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La chimie au service du goût (PDF - 1076 Ko) - Mediachimie.org

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<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’alimentationFigure 3Ça craque, ça pique, c’est froid…Nombreuses sont les perceptionssomesthésiques qui accompagnentles sensations de saveur et d’odeurdes aliments.Figure 4Limonène, ionone, carvone,jasmonate… il se dégage desplantes et des fruits des milliersde molécules qui font les parfumset fragrances de la nature…et de nos aliments.salées, acides ou amères(Figure 5). Une complexitéremarquable ! D’un point devue chimique, ce sont desmolécules <strong>au</strong>x structures trèsvariées – « chaînes linéaires,chaînes ramifiées, monocycles,hétérocycles avec del’oxygène, de l’azote et <strong>du</strong>soufre, halogénés, monofonctionnels,plurifonctionnels…». Cela représente unnombre de combinaisons destructures inestimable, maisqui répondent à une conditioncommune pour ce quiest des molécules odorantes,celle d’être suffisammentvolatiles pour être perçuescomme odorantes (en généralavec une masse inférieure à350 grammes par mole, ellessont dotées d’une tension devapeur qui les rend volatiles).Quand nous mangeons, nouspercevons toutes ces moléculesparce qu’elles se fixentsur des récepteurs, qui sontdes protéines situées sur notre104


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’alimentationFigure 7De la graine de Th<strong>au</strong>matococcusdanielli est extraite la moléculede th<strong>au</strong>matine, une petite protéine(en rouge et j<strong>au</strong>ne) à fort pouvoirsucrant.Figure 8L’arrière des yeux, les cavitésnasale et buccale sont tapissésde terminaisons nerveuses etde récepteurs à l’origine desperceptions somesthésiques :pression, irritation, vibration,chaleur…Quant <strong>au</strong>x récepteurs desmolécules qui provoquentune saveur, tous ne sontpas encore connus, et sontactuellement estimés à unetrentaine seulement, principalementsitués sur la langue(les papilles gustatives), etdans une moindre mesure lepalais et le pharynx. Leurssensibilités sont de l’ordre <strong>du</strong>milligramme par kilogramme.Parmi les plus faiblesconcentrations perceptiblespar l’homme, on trouve lath<strong>au</strong>matine, une moléculeextraite de la graine de Th<strong>au</strong>matococcusdanielli, plantecultivée en Afrique de l’Ouest,en particulier <strong>au</strong> Ghana(Figure 7). <strong>La</strong> th<strong>au</strong>matine estune protéine extrêmementsucrée, environ 2 000 fois plusque le sucre de table (saccharose),ce qui en fait un excellenté<strong>du</strong>lcorant et exh<strong>au</strong>steurde <strong>goût</strong>.Les perceptions somesthésiquesfont quant à ellesintervenir les terminaisonsnerveuses libres, ainsi queles récepteurs spécialisés desbranches <strong>du</strong> nerf trijume<strong>au</strong> etle nerf <strong>au</strong>ditif. Le nerf trijume<strong>au</strong>,qui innerve à la foisl’arrière des yeux, la caviténasale et la cavité buccale,joue un rôle essentiel. Unecoupe de derme est représentéesur la Figure 8, où l’onpeut apercevoir les différentsrécepteurs responsables desperceptions somesthésiques.Par exemple, les terminaisonslibres <strong>du</strong> trigéminal peuventRécepteurs de Merkel(amyléiniques) sensibles àune vitesse de déformationà l’échelle <strong>du</strong> micronTerminaisons libres <strong>du</strong>trigéminalCorpuscules de Meissnersensibles à la températureRécepteurs de Pacinisensibles <strong>au</strong>x vibrations(1000 Hz)106Récepteurs de Ruffinisensibles à la déformation


