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Aglaé, ou la Beauté vue par la Science ; un ... - Mediachimie.org

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<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong><strong>la</strong> <strong>Beauté</strong><strong>vue</strong> <strong>la</strong><strong>par</strong><strong>Science</strong><strong>un</strong> accélérateurde <strong>par</strong>ticules au L<strong>ou</strong>vredepuis 20 ansPhilippe Walter <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>Ce chapitre est dédié à <strong>la</strong> mémoirede Joseph Salomon, physicien,responsable d’AGLAÉ de 1989 à 2009,décédé le 3 février 2009.La matière constituant <strong>un</strong>objet d’art <strong>ou</strong> d’archéologierecèle de nombreux indicestrès utiles p<strong>ou</strong>r leur étude.En <strong>par</strong>ticulier, sa compositionchimique permet d’identifier lematériau, sa provenance, lesrecettes de fabrication et seséventuelles altérations. L’accélérateurde <strong>par</strong>ticules <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>a été installé au Pa<strong>la</strong>is duL<strong>ou</strong>vre à Paris (Figure 1) p<strong>ou</strong>rpermettre le développementde l’analyse non invasive desœuvres… et offrir <strong>un</strong> n<strong>ou</strong>veauregard sur leur histoire.Mais comment est-il possibled’analyser des objets demusées sans effectuer de prélèvement? Comment a-t-onpu ainsi rés<strong>ou</strong>dre des énigmescachées derrière des œuvresd’art et des objets archéologiques? Racontons l’histoireet l’évolution d’<strong>un</strong> instrumentexceptionnel, créé <strong>par</strong> lesscientifiques au service del’Art…


La chimie et l’art14Figure 1L’accélérateur de <strong>par</strong>ticules<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> trône dans les <strong>la</strong>boratoiress<strong>ou</strong>terrains du musée du L<strong>ou</strong>vreet travaille p<strong>ou</strong>r donner vie auxœuvres d’art.1La naissanced’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> et sagestationDepuis décembre 1987est installé au Centre derecherche et de restaurationdes musées de France(C2RMF) <strong>un</strong> accélérateurd’ions qui a été baptisé <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>(Figure 1). C’est le nomd’<strong>un</strong>e des trois Grâces de <strong>la</strong>Grèce ancienne, associée à<strong>la</strong> beauté, mais cet acronymesignifie également AccélérateurGrand L<strong>ou</strong>vre d’AnalyseÉlémentaire. Un tel ap<strong>par</strong>eilpermet de mettre à dispositiondes responsables descollections de musées, desscientifiques et des restaurateurs,<strong>un</strong> ensemble detechniques dites d’analyse<strong>par</strong> faisceau d’ions énergétiques(Ion Beam Analysis,IBA), c<strong>ou</strong>ramment utiliséesen physique des solides et desmatériaux, et plus récemmenten biologie.Cette instal<strong>la</strong>tion perfectionnée,complexe et performantep<strong>ou</strong>r analyser lesmatériaux a été choisie p<strong>ou</strong>rrépondre à trois critèresessentiels dans le domainemuséologique :− opérer d’<strong>un</strong>e manière nondestructive sur des œuvres <strong>ou</strong>sur des échantillons, évitantainsi <strong>la</strong> multiplication desprélèvements ;− présenter <strong>un</strong>e grande sensibilité,augmentant considérablementle nombre d’élémentschimiques déceléssimultanément, même ceuxprésents à l’état de traces.Car les plus infimes d’entreelles peuvent se révéler déterminantesp<strong>ou</strong>r f<strong>ou</strong>rnir descritères de caractérisation de<strong>la</strong> provenance, de l’époque <strong>ou</strong>de l’authenticité des objets !