Bacon :En perspective…


z/ 19M. Philippe Demers :Lorsqu’on évalue quelque chose, est-cequ’on l’évalue en fonction de ce que celasera ?M. Maurice Tessier :Oui, c’est pour couvrir le cas où unpropriétaire ferait un mauvais usage <strong>des</strong>on immeuble, c’est-à-dire qu’il pourraitle laisser déprécier afin de diminuerl’évaluation. À ce moment-là, on dit quepour la valeur marchande, il faut tenircompte de la valeur potentielle que celapourrait avoir.M. Philippe Demers :Certains légistes de mes amis, je n’en suispas un, auraient suggéré que pour donnerune meilleure rédaction législative à lavaleur marchande la définition suivante soitutilisée : « Le prix le plus probable, comptetenu <strong>du</strong> marché immobilier au moment del’évaluation, d’une vente librementconsentie entre un acheteur et un vendeuravertis conscients de la valeur physique etde la valeur économique de la propriété ».Pour ma part, je ne suis pas un spécialisteet je ne dis pas : Dieu m’en garde, hélas !je n’en suis pas un. Je voudrais savoir cequ’en pensent vos conseillers au point devue législatif et si c’est réellement vrai quela définition qu’on donne dans la loi àl’article 1q) ne serait pas d’une éléganceconsommée au point de vue…M. Maurice Tessier :Ce n’est peut-être pas juridique, je l’admets,mais c’est beaucoup plus complet que celleque le député de Saint-Maurice vient de lire.C’est une vieille définition mais incomplèteau sens <strong>des</strong> experts que j’ai consultés.M. Philippe Demers :Je remercie le ministre de son information,ça me satisfait. Quant à moi, je ne peux pasdiscuter <strong>du</strong> bien-fondé de l’opinion que jevéhicule, mais, devant les informations quele ministre a prises, je me rends à la décisionde ces gens.M. Perreault :Il reste, M. le président, qu’un très grandnombre de mémoires ont été proposés à cesujet, pour proposer une définition. Alors,pour revenir à une nouvelle définition, ilfaudrait reprendre tous les mémoires soumiset toutes les définitions qui nous ont étédonnées.M. le président :Le député de Saguenay.M. Lucien Lessard :Je ne veux pas m’engager sur unediscussion de la valeur marchande mais lefameux problème, c’est qu’à chaque séancede la commission, chacun <strong>des</strong> groupesmembres, chacune <strong>des</strong> personnes qui acomparu devant la commission, est arrivéeavec une nouvelle définition de la valeur.C’est extrêmement compliqué, on ne saitpas de quelle façon s’en sortir. De ce côté-là,j’ai décidé de faire confiance aux légistes <strong>du</strong>Gouvernement.M. Maurice Tessier :Je veux simplement ajouter un mot,M. le président. Nous avons précisément,comme vient de le souligner le député deSaguenay, tenu compte de toutes cessuggestions, quant à la définition, nousavons tenu compte de toutes les suggestionsqui ont été faites dans quantitéconsidérable de mémoires. Nous avonsramassé tout ça et essayé de trouver lameilleure définition possible, en tenantcompte <strong>des</strong> meilleures suggestions.M. Philippe Demers :Pour autant que je suis concerné, l’articleest adopté.M. le président :L’article 1 adopté. »La Loi sur l’évaluation foncière a été sanctionnéele 23 décembre 1971.


z/ 20Modification de 1973 à la Loi surl’évaluation foncière de 1971Le concept de valeur marchande est disparu dela loi de 1971 avec la modification de l’article1 k) de la Loi sur l’évaluation foncière dès 1973,et ce, selon l’article 1c <strong>du</strong> chapitre 31 <strong>des</strong> lois de1973, sanctionné le 6 juillet 1973.Cette modification a eu pour effet de remplacerle terme valeur marchande par le terme valeurréelle, tout en conservant la même définition oule même concept.Pour comprendre le contexte ayant entourécette modification à la loi, il est intéressant <strong>des</strong>e référer à quelques extraits tirés <strong>des</strong> débatsde l’Assemblée nationale concernent le projetde loi n o 33.Le 6 juillet 1973, premier jour de la deuxièmelecture <strong>du</strong> projet de loi n o 33, le ministre <strong>des</strong>Affaires municipales, M. Victoir Goldbloomenvoie son projet de loi à la commissionparlementaire pour étude, article par article.S’engagent alors les discussions suivantes àpropos de la valeur réelle.« M. Philippe Demers :M. le président, il est dit dans les notesexplicatives, que la notion de valeurmarchande est remplacée par celle de valeurréelle. Je voudrais que le ministre medéfinisse ce qu’il entend par valeur réellecomparativement à valeur marchande.Est-ce qu’on va prendre la définition <strong>du</strong>rapport Bélanger ou si le ministre auraitune définition peut-être plus fantaisiste ?Dans le nouveau projet de loi, on faitdisparaître l’article qui définissait lavaleur marchande.M. Victor Goldbloom :Et on laisse la loi sans définition de la valeurréelle, il est vrai.M. Philippe Demers :Mais il faudrait toujours savoir ce que c’estque la valeur réelle.M. Victor Goldbloom :Premièrement, M. le président, l’expressionvaleur réelle a été définie par les tribunauxet, pour les fins de la loi, nous acceptonscette définition plutôt que de risquer lacréation d’une nouvelle jurisprudence dansle domaine. Ce n’est pas une réponsecomplète à la question et je m’excuse pourencore quelques secon<strong>des</strong>.M. Philippe Demers :M. le président, avant que le ministre nedéfinisse, est-ce que je pourrais faire unesuggestion ? On l’acceptera ou la rejettera.Le rapport Bélanger, la Commissiond’enquête sur la fiscalité, avant, en 1965,alors qu’elle avait à son emploi unextraordinaire secrétaire, définit ce qu’étaitla valeur réelle : « Le prix qu’un vendeur quin’est pas obligé de vendre et qui n’est pasdépossédé, malgré lui, mais qui désirevendre réussirait à avoir d’un acheteur quin’est pas obligé d’acheter mais qui désireacheter ».Je ne sais pas si on pourrait inclure,dans la définition <strong>des</strong> termes, au chapitre<strong>des</strong> définitions, cette définition de lavaleur réelle.En tout cas, je le fais comme suggestionmais, si le ministre en a une meilleure, jesuis prêt à y souscrire.M. Victor Goldbloom :M. le président, avec l’établissement dejurisprudence par les tribunaux, les deuxdéfinitions se sont rapprochées considérablement.Les distinctions qui étaientclaires dans le passé sont l’une après l’autredisparues, à toutes fins pratiques. On lit,à l’article qui paraît au projet de loi maisqui est remplacé, la définition de valeurmarchande : « Le prix le plus probable,compte tenu <strong>des</strong> données <strong>du</strong> marchéimmobilier, au moment de l’évaluation d’unevente librement consentie de part et d’autre,avec une connaissance convenable de lavaleur physique dépréciée de l’immeubleet de sa valeur économique actuelle etpotentielle ». Cette même définitions’applique à la valeur réelle.


z/ 21Ce qui est ajouté dans la définition, ici,de valeur marchande se lit comme suit :« Ce prix pouvant, au cas d’absence oud’insuffisance <strong>du</strong> marché ou de ses données,être établi uniquement selon la valeurphysique dépréciée ou selon la valeuréconomique actuelle et potentielle ou selonl’une ou l’autre. » Laissant une porteouverte à l’interprétation qui est implicitedans le mot marchande. Tandis que valeurréelle semble laisser de côté cette possibilitéd’insuffisance de données et donc plusexigeante quant à l’évaluateur, et exige delui qu’il donne une valeur réelle aux biensen question.M. Philippe Demers :M. le président, je reçois la définition <strong>du</strong>ministre, mais je pense que si, antérieurementon s’était servi de la définition devaleur marchande, c’est qu’on avait basécette acceptation sur quelque chose.La valeur réelle d’une maison, par exemple,qui est située à distance d’un grand centredans un certain endroit, peut être, de disons20 000 $, alors que si vous la transportezsur la Grande-Allée à <strong>Québec</strong> elle vaudra75 000 $. Ce n’est plus la valeur marchande.Vous avez dans le champ, la valeur réelle,et sur la rue, la valeur marchande. Et il y a,je crois, une distinction qui doit être faite.Et en évaluation si, antérieurement, ons’est servi de la valeur marchande, je medemande pourquoi on revient à la valeurréelle.Et je crois qu’il faudrait y penser sérieusementavant de sacrifier cette définitionqui, à mon sens, avait sa valeur et qui avaitété placée là à <strong>des</strong>sein. Je ne veux pas faireune chicane plus longue que ça. Il y a <strong>des</strong>légistes qui ont conseillé le ministre, maispour ma part, et avec la petite expériencequi est mienne dans les affaires municipales,je trouve qu’il y a une notion toute différenteentre ce qu’est la valeur marchande etvaleur réelle.Et en termes d’évaluation, je sais que leCode municipal spécifiait que ça devait êtreselon la valeur réelle, mais je crois qu’entermes d’évaluation pratique, les <strong>évaluateurs</strong>doivent tenir compte de ce que ça vautquand c’est le temps de vendre une maisonavant d’évaluer.M. Clément Vincent :Avant que le ministre apporte d’autresréponses au député de Saint-Maurice, jeveux dire au ministre que j’ai, moi-même, puremarquer, au cours de la période <strong>du</strong> dîner,qu’il existait à cet endroit une zone grise quipouvait porter à interprétation.J’ai même posé la question à certainespersonnes et elles m’ont répon<strong>du</strong> de façondifférente. Et comme c’est à la base del’évaluation foncière, l’établissement de lavaleur, je me pose la question à haute voix,est-ce que c’est bon de laisser une zonegrise ou on pourrait éventuellementinterpréter valeur réelle de différentesfaçons, suivant les régions, suivant lesendroits ?Je sais que le ministre peut me répondreque le manuel technique d’évaluationdonnera les critères, mais je pense bien quedans toutes les lois amendées que nousavons à l’heure actuelle devant nous, ilsemble bien que c’est une <strong>des</strong> rares zonesgrises qui demeurent.Nous avons oublié cet après-midi de poser laquestion à l’Union <strong>des</strong> conseils de comté, àl’Union <strong>des</strong> municipalités. J’ai oublié moimêmede poser la question. Mais je medemande si on ne devrait pas faire un effortpour trouver la définition de valeur réelle,l’inscrire dans la loi pour que ça devienneuniforme à travers la province.Et si le ministre croit que ça peut se faire, jepense que les autres articles – moins peutêtreun ou deux – ça va tellement aller vitequ’on pourrait suspendre celui-là, et leministre verra tout à l’heure. On verra lesautres, et si on peut se trouver unedéfinition qui enlèverait cette zone grise, çaéviterait de mauvaises interprétations.


z/ 22Dieu sait qu’on en a eu de mauvaisesinterprétations, au cours <strong>des</strong> deux dernièresannées.M. Victor Goldbloom :M. le président, je suis bien prêt à laisser ensuspens cet article ou ce paragraphe pour yrevenir à la fin. Je voudrais cependant, enréponse aux observations <strong>des</strong> députés deSaint-Maurice et de Nicolet, dire ceci : LaCommission Bélanger a offert une définition;si nous reprenions cette définition etl’inscrivions dans la loi, nous nous trouverionsà créer <strong>des</strong> complications en relationavec toute une série de décisions ren<strong>du</strong>espar les tribunaux avant et depuis lapublication de ce rapport. Deuxièmement,quand le député de Saint-Maurice dit, avecraison, qu’une maison qui, par la valeur <strong>des</strong>es matériaux et par la valeur esthétique <strong>des</strong>a construction peut valoir un montant Xdans une municipalité rurale éloignée, pourd’autres considérations vaudra davantageen plein cœur d’une importante ville, il araison. Mais ce qui complique notre tâche,c’est que les tribunaux semblent avoir dit aucours <strong>des</strong> récentes années : D’accord, maisça, c’est la valeur réelle. Et cette notiond’une distinction très claire entre la valeurmarchande qui, par la définition sémantique<strong>du</strong> mot, a une relation avec le marché, quiimplique le prix que l’on peut obtenir si l’onoffre le bien en vente, et la valeur réelle, quine tiendrait pas compte de ces considérationsde vente possibles et de prix quipourrait être obtenu, cette distinctionsemble en bonne voie de disparaître. C’estpour cela qu’il nous sera très difficiled’arriver avec une définition de la valeurréelle. Nous risquerions en présentant unetelle définition, de compliquer notre travail,compliquer le travail <strong>des</strong> tribunaux et rouvrir<strong>des</strong> causes déjà décidées parce que lesbiens sont toujours là et leur évaluationpourrait être de nouveau contestée en vertud’une nouvelle loi, avec une nouvelledéfinition.M. Philippe Demers :M. le président, c’est ma dernièreintervention en ce sens, mais je tiens àmettre le ministre en garde sur le faitsuivant : Lorsque son manuel sera publié,que les normes seront inscrites dans cemanuel, que l’évaluateur partira avec cedocument de travail, qu’il devra faire uneévaluation à la valeur réelle dans certainscomtés, dans certaines paroisses, qu’ilreviendra le soir avec son évaluation et qu’ilaura ramassé en valeur réelle 55 000 $ pourune maison qui est au fond d’un rang, vousviendrez faire une évaluation après ça etnormaliser un taux, faire <strong>des</strong> tarifs au pointde vue pratique. Tandis que si l’on tientcompte de la valeur marchande, pourquoidans ce cas ne la définiton pas, pourquoi lamettre ? Si on ne définit pas ce que c’estque la valeur réelle en fait, pourquoi lamettre ? C’est le sens de mon intervention,je sais que le ministre est conseillé par <strong>des</strong>experts, je me rends à leur verdict, mais jereste d’avis qu’au point de vue pratique, cesera un nid à poux. Et le premier qui devrale corriger, ce sera le ministre.M. Victor Goldbloom :M. le président, j’aimerais faire unesuggestion à l’honorable député de Saint-Maurice et à l’honorable député de Nicolet.C’est que nous avons décidé au cours de lajournée de faire siéger la Commissionparlementaire quand nous aurons le manuelentre nos mains pour en discuter. À cemoment-là, nous aurons comme témoinsdevant cette commission <strong>des</strong> représentantsde la profession concernée. Je pense que cesera l’occasion toute donnée d’examinerensemble toute cette notion, toute cettedéfinition, et je pense bien que si lacommission finit par être de l’avis qu’ilfaudra ajouter à la loi une définition, il seraassez facile à la reprise de la session, àl’automne, d’arriver avec une définition.Il ne s’agira pas d’exposer toute la loi à unenouvelle considération, mais de préciserquelque chose que, je pense bien, nousn’avons pas, entre nous, la compétenceprofessionnelle de décider ici. Donc, même


z/ 23si je suis conseillé par <strong>des</strong> personnes quisont plus compétentes et ont plus deconnaissances dans le domaine, j’aimeraismieux faire cette suggestion et que nousrevenions sur le sujet quand la Commissionparlementaire siégera.M. Philippe Demers :Est-ce que le ministre peut me dire si lesorganismes consultés, tels que l’UPA et lesconseils de comté, ont adopté la théorie dela valeur réelle ?M. Victor Goldbloom :Cette question n’a pas été soulevée au cours<strong>des</strong> discussions que j’ai eues avec cesorganismes.M. Philippe Demers :C’est pour ça que je me rends au vœu <strong>du</strong>ministre qui a dit que, lorsque la commissionsiégera, s’il y a <strong>des</strong> modifications à faire, onva les faire.M. Victor Goldbloom :Merci.M. le président (M. Kennedy) :Article 1, adopté. »À sa troisième lecture, le projet de loi n o 33, loimodifiant la Loi sur l’évaluation foncière, estadopté le 6 juillet 1973.Loi sur la fiscalité municipale de1979 (projet de loi 57)L’objet <strong>du</strong> projet de loi n o 57 est de concrétiser,dans un cadre juridique, la réforme sur lafiscalité municipale, où il était notammentquestion d’autonomie municipale, de rendementfinancier, de l’équité fiscale, de la neutralité etde la simplicité administrative, ce qui devaitentraîner une réforme en profondeur de la Loisur l’évaluation foncière et de certains de sesconcepts.Un comité conjoint « <strong>Québec</strong>-Municipalités »avait été formé pour établir les fondements surlesquels devrait s’élaborer toute politique ouintervention gouvernementale touchant la viemunicipale.Commençons d’abord par la lecture <strong>du</strong> textede loi (actuel) sur le concept de valeur réelle.Ensuite, nous nous déplacerons à la commissionpermanente <strong>des</strong> Affaires municipales pour connaîtreles interventions <strong>du</strong> gouvernement et <strong>des</strong>principaux intervenants à l’étude <strong>du</strong> projet deloi et intéressés par le concept de valeur.« Loi sur la fiscalité municipale :art. 42. Valeur. Le rôle indique la valeur dechaque unité d’évaluation, sur la base de savaleur réelle.Proportion <strong>des</strong> valeurs réelles. Les valeursinscrites au rôle d’une municipalité localedoivent, dans l’ensemble, tendre à représenterune même proportion <strong>des</strong> valeurs réelles <strong>des</strong>unités d’évaluation.Requête prohibée. Aucune requête ouaction en cassation ou en nullité ne peut êtreintentée à l’égard <strong>du</strong> rôle ou de l’une de sesinscriptions pour le motif d’une contravention audeuxième alinéa [c. 72, art. 42; 1983, c. 57, art.110; 1991, c. 32, art. 160].art. 43. Valeur réelle. La valeur réelle d’uneunité d’évaluation est sa valeur d’échange surun marché libre et ouvert à la concurrence, soitle prix le plus probable qui peut être payé lorsd’une vente de gré à gré dans les conditionssuivantes :1 o le vendeur et l’acheteur désirentrespectivement vendre et acheter l’unitéd’évaluation, mais n’y sont pas obligés; et2 o le vendeur et l’acheteur sontraisonnablement informés de l’état de l’unitéd’évaluation, de l’utilisation qui peut le plusprobablement en être faite et <strong>des</strong> conditions <strong>du</strong>marché immobilier. [1979, c. 72, art. 43].


z/ 24art. 44. Prix de vente. Le prix de vente le plusprobable d’une unité d’évaluation qui n’est passusceptible de faire l’objet d’une vente de gré àgré est établi en tenant compte <strong>du</strong> prix que sonpropriétaire serait justifié de payer et d’exigers’il était à la fois l’acheteur et le vendeur, dansles conditions prévues par l’article 43. [1979, c.72, art. 44].art. 45. Établissement de la valeur réelle. Pourétablir la valeur réelle d’une unité d’évaluation,il faut notamment tenir compte de l’incidenceque peut avoir sur son prix de vente le plusprobable la considération <strong>des</strong> avantages oudésavantages qu’elle peut apporter, en lesconsidérant de façon objective. [1979, c. 72,art. 45].art. 45.1. Droits <strong>du</strong> vendeur. Pour l’application<strong>des</strong> articles 43 à 45, le vendeur est réputédétenir tous les droits <strong>du</strong> locataire à l’égard del’unité d’évaluation. [1992, c. 53, art. 2].art. 46. Valeur réelle. Aux fins d’établir lavaleur réelle qui sert de base à la valeur inscriteau rôle, on tient compte de l’état de l’unitéd’évaluation et <strong>des</strong> conditions <strong>du</strong> marchéimmobilier tels qu’ils existent le 1 er juillet <strong>du</strong>deuxième exercice financier qui précède lepremier de ceux pour lesquels le rôle est fait,ainsi que de l’utilisation qui, à cette date, estla plus probable quant à l’unité.Période d’évaluation. Toutefois, lorsquesurvient, après la date déterminée enapplication <strong>du</strong> premier alinéa, un événementvisé à l’un <strong>des</strong> paragraphes 6 o à 8 o , 12 o , 12.1 o ,18 o et 19 o de l’article 174, l’état de l’unitéd’évaluation dont on tient compte est celuiqui existe immédiatement après l’événement,abstraction faite de tout changement dansl’état de l’unité, pro<strong>du</strong>it depuis la datedéterminée en application <strong>du</strong> premier alinéa,par une autre cause qu’un événement visé àun tel paragraphe. L’utilisation la plus probablequi est prise en considération est alors cellequi découle de l’état de l’unité dont on tientcompte.Critère d’évaluation. L’état de l’unitécomprend, outre son état physique, sa situationau point de vue économique et juridique, sousréserve de l’article 45.1, et l’environnement danslequel elle se trouve.Conditions <strong>du</strong> marché. Aux fins dedéterminer les conditions <strong>du</strong> marché à la datevisée au premier alinéa, on peut notammenttenir compte <strong>des</strong> renseignements relatifs auxtransferts de propriété survenus avant et aprèscette date. [1979, c. 72, art. 46; 1988, c. 76, art.21; 1991, c. 32, art. 25; 1994, c. 30, art. 3; 1996,c. 67, art. 1].art. 46.1. Équilibration. L’évaluateur doit, lorsqu’ildresse un rôle, effectuer une équilibration.Dispense. Toutefois, dans le cas d’unemunicipalité locale dont la population estinférieure à 5 000 habitants, l’évaluateur estdispensé de cette obligation lorsque le rôle envigueur a été le résultat d’une équilibration.Équilibration. L’équilibration consiste, dansle processus de confection d’un nouveau rôle, àmodifier tout ou partie <strong>des</strong> valeurs inscrites aurôle en vigueur dans le but d’éliminer le pluspossible les écarts entre les proportions de lavaleur réelle que représentent les valeurinscrites au rôle. »Lors <strong>des</strong> audiences de la commissionpermanente qui se sont tenues <strong>du</strong> 10 au21 décembre 1979, le ministre <strong>des</strong> Affairesmunicipales a suspen<strong>du</strong> les débats sur lesdeux concepts premiers en ce qui concerne lavaleur réelle et la valeur locative afin de permettreà un comité technique d’étudier tousles mémoires et les représentations qui ontété faites sur ces sujets et de pro<strong>du</strong>ire sesrecommandations au ministre.Pressé par le député de Laval, M e Jean-NoëlLavoie, intervenant à la commission, au sujet dela suspension <strong>des</strong> articles de loi sur la valeur, leministre Guy Tardif répond :« M. le président, je suis tout à fait d’accord etje ferai remarquer au député de Laval quec’est sans aucune espèce d’hésitation et,


z/ 25comment dirais-je, d’indécision ou de honteque je suspends ces deux articles. J’ai missur pied un comité technique, formé dereprésentants de mon ministère, dereprésentants <strong>des</strong> finances qui est présidépar un légiste de réputation, M e Brière, quicomprend un représentant technique del’Union <strong>des</strong> municipalités, un représentanttechnique de l’Union <strong>des</strong> conseils de comté,lesquels représentants techniques onttravaillé dans les comités conjoints depuis18 mois. Ces gens, depuis 10 jours à peuprès, sont là, réunis au « G », et reçoiventles représentations de tous ceux qui veulentse faire entendre, M. le président, depuisAlcan en passant par Bell Canada, CN-CP etj’en passe, depuis l’appel téléphonique <strong>du</strong>contribuable ordinaire qui dit : « C’est quoila loi 57 ? » à aller jusque… Alors, M. leprésident, je pense qu’on comprendra quece serait peut-être indécent de ma partd’apporter immédiatement le libellé définitif<strong>des</strong> articles reliés à la valeur foncière et à lavaleur locative. Justement, on en est aupoint où le comité technique va être enmesure – peut-être aujourd’hui, on a siégéune partie de la nuit dernière; dans le jour,je ne peux pas être ici et là – de nous donnerson espèce d’analyse de cette consultation.Au contraire, ce n’est pas de l’indécision;c’est une espèce de garantie que diverséchos auront au moins été enten<strong>du</strong>s. Onaura au moins été sensibilisé, sans pourautant les partager, aux points de vue debeaucoup de monde. »Valeur <strong>des</strong> immeubles portés au rôle« M. Guy Tardif :M. le président, l’article 38 <strong>du</strong> projet de loin o 57 est remplacé par le suivant, l’article38 : Le rôle indique la valeur de chaqueunité d’évaluation sur la base de savaleur réelle.Les valeurs inscrites au rôle doivent, àl’égard de l’ensemble <strong>des</strong> unités d’évaluationqui y sont inscrites, représenter unemême proportion de la valeur réelle de cetensemble.M. Lucien Caron :Si je comprends bien, M. le ministre, àl’avenir les propriétés vont être évaluées àleur valeur réelle, leur valeur marchande.C’est ce qu’on peut dire. Il faudrait le direune fois pour toute.M. Guy Tardif :Ce n’est pas nouveau. C’est ce que dit la loiactuelle, M. le président.M. Lucien Caron :C’est la même chose que la loi actuelle.M. Guy Tardif :C’est la loi actuelle qui parle d’une valeurréelle, d’une valeur marchande comme étantdeux données équivalentes.L’article est-il adopté, M. le président ?M. Jean-Noël Lavoie :Une seconde, je pense que c’est une <strong>des</strong>bases de la loi aussi.Est-ce qu’il y a un amendement àl’article 41 ?Une voix :Oui.M. Jean-Noël Lavoie :Vous comprenez, M. le président, que si onprend quelque temps sur ça, c’est qu’onveut faire une étude sérieuse et apporterune contribution…M. Guy Tardif :D’accord.M. Jean-Noël Lavoie :Vous comprenez qu’on ne peut pas adopterles articles 38 et 39, sans même aller àl’article 41. Ne faites pas de mimique,parce que…M. Guy Tardif :Non…


z/ 26M. Jean-Noël Lavoie :Lisez l’article 41 : « Pour établir la valeurréelle d’une unité d’évaluation, il fautnotamment tenir compte de l’incidence quepeuvent avoir sur son prix de vente le plusprobable les avantages ou désavantagesprésents et futurs qu’elle peut apporter, enles considérant de façon objective ».Je pense qu’on ne peut pas adopter… Tousles articles se tiennent, les définitions secomplètent dans les articles suivants.Une voix :…M. Jean-Noël Lavoie :Oui, c’est pour ça que je viens d’allerchercher l’amendement et je m’excuse de nepas pouvoir adopter les articles 38 ou 39 à lavapeur, mais je suis à consulterl’amendement à l’article 41.M. Guy Tardif :M. le président, je voudrais quant même quele député de Laval comprenne bien qu’àl’égard de cette notion de valeur réelle,l’article 38 ne change pas les conceptsactuellement utilisés dans la loi. Ce quel’article 38 intro<strong>du</strong>it, c’est la notion d’équitéinterne qui doit exister et que l’évaluateurdoit intro<strong>du</strong>ire. C’est la seule clarification, leseul apport qui est apporté. Pour le reste, cesont les mêmes concepts. Je peux l’assurerde cela.M. Jean-Noël Lavoie :Je vous pose une question. Est-ce que lenouvel article 41, tel qu’amendé, était dansl’ancienne loi ?M. Guy Tardif :Comme tel ? On va vous dire cela à l’instantmême. On m’informe, M. le président,qu’effectivement ce n’était pas dans la loiactuelle. Par ailleurs, cela découle de lajurisprudence établie en la matière. C’estdans le manuel d’évaluation foncière <strong>du</strong>ministère – les deux grosses boîtes que j’airemises aux membres de cette commission –c’est dans le manuel de l’Institut canadiend’évaluation, l’Institut américain également.Bref, ce sont <strong>des</strong> principes qui ont coursdans le milieu de l’évaluation et qui sontreconnus. Je tiendrais à souligner, onm’informe également qu’un bon nombre deces clarifications nous viennent <strong>du</strong> comitétechnique mis sur pied et qui nous fait cesrecommandations que l’on retrouve là.M. Jean-Noël Lavoie :Pour répondre au ministre, je dois lui dire –s’il n’en a pas eu lui-même l’expérience danssa carrière passée – ce qu’est l’immobilier; lavaleur réelle et la valeur foncière ce ne sontpas <strong>des</strong> choses aussi courantes qu’il semblele dire. D’ailleurs, la jurisprudence est unensemble de décisions <strong>des</strong> tribunaux quivont dans un sens ou un autre à un certainmoment, parce que la jurisprudence n’estpas toujours monolithique et toujours dansle même sens. Autrement, il n’y aurait plusde jurisprudence. Il a bien beau m’en parler,mais le manuel n’a jamais fait force de loinon plus. Le manuel est un guide. En plusde cela, si c’était si clair que cela et si facileque cela, il n’aurait pas eu besoin de nousapporter un autre amendement à l’article 41aujourd’hui. La première rédaction aurait dûêtre bonne, si c’était aussi clair que cela.L’amendement qu’il nous apporte modifiejoliment la rédaction originale de l’article 41.Quand je lui demandais si l’article 41 est <strong>du</strong>droit nouveau, effectivement, c’est <strong>du</strong> droitnouveau qui ne se trouvait pas dans la loiactuelle. À ce qu’on me dit, c’est par lemanuel ou par une certaine jurisprudenceque cela a été cueilli.Je trouve l’article 41 assez…M. Guy Tardif :M. le président, est-ce que vous pouvezdemander au député qu’on procède avec unminimum d’ordre.M. Jean-Noël Lavoie :Mais l’article 41 est un complément del’article 39, de la définition. On dit que dansla valeur réelle, il faut prendre en considérationla valeur future d’un immeuble. Sion lit l’article 41 : Pour établir la valeur


z/ 27réelle d’une unité d’évaluation, il fautnotamment tenir compte de l’incidence quepeut avoir sur son prix de vente le plusprobable l’actualisation <strong>des</strong> avantages oudésavantages futurs qu’elle peut apporteren les considérant de façon objective. Jepense que c’est beaucoup superflu dedonner… Disons qu’il y a un projetd’expropriation…M. le président (M. Jules Boucher) :M. le député de Laval.M. Jean-Noël Lavoie :Est-ce que je peux parler ?M. le président :Nous en étions à l’article 38.M. Jean-Noël Lavoie :M. le président, je dois dire que je ne peuxadopter l’article 38, sans discuter del’article 41.M. le président :On ne peut pas discuter de trois articles enmême temps, à moins que vous ne vouliezles adopter un par un.M. Jean-Noël Lavoie :Je vais proposer au ministre en toutelogique qu’il y a cinq articles qui se situentensemble. C’est un chapitre. À « Valeur <strong>des</strong>immeubles portés au rôle », c’est marqué« Règle générale » et il y a 38, 39, 40, 41,42 et après cela, on tombe dans les cheminsde fer.M. le président :Est-ce qu’il y a consentement pourque l’on…M. Jean-Noël Lavoie :Cela ira beaucoup plus vite pour les adopter.M. le président :…traite de ces quatre ou cinq articles enmême temps et que, par la suite, on lesadopte ? Est-ce qu’il y a consentementauprès <strong>des</strong> membres que l’on discute <strong>des</strong>cinq articles en même temps et qu’aprèscela, on les adopte un par un.M. Guy Tardif :Je suis bien d’accord, M. le président, si celapeut accélérer le processus.M. Jean-Noël Lavoie :Il n’est pas question uniquement del’accélération. Il y a une question decompréhension aussi.M. Guy Tardif :D’accord, je ne demande pas mieux qu’onessaie de comprendre.M. le président :Allez-y, M. le député de Laval.M. Jean-Noël Lavoie :Je ne peux pas comprendre qu’on prenne enconsidération <strong>des</strong> événements futurs pourdéterminer la valeur réelle actuelle d’unimmeuble, et je vais vous donner unexemple, très brièvement, ce ne sera paslong. S’il y a un projet d’expropriation surun coin de rue, il y a un dépôt de plan oud’homologation – l’homologation, on saitque c’est plus lent que l’expropriation – etl’évaluateur qui est au courant va dire :j’ajoute 15 % de valeur réelle pour 1980 àcet immeuble parce qu’il y a un projetd’expropriation à côté; cela va devenir uncoin de rue qui va avoir plus de valeur, maison ne sait pas quand. Cela peut être dansdeux, dans trois, dans quatre ans. Surtoutqu’avec la loi, actuellement, on doit faire unrôle annuel. Pourquoi tenir compte <strong>des</strong>incidences futures sur un immeuble ? Jetrouve cela…M. Guy Tardif :M. le président, est-ce que je peux répondreà cela techniquement.M. Jean-Noël Lavoie :Oui.M. Guy Tardif :Sur le plan strictement technique, si on nepeut pas mettre de date, si c’est une purespéculation sur l’avenir ou les possibilitésd’être exproprié, l’évaluateur ne peut pas entenir compte. L’idée de valeur future telle