percevoir directement le côtéirritant de certaines molécules; de leur côté, les récepteursde Pacini détectent lesvibrations. Actuellement,on ne connaît pas encore lemécanisme sous-jacent à lasensation rafraîchissante <strong>du</strong>menthol, et d’<strong>au</strong>tres mystèresrestent à éclaircir par lesscientifiques.2De l’aliment à laperception <strong>du</strong> <strong>goût</strong> :tout un cheminement2.1. Sentir le <strong>goût</strong> :un phénomène complexeQuand on <strong>goût</strong>e un aliment,on ne sait pas toujoursimmédiatement comment encaractériser le <strong>goût</strong>, tellementcelui-ci est complexeet associe de multiplessaveurs et odeurs, qui changententre le moment où l’onporte l’aliment à la bouche,les différentes phases de lamastication jusqu’à la déglutitionfinale. Il existe mêmetout un apprentissage de laperception <strong>du</strong> <strong>goût</strong>. En témoignentces nombreux spécialistes<strong>du</strong> vin, dont certainsont le privilège d’en faireleur métier ! À chacune deleurs g<strong>org</strong>ées, concentrationoblige, ces dégustateurs seposent la question de savoircomment est l’attaque, l’évolutionet la fin de bouche. <strong>La</strong>psychophysique permet demesurer avec encore plusde rigueur les évolutions <strong>du</strong><strong>goût</strong> à l’aide de descripteursde manière répétable dans letemps, grâce à des jurés trèsentraînés (Figure 9).Aujourd’hui, dans le cadre dela formulation des pro<strong>du</strong>itsalimentaires in<strong>du</strong>striels,le choix des additifs et leurquantité, que ce soit pouraméliorer la saveur, l’arôme,ou pour relever le <strong>goût</strong> (é<strong>du</strong>lcorants,exh<strong>au</strong>steurs de<strong>goût</strong>s), reste assez empirique.Il est nécessaire d’enconnaître plus sur la manièredont il va être perçu par l’<strong>org</strong>anisme,sachant qu’il seramélangé à une multituded’<strong>au</strong>tres molécules de <strong>goût</strong>, etque leurs perceptions ne nousatteindront jamais <strong>au</strong> mêmemoment, et jamais avec lamême intensité. En termesscientifiques, c’est d’abor<strong>du</strong>ne affaire de biodisponibilitéet de thermodynamique !Figure 9L’homme est un appareil demesure <strong>du</strong> <strong>goût</strong> qui peut être<strong>au</strong>ssi bien subjectif qu’objectif !<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>au</strong> <strong>service</strong> <strong>du</strong> <strong>goût</strong>107


chimique délivré par l’arômeen signal électrique traitépar le cerve<strong>au</strong>. Heureusement,il semble que le transportde ces arômes vers leurdestination finale soit facilitépar des protéines présentesen grande quantité dans lasalive. On sait en effet queces protéines, appelées OBP(Odorant Binding Proteins),sont capables de fixer desmolécules odorantes aveclesquelles elles ont une affinité,et ont d’<strong>au</strong>tre part uneaffinité pour les récepteursolfactifs, comme les moléculesd’arôme (Figure 15).Le mécanisme précis de cetransport n’est pas encoreélucidé, mais il est certainque ces protéines OBP vontfavoriser la signalisation desmolécules d’arôme <strong>au</strong> nive<strong>au</strong>des récepteurs.Quoi qu’il en soit, une foisarrivées à bon port, les moléculesd’arôme ayant, commepour les protéines alimentaires,une bonne affinitépour les récepteurs olfactifs(des protéines également),elles vont s’y fixer sans difficulté,délivrant alors un signalchimique qui va être transforméen un signal électriqueenvoyé vers le cerve<strong>au</strong> par desmilliers de fibres nerveuses,qui sont la prolongationinterne des mêmes neuronesémettant côté externe leurscils olfactifs. C’est à ce nive<strong>au</strong>que nous prenons conscience<strong>du</strong> <strong>goût</strong> (ici en particulier del’arôme).2.2.2. Modéliser pour prédirel’effet d’un arômeLe cheminement de l’arômevers son récepteur a pu êtrerepro<strong>du</strong>it avec succès enlaboratoire sur des modèlesgérés in silico, conçus et mis<strong>au</strong> point par les chercheurs.Ceci leur a permis d’étudieren détail les processusen jeu, en faisant varier lesparamètres critiques, et depouvoir faire des prévisions(voir Encart : « Modéliser laperception de l’arôme desaliments »). Ces études pourrontaider les in<strong>du</strong>striels del’agroalimentaire à orienterleurs choix des arômes àajouter dans les pro<strong>du</strong>its, et,pourquoi pas, à concevoir desarômes inédits, qui répondentde mieux en mieux <strong>au</strong>xbesoins <strong>du</strong> consommateur ?3Les molécules<strong>du</strong> <strong>goût</strong> : commentfaire le tri ?Retour <strong>du</strong> côté des consommateurs…Comme nousl’avons vu, les alimentssont sources de plaisir, etnous les choisissons à laFigure 15Dans la salive se trouvent desprotéines OBP, qui pourraientaider les molécules d’arôme àatteindre les récepteurs olfactifs.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>au</strong> <strong>service</strong> <strong>du</strong> <strong>goût</strong>113