− permettre d’effectuer trèsrapidement l’étude de sériesd’objets p<strong>ou</strong>r établir desrapprochements chronologiques,technologiques <strong>ou</strong>esthétiques, que l’on meten évidence simultanémentgrâce aux traitements desdonnées <strong>par</strong> ordinateur.P<strong>ou</strong>r répondre à ces critères,les chercheurs du C2RMF ontdéveloppé <strong>un</strong>e ligne expérimentalespécifique à <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>,que l’on appelle le microfaisceauextrait à l’air. Cedispositif original, dont n<strong>ou</strong>sallons décrire le principe(<strong>par</strong>agraphe 3), a atteint <strong>un</strong>très haut degré de sophistication.Depuis quelques années,l’intérêt de cette approche ad’ailleurs conduit des équipeseuropéennes à demanderl’accès de l’accélérateur dansle cadre de l’infrastructureintégrée Eu-ARTECH 1 .1. Eu-ARTECH est <strong>un</strong> projet inscritdans le 6 e programme cadrede recherche et développementeuropéen, et coordonné <strong>par</strong> l’<strong>un</strong>iversitéde Pér<strong>ou</strong>se (Italie). Treize


<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> a vingt ans auj<strong>ou</strong>rd’hui,et s<strong>ou</strong>s son faisceau d’ionssont passés des matériauxaussi divers que des bij<strong>ou</strong>x enor et en argent, des objets enalliage cuivreux, des gemmes,des objets en verre et descéramiques c<strong>ou</strong>vertes deg<strong>la</strong>çure, des encres et despigments, et aussi des pierres,des os et de l’ivoire, <strong>ou</strong> encoredes produits de restauration<strong>ou</strong> de corrosion, p<strong>ou</strong>r ne past<strong>ou</strong>t citer...C’est p<strong>ou</strong>r f<strong>ou</strong>rnir des informationsprécieuses auxchercheurs au c<strong>ou</strong>rs deleurs études, dont les enjeuxsont de taille : comprendreles techniques de fabrication,étudier les provenancesdes matériaux, rechercherdes critères p<strong>ou</strong>r authentifieret dater des œuvres,comprendre le vieillissementdes matériaux <strong>ou</strong> les conditionsd’altération, en <strong>vue</strong> deleur conservation et <strong>par</strong>foisleur restauration. Autant dedémarches qui contribuentà l’histoire de l’art, à l’histoiredes techniques, à l’archéologie– en permettant demieux comprendre les modesde vie des anciens à <strong>par</strong>tir del’étude du matériel – et à <strong>la</strong>muséologie, en contribuant àstructures de recherche de huitpays d’Europe, t<strong>ou</strong>tes concernées<strong>par</strong> <strong>la</strong> conservation et <strong>la</strong> connaissancedes œuvres d’art, sont les<strong>par</strong>tenaires de ce projet qui adémarré en juin 2004 p<strong>ou</strong>r durercinq ans. Les institutions <strong>par</strong>tenairesde Eu-ARTECH col<strong>la</strong>borentà des programmes qui ré<strong>un</strong>issentphysiciens, chimistes, spécialistesdes matériaux, conservateurs,archéologues, historiens del’art et restaurateurs. Ces institutionssont, dans leur pays, des référencesen matière d’étude et deconservation du patrimoine.<strong>la</strong> conservation des œuvres eten les documentant, notammentà l’occasion d’expositions.Ret<strong>ou</strong>r sur vingt ans de viep<strong>ou</strong>r <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>…1.1. Un <strong>par</strong>i ambitieuxLe <strong>par</strong>i fait en 1980 d’installer<strong>un</strong> accélérateur de <strong>par</strong>ticulesau Laboratoire de recherchedes musées de France (LRMF,ancien nom du <strong>la</strong>boratoire duC2RMF. Encart « Le C2RMF,<strong>un</strong> grand <strong>la</strong>boratoire dédiéau Patrimoine »), était fondésur l’idée que les techniquesd’analyse <strong>par</strong> faisceaux d’ions,c<strong>ou</strong>ramment utilisées ensciences des matériaux,devaient permettre des avancéesimportantes dans <strong>la</strong>connaissance du Patrimoine,en répondant aux interrogationsdes conservateurs,historiens de l’art et archéologues.L’enjeu était de réaliserde 3 000 à 5 000 analyses<strong>par</strong> an sur des objets, desprélèvements mais égalementdes aérosols p<strong>ou</strong>r desétudes environnementalesdans les musées. L’avantagedes méthodes d’analyses <strong>par</strong>faisceaux d’ions était leurfacilité d’utilisation p<strong>ou</strong>r desanalyses panoramiques nondestructives, en série, quellesque soient les natures desmatériaux constituants lesœuvres d’art et les objetsarchéologiques.1.2. Un projet se dessineUn projet, nommé PIXE(Particle Induced X-ray Emission)dans <strong>un</strong> premier temps,fut <strong>la</strong>ncé et reçut rapidement<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>15