z/ 28que prévue, d’avantages ou de désavantagesfuturs qu’un immeuble peut apporter,on pense, ici, à <strong>des</strong> questions de fait, <strong>des</strong>choses qui se mesurent. Un propriétaire ouun indivi<strong>du</strong> achète un immeuble à revenus,et le prix qu’il consent à payer est enfonction <strong>des</strong> revenus que cet immeubleva générer. Il n’a pas de valeur en soi,autrement que par les revenus qu’ilrapporte. C’est dans ce contexte bien précisqu’on parle d’avantages ou de désavantagesfuturs et non pas de se baser sur <strong>des</strong>possibilités de développement à plus oumoins long terme. Dès lors qu’il n’est paspossible de mettre une date, de mettre <strong>des</strong>faits, à ce moment-là, ce n’est pas évalué.M. Jean-Noël Lavoie :Justement, je remercie le ministre de medonner cet exemple. Il y a un de mes clientsqui a bâti <strong>des</strong> immeubles, à Laval, en1976, je crois que c’est une centaine delogements. Il a frappé un moment où il y aeu trop de construction, et il s’est bâti5000 unités de logement dans la ville deLaval en 1976, à peu près, et c’est sûr quec’est beaucoup trop, que le marché nepouvait pas absorber cela.Ce monsieur, cela lui a pris trois ans; cen’est pas encore loué aujourd’hui, il lui resteencore 10 % ou 15 % de vacance, <strong>des</strong>logements qui n’ont jamais été occupésdepuis trois ans. En 1976 – c’est un immeubled’à peu près 2 millions $; si on l’a évaluéà sa pleine valeur, alors qu’il y avait 25 % ou30 % d’occupation, je vous dis que c’estinjuste. Si vous déposez cela dans la loi, jevous dis que c’est injuste. Sur le planéconomique, ces gens perdraient énormémentd’argent cette année. L’année suivante,il y avait peut-être 50 % ou 55 %d’occupation. L’immeuble qui a 25 % d’occupationn’a pas une valeur réelle de 100 %comme si c’était occupé. Si vous voulez fairecela, c’est un hold-up.M. Guy Tardif :M. le président, j’inviterais, là-<strong>des</strong>sus, ledéputé de Laval il emploie <strong>des</strong> gros mots,<strong>des</strong> hold-up, etc. à relire l’article 41 qui parlede l’actualisation <strong>des</strong> désavantages ou <strong>des</strong>avantages futurs. Or, l’évaluateur, qu’on vaprésumer un indivi<strong>du</strong> pas complètementdéraciné, désincarné, coupé de son milieu,connaît effectivement les taux de vacance etpeut tenir compte de l’espèce de facteur dedésuétude dû à un taux de vacance élevédans un immeuble et, à ce moment-là, peutreporter la pleine valeur de l’immeuble oul’étaler dans le temps, ne pas lui faireatteindre sa pleine valeur d’un seul coup.Cet article 41, encore une fois, confirmeles règles de pratique en usage dans lesprincipales villes en Amérique et au Canadaet qui fait partie <strong>des</strong> procé<strong>du</strong>res en vigueurdans les manuels d’évaluation que lesspécialistes de l’évaluation ont établis, viseprécisément à tenir compte de ces facteurs.Je ne dis pas que je n’ai pas laissé entendre,pour un seul instant, qu’il n’y a pas <strong>des</strong>possibilités, à l’occasion, qu’un <strong>évaluateurs</strong>e trompe sur ces facteurs. Dans ces cas,évidemment, il y a un Bureau de révision quiexiste. Mais, M. le président, je maintiensque le libellé de l’article 41, qui est fait pourtenir compte en plus ou en moins, répondaux objectifs <strong>du</strong> député de Laval.M. Jean-Noël Lavoie :Je crois bien humblement, M. le président,que ce qu’on avait avant était préférable.Moi, je serais d’accord qu’on dise que lavaleur réelle… Je ne sais pas quel article aété amendé; c’est l’article 38 où on dit quetoutes les unités d’évaluation doivent avoirla même valeur réelle au rôle.À l’article 39, c’est la vraie définition : « Lavaleur réelle d’une unité d’évaluation est savaleur d’échange sur un marché libre etouvert à la concurrence, soit le prix le plusprobable qui peut être payé lors d’une ventede gré à gré dans les conditions suivantes :1 o le vendeur et l’acheteur désirent respectivementvendre et acheter l’unité d’évaluation,mais n’y sont pas obligés – c’est unvieux concept qui a été déterminé par lestribunaux depuis de très nombreusesannées – 2 0 le vendeur et l’acheteur sontraisonnablement informés de l’état de l’unité


z/ 29d’évaluation, de l’utilisation qui peut le plusprobablement en être faite et <strong>des</strong> conditions<strong>du</strong> marché immobilier. » Je suis d’accordjusque-là. Je serais prêt à les adopter, cesarticles. Mais vous ajoutez <strong>des</strong> élémentsnouveaux; dans l’article 41, entre autres,c’est complètement nouveau. Aux articles38, 39 et 40, vous avez complété les définitionsqu’on avait dans la tradition qui aété établie par la loi et les tribunaux depuisplusieurs années. Mais, à l’article 41, vousamenez un élément nouveau qui donne unedirective au tribunal et au Bureau derévision. Les tribunaux sont là. On diraitquasiment que vous avez l’intention de fairedisparaître l’interprétation qui a été établiedepuis de très nombreuses années parles tribunaux.M. Guy Tardif :M. le président, au contraire, je trouvequ’on est éminemment respectueux de lajurisprudence en la matière, <strong>des</strong> expertises<strong>du</strong> milieu immobilier qui est d’accord aveccette définition, de l’avis d’un conseiller quiest avec nous ici, qui a été juge et membre<strong>du</strong> Bureau de révision, <strong>du</strong> comité techniqueformé de représentants <strong>du</strong> monde municipalqui sont tout à fait d’accord avec cettenotion de valeur, d’avantages et de désavantagesqui peuvent être pondérés avecune marge de sécurité suffisante.M. le président, je veux bien adopter l’article38 et l’article 39, puisque le député de Lavalnous dit qu’il est d’accord, et le laisserdormir sur les articles 40 et 41 pendant unecouple de jours pour le laisser apprécier etpeut-être consulter. Encore une fois, il y aeu de la consultation là-<strong>des</strong>sus qui a étéfaite et on a <strong>des</strong> avis d’experts qui nousdisent qu’effectivement c’est cela, lecontexte.M. Jean-Noël Lavoie :Vous nous dites que vous avez tous lesexperts <strong>du</strong> monde municipal, etc. Il fauten prendre et en laisser, de cela,M. le président. Vous savez, il y a <strong>des</strong>fonctionnaires – et je connais <strong>des</strong> sousministresici, qui sont de très bonsfonctionnaires, très honnêtes, trèscompétents – qu’on appelle taxminded.Dès qu’il y a une taxe, il faut envahir tout lechamp. Vous avez <strong>des</strong> opinions de votrecôté, mais on en a une également ici de laCorporation <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> qui doivent êtreégalement <strong>des</strong> experts, eux aussi. C’est unecorporation reconnue par le Code <strong>des</strong>professions qui nous dit sur l’article 41 :« Cet article vise à intro<strong>du</strong>ire le concept devaleur potentielle par opposition au concepttraditionnel de valeur marchande actuelle enpermettant à l’évaluateur de spéculer sur lesbénéfices futurs probables que peut générerla propriété. Cette façon de voir se rapprocheégalement beaucoup plus de la valeuren expropriation que de la valeur marchandeen évaluation municipale et va à l’encontred’une jurisprudence bien établie, notammentdans l’affaire Sun Life assurance Co. ofCanada - je ne sais pas qu’est-ce que celaveut dire, c’est un procès, j’imagine – quiétablit clairement la jurisprudence que lapropriété doit être évaluée telle qu’elle estdans son état actuel, sans place pour <strong>des</strong>hypothèses quant à son avenir. Ce sont <strong>des</strong>tribunaux qui ont déterminé cela. Quand jevous dis que vous voulez remplacer lestribunaux, c’est cela que vous faites avecl’article 41. »M. Guy Tardif :M. le président, voici ce que je propose audéputé de Laval, c’est que nous adoptionsles articles 38 et 39, que nous lui permettionsde se renseigner à nouveau auprès decette même corporation qui, après avoirconsulté le comité technique, s’est enten<strong>du</strong>eavec elle sur le libellé <strong>des</strong> articles 40 et 41,à ce qu’on me dit. Si on est d’accord, on vaadopter les articles 38 et 39 et, on varetourner aux articles 252 et 253. On peutle laisser s’informer auprès <strong>des</strong> organismesprofessionnels. D’accord ?M. le président :Est-ce qu’il y a accord pour…M. Jean-Noël Lavoie :Un instant, on va voir. Je prends l’article 38.


z/ 30M. Lucien Caron :M. le président, si on ne l’avait pas, l’article41, dans le projet de loi. Est-ce unenécessité ?M. Jean-Noël Lavoie :Il n’était pas dans la loi actuelle. D’ailleurs,est-ce que vos légistes et vos conseillers serappellent que certains concepts définisdans les articles 38, 39, 40 et 41 avaient étéinclus dans la loi de 1971 de l’évaluation, etque les légistes et les experts avaient jugéà propos de les faire disparaître en 1972,lorsqu’il y avait eu un amendement ? Ildevait y avoir une raison pour cela. Et, là,vous les rétablissez.M. Guy Tardif :En 1971, M. le président, l’anciengouvernement avait intro<strong>du</strong>it dans la loi lanotion de valeur marchande. Il s’est raviséen 1973 pour réintro<strong>du</strong>ire la notion de valeurréelle, parce que, entre autres, avec cettenotion, même si en principe elle est équivalente,il avait un peu allègrement bazardél’ensemble <strong>des</strong> décisions qui avaient étéren<strong>du</strong>es et qui étaient basées sur ce conceptde valeur réelle.Nous, M. le président, nous conservons leconcept de valeur réelle. Cependant, on leclarifie. On donne quelques-uns <strong>des</strong> critèresd’appréciation de cette valeur réelle. On nel’élimine pas. L’évaluateur, de toute façon,se sert dans cette appréciation, cette façond’en arriver le plus près possible à la valeurréelle, de ces facteurs que la jurisprudencereconnaît, de sorte que ce n’est pas <strong>du</strong> droitnouveau stricto sensu, mais bien <strong>des</strong> clarificationsfort utiles à ceux qui oeuvrent dansle milieu et qui sont susceptibles de protégerles citoyens de l’arbitraire et <strong>du</strong> discrétionnaire,ce qui semble être la crainte <strong>du</strong>député de Laval.Alors, pour ces raisons, si la commission estd’accord, je demanderais qu’on adopte lesarticles 38 et 39, M. le président, pourrevenir où nous étions, soit à l’article 252.M. Jean-Noël Lavoie :Je me permets, quand même, de faire uneremarque qui est contenue dans le mémoirede la même Corporation <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> surl’article 39, entre autres. Cet article comporteune définition de la valeur réelleou valeur marchande. Une telle définitionnous semble en soi de nature à possiblementlimiter ou tenter de limiter une notionéconomique qui, normalement, serait sujetteà évolution et qui a déjà fait l’objet d’uneinterprétation jurisprudentielle nombreuseet relativement unanime. La présence d’unetelle définition nous semble parfaitementinutile.C’est quand même la Corporation <strong>des</strong><strong>évaluateurs</strong> qui dit cela. Vous savez,lorsqu’on veut trop définir, on limiteégalement.M. Guy Tardif :On ne bloque pas, M. le président, l’évolutiond’un concept ou d’une notion. Aucontraire, on fait en sorte que le droit reflètel’évolution de concept et de la notion dans letemps. Encore une fois, j’inviterais le députéde Laval à refaire <strong>des</strong> contacts avec l’organismeen question qui, après consultationavec le comité conjoint, ayant compris lesobjectifs qui étaient visés, s’est rallié àcette définition.(22 h 30)M. Jean-Noël Lavoie :Il y a une autre chose que je ne comprendspas et que j’aimerais que le ministrem’explique. Je pense que l’article 38 estrelié à l’article 253 – c’est la raison pourlaquelle on a demandé sa suspension tout àl’heure – où on dit : Le ministre <strong>des</strong> Affairesmunicipales peut établir une proportionmédiane de la valeur foncière pour toutes lesmunicipalités. Les articles 38 et 39 disentque les immeubles au <strong>Québec</strong> sont évaluéssuivant la valeur réelle. C’est réel ou ce n’estpas réel. Pourquoi le ministre <strong>des</strong> Affairesmunicipales doit-il se porter juge et établirune valeur médiane pour chacune <strong>des</strong>municipalités vis-à-vis de sa valeur réelle


z/ 31à lui ? Essayez de m’éclairer sur cela. Lavaleur est-elle réelle ou non ?M. Guy Tardif :Le ministre <strong>des</strong> Affaires municipalesn’établit pas une nouvelle valeur, M. leprésident, il mesure l’écart entre cettevaleur réelle donnée dans une municipalitéet le volume <strong>des</strong> ventes et il constate unétat de fait. À ce moment-là, M. le président,comme le dit le député, puisque, en vertude l’article 38, les rôles sont supposés êtrela valeur réelle, s’il n’y a pas d’écart,tant mieux.M. Jean-Noël Lavoie :Qu’est-ce qui va guider le ministre pour direque ce n’est pas la valeur réelle qu’ils ontdans la ville de Sherbrooke et lui donnerun indice, parce que, d’après lui, ils sontuniquement à 85 % à Sherbrooke ? Mais,par rapport à Trois-Rivières, le ministre vadécider que Trois-Rivières doit être à 105 %de la valeur réelle.M. Guy Tardif :J’ai distribué tantôt… Je voudrais qu’onarrête de passer <strong>du</strong> coq à l’âne.M. Jean-Noël Lavoie :« Mais c’est cela que l’article 253 dit,également. »M. Guy Tardif :M. le président, on est passé de l’article 253aux articles 38 et 39 pour revenir à <strong>des</strong>valeurs fondamentales : la notion de valeurréelle. Si je comprends bien le député, lesarticles 38 et 39, cela ne posait pas deproblème. Je veux bien revenir, après cela, àl’article 253 et au règlement 252, 6 o que jeviens de distribuer qui indique de quellefaçon le ministre va procéder pour établir unfacteur, un indice ou une mesure de niveaude rôle, et également, par le biais dedifférents articles, indiquer à quoi va servircette mesure <strong>du</strong> niveau <strong>du</strong> rôle, notammentpour <strong>des</strong> fins de péréquation, de redistribution<strong>des</strong> en-lieu sur les immeubles <strong>des</strong>réseaux, etc. Je n’ai pas d’objection àrevenir aux articles 252 et 253 et à continuer.On pourra en parler.Évidemment, lorsqu’on dit, ici, au deuxièmeparagraphe de l’article 38, que « les valeursinscrites au rôle doivent, à l’égard del’ensemble <strong>des</strong> unités d’évaluation qui ysont inscrites, représenter une mêmeproportion de la valeur réelle de cetensemble, si l’évaluateur se rend comptequ’effectivement, par ses propres calculsinternes pour <strong>des</strong> fins de cohérence etd’équité interne, le niveau de rôle dans unemunicipalité donnée est de l’ordre de 75 %,il fait les ajustements qui s’imposent ». Surce plan, M. le président, ce sont les règlesnormales d’évaluation qui s’appliquent.C’est le statu quo en matière de terres àbois. On ne change pas.M. Jean-Noël Lavoie :J’aurais une question à poser au ministre.J’ai encore <strong>des</strong> réticences sur l’article 38. Sil’article 38 était seul, sans l’article 253, jel’adopterais tout de suite. Mais j’aurais unequestion, parce que le débat se fera surl’article 253. Est-ce que l’article 253, c’est<strong>du</strong> droit nouveau, le droit <strong>du</strong> ministre,sans appel d’ailleurs, de déterminer uneproportion médiane de telle ville, de dire :Telle ville, il faut multiplier par 1,2 parce quec’est uniquement à 80 % de la valeur réelleou, pour une autre, il faut multiplier par0,8 parce qu’ils sont à 120 % de la valeurréelle ? Est-ce que l’article 253, c’est <strong>du</strong>droit nouveau ?M. Guy Tardif :L’article 253 est <strong>du</strong> droit nouveau dansla mesure où il intro<strong>du</strong>it un concept d’équitéet de cohérence et de mesure <strong>du</strong> niveaude rôle.Si tout le monde dans l’hypothèse <strong>du</strong> députéde Laval, est à 120 %, il n’y a aucunproblème. Il n’y a aucun problème à Trois-Rivières si tout le monde est à 120 %. S’il yen a un qui est à 40 %, l’autre à 80 % etl’autre à 100 %, là il y a <strong>des</strong> problèmes.M. Jean-Noël Lavoie :Ce n’est pas à vous de décider cela. C’estaux tribunaux. La loi n o 38 s’applique pourtout le monde.


z/ 32M. Guy Tardif :C’est cela.M. Jean-Noël Lavoie :La loi n o 38, c’est le droit général quis’applique à tout le monde et qui commandeque toutes les propriétés au <strong>Québec</strong> soientévaluées à la valeur réelle.M. Guy Tardif :M. le président, le ministre ne change pasla valeur de l’évaluation accordée parl’évaluateur. Il faudrait que ce soit bien clair.Il donne un indice, il fait une mesure <strong>du</strong>niveau de rôle et l’utilise, entre autres, pourles fins de péréquation municipale, deredistribution <strong>des</strong> revenus provenant <strong>des</strong>réseaux et diverses fins qui sont prévuesdans la loi. Il ne change pas la valeur.M. Jean-Noël Lavoie :Cela, c’est l’esprit dirigiste qui anime leministre et le Gouvernement en général.Vous êtes même plus haut que les tribunauxparce qu’au moins, devant les tribunaux,il y a un droit d’appel. Le ministre peutdéterminer qu’un rôle est à 40 %, 50 % ouà 120 % et il n’y a même pas d’appel <strong>des</strong>municipalités. On en reparlera tout à l’heure,à l’article 253.M. Guy Tardif :L’article 38 est adopté, M. le président.M. Jean-Noël Lavoie :Sur division, à cause <strong>des</strong> relations avecl’article 253.M. le président :Il y a un amendement qui avait été déposéà l’article 38; je n’étais pas président à cemoment-là. Il faudrait le retirer ?M. Fabien Corbeau :Non, non.M. Guy Tardif :Non, non. Je vous donne…M. le président :À l’article 38, il y avait un amendement dedéposé. J’ai pris la succession de moncollègue de Bourassa.M. Guy Tardif :Je vous donne un nouvel article 38,M. le président.M. le président :Il faut le retirer, il a été déposé.M. Guy Tardif :C’est cela.M. le président :Le nouvel amendement est adopté.M. Guy Tardif :Adopté.M. le président :L’article 38 adopté tel qu’amendé ?M. Jean-Noël Lavoie :Sur division.M. le président :Sur division. À l’article 39, l’amendementpour les fins <strong>du</strong> Journal <strong>des</strong> débats,M. le ministre.M. Guy Tardif :L’article 39 <strong>du</strong> projet de loi n o 57 est modifiépar la suppression dans la deuxième ligne<strong>du</strong> paragraphe 2 <strong>du</strong> mot « optimale ».M. Jean-Noël Lavoie :Est-ce que, pour les fins <strong>du</strong> Journal <strong>des</strong>débats, le ministre pourrait également,puisqu’il nous a cité toutes les autorités,tout à l’heure, qui approuvaient lesdéfinitions <strong>des</strong> articles 38, 39 et 40.J’ai mentionné, tout à l’heure, <strong>des</strong>représentations de la Corporation <strong>des</strong><strong>évaluateurs</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, qui n’était pasd’accord avec la rédaction <strong>du</strong> ministre. Jepourrais citer, également, <strong>des</strong> gens quisemblent assez sérieux, qui ont uneréputation, l’Association canadienne <strong>des</strong>administrateurs de taxe foncière inc.,


z/ 33section de Montréal, qui abondentexactement dans le même sens que laCorporation <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> et qui ne sontpas en agrément avec la conception <strong>du</strong>ministre et <strong>du</strong> ministère.M. Guy Tardif :L’article 39 est adopté, M. le président.M. le président :Alors, l’amendement…M. Jean-Noël Lavoie :Un instant ! On va voir l’amendement; sansoptimale, c’est déjà mieux; avec optimale,une discrétion était laissée je ne sais pas àqui, à tout le monde. L’amendement estadopté, le fait qu’on enlève optimale.M. le président :Adopté. L’article 39 est adopté.M. Jean-Noël Lavoie :Un instant ! J’ai <strong>des</strong> doutes sur ledeuxièmement : Le vendeur et l’acheteursont raisonnablement informés de l’état del’unité d’évaluation. Ils sont égalementraisonnablement informés de l’utilisation quipeut le plus probablement en être faite et<strong>des</strong>… ». Imaginez-vous l’interprétation detout cela devant les tribunaux. Il va falloirprouver que le vendeur et l’acheteur sontraisonnablement informés de l’état de l’unitéd’évaluation et raisonnablement informés del’utilisation qui peut le plus probablementêtre faite. La preuve de cela, dans un sensou dans l’autre…M. Lucien Caron :Cela va prendre un avocat pour allerdéfendre, ou bien un évaluateur.M. Jean-Noël Lavoie :Sur division.M. le président :Adopté tel qu’amendé. Tel que convenu,nous revenons à l’article 252.M. Jean-Noël Lavoie :Un instant !M. Guy Tardif :À moins que le député de Laval nousdise qu’il est prêt à passer aux articles 40,41, etc.M. Jean-Noël Lavoie :Je vais voir s’il y en a d’autres, après l’article40, qui peuvent être… Est-ce que le ministrepourrait nous expliquer l’article 40, s’il vousplaît ?M. Guy Tardif :Oui, M. le président. Encore une fois, cesont… L’effet de l’article 40, c’est de tenircompte <strong>des</strong> cas où le propriétaire est porté àdire : Mon usine n’est pas à vendre, il n’y apas d’acheteur pour cela. Et c’est baséessentiellement sur la jurisprudence et lesprincipes énoncés dans l’affaire Sun Lifeassurance Co. of Canada, le jugement de laCour supérieur, juge Taschereau, pages 244et 245, également, référence <strong>des</strong> causesdevant le Conseil privé, la cause OfficeSpeciality, ville de Montréal et Compagnie<strong>du</strong> marché central, etc. C’est, encore unefois, une espèce de codification de lajurisprudence en la matière.M. Jean-Noël Lavoie :Le prix de vente le plus probable d’une unitéd’évaluation qui n’est pas susceptible defaire l’objet d’une vente de gré à gré estétabli en tenant compte <strong>du</strong> prix que sonpropriétaire serait justifié de payer etd’exiger s’il était à la fois l’acheteur et levendeur, dans les conditions de l’article 39.M. Julien Giasson :Ce ne sont pas <strong>des</strong> exemples qui pourraients’appliquer, par exemple, à l’édificed’Aliments Maxi, à La Pocatière.M. Guy Tardif :Enfin, dans le cas d’une usine, notamment,où le propriétaire vous dit : « Mon usinen’est pas à vendre, il y a seulement unecomme ça, il n’y a pas d’acheteur », ça peutêtre le cas de Canadair ou de l’Alcan, parexemple, enfin, l’évaluation <strong>des</strong> hôpitauxdans le cas <strong>du</strong> Gouvernement, de GM,et j’en passe. Le propriétaire pourrait dire :


z/ 34« Mon usine n’a pas de valeur puisque jesuis le seul acheteur ».M. Julien Giasson :Ce que je veux dire par là, c’est quel’investissement qui avait été fait pourle terrain, les bâtiments, l’équipementtotalisait comme coût 1 200 000 $.L’entreprise a connu <strong>des</strong> problèmes, ellen’a pas pro<strong>du</strong>it; elle a été ven<strong>du</strong>e par la SDI,qui détenait la première hypothèque, pour350 000 $, mais ça venait d’être construitpour un montant de 1 200 000 $.C’est comme une entreprise dontl’évaluation au rôle peut être de X et,quelques mois après, elle tombe en faillite;là, la valeur d’acquisition ou le prix possibleà être payé par un acquéreur éventuel esttout autre, complètement différent de celuiqu’on retrouve au rôle d’évaluation.M. Guy Tardif :On en tient compte, partiellement, pour 40et par le libellé de 41, qui tient compte <strong>des</strong>avantages ou <strong>des</strong> désavantages futursqu’elle peut apporter, en les considérant defaçon objective.M. Julien Giasson :Ce serait plus couvert par 41 ?M. Guy Tardif :Oui, mais aussi par 40, à cet égard, à lasuite <strong>du</strong> fait qu’on vous dit que 40 est lacodification de la jurisprudence en lamatière.M. le président :L’article 40 est-il adopté ?M. Jean-Noël Lavoie :Sur division.M. le président :Adopté sur division. Passons-nous àl’article 41.M. Guy Tardif :J’aimerais étudier 41 et 42, M. le président.M. Jean-Noël Lavoie :Non, j’ai un de mes collègues qui veutintervenir, mais il est occupé à une autrecommission actuellement et tel que vousl’avez mentionné, vous m’avez proposé depasser la nuit <strong>des</strong>sus, et j’ai l’intention depasser la nuit <strong>des</strong>sus.M. Guy Tardif :Bien.M. le président :Alors, on retourne à l’article 252.L’article 42 ?M. Guy Tardif :Oui, l’article 42.M. Jean-Noël Lavoie :Voulez-vous me l’expliquer brièvement et onva en disposer ?M. le président :Il y a un amendement à l’article 42.M. Jean-Noël Lavoie :Il y a un amendement ?M. le président :Oui, il a été déposé.M. Guy Tardif :M. le président, je ne sais pas si…M. le président :Il y avait un amendement.M. Guy Tardif :Ah, vous avez le papillon, c’est ça; moi, je nel’avais pas.L’article 42 <strong>du</strong> projet de loi n o 57 est modifiépar l’addition, à la fin de l’alinéa suivant :« Aux fins de déterminer les conditions <strong>du</strong>marché à la date visée au premier alinéa,on peut notamment tenir compte <strong>des</strong>renseignements relatifs aux transferts depropriété survenus avant et après cettedate ».


z/ 35La modification a pour effet de confirmer latechnique d’évaluation voulant que, pourdéterminer les conditions <strong>du</strong> marché à unecertaine date, il faut examiner les transfertsde la propriété survenus avant et aprèscette date et établir un niveau médian.M. Jean-Noël Lavoie :Valeur médiane.M. Guy Tardif :Mais, si on veut établir une valeur au1 er janvier, il faut prendre les ventes un peuavant et un peu après le 1 er janvier, pouravoir une idée de cette valeur au 1 er janvier.Cet amendement est apporté à la demande<strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong>, <strong>des</strong> juges, <strong>des</strong> membres <strong>du</strong>Bureau de révision…M. Jean-Noël Lavoie :Vous dites n’importe quoi, nommez-moi lesjuges, donnez-moi le nom <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong>.Vous dites n’importe quoi pour appuyervotre argumentation. Des juges ontdemandé cela. Quels juges ont demandécela ?M. Guy Tardif :M. le président, je m’excuse, encore unefois, je veux bien essayer de répondre auxquestions <strong>du</strong> député de Laval lorsqu’il veutsavoir la raison de cet amendement. Or, jelui dis que la façon de déterminer la valeurd’un immeuble au 1 er janvier, c’est de tenircompte <strong>des</strong> ventes survenues avant etaprès cette date, et ceci, encore une fois,est à la demande <strong>des</strong> gens qui oeuvrentdans le milieu. Quant au nom <strong>des</strong> personnesqui ont fait cette demande, je vous dirai,M. le président, que cette requête provientà la fois <strong>du</strong> président <strong>du</strong> Bureau de révisiond’évaluation foncière, de M e Bock, qui est iciprésent, <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> de la Ville deLaval, ceux de la Communauté urbaine deMontréal, de la Communauté urbaine de<strong>Québec</strong>, qui nous demandent d’avoir cetteflexibilité dans la loi.M. Jean-Noël Lavoie :Y a-t-il <strong>des</strong> contribuables, également, quivous l’ont demandé ?M. Guy Tardif :Les contribuables, dans la mesure où,justement, on pourra, par <strong>des</strong> moyenssemblables, parvenir à une plus juste valeurde leur propriété : ce qu’on vise, enl’occurrence, c’est l’équité.M. Fabien Cordeau :M. le ministre, avant le 1 er janvier, est-cecinq à six mois avant le 1 er janvier ou si celapeut comprendre toute l’année précédente ?Simplement le prix de l’évaluation.M. Guy Tardif :Cela dépend <strong>du</strong> volume <strong>des</strong> transactions,M. le président. Si, au cours <strong>du</strong> mois qui aprécédé et <strong>du</strong> mois qui a suivi, il y a unvolume de transactions suffisant, cela suffit.M. Jean-Noël Lavoie :Selon la tradition qu’on a actuellementdevant les tribunaux, cela est <strong>du</strong> droitnouveau, c’est un concept nouveauégalement, parce que, dans les casd’expropriation ou autres, l’expert a droitd’apporter dans son dossier l’état <strong>du</strong> marchéavant la date de l’expropriation et non pasaprès. Et là, vous amenez un conceptnouveau, vous apportez la valeur d’après.M. le président :L’article 42, adopté sur division, telqu’amendé.On revient un peu plus tard avec un nouvelamendement à l’article 41 à la demande deM. Jean-Noël Lavoie, député de Laval.M. Guy Tardif :M. le président, il y avait déjà eu un papillonde distribué. Celui qui est bon c’est celui quine comprend pas « les avantages et lesdésavantages présents ou futurs ». Je peuxrelire le nouveau papillon : « L’article 41<strong>du</strong> projet de loi n o 57 est remplacé par lesuivant : Pour établir la valeur réelle d’uneunité d’évaluation, il faut notamment tenircompte de l’incidence que peut avoir sur sonprix de vente le plus probable l’actualisation<strong>des</strong> avantages ou désavantages qu’elle peutapporter, en les considérant de façonobjective ».


z/ 36M. John Ciaccia :Le ministre croit-il vraiment que l’amendementqu’il nous a donné apporte un changementà l’article tel que rédigé dans leprojet de loi ? Où est-ce une autre façon dedire la même chose ? Je pense que c’est uneautre façon de dire la même chose.M. Guy Tardif :C’est que j’avais cru déceler dans les proposde l’opposition, justement, certainesréserves à l’endroit de ces qualificationsd’avantages présents et futurs, alors on lesa enlevés tout simplement.M. John Ciaccia :Oui, mais vous les avez remplacés par lamême chose.M. Guy Tardif :La même chose.M. John Ciaccia :Quand vous dites : « …le plus probable,l’actualisation <strong>des</strong> avantages ou désavantages…» Comment allez-vous actualiser,sinon de prendre les avantages présents etfuturs et les tra<strong>du</strong>ire en un chiffre ? Vousfixez votre valeur de cette façon ? Vousdonnez encore une discrétion à l’évaluateur.Vous causez un… Ce sera difficile pourquelqu’un de contester l’évaluation avec ceconcept. C’est vous qui déterminez la valeurà l’avenir, les avantages futurs, qu’ils seréalisent ou non, mais vous les actualisez.M. Guy Tardif :Je reviens à l’exposé que faisait le député deMont-Royal tantôt lorsque nous discutions<strong>du</strong> rajustement à la baisse <strong>des</strong> loyers parsuite de la diminution <strong>des</strong> taxes, lorsqu’ilnous faisait part de facteurs tels les taux devacance et autres, ou <strong>des</strong> délais avant uneoccupation maximale; il était le premier àinvoquer que ceci devait entrer en ligne decompte. Alors je…M. John Ciaccia :C’est actuel…M. Guy Tardif :Mais c’est ça !M. John Ciaccia :Mais ce n’est pas ce que vous faites àl’article 41. Pourquoi avez-vous besoin del’article 41 quand vous avez l’article 39 ?À l’article 39 vous avez la valeur réelle.Le vendeur et l’acheteur… pourquoiintro<strong>du</strong>ire…M. Jean-Noël Lavoie :Aux articles 39 et 40.M. John Ciaccia :Aux articles 39 et 40; les deux ensemblevous donnent le moyen d’arriver à lavaleur réelle.M. Guy Tardif :…justement, M. le président, c’est que cetarticle permet de tenir compte précisément<strong>des</strong> facteurs qu’invoquait le député deMont-Royal. Par exemple les loyers, lavacance et autres… Mais oui…M. John Ciaccia :Non.M. Jean-Noël Lavoie :C’est le contraire.M. John Ciaccia :C’est le contraire parce que vous pouvezdire d’après l’article 41, c’est vacantaujourd’hui, mais dans deux ans ce ne serapas vacant et je vais prendre ça enconsidération et je vais évaluer l’édificecomme s’il était complet.M. Guy Tardif :Je vais essayer de comprendre rapidement.Est-ce que c’est contre le mot« actualisation » qu’en a particulièrementle député de Mont-Royal ?M. Jean-Noël Lavoie :C’est contre toute projection dans l’avenir.M. Guy Tardif :Bon, alors si, à ce moment-là…M. le président.


z/ 37M. Jean-Noël Lavoie :La valeur actuelle <strong>du</strong> fait que…M. Guy Tardif :Est-ce que je peux faire une suggestion.M. Jean-Noël Lavoie :…vous avez un rôle annuel.M. Guy Tardif :Remplacer le mot « actualisation » par lemot « la considération ». Or donc, « pourétablir la valeur réelle de l’unité d’évaluation,il faut notamment tenir compte de l’incidenceque peut avoir sur son prix de ventele plus probable la considération <strong>des</strong>avantages ou <strong>des</strong> désavantages qu’ellepeut apporter, en les considérant de façonobjective ».M. Jean-Noël Lavoie :Pourriez-vous répéter ?M. Guy Tardif :Remplace le mot « actualisation » par lesmots « la considération » tout simplement,« <strong>des</strong> avantages ou désavantages qu’ellepeut apporter ».M. Jean-Noël Lavoie :Je me demande ce que cela apporte de plus.Je pense que 41 n’est pas utile dans la loi.M. John Ciaccia :Vous la définissez dans 39 et 40.M. Jean-Noël Lavoie :Moi, je trouve que les définitions…M. Fabien Cordeau :M. le président.M. le président :M. le député de Saint-Hyacinthe.M. Fabien Cordeau :Est-ce un nouveau principe d’évaluation ouest-ce contenu dans le manuel ?M. Guy Tardif :Non, cela existe, c’est consacré par lajurisprudence, M. le président, et celapermet de tenir compte <strong>des</strong> facteursqu’évoquait le député de Mont-Royal quantà <strong>des</strong> choses comme les taux de vacance etautres.M. John Ciaccia :Non, parce que ce facteur-là, vous l’avezdans 39.1 et 2. Cela va se refléter dans leprix de vente, dans tous les facteurs quisont contenus dans les articles 39 et 40.Qu’avez-vous besoin de plus ? Par exemple,dans 39, vous dites : « La valeur réelle d’uneunité d’évaluation est sa valeur d’échangesur un marché libre et ouvert à la concurrence,soit le prix le plus probable qui peutêtre payé lors d’une vente de gré à gré dansles conditions suivantes : le vendeur etl’acheteur désirent respectivement vendre etacheter l’unité d’évaluation, mais ils n’y sontpas obligés et deuxièmement, le vendeur etl’acheteur sont raisonnablement informés del’état de l’unité d’évaluation de l’utilisationoptimale qui peut… »M. Jean-Noël Lavoie :« Optimale » est enlevé.M. John Ciaccia :…le plus probablement en être faite et <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché immobilier.M. Guy Tardif :M. le président, dans un document D7,Recueil de jurisprudence <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, décisionde la Cour d’appel, je voudrais lire unpassage où on dit : « La valeur à fixer doitêtre une valeur objective après considérationde tous les facteurs pertinents, telsles avantages et désavantages <strong>du</strong> site, lesaméliorations et autres éléments pouvantaffecter cette valeur. Dans certains cas, lerendement <strong>des</strong> loyers est primordial; dansd’autres, l’immeuble n’a de valeur que pourl’occupation d’une organisation spécialisée.Les diverses considérations applicables etle poids à leur accorder dans chaque casdoivent être laissés au jugement <strong>des</strong>organismes d’estimation, sujet au moded’appel délimité plus haut ».