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’alimentationMODÉLISER LA PERCEPTION DE L’ARÔME DES ALIMENTSPour repro<strong>du</strong>ire en laboratoire la fixation des arômes sur nos récepteurs olfactifs, descellules ont été cultivées dans des boîtes de Pétri et, par une technique de « transfectionhétérologue » bien connue des biologistes, les chercheurs leur ont fait exprimer sur leursmembranes des récepteurs olfactifs, accompagnés de tout le système de trans<strong>du</strong>ction quipermet la conversion d’un signal chimique – pro<strong>du</strong>it par la fixation d’une molécule d’arômesur un récepteur – en un signal électrique, via l’ouverture de can<strong>au</strong>x ioniques situés sur lamembrane cellulaire et qui laissent passer des ions sodium et calcium, in<strong>du</strong>isant une dépolarisationde la membrane. Le signal électrique qui se pro<strong>du</strong>it alors doit, dans l’expérienceréelle de la vie, aller vers notre bulbe olfactif, dans la région préfrontale <strong>du</strong> cerve<strong>au</strong>, où il seratraité. Dans l’expérience réalisée ici in vitro, la fuite de calcium accompagnant l’ouverture descan<strong>au</strong>x ioniques est visualisée par une modification locale de la fluorescence.Le terrain étant posé, on peut mesurer l’intensité (affinité) de l’interaction entre le récepteurexprimé dans ces cellules et un odorant injecté sur ces cellules modèles, par exemple lenonanol, le nonanal ou la γ-décalactone, par la variation d’intensité lumineuse de fluorescenceenregistrée sur la préparation. Les affinités de liaisons peuvent être utilisées avecd’<strong>au</strong>tres paramètres décrivant la structure des molécules, pour modéliser les moléculescapables d’interagir avec ces récepteurs (Figure 16).film plastiqueodorantmilieuodorantcellulesmilieucellulesmilieuactivités réellesactivités réellesactivités estimées((activités estiméesFigure 16114Sur des modèles de cellules olfactives, 105 molécules d’arôme (« ligands ») ont été injectées,et les réponses pro<strong>du</strong>ites par leur fixation sur les récepteurs olfactifs ont été enregistrées et intégréesdans des modèles mathématiques à but prédictif.