La chimie et l’artLE C2RMF, UN GRAND LABORATOIREDÉDIÉ AU PATRIMOINEL’histoire d’<strong>un</strong> grand <strong>la</strong>boratoire de musées n’aurait pas existé sans <strong>la</strong> déc<strong>ou</strong>verte fondamentaledes rayons X <strong>par</strong> Röntgen en 1895. On mesure combien l’analyse <strong>par</strong> rayons X arévolutionné le monde de <strong>la</strong> physique, puis le domaine de <strong>la</strong> santé. Mais son intérêt dans ledomaine de l’art a été mis en évidence p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> première fois en 1920 <strong>par</strong> André Chéron, quiréalisa au musée du L<strong>ou</strong>vre <strong>un</strong>e radiographie du tableau Enfant en prière de Jean Hey, etmontra qu’il était possible d’analyser les œuvres d’art en profondeur : mettre en évidence lesdégradations, déterminer <strong>la</strong> composition des pigments utilisés, etc. La physique et <strong>la</strong> chimieal<strong>la</strong>ient devenir des alliés précieux p<strong>ou</strong>r le patrimoine : comprendre les œuvres et objetsarchéologiques, les authentifier, les conserver, les restaurer…C’est alors qu’est né en 1968 le Laboratoire de recherche des musées de France (LRMF),destiné à l’étude scientifique des œuvres d’art. En 1998, il fusionna avec le Service de restaurationdes musées de France, p<strong>ou</strong>r donner naissance au Centre de recherche et de restaurationdes musées de France (C2RMF) actuel (Figure 2).ABFigure 2Les locaux du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) (A), installés auGrand L<strong>ou</strong>vre (B).16le s<strong>ou</strong>tien de <strong>la</strong> comm<strong>un</strong>autéscientifique, même si lesconditions initiales n’étaientpas des plus favorables. Maisl’enth<strong>ou</strong>siasme de <strong>la</strong> petiteéquipe des origines al<strong>la</strong>itcompenser certaines insuffisances(taille réduite del’équipe, budget limité, etc.).Le LRMF fut donc désignémaître d’œuvre en 1983 etil commença à développerdes contacts étroits avecdifférents <strong>la</strong>boratoires duCNRS 2 , de l’Université, du2. Centre national de <strong>la</strong> recherchescientifique.


CEA 3 et de l’IN2P3 4 . C’esten Comité interministérielde <strong>la</strong> recherche scientifiqueet technique, fin 1982,qu’<strong>un</strong>e première enveloppebudgétaire fut décidée, puiscomplétée en 1983 <strong>par</strong> leMinistère de <strong>la</strong> Recherche, etles années suivantes <strong>par</strong> leMinistère de <strong>la</strong> Culture (sur lebudget civil de <strong>la</strong> recherche etdu développement). LaurentFabius, Jack Lang et HubertCurien ont chac<strong>un</strong>, dans leursministères respectifs, j<strong>ou</strong>é <strong>un</strong>rôle décisif dans <strong>la</strong> décision derenforcer <strong>un</strong> champ disciplinaire,considéré prometteurp<strong>ou</strong>r l’étude et <strong>la</strong> conservationscientifiques des biensculturels. Les directeurs desmusées de France successifsfurent eux aussi convaincusde l’effet d’entraînement d’<strong>un</strong>tel système d’analyse p<strong>ou</strong>r <strong>un</strong><strong>la</strong>boratoire de musées.Il fal<strong>la</strong>it donc le <strong>la</strong>ncer, ceprojet PIXE…Sa mise en œuvre a réellementdémarré à l’automne1983, avec l’aide de Ge<strong>org</strong>esAmsel, directeur du systèmed’analyse <strong>par</strong> faisceau d’ions(accélérateur Van de Graaf)du Gr<strong>ou</strong>pe de Physique desSolides de l’Université ParisVII et du CNRS au campus deJussieu (Encart : « <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> et sespères »). Expert internationalde ces méthodes, aidé <strong>par</strong>Michel Menu dès 1984, ilfut désigné comme chef deprojet au LRMF. Un gr<strong>ou</strong>ped’experts fut simultanémentconstitué p<strong>ou</strong>r préciser le3. Commissariat à l’énergie atomique.4. IN2P3 : Institut national de