z/ 38Alors, M. le président, il me semble qu’à cetégard nous ne faisons que codifier la jurisprudenceen la matière.M. John Ciaccia :Non, vous venez de confirmer les articles 39et 40 ! Pourquoi ne mettez-vous pas tout lejugement ? C’est ce que vous voulez, maisce n’est pas ce que vous faites.M. Guy Tardif :Non, l’article 39 ne contient pas laconsidération <strong>des</strong> avantages etdésavantages constatés objectivement.M. John Ciaccia :Voyons ! Comment pensez-vous que levendeur et l’acheteur vont en venir à unprix d’une unité d’évaluation, s’ils neconsidèrent pas cela ? Si c’est cela lajurisprudence, vous l’avez.M. Guy Tardif :M. le président, l’article 39 nous dit ce quel’on doit prendre pour fixer la valeur, c’est-àdirele marché, alors que l’article 40 nousdit comment procéder pour déterminer ouprendre cette valeur et, entre autres, tenircompte <strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong> désavantages.Les deux articles se complètent. Il mesemble qu’en mettant la considération,on évite l’élément que mentionnait ledéputé de Mont-Royal et on atteint l’objectifd’avoir un…M. le président :Après les mots « le plus probable », il y aune virgule, M. le ministre ?M. Guy Tardif :Après « le plus probable », non.M. Jean-Noël Lavoie :Votre opinion, on va l’accepter, mais jepense que cela n’ajoute rien. D’après moi,c’est superflu.M. le président :Est-ce que le sous-amendement àl’amendement de l’article 41 est adopté ?M. Guy Tardif :Adopté.M. le président :L’amendement est adopté tel qu’amendé ?M. Guy Tardif :Amendement adopté.M. le président :L’article 41 est adopté, tel qu’amendé.M. Guy Tardif :Adopté. »M. John Ciaccia :L’article 41 se lirait comme suit : « Pourétablir la valeur réelle d’une unité d’évaluation,il faut notamment tenir compte del’incidence que peut avoir sur son prix devente le plus probable la considération <strong>des</strong>avantages ou <strong>des</strong> désavantages qu’elle peutapporter en les considérant de façonobjective ».(23 h 45)M. Guy Tardif :C’est cela, cela va ?


z/ 39Conclusion de la partie 1Avant 1971, la Loi sur les cités et villes et leCode municipal édictaient le devoir del’évaluateur municipal de faire, chaque année,l’évaluation <strong>des</strong> biens imposables, suivant leurvaleur réelle sans toutefois définir ou donnerquelque indication sur ce qu’on entendait parvaleur réelle.Comme nous le verrons dans la partie 2,les tribunaux ont ensuite défini ce qu’ilsentendaient par valeur réelle. On associe alorsles concepts de valeur réelle et de valeurmarchande. C’est l’aboutissement d’un longdébat qui culmine avec l’arrêt de la Coursuprême dans la cause de Ville de Montréalc. Sun Life assurance Co. of Canada en 1950.Le 23 décembre 1971, le <strong>Québec</strong> se dote d’unepremière loi cadre sur l’évaluation foncière.Dans un souci d’harmonisation immobilière surtout le continent nord-américain, la nouvelle loiintro<strong>du</strong>it le concept de valeur marchande etdonne une définition <strong>du</strong> terme. Cette définitionde valeur marchande reprend les notions d’offreet de demande (test of competition) et <strong>du</strong>vendeur et de l’acheteur désireux de vendre etd’acheter tout en n’y étant pas obligés…contenues dans le jugement de la Sun Lifeassurance Co. of Canada, on y ajoute les notions<strong>du</strong> prix le plus probable, de la connaissanceconvenable de la valeur physique, de la valeuréconomique actuelle et potentielle et on spécifiel’application <strong>des</strong> trois techniques d’évaluation.À la lecture <strong>des</strong> débats de la commissionparlementaire qui ont précédé l’adoption dela Loi sur l’évaluation foncière, plus particulièrementen ce qui concerne la définition dela valeur marchande, on note l’interventionremarquée de l’Association <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong>municipaux <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> représentée parM. Jean-Jacques Lacroix, alors évaluateur agréé,qui plaide en faveur d’une définition qui tiennecompte <strong>du</strong> contexte de l’évaluation municipale.« En évaluation municipale dit-il, l’évaluateurapplique un processus d’évaluation en série,ce qu’on appelle communément <strong>du</strong> massappraisal et ces métho<strong>des</strong> de travail sontorientées vers une uniformité relative ».Cette méthode d’évaluation ne peut paspro<strong>du</strong>ire <strong>des</strong> résultats aussi précis qu’uneexpertise indivi<strong>du</strong>elle de chaque immeuble.La technique et les procédés d’évaluation demasse ont été développés pour les fins del’évaluation municipale en vue d’obtenir <strong>des</strong>évaluations justes et équitables au moyend’opérations permettant d’atteindre le butvisé en consacrant moins de temps etsurtout moins de dépenses que pour uneexpertise indivi<strong>du</strong>elle. »Certains intervenants et membres de lacommission ont exprimé <strong>des</strong> réserves quant àl’utilisation <strong>du</strong> terme de valeur marchande dansle contexte de l’évaluation municipale. Lescraintes soulevées étaient que la valeurmarchande soit de nature à apprécier la petitepropriété foncière et à déprécier la grossepropriété, cette dernière étant peu ou passusceptible d’être transigée sur le marché.Saisir la distinction entre la valeur marchandeet la valeur réelle c’est tenir compte <strong>du</strong> contextede l’évaluation municipale où l’évaluateurprocède dans le cadre <strong>du</strong> processus d’évaluation,à l’étude de toutes les transactionsd’immeubles semblables pour chacune <strong>des</strong>unités de voisinage, dans la recherche de cequ’on pourrait appeler la valeur marchandemoyenne ajustée pour chacune <strong>des</strong> propriétés.Cette façon de procéder ne tient pas comptede toutes les particularités susceptibles d’avoirune incidence sur la valeur, telle qu’uneexpertise qui elle, commande un travailbeaucoup plus long, beaucoup plus complexeet beaucoup plus coûteux.D’autres intervenants ont insisté pour que l’onconserve le terme valeur réelle afin de bénéficierd’une jurisprudence bien établie dans ledomaine de l’évaluation foncière. Ce futnotamment le cas de l’Union <strong>des</strong> municipalités<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, de l’Union <strong>des</strong> conseils de comté et<strong>des</strong> municipalités qui ont jugé opportun deprésenter leur mémoire directement à lacommission.Il faut savoir qu’à l’époque, soit avant 1970,les <strong>évaluateurs</strong> immobiliers <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> sont


z/ 40regroupés sous trois gran<strong>des</strong> dénominations.Il y a les <strong>évaluateurs</strong> municipaux qui sontreprésentés par l’Association <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong>municipaux, il y a les <strong>évaluateurs</strong> en expropriationqui ont également leur association etles <strong>évaluateurs</strong> <strong>du</strong> milieu <strong>des</strong> affaires et del’expertise privée qui sont généralementregroupés sous le chapitre <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> del’Institut canadien <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong>. Chaquegroupe exerce une influence déterminantedans son milieu.Lors de sa naissance en 1969, la Corporationprofessionnelle <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong><strong>Québec</strong> se voit confier la mission de regroupertous les champs de pratique et on assistealors à une toute nouvelle dynamique. Les<strong>évaluateurs</strong> issus <strong>du</strong> milieu <strong>des</strong> affaires et del’expertise privée formant ce que l’on appellecommunément le courant moderniste et les<strong>évaluateurs</strong> évoluant en évaluation municipaleet en expropriation étant le courantpragmatique.L’étude par les comités d’experts et légistes, enconsultation avec tous les milieux, sur lesdifférents aspects de la Loi sur l’évaluationfoncière, a été l’occasion pour les différentscourants de pensée, de faire valoir leur point devue et d’exercer leur influence. Les modernistesont exercé une influence non négligeable àtravers le comité aviseur <strong>du</strong> ministre <strong>des</strong>Affaires municpales de l’époque. C’est de là quevient l’insistance à vouloir adopter le concept devaleur marchande dans la Loi sur l’évaluationfoncière. Ce concept était déjà le leur dans lemonde <strong>des</strong> affaires et de l’expertise privée etavait déjà une vocation plus continentale, alorsque les domaines de l’évaluation municipale etde l’expropriation, de juridiction provinciale, ilprésente une vocation plus régionale. C’étaitl’époque de la grande ouverture <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> surle monde et les <strong>évaluateurs</strong> participaient à cetteère de modernité.C’est ainsi que la Loi sur l’évaluation foncière estadoptée avec le concept de valeur marchande etune première définition est inscrite dans la loi.Le courant <strong>des</strong> modernistes n’étant généralementpas issu de la pratique de l’évaluationfoncière et méconnaissant les subtilités de lajurisprudence, le concept de valeur marchanden’a pas fait long feu devant les avis juridiquesémanant de toute part, plus particulièrement,<strong>des</strong> municipalités, de l’Union <strong>des</strong> municipalités<strong>du</strong> <strong>Québec</strong> et <strong>du</strong> Bureau de révision del’évaluation foncière.C’est ainsi que le 6 juillet 1973, à l’occasion del’étude en commission plénière de l’Assembléenationale, <strong>du</strong> projet de loi n o 33 modifiant la Loisur l’évaluation foncière, le ministre <strong>des</strong> Affairesmunicipales, accepte l’expression valeur réellequi a l’avantage d’avoir été définie par lestribunaux plutôt que de risquer la créationd’une nouvelle jurisprudence dans le domaine.Le courant <strong>des</strong> pragmatiques s’affirme àson tour.Afin de répondre aux deman<strong>des</strong> de plus en plusinsistantes <strong>des</strong> municipalités, le gouvernement<strong>du</strong> <strong>Québec</strong> a déposé un projet de loi, procédantainsi à une réforme en profondeur de la fiscalitémunicipale et de certains de ses concepts.La Loi sur la fiscalité municipale de 1979(projet de loi 57) modifie à nouveau la Loi surl’évaluation foncière et précise les critères quidoivent être pris en considération dansl’estimation de la valeur réelle :- valeur d’échange;- prix de vente le plus probable;- vendeur et acheteur désireux de vendreou d’acheter mais n’y sont pas obligés;- acheteur et vendeur raisonnablementinformés;- prix de vente le plus probable d’uneunité d’évaluation non susceptible defaire l’objet d’une vente;- considération <strong>des</strong> avantages etdésavantages de l’unité d’évaluation;- le propriétaire détient tous les droits<strong>du</strong> locataire;- date de l’évaluation;- période d’évaluation;- état de l’unité d’évaluation, physique,économique et juridique;- conditions <strong>du</strong> marché avant et après ladate de l’évaluation;


z/ 41- les valeurs inscrites au rôle doiventreprésenter la même proportion <strong>des</strong>valeurs réelles <strong>des</strong> unités d’évaluation.Le concept de valeur réelle est maintenantassorti de critères qui répondent aux besoins etaux revendications <strong>du</strong> milieu. Ces critères sontle résultat d’un large consensus. Il faut savoirque le projet de loi avait été minutieusementpréparé par le ministère <strong>des</strong> Affaires municipalesen consultation avec l’Union <strong>des</strong>municipalités, l’Union <strong>des</strong> conseils de comté,certains <strong>évaluateurs</strong> <strong>des</strong> villes et communautésurbaines, <strong>des</strong> légistes, et le président <strong>du</strong> Bureaude révision de l’évaluation foncière. Ceux-ci onttravaillé en comités conjoints, sur une périodede 18 mois, et ont reçu <strong>des</strong> représentations dedivers milieux et notamment de propriétairesfonciers <strong>du</strong> milieu <strong>des</strong> affaires et de la grandein<strong>du</strong>strie. Un comité aviseur a ensuite assisté leministre dans la plupart <strong>des</strong> clarifications <strong>du</strong>projet de loi et dans les prescriptions <strong>des</strong>critères qui guident l’évaluateur dansl’estimation de valeur réelle.Le concept de valeur réelle défini dans la Loisur la fiscalité municipale gouverne doncl’évaluateur municipal depuis 1979 dansl’estimation de la valeur.Malgré les clarifications incontestables de laLoi sur la fiscalité municipale concernant leconcept de valeur réelle et de ses critèresd’évaluation qui guident l’évaluateur dans larecherche de la valeur, une certaine incompréhensionpersiste toujours à l’égard <strong>du</strong>contexte <strong>du</strong> champ de pratique de l’évaluationmunicipale.Il faut dire que le champ de pratique est vasteet qu’il embrasse tous les territoires et tous lestypes d’immeubles.Dans le chapitre suivant, nous allons voircomment la jurisprudence a interprété leconcept de valeur réelle. Allons-nous pouvoiren dégager un courant majoritaire ?


z/ 42PARTIE 2L’expérience devant les tribunauxAfin d’assurer l’équité et l’uniformité dans lataxation foncière, la Loi sur la fiscalitémunicipale a fixé <strong>des</strong> critères spécifiques àl’établissement de la valeur réelle, à savoir :1 o Le critère de la valeur d’échange et <strong>du</strong> prixde vente le plus probable (art. 43);2 o Le critère <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteurraisonnablement informés de l’état del’unité d’évaluation, de l’utilisation qui peutle plus probablement en être faite et <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché immobilier (art. 43et art. 46);3 o Le critère de la considération <strong>des</strong> avantageset <strong>des</strong> désavantages de l’unité d’évaluationen les considérant de façon objective(art. 45);4 o Le critère <strong>du</strong> vendeur réputé détenir tous lesdroits <strong>du</strong> locataire (art. 45.1);5 o Le critère <strong>du</strong> prix que son propriétaireserait justifié de payer et d’exiger s’il étaità la fois l’acheteur et le vendeur de l’unitéd’évaluation, non susceptible de faire l’objetd’une vente, le tout également soumis auxautres dispositions de l’article 43 (art. 44);6 o Le critère de la date d’évaluation (art. 46) etde l’utilisation la plus probable de l’unité(art. 44);7 o Le critère de l’état de l’unité d’évaluationsur les plans physique, économique,juridique et de l’environnement où il setrouve (art. 46);8 o Le critère de la proportion <strong>des</strong> valeursréelles <strong>des</strong> unités d’évaluation et le critèred’équilibration <strong>du</strong> rôle (art. 42 et 46.1).Ces critères spéciaux associés à la valeur réelleque la Loi sur la fiscalité municipale impose àl’évaluateur constituent l’encadrement législatif<strong>du</strong> champ de pratique de l’évaluation municipale.Allons voir comment la jurisprudence ainterprété ce concept.Aux fins de notre étude, nous ne retiendronsque les décisions qui expriment un contenujurisprudentiel significatif se rapportant auconcept de valeur en évaluation foncière.Sun Life assurance Co. of Canadac. Ville de MontréalCommençons d’abord avec l’arrêt de la Coursuprême <strong>du</strong> Canada de 1950 dans l’affaire de laSun Life assurance Co. of Canada c. la Ville deMontréal 1 , régulièrement cité par les cours dejustice, les avocats et les <strong>évaluateurs</strong>.S’appuyant sur d’autres décisions aussilointaines qu’en 1891, 1915, 1933 et 1935, maisnon moins pertinentes, la Cour suprême conclutque l’expression valeur réelle signifie valeuractuelle, valeur d’échange, valeur marchande.Déjà avant 1915, (nous n’avons pu retracerl’année précise), la Cour d’échiquier donnait ladéfinition suivante de la valeur : « C’est le prixqu’un vendeur qui n’est pas obligé de vendreet qui n’est pas dépossédé malgré lui, maisqui désire vendre réussira à avoir d’un acheteurqui n’est pas obligé d’acheter, mais qui désireacheter. »La Loi sur les cités et villes et la charte dela Ville de Montréal ne donnaient aucunedéfinition de la valeur réelle; les cours de justiceont alors puisé dans la théorie généraled’évaluation pour finalement réunir sous unmême vocable les termes valeur réelle, valeurd’échange, valeur marchande, en y ajoutant leprincipe <strong>du</strong> test de compétition comme l’a faitla Cour suprême dans la cause de la Sun Lifeassurance Co. of Canada.S’agissant d’évaluer l’édifice de la Sun Lifeassurance Co. of Canada situé sur le boulevardDorchester (René-Lévesque) à Montréal etconsidérant que l’immeuble se révèle être dansune classe à part, où il n’existe aucune vented’immeuble comparable, il convenait dans lescirconstances d’utiliser les techniquesd’évaluation <strong>du</strong> coût et <strong>du</strong> revenu. Aux finsd’évaluer cet immeuble, la Cour suprêmeimagine une transaction fictive dans uncontexte où un investisseur prudent ou un


z/ 43acheteur consentant serait prêt à payer enassumant un retour d’investissement normal. Ils’agit donc d’appliquer ce que la Cour suprêmeappelle le test de compétition.L’immeuble de la Sun Life assurance Co. ofCanada représentait à l’époque le nec plus ultraen matière d’architecture classique et de luxede même que par ses dimensions. C’étaitl’édifice à bureaux le plus imposant et le plusprestigieux de son temps à Montréal, alorsmétropole <strong>du</strong> Canada. L’immeuble avait étéconstruit par son propriétaire pour répondreaux besoins de son siège social et aussi pouraffirmer l’image de marque et le prestige del’entreprise. L’élaboration d’une architecturesomptueuse et l’emploi de matériaux luxueux etde grande qualité, le tout associé au nom del’entreprise sont à l’origine de la création d’uneplus-value qu’il fallait prendre en compte dansl’appréciation <strong>des</strong> caractéristiques et avantagesde l’immeuble. Sans doute qu’il s’agissait d’uneplus-value « cachée » ou indirecte qui nepouvait pas apparaître dans les états comptableset les frais d’exploitation de l’immeublemais néanmoins, elle était là, dissimulée dansles caractéristiques immobilières.Qu’arrive-t-il lorsque nous sommes en présenced’un immeuble dont l’envergure ou la spécialisationne se reconnaît dans aucun segment<strong>du</strong> marché ?La Cour suprême a imaginé une ventehypothétique soumise aux critères <strong>du</strong> test decompétition et de la valeur d’échange, ramenantainsi la valeur de l’immeuble sensiblement surles mêmes bases que le marché prédominant<strong>des</strong> édifices à bureaux <strong>du</strong> centre ville, soit unimmeuble à bureaux de classe moyenne,ignorant par le fait même certaines caractéristiqueset avantages rattachés à l’immeuble dela Sun Life assurance Co. of Canada. Ainsi, laCour suprême n’a pas reconnu ou vu la plusvaluedont jouissait l’immeuble de la Sun Lifeassurance Co. of Canada par rapport à laconcurrence, qui était pourtant le résultatd’un choix judicieux exercé par son propriétaireà l’époque.Le principe <strong>du</strong> test de compétition n’est pas unprincipe universel; s’il trouve son applicationdans le cours ordinaire <strong>des</strong> transactions, il nepeut être utilisé pour <strong>des</strong> immeubles qui ne sontpas ou peu susceptibles d’être ven<strong>du</strong>s dans undélai raisonnable. N’aurait-il pas été souhaitableque la Cour suprême simule une vente hypothétique,ayant recours à un acheteur typiqueprésentant une envergure semblable à celle dela Sun Life assurance Co. of Canada, voire de laSun Life assurance Co. of Canada elle-même ?Certes, la jurisprudence a évolué depuis etl’article 44 de la Loi sur la fiscalité municipalefixe pour <strong>des</strong> cas semblables, le critère <strong>du</strong>propriétaire à la fois vendeur et acheteur dansla recherche de la valeur aux fins de l’évaluationmunicipale.Comme on le verra plus loin, le concept devaleur réelle requiert de l’évaluateur qu’ilconsidère l’immeuble comme il se trouve aumoment de l’évaluation, physiquement etéconomiquement, avec tous ses avantages etses désavantages et ce, sans envisagerd’hypothèse quant à son avenir. L’exemple<strong>du</strong> jugement <strong>du</strong> Tribunal administratif <strong>du</strong><strong>Québec</strong> dans l’affaire <strong>du</strong> Palais de justice deMontréal, ren<strong>du</strong> le 23 décembre 1999, estinstructif à cet égard.À notre avis, ce jugement de la Cour suprêmeconcernant la valeur réelle de l’immeuble dela Sun Life assurance Co. of Canada, bienqu’intéressant à plus d’un point de vue, requiertd’être lu avec discernement, d’autant plus quele législateur a maintenant donné une définitionde la valeur réelle et que la science de l’évaluationa fait <strong>des</strong> progrès notables depuis.Nous n’avons pas la prétention ici de faire letour complet de cette jurisprudence qui regorged’enseignement, ce n’est pas le but <strong>du</strong> présentexercice.


z/ 44La jurisprudence contemporainePlusieurs années d’interventions législatives etde débats judiciaires ont suivi le célèbre arrêt dela Sun Life assurance Co. of Canada 2 et nousconstatons que la notion de la valeur réelle n’estpas encore très bien comprise aujourd’hui.À titre d’exemple, nous pouvons citer deuxdécisions de la Cour d’appel prononcées dansla même année, où la Cour en est arrivée à<strong>des</strong> conclusions diamétralement opposéesconcernant la valeur <strong>des</strong> terrains reconnuscomme étant <strong>des</strong> parcs. Ainsi, dans l’affaireParoisse Notre-Dame-de-l’île-Perrot 3 , la Courd’appel a fixé la valeur <strong>du</strong> terrain à 1 $ tandisque dans l’affaire Société <strong>des</strong> établissementsde plein air <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> 4 , la valeur <strong>du</strong> parc étaitfixée à 7 248 631 $.Toujours devant la Cour d’appel, qui ne sesouvient pas de la fameuse décision de Lesplacements Ansec Ltée c. la Communautéurbaine de Montréal 5 en 1992 qui a refuséd’appliquer la théorie <strong>du</strong> faisceau <strong>des</strong> droitset qui, pour évaluer un immeuble à revenus,s’en est remis aux baux contractuels plutôtqu’aux baux marchands, sous prétexte que ladéfinition contenue dans la loi quant à la valeurréelle était une définition de la valeur d’échangeet que dans une circonstance d’échange, unacheteur tiendrait certainement compte <strong>des</strong>loyers véritablement perçus plutôt que ceuxqu’il pourrait percevoir en l’absence de bauxà long terme.Cependant, cette même Cour d’appel, le14 mars 2000, dans l’affaire Provigo distributionc. la Communauté urbaine de <strong>Québec</strong> 6 , toujoursconcernant l’interprétation de la valeur réelle,en est arrivée à la conclusion que c’était le loyermarchand qui devait être retenu et non pas leloyer contractuel, soit une décision diamétralementopposée à celle de Ansec.Ces décisions de la Cour d’appel nous démontrentque la valeur réelle n’est pas toujoursbien comprise.Toujours à titre d’exemple, on se souviendradans la fameuse affaire <strong>du</strong> Marché central 7 où laCour d’appel en est arrivée à la conclusion qu’enévaluation foncière, nous ne devions pas tenircompte <strong>des</strong> servitu<strong>des</strong> autres que celles d’utilitépublique imposées par la loi car cela constituaitune valeur subjective. Ce principe a même étérépété par la Cour d’appel dans le dossier PriceWaterhouse c. Ville de Laval 8 mais si nousretenons la décision prononcée dans LesPlacements Ansec Ltée, qui nous réfère à unevaleur d’échange, comment pouvons-nousprétendre qu’un acheteur ne tiendrait pascompte de l’existence d’une servitude imposéesur son terrain ? D’ailleurs, tous les témoinsenten<strong>du</strong>s dans le dossier de Price Waterhouseont témoigné à l’effet qu’ils ne pouvaientacheter l’immeuble ou développer cet immeubletant et aussi longtemps que les problèmes detitres ne seraient pas régularisés.M e Jacques Forgues, dans son volumeL’évaluation municipale et la valeur réelle 9 , quiétait présenté à l’origine comme thèse dedoctorat, démontre bien la difficulté de procéderà <strong>des</strong> interprétations en ne faisant appel qu’àla science juridique, en ignorant celle del’évaluation, et vice versa.Il serait présomptueux pour les auteurs devouloir faire une révision de la doctrine et de lajurisprudence traitant <strong>du</strong> concept de la valeurréelle dans son entier.M e Jacques Forgues, dans son traité ci-avantmentionné, le fait très bien et nous souscrivonsà cette thèse de doctorat.Ainsi donc, le concept de la valeur réelle enfiscalité municipale pose l’hypothèse d’unevente entre deux personnes dans les conditionsque l’on retrouve dans la loi et, plus particulièrement,aux articles 43, 44, 45 et 46.Ces articles font état <strong>du</strong> contexte dans lequell’évaluateur municipal doit se placer poureffectuer l’évaluation de l’unité d’évaluation.L’un de ces articles attire tout particulièrementnotre attention et concerne le vendeur etl’acheteur qui sont raisonnablement informésde l’état de l’unité d’évaluation, de l’utilisationqui peut le plus probablement en être faite et<strong>des</strong> conditions <strong>du</strong> marché immobilier.


z/ 45Ce critère de raisonnablement informé avait faitl’objet d’une étude approfondie dans le cadred’un dossier impliquant la Ville de Laval contrele MAPAQ 10 concernant <strong>des</strong> terrains situés enzone agricole.Dans ce dossier le MAPAQ, par l’entremise <strong>des</strong>on évaluateur, avait préten<strong>du</strong> que toutes lesventes de terrains agricoles transigées entreparticuliers non agriculteurs avant le dépôt <strong>du</strong>décret de la zone agricole permanente étaientintervenues quelques jours avant la date deréférence pour le dépôt <strong>du</strong> rôle d’évaluation etde ce fait, ne devaient pas être retenues pourétablir la valeur.S’appuyant sur les dispositions de l’article 43 dela Loi sur la fiscalité municipale, la preuve aconsisté à démontrer que les acheteurs etvendeurs qui avaient été impliqués dans lestransactions choisies par l’évaluateur de la Villerencontraient les critères énoncés dans la loi.En première instance, le Bureau de révisionde l’évaluation foncière avait donné raisonau MAPAQ. En appel de cette décision, le9 octobre 1996, l’honorable juge Soumis de laCour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> a ren<strong>du</strong> une décision favorableà la Ville de Laval sur ce point, dans les termessuivants :« De la jurisprudence et de la doctrine, il fauten conclure que ce que l’on exige, ce n’estpas une connaissance totale mais plutôt laconnaissance de l’homme prudent,raisonnable et avisé. »En partant de cette prémisse, le juge Soumisavait rejeté la position prise par l’évaluateur<strong>du</strong> MAPAQ de rejeter toutes les ventesintervenues entre particuliers non agriculteurs,car il considérait que ces derniers étaientraisonnablement informés même si dans laréalité l’effet <strong>du</strong> décret de la zone agricoleavait pour effet de tuer toute spéculation danscette zone, car pour connaître un tel effet, ilfallait être totalement informé.Dans son interprétation <strong>du</strong> critère raisonnablementinformés que l’on retrouve à l’article 43de la Loi sur la fiscalité municipale, le Bureau derévision de l’évaluation foncière a été constantet ce, depuis sa première décision sur le sujetqui remonte à 1974. En effet, le Bureau derévision en est venu à la conclusion que levendeur et l’acheteur avaient le devoir <strong>des</strong>’informer normalement, soit de façon prudenteet diligente, sensiblement de la même façon quel’homme qui doit agir en bon père de famille,leçon que l’on retrouve en droit civil.La première décision <strong>du</strong> Bureau de révisionque nous avons répertoriée sur le sujet estBoucherville Dévelopement Ltd. c. Ville deBoucherville 11 où le Bureau a abordé indirectementle problème d’interprétation <strong>des</strong> termesraisonnablement informés (puisque ceux-cin’existaient pas encore à cette époque) ensous-entendant qu’un acheteur et un vendeurdoivent s’informer de façon prudente et aviséequand vient le moment d’établir la valeur réellede l’unité d’évaluation.En effet, aucun acheteur sérieux et averti n’estintéressé à se porter acquéreur d’un terrain qu’ilne pourra aucunement utiliser.La seconde décision 12 sur le sujet ren<strong>du</strong>e par leBureau de révision nous apparaît beaucoup plusexplicite. Dans celle-ci, le Bureau en vient à laconclusion que l’acheteur éventuel ne doit pasêtre téméraire ni aventurier, il doit êtrel’acheteur normalement prudent et avisé ausens <strong>du</strong> droit civil, celui qui gère ses affaires enbon père de famille et investit de façon réfléchieen prenant <strong>des</strong> risques calculés. Toutefois,comme pour la décision précédente, le Bureaun’a pas eu à interpréter l’article 43 de la Loi surla fiscalité municipale. Il ne s’est arrêté que surce que devraient être les conditions d’unacheteur d’une unité d’évaluation dans lecontexte de la Loi sur la fiscalité municipale.Dans une autre décision, le Bureau de révision 13ne répond pas encore directement à la question.Il est cependant possible de dé<strong>du</strong>ire de cettedécision qu’un acheteur raisonnablementinformé, que l’on retrouve à l’article 43 de laLoi sur la fiscalité municipale, est l’acheteurnormalement prudent et avisé. Cette dé<strong>du</strong>ctionressort de la comparaison que fait le Bureaulorsqu’il écrit que l’acheteur raisonnablement


z/ 46informé devra se comporter comme l’a faitM. Poliquin, soit de façon prudente et diligente.Deux autres décisions <strong>du</strong> Bureau de révision surle sujet sont beaucoup plus claires et explicitessur l’interprétation à donner au critèreraisonnablement informé.Dans Gaz Métropolitain inc. c. Ville de Lasalle 14 ,le Bureau a eu recours au dictionnaire et à lajurisprudence pour en venir à la conclusionqu’il faudrait voir dans le vendeur et l’acheteurraisonnablement informés tels que décrit àl’article 43 de la Loi sur la fiscalité municipale,<strong>des</strong> parties qui se sont informées d’une manièrenormale et convenable. À la page 330, leBureau énonce :« Vu sous cet angle, le critère intro<strong>du</strong>it parl’article 43 n’apparaît pas très exigeant,se contentant de postuler que vendeur etacheteur, agissant sur le marché immobilier,doivent se comporter quant à l’informationdont ils doivent s’enquérir relativement àl’état de l’unité d’évaluation, à l’utilisationqui peut le plus probablement en être faiteet aux conditions <strong>du</strong> marché immobilier,comme <strong>des</strong> vendeurs et <strong>des</strong> acheteursnormaux, et non pas comme <strong>des</strong> experts ou<strong>des</strong> spéculateurs téméraires. En cela, lecritère édicté par l’article 43 ne me semblepas très loin de celui de l’homme normalementprudent et avisé et celui de bon pèrede famille connu en droit civil et que, <strong>du</strong>reste, la jurisprudence a déjà importé enmatière d’évaluation foncière. »Plus loin dans cette décision, le Bureau ajoute :« Il faut apprécier la situation, soit l’état del’unité d’évaluation, à la lumière <strong>des</strong> normeset comportements typiques de l’époque. »Une autre décision <strong>du</strong> Bureau de révision sur lesujet est celle de Caisse populaire St-Laurent c.Ville St-Laurent 15 datant de 1991. Dans celle-ci,le Bureau de révision se réfère essentiellement àun cours de formation permanente dispensé àl’occasion <strong>du</strong> Congrès annuel 1990 <strong>du</strong> Barreau<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, par M e Jean-François Gosselin, afind’interpréter le critère raisonnablement informésque l’on retrouve à l’article 43 de la Loi sur lafiscalité municipale. Le Barreau, par <strong>des</strong> extraits<strong>du</strong> texte de M e Jean-François Gosselin, énoncequ’il faut voir en l’acheteur et le vendeurraisonnablement informés, <strong>des</strong> parties qui sesont informées d’une manière normale etconvenable, normalement avisés et prudentsou encore en bon père de famille connu en droitcivil. Parmi les extraits pertinents deM e Gosselin cités dans cette décision, il y ale suivant :« L’acheteur éventuel n’a pas à procéder àune expertise exhaustive <strong>du</strong> site, ou exigerune enquête complète sur les possibilitésd’intervention <strong>du</strong> ministère de l’Environnement.Il doit cependant, avant de conclurela transaction, mener une enquêteraisonnable, dans le sens normal, sur l’étatde l’unité d’évaluation et sur l’utilisation quipeut le plus probablement en être fait. »Il y a très peu de décisions émanant <strong>des</strong>tribunaux d’appel qui ont interprété l’article 43de la Loi sur la fiscalité municipale. Dansl’affaire Société de gestion Clifford inc. c. laCommunauté urbaine de Montréal 16 , dans soncheminement pour établir la valeur réelle, laCour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> énonce que les parties doiventêtre raisonnablement informées <strong>des</strong> conditionsde l’immeuble et <strong>du</strong> marché. Bien que la Courne s’arrête pas spécifiquement à l’interprétationdonnée au critère raisonnablement informé,il est néanmoins possible de tirer certainesindications de ce qui est écrit à la page 788<strong>du</strong> jugement :« Les parties doivent être raisonnablementinformées de l’état de la condition del’immeuble ven<strong>du</strong>, de l’utilisation qui peutle plus probablement en être faite et <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché. Le vendeur est uneinstitution financière – nous reviendrons surce point – et l’acheteur est une entrepriseoeuvrant dans le secteur de l’immobilier.Rien dans la preuve ne laisse entendrequ’elles ne seraient pas raisonnablementinformées, d’autant plus que les négociationsont <strong>du</strong>ré plusieurs mois. »