Une <strong>au</strong>tre expérience tout <strong>au</strong>ssi ingénieuse a été conçue pour modéliser la mastication enutilisant un réacteur en guise de bouche ou un simulateur de mastication comportant unelangue et une mâchoire mobiles, une arrivée de salive, et permettant de contrôler les t<strong>au</strong>x decompression et de cisaillement de l’aliment (Figure 17).<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>au</strong> <strong>service</strong> <strong>du</strong> <strong>goût</strong>ABFigure 17<strong>La</strong> mastication peut être simulée par un réacteurmuni d’un agitateur (A) ou par une bouche virtuelle (B).Les résultats obtenus sont comparables à ceux que l’on obtient dans la réalité. En effet, tousces résultats sont validés par des mesures in vivo. <strong>La</strong> concentration des molécules volatilesdans la cavité nasale est mesurée en temps réel à l’aide d’un spectromètre de masse,pendant qu’une personne est en train de manger (par exemple un yaourt) (Figure 18). Lesdonnées obtenues permettent d’alimenter et de valider les modèles in vitro, de séparer lesdifférents paramètres et d’alimenter des modèles mathématiques.Ainsi il a été possible, à partir de dix-sept paramètres – paramètres physiologiques, physiqueset chimiques – de mesurer le relargage de l’hexanoate d’éthyle par exemple, après mise enbouche et déglutition. Sur la Figure 18, les points expériment<strong>au</strong>x apparaissent en rouge etle modèle en noir. Grâce <strong>au</strong>x courbes obtenues et ainsi validées, il est possible de faire de laprédiction.S’il est possible de changer des paramètres liés à la molécule (volatilité donc pression devapeur saturante, etc.), on peut <strong>au</strong>ssi changer des paramètres liés à la personne proprementdit, sa capacité respiratoire ou la surface d’échange en bouche.115


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’alimentationppFigure 18Temps (s)Grâce à des modèlesexpériment<strong>au</strong>x traités parinformatique et validés parl’expérience réelle, il estpossible de prédire l’effetd’un arôme dans la bouche.116fois de manière instinctive etréfléchie, quand nous parcouronsle menu d’un rest<strong>au</strong>rantou longeons des rayons d’unsupermarché. Mais de plus enplus, les consommateurs denos sociétés modernes réfléchissentavant d’opter pourtel ou tel pro<strong>du</strong>it, et s’attardentplus longtemps à étudierles intitulés et étiquettesdes emballages : origines,compositions, normes dequalité (l’aspect qualité desaliments est développé dans leChapitre d’après la conférencede X. Leverve). En plus d’êtreexigeants en matière gustative,voire de rechercher despro<strong>du</strong>its « bénéfiques pour lasanté », ils doutent parfois del’innocuité de certains ingrédients(Figure 19).Dans le marché alimentaireactuel, nous avons de plus enplus accès à des informationssur ce que nous consommons,et ces informations sont deplus en plus nombreuses...si nombreuses qu’on peutparfois s’y perdre. Pro<strong>du</strong>itnaturel, pro<strong>du</strong>it synthétique,identique ou non <strong>au</strong> naturel,pro<strong>du</strong>it toxique ou non toxique,et à quelle dose, dans quellesconditions… ? Les réglementationsen matière de pro<strong>du</strong>itsalimentaires, qui sont de plusen plus strictes pour nousprotéger, sont par conséquentmultiples, codifiées etpeuvent paraître complexes.Par exemple pour les arômes,près de 2 550 molécules sontrépertoriées, faisant l’objetd’<strong>au</strong>torisations spécifiques,c’est-à-dire qu’elles figurentsur une « liste positive »,décrivant non seulement lamolécule elle-même, mais