physiquenucléaire et de physique des<strong>par</strong>ticules, <strong>un</strong> institut du CNRS.cahier des charges de l’opération,G. Amsel et M. Menuont assuré <strong>la</strong> direction scientifiqueet technique du projetet constitué <strong>un</strong>e équipe localecompétente en instal<strong>la</strong>nt lespremiers équipements d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>sur l’accélérateur du campusde Jussieu [1].La décision d’aller de l’avanta définitivement été prise en1985 à <strong>la</strong> suite de <strong>la</strong> publication<strong>par</strong> Roger Bird [2] d’<strong>un</strong>eétude exhaustive sur lesapplications des techniquesd’analyse <strong>par</strong> faisceauxd’ions à l’art et à l’archéologie,suivie d’<strong>un</strong> colloqueinternational portant sur cemême thème, <strong>org</strong>anisé <strong>par</strong>le LRMF à l’Abbaye de Pontà-M<strong>ou</strong>ssondébut 1985 [3],grâce au s<strong>ou</strong>tien de l’OTAN etdu Conseil de l’Europe. Dansle même temps, l’utilisationdu PIXE s’imposait p<strong>ou</strong>r detelles études dans d’autres<strong>la</strong>boratoires de physique et<strong>la</strong> possibilité d’étudier directementles documents étaitdémontrée sur des œuvresaussi célèbres que <strong>la</strong> Bible deGutenberg <strong>par</strong> Thomas Cahillet Bruce Kuzko au CrockerNuclear Laboratory de l’Universitéde Californie [4].1.3. L’instal<strong>la</strong>tion, enfin…Après quelques péripéties,l’instal<strong>la</strong>tion d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> dansles locaux s<strong>ou</strong>terrains du<strong>la</strong>boratoire fut décidée ; legros œuvre du bâtiment futréalisé en 1987 s<strong>ou</strong>s l’autoritéde l’établissementpublic du Grand L<strong>ou</strong>vre, ainsique l’aménagement d’<strong>un</strong>epremière tranche de locauxp<strong>ou</strong>r l’accélérateur <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>(Figure 3) : <strong>un</strong>e salle p<strong>ou</strong>r l’accélérateur,d’<strong>un</strong>e dimension<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>17


La chimie et l’artAGLAÉ ET SES PÈRESLa conception de <strong>la</strong> machine et le choix de l’accélérateur ont été réalisés en re<strong>la</strong>tion avecle Gr<strong>ou</strong>pe de Physique des Solides de Jussieu, s<strong>ou</strong>s <strong>la</strong> direction de Ge<strong>org</strong>es Amsel : l’accélérateurlui-même est <strong>un</strong> modèle électrostatique tandem de 2 millions de volts Pelletron 6SDH-2 acquis auprès de <strong>la</strong> société National Electrostatic Corp. (Middletown, Wisconsin), auxÉtats-Unis. Il permet d’accélérer des protons jusqu’à 4 MeV, des <strong>par</strong>ticules alpha jusqu’à6 MeV, ainsi que des ions plus l<strong>ou</strong>rds (O, N, etc.). Il a été équipé dès l’origine d’<strong>un</strong>e s<strong>ou</strong>rced’ions Alphatross qui présentait l’avantage de permettre <strong>la</strong> production de <strong>par</strong>ticules variées(protons, deutons, 3 He, 4 He, 15 N). C’est <strong>un</strong>e s<strong>ou</strong>rce à cellule d’échange de charge avec <strong>un</strong>evapeur de rubidium, dont le fonctionnement est ap<strong>par</strong>u <strong>par</strong> <strong>la</strong> suite assez capricieux. Ellea été complétée <strong>par</strong> <strong>la</strong> suite, en 1995, <strong>par</strong> <strong>un</strong>e s<strong>ou</strong>rce radiofréquence à haute bril<strong>la</strong>nceDuop<strong>la</strong>smatron plus adaptée p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> production des protons et deutons, bril<strong>la</strong>nte, stabledans le temps et plus simple à mettre en œuvre [5].Avec l’arrivée du physicien Joseph Salomon en 1985, puis de Thomas Calligaro en 1986,t<strong>ou</strong>s deux physiciens nucléaires formés au Centre de recherche nucléaire de Strasb<strong>ou</strong>rg, lecœur de l’équipe technique de l’accélérateur était en p<strong>la</strong>ce. Cette équipe a été complétée <strong>par</strong>Jacques M<strong>ou</strong>lin, ingénieur au Gr<strong>ou</strong>pe