z/ 47De ce passage, nous croyons pouvoir dé<strong>du</strong>ireque l’obligation d’informations à laquelle sonttenus acheteurs et vendeurs est celle d’unepersonne normale qui s’informe en bon père defamille et non d’un expert.En effet, la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> prend pour acquisque vendeurs et acheteurs, dans le présent cas,sont raisonnablement informés car ils sont<strong>des</strong> experts. De cette présomption de faits, onpeut avancer que le devoir d’information d’unacheteur et d’un vendeur raisonnablementinformés est moins fort que celui d’un expertcar si l’intention de la Cour avait été de faireen sorte qu’il n’y ait pas de différence entreles deux, elle n’aurait pas poussé plus loin sonenquête afin de savoir si les parties, en l’espèce,avaient pris les moyens nécessaires pours’informer.Dans la décision Texaco Canada inc. c. laCommunauté urbaine de Montréal 17 , la Cour <strong>du</strong><strong>Québec</strong> semble accorder une importance touteparticulière à l’interprétation <strong>du</strong> critère raisonnablementinformé. Ainsi, elle arrive à la conclusionque la contamination d’un terrain nepeut avoir d’incidence sur sa valeur réelle qu’àpartir <strong>du</strong> moment où cette contamination estconnue par le propriétaire, et qu’il est prévisiblequ’un acheteur éventuel raisonnablementinformé se désintéressera <strong>du</strong> terrain, même s’ilne connaît pas le degré de contamination et lasorte de contamination.Également, une décision de la Cour suprême<strong>du</strong> Canada 18 semble énoncer le comportementque devraient avoir un acheteur et un vendeurpotentiels dans le cadre d’une venteimmobilière.Cet arrêt de la Cour suprême date de 1950 etbien sûr ne porte pas sur l’article 43 de la Loisur la fiscalité municipale. Toutefois, cettedécision a une certaine importance car ils’agissait dans celle-ci d’interpréter ce qu’étaitun investisseur prudent dans le contexte d’unevente d’immeuble où les questions de valeurréelle et de valeur commerciale étaient en jeu.Selon le juge Taschereau le prudent investor estcelui qui se comporte de façon ci-après décrite :« The prudent investor would particularlybe concerned with the economic value ofthe building in order to get a fair return onhis money. »Bien que cette décision ne traite pas directementde la question qui nous intéresse, noussommes d’avis qu’elle peut tout de même nousguider dans l’interprétation qui nous préoccupeen nous illustrant qu’en matière d’évaluationfoncière, le comportement d’un investisseurou d’un acheteur doit en être un de prudenceet de diligence, donc un comportement normalet avisé.Finalement, dans l’affaire Dorchester UniversityHolding Ltd. c. la Ville de Montréal 19 , la Cour <strong>du</strong><strong>Québec</strong> entérine la décision <strong>du</strong> Bureau derévision de l’évaluation foncière, qui interprètel’expression valeur marchande (lire valeur réelle)et s’attarde à parler <strong>du</strong> comportement <strong>des</strong>acheteurs et vendeurs dans les termessuivants :« La preuve a révélé que le promettantacquéreuret le promettant-vendeurétaient <strong>des</strong> personnes averties en matièred’immeubles et matière de marché immobilier,particulièrement dans la région deMontréal. Suivant la doctrine et la jurisprudence,l’expression valeur marchande(« lire valeur réelle ») signifie le prix qu’unacheteur averti qui n’est pas obligéd’acheter paierait pour un immeuble à unvendeur averti qui n’est pas obligé devendre, si cet immeuble était mis en ventesur le marché pendant un laps de tempsraisonnable. »De ces passages et de quelques autres, onpourrait être porté à penser que le devoird’information <strong>des</strong> vendeurs et acheteurs esttout simplement celui d’un bon père de famille.En ce qui a trait à la doctrine, peu d’auteurs sesont penchés sur le problème d’interprétationdonnée au critère raisonnablement informés del’article 43 de la Loi sur la fiscalité municipale.De ceux qui l’on fait, la réponse qu’ils prodiguentsemble claire. Le degré de connaissancede l’acheteur et <strong>du</strong> vendeur est celui de


z/ 48l’homme prudent, raisonnable et avisé. Cesauteurs n’exigent donc pas un devoir d’informationintense. Au contraire, il suffit pourl’acheteur et le vendeur de s’informer comme leferaient un acheteur et un vendeur prudents etdiligents qui sont normalement avisés.Parmi ces auteurs, on retrouve d’abordM e Jean-François Gosselin déjà cité, qui allèguequ’il faut voir dans le vendeur et l’acheteurraisonnablement informés <strong>des</strong> parties qui se sontinformées d’une manière normale et convenable.Il ajoute que le critère raisonnablement informéà l’article 43 ne semble par très loin de celui del’homme normalement avisé et prudent, quiétait celui de bon père de famille connu en droitcivil et que la jurisprudence a déjà importé enmatière d’évaluation.Il mentionne également que cela fait en sorteque l’acheteur éventuel n’a pas à procéder àune expertise exhaustive <strong>du</strong> site, pas plus qu’ilne doit commander une enquête complète surles possibilités d’intervention <strong>du</strong> ministère del’Environnement à l’égard d’un site en question.Cet acheteur doit cependant, avant de conclurela transaction, mener une enquête dans le sensnormal sur l’état de l’unité d’évaluation et surl’utilisation qui est le plus susceptible d’enêtre faite.Ensuite, il y a l’auteur M e Jean-Guy Desjardins,lequel partage la même opinion que l’auteurprécédent dans son ouvrage Traité de l’évaluationfoncière 20 , où il évalue le comportement quedoivent avoir l’acheteur et le vendeur dans lestermes suivants :« Le degré de connaissance de l’immobilierpar les parties est un élément essentiel aumême titre que l’exposition sur le marché.Les qualités requises de l’acheteur et <strong>du</strong>vendeur sont celles de l’homme prudent. »Le dernier auteur à écrire sur le sujet estM e Jacques Forgues dans son récent ouvrageintitulé L’évaluation municipale et la valeurréelle 21 . En dépit <strong>du</strong> fait que ce dernier nes’arrête pas précisément sur la question qui faitl’objet de notre recherche, il est néanmoinspossible de tirer quelques observations decertains passages de son ouvrage.Certains extraits pourraient nous laisser croireque M e Forgues est d’avis que l’acheteur etle vendeur doivent avoir une connaissancenormale lorsqu’ils agissent sur le marché etqu’ils ne sont pas tenus à un devoir d’informationélevée. À titre d’exemple :« C’est une indication <strong>du</strong> fait qu’il ne fautpas rechercher dans la valeur pour unpropriétaire en particulier mais pour tousles propriétaires potentiels, acheteurs etvendeurs agissant sur le marché. Il y adonc nécessairement objectivation. »Il mentionne également que dans la recherched’une entente sur le prix, l’acheteur et levendeur ont une connaissance de l’utilisationla plus probable de l’immeuble.Cette question d’information de l’acheteur et<strong>du</strong> vendeur est en étroite relation avec l’état del’immeuble, son utilisation la plus probable etles conditions <strong>du</strong> marché. C’est sur ces troispoints que les avantages et les désavantagesqui affectent un immeuble à une date donnéedoivent être connus <strong>des</strong> cocontractants.Cette position prise par la jurisprudence enévaluation municipale est corroborée par unedécision <strong>du</strong> juge Jean-Pierre Lortie de laChambre de l’expropriation dans l’affaire Ville deLaval c. Société immobilière Juttian inc. 22 où lejuge Lortie avait à déterminer s’il pouvait, pourfins d’expropriation, retenir les valeurs déposéesau rôle. Le critère <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteurraisonnablement informés de l’article 43 de laLoi sur la fiscalité municipale avait été reprisavec beaucoup de justesse.Le juge Lortie rejette donc l’évaluation foncière,notamment à cause <strong>du</strong> libellé de l’article 43de la Loi sur la fiscalité municipale dans lestermes suivants :« Une deuxième conclusion s’impose : larecherche <strong>du</strong> meilleur et plus avantageuxusage <strong>du</strong> bien exproprié pour son propriétaireest incompatible avec le critère <strong>du</strong>


z/ 49vendeur et acheteur raisonnablementinformés de l’article 43 de la Loi sur lafiscalité municipale. Il est en effetintéressant de signaler qu’en évaluationfoncière, en plus de l’interdiction implicitefaite à l’article 46 de la loi de tenir comptede faits survenus après la date <strong>du</strong> dépôt <strong>du</strong>rôle, ce critère <strong>du</strong> vendeur et acheteurraisonnablement informés conditionneégalement la nature et l’éten<strong>du</strong>e <strong>des</strong>informations qui doivent être prises enconsidération par l’évaluateur pour établirla valeur.Voici d’ailleurs comment s’exprime le Bureaude révision sur ce critère dans l’affaire GazMétropolitain 23 :Dès lors, il faudrait voir dans le vendeur etl’acheteur raisonnablement informés quedécrit l’article 43 <strong>des</strong> parties qui se sontinformées d’une manière normale etconvenable. Vu sous cet angle, le critèreintro<strong>du</strong>it par l’article 43 n’apparaît pas trèsexigeant, se contentant de postuler quevendeur et acheteur agissant sur le marchéimmobilier doivent se comporter quant àl’information dont ils doivent s’enquérirrelativement à l’état de l’unité d’évaluation,à l’utilisation qui peut le plus probablementen être faite et aux conditions <strong>du</strong> marchéimmobilier comme <strong>des</strong> vendeurs et <strong>des</strong>acheteurs normaux, et non pas comme <strong>des</strong>experts ou <strong>des</strong> spéculateurs téméraires. Encela, le critère édicté par l’article 43 ne mesemble pas très loin de celui de l’hommenormalement prudent et avisé et de celui <strong>du</strong>bon père de famille connus en droit civil etque, <strong>du</strong> reste, la jurisprudence a déjàimportés en matière d’évaluation foncière.C’est donc dire qu’en recherchant lavaleur réelle d’une unité d’évaluation,l’évaluateur municipal doit dans unecertaine mesure faire abstraction de sesqualités d’expert pour plutôt appliquer letest de l’acheteur et <strong>du</strong> vendeur raisonnablementinformés.Cette obligation faite par la loi s’appliquetant à l’évaluateur municipal qu’au Bureaude révision. En expropriation, l’évaluateurtémoigne à ce titre, c’est-à-dire en sa qualitéd’expert et non en qualité d’homme normalementprudent et avisé. »Le principe d’équitéLa Loi sur l’évaluation foncière de 1971 avaitintro<strong>du</strong>it le principe de l’équité fiscale, tant auniveau <strong>des</strong> contribuables qu’à celui <strong>des</strong> municipalités,et la Loi sur la fiscalité municipale de1979 réaffirmait ce principe d’équité fiscale enprécisant le concept de valeur réelle et enactualisant le principe de l’équité fiscale parl’adoption de mesures d’équité interne <strong>du</strong> rôled’évaluation.Ainsi, le législateur a soumis les unitésd’évaluation non susceptibles de faire l’objetd’une vente de gré à gré de l’article 44, de laLoi sur la fiscalité municipale, aux mêmesconditions prévues qu’à l’article 43 de la loi,pour les unités d’évaluation susceptibles defaire l’objet d’une vente de gré à gré.Le principe d’équité dans le traitement <strong>des</strong>unités d’évaluation est bel et bien consignédans la loi et guide l’évaluateur dans sadémarche d’évaluation, et ce, dans le respectde toutes les catégories d’immeubles et de tousles contribuables québécois.De même, les dispositions <strong>des</strong> articles 42 et 46.1de la Loi sur la fiscalité municipale renforcent ceprincipe d’équité, par l’établissement d’unemême proportion <strong>des</strong> valeurs réelles <strong>des</strong> unitésd’évaluation (proportion médiane) inscrites aurôle et en modifiant en tout ou en partie lesvaleurs inscrites au rôle dans le but d’éliminer leplus possible les écarts entre les proportions dela valeur réelle (équilibration).Le traitement différencié de deux ou plusieurscatégories de contribuables dans la démarched’évaluation irait à l’encontre <strong>des</strong> principesd’équité qui président au fondement de la Loisur la fiscalité municipale.


z/ 50Comme le mentionne la Cour d’appel dansl’affaire Communauté urbaine de <strong>Québec</strong> c.Provigo Distribution inc. 24 :« La loi vise à traiter tous les contribuablesavec équité et non pas maximiser en toutescirconstances les revenus <strong>des</strong> municipalitésau mépris <strong>des</strong> principes de justice, d’équitéet d’égalité devant la loi. »L’obtention <strong>des</strong> renseignementspar l’évaluateurD’autres dispositions de la Loi sur la fiscalitémunicipale renforcent l’idée de la nécessité defaire la distinction entre le contexte del’évaluation municipale et le contexte d’uneévaluation particularisée à une toute autre fin.L’article 15 de la Loi sur la fiscalité municipalestipule que l’évaluateur ou son représentantpeut, dans l’exercice de ses fonctions, visiter etexaminer un bien situé dans le territoire de lamunicipalité locale, entre 8 h et 21 h <strong>du</strong> lundiau samedi, sauf un jour férié.Cette disposition de l’article 15 est complétéepar une autre disposition de l’article 18 de laLoi sur la fiscalité municipale qui requiert <strong>du</strong>propriétaire ou de l’occupant d’un bien ou <strong>des</strong>on mandataire, de lui fournir ou rendre disponiblesà l’évaluateur ou à son représentant, lesrenseignements relatifs au bien dont ce derniera besoin pour l’exercice de ses fonctions, selonque ce dernier lui demande au moyen d’unquestionnaire ou autrement.Toutefois, l’obligation <strong>du</strong> propriétaire ou del’occupant d’une unité d’évaluation de fournirou de rendre disponibles les renseignementsrelatifs au bien nécessaires à l’évaluateur dansl’exercice de ses fonctions est considéré par lestribunaux comme un droit exceptionnel et estinterprété très restrictivement, surtout euégard aux chartes québécoise et canadiennegarantissant les droits et libertés.C’est en vertu de ces chartes que l’on aempêché l’évaluateur d’effectuer <strong>des</strong> visitesdans le cadre de la préparation d’une auditiond’un dossier d’évaluation foncière. Ainsi, dansl’affaire Air Canada c. Montréal 25 , l’honorablejuge Jean-Jacques Croteau de la Coursupérieure a déclaré que les articles 15, 16 et18 de la Loi sur la fiscalité municipale n’ont paspour effet d’imposer à un propriétaire d’un bienla visite et l’examen de sa propriété ou encorel’obligation de fournir et de rendre disponibles<strong>des</strong> renseignements dans le cadre de lapréparation d’un procès.Cette décision a d’ailleurs été réitérée plusrécemment dans l’affaire General Motors ofCanada Ltd. c. Ville de Boisbriand 26 , décision <strong>du</strong>Bureau de révision de l’évaluation foncière, danslaquelle le BREF a rejeté tout élément de preuverecueilli à l’occasion d’une visite <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong>de la municipalité. Cette visite avait étéconsentie dans le cadre de la préparation <strong>du</strong>rôle mais les <strong>évaluateurs</strong> en avaient profité pourrecueillir <strong>des</strong> informations dans le cadreégalement de la préparation de l’audition <strong>du</strong>dossier, ce qui fut jugé contraire aux dispositions<strong>des</strong> chartes québécoise et canadienne<strong>des</strong> droits et libertés. Encore plus récemment,dans l’affaire Communauté urbaine de Montréalc. 116058 Canada inc 27 , où, sous la plume deM e Jacques Forgues, assisté de M. Claude DeChamplain, É.A., le Tribunal administratif <strong>du</strong><strong>Québec</strong> a confirmé encore une fois que leprocessus d’obtention <strong>des</strong> informations doit sefaire dans le cadre de la confection <strong>du</strong> rôle etnon pas dans le cadre de la contestation <strong>des</strong>valeurs déposées au rôle.Au surplus, ces dispositions de la Loi sur lafiscalité municipale sont interprétées restrictivement.Ainsi, dans l’affaire Les GestionsMonit Ltée c. la Communauté urbaine deMontréal 28 , la Cour supérieure, après l’analyse<strong>des</strong> articles 15, 16 et 18 de la Loi sur la fiscalitémunicipale, en arrive à la conclusion que rienn’oblige un propriétaire ou un occupant àrépondre et à compléter un ou <strong>des</strong> formulairessoumis par l’évaluateur.La loi ne donne pas à l’évaluateur les outilsnécessaires afin qu’il procède avec exactitudecomme c’est le cas lorsqu’il est mandaté par lepropriétaire de l’immeuble. Il doit plutôt secontenter d’informations générales de


z/ 51l’acheteur et <strong>du</strong> vendeur raisonnablementinformés, pour procéder à l’établissement de lavaleur réelle. Même dans le cas d’unecontestation <strong>des</strong> valeurs déposées au rôle,l’évaluateur municipal appelé à témoigner n’aaucun pouvoir d’enquête et d’obtention derenseignements.Les informations obtenues dans le contextede l’acheteur et <strong>du</strong> vendeur raisonnablementinformés comme en évaluation municipale sontla plupart <strong>du</strong> temps issues d’affirmations <strong>du</strong>propriétaire <strong>du</strong> bien ou de son représentant,alors que dans le contexte d’une expertise,l’évaluateur requiert les bilans comptablesdûment certifiés ou encore les déclarationsannuelles aux ministères <strong>du</strong> Revenu fédéral etprovincial; à l’occasion d’autres certificationsplus spécifiques peuvent être requises, parexemple en matière environnementale.Dans son étude intitulée La communication derenseignements à l’évaluateur municipal publiéedans la série Développements récents en droitmunicipal 29 , M e Vincent Piazza s’exprime ainsi :« Les articles 15 et 18 de la Loi sur la fiscalitémunicipale font tous deux référence àl’exercice <strong>des</strong> fonctions de l’évaluateurmunicipal. Cette mention n’est pas anodine,puisque c’est précisément à l’aune <strong>des</strong>fonctions de l’évaluateur municipal que l’onpourra déterminer quels renseignements cedernier pourra obtenir.Or, la principale fonction de l’évaluateurmunicipal est de confectionner le rôletriennal d’évaluation. À cette fin, l’évaluateurdoit se conformer aux articles 31 etsuivants de la Loi sur la fiscalité municipale,qui posent le principe que les immeublessitués sur le territoire d’une municipalitélocale sont portés au rôle (art. 31), par unitéd’évaluation (art. 33). Le rôle doit indiquerla valeur de chaque unité d’évaluation,sur la base de sa valeur réelle (art. 42),définie à l’article 43 de la Loi sur la fiscalitémunicipale. »Soit sa valeur d’échange sur un marché libreet ouvert à la concurrence, c’est-à-dire le prixle plus probable qui peut être payé lorsd’une vente de gré à gré dans les conditionssuivantes :1 o le vendeur et l’acheteur désirentrespectivement vendre et acheter l’unitéd’évaluation, mais n’y sont pas obligés;et2 o le vendeur et l’acheteur sont raisonnablementinformés de l’état de l’unitéd’évaluation, de l’utilisation qui peut leplus probablement en être faite et <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché immobilier.Selon cette définition, l’évaluateur doit doncse comporter et obtenir les renseignementsreprésentatifs <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteurraisonnablement informés.M e Piazza identifie deux catégories de renseignementssur lesquelles l’évaluateur peuts’appuyer dans l’application <strong>des</strong> techniquesd’évaluation; soit les données brutes de naturepublique disponibles à tous (telles que les actesde ventes d’immeubles, les permis de constructionémis par la municipalité auxquels onpeut ajouter les plans de cadastre, de la matricegraphique, <strong>du</strong> zonage et autres données issuesde la géomatique municipale) et les autresdonnées que l’évaluateur peut obtenir d’unemanière indépendante à la suite d’une démarcheauprès de l’acheteur et <strong>du</strong> vendeur (tellesles données relatives aux coûts de constructionsou d’améliorations, les baux, les états <strong>des</strong>revenus et dépenses et les états financiers).Citant M e Jean-Guy Desjardins dans sonTraité de l’évaluation foncière 30 , M e Piazzasouligne que :« Parmi les renseignements pertinents autravail de l’évaluateur, qu’il lui sera difficileou impossible d’obtenir sans le concours<strong>du</strong> contribuable, mentionnons notammentles positions respectives <strong>des</strong> parties et leuraptitude à marchander, le financementinhabituel, le besoin spécial d’acheter oude vendre. »


z/ 52Et M e Piazza poursuit ainsi :« L’évaluateur municipal devra donc s’abstenirde tenir compte d’éléments qui n’ont pasd’incidence sur la valeur marchande del’unité d’évaluation qu’il doit inscrire au rôleconformément aux articles 31 et suivants dela Loi sur la fiscalité municipale. De manièrecorrélative, le contribuable à qui <strong>des</strong>renseignements sont demandés enapplication <strong>des</strong> articles 15 et suivants de laLoi sur la fiscalité municipale pourra à bondroit refuser de fournir tout renseignementqui se rapporte à autre chose qu’à l’objet del’évaluation municipale, ou en d’autrestermes, qui ne fait pas partie <strong>des</strong> renseignementsdont l’évaluateur a besoin dansl’exercice de ses fonctions. »Il ressort de la jurisprudence étudiée parM e Piazza en application de l’article 1 de laLoi sur la fiscalité municipale que :« Le propriétaire ou l’occupant d’une unitéd’évaluation ne sera pas tenu de communiquer<strong>des</strong> renseignements à l’évaluateurmunicipal portant sur <strong>des</strong> actifs utilisés dansle cadre de l’exploitation de son entreprise,si ces actifs ne rencontrent pas les critèresd’immobilisation de l’article 1 de la Loi surla fiscalité municipale. »Départageant les notions et les responsabilités<strong>du</strong> propriétaire et de l’occupant en rapport avecl’article 1 de la Loi sur la fiscalité municipaleM e Piazza poursuit son analyse :« Les sujets de l’obligation de communiquer<strong>des</strong> renseignements à l’évaluateur municipalen vertu de l’article 18 de la Loi sur lafiscalité municipale sont donc le propriétaireet l’occupant, tels que ci-avant définis. Estceà dire pour autant que dans sa cueillettede renseignements, l’évaluateur municipalpourra toujours et à son gré s’adresserindistinctement à l’un comme à l’autre ?D’aucuns pourraient soutenir que la préoccupationlégitime <strong>des</strong> municipalités, dedisposer de l’information la plus complètepossible pour déposer <strong>des</strong> rôles d’évaluationde qualité, commande nécessairementune réponse positive. Au contraire, lecontribuable, qu’il soit propriétaire ouoccupant, voudra quant à lui contrôlerl’information remise à l’évaluateur neserait-ce que pour s’assurer qu’aucunrenseignement non pertinent ou erronéne soit communiqué.Or, la seule façon pour un contribuable decontrôler l’information communiquée àl’évaluateur est précisément de faire ensorte que ce dernier s’adresse à un seulinterlocuteur dans sa cueillette derenseignements. En ce sens, la questionse pose de savoir s’il serait possible pourun propriétaire ou un occupant, selon lecas, de s’engager contractuellement à necommuniquer aucune information àl’évaluateur sans d’abord avoir soumiscette information à son cocontractant.Quoique la question ne semble pas avoir étéétudiée par la jurisprudence, nous sommesd’avis, avec respect pour l’opinion contraire,qu’une telle stipulation serait jugée conformeà l’ordre public et maintenue par lestribunaux. En effet, dans la mesure où lalimitation contractuelle au pouvoir del’évaluateur municipal de recueillir <strong>des</strong>renseignements auprès <strong>du</strong> propriétaireou de l’occupant ne con<strong>du</strong>it pas à une dissimulationde renseignements par ailleursnécessaires et pertinents à l’évaluationmunicipale, mais seulement à une analysepréalable de cette information, l’esprit etla finalité de la loi seraient satisfaits. Ausurplus, la partie à qui l’on reprocheraitd’avoir refusé de communiquer les renseignementsà l’évaluateur pour ce motifpourrait même faire valoir que la lettre dela loi est respectée, puisqu’en bout de piste,les renseignements seraient effectivementcommuniqués à l’évaluateur, à la seulenuance près qu’ils le seraient après avoirtransité par le cocontractant de cette partie.Subsidiairement, la partie à qui l’on reprocheraitdans ce contexte d’avoir refusé decommuniquer <strong>des</strong> renseignements pourraitinvoquer que ses obligations contractuellesconstituent quant à elle une excuse légitime


z/ 53au sens de l’article 18 de la Loi sur lafiscalité municipale « in fine ».Cela étant, à qui revient le choix, entre lepropriétaire ou l’occupant, d’une part, oul’évaluateur municipal, d’autre part, dedéterminer le mode de communication <strong>des</strong>renseignements requis par ce dernier ? Lecontribuable est-il tenu de communiquerces renseignements ou peut-il se contenterde les rendre disponibles, ce qui suggéreraitplutôt une collaboration passive avecl’évaluateur municipal ? Peut-on exiger <strong>du</strong>propriétaire ou de l’occupant qu’il complète<strong>des</strong> formulaires ou <strong>des</strong> questionnaires ?Il était prévisible, compte tenu de laformulation de l’article 18 de la Loi sur lafiscalité municipale lors de son adoption en1979 que les contribuables et les autoritésmunicipales adopteraient rapidement <strong>des</strong>positions diamétralement opposées sur laquestion, les premiers voulant évidemmentlimiter leur obligation à sa plus simpleexpression et les secon<strong>des</strong>, désirant aucontraire que leur mission de déposer le rôled’évaluation soit le plus possible facilitée parla contribution active <strong>des</strong> contribuablesconcernés.En effet, l’article 18 de la Loi sur la fiscalitémunicipale se lisait initialement commesuit :Le propriétaire ou l’occupant d’un bien, ouson mandataire, doit, sur demande, fournirou rendre disponibles à l’évaluateur ou à sonreprésentant les renseignements dont cedernier a besoin pour l’exercice de sesfonctions, et qui sont relatifs au bien.S’il refuse sans excuse légitime de fournirles renseignements ou s’il en fournit defaux, il est passible, sur poursuite sommaire,en outre <strong>des</strong> frais, de la pénalité prévue parl’article 16.Se fondant sur cette disposition, laCommunauté urbaine de Montréal, audébut <strong>des</strong> années quatre-vingt, exigeaitdonc de nombreux contribuables nonrésidentiels qu’ils remplissent et lui retournent,dûment complétés, <strong>des</strong> formulairesportant sur divers renseignements, comprenantles données d’occupation d’espacesde bureaux, les listes de locataires etdiverses autres données économiques,dont les états de revenus et dépenses <strong>des</strong>immeubles qu’elle devait porter au rôle.Estimant ne pas avoir à faire le travail del’évaluateur à sa place, un <strong>des</strong> contribuablesvisés par ces deman<strong>des</strong> a donc déposé unerequête invitant la Cour supérieure àdéclarer qu’en procédant ainsi, la Communautéurbaine de Montréal outrepassait lespouvoirs que lui reconnaissait la Loi sur lafiscalité municipale.C’est dans ce contexte que la Cour supérieurea accueilli la requête <strong>du</strong> contribuableet rappelé que la confection <strong>du</strong> rôle comportaitfondamentalement une démarche de lapart de l’évaluateur municipal. Rien dans laloi n’obligeait le contribuable à compléter<strong>des</strong> formulaires. Par ailleurs, la Cour supérieurea vu dans la conjonction « ou »insérée entre les expressions fournir etrendre disponibles, une indication <strong>du</strong> fait quele choix entre ces deux mo<strong>des</strong> de communicationde l’information revenait aucontribuable.Fidèle à lui-même, le législateur est toutefoisvenu contrecarrer l’effet de ce jugement, àpeine plus de quatre mois plus tard, par unamendement à l’article 18 de la Loi sur lafiscalité municipale qui précisait dorénavantque le propriétaire ou l’occupant devraitdésormais communiquer les renseignementsrequis par l’évaluateur selon que ce dernierlui demande de les fournir, au moyen d’unquestionnaire ou autrement, ou de les rendredisponibles.Il ne paraît donc plus faire de doute, à lalecture de l’article 18 de la Loi sur la fiscalitémunicipale, que ce choix appartient àl’évaluateur municipal. Le propriétaire oul’occupant d’une unité d’évaluation nepourrait donc pas, en principe, se cantonnerdans une attitude passive et refuser decommuniquer les renseignements


z/ 54demandés, pour plutôt exiger que ce soitl’évaluateur qui vienne consulter lesrenseignements que le contribuable luiaurait ren<strong>du</strong>s disponibles. Le mêmeraisonnement s’applique en regard <strong>des</strong>formulaires que les services municipauxd’évaluation transmettent fréquemmentaux contribuables.À notre avis, cependant, <strong>des</strong> nuancess’imposent. La première et la plus fondamentalede celles-ci découle en effet del’objet même de l’évaluation municipale,lequel, comme nous l’avons vu, se limite àl’évaluation immobilière. Les renseignementsdemandés au moyen d’un questionnaireou autrement, ne sauraient doncporter sur autre chose que cet objet.À cet égard, il convient en outre <strong>des</strong>ouligner que l’article 18 de la Loi sur lafiscalité municipale se distingue de certainesautres dispositions de la Loi sur la fiscalitémunicipale et d’autres lois québécoises ence qu’il réfère à <strong>des</strong> renseignements et qu’iln’emploie pas le terme document. Paranalogie avec le régime d’accès auxdocuments <strong>des</strong> organismes publics, quiporte justement sur <strong>des</strong> documents et nepermet pas, en soi, de faire une demanded’accès à un renseignement qui n’est pascontenu dans un document existant, lecontribuable pourrait donc, à notre avis,satisfaire son obligation de fournir lesrenseignements requis par l’évaluateur,sans pour autant être tenu de lui donnersystématiquement accès à <strong>des</strong> documentsspécifiques, et ce, d’autant plus que cesdocuments contiendront souvent <strong>des</strong>renseignements qui ne sont pas pertinentsà l’évaluation.Par ailleurs, nous sommes égalementd’opinion que le contribuable, pour qui lademande de renseignements formulée parl’évaluateur municipal représenterait unemasse de travail considérable, par exemplepourrait à bon droit faire valoir que lacommunication active <strong>des</strong> renseignementsdemandés par l’évaluateur municipal, aumoyen d’un questionnaire, par exemple, estdéraisonnable dans les circonstances.Lorsque l’ampleur ou la teneur de lademande de renseignements le justifie,le refus <strong>du</strong> contribuable, propriétaire ouoccupant, de communiquer activement lesrenseignements demandés, serait doncéquivalent à l’excuse raisonnable prévueau troisième alinéa de l’article 18 de la Loisur la fiscalité municipale et il pourrait secontenter de rendre les renseignementsdisponibles à l’évaluateur. »Le régime particulier <strong>des</strong>immeubles à vocation unique.Des dispositions particulières ont été instauréesaux articles 18.1 à 18.5 de la Loi sur la fiscalitémunicipale en matière de communication <strong>des</strong>renseignements, entre l’évaluateur et lecontribuable propriétaire de l’immeuble qui sequalifie d’immeubles à vocation unique denature in<strong>du</strong>strielle ou institutionnelle.Comme le souligne M e Piazza, l’objet <strong>des</strong>articles 18.1 à 18.5 de la Loi sur la fiscalitémunicipale était :« de limiter les renseignements pertinents àl’établissement de la valeur réelle et demettre en place un mécanisme spécial decommunication de ces renseignements entrel’évaluateur et le contribuable, l’effet de cesdispositions est donc essentiellement deprohiber le recours à deux <strong>des</strong> troismétho<strong>des</strong> par ailleurs reconnues enévaluation foncière pour parvenir à uneindication de la valeur réelle, soit latechnique <strong>du</strong> revenu et celle de la parité,pour ne retenir que la technique <strong>du</strong> coût. »M e Piazza poursuit en citant l’exemple dela cause de Beaulieu Canada c. Ville deFarnham 31 , où :« Le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>ayant eu à se prononcer sur le caractèreobligatoire de la méthode d’évaluationprescrite par le règlement sur la méthoded’évaluation <strong>des</strong> immeubles à vocationunique de matière in<strong>du</strong>strielle ou