<strong>au</strong>ssi les sources <strong>au</strong>toriséesà partir desquelles on peutextraire la molécule ou l’ensemblede molécules, lesaliments dans lesquels on ale droit de l’ajouter, seséléments toxicologiques...Rien ne passe à la trappe ! Ilsuffit de voir le Blue Book de laCommun<strong>au</strong>té européenne, quiremplit deux tomes et décrittous ces éléments (Figure 20).S’agissant de toxicité, desétudes ont été réalisées surun ensemble de molécules,pouvant aboutir à l’établissementd’une dose journalièreadmissible (DJA, voir l’Encart« <strong>La</strong> dose journalière admissible» <strong>du</strong> Chapitre « Bienfaitset risques, la recherchede l’équilibre »). Ces étudestoxicologiques sont ellesmêmestrès réglementéeset contrôlées, et font intervenirdes méthodes analytiquesbien précises (voir leChapitre « Bienfaits et risques,la recherche de l’équilibre »).Tout est donc réglementé.<strong>La</strong> plupart des moléculesd’arôme sont toutefois considérées,<strong>au</strong>x doses <strong>au</strong>xquelleselles sont ingérées, ayantun statut « GRAS », c’est-àdire« generally recognized assafe » (connues pour ne pasavoir d’effets dommageablessur la santé).Puisque nous évoquons lesorigines des molécules, il f<strong>au</strong>tsavoir que 70 % des arômesque nous consommons enmatière de tonnage en Francesont d’origine naturelle.Ils sont largement utiliséscomme additifs par l’in<strong>du</strong>strieagroalimentaire. Ontrouve dans cette catégoriedes arômes d’origine végétale,tels que les aromates(cannelle, vanille, poivre…)et les arômes de fruits, delégumes et de céréales. Sansoublier les huiles essentielles(essences de citronnelle,menthe…) comme sourcestraditionnelles d’arômes. Lesarômes peuvent <strong>au</strong>ssi êtred’origine animale (viandes, laitet fromages, poissons). Leursextractions sont effectuéespar différentes méthodes :par entraînement à la vapeur(distillation dans un alambicavec de l’e<strong>au</strong>), par expressionà froid ou par infusion (macérationdans de l’alcool), ou <strong>au</strong>moyen de solvants <strong>org</strong>aniques.Dans les 30 % restants, ontrouve des molécules dites« identiques naturels ». Cesont en fait des moléculessynthétisées à l’identique decelles fournies par la nature,dont l’extraction à partirde leurs sources peut êtrecoûteuse ; de plus, elles nesont pas toujours présentesen grande quantité dans lemilieu naturel, dont il f<strong>au</strong>t parailleurs préserver l’équilibreet la biodiversité. Au final,ces molécules reviennentbe<strong>au</strong>coup moins cher <strong>au</strong>consommateur que cellesdirectement extraites <strong>du</strong>milieu naturel mais n’ontpas droit, selon la législationeuropéenne, à l’étiquetage« arôme naturel ».Ces molécules peuvent êtresynthétisées à partir deprécurseurs fossiles issusde la pétro<strong>chimie</strong>, ou issues,lorsque c’est possible, demilieux naturels plus accessibles– on parle alorsd’« hémisynthèse ». C’est lecas de la vanilline, principalarôme de la vanille, arôme leplus fabriqué dans le monde(Figure 21). L’extraction decette molécule à partir desFigure 19Les consommateurs se posentde plus en plus de questions surla qualité des aliments qu’ilsachètent.Figure 20Le Blue Book, bible des pro<strong>du</strong>itsalimentaires de la Commun<strong>au</strong>téeuropéenne.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>au</strong> <strong>service</strong> <strong>du</strong> <strong>goût</strong>117


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’alimentationFigure 21<strong>La</strong> vanilline principal arôme de lavanille, est l’additif alimentaire leplus fabriqué <strong>au</strong> monde.Figure 22<strong>La</strong> seule lecture de l’emballagepeut donner suffisammentd’indications quant à l’originede certains additifs comme lesarômes… quand on connaît laréglementation.gousses de vanille étant trèschère, il est possible d’obtenirde manière simple et enquantité abondante la mêmemolécule par hémisynthèseà partir de précurseurs plusaccessibles tels que le gaïacol(présent dans le bois de gaïac),l’eugénol (extrait <strong>du</strong> clou degirofle) ou encore la lignine(un des princip<strong>au</strong>x constituants<strong>du</strong> bois, et qui peut êtrerécupérée par recyclage àpartir des e<strong>au</strong>x rési<strong>du</strong>aires del’in<strong>du</strong>strie de la pâte à papier).Enfin, une infime quantité desarômes que nous consommonscorrespond à desarômes dits « artificiels »,dont quatorze seulement sont<strong>au</strong>torisés, ce chiffre étantamené à stagner et ces raresmolécules synthétiques étantutilisées depuis très longtemps.Ici, contrairement <strong>au</strong>cas de la vanilline in<strong>du</strong>strielle,« artificielle » signifie que cesmolécules n’ont jamais ététrouvées dans la nature : ellesont été crées en laboratoire enfonction de propriétés sensoriellesrecherchées et supérieuresà celles des moléculesnaturelles, notamment dansl’objectif de répondre <strong>au</strong>xbesoins des consommateurs.Par exemple, l’éthylvanilline,dont la structure diffèretrès légèrement de celle dela vanilline (Figure 22), a étéimaginée et synthétisée parles chimistes 1 , puis son utilisationa été répan<strong>du</strong>e dansl’alimentation à partir desannées 1930. Elle possède unpouvoir aromatisant trois foissupérieur à celui de la vanilline,ce qui permet d’en utiliseren quantité moindre dans lesaliments, par exemple dansles sachets de sucre vanillé.Pour revenir à la codificationdes pro<strong>du</strong>its alimentaires1. Il semblerait qu’en fait,l’éthylvanilline existe dans lanature : elle <strong>au</strong>rait été récemmentdécouverte dans une espèce devanille plus rare, que l’on trouveà Tahiti.OHOOHvanillineOH118OHO CH 3éthylvanilline