de Physique des Solides de Jussieu. À <strong>par</strong>tir de 1989,et grâce à l’action des directeurs du <strong>la</strong>boratoire, Maurice Bernard puis Jean-Pierre Mohen,et de leur adjoint Jean-Michel Dup<strong>ou</strong>y, puis de Jean-C<strong>la</strong>ude Dran, responsable du gr<strong>ou</strong>pe<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> de 1995 à 2003, l’équipe se renforcera <strong>par</strong> l’arrivée de deux ingénieurs d’études, <strong>un</strong>p<strong>ou</strong>r les développements mécaniques et l’autre p<strong>ou</strong>r ceux liés à l’électronique et à <strong>la</strong> détection.Auj<strong>ou</strong>rd’hui, cette équipe est constituée de Lucile Beck (physicienne, responsable dugr<strong>ou</strong>pe), Brice Moignard (mécanique et machine), Laurent Pichon (acquisition et électronique)et Thiery Guill<strong>ou</strong> (mécanique et sécurité).18Figure 3Salle de <strong>la</strong> machine avantl’instal<strong>la</strong>tion d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>.de 15 x 30 mètres, sans pilier,<strong>un</strong>e salle de contrôle accompagnéede pièces techniqueset <strong>un</strong>e salle de ré<strong>un</strong>ion.La volonté de p<strong>ou</strong>voir mettreen œuvre des techniquesutilisant des faisceaux dedeutons 5 imposa alors <strong>un</strong>eprotection anti-neutrons et<strong>la</strong> réalisation aut<strong>ou</strong>r de <strong>la</strong>salle (murs, sols, p<strong>la</strong>fonds)d’<strong>un</strong>e dalle d’<strong>un</strong>e épaisseurd’<strong>un</strong> mètre de béton, ainsiqu’<strong>un</strong> accès <strong>par</strong> des chicanesanti-radiations et <strong>un</strong>e porte5. Un deuton est <strong>un</strong> noyau du deutérium(isotope de l’hydrogène),comprenant <strong>un</strong> proton et <strong>un</strong> neutron.r<strong>ou</strong><strong>la</strong>nte en béton de 80 cmd’épaisseur. La distributionet <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion des effluentsfirent également l’objet d’<strong>un</strong>eétude <strong>par</strong>ticulière : extractiondes gaz polluants et distributiond’eau de refroidissementdéminéralisée <strong>par</strong> des échangeursbranchés sur <strong>un</strong> réseaud’eau froide. La distribution duc<strong>ou</strong>rant électrique fut sé<strong>par</strong>éeen trois réseaux « accélérateur», mesure et domestiqueau travers de transformateursd’isolement afin de garantirdes conditions optimales demesure des signaux émis lorsdes expériences.Les éléments de l’accélérateurfurent livrés en décembre


1988 (Figure 4) et le montagede <strong>la</strong> machine réalisé en1989. Des rég<strong>la</strong>ges, des tests,des améliorations techniquesfurent effectués <strong>par</strong> l’équipe<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> pendant plus de deuxans.<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> était maintenantinstallé : les faisceaux d’ionsp<strong>ou</strong>vaient entrer en action.P<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> physique, p<strong>la</strong>ce àl’analyse des œuvres d’art…2Les exploits d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>2.1. L’analyse <strong>par</strong> faisceauxd’ions, <strong>ou</strong> lire dans <strong>la</strong> matièresans <strong>la</strong> détruireAvec <strong>un</strong>e <strong>par</strong>eille équipe et <strong>un</strong>tel équipement dans l’environnementdu Grand L<strong>ou</strong>vre,il est devenu possible de disposerde différentes méthodesde caractérisation physicochimiquede <strong>la</strong> matière. Cesméthodes s’appellent PIXE(Particle Induced X-ray Emission),PIGE (Particle InducedGamma-ray Emission), RBS(Rutherford BackscatteringSpectroscopy), NRA (NuclearReaction Analysis), <strong>ou</strong> encoreERDA (E<strong>la</strong>stic Recoil DiffusionAnalysis)… Eng<strong>ou</strong>ffrons-n<strong>ou</strong>sdans <strong>la</strong> matière, au cœur deses atomes, sièges d’interactionsentre les noyaux et leurscortèges d’électrons : l’Encart« Les faisceaux d’ions font<strong>par</strong>ler <strong>la</strong> matière » n<strong>ou</strong>s décritles phénomènes qui ont lieulorsque l’on expose <strong>un</strong>e œuvred’art à <strong>un</strong> faisceau d’ions.Afin de mettre en œuvret<strong>ou</strong>tes ces méthodes d’analyseapprofondies, l’équiped’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> devait solidementarmer l’accélérateur. L’ensembled’analyse a été équipédans <strong>un</strong> premier temps avecdeux lignes, <strong>un</strong>e à 45° équipéed’<strong>un</strong>e chambre d’analyse s<strong>ou</strong>svide, <strong>un</strong>e à 30° destinée à <strong>un</strong>faisceau extrait à l’air (cettetechnique originale seradécrite dans le <strong>par</strong>agraphe 3).L’accélérateur avait aussiété conçu p<strong>ou</strong>r permettreà terme <strong>un</strong>e diversification,avec <strong>un</strong> microfaisceau, <strong>un</strong>spectromètre de masse p<strong>ou</strong>r<strong>la</strong> datation radiocarbone, del’activation neutronique. Seulle microfaisceau verra le j<strong>ou</strong>r ;le dispositif de spectrométriede masse p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> datationradiocarbone sera installé àSac<strong>la</strong>y en 2003, au Laboratoirede mesure du carbone 14(LMC14, UMS 2572 du CNRS).Très récemment, ce sontdes instal<strong>la</strong>tions de rayons Xp<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> fluorescence 3D et <strong>la</strong>microdiffraction des rayonsX que l’équipe a mis en p<strong>la</strong>cedans ce local p<strong>ou</strong>r compléterle dispositif <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>.2.2. Quand <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> fait <strong>par</strong>lerdes œuvres2.2.1. La méthode PIXEapporte des réponses en artet en archéologieLa méthode PIXE est de loin <strong>la</strong>plus utilisée avec <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> p<strong>ou</strong>ridentifier des matériaux, destechniques et rechercher lesorigines de l’objet étudié. Ellea, <strong>par</strong> exemple, été employéep<strong>ou</strong>r caractériser <strong>la</strong> naturedes métaux et des incrustationsde trois pectoraux égyptiensde l’époque ramesside 6conservés au musée du L<strong>ou</strong>vre6. L’époque ramesside est <strong>un</strong>eépoque de l’Égypte anciennes’étendant de 1295 à 1069 av. J.-C.(soit de <strong>la</strong> XIX e à <strong>la</strong> XX e dynastie),caractérisée <strong>par</strong> l’abondance desrois portant le nom de Ramsès.Figure 4Livraison de l’accélérateur <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>au milieu du chantier du GrandL<strong>ou</strong>vre.<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>19


La chimie et l’artLES FAISCEAUX D’IONS FONT PARLER LA MATIÈRELire dans <strong>la</strong> matière sans <strong>la</strong> détruireL’œuvre d’art <strong>ou</strong> l’objet archéologique est disposé face à l’œil d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> (Figure 5), qui l’irradiealors avec <strong>un</strong> faisceau d’ions. Que se passe-t-il dès lors que les <strong>par</strong>ticules ioniques pénètrentle matériau ? Comment ce faisceau arrache-t-il à l’objet <strong>un</strong>e réponse ?Selon <strong>la</strong> nature de l’irradiation, <strong>la</strong> matière va répondre d’<strong>un</strong>e certaine manière via des phénomènesphysiques à l’échelle de l’atome, où entrent en action diverses <strong>par</strong>ticules : protons,deutons, <strong>par</strong>ticules α… Les scientifiques en décodent ensuite le message, à savoir <strong>la</strong> compositionchimique du matériau.Figure 5L’objet d’art à analyser (ici le lustre d’<strong>un</strong>e céramique) est p<strong>la</strong>cé devant l’œil d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> qui le sonde.P<strong>ou</strong>r ce faire, l’accélérateur envoie <strong>un</strong> faisceau de <strong>par</strong>ticules ioniques qui bombardent l’objet et le font <strong>par</strong>ler.20


La méthode PIXELa méthode PIXE (Particle Induced X-ray Emission <strong>ou</strong> émission de rayons X induite <strong>par</strong> des<strong