z/ 55institutionnelle a rejeté sans ménagementles arguments de la municipalité et a concluque la méthode prescrite par le règlementn’était pas obligatoire.Lors de l’audition les parties semblaientconvenir <strong>du</strong> principe selon lequel l’absenced’une communication <strong>du</strong> désaccord <strong>du</strong>propriétaire aurait pour conséquence delier la requérante et le tribunal à l’étapede l’audition <strong>du</strong> recours. Ainsi, seuls lesrenseignements fournis préalablement audépôt <strong>du</strong> rôle par l’évaluateur pourraientêtre utilisés dans l’établissement de lavaleur réelle.Le tribunal est surpris de l’adhésion <strong>des</strong>parties à cette proposition sans autredémonstration apparente qu’un bulletind’information. La détermination <strong>des</strong> droitsd’une partie à une audition ainsi que lajuridiction <strong>du</strong> tribunal sont <strong>des</strong> questionscomplexes qui revêtent une importancecapitale. Elles méritent un examen sérieuxqui ne peut se faire que par une analyseexhaustive et rigoureuse <strong>des</strong> dispositionslégislatives. Tout en comprenant que lesparties n’avaient pas à effectuer un telexercice à cette étape-ci de l’audition <strong>du</strong>recours, il nous apparaît opportun dementionner dès à présent qu’un simplebulletin d’information, fut-il émis par leministère <strong>des</strong> Affaires municipales, nerépond pas à ces critères d’analyse etqu’en aucun cas, il ne saurait constituerune assise juridique valable à l’élaborationd’une règle de droit.S’appuyant sur une décision <strong>du</strong> 11 janvier2001 dans la cause de la Communautéurbaine de Montréal c. 116058 Canada inc. 32 ,le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> souligneque la révision administrative n’est pasl’occasion de faire pression sur le propriétaired’une unité d’évaluation pour qu’il seconforme aux dispositions de la loi portantsur la tenue à jour.Le Tribunal administratif rappelle en outreque le litige se situe : dans le cadre d’unrecours au tribunal et qu’en ce sens les règlesutilisées pour disposer de la requête serontcelles qui s’appliquent en matière juridictionnelleet non en matière de confection oude tenue à jour <strong>des</strong> rôles par l’évaluateurmunicipal.Le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>s’interroge sur les règles relatives à ladivulgation de la preuve qui sont lefondement de l’argumentation de larequérante et opine qu’elles :ne sont pas applicables ici. Pourquoi, en effet,sous prétexte d’appliquer ces règles,obligerait-on une partie à remettre à l’autre<strong>des</strong> documents qu’elle n’a pas sous prétextede dévoiler avant l’audience une preuvequ’elle n’entend pas faire et que la seulepartie adverse veut soumettre au tribunal ?C’est précisément ce que la requérantedemande.En somme, se fondant sur l’article 11 de laLoi sur la justice administrative, le Tribunaladministratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> estime dans lescirconstances que : les renseignementsdemandés par la municipalité ne sont paspertinents à la contestation qui lui estsoumise. En effet, le Tribunal administratif<strong>du</strong> <strong>Québec</strong> conclut en rappelant que chacune<strong>des</strong> parties a la responsabilité de monter sapropre preuve et non de la faire préparer parla partie adverse. Il faut distinguer la divulgationde la preuve de la partie adverse dela préparation de sa propre preuve et del’obtention de documents au moment dela confection autant que de la mise à jour<strong>du</strong> rôle. »M e Piazza conclut que :« La communication (ou la non-communication)d’un renseignement à l’évaluateur municipalne devrait jamais être considérée de façondésinvolte. En effet, dans un cas commedans l’autre, il s’agit d’un geste pouvantavoir un impact majeur sur les droits <strong>du</strong>contribuable, que ce soit par l’imposition dela pénalité prévue à l’article 16 de la Loi surla fiscalité municipale, ou par l’ajout à lavaleur réelle de l’immeuble portée au rôle


z/ 56d’évaluation d’éléments qui ne devraientpas en faire partie. En présence d’unimmeuble à vocation unique de naturein<strong>du</strong>strielle ou institutionnelle, unecommunication déficiente avec l’évaluateurpeut même avoir pour effet de limiter leséléments devant être pris en compte pourétablir la valeur réelle de l’immeublestrictement à ceux que l’évaluateurmunicipal aura choisi de considérer.Or, la compréhension <strong>du</strong> régime decommunication de renseignements àl’évaluateur municipal est illusoire sansune bonne maîtrise de plusieurs notionset concepts complexes, essentiellementpropres à la fiscalité municipale. Parconséquent, les contribuables devraients’assurer d’être adéquatement conseillésavant de prendre position sur quelquedemande de communication de renseignementsou de visite <strong>des</strong> lieux qui pourraitleur être adressée par les autoritésmunicipales. »Nous souscrivons entièrement à l’étude deM e Piazza sur le sujet de l’obtention <strong>des</strong>renseignements par l’évaluateur municipal.Dans le même esprit, l’article 36.1 de la Loi surla fiscalité municipale requiert de l’évaluateur,pour chaque unité d’évaluation, qu’il s’assure aumoins tous les neuf (9) ans, de l’exactitude <strong>des</strong>données en sa possession et qui la concerne.Les dispositions de l’article 36.1 ne sont pastrès exigeantes et renforcent l’idée que noussommes dans le contexte de l’évaluation demasse où le degré de précision diffère de celuiqui est requis dans le cas d’une expertise quicommande quant à elle, l’obtention d’informationsbeaucoup plus rigoureuses et impossiblesà obtenir sur la base <strong>des</strong> articles 15, 16 et 18 dela Loi sur la fiscalité municipale.Une décision ren<strong>du</strong>e le 15 septembre 1999, dansl’affaire de Jean-Guy Joly et Transport St-Cletinc. c. la Corporation municipale de Sainte-Marieet la MRC <strong>du</strong> comté de Vaudreuil-Soulange 33 ,la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> conclut que mise à partl’obligation conférée à l’article 36.1 de la Loisur la fiscalité municipale, l’évaluateur n’a pasl’obligation de réviser régulièrement chaqueunité d’évaluation afin de s’assurer qu’il n’y aitpas de modification et que l’information en sapossession est toujours pertinente. L’intention<strong>du</strong> législateur par son article 36.1 n’étaitpas d’obliger l’évaluateur à procéder à uneévaluation particularisée (expertise) à chaquedépôt de rôle.En vertu <strong>du</strong> principe d’équité, l’évaluateurmunicipal a l’obligation d’assurer le traitementéquitable dans l’établissement de la valeurréelle et ce, pour toutes les catégoriesd’immeubles.Seul le législateur a le pouvoir de créer deux ouplusieurs catégories de contribuables. Il l’ad’ailleurs fait en créant, selon les dispositionsde l’article 244.29 et suivants de la Loi sur lafiscalité municipale, <strong>des</strong> taux multiples de taxefoncière générale en fonction <strong>des</strong> catégoriesauxquelles appartiennent les unités d’évaluation,le tout dans le respect <strong>des</strong> mêmes critèresd’évaluation énoncés aux articles 42, 43, 44, 45,46 et 46.1 de la Loi sur la fiscalité municipale.Les problèmes de confidentialité<strong>des</strong> documentsLe refus de communiquer <strong>des</strong> renseignementsde la part <strong>du</strong> contribuable peut égalements’expliquer et se justifier par l’absence totale degarantie que ces documents demeurerontconfidentiels.Nous savons tous que l’évaluateur se doit derecueillir de l’information afin de confectionnerson rôle. Certaines de ces informations sontpubliques, tels les actes publiés au bureau dela publicité <strong>des</strong> droits, d’autres non, tels lescoûts de construction d’un bâtiment, tandisque d’autres peuvent être mixtes, c’est-à-direpubliques lorsque publiées et privées lorsquenon publiées, comme le sont les baux.Il est certain que l’ensemble <strong>des</strong> informationsrecueillies par l’évaluateur lui permettent dedégager <strong>des</strong> taux, tels le loyer paritaire, <strong>des</strong>taux de vacances, ou encore <strong>des</strong> dépensesnormalisées.


z/ 57Lorsque l’évaluateur défend ces valeurs déposéesau rôle à l’occasion d’une contestation, il sedoit, lorsque requis, de pro<strong>du</strong>ire à la cour lesinformations confidentielles recueillies. Ainsi,à titre d’exemple, si l’évaluateur défend unetechnique de revenus pour calculer son loyerparitaire, il déposera un tableau <strong>des</strong> baux répertoriéset ceux qu’il retient. Dès la pro<strong>du</strong>ction dece tableau à la cour, cette information devientpublique et, par conséquent, il y a perte deconfidentialité. Lorsque c’est la personne qui afourni l’information confidentielle qui s’adresseà la cour afin de contester les valeurs déposéesau rôle, il y a renonciation tacite à la confidentialité<strong>des</strong> documents mais ce n’est pas le caspour un tiers qui n’est pas impliqué dans ledébat judiciaire.Il est toujours possible et loisible aux procureursqui représentent la municipalité de demanderque l’information obtenue soit déposée suite àl’émission d’une ordonnance de confidentialité.C’est ce qu’ont fait les procureurs de la Communautéurbaine de <strong>Québec</strong> dans l’affaire lesopposant au Fonds de placement immobilierCominar 34 . Dans ce dossier, les procureurs de laCommunauté urbaine de <strong>Québec</strong> recherchaientune ordonnance de confidentialité dans le butde ne pas avantager la plaignante, en luipermettant de bénéficier <strong>des</strong> données relativesaux propriétaires et locataires de cinq centrescommerciaux de la région de <strong>Québec</strong>.Le Tribunal a ren<strong>du</strong> la décision suivante :« Rappelons enfin que les règles surla tenue <strong>des</strong> audiences et sur l’interdit depublication sont à l’effet que les audiencessont en principe publiques et que lesinterdits de publication doivent être enrelation avec le but poursuivi, donc à effetaussi limité que les circonstances del’espèce l’exigent. Priver une partie de sondroit de prendre connaissance de tous leséléments de preuve n’est sûrement pas labonne décision à prendre ici. C’est pourquoila présente requête dont il a été disposée lejour de sa présentation n’a été accueillie quepartiellement, tel qu’il appert <strong>du</strong> procèsverbald’audience.En somme, la réflexion suivante doit êtrefaite par l’évaluateur municipal :(1) Voir si son annexe VII contient de telsrenseignements confidentiels;(2) Voir si, compte tenu de la présentedécision, il peut utiliser les renseignementsqu’il a recueillis avecpromesse de confidentialité, touten respectant cet engagement;(3) Voir s’il peut être délié de son engagementde confidentialité par lespersonnes envers lesquelles il les a pris;(4) Voir si, compte tenu <strong>des</strong> dispositions dela Loi qui traitent de la confidentialité<strong>des</strong> renseignements obtenus dans lecadre de la tenue à jour <strong>du</strong> rôle, il peutles utiliser.S’il en vient à la conclusion que le respect dela parole donnée ou de la Loi l’empêched’utiliser ces renseignements en preuvedevant le Tribunal, il lui reste à effectuer,comme tout expert-évaluateur agissant àtitre de témoin devant le Tribunal, uneexpertise spécifique en vue de déterminer, àl’aide <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> d’évaluation reconnues,la valeur de l’unité d’évaluation en cause. Ilse peut que cette démarche implique unecueillette de données économiques pournormaliser les dépenses d’opération ou pourtrouver un TGA, mais cette recherche <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché ne serait alors pasdifférente de celle que doit effectuer l’expertde toute partie qui conteste la valeur d’uneunité d’évaluation et cherche à l’établir àl’aide de la méthode <strong>du</strong> revenu. »Comme nous pouvons le constater, afin deprotéger la confidentialité <strong>des</strong> documents qui luisont transmis, l’évaluateur doit renoncer à s’enservir, afin de défendre les valeurs déposées aurôle. Certains diront que le professionnalisme<strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> municipaux est une garantiesuffisante quant à la protection de la confidentialité<strong>des</strong> documents recueillis par cedernier. Malheureusement, non. Ainsi, dansl’affaire Ville de <strong>Québec</strong> c. Hudson’s Bay


z/ 58Compagny et autres. 35 , la Cour, sous la plumede l’honorable juge Rochette, a donné uneinterprétation large et libérale au terme« occupant » prévu au deuxième alinéa del’article 79 de la Loi sur la fiscalité municipale,permettant à un locataire d’un centrecommercial de consulter les documentsrecherchés à toute étape antérieure à unedemande de révision.Dans cette affaire, les procureurs de Hudson’sBay Compagny tentaient d’obtenir de la Ville de<strong>Québec</strong> <strong>des</strong> informations, non pas dans le butde contester le rôle d’évaluation, mais dans lebut de contester la répartition <strong>des</strong> taxesà l’intérieur d’un centre commercial. Lesprocureurs de la Ville de <strong>Québec</strong> s’objectaientà la remise de ces informations parce qu’ilsprétendaient que le fait que l’évaluateur aitobtenu <strong>des</strong> locataires <strong>des</strong> centres commerciauxleurs baux et leurs chiffres d’affaires, il étaittout à fait normal que nul n’ait accès auxdocuments faisant état de ces données confidentielles,sinon les autorités en matièred’évaluation auraient de la difficulté à obtenirles renseignements requis pour la confection<strong>du</strong> rôle d’évaluation. La Cour d’appel a rejetécet argument et en est arrivée à la conclusionque tout occupant d’un immeuble, à quelquetitre que ce soit, ainsi que tout possesseur <strong>des</strong>lieux qui se comporte en véritable propriétaire,a le droit de consulter les documents rassembléspar l’évaluateur aux fins de son travail, s’ils ontservi de base à une inscription au rôle concernantcet immeuble et s’ils ont été préparéspar l’évaluateur.Cela veut donc dire que n’importe quel locataired’un centre commercial pourrait avoir accès àde l’information confidentielle transmise par lepropriétaire de ce centre commercial à l’évaluateuret ce, sans que l’évaluateur ne puisseinvoquer la confidentialité de ce document.C’est l’article 18 de la Loi sur la fiscalitémunicipale qui prévoit l’obligation pour lepropriétaire ou l’occupant de rendre accessiblesà l’évaluateur les documents permettant à cedernier d’effectuer son travail. L’article 16 de laLoi sur la fiscalité municipale prévoit égalementque le défaut de s’y conformer peut entraînerune amende entre 100,00 $ et 50 000,00 $ si lecontribuable, sans excuse légitime, ne fournitpas ou ne rend pas disponibles les documentsrequis par l’évaluateur. Est-ce que l’impossibilitépour l’évaluateur de garantir la confidentialité<strong>du</strong> document au contribuable serait une excuselégitime ? À notre connaissance, il n’y a jamaiseu de poursuite en vertu de l’article 18 de laLoi sur la fiscalité municipale et, par conséquent,cet argument n’a jamais été plaidé. Cependant,nous sommes en matière pénale et le doute doitbénéficier au contribuable.Nous croyons que la loi encadre mal toute cettequestion de consultation et de pro<strong>du</strong>ction dedocuments. Il est vrai que la décision <strong>du</strong>Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> (TAQ) en date<strong>du</strong> 11 <strong>novembre</strong> 2004, dans l’affaire BoehringerIngelheim Canada inc. c. Ville de Laval 36 , a misun peu d’ordre sur l’accessibilité <strong>des</strong> documentsrecueillis par l’évaluateur dans le cadre d’unecontestation judiciaire devant le TAQ. Ainsi,dans cette affaire, le TAQ, siégeant en révisionde sa propre décision <strong>du</strong> 3 mars 2004, a révoquécette dernière qui avait ordonné à Ville deLaval de pro<strong>du</strong>ire un ensemble d’informationstouchant, tant le rôle contesté que celui quil’avait précédé.Malgré cette décision, il n’en demeure pasmoins que si l’évaluateur municipal veutdéfendre les valeurs qu’il a au rôle, à l’aide <strong>des</strong>informations recueillies auprès <strong>des</strong> contribuables,il doit divulguer sa preuve au plaignant.Si cette preuve contient <strong>des</strong> éléments d’informationsrecueillies sur une base confidentielle,il ne pourra utiliser ces informations. Par conséquent,l’évaluateur ne pourra défendre lesvaleurs qu’il a déposées au rôle efficacement, vul’empêchement d’utiliser <strong>des</strong> informations qui,par ailleurs, avaient servi à la confection <strong>du</strong> rôle.Par ailleurs, empêcher un contribuable d’avoiraccès à toute la preuve va à l’encontre de tousles principes que nous connaissons dans notredroit. Lorsque nous sommes en présence dedeux grands principes de droit qui s’opposent,il nous faut donc choisir l’un <strong>des</strong> deux, à savoircontinuer d’octroyer aux informations obtenuesleur caractère de confidentialité ou s’assurerque le rôle d’évaluation continue d’être le plus


z/ 59équitable possible et dressé en fonction del’ensemble <strong>des</strong> informations recueillies.Pour l’instant, le Tribunal administratif <strong>du</strong><strong>Québec</strong>, dans l’affaire précitée Fonds deplacement immobilier Cominar 37 , a privilégiéla confidentialité, tandis que la Cour d’appel,quant à elle, dans l’affaire Hudson’s BayCompagny, a rejeté l’argument de laconfidentialité. Comme la Cour d’appel est leplus haut tribunal de la province, c’est cettedernière interprétation qu’il faut retenir et,selon nous, les informations confidentiellesdoivent donc perdre leur caractère deconfidentialité au profit d’une plus grandeprécision dans l’évaluation <strong>des</strong> immeubles et,par conséquent, une plus juste répartition <strong>du</strong>fardeau fiscal <strong>des</strong> contribuables.Si les informations obtenues par l’évaluateurperdent leur caractère de confidentialité, ildeviendra donc évident, comme le soulignaientles procureurs de la Ville de <strong>Québec</strong> dansl’affaire Hudson’s Bay Compagny 38 , que lesautorités en matière d’évaluation aurontbeaucoup plus de difficulté à obtenir ces renseignementsrequis pour la confection <strong>du</strong> rôle, d’oùla nécessité, selon nous, de faire intervenir lelégislateur pour donner à l’évaluateur <strong>des</strong>pouvoirs accrus pour l’obtention d’informationset surtout <strong>des</strong> pénalités plus gran<strong>des</strong> pour ceuxqui refusent de les fournir. À titre d’exemple,un contribuable qui refuserait de fournir lesinformations requises par un évaluateur pourraitêtre déchu de son droit de contester les valeursdéposées par ce dernier.Nous sommes évidemment très loin d’un amendementlégislatif sur cette question et, pourl’instant, nous devons continuer, lorsque lesdocuments sont obtenus sur une base confidentielle,de tenter d’obtenir la pro<strong>du</strong>ction de cesdocuments et/ou informations sur un sceau dela confidentialité, à la suite d’une ordonnance<strong>du</strong> Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Le rôle de l’évaluateur dansle cadre de la révisionadministrative.Le premier paragraphe de l’article 138.3 de laLoi sur la fiscalité municipale se lit comme suit :« 138.3 Bien-fondé d’une contestation.L’évaluateur saisi d’une demande derévision doit vérifier le bien-fondé de lacontestation. Il doit, dans le délai prévu audeuxième ou au troisième alinéa, selon lecas, faire au demandeur une propositionécrite de modification au rôle ou l’informerpar écrit, avec les motifs de sa décision,qu’il n’a aucune modification à proposer. »Comme on peut le constater, l’évaluateurmunicipal doit vérifier le bien-fondé de lacontestation. L’article 128 de la Loi sur lafiscalité municipale prévoit que la contestationou la demande de révision expose succinctementles motifs invoqués à son soutien etles conclusions recherchées.En principe, la lecture de ces deux articles nouslaisserait croire que l’évaluateur municipaldevrait se limiter à répondre aux argumentsinvoqués dans la demande de contestation.Nous disons en principe, car la réalité est toutautre. Ainsi, les tribunaux, tant administratifsque civils, de même que la doctrine, ont toujoursreconnu le droit à l’amendement et que ce droitdevait être interprété de façon large et libérale.À titre d’exemple, rappelons-nous le dossieropposant la Communauté urbaine de Montréal àTrimatas 39 , où l’entreprise s’était plainteinitialement de l’imposition de la surtaxe sur lesimmeubles non résidentiels. Au cours del’administration <strong>du</strong> dossier, les procureurs deTrimatas se sont aperçus que l’évaluation del’immeuble était trop élevée, de sorte qu’ils ontdéposé une demande d’amendement qui visait àajouter au premier motif de contestation unmotif qui était totalement différent <strong>du</strong> premier,c’est-à-dire une contestation de l’évaluation,tandis que dans le premier cas, nous étionsdans le cadre d’une contestation d’imposition dela surtaxe sur les immeubles non résidentiels.


z/ 60Le Bureau de révision de l’évaluation foncièreavait accueilli l’amendement, la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>a confirmé la décision. La Ville de Montréal adéposé une demande de révision judiciaire decette décision devant la Cour supérieure etaucune décision n’a encore été ren<strong>du</strong>e.Bien que cette décision fut ren<strong>du</strong>e initialementà la suite d’une plainte logée devant le BREF,nous n’avons aucun doute que cette jurisprudencecontinuera à s’appliquer à l’encontre<strong>des</strong> deman<strong>des</strong> de révision administrative. Ainsi,il n’y a pas véritablement de modification entrel’ancien article 128 qui existait à l’époque <strong>du</strong>BREF et le nouvel article 128 qui a été amendésuite à la création <strong>du</strong> Tribunal administratif <strong>du</strong><strong>Québec</strong>, seul le mot « plainte » a été remplacépar les mots « demande de révisionadministrative ».Au surplus, dans la philosophie <strong>du</strong> législateur,lorsqu’il a adopté la Loi sur la justice administrative,il est clair que ce dernier voulait simplifiertout le processus judiciaire entourant ledroit administratif. Compte tenu de ce fait, ilserait fort surprenant dans l’avenir de voir leTribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> rejeter unrecours qui lui serait présenté, sous prétexteque le motif invoqué pour la demande derévision n’était pas originairement mentionnédans cette demande.Également, nous avons constaté, au cours <strong>des</strong>années, que les procureurs représentant lesplaignants ont développé et raffiné <strong>des</strong> formulesqu’ils joignent en annexe de leur demande derévision administrative, rédigées en <strong>des</strong> termestellement larges qu’elles leur permettent, entemps opportun, d’invoquer n’importe quelmotif de contestation pour voir la valeur ré<strong>du</strong>ite,ou encore leur permettre d’exclure, en totalitéou en partie, l’unité d’évaluation de l’impositiond’une taxe.L’évaluateur peut toujours, au niveau de lademande de révision administrative, limiter saréponse au motif soulevé dans la demande derévision. Nous croyons qu’il aurait cependantgrandement avantage à procéder, au stade de larévision administrative, à une enquête beaucoupplus profonde qui, quant à nous, pourrait mêmealler jusqu’à constituer une instance avant leprocessus judiciarisé, tel que le prévoient laLoi sur la justice administrative (L.J.A.) et la Loisur la fiscalité municipale.Le premier avantage de procéder à une enquêteplus approfondie au niveau de la demande derévision administrative est de permettre decerner le débat.Ainsi, les dispositions de l’article 138.5prévoient que le recours devant le TAQ doitavoir le même objet que la demande de révisionadministrative. Il sera beaucoup plus difficilepour un tribunal de permettre un amendementlorsque l’évaluateur municipal aura, au niveaude son enquête, cerné le débat. Ainsi, si cecontribuable a eu toutes les chances, au niveaude la demande de révision administrative,d’exposer les motifs de cette demande, ilsera très mal venu, au niveau <strong>du</strong> Tribunaladministratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, de réclamer uneexemption et/ou une diminution de valeur pourun motif qu’il n’aura pas soumis à l’évaluateur.Afin de bien cerner le débat, nous croyons quel’évaluateur municipal devrait soumettre unquestionnaire au contribuable, lui permettantde connaître avec exactitude les motifs de lacontestation engagée par cedit contribuable.Ce questionnaire pourrait même prévoir lapossibilité pour le contribuable de pro<strong>du</strong>ire<strong>des</strong> pièces justificatives supportant les motifsde sa contestation.Également, l’évaluateur, au niveau de lademande de révision administrative, auraitgrandement avantage à documenter son dossier,notamment par une visite <strong>des</strong> lieux. Commenous le savons pertinemment, le droit à la visite<strong>des</strong> lieux de l’évaluateur est bien différent sinous sommes au stade de la confection <strong>du</strong> rôleque si nous sommes au stade de l’auditiondevant le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Ainsi, les pouvoirs de l’évaluateur pour unevisite <strong>des</strong> lieux lors de la confection <strong>du</strong> rôlerelèvent de la Loi sur la fiscalité municipale,et plus particulièrement l’article 15 qui se litcomme suit :


z/ 61« 15. Visite de l’évaluateur. L’évaluateur ouson représentant peut, dans l’exercice <strong>des</strong>es fonctions, visiter et examiner un biensitué dans le territoire de la municipalitélocale, entre 8 h et 21 h <strong>du</strong> lundi au samedi,sauf un jour férié. »À cet effet, nous vous rappelons la décisionprononcée par M e Jacques Forgues, assistépar M. Claude de Champlain, É.A., dans l’affaireCommunauté urbaine de Montréal c. 116058Canada inc. et Ville de St-Léonard 40 , où leTribunal qui avait à décider d’une requêtepour pro<strong>du</strong>ction de documents, a rappeléque les règles pour en décider sont celles quis’appliquaient en matière juridictionnelle etnon pas celles qui s’appliquaient en matière deconfection <strong>du</strong> rôle par l’évaluateur municipal.Par la même occasion, il a rappelé que l’évaluateurmunicipal avait deux occasions, avant <strong>des</strong>e présenter au Tribunal, pour obtenir lesdocuments demandés, soit au moment de laconfection <strong>du</strong> rôle et au moment de la demandede révision administrative.Par conséquent, si l’évaluateur, au niveau de lademande de révision administrative, effectue lavisite <strong>des</strong> lieux requise, il ne sera pas requisd’effectuer une nouvelle visite dans le cadred’une contestation ultérieure devant le Tribunaladministratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> si évidemment iln’y a pas d’entente avec le contribuable. Sile contribuable refuse l’accès de son unitéd’évaluation à l’évaluateur, il sera beaucoupplus facile à l’évaluateur d’obtenir devant leTribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, la permissiond’aller visiter les lieux.Il en est de même pour la pro<strong>du</strong>ction dedocuments. Si l’évaluateur, au niveau de lademande de révision administrative, effectueune demande de pro<strong>du</strong>ction de documents etque le contribuable y consent, vous comprendrezqu’il sera beaucoup plus difficile pour cedernier de pro<strong>du</strong>ire <strong>des</strong> documents additionnelsou d’autres documents devant le TAQ. Si lecontribuable refuse la pro<strong>du</strong>ction de documents,le TAQ pourra plus facilement accorder unerequête pour pro<strong>du</strong>ction de documents enfaveur de l’évaluateur municipal, ou encorepourra empêcher le contribuable d’utiliser cesdocuments pour faire sa preuve, compte tenu <strong>du</strong>fait qu’il ne les a pas ren<strong>du</strong>s accessibles àl’évaluateur.Finalement, nous nous interrogeons grandementsur le sort qui sera réservé à la révision administrativedans l’avenir. Si, dans les premièresannées qui ont suivi l’adoption de la Loi sur lajustice administrative, les décideurs n’ont pasporté véritablement attention au travail qui sefaisait au niveau de la révision administrative,c’est probablement parce que les décideursétaient les mêmes que ceux que nous avionsdevant le Bureau de révision de l’évaluationfoncière et qu’ils ont continué à travaillercomme si le recours qui leur était adressé étaitla plainte qu’ils recevaient initialement commedécideurs <strong>du</strong> BREF.Mais cela va à l’encontre <strong>des</strong> principes quesous-entendent la Loi sur la justice administrativeet la Loi sur l’application de la justiceadministrative.Ainsi, lorsque le législateur, en adoptant laLoi sur la justice administrative, a créé leTribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, il faisait dece Tribunal, dans la très grande majorité <strong>des</strong>cas, un tribunal de révision et non pas untribunal de première instance.Sans vouloir entrer dans le détail de l’ensemble<strong>des</strong> lois qui ont été modifiées suite à l’adoptionde la Loi sur la justice administrative et la Loi surl’application de la justice administrative, nouspouvons cependant constater que dans la trèsgrande majorité <strong>des</strong> cas, le TAQ doit réviser unedécision prise par une autorité administrative. Àtitre d’exemple, le Tribunal administratif <strong>du</strong><strong>Québec</strong> révisera une décision prise par laCommission de protection <strong>du</strong> territoire agricole,il pourra également réviser une décision prisepar un ministre, il pourra également réviser unedécision prise par la Société de l’assuranceautomobile <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> ou encore une décisionprise par la Régie <strong>des</strong> rentes <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.


z/ 62Dans bien <strong>des</strong> cas, la révision se fait de novo,tandis que dans d’autres cas, le TAQ doit selimiter à analyser la décision prononcée parl’organisme de première instance et interveniruniquement lorsqu’il constate une erreurjustifiant son intervention.Évidemment, il y a <strong>des</strong> exceptions, commeen expropriation où le TAQ agit véritablementcomme le tribunal de première instance.Lors de l’adoption de la Loi sur la justiceadministrative, la plus grande difficulté quenous retrouvions au niveau de la Loi sur lafiscalité municipale, était qu’il n’y avait pas dedécision de première instance permettant auTAQ d’intervenir en révision.Le législateur a donc amendé la Loi sur lafiscalité municipale, pour y prévoir le processusde révision administrative.Comme nous l’avons déjà écrit, les décideurs,en fiscalité municipale, étant les mêmes au TAQque ceux que nous retrouvions au BREF, nousn’avons pas véritablement vu de distinctiondans les premières années qui ont suivi l’entréeen vigueur de la L.J.A..Il est cependant à prévoir, au fur et à mesure<strong>du</strong> remplacement <strong>des</strong> membres, et surtout parle fait que les membres peuvent siéger dansune section ou dans l’autre <strong>du</strong> Tribunaladministratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, qu’il y aura unecertaine uniformisation dans la façon deprocéder. Il faut d’ailleurs se rappeler que cetteuniformisation était l’un <strong>des</strong> souhaits <strong>du</strong>législateur en adoptant la Loi sur la justiceadministrative. Évidemment, nous ne savons pasce que nous réserve l’avenir, peut-être allonsnouscontinuer de procéder comme nousprocédons présentement, c’est-à-dire que leTribunal considérera, purement et simplement,le recours intenté en vertu de la L.F.M., devantle TAQ, comme un recours de première instance,ou peut-être allons-nous évoluer vers unerévision de la décision prise par l’évaluateur austade de la demande de révision administrative.Évidemment, nous ne pouvons passer soussilence la décision ren<strong>du</strong>e par le Tribunaladministratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> dans l’affaireBoehringer Ingelheim Canada c. Ville de Laval 41 ,en date <strong>du</strong> 3 mars 2004, même si cette décisionfut révoquée en date <strong>du</strong> 11 <strong>novembre</strong> 2004.Ainsi, dans la décision <strong>du</strong> 3 mars, où il s’agissaitd’une requête pour pro<strong>du</strong>ction de documentsprésentée par les procureurs de Boehringer, leTAQ en arrivait à la conclusion que l’évaluateurmunicipal ne pouvait disposer de la demande derévision administrative et décider de la justessede la valeur complétée, sans se pencher ànouveau sur l’inventaire immobilier en litige,ainsi que les diverses règles de droit enapplication. Le tribunal rappelant égalementque dans une vision de simple équité procé<strong>du</strong>rale,il apparaissait essentiel que la requérantesoit mise au courant <strong>des</strong> éléments quel’évaluateur municipal a jugé pertinents et qu’ila retenus à titre d’assise de sa décision devenuel’objet <strong>du</strong> recours devant le tribunal.La révocation de la décision <strong>du</strong> 3 mars 2004,par le même tribunal en date <strong>du</strong> 11 <strong>novembre</strong>2004, l’a été pour <strong>des</strong> motifs procé<strong>du</strong>raux maisnulle part il n’a été remis en question quelorsque l’évaluateur municipal révise une unitéd’évaluation, il ne doit pas le faire suivant unprocessus sérieux. Or, ce processus exige, selonnous, une enquête qui nécessite, comme nousl’avons déjà mentionné, de cerner le débat etd’obtenir les documents et informationspermettant de rendre une décision.Également, dans un chapitre précédent sur laconfidentialité <strong>des</strong> documents recueillis parl’évaluateur, la position prise par les tribunauxde droit commun rend difficile l’utilisationd’informations confidentielles compilées parl’évaluateur au niveau de la confection <strong>du</strong> rôlepar ce dernier. Alors, nous croyons que leprocessus de révision administrative est uneoccasion unique d’obtenir <strong>des</strong> informations qui,par ailleurs, seraient considérées comme étantconfidentielles, mais ces informations pourraientservir à l’évaluateur pour une contestationéventuelle devant le Tribunal administratif<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.