qui donne l’impression d’êtrecomplexe, l’étiquette de l’emballageest suffisammentindicatrice pour repérer si l’ona à faire à un arôme classé« naturel », ou bien « identiquenaturel » ou « artificiel ».Pour reprendre l’exemple dela vanilline, le flacon de sucrevanillé de la Figure 22 indique« arôme naturel de vanilleliquide », ce qui garantit le faitque le pro<strong>du</strong>it contient de lavanilline extraite de goussesde vanille (on y voit d’ailleursfigurer sur le carton unegousse de vanille, ce qui seraitinterdit dans le cas d’un pro<strong>du</strong>itne contenant pas de vanillinenaturelle). Quant <strong>au</strong>x crèmesdesserts sur lesquelles estindiquée la mention « saveurvanille », nous n’avons pas àfaire à de la vanilline naturelle,mais à de la vanilline« identique naturel », ou plusprobablement à de l’éthylvanilline.<strong>La</strong> mention légalefigurant alors sur l’étiquetteest celle d’« arôme », excluantune originel naturelle, et on netrouve pas d’image de goussesde vanille car elle n’y est dansce cas pas <strong>au</strong>torisée.<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> <strong>au</strong> <strong>service</strong> <strong>du</strong> <strong>goût</strong>Le <strong>goût</strong> et nos <strong>goût</strong>s,de mieux en mieux cernésIl n’est guère de doute que la compréhensiondes phénomènes à l’origine <strong>du</strong> <strong>goût</strong> ne peut quepermettre d’améliorer la qualité de nos aliments.Mieux connaître les propriétés des arômes,c’est <strong>au</strong>ssi mieux les choisir et mieux les doseren fonction des caractéristiques des alimentsque l’on aromatise. Parmi les développementspossibles de ces recherches, la compréhension<strong>du</strong> plaisir lié à la perception et de la modificationde ce plaisir <strong>au</strong> cours <strong>du</strong> vieillissement, ainsique celle de pathologies et de traitements pharmaceutiques,devrait nous aider à comprendrel’origine des changements de comportemententraînant un risque pour la santé (dénutrition,fonte musculaire, cachexie…) et nous aiderà développer des aliments plus adaptés <strong>au</strong>xbesoins spécifiques de populations à risque.Si les scientifiques et in<strong>du</strong>striels cherchent deplus en plus à comprendre les mécanismes dela perception <strong>du</strong> <strong>goût</strong>, les consommateurs euxmêmescherchent <strong>au</strong>ssi à comprendre ce qu’ilsmangent.119


<strong>La</strong> <strong>chimie</strong> et l’alimentationCréditsphotographiques– Fig. 1A : Minh-ThuDinh-Audouin– Fig. 1B : Jean-Marc Serdel– Fig. 3, 4, 5 et 21 : MontagesMinh-Thu Dinh-Audouin– Fig 4A : Noix de coco :Licence CC-BY-SA, NicolaiSchäfer– Fig. 6B : Patrick J. Lynch,medical illustrator– Fig. 9 : INRA – PatrickEtiévant.– Fig. 17 et 18 : INRA –Christian Salles– Fig. 19 : INRA - SabrinaGasser– Fig. 20 : INRA - PatrickEtiévant

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