z/ 63Comme nous le savons pertinemment, l’évaluationmunicipale est une évaluation dite demasse. Lorsque nous sommes en présenced’une contestation de l’évaluation, les principessous-jacents à l’évaluation de masse permettentà l’évaluateur de bénéficier d’une présomptiond’exactitude <strong>des</strong> valeurs déposées au rôle.Ils permettent également d’invoquer la nonintervention <strong>des</strong> tribunaux, lorsque l’écart entrel’évaluation déposée et celle obtenue dans uncadre judiciaire est minime. Il demeure quandmême que dans un cadre de contestationjudiciaire, nous sommes en présence d’uneévaluation particularisée et non pas d’uneévaluation de masse. Pour nous, il doit y avoirun lien entre cette évaluation de masse et cetteévaluation particularisée, et il ne doit pas sefaire au tribunal, mais plutôt au niveau de larévision administrative.Pour tous ces motifs, nous croyons quel’évaluateur, au niveau d’une demande derévision administrative, doit se comporter unpeu comme un tribunal de première instanceet obtenir l’ensemble <strong>des</strong> informations qui luisont nécessaires pour rendre une décision etqu’il doive motiver sa décision en fonction <strong>des</strong>éléments obtenus.Conclusion de la partie 2L’histoire contemporaine de la valeur réellecommence avec l’arrêt de la Cour suprême dansl’affaire de la Sun Life assurance Co. of Canadac. Ville de Montréal 42 en 1950, lequel nous avonscommenté un peu plus longuement, en raisonde l’intérêt que suscite ce jugement dans lemilieu et aussi, pour souligner les progrèsréalisés depuis l’adoption de la Loi sur lafiscalité municipale en 1979.Cette étude <strong>des</strong> décisions <strong>des</strong> tribunaux nous apermis de dégager un courant jurisprudentielnettement majoritaire relativement à l’interprétation<strong>des</strong> articles 43 et 44 de la Loi sur lafiscalité municipale, qui, combinée à l’étudetéléologique <strong>du</strong> concept de valeur réelle de lapremière partie, attestent de la cohérence <strong>du</strong>concept de la valeur réelle édicté aux articles 42à 46.1 de la Loi sur la fiscalité municipale.Après vingt-cinq ans d’existence, de pratiqueet de jurisprudence, voilà que le concept devaleur réelle est solidement implanté dans lesmœurs et coutumes, donnant ainsi aux <strong>évaluateurs</strong>,aux avocats et aux tribunaux, les balisesnécessaires à la compréhension de la démarched’évaluation.Le critère de raisonnablement informés contenudans la Loi sur la fiscalité municipale et issu <strong>des</strong>discussions <strong>des</strong> tribunaux, est d’applicationgénérale. Jamais en jurisprudence, nous avonseu à nous demander si le critère de l’hommeraisonnablement informé varie en fonction del’unité d’évaluation qui est sous étude. Est-ceque l’homme raisonnablement informé le seraplus lorsque l’on achète un immeuble commercialou une usine que lorsque l’on achète unbungalow ?En droit civil, lorsque l’on a appliqué la théoriede vices cachés, la jurisprudence a longuementdébattu sur l’obligation d’inspection de l’acheteur.Ainsi, un acheteur raisonnablementprudent inspectera, de façon plus sérieuse, unimmeuble âgé afin d’y déceler <strong>des</strong> vices cachésqu’un immeuble fraîchement construit. Cetteobligation se retrouve déjà comprise dans larecherche de la valeur réelle car elle se reflètedans les transactions intervenues sur le marché.Cependant, nulle part dans le droit civil, ni envertu de la Loi sur la fiscalité municipale, onexige une vérification plus sévère lorsquel’acheteur achète un immeuble in<strong>du</strong>striel quelorsqu’il achète un bungalow ou un édificecommercial.Le législateur ayant pris soin de soumettre lesunités d’évaluation non susceptibles de fairel’objet d’une vente de gré à gré (art. 44) auxmêmes conditions que les unités susceptiblesde faire l’objet d’une vente de gré à gré del’article 43; on peut dès lors affirmer que lanotion de raisonnablement informés s’appliqueà toutes les unités d’évaluation sans égard à lacatégorie à laquelle elles appartiennent.Les données pertinentes auxquelles l’évaluateurest intéressé varieront selon la nature (catégorieou type) de l’immeuble à évaluer alors que leniveau de l’information ou de connaissance sera


z/ 64toujours tributaire <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteurraisonnablement informés. Il est important debien faire la distinction entre les deux notions.En ce qui concerne la nature de l’information, ilva de soi que l’acheteur et le vendeur ne sontpas intéressés par les mêmes caractéristiquesimmobilières selon qu’il s’agit d’un immeubleà vocation résidentielle, multirésidentielle,commerciale, in<strong>du</strong>strielle ou autre. Même àl’intérieur d’une seule catégorie, on peut supposerque d’éventuels acheteur et vendeur d’unemaison résidentielle unifamiliale seront préoccupéspar <strong>des</strong> caractéristiques immobilières quivarieront selon la classe <strong>du</strong> bâtiment. Ainsi,par exemple, le vendeur et l’acheteur d’unerésidence unifamiliale de classe standard serontprincipalement intéressés par les caractéristiquesde localisation, de modèle <strong>du</strong> bâtiment,de l’utilité de l’immeuble et de son prix de ventealors que pour le vendeur et l’acheteur d’unerésidence unifamiliale de grand luxe, les notionsd’architecture, d’exclusivité, d’esthétisme,d’environnement, de qualité <strong>des</strong> matériauxet de main d’œuvre retiendront davantageleur attention.Toutefois, ni dans l’un ni dans l’autre de nosdeux exemples, la notion de raisonnablementinformés n’ira jusqu’au niveau de connaissancetechnique et professionnelle relevant d’unequelconque discipline en rapport avec lavocation de l’immeuble ou <strong>du</strong> bâtiment.Il s’agit donc pour l’évaluateur d’adopter laposition médiane, moyenne et typique del’acheteur et <strong>du</strong> vendeur pour une catégoried’immeubles donnée. En aucun cas l’évaluateurne doit revêtir l’habit de l’expert pour en apprécierles avantages et les désavantages; il doitplutôt envisager la valeur sous l’angle <strong>du</strong> critèrede l’acheteur et <strong>du</strong> vendeur raisonnablementinformés, c’est-à-dire moyennement informés.Dans le cas d’un immeuble spécialisé ou d’unimmeuble à vocation unique tel une in<strong>du</strong>strie, ilconvient d’envisager l’évaluation sous l’angle <strong>des</strong>a valeur objective afin de respecter le principed’équité de la Loi sur la fiscalité municipale.Dans la décision de la Cour d’appel <strong>du</strong>9 septembre 1992 dans l’affaire Les PlacementsAnsec Ltée c. la Communauté urbaine deMontréal 43 , madame la juge Tourigny s’exprimedans les termes suivants : « Une façon objectivede voir les choses me paraît être de les regardercomme elles sont et non comme elles pourraientêtre. »Dans son étude intitulée La valeur réelle <strong>des</strong>immeubles hors marché 44 , M. Jean Péloquinexplique de façon magistrale les notions devaleur objective et de valeur subjective.(M. Jean Péloquin a été membre <strong>du</strong> Tribunaladministratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, autrefois le BREF, de1987 à 2001). Citant une décision <strong>du</strong> BREF <strong>du</strong>23 septembre 1996 dans l’affaire de la Société<strong>des</strong> établissements de plein air <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> c.Ville de Beauport et Communauté urbaine de<strong>Québec</strong> 45 , le tribunal spécialisé explique qu’il n’ya pas d’antinomie à être raisonnablementinformé <strong>des</strong> conditions <strong>du</strong> marché même sil’immeuble est hors marché.Pour un immeuble susceptible de faire l’objetd’une vente de gré à gré, il est relativementfacile de se placer dans la position de l’acheteuret <strong>du</strong> vendeur raisonnablement informés car laplupart <strong>des</strong> transactions tra<strong>du</strong>isent la réactionmoyenne <strong>des</strong> acheteurs et <strong>des</strong> vendeurs dansun segment <strong>du</strong> marché. Mais, pour un immeublenon susceptible de faire l’objet d’une vente degré à gré, l’évaluateur doit se placer dans laposition <strong>du</strong> propriétaire de l’immeuble, enfonction de l’utilisation qui peut le plus probablementen être faite, le propriétaire étantconsidéré comme s’il était à la fois l’acheteuret le vendeur (article 44 de la Loi sur la fiscalitémunicipale).Le fait d’être en présence d’un immeuble nonsusceptible de faire l’objet d’une vente de gré àgré ne constitue pas en soi une restriction à sajouissance et à son utilisation.La notion d’utilisation qui peut le plus probablementen être faite nous renvoie à la considération<strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong> désavantages del’immeuble. Dès lors, à partir <strong>du</strong> moment oùl’immeuble est dûment utilisé selon sa vocationou sa <strong>des</strong>tination propre, on peut raisonnablementconclure que le bâtiment rencontre la


z/ 65substance <strong>des</strong> conditions et critères énoncésaux articles 43 et 44 de la Loi sur la fiscalitémunicipale. Le critère de l’utilisation qui peut leplus probablement en être faite et la notion de lafaçon objective de voir les choses consistent à lesregarder comme elles sont et non comme ellespourraient être déjà énoncées dans la jurisprudenceconstituent, à notre avis, l’approcheobjective qu’il faut privilégier.Dans une décision <strong>du</strong> 25 juillet 2003, dansl’affaire de PCI Chimie Canada inc. c. Ville deBécancour 46 , le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>a ren<strong>du</strong> une décision pour le moins enrichissanteet qui recouvre l’ensemble de la problématiquede l’estimation de la valeur réelle pourun immeuble à vocation unique de naturein<strong>du</strong>strielle.S’agissant d’établir la valeur réelle d’une usinespécialisée dans la pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> chlore, de lasoude caustique, de l’acide chlorhydrique etaccessoirement de l’hypochlorite de sodium,PCI par la voix de ses experts, allègue lesdéficiences fonctionnelles et les déficiencesrelatives à l’entretien <strong>du</strong> bâtiment qui résultentde l’utilisation <strong>des</strong> pro<strong>du</strong>its chimiques corrosifsainsi que de leurs procédés de fabrication, pourréclamer <strong>des</strong> dépréciations physiques etfonctionnelles additionnelles.Invoquant l’hypothèse d’une réaffectation del’immeuble aux fins d’identifier et de quantifierles détériorations affectant les bâtiments,le tribunal conclut que la Loi sur la fiscalitémunicipale ne supporte pas de considérer unesimple hypothèse. Citant une récente décision<strong>du</strong> tribunal :« L’article 45 de la Loi sur la fiscalité municipaleoblige l’évaluateur et, en révision, letribunal à tenir compte de l’unité d’évaluationtelle qu’elle existe physiquement,environnementalement, juridiquement etéconomiquement au moment où elle estévaluée, et ce, sans échafauder d’hypothèsesquant à son avenir. »Et en réponse, le tribunal ajoute :« Ainsi, qu’il s’agisse d’immeubles à vocationspécialisée ou d’immeubles à vocationgénérale, tous doivent être considérés telsqu’ils existent au moment de leur évaluationet sans échafauder d’hypothèses quant àleur avenir. L’examen <strong>du</strong> témoignage del’expert de Bécancour fait voir à quel pointle projet de réaffectation est pour le moinsdouteux. »S’appuyant sur une autre décision, letribunal fait ressortir qu’il faut se méfier dela double dépréciation, que la désuétudefonctionnelle additionnelle rattachée à <strong>des</strong>changements technologiques n’est pasthéoriquement impossible mais exigeraitd’être prouvée de façon convaincante, etque la valeur rési<strong>du</strong>aire, s’il en est une,passera nécessairement par une valeur derécupération supérieure au coût de démolition,ce qui est loin d’être prouvé. De mêmele potentiel de réaffectation demandeégalement d’être prouvé.Parlant <strong>des</strong> déficiences relatives à l’entretien<strong>des</strong> bâtiments le Tribunal constate :« Que les critères invoqués sont directementreliés à la pro<strong>du</strong>ction in<strong>du</strong>strielle de l’usinesans que soient mises en cause les constituantesphysiques <strong>du</strong> bâtiment proprementdit; pour le tribunal, dans le domaine del’investissement in<strong>du</strong>striel comme dans lesautres formes d’investissements, tout estquestion de choix et d’opportunités. Étantdonné que <strong>des</strong> investisseurs ont antérieurementsaisi <strong>des</strong> opportunités et effectué<strong>des</strong> choix qui ont mené à l’existence del’usine de PCI telle qu’elle existe et tellequ’elle a été calculée par les experts, letribunal est d’avis qu’il n’est pas utilede rechercher ce que serait la nouvelleusine idéale.…l’usine peut présenter <strong>des</strong> déficiences surle plan <strong>du</strong> fonctionnement cependant, sielles existent vraiment, de telles déficiencesdoivent alors présenter <strong>des</strong> effets et ce sontces effets qui doivent être estimés pour


z/ 66préciser ce que seraient les détériorationsfonctionnelles particulières attribuables auxbâtiments et non le budget pour réaliserl’usine idéale, toutes améliorations permanenteset tous équipements confon<strong>du</strong>s. Pourle tribunal, les calculs de la page 27 de R-8ne constituent que <strong>des</strong> hypothèses nonprouvées et non reliées à une recherchede la valeur réelle. »Parlant de l’élaboration <strong>du</strong> calcul de ladépréciation au moyen <strong>du</strong> procédé détaillé, letribunal juge :« Que le procédé détaillé devient difficilementapplicable, l’opération s’avérant trop longueet très fastidieuse tout en étant peucrédible. »Et le tribunal d’ajouter :« Un tel constat, fort légitime en soi dans unautre contexte (il faut comprendre ici dansun autre champ de pratique) n’a aucunemesure avec les exigences d’une recherchede la valeur réelle <strong>des</strong> biens immobiliers envertu de la Loi sur la fiscalité municipale. »Toujours dans la même cause de PCI ChimieCanada inc :« La preuve a mis en relief que le calculet l’examen de la dépréciation effectuéau moyen <strong>du</strong> procédé de répartitionn’atteignent pas leur objectif parce qu’ilssont orientés vers le meilleur scénariosouhaité (usine idéale) pour l’entreprise etnon sur la réalité <strong>des</strong> bâtiments tels qu’ilsont été recensés et calculés.Avec égards, le tribunal est plutôt d’avisque, dans une proportion très importante,les coûts de maintien en bon état <strong>des</strong>bâtiments que PCI réclame au titre de ladépréciation doivent être qualifiés deconséquences de ses propres choix etactivités in<strong>du</strong>strielles qui sont les causes,véritables et directes, de la corrosion accéléréedécriée par ses experts et représentants.Il ne faut pas perdre de vue que leprocédé in<strong>du</strong>striel et les vents dominantsne constituent pas <strong>des</strong> nouveautés pourles ingénieurs et investisseurs <strong>du</strong> domaineChlor-alkali qui ont conçu cette usine.Ainsi, de l’avis <strong>du</strong> tribunal, étant donnéque la pro<strong>du</strong>ction in<strong>du</strong>strielle répond à <strong>des</strong>impératifs économiques forts différents <strong>des</strong>rendements requis normalement par uninvestissement immobilier, une sommeappréciable devrait être directement débitée<strong>des</strong> recettes brutes de l’usine à titre deréserve, afin de prévoir le remplacement etla réparation <strong>des</strong> bâtiments et <strong>des</strong> équipementsendommagés. Ces remplacements etréparations doivent en majeure partie êtreconsidérés comme <strong>des</strong> coûts de pro<strong>du</strong>ction,et non comme la résultante d’une activitéimmobilière. »Dans une décision encore plus récente <strong>du</strong>12 février 2004, dans la cause de Domco Farkettinc. c. Ville de Farnham 47 , alors qu’il s’agissaitpour l’évaluateur d’établir le facteur de classe etle facteur d’envergure d’un complexe in<strong>du</strong>strielà usage spécifique ou limité, en prétendantqu’un tel immeuble se démarque <strong>des</strong> immeublesayant servi d’échantillonnage pour la confection<strong>des</strong> taux <strong>du</strong> manuel, et qu’à cet égard, l’immeublene pouvait se voir attribuer une classeinférieure à la classe standard « 5 », le Tribunaladministratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> soutient :« Que bien au contraire, le principe mêmede la valeur réelle affirmé par la Loi sur lafiscalité municipale supporte l’applicationd’un unique régime d’évaluation pour tousles immeubles quelle que soit leur vocationà l’intérieur de la richesse foncière d’unterritoire. »Dans cette cause de Domco-Farnham :« Le tribunal rappelle l’importance <strong>du</strong> critèrede l’utilisation qui peut le plus probablementen être faite dont parle l’article 43 de la Loisur la fiscalité municipale au moment decomparer un immeuble à d’autressemblables transigés sur le marché. Cecritère ne permet pas de faire abstractionde la réalité <strong>du</strong> marché sous prétexte quele propriétaire d’un immeuble semble ne


z/ 67retirer que <strong>des</strong> avantages ré<strong>du</strong>its ouadditionnels par rapport aux avantagesqu’en tirent d’autres propriétaires. (...)Une volumineuse jurisprudence a clairementprécisé qu’un propriétaire ne peut pasprétendre à une valeur ré<strong>du</strong>ite pour sonimmeuble en alléguant qu’il n’est pasintéressé ou capable de le mettre en valeur.Cette dernière hypothèse con<strong>du</strong>irait àadmettre que la valeur à inscrire au rôlepour un terrain relèverait de la purediscrétion de son propriétaire et non <strong>des</strong>a valeur réelle comme l’exige l’article 42de la loi. »L’obligation de rechercher la valeur réelle del’immeuble est sans contredit la grande leçonqu’il faut tirer de ces jugements.La recherche objective de la valeur réelle, selonles préceptes de la Loi sur la fiscalité municipale,pour toutes les catégories d’immeubles, serévèle être le meilleur gage de transparence,d’équité et d’uniformité en fiscalité municipale,et ce, pour tous les contribuables.


z/ 68PARTIE 3Le champ de pratique del’évalulation municipaleLe contexte de l’évaluationmunicipaleLa norme de pratique professionnelle numéro 1,règle 1.2, éléments 2 et 3 de l’<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong><strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> stipule que :« La fin de l’évaluationL’évaluateur doit considérer la fin del’évaluation, c’est-à-dire à quelle fin sesservices ont été requis et quel usage lesintéressés feront de son évaluation.La fin de l’évaluation est indissociable <strong>du</strong>but de l’évaluation. Exemple : Recherchede la valeur marchande (but) aux fins de lamise en vente d’un immeuble.Le but de l’évaluation et la définition dela valeur recherchéeDans tous les cas, l’évaluateur doit définir lebut qu’il vise à atteindre, c’est-à-dire lavaleur qu’il recherche.S’il s’agit de la valeur marchande, elle doitrépondre aux conditions de la définition dela valeur marchande.Dans certains cas, l’évaluateur est contraintde rechercher la valeur définie ou énoncéedans certaines lois ou dans la jurisprudencequi en découle (ex. : expropriation,évaluation foncière). »Outre la norme de pratique numéro 1 applicableà tous les champs de pratique, certaines normess’appliquent d’une manière distincte selon laspécialité <strong>du</strong> champ de pratique. C’est notammentle cas <strong>des</strong> normes de pratique numéros 19,20, 21 et 22 qui édictent les règles spécifiquesconcernant le champ de pratique de l’évaluationmunicipale.Ce qu’il faut retenir dans le contexte <strong>du</strong> présentarticle, c’est que la fin de l’évaluation consisteà la confection et à la tenue à jour <strong>du</strong> rôled’évaluation, le tout devant répondre auxexigences de la Loi sur la fiscalité municipaleet aux dispositions <strong>du</strong> Règlement sur le rôled’évaluation foncière ainsi que <strong>du</strong> Règlementsur la forme ou le contenu minimal de diversdocuments relatifs à la fiscalité municipale etque le but de l’évaluation soit l’établissementde la valeur réelle, telle que définie dans la loi,sa compréhension étant toutefois sujette àl’interprétation <strong>des</strong> tribunaux. La fin de l’évaluationest indissociable <strong>du</strong> but de l’évaluation.Comme nous l’avons vu au chapitre précédant,le concept de valeur réelle et ses critères fontmaintenant jurisprudence et l’évaluateur estconvié à en respecter les orientations.Les divergences récurrentes entre les<strong>évaluateurs</strong> <strong>des</strong> municipalités et certainspropriétaires fonciers résident, pour l’essentiel,dans la compréhension et l’interprétation queles uns et les autres font <strong>du</strong> concept de la valeurréelle. Les <strong>évaluateurs</strong> municipaux s’appliquentnormalement dans la recherche de la valeurréelle, telle que définie dans la Loi sur la fiscalitémunicipale et confirmée par une jurisprudenceprédominante alors que les <strong>évaluateurs</strong> représentantles propriétaires fonciers s’appliquent leplus souvent dans la recherche de la valeurmarchande qu’ils associent purement etsimplement à la valeur réelle.Les notions de valeur objectiveet de valeur subjectiveLes prescriptions de la Loi sur la fiscalitémunicipale en matière d’établissement de lavaleur réelle énoncent à l’article 45 que :« Pour établir la valeur réelle d’une unitéd’évaluation, il faut notamment tenir comptede l’incidence que peut avoir sur son prix devente le plus probable la considération <strong>des</strong>avantages ou désavantages qu’elle peutapporter, en les considérant de façonobjective. »Le concept de valeur réelle contient dans sadéfinition, aux articles 42 à 46 de la Loi sur lafiscalité municipale, tous les critères d’appréciationde cette valeur par l’évaluateurmunicipal.


z/ 69En intro<strong>du</strong>ction, nous avons débuté notre étudeavec l’idée que la valeur objective s’oppose à lavaleur subjective. Cette notion de valeur objectiveet de valeur subjective a été intro<strong>du</strong>iteassez récemment par certains auteurs <strong>du</strong> milieujuridique; il convient donc ici de clarifier lasignification de cette notion appliquée à lathéorie d’évaluation.Dans un article déjà cité 48 et publié dans l’Évaluateuragréé ad hoc de mars 2002, MonsieurJean Péloquin traite de cette notion à partird’exemples tirés de la jurisprudence. S’agissantde déterminer la valeur réelle d’un immeuble,le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> et la Courd’appel associent la valeur subjective à la valeur<strong>des</strong> droits <strong>du</strong> propriétaire, ce qui peut con<strong>du</strong>ireà attribuer <strong>des</strong> valeurs différentes à <strong>des</strong>immeubles physiquement similaires.Citant M e Jean-Guy Desjardins, il donnel’exemple de deux immeubles complètementsimilaires sur le plan physique, mais dont lavaleur sera différente selon le reflet de laperception <strong>des</strong> intervenants sur le marché :« Ainsi, la valeur réelle de l’immeuble mis enlocation sera affectée par l’effet négatif <strong>des</strong>lois contraignantes, telle la Loi sur la régie<strong>du</strong> logement, alors que l’immeuble encopropriété n’en souffrira pas. Il estindéniable que la valeur marchande <strong>des</strong>unités en copropriété est sensiblementsupérieure à la valeur de l’immeuble quiaurait conservé son caractère locatif, ce quiexplique d’ailleurs le besoin <strong>du</strong> législateurde prohiber la conversion <strong>des</strong> immeubleslocatifs en copropriété (article 51 à 54.14de la Loi sur la régie <strong>du</strong> logement).Relativement à la notion de valeur subjective,il faut faire une distinction entre unimmeuble qui est dans le commerce et unautre qui ne l’est pas. Un exemple de valeursubjective s’est présenté dans l’affaire <strong>du</strong>Sanctuaire <strong>du</strong> Mont-Royal. Le propriétairevoulait que <strong>des</strong> logements en copropriétéaient moins de valeur parce qu’il en détenait29 et qu’il lui serait plus difficile de lesécouler sur le marché. Voilà une situation oùun immeuble vaudrait moins non à cause<strong>des</strong> droits <strong>du</strong> propriétaire dans l’immeuble,mais seulement en raison <strong>du</strong> nombred’unités qu’il possède. Le tribunal spécialisérefusa d’évaluer ces logements en fonctionde cet élément subjectif et leur attribua lamême valeur que si le propriétaire nevendait qu’une unité à la fois. Cette affairefut confirmée par la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Dans le cas d’un parc public, on doit évaluerles droits <strong>du</strong> propriétaire et se demanderquelle est la valeur de l’immeuble, qu’il soitdétenu par l’État, par une municipalité oupar un mécène. Mais, il nous apparaîtévident qu’on ne peut qualifier la valeurainsi trouvée de subjective simplementparce qu’elle serait différente si le bien étaitdans le marché. Au départ, il s’agit d’unbien public et on ne peut lui conférer unevaleur en fonction d’une qualification qu’iln’a pas. Pour reprendre les termes mêmesde madame la juge Tourigny dans LesPlacements Ansec Ltée, précité, une façonobjective de voir les choses me paraît être deles regarder comme elles sont et non commeelles pourraient être.La valeur ne serait subjective que sil’immeuble avait une valeur plus ou moinsgrande parce qu’il serait détenu par unautre propriétaire pour les mêmes fins.Comme, par définition, un parc public estdétenu pour la collectivité et non pour unefin lucrative, on voit difficilement commentil pourrait avoir une valeur subjective ouune valeur spéciale <strong>du</strong> seul fait qu’on tiennecompte de son caractère public.Le fait qu’un immeuble soit détenu parl’État ou par une municipalité ou l’un deleur mandataire ne signifie toutefois pasnécessairement que cet immeuble soit horsmarché ou hors commerce. La jurisprudencea donné l’exemple de la station de ski <strong>du</strong>Mont Ste-Anne. On peut penser égalementau parc d’attraction La Ronde, possédé etutilisé par la Ville de Montréal comme uneentreprise commerciale. Pour y entrer, il fautpayer un prix d’entrée. Ce parc n’est paspossédé pour la collectivité, mais pour lesseules personnes qui seront consentantes


z/ 70à défrayer le prix d’entrée. D’ailleurs, aumoment d’écrire ces lignes on annonceque la gestion de La Ronde a été cédée àune entreprise américaine prête à payerplusieurs millions pour en acquérir le droitd’exploitation.Au départ de toute évaluation, il fautprendre soin de regarder la <strong>des</strong>tination <strong>du</strong>bien et se demander à quelle utilisation, laplus profitable en termes monétaires oud’agrément, il répond le mieux. C’est ceque le tribunal spécialisé a fait, de façoncohérente, dans les deux affaires S.O.G.I.C.et S.E.P.A.Q. Malheureusement, la Cour <strong>du</strong><strong>Québec</strong>, et par la suite la Cour d’appel, n’ontpas maintenu cette cohérence et le résultatfinal a été contradictoire alors qu’un parcpublic a été déclaré sans valeur et un autreévalué à plus de 7 000 000 $. » 49Dans un autre article publié dans l’Évaluateuragréé ad hoc de décembre 1990, M e GillesFafard, avocat, exprime de cette façon lesnotions d’objectivité et de subjectivitéappliquées au processus d’évaluation :« La subjectivité a comme caractéristiquede retenir <strong>des</strong> éléments propres à un ouplusieurs sujets et non pas à tous les autres.Dans un sens, les transactions immobilières,qu’il s’agisse de ventes ou de locations, sontaffectées d’éléments subjectifs qui tiennent<strong>des</strong> connaissances, <strong>des</strong> désirs, <strong>des</strong> perceptionsou <strong>des</strong> contraintes que vivent lesparties en présence.Le rôle de l’évaluateur consiste à décortiquerles attitu<strong>des</strong> ou les comportementsqui ont tendance à susciter une réactionhabituelle devant un même phénomène.Il s’engage alors dans un processusd’objectivation. » 50Les notions de valeur objective et de valeursubjective ont été intro<strong>du</strong>ites dans la jurisprudencese rapportant à l’établissement de lavaleur réelle faisant ainsi ressortir l’antagonismeentre d’une part, la valeur réelle et d’autre part,la valeur marchande ou la valeur <strong>des</strong> droits <strong>du</strong>propriétaire. Vue sous cet angle, cette notion devaleur objective en opposition à la valeursubjective <strong>du</strong> propriétaire trouve son explicationdans l’intérêt divergeant <strong>des</strong> parties dans ledébat sur la valeur.Toutefois, une mise en garde s’impose à lacompréhension <strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> en regard <strong>des</strong>normes de pratique professionnelle et de lathéorie de l’évaluation.Dans le sens usuel, l’objectivité est caractériséepar ce qui est de l’ordre <strong>du</strong> réel, c’est-à-dire quiconstitue une réalité en soi ou qui est de l’ordre<strong>du</strong> réel. Sur le plan philosophique, l’objectivitéest caractérisée par ce qui existe indépendammentde la conscience et en dehors <strong>du</strong>sujet pensant. Dans le cadre de la démarchescientifique, ou de la démarche d’évaluation,l’objectivité désigne une méthode d’analyserigoureuse ou une attitude impartiale quiconsiste à s’en tenir aux données objectiveset vérifiables.Souvent comprise par l’évocation de sonantipode, la subjectivité renvoie à l’ensemble<strong>des</strong> particularités psychologiques qui n’appartiennentqu’au sujet ou qui ne relèvent que delui. Sur le plan philosophique, l’opposition entreobjectivité et subjectivité est peu fondée, voirefallacieuse, puisque l’objectivité inclut dans laconnaissance scientifique <strong>des</strong> réalités nonmesurables qui s’apparentent à <strong>des</strong> réalitéssubjectives. On ne peut donc pas atteindrel’objectivité absolue, mais il importe biende la comprendre afin qu’elle serve de guideà la démarche d’évaluation.En principe, la démarche d’évaluation estappariée au sujet à évaluer, au but de l’évaluationet à la définition de la valeur recherchée. Àchacun <strong>des</strong> champs de pratique de l’évaluationimmobilière, on y trouve édictées certainesconditions minimales qui assurent une démarcheexemplaire qui, si elles sont bien suivies,assureront un résultat cohérent et probant,devant con<strong>du</strong>ire à la plus grande objectivitépossible.Quel que soit son champ de pratique, l’<strong>évaluateurs</strong>era toujours convié à rechercher la valeurobjective d’un droit de propriété ou d’un


z/ 71immeuble; c’est la finalité de sa profession deparvenir à <strong>des</strong> résultats impartiaux et crédibles.Invité à établir la valeur marchande et la valeurassurable d’un même immeuble à la même datede l’évaluation, l’évaluateur empruntera deuxdémarches d’évaluation distinctes et obtiendra<strong>des</strong> résultats différents, mais objectifs. On peutciter d’autres exemples telles que la valeurréelle, la valeur marchande, la valeur économique,la valeur au propriétaire dont les buts etles définitions de la valeur recherchée requièrentl’emploi d’une démarche d’évaluationdistincte et que l’atteinte de résultats soientconséquentes de la valeur recherchée.La valeur subjective sera la plupart <strong>du</strong> tempssymptomatique (indice) d’un problème d’évaluationmal défini, d’une démarche d’évaluationdéficiente ou encore le résultat d’une attitudepartiale de l’évaluateur. De là l’importancede bien saisir la signification et la portée decette notion.Le contexte et la valeur <strong>des</strong>renseignements recueillis parl’évaluateurGénéralement l’évaluateur municipal obtient lesrenseignements dont il a besoin pour l’exercicede ses fonctions selon les pouvoirs et obligationsqui lui sont conférés par les dispositions<strong>des</strong> articles 3, 15 à 18.5 et 36.1 de la Loi sur lafiscalité municipale. Ces dispositions de la lois’appliquent aussi bien pour la confection quepour la tenue à jour <strong>du</strong> rôle d’évaluation.On peut classer ces renseignements utiles àl’évaluateur selon l’ordre suivant :1- Les renseignements d’ordre public relatifsaux mutations immobilières (registrefoncier), les renseignements réglementairesmunicipaux et provinciaux (permis, zonage,services municipaux et restrictions);2- Les renseignements requérant une visite ouune inspection <strong>des</strong> lieux (caractéristiquesd’emplacement et <strong>des</strong> bâtiments);3- Les renseignements relatifs à l’historicité <strong>du</strong>bâtiment, de ses améliorations ainsi que <strong>du</strong>contexte de transaction immobilière. Pourles propriétés à revenus ou à vocationspécialisée, l’état <strong>des</strong> revenus et <strong>des</strong> fraisd’exploitation de l’immeuble et tout autrerenseignement utile à l’évaluateur.Généralement, l’obtention <strong>des</strong> renseignementsmentionnés aux paragraphes 1 et 2 ne pose pasde problème récurrent à l’évaluateur; à titre dereprésentant de la municipalité, l’évaluateurobtiendra facilement toutes les informationsd’organismes publics. Pour les renseignementsrequérant une visite <strong>des</strong> lieux ou de la propriété,la contrainte de la Loi sur la fiscalité municipalene laisse guère de choix au contribuable derecevoir le représentant de l’évaluateur pourqu’il complète une fiche de propriété àl’occasion d’une visite <strong>des</strong> lieux.L’obtention <strong>des</strong> renseignements se révèle êtreplus ar<strong>du</strong>e pour ce qui concerne le contextede la transaction immobilière où le contribuableest plus ou moins enclin à coopérer avecl’évaluateur. Il adoptera souvent une attitudede méfiance ne sachant pas l’incidence quepeuvent avoir les révélations de renseignementsfaites à l’évaluateur.L’évaluateur municipal percevra le plus souventl’information reçue par le contribuable commereprésentant un minimum dans le contexte del’établissement de la valeur réelle. Il y a unedifférence entre représenter l’intérêt <strong>du</strong>propriétaire en particulier et celui de lamunicipalité en général. La possibilité d’obtenirde l’information sensible sera plus grande si lepropriétaire est notre client que si ce dernierdoit répondre à l’évaluateur municipal sous lacontrainte de la loi.Aussi, il ne faut jamais perdre de vue quel’évaluateur municipal procède à l’inventaireimmobilier complet de tout son territoire et queles données et les caractéristiques immobilièressont obtenues dans le cadre d’une opérationde grande envergure impliquant la délégation<strong>des</strong> ressources techniques et cléricales où lecontrôle de la qualité n’a pas la même rigueurque si l’évaluateur procède lui-même à uneexpertise immobilière particulière pour chaqueimmeuble.


z/ 72Prenons l’exemple <strong>du</strong> processus d’analyse <strong>des</strong>mutations immobilières. Bien que l’évaluateurdoive s’assurer qu’elles satisfassent à tous lescritères de l’article 43 de la Loi sur la fiscalitémunicipale, la majorité <strong>des</strong> données présentéessur l’avis de mutation sont présumées être debonne foi. Il ne procédera à la vérification et àl’enquête auprès <strong>des</strong> parties à la transaction(la plupart <strong>du</strong> temps auprès de l’acheteur) quedans <strong>des</strong> cas rarissimes aux fins de compléterson analyse et de connaître les conditionsreliées au contexte de la transaction. N’oublionspas que seul le propriétaire ou l’occupant esttenu aux obligations de l’article 18 et que lesdonnées ou motifs obtenus lors d’un complémentd’enquête sont la plupart <strong>du</strong> tempsverbales et ne proviennent pas d’une déclarationécrite <strong>du</strong> propriétaire.C’est ainsi que la vaste majorité <strong>des</strong> mutationsimmobilières sont présumées bona fide aux finsd’établir la valeur réelle (à moins de situationsparticulières stipulées à la transaction) et quec’est au moyen <strong>du</strong> processus ultérieur del’analyse statistique que l’évaluateur procéderaau rejet de certaines transactions jugées nonreprésentatives. Le processus suivi s’inscritdans la logique <strong>du</strong> critère où l’évaluateur n’apas à être informé plus que l’acheteur et levendeur raisonnablement informés de l’étatde l’unité d’évaluation, de l’utilisation quipeut le plus probablement en être faite et <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché immobilier. L’<strong>évaluateurs</strong>uit une démarche qui lui permet d’appliquerle principe de probabilité dans l’instauration dela valeur réelle <strong>des</strong> immeubles (prix de vente leplus probable). De par sa nature probabiliste, leprix de vente représente le prix le plus probabled’une distribution de prix contractuels d’immeublesqui requiert la nécessité de comparer <strong>des</strong>éléments caractéristiques identiques ou analoguesafin d’en dégager les facteurs communs.L’évaluateur municipal n’a pas besoin d’avoirune connaissance parfaite de l’immeuble, <strong>des</strong>es avantages et de ses inconvénients. Il s’agitde refléter le niveau de connaissance <strong>des</strong>acheteurs et <strong>des</strong> vendeurs typiques agissantsur le marché immobilier.Parlant <strong>du</strong> niveau d’information requis poursatisfaire le critère <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteurraisonnablement informés M e Jean-FrançoisGosselin précise dans un article paru dans larevue <strong>du</strong> Barreau <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, à l’occasion <strong>du</strong>Congrès de 1990 51 :« Il est donc opportun de circonscrire ceque signifie être raisonnablement informé.Les dictionnaires consultés suggèrentessentiellement, en regard de l’adverbe« raisonnablement », deux ordres de signification.Le premier connote la raison, lebon sens, la sagesse. On pense alors à <strong>des</strong>expressions comme agir raisonnablementou se comporter raisonnablement, danslesquelles l’adverbe qualifie davantage uneaction qu’un état. Il apparaît cependant quece sens convient mal au participe passéinformé, qui semble référer à l’état de celuiqui a reçu une information plutôt qu’àl’action de la solliciter. Être raisonnablementinformé ne signifierait donc pasavoir fait preuve de sagesse dans la recherched’une information, ce que pourrait parailleurs vouloir dire s’informerraisonnablement.On reconnaît, toutefois aussi au mot raisonnablementla capacité de caractériser ce quiest normal, acceptable, modéré, convenable,sans excès.Parce que cet adverbe est, dans le texte del’article 43, accolé au participe passéinformés, la seconde signification devraitêtre retenue. Dès lors, il faudrait voir dansle vendeur et l’acheteur raisonnablementinformés, que décrit l’article 43, <strong>des</strong> partiesqui se sont informées d’une manièrenormale et convenable. Vu sous cet angle,le critère n’apparaît pas très exigeant, secontentant de postuler que vendeur etacheteur agissant sur le marché immobilierdoivent se comporter quant à l’informationqu’il convient de requérir relativement àl’état de l’unité d’évaluation, à l’utilisationqui peut le plus probablement en être faiteet aux conditions <strong>du</strong> marché immobiliercomme <strong>des</strong> vendeurs et <strong>des</strong> acheteursnormaux, et non pas comme <strong>des</strong> experts


z/ 73ou <strong>des</strong> spéculateurs téméraires. En cela, lecritère édicté par l’article 43 ne semble pastrès loin de celui de l’homme normalementavisé et prudent et de celui <strong>du</strong> bon père defamille connus en droit civil et que, <strong>du</strong> reste,la jurisprudence a déjà importé en matièred’évaluation foncière.Il n’y a dans le concept de valeur rien detel qu’une référence à une connaissanceparfaite et exhaustive <strong>des</strong> qualités et <strong>des</strong>défauts intrinsèques de la chose. Il n’y aplutôt, à un moment donné, qu’une référenceà un certain degré ou à un certainniveau de connaissance de la chose, niveauou degré de connaissance qui affecte à lahausse ou à la baisse sa désirabilité et qui,en conséquence, crée ou annihile sa valeur.En outre, il faut reconnaître que ce qui estraisonnable et ce qui ne l’est pas, ou quece qui est normal et ce qui ne l’est pas, nepeuvent être circonscrits dans l’absolu : ils’agit d’une question d’appréciation etsurtout de circonstances.Les informations que vendeur et acheteurdoivent requérir quant à l’état de l’unitéd’évaluation et quant à l’utilisation qui peutle plus probablement en être faite peuventvarier dans le temps en fonction de certainsparamètres dont l’histoire récente de l’unitéd’évaluation et le contexte entourant samise en vente. »M e Gosselin illustre sa pensée à partir del’exemple d’un terrain dont l’utilisation passeraitsuccessivement d’agricole à un secteur deprospection minière, puis à une zone aurifère,puis à une mine d’or :« À supposer que le lot se soit d’abord ven<strong>du</strong>entre cultivateurs à <strong>des</strong> fins agricoles, puisqu’un prospecteur l’ait acquis en ayant <strong>des</strong>motifs sérieux de croire qu’il pourrait ydécouvrir de l’or, puis qu’une compagnieminière l’ait acheté après que <strong>des</strong> gisementsprometteurs y aient été découverts et enfinque l’exploitant l’ait ven<strong>du</strong> à gros prix à unconcurrent en raison de la rentabilité de sonexploitation, il faudrait conclure que c’est laconnaissance de plus en plus précise del’immeuble et l’identification de son potentielde plus en plus élevé qui, contribuant enl’espèce à augmenter la désirabilité, ont créésa valeur ultime; valeur que le lot n’avait pasà l’origine au moment où il se transigeaitentre cultivateurs à <strong>des</strong> fins agricoles. Ainsidonc, si l’évaluateur avait eu à cerner lavaleur réelle <strong>du</strong> terrain à chacun <strong>des</strong> sta<strong>des</strong>précités de son évolution, il lui aurait fallutenir compte, dans la recherche de cettevaleur, de la connaissance qu’on avait <strong>des</strong>on état physique et de son potentiel àchacun <strong>des</strong> moments y correspondant. Dansle cadre d’un tel exercice, l’évaluateur nepourrait donc pas, même a posteriori,déterminer la valeur <strong>du</strong> lot transigé entrecultivateurs en tenant compte <strong>du</strong> potentielaurifère subséquemment identifié. »Parlant de l’incidence de l’évolution <strong>des</strong> valeurssociales dans la définition <strong>du</strong> critère <strong>du</strong> vendeuret de l’acheteur raisonnablement informés,M e Gosselin ajoute :« Mais plus encore que l’histoire récente del’unité d’évaluation et que le contexte qui lacaractérise, d’autres facteurs sont susceptiblesd’exercer une influence déterminantesur le comportement typique <strong>des</strong> acheteurset <strong>des</strong> vendeurs d’immeubles. L’évolution<strong>des</strong> valeurs sociales constitue, à n’en pasdouter, un de ces paramètres.En effet, on ne peut ignorer l’évolution trèsrapide <strong>des</strong> mentalités, <strong>des</strong> comportementset <strong>des</strong> normes sociales en matière deprotection de l’environnement. Au surplus,s’il n’est pas toujours facile d’apprécier <strong>des</strong>comportements, <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> ou <strong>des</strong> situationsen regard de normes et de préoccupationscontemporaines ou constantes, il esta fortiori extrêmement difficile d’apprécierune situation à une date donnée lorsquel’exercice doit être fait en fonction d’unschème de référence qui a depuis considérablementévolué. La collecte d’informationsrequise de l’acheteur prudent et raisonnablementinformé ne peut donc pas êtrebalisée une fois pour toutes parce que cetacheteur fait partie d’une société qui évolue.


z/ 74À ce titre, il faut prendre pour acquis qu’ilévolue lui aussi. Dès lors, on est en droit deconclure que, ce que l’on exigerait de lui àune date donnée pourrait devenir insuffisantà une date ultérieure, s’il s’avérait que lesstandards socialement reconnus de mêmeque les préoccupations de la société ontévolué entre les deux moments. D’oùl’importance, encore une fois, d’apprécierles comportements et les décisions à lalumière <strong>du</strong> contexte de l’époque où cescomportements ont été observés et où cesdécisions ont été arrêtées. »Dans le contexte de l’estimation de la valeurmarchande, l’évaluateur apportera beaucoupplus d’attention à la valeur <strong>des</strong> renseignements,à la manière de l’expert bien informé, il scruteratout le contexte de la mise en vente, les motifs<strong>du</strong> vendeur et de l’acheteur et mesurera lesincidences <strong>des</strong> avantages et inconvénients <strong>du</strong>bien immobilier transigé ou à évaluer.Comme un expert, il sera à même de bienconseiller un éventuel vendeur ou acheteur d’unbien immobilier.Fort <strong>du</strong> mandat qu’il aura reçu de son client,l’évaluateur aura accès à toute l’informationexistante et nécessaire à l’exécution de sontravail. Pour réaliser certaines expertises,l’évaluateur aura accès aux audits comptableset aux déclarations annuelles pro<strong>du</strong>ites auministère <strong>du</strong> Revenu.La connaissance que l’expert aura acquise àl’occasion de l’analyse de transactions d’immeublescomparables sera en partie fonction <strong>du</strong>caractère confidentiel de ses informations,et il ne pourra les mettre en preuve à moinsd’autorisations spéciales. La démarche del’expert, ses qualités personnelles, sa crédibilité,ses accointances avec le milieu et son sens dela psychologie lui ouvriront de façon différenteles portes de l’information. Le contexte del’évaluation sera plus ou moins fonction de lavaleur relative de l’information et <strong>des</strong> particularités<strong>du</strong> milieu.L’évaluateur municipal doit se satisfaire, laplupart <strong>du</strong> temps, d’informations verbales etnon certifiées <strong>du</strong> propriétaire. S’il n’a pas accèsaux bilans comptables, ni aux déclarationsannuelles <strong>du</strong> revenu, c’est sans doute que lelégislateur ne l’a pas jugé opportun aux finsd’établir la valeur réelle <strong>des</strong> immeubles.Vouloir aller plus loin que les moyens que la loiaccorde à l’évaluateur municipal en vertu <strong>des</strong>dispositions de l’article 18 de la Loi sur lafiscalité municipale ne serait sans doute pascompatible avec le critère <strong>du</strong> vendeur et del’acheteur raisonnablement informés de l’article43 de la dite loi.Appliquant le principe juridique à l’effet queles articles de loi s’interprètent les uns lesautres, nous pouvons conclure que lesdispositions limitées de l’article 18 de la Loisur la fiscalité municipale semblent avoir étécalibrées de manière à ne recueillir que leniveau de renseignements utiles à l’application<strong>des</strong> critères de raisonnablement informé del’article 43 de la Loi sur la fiscalité municipale.Pour les immeubles non susceptibles de fairel’objet d’une vente de gré à gré et visés parl’article 44 de la Loi sur la fiscalité municipale,on constate à l’ère de la mondialisation et del’élargissement <strong>des</strong> marchés, qu’il y a de plusen plus d’entreprises qui se vendent par le biaisde la vente d’actions, de la fusion et autresarrangements d’affaires tel que l’échange ou lavente partielle de certains secteurs d’activitésde l’entreprise.La mutation immobilière de l’entreprises’effectue le plus souvent par un acte detransfert de titre avec la mention de bonneet valable considération sans valeur de lacontrepartie. La vente d’entreprise est ununivers clos.Dans le cas d’une vente à titre onéreux,l’évaluateur devra alors identifier, voire évaluerles diverses composantes financières del’entreprise, de manière à dégager la valeurcontributive <strong>des</strong> seuls actifs immobiliers.L’accès aux états financiers officiels del’entreprise s’avérera indispensable aux finsd’analyser la transaction, ce qui est peut-êtrepossible dans le cas où l’évaluateur est dûmentmandaté par l’entreprise, mais impraticable


z/ 75pour l’évaluateur municipal chargé d’établirla valeur réelle <strong>des</strong> actifs immobiliers, avec pourseule carte d’affaires les dispositions de l’article18 de la Loi sur la fiscalité municipale.Dans l’éventualité où les états financiersofficiels seraient disponibles à l’évaluateurmunicipal, il lui faudra maîtriser un certainnombre de notions en matière d’évaluationd’entreprises ou recourir à <strong>des</strong> experts en lamatière.L’analyse d’une vente d’entreprise spécialiséeinterpelle l’évaluateur sur de multiples aspectsde la valeur, où il lui faudra s’interroger sur lesconditions économiques de la pro<strong>du</strong>ction(concurrence) sur les plans international,national et local, pour son secteur d’activité,prendre en compte les incidences <strong>des</strong> subventionsgouvernementales d’aide à l’emploi, <strong>du</strong>coût et de la disponibilité <strong>des</strong> matièrespremières, <strong>des</strong> tarifs préférentiels de l’électricité,de la participation financière gouvernementale,<strong>des</strong> conventions collectives, <strong>des</strong>contrats d’approvisionnements, <strong>des</strong> brevets,de l’état de la situation en matière de rechercheet de développement, de la valeur <strong>des</strong> actionsde l’entreprise, <strong>des</strong> motifs spéciaux ayantcon<strong>du</strong>its à la vente de l’entreprise, de l’étatde la dette et <strong>des</strong> mauvaises créances, de lastructure organisationnelle de l’entreprise, dela convention entre actionnaires, <strong>des</strong> poursuiteset engagements légaux, de la qualité de l’équipedirigeante et <strong>des</strong> ressources humaines, de lacrédibilité <strong>des</strong> états financiers ainsi que <strong>des</strong>perspectives d’affaires à moyen et long terme,le tout afin d’évaluer la valeur contributive dela transaction attribuable aux seuls actifsimmobiliers.Tout au cours de son analyse de la transaction,l’évaluateur municipal devra garder un œilcritique sur la qualité <strong>des</strong> renseignements quilui seront fournis et en apprécier la valeur selonla perspective imposée par l’article 43 de la loi,soit celle <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteur raisonnablementinformés et ce, autant pour lesimmeubles visés par l’article 44 que par l’article43, le tout dans un objectif de cohérence avecle principe d’équité de la Loi sur la fiscalitémunicipale.Dans l’éventualité où il sera appelé à témoignerdevant le Tribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, ilappartiendra à l’évaluateur de mettre en preuveles renseignements qu’il détient et de démontrer,par une preuve crédible et substantielle,toutes les étapes de sa démarche susceptibled’expliquer l’analyse de la transaction.La lecture de la jurisprudence nous enseigneque le degré de preuve requis doit êtredéterminant pour emporter l’adhésion <strong>du</strong>tribunal.Nous invitons le lecteur à lire Messieurs DanielWilliams, c.a., et Michel Coulombre, c.a., auteursd’articles publiés dans la revue L’évaluateuragréé ad hoc, à l’été 86 et à l’hiver 87, où il estnotamment question <strong>des</strong> concepts et principesde base qu’utilise l’évaluateur d’entreprises.La valeur réelle d’une unitéd’évaluation qui n’est passusceptible de faire l’objetd’une vente de gré à gréLes immeubles <strong>du</strong> domaine privéNous avons vu au chapitre précédent commentla Loi sur la fiscalité municipale, appuyée parune abondante jurisprudence, a soumis lesimmeubles non susceptibles de faire l’objetd’une vente de gré à gré (art. 44) aux mêmesconditions que les unités d’évaluation susceptiblesde faire l’objet d’une vente de gré à gré(art. 43), le législateur ayant pris soin d’indiquerque le prix de vente est établi en tenant compte<strong>du</strong> prix que son propriétaire serait justifié depayer et d’exiger s’il était à la fois l’acheteur etle vendeur, c’est-à-dire comme s’il s’agissaitd’une vente de gré à gré. La notion de valeurobjective est ainsi consacrée par l’interactionsimultanée <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong>, <strong>des</strong> intérêts et <strong>des</strong>comportements typiques <strong>du</strong> vendeur et del’acheteur en tant que propriétaire unique.Ces conditions édictées dans la Loi sur lafiscalité municipale confirme l’application d’unrégime d’évaluation unique pour tous lesimmeubles quelle que soit leur vocation à


z/ 76l’intérieur de la richesse foncière d’un territoireconformément au principe d’équité.C’est dans ce contexte que l’évaluateur municipaldoit interpréter les notions de l’utilisationqui peut le plus probablement être faite del’immeuble (art. 43 – 2 o ) et de l’incidence quepeut avoir sur son prix de vente la considération<strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong> désavantages qu’elle peutapporter, en les considérant de façon objective(art. 45). Cela laisse bien peu de place à laconsidération de la dépréciation et de la désuétudeautre que normale, à partir <strong>du</strong> momentoù l’immeuble (constituantes physiques) neprésente aucune restriction à sa jouissance et àson utilisation. La prise en compte de toutedépréciation ou désuétude additionnelle devraêtre solidement appuyée sur une situationfactuelle et tangible (faits matériels) sans laisserde place à une quelconque hypothèse et sanstenir compte <strong>des</strong> impératifs économiques del’entreprise et <strong>des</strong> allégations relevant de laseule discrétion de son propriétaire.Il faut savoir que la technique <strong>du</strong> coût et lerecours aux tables de dépréciation fondée sur la<strong>du</strong>rée de vie économique <strong>des</strong> bâtiments prenddéjà en considération le vieillissement relatif<strong>des</strong> composantes <strong>des</strong> bâtiments, de leurs agencements,de leurs fonctionnalités ainsi que <strong>du</strong>cycle de vie économique selon la catégorie <strong>du</strong>bâtiment; rien de plus normal que les procédésin<strong>du</strong>striels et autres procédés subissent lesmêmes inconvénients <strong>du</strong>s à leur vieillissementet à leur désuétude relative. Il importe de fairela distinction entre les équipements et accessoiresde pro<strong>du</strong>ction reliés aux activités d’entreprisequi s’exercent à l’intérieur de l’immeubleet les composantes <strong>du</strong> bâtiment proprement dit.Les impératifs économiques de la pro<strong>du</strong>ctionin<strong>du</strong>strielle répondent à <strong>des</strong> critères fortdifférents <strong>des</strong> rendements normalement requispour un investissement immobilier; il fautprendre garde de faire une adéquation entre ladésuétude technologique <strong>des</strong> équipements et<strong>des</strong> procédés in<strong>du</strong>striels avec la dépréciation<strong>des</strong> bâtiments. Il n’est pas <strong>du</strong> tout surprenantque dans la majorité de leurs décisions lestribunaux n’aient pas reconnu une quelconqueforme de dépréciation ayant pour cause ladésuétude technologique (prématurée) <strong>des</strong>procédés in<strong>du</strong>striels et <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> depro<strong>du</strong>ction; la reconnaissance d’unedépréciation ou désuétude additionnelleconstituerait, dans la plupart <strong>des</strong> cas, unedouble dépréciation.Lors de l’application de la méthode <strong>du</strong> coût pourles immeubles susceptibles de faire l’objetd’une vente de gré à gré, l’évaluateur municipalà la recherche de la valeur réelle ne reconnaîtque très rarement une forme quelconque dedépréciation ou de désuétude additionnelle.L’intelligence <strong>du</strong> grand marché, soit celui <strong>du</strong>vendeur et de l’acheteur raisonnablementinformés, réconcilie le plus souvent les avantageset les désavantages (objectivation) queprésentent un immeuble pour les uns et lesautres. Comme le dit l’adage « tout se vend »et il est toujours surprenant de constater àquel prix certains biens immobiliers peuvent sevendre. Pourtant, le grand marché <strong>du</strong> vendeuret de l’acheteur raisonnablement informés faitrarement un partage judicieux <strong>des</strong> avantages et<strong>des</strong> désavantages <strong>du</strong> point de vue de l’expert.De là l’importance pour l’évaluateur municipald’emprunter une démarche cohérente dans larecherche de la valeur réelle, en conformité avecles critères d’évaluation énoncés dans la loi etce, pour tous les types d’immeubles et sansdiscrimination, et en adoptant comme toile defond la primauté <strong>du</strong> principe directeur del’équité horizontale entre les contribuables.Les immeubles <strong>du</strong> domaine publicDans son étude 52 M e Jean Péloquin a traité dela valeur réelle <strong>des</strong> immeubles hors marchéen prenant pour exemple la valeur réelled’un parc et en faisant prévaloir certainesnotions de droit.Comme l’a souligné M e Péloquin, pendantplusieurs années, les tribunaux ont maintenul’équation entre absence de marché (transactions)et valeur nulle pour un terrain dans lemarché, zoné parc ou homologué. Ils ont enconséquence appliqué la présomption de valeurnulle aux zonages parcs, aux lignes homologuéeset plus tard, aux terrains réservés envertu de la Loi sur l’expropriation. Il n’en


z/ 77fallait pas plus pour que certains <strong>évaluateurs</strong>associent les termes pas de marché et pasde valeur.Les incohérences et contradictions d’unecertaine jurisprudence dans l’évaluation debiens à vocation publique a semé la confusionchez les <strong>évaluateurs</strong> au cours <strong>des</strong> dernièresannées et nous considérons important declarifier certaines notions de l’économieimmobilière.En matière de biens fonciers, le marché privéne peut satisfaire lui-même tous les besoinsexprimés par la société et l’intervention del’État s’avère indispensable au bon fonctionnementde l’ordre économique. En plus de sonpouvoir réglementaire, l’État apparaît commeun fournisseur d’espace (sol urbain) et unimportant pro<strong>du</strong>cteur immobilier. Dans certainscas, les investissements publics précèdent ledéveloppement au secteur privé. Les investissementspublics dans le secteur de l’immobilierne sont pas tenus pour négligeablessurtout si l’on prend en compte l’effet structurantsur la croissance urbaine. L’État signifieaussi bien le pouvoir fédéral, le pouvoir provincialque les collectivités locales et lesorganismes qui s’y rattachent.Les biens immobiliers publics sont principalementconstitués de grands espacespermettant la protection et l’exploitation <strong>des</strong>milieux naturels, les espaces organisés (tels queles voies publiques, les parcs et les droits depassage permettant ainsi l’installation etl’utilisation <strong>des</strong> équipements collectifs) et lesespaces bâtis de l’administration publique (telsque les équipements de la santé, de l’é<strong>du</strong>cation,de la protection civile ainsi que <strong>des</strong> domainesculturels et sportifs). Ces biens ne sont pascommercialisés mais ne sont toutefois pasgratuits; ils ont un coût d’acquisition, un coûtde construction ou de pro<strong>du</strong>ction et <strong>des</strong> fraisd’exploitation. Toutes les activités immobilièresde l’État et <strong>des</strong> organismes publicss’expriment par <strong>des</strong> relations de marché.Les biens immobiliers publics jouent un rôlepolitique, économique et social très important.Leurs effets dans l’économie d’agglomérationen tant que biens collectifs contribuent à lacréation de plus-values urbaines importantespour les autres fonctionnalités <strong>du</strong> marchéfoncier et immobilier bien que leur valeurs’exprime plus difficilement dans une formemarchande.Le marché privé est généralement en mesurede satisfaire les besoins indivi<strong>du</strong>els et l’État estgénéralement plus en mesure de satisfaire lesbesoins collectifs. En raison de leur multiplicité,les agents de pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> secteur privé nesont généralement pas en mesure de financerou intéressés à fournir les équipements collectifs;d’où l’intervention de l’État dont les représentantsélus sont beaucoup plus près, politiquement,de l’indivi<strong>du</strong> et de la population engénéral pour s’occuper de la fourniture <strong>des</strong>biens collectifs dits hors marché.L’intérêt et l’utilité <strong>des</strong> biens immobiliers publicsont souvent une connotation politique, servantde support à la dynamisation d’une communautésur les plans social, économique etculturel, entraînant même <strong>des</strong> préoccupationsd’embellissement et de préservation, voired’enrichissement <strong>du</strong> patrimoine collectif.Les disciplines économiques ont tendanceà gommer les différences intrinsèques dedifférents types de biens immobiliers pour lesexprimer en termes de prix, de recettes, decoûts et d’emplois. Elles ont tendance à mettresur une même échelle de valeur les biensimmobiliers <strong>du</strong> domaine public et les biensimmobiliers <strong>du</strong> secteur privé ce qui a poureffet de les banaliser, et ce, sans prendre enconsidération les dimensions artistique,historique, sociale ou cognitive d’intérêt public.L’évaluation <strong>des</strong> biens immobiliers publics doitêtre envisagée sous toutes ses dimensions,qu’elles soient économique, politique, sociale,historique, culturelle ou fonctionnelle, dans lamesure où le bien est utile et profitable à lasociété; ils ne peuvent pas être évalués de lamême manière que les biens immobiliers <strong>du</strong>domaine privé.


z/ 78Le marché est constitué de biens publics etde biens privés et l’évaluation de ces bienss’inspire de principes différents. Par exemple, la<strong>du</strong>rée de vie d’un immeuble à vocation publique,souvent en raison de son caractère architecturalunique et non substituable, opère une ruptureavec la perspective courante <strong>des</strong> biens immobilierssubstituables et relativement homogènessitués dans le marché.Le caractère unique et non stéréotypé <strong>des</strong> biensimmobiliers publics limite d’autant le champd’analyse de l’évaluateur, où les acteurs neparlent plus de marché ou de valeur d’échangemais plutôt d’allocation économique où lademande est exprimée par le biais de la collectivitéet satisfaite par l’offre unique incarnéepar la puissance publique.Dans ce processus rien ne garantit l’adéquationentre les besoins (demande) exprimés par lacollectivité et la satisfaction <strong>des</strong> besoins (offre)par l’État. L’objet de la demande est le plussouvent l’expression d’un service mais peutaussi bien être l’expression d’une émotion, cequi ne correspond pas nécessairement à celui del’offre. Par exemple les besoins grandissants ensoins de santé qui ne sont pas entièrementsatisfaits expriment une demande plus grandeque l’offre. Il peut arriver que l’offre précède lademande ou qu’elle ne soit pas supportée parune demande adéquate. L’existence d’un stadeolympique peut être vue comme un équipementimmobilier qui n’est pas nécessairement à lahauteur de la demande (besoins collectifs)malgré ses dimensions symbolique, historique etpatrimoniale. On risque donc une inadéquationentre l’offre et la demande de certains biensimmobiliers collectifs.En matière de biens immobiliers publics, lademande n’est généralement pas exprimée parles utilisateurs directs mais plutôt par <strong>des</strong>autorités de tutelles, soit <strong>des</strong> organismes ou<strong>des</strong> institutions qui servent d’intermédiairesou encore par l’État lui-même qui est le représentantlégitime de la collectivité. Des étu<strong>des</strong>d’opportunité ou de faisabilité précèdent laplupart <strong>du</strong> temps la décision de satisfaire lademande. Il n’y a donc pas de processus derégulation marchande ou pas d’indépendancetotale entre l’offre et la demande mais plutôtune complémentarité entre les besoins et lesressources pour les satisfaire. Cette perspectivede l’écosystème prend la place <strong>du</strong> marchécourant tout en l’intégrant.La logique marchande ne saurait décider seulede l’intérêt que présente un bien immobilier àvocation unique de nature publique au risqued’en aplatir la spécificité et de la banaliser aurang d’un immeuble comme les autres, voireinférieur aux autres.Sur le plan de la méthode, lorsque l’évaluateurprocède à l’évaluation d’un immeuble à vocationunique de caractère public, il est souvent tentéd’en déterminer la valeur en faisant le rapprochementavec d’autres immeubles de caractèreprivé tels un édifice à bureaux, une clinique, ungarage, un terrain vague, etc. Ce faisant, l’évaluateuromet de considérer le principe del’utilisation la plus probable de l’emplacementou de l’immeuble et de l’utilisation qui estréellement faite de l’immeuble et <strong>du</strong> zonage envigueur, ce qui con<strong>du</strong>it à évaluer restrictivementla valeur de certains immeubles à vocationpublique et à sous-évaluer leur valeur réelle.Confronté à l’évaluation d’un emplacementvacant zoné parc, l’évaluateur devra considérerla simultanéité et la complémentarité <strong>des</strong>diverses fonctions de l’espace urbain et savoirque c’est uniquement sous la pression incessantede l’offre et de la demande que se modèlele schéma d’aménagement de la ville. C’est ainsique les acteurs <strong>du</strong> marché expriment leursbesoins en espace privé et public bien que lecadre marchand y soit moins développé oumoins visible dans ce dernier cas (cessiond’espaces verts en lieu de frais de parcs,échange avec d’autres terrains, expropriation,etc.). La compréhension de l’évaluateur enmatière d’économie urbaine et immobilièresera davantage mise à contribution dans cegenre de problématique.


z/ 79Le processus de l’évaluationmunicipaleLa pratique de l’évaluation municipale estencadrée d’une façon toute spéciale selon lesrègles et procédés énoncés dans la Loi surla fiscalité municipale, les règlements s’yrattachant et le Manuel d’évaluation foncière<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Le Règlement sur le rôle d’évaluation foncièreprescrit les moyens à utiliser pour maintenir lesstandards d’équité et de transparence et exigerl’atteinte de résultats.Le processus d’évaluation municipale estcomposé <strong>des</strong> quatre ensembles suivants :1. les fichiers permanents;2. les gestes professionnels ponctuels;3. les gestes administratifs ponctuels;4. l’analyse <strong>des</strong> résultats.Tel qu’illustré et expliqué au volume n o 2 <strong>du</strong>Manuel d’évaluation foncière <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, ceprocessus s’appuie sur les mêmes principes etles mêmes techniques d’évaluation utilisés dansles autres champs de pratique de l’évaluationimmobilière. Cependant, le processus del’évaluation municipale est caractérisé par laconstitution de fichiers permanents fonctionnelset organisés dont le but premier est de favoriserl’uniformité dans le traitement <strong>des</strong> données etd’assurer l’équité <strong>des</strong> évaluations foncières.L’approche empruntée en évaluation de masse aune portée limitée compte tenu de ses objectifsde servir d’assiette fiscale à l’imposition foncière(impact monétaire de 1 % à 4 % selon lacatégorie de taxation) et de l’équité entretous les contribuables.Ainsi, le parcours emprunté par l’évaluateurpour établir la valeur réelle de tous les terrainset immeubles <strong>du</strong> territoire est strictementencadré dans sa forme et son contenu, ce quipermet d’accéder à bon droit (transparence etéquité), à l’objet d’évaluation, tant dans ladémarche que dans le mode de traitement <strong>des</strong>données; ce qui amène l’évaluateur à adopterune approche méthodologique qui se modèledans la façon d’appréhender le réel et quioriente nécessairement toute sa démarchede la cueillette <strong>des</strong> données et de la façon deles traiter.En évaluation municipale, les caractéristiquesimmobilières sont standardisées a priori à l’aidede formulaires <strong>des</strong>criptifs spécialement conçuspour assurer l’uniformité dans le traitementsystémique <strong>des</strong> données et pour pro<strong>du</strong>ire lavaleur contributive <strong>des</strong> diverses composantes etautres éléments caractéristiques de l’immeuble.Les résultats sont ensuite redressés (facteurs)après une analyse globale <strong>du</strong> marché par unitéde voisinage et selon les modèles immobiliersidentifiés par l’évaluateur. Cette approcheméthodologique permettra de faire le rapprochementavec le niveau médian <strong>du</strong> marché.Lorsqu’il est bien appliqué, ce processusd’évaluation donne <strong>des</strong> résultats suffisammentapprochés de la valeur réelle compte tenu <strong>du</strong>contexte et de l’objectif visé.Comme nous l’avons mentionné, la majorité <strong>des</strong>paramètres pris en compte dans la recherche dela valeur réelle sont définis, voire fixés en amont<strong>du</strong> processus d’évaluation et ne tiennent pascompte de toutes les motivations <strong>des</strong> acheteurset <strong>des</strong> vendeurs ayant conclu une transaction.Le processus de l’évaluation municipale(évaluation de masse) ignore l’aspect pluraliste<strong>des</strong> motivations lors de transactionsimmobilières (contexte, circonstances, dynamiquetemporelle <strong>du</strong> marché, etc.) et privilégiela considération <strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong> désavantagesquantitatifs et matériels de l’objet del’évaluation plus facile à identifier et à rationaliser(objectiver) que l’aspect qualitatif del’appréciation <strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong> désavantagesqui nécessite une enquête plus pousséeauprès <strong>des</strong> acheteurs et vendeurs dont l’informationcommande d’être interprétée avecdiscernement relativement au concept de valeur.Dans la pratique de l’évaluation municipale,l’évaluateur responsable d’un rôle d’évaluationa souvent recours à <strong>des</strong> collaborateurs, parfoisnombreux, au sein d’une même démarched’évaluation, ce qui signifie inévitablement larencontre de la subjectivité de tous les intervenants(<strong>évaluateurs</strong>, techniciens, inspecteurs,


z/ 80enquêteurs et autres), ce qui revient à poser laquestion de l’intersubjectivité. Les rapportsentre l’évaluateur responsable <strong>du</strong> rôle et sesdifférents collaborateurs s’établissent d’unemanière formelle par l’adoption d’une mêmeméthodologie, l’emploi de formulaires communset le contrôle <strong>des</strong> opérations et, sous le modedialogique (informel) <strong>des</strong> intervenants, par unecollaboration soutenue et l’enseignement. Cettedémarche de coopération n’est toutefois passignificative en raison de la complexité del’organisation <strong>des</strong> ressources (<strong>des</strong>cription detâches, formation, constance, qualité et renouvellementcontinus, etc.), de la diversité et del’immensité <strong>des</strong> travaux d’évaluation, d’où ladifficulté d’envisager l’application d’une approchequalitative dans le processus d’évaluationmunicipale. C’est ainsi que l’approche quantitativejoue un rôle prédominant dans larecherche de la valeur en évaluation municipale.Cette situation n’est sans doute pas fortuite.Le principe d’équité dans les évaluations plaideen faveur d’une certaine prudence dans larecherche de la valeur réelle la plus probable età cet effet, les critères énoncés aux articles 43et suivants de la Loi sur la fiscalité municipaleprivilégient l’approche objective et la considération<strong>des</strong> faits matériels; le processus del’évaluation municipale avec l’organisation <strong>des</strong>es fichiers permanents standardisés et l’applicationde facteurs de redressement et d’équilibrationconvergent autour de ce même conceptde valeur.La démarche con<strong>du</strong>isant aux conclusions estbeaucoup plus difficile à percevoir en évaluationde masse que dans le cas d’une évaluationparticularisée de la valeur réelle où les justificationsà l’analyse sont beaucoup plusdémontrées dans l’application <strong>des</strong> techniquesd’évaluation. S’agissant d’évaluer une unitéd’évaluation aux fins de recours, l’évaluateurcoopère d’une manière beaucoup plus étroiteavec ses collaborateurs, lui permettant ainsid’accéder à une connaissance plus complète del’objet d’évaluation, de mener une meilleureréflexion de l’analyse <strong>des</strong> données, d’appuyerles justifications <strong>des</strong> paramètres ayant concouruaux conclusions de la valeur, de communiquer<strong>des</strong> preuves plus pertinentes dans une opinionmotivée de la valeur et de formuler uneconclusion finale plus soutenue de la valeurréelle. L’indice de pertinence est généralementplus élevé dans le cas d’une évaluation particulariséede l’unité d’évaluation que dans le casde la confection d’un rôle d’évaluation.Fort de l’appui d’une évaluation particulariséede l’unité d’évaluation, l’évaluateur aural’occasion d’exercer tout son jugement qui,jumelé à un esprit critique, limitera certainsécarts généralement associés aux métho<strong>des</strong>statistiques utilisées en évaluation de masse.Appelé à témoigner devant le Tribunal administratif<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, il ne faut jamais perdre devue que l’évaluateur est sommé d’évaluer l’unitéd’évaluation selon les mêmes critères de lavaleur réelle énoncés dans la Loi sur la fiscalitémunicipale qu’en matière de confection <strong>du</strong> rôle.Parce que les mots ont leur importance, nousnous permettons ici de faire une brève incursiondans le domaine de la sémantique. On assimileparfois le rapport d’évaluation particularisé auxfins d’un recours devant le Tribunal administratif<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, au rapport d’expertise utiliséen expropriation ou dans un autre champ depratique. Le dictionnaire donne une définitiongénéraliste <strong>du</strong> terme expertise qui peut s’appliquerà différents domaines spécialisés et quirequiert de l’expert une parfaite connaissanced’un domaine ou d’une chose. L’expert généralementreconnu par les tribunaux est souventagréé dans son domaine de pratique. En vertude cette définition, on pourrait tout aussi bienemployer le terme expertise ou rapport d’expertiseà n’importe lequel champ de pratique del’évaluation immobilière.Toutefois et selon les jugements déjà cités, lestribunaux ont jugé utile de faire la distinctionentre une évaluation municipale et une expertised’évaluation, de manière à mieux circonscrirele concept de la valeur réelle qui faitréférence au critère <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteurraisonnablement informés, <strong>du</strong> concept de lavaleur marchande qui lui, requiert la pleineconnaissance de l’expert évaluateur en matièred’appréciation <strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong> désavantages<strong>du</strong> bien immobilier. Il serait, à notre avis,


z/ 81plus approprié d’utiliser le terme rapportnarratif d’évaluation ou rapport démonstratifd’évaluation pour désigner l’évaluationmunicipale de l’unité, plutôt que le termerapport d’expertise qui peut prêter à laconfusion.La différence entre la valeurréelle et la valeur marchandeBien que la lecture attentive <strong>des</strong> chapitresprécédents nous permet de discerner ladifférence entre la valeur réelle et la valeurmarchande, nous croyons utile de clarifier d’unemanière plus synthétique ces deux concepts devaleur. Certains disent encore que la valeurréelle et la valeur marchande sont synonymes,d’autres insistent pour faire la distinction entreles deux concepts.Qu’en est-il au juste ?Le concept de valeur marchande prend sonorigine dans la théorie générale de l’évaluationimmobilière dont le principe général et lescritères spécifiques sont énoncés dans leGuide de pratique professionnelle de l’<strong>Ordre</strong><strong>des</strong> <strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Le concept de valeur réelle est exclusif auchamp de pratique de l’évaluation municipaleau <strong>Québec</strong> et s'appuie sur les dispositions <strong>des</strong>articles 42 à 46 de la Loi sur la fiscalitémunicipale.Voici présentées sous la forme d’un tableausynthétique, les différentes notions formuléespar les deux concepts de valeur :(Tableau à la page suivante)


z/ 82VALEUR MARCHANDEVALEUR RÉELLE• Prix le plus probable;• Vente réelle ou présumée;• À une date donnée;• Sur un marché libre et ouvert à laconcurrence;• Les parties sont bien informées ou bienavisées de l’état de l’immeuble, <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché, et raisonnablementbien avisées de l’utilisation la plusprobable de l’immeuble;• Mise en vente pendant une période detemps suffisante et selon la nature del’immeuble, de l’importance de son prixet de la situation économique;• Prix de vente en argent comptant;• Le prix de vente doit faire abstractionde toute considération étrangère àl’immeuble et doit représenter la vraieconsidération épurée <strong>des</strong> mesuresincitatives, <strong>des</strong> conditions spéciales etde financement avantageux.• Valeur d’échange (art. 43);• Prix le plus probable (art. 43);• Sur le marché libre et ouvert à laconcurrence (art. 43);• Lors d’une vente de gré à gré (art. 43);• Le vendeur et l’acheteur désirent vendreet acheter, mais n’y sont pas obligés(art. 43);• Le vendeur et l’acheteur sont raisonnablementinformés de l’état de l’unitéd’évaluation et de son utilisation la plusprobable et <strong>des</strong> conditions <strong>du</strong> marchéimmobilier (art. 43 et 46);• Pour un immeuble non susceptible defaire l’objet d’une vente : le prix que sonpropriétaire serait justifié de payer s’ilétait à la fois l’acheteur et le vendeur(art. 44);• L’utilisation la plus probable (art. 44);• Tenir compte de l’incidence que peutavoir sur son prix de vente laconsidération <strong>des</strong> avantages ou <strong>des</strong>désavantages de l’immeuble en lesconsidérant de façon objective (art. 45);• La date de l’évaluation (art. 46);• L’état de l’unité d’évaluation sur les plansphysique, juridique, économique et del’environnement où il se trouve (art. 46);• Le vendeur est réputé détenir tous lesdroits <strong>des</strong> locataires (art. 45.1);• La proportion <strong>des</strong> valeurs réelles <strong>des</strong>unités d’évaluation et de l’équilibration(art. 42 et art. 46.1).


z/ 83D’emblée, on remarque que les deux conceptspartagent plusieurs critères fondamentaux, maisdiffèrent sur les critères spécifiques suivants :Le concept de valeur marchande évoque lescritères <strong>des</strong> parties qui sont bien informées oubien avisées de l’état de l’immeuble et <strong>des</strong>conditions <strong>du</strong> marché, et raisonnablement bieninformées de l’utilisation la plus probable del’immeuble, alors que le concept de valeur réelleévoque le critère <strong>du</strong> vendeur et de l’acheteurraisonnablement informés.Le concept de valeur marchande précise lecritère de mise en vente en rapport avec lanature de l’immeuble, de son importance quantau prix, de la situation économique qui prévautau moment de la vente et <strong>du</strong> temps de dispositionde vente conséquent, alors que le conceptde valeur réelle est muet à ce sujet. La prise encompte <strong>du</strong> contexte de la mise en vente précédantla transaction est de toute premièreimportance pour l’évaluateur qui évolue dansle contexte d’une évaluation de la valeurmarchande ou de l’expertise. Il est souventrequis de l’évaluateur qu’il formule une opinionde la valeur à partir de l’étude de quelquestransactions seulement et la connaissance laplus complète possible de toutes lesinformations ainsi que de leur contexteconcernant le bien à évaluer et <strong>des</strong> immeublescomparables s’avère d’une grande importancedans l’appréciation qualitative <strong>des</strong> résultats.Le concept de valeur marchande stipule que leprix de vente doit faire abstraction de toutesconsidérations étrangères à l’immeuble et qu’ildoit représenter la vraie considération épurée detoutes mesures incitatives ou de financementpouvant avoir une incidence sur son prix devente alors que le concept de valeur réelle nementionne aucune considération semblable.Toutefois, ces considérations sont implicitesdans la démarche d’enquête de l’évaluateurmunicipal, mais pas d’une manière aussi incisiveque dans le cas de la valeur marchande.Le concept de valeur réelle insiste sur la prise encompte de l’état de l’unité d’évaluation sur lesplans physique, juridique, économique et del’environnement où l’immeuble se trouve, alorsque le concept de valeur marchande n’en faitaucunement mention. En général ce critère del’état de l’unité d’évaluation est implicite auxdeux concepts de valeur. Toutefois la situationjuridique de l’unité d’évaluation requiert danscertains cas d’être traitée différemment enraison de certaines dispositions de la Loi surla fiscalité municipale; nous pouvons citerl’exemple <strong>du</strong> propriétaire réputé détenir tousles droits <strong>des</strong> locataires.Le concept de valeur réelle énonce qu’il fautconsidérer l’incidence que peut avoir sur sonprix de vente le plus probable, la prise encompte <strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong> désavantagesqu’elle peut apporter à l’immeuble, en lesconsidérant de façon objective. On ne trouvepas de notion équivalente dans la définition dela valeur marchande. Serait-ce que l’évaluateuraurait plus de latitude en matière de valeurmarchande que l’évaluateur municipal pourapprécier de diverses façons les avantages etles désavantages que présentent un immeuble ?Manifestement le concept de valeur marchanderépond à <strong>des</strong> préoccupations différentes et pluslarges que le concept de valeur réelle, ce quilaisse supposer que l’évaluateur a plus delatitude que l’évaluateur municipal pourapprécier de diverses façons les avantages etles désavantages que présente un immeuble.Dès lors, on peut penser que l’évaluateur a toutle loisir d’examiner diverses hypothèses dansl’estimation de la valeur marchande d’unimmeuble et de procéder à toute expertised’évaluation selon les termes de son mandat.La valeur d’investissement d’un immeuble àrevenu est l’exemple le plus souvent cité d’unesituation subjective d’un investisseur dont lesconditions particulières de location, definancement, de fiscalité, d’anticipation <strong>des</strong>bénéfices nets et <strong>du</strong> facteur de risque serapprochent, recoupent ou s’éloignent de lamédiane <strong>des</strong> valeurs d’investissementsemblables, alors qu’en matière d’estimation devaleur réelle et selon la jurisprudence établie,l’évaluateur municipal doit s’en tenir à la façonobjective de voir les choses. Pour un immeublenon susceptible de faire l’objet d’une vente degré à gré, le critère <strong>du</strong> prix que son propriétaireserait justifié de payer s’il était à la fois


z/ 84l’acheteur et le vendeur de l’article 44 constituele complément logique retenu pour mesurer defaçon objective la valeur <strong>des</strong> unités d’évaluationdans un souci d’uniformité et d’équité.L’évaluateur municipal est donc requis d’imaginerune vente hypothétique soumise auxmêmes conditions et critères de l’article 43, cequi lui interdit d’une manière implicite touteconsidération subjective <strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong>désavantages d’un immeuble pour son propriétairedans un contexte de la recherche de lavaleur réelle.L’évaluateur à la recherche de la valeur marchanded’un immeuble emprunte le mêmeraisonnement de la vente hypothétique (venteprésumée) sans toutefois souscrire à toutes lesconsidérations objectives <strong>des</strong> avantages et <strong>des</strong>désavantages qu’un immeuble présente pourson propriétaire.Reprenons d’une manière encore plussynthétique les différences entre les deuxconcepts.VALEUR MARCHANDEVALEUR RÉELLE• Acheteur et vendeur bien informés etbien avisés;• Le contexte de la mise en vente;• La notion de vraie considération <strong>du</strong> prixde vente épurée de toutes les conditionsincitatives.• Acheteur et vendeur raisonnablementinformés;• Considération objective <strong>des</strong> avantages et<strong>des</strong> désavantages de l’unité d’évaluation;• Pour un immeuble non susceptible defaire l’objet d’une vente : le prix que sonpropriétaire serait justifié de payer s’ilétait à la fois l’acheteur et le vendeur;• Le vendeur qui détient tous les droits<strong>des</strong> locataires;• La proportion <strong>des</strong> valeurs réelles <strong>des</strong>unités d’évaluation et de l’équilibration.


z/ 85Le critère <strong>du</strong> vendeur réputé détenir tous lesdroits <strong>des</strong> locataires énoncé à l’article 45.1 dela Loi sur la fiscalité municipale est uneparticularité exclusive au concept de valeurréelle où l’évaluateur est requis d’évaluer unimmeuble dans toute son entité afin d’assurer laplus grande équité horizontale possible <strong>du</strong> rôled’évaluation.Et finalement, la proportion <strong>des</strong> valeurs réelleset l’équilibration <strong>des</strong> valeurs inscrites au rôlesont <strong>des</strong> notions qui s’appliquent uniquementau concept de la valeur réelle. L’objectif visé parla loi est d’assurer l’équité fiscale et que toutesles unités d’évaluation doivent être inscritesdans une même proportion de la valeur réelle etce, pour tous les types d’immeubles.L’évaluation dans le contexte de la valeurmarchande repose sur les prémisses d’une venteréelle ou présumée où l’acheteur et le vendeursont bien informés ou bien avisés de l’état del’immeuble et <strong>des</strong> conditions <strong>du</strong> marché, soitsensiblement comme un expert ou un évaluateur.La recherche de la valeur marchandeimplique aussi pour l’évaluateur de connaître lecontexte de la mise en vente et de s’assurer dela vraie considération de son prix épurée detoutes conditions incitatives.Ainsi, on peut dire que dans le contexte de lavaleur marchande l’évaluateur est davantageinterpellé que l’évaluateur municipal parl’analyse <strong>des</strong> ventes proprement dites. Il doitaussi être bien informé de l’état de l’immeuble,<strong>des</strong> conditions <strong>du</strong> marché et raisonnablementbien informé de l’utilisation la plus probable del’immeuble.Dès lors, on peut affirmer que la recherche dela valeur marchande requiert de l’évaluateurqu’il soit le mieux informé possible aux finsd’étayer les justifications de ses résultats, cequi lui permettra d’atteindre un haut degré decongruence dans ses conclusions sur la valeurd’un immeuble.Il faut savoir que dans le contexte de larecherche de la valeur marchande l’évaluateurprocède le plus souvent, selon une démarchequalitative, à l’étude <strong>des</strong> données immobilières,avec un nombre relativement restreint detransactions d’immeubles comparables où laqualité de l’information joue un rôle de premierplan pour apprécier la force probante <strong>des</strong>comparables.Dans le contexte de la recherche de la valeurréelle, l’évaluateur effectue le relevé completde toutes les transactions immobilières pourtoutes les catégories d’immeubles situés surson territoire, et bien qu’il tienne compte <strong>des</strong>principales caractéristiques immobilières, ilemploie plutôt une démarche quantitative del’étude <strong>des</strong> données immobilières où plusle nombre <strong>des</strong> ventes comparables sera grand,plus le résultat <strong>du</strong> procédé sera probant, ce quia le mérite d’être plus simple d’application etpermet d’atteindre <strong>des</strong> résultats fort acceptables,compte tenu de l’objectif visé de lavaleur réelle, de l’uniformité dans l’évaluationet de l’équité dans la taxation. Cette uniformitéet cette équité étant de plus assurées parl’établissement de la proportion médiane <strong>des</strong>valeurs réelles et de l’équilibration <strong>du</strong> rôled’évaluation foncière.Nous avons donc deux concepts de valeurs,avec <strong>des</strong> critères fondamentaux communs àl’établissement de la valeur et un certainnombre de critères spécifiques à chacun <strong>des</strong>deux concepts; la logique commande donc quel’existence de ces critères spécifiques nousamènent à avoir deux concepts de valeur. D’où,la valeur réelle et la valeur marchande nepeuvent pas être synonymes. Mais on ne peutpas conclure pour autant que les deux conceptsde valeurs con<strong>du</strong>isent toujours à <strong>des</strong> résultatsfort différents, loin de là.Dans un marché de conditions de concurrenceparfaite, un immeuble de classe standard(prenons l’exemple ici <strong>du</strong> bungalow ou <strong>du</strong>cottage typique de la banlieue), présentant <strong>des</strong>caractéristiques immobilières communes à unlarge segment <strong>du</strong> marché et ne présentantaucune déficience particulière, devrait avoir unevaleur réelle et une valeur marchande similairesou relativement proches l’une de l’autre. Lemilieu résidentiel abonde de cas typiques <strong>du</strong>marché où la parité <strong>des</strong> résultats est susceptibled’être rencontrée entre la valeur réelle et lavaleur marchande.


z/ 86Cette similarité dans les résultats diminueraprogressivement, mais pas nécessairement,au fur et à mesure que l’on s’éloignera del’immeuble typique d’un segment <strong>du</strong> marchéet que la rareté <strong>des</strong> données <strong>du</strong> marché se ferasentir. Nous avons cité l’exemple d’un immeublerésidentiel, mais on peut aussi trouver d’autrescatégories d’immeubles qui répondent à laqualification d’un immeuble typique et quioccupera un large segment <strong>du</strong> marché (secteurmultirésidentiel, parc in<strong>du</strong>striel, édifices àbureaux, etc.) où il est relativement faciled’atteindre <strong>des</strong> résultats convergents dansl’estimation de la valeur réelle et de la valeurmarchande.Cette convergence entre les deux valeurs esttoutefois sujette au critère de la valeur objectiveque la Loi sur la fiscalité municipale et la jurisprudenceont assimilé à la valeur intrinsèque del’immeuble lui-même et non à celle de celui quis’en prétend le propriétaire ou l’occupant. La loioblige l’évaluateur à fixer uniquement la valeur<strong>des</strong> biens matériels et non la valeur <strong>des</strong> droitsou <strong>des</strong> intérêts qu’une personne prétend ydétenir, sinon ces deux visions de la valeur nepeuvent que nous diriger dans <strong>des</strong> avenuesdifférentes con<strong>du</strong>isant à <strong>des</strong> valeurs distincteset sans rapports entre elles.Toutefois, en dehors <strong>des</strong> cas usuelsd’évaluation, on rencontre une grande diversitéde situations d’immeubles présentant peu decaractéristiques de similitu<strong>des</strong> avec d’autresimmeubles de même catégorie où la rareté oul’absence de données <strong>du</strong> marché compliqueencore plus la tâche de l’évaluateur à larecherche de la valeur réelle ou de la valeurmarchande. L’évaluateur a alors recours auxtechniques d’évaluation dites indirectes, puisantdavantage dans la théorie et les principes générauxd’évaluation et se réfèrant aux dispositionsde la Loi sur la fiscalité municipale et de la jurisprudenceaux fins d’établir la valeur réelle de cesimmeubles. Or, il s’avère que la compréhension<strong>des</strong> principes légaux et d’évaluation à la base dela Loi sur la fiscalité municipale n’est pas unetâche facile d’autant plus que la jurisprudencevéhicule parfois <strong>des</strong> notions contradictoires etpas toujours conformes à la théorie d’évaluation.C’est dans ce contexte <strong>des</strong> difficultés d’évaluationet de diversité d’intérêts, comme nousl’avons déjà souligné, que s’affrontent lesparties à l’établissement de la valeur réelleet à sa contestation, où les tribunaux débattent<strong>des</strong> notions de valeur objective, de valeur subjective,de valeur réelle, de valeur marchande etde dépréciation.En conclusion, l’évaluateur doit toujoursenvisager l’évaluation municipale selon leconcept de la valeur réelle comme le lui prescritla Loi sur la fiscalité municipale, même si enpratique il y a souvent convergence entre lavaleur réelle et la valeur marchande pourcertains types d’immeubles dans un contexte demarché fortement concurrentiel et dynamiqueLe principe même de la valeur réelle affirmépar la Loi sur la fiscalité municipale supportel’application d’un régime unique d’évaluationpour tous les immeubles quelle que soit leurvocation à l’intérieur de la richesse foncièred’un territoire.Conclusion de la partie 3Le contexte législatif et réglementaire del’évaluation foncière ainsi que les décisionsjudiciaires ont marqué la pratique de l’évaluationmunicipale en faisant ressortir certainesnotions distinctives, voire divergentes, entre lesnotions de la valeur marchande et de la valeurréelle. Dans cette partie, nous avons traité deces notions qui pour la plupart trouvent leursorigines dans une certaine incompréhension dela théorie d’évaluation adaptée au concept de lavaleur réelle mais aussi de certaines décisionscontradictoires ren<strong>du</strong>es par les tribunaux. Lessujets discutés au cours de ce chapitre complètent,pour l’essentiel, l’argumentaire issu <strong>du</strong>milieu juridique dans les débats sur la valeurréelle, le tout expliqué selon la méthode d’évaluationpratiquée en milieu municipal. C’estainsi que les explications développées convergentvers l’unicité <strong>du</strong> concept de la valeur réelletant sur le plan juridique que sur le plan de lathéorie d’évaluation.


Il y a donc nécessité pour l’évaluateur de tirerles enseignements <strong>des</strong> décisions <strong>des</strong> tribunauxet de réaligner, au besoin, certains aspects de lapratique professionnelle pour la rendre conformeaux dispositions de la Loi sur la fiscalitémunicipale.z/ 87


z/ 88CONCLUSION GÉNÉRALEEn première partie, nous avons vu à la lecture<strong>des</strong> débats de la Commission parlementaire <strong>des</strong>affaires municipales convoquée à l’occasion del’étude <strong>du</strong> projet de loi sur l’évaluation foncière(1971) et <strong>du</strong> projet de loi sur la fiscalité municipale(1979), que le concept de la valeur réellea été sérieusement étudié par <strong>des</strong> équipesd’experts, légistes et fiscalistes qui ont travailléen comités conjoints avec divers organismesprofessionnels et autres intéressés par lafiscalité municipale, afin de s’assurer que tousles points de vue soient enten<strong>du</strong>s. La Loi surla fiscalité municipale reflète donc ce consensuset ce ralliement <strong>des</strong> praticiens <strong>du</strong> milieu ence qui concerne la définition <strong>des</strong> critèresd’appréciation de cette valeur réelle susceptiblede protéger les citoyens de l’arbitraire et <strong>du</strong>discrétionnaire.L’expérience nous apprend que ce concept devaleur réelle est bien enraciné aujourd’hui etque la jurisprudence a par ailleurs largementcontribué à clarifier. Encore récemment, leTribunal administratif <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> a réitérésoutenir que le principe même de la valeur réelleaffirmé par la Loi sur la fiscalité municipalesupporte l’application d’un régime uniqued’évaluation pour tous les immeubles, quelleque soit leur vocation à l’intérieur de la richessefoncière d’un territoire. Les prescriptions de laLoi sur la fiscalité municipale, la jurisprudenceet la démarche d’évaluation, convergent toutesvers l’unicité <strong>du</strong> concept de la valeur réelle.Percer les mystères et les zones d’ombre <strong>du</strong>concept de la valeur réelle énoncé dans la Loisur la fiscalité municipale a été notre objectifprincipal.Nous espérons, au cours de ce texte, avoir sudégager les questions fondamentales et éclairerle lecteur de façon significative sur le conceptde valeur réelle.Le 21 décembre 2004 a été le jour <strong>du</strong> 25 eanniversaire de l’adoption de la Loi sur lafiscalité municipale (projet de loi 57); l’occasionnous semble propice pour penser à tous ceux etcelles qui ont œuvré à cet immense succès.


LISTE DES JUGEMENTS CITÉSET AUTRE RÉFÉRENCESz/ 891 Sun Life Assurance Co. of Canada c. Montréal (Ville de), [1950] R.C.S .76 422 Ibid.3 Notre-Dame-de-l'Île-Perrot (Paroisse de) c. Société générale <strong>des</strong> in<strong>du</strong>stries culturelles(S.O.G.I.C) et Vaudreuil-Soulanges (Municipalité régionale de comté de) etBureau de révision de l'évaluation foncière <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [2000] R.J.Q. 345 (C.A.) 444 Société <strong>des</strong> établissements de plein air <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> c. Beauport (Ville de) et <strong>Québec</strong>(Communauté urbaine de), J.E. 98-860 (C.Q.) et Cour d'appel, 28 mars 2000. 445 Montréal (Communauté urbaine de) c. Les Placements Ansec Ltée et Anjou (Ville de)et Bureau de révision de l'évaluation foncière <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1992] R.J.Q.2088 446 <strong>Québec</strong> (Communauté urbaine de) et <strong>Québec</strong> (Ville de) c. Provigo Distribution inc.et Bureau de l'évaluation foncière <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, J.E. 2000-675 (C.A.) 447 Cie <strong>du</strong> Marché Central Métropolitain Ltée (La) c. Montréal (Ville de), [1976] C.A. 59 448 Laval (Ville de) c. Price Waterhouse Ltd et Société en commandite deMontmorency et Société de gestion Accurso Limitée, J.E. 97-1802 (C.Q.) 449 M e Jacques Forgues, L'évaluation municipale et la valeur réelle, Cowansville,Yvon Blais, 1995, page 81. 4410 Ministère de l'Agriculture, <strong>des</strong> Pêcheries et le l'Alimentation pour Jules Sauriol,J. Marcel Paquette et fils et Yvon Forget c. Laval (Ville de) et Bureau de révisionde l'évaluation foncière <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, J.E. 97-21 (C.Q.) 4511 Boucherville Development Ltd c. Boucherville (Ville de), (31 octobre 1974)Montréal M-74-2070 (BREF), page 2. 4512 Société canadienne d'hypothèques et de logement c. Port-Cartier (Ville de),(28 janvier 1983) <strong>Québec</strong> Q83-0165 (BREF) et [1986] BREF 432 4513 Hydro-<strong>Québec</strong> c. <strong>Québec</strong> (Ville de) (28 <strong>novembre</strong> 1986) <strong>Québec</strong> Q86-0816 (BREF)et [1986] BREF 430. 4514 Gaz Métropolitain inc. et 89205 Canada Ltée c. Montréal (Communauté urbainede) et Lasalle (Ville de), [1988] R.J.Q.330. 4615 Caisse populaire St-Laurent c. Montréal (Communauté urbaine de) et St-Laurent(Ville de), (21 mai 1999) Montréal M91-0699 (BREF) et [1990-91] BREF 430. 4616 Société de gestion Clifftord inc. et Hybers Holdings co. c. Montréal (Communautéurbaine de) et Montréal (Ville de) et Bureau de révision de l'évaluation foncière<strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1994] R.J.Q. 788 (C.Q.) 4617 Texaco Canada inc. et McCollfrontenac c. Montréal (Communauté urbaine de)et Montréal-Est (Ville de) et Bureau de révision de l'évaluation foncière <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>,J.E. 94-1242 (C.Q.) 4718 Supra, note 1 4719 Dorchester University Holding Ltd c. Montréal (Communauté urbaine de) etMontréal (Ville de), (14 septembre 1984) Montréal 500-02-000903-828 (Courprovinciale), pages 7, 8 et 9. 4720 M e Jean-Guy Desjardins, Traité de l'évaluation foncière, Montréal, Wilson &Lafleur, 1992, pages 25 et 231. 4821 Supra, note 9, p. 81 4822 Laval (Ville de) c. Société Immobilière Juttian inc., [1990] R.J.Q. 1739 (C.Q.) 4823 Supra, note 14 4924 Supra, note 6 5025 Air Canada c. Montréal (Communauté urbaine de), J.E. 87-1151 (C.S.) 5026 General Motors of Canada Ltd et General Auto Shipper Quebec Ltd et ExpéditeurGenauto (<strong>Québec</strong>) Ltée c. Boisbriand (Ville de), (12 janvier 1996), MontréalM96-0034 (BREF), pages 42 à 45 50


z/ 9027 Montréal (Communauté urbaine de) c. 116058 Canada inc. et St-Léonard (Ville de),(11 janvier 2001) Montréal SAI-M-054898-9912 (TAQ), paragraphes 68, 69 et 70et [2001] TAQ 502. 5028 Les Gestions Monit Ltée c. Montréal (Communauté urbaine de) et Montréal(Ville de), [1983] R.J.Q.1049. (C.S.) 5029 M e Vincent Piazza, « La communication de renseignements à l'évaluateurmunicipal » dans Développements récents en droit municipal, Cowansville,Yvon Blais, 2004, pages 163 et suivantes. 5130 Supra note 29 , p. 231 5131 Beaulieu Canada c. Farnham (Ville de), (22 août 2002) <strong>Québec</strong>SAI-Q-081031-0110 (TAQ) et [2002] TAQ 1166. 5432 Supra, note 27 5533 Jean-Guy Joly et Transport St-Clet inc. c. Ste-Marthe (Corporation municipale) etVaudreuil-Soulanges (M.R.C) et Gilbert Farmer et Lise Claude, J.E. 99-2114 (C.Q.) 5634 Fond de placement immobilier Cominar c. <strong>Québec</strong> (Communauté urbaine de) etCharlesbourg (Ville de), (5 décembre 2000) <strong>Québec</strong> SAI-Q-053553-9909 (TAQ),p. 56 et [2000] TAQ 1151. 5735 <strong>Québec</strong> (Ville de) c. Hudson's Bay Company et Ivanhoé inc. et Omers RealtyCorporation et Place Fleur-de-Lys, [2003] R.J.Q. 3017 (C.A.) 5836 Boehringer Ingelheim Canada c. Laval (Ville de), (3 mars 2004) MontréalSAI-M-070790-0110 (TAQ) et [2004] TAQ 443. 5837 Supra, note 34 5938 Supra, note 35 5939 Entreprises Trimatas 1988 Ltée c. Pointe-Claire (Ville de) et Montréal (Communautéurbaine de), (27 juin 2002) Montréal SAI-M-033778-9503 (TAQ) et [2002] TAQ 1011. 5940 Supra, note 27 6141 Boehringer Ingelheim Canada c. Laval (Ville de), (11 <strong>novembre</strong> 2004) MontréalSAI-M-070790-0110 (TAQ) et [2004] TAQ 1376. 6242 Supra, note 1 6343 Montréal (Communauté urbaine de) c. Les Placements Ansec Ltée et Anjou (Ville d')[1992] R.J.Q. 2088 (C.A.) 6444 Jean Péloquin, « La valeur réelle <strong>des</strong> immeubles hors marché », dans L'évaluateuragrée Ad Hoc, numéro 15, mars 2002, pages 5 à 12. 6445 Supra, note 4 6446 PCI Chimie Canada inc. c. Bécancour (Ville de), (25 juillet 2003) <strong>Québec</strong>SAI-Q-080-183-0110 et SAI-Q-080185-0110 (TAQ), par. 103, 111, 124, 128, 129,137, 138, 139, 140, 148 et 149 et [2003] TAQ 1125. 6547 Domco Tarkett c. Farnham (Ville de), (12 février 2004) <strong>Québec</strong> SAI-Q-079693-0109(TAQ), par. 185, 215 et 216 et [2004] TAQ 371. 6648 Supra, note 44, p. 11 6949 Sanctuaire <strong>du</strong> Mont-Royal c. Montréal (Ville de) et Communauté urbaine deMontréal, (22 juin 1994) Montréal, M-94-1866 (BREF) 70Sanctuaire <strong>du</strong> Mont-Royal c. Montréal (Ville de) et Communauté urbaine deMontréal et BREF, J.E. 99-2065 (C.Q.) (confirmée en Cour d'appel le 21 mars 2002) 7050 M e Gilles Fafard, « La valeur réelle d'un immeuble: La réalité sera-t-elle dépasséepar la fiction? » dans L'évaluateur agrée Ad Hoc, numéro 19, décembre 1990,pages 50 et 51. 7051 M e Jean-François Gosselin, « L'évaluateur municipal <strong>des</strong> immeubles contaminés »,(1990) R. <strong>du</strong> B. 492 7252 Supra, note 44 76


z/ 91La revue paraît en langue française. Les articles qui lacomposent n’expriment que l’opinion de leurs auteurs etn’engagent nullement celle <strong>des</strong> responsables de l’<strong>Ordre</strong> <strong>des</strong><strong>évaluateurs</strong> <strong>agréés</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Le contenu de la revue EN ANNEXE ne peut être repro<strong>du</strong>it, entout ou en partie, sans l’autorisation écrite <strong>des</strong> éditeurs.AuteursErnest Lépine, É.A.M e Luc VilliardRédactrice en chefM e Émilie Giroux-Gareau, coordonnatrice auxaffaires juridiques et aux communicationsRévision <strong>des</strong> textesJosée LaporteDirection artistiqueOblik Communication-<strong>des</strong>ign inc.ImpressionImprimerie Aubry Inc.Ce numéro a été tiré à 1 350 exemplairesDépôt légalBibliothèque nationale <strong>du</strong> CanadaBibliothèque nationale <strong>du</strong> <strong>Québec</strong># ISSN 0713-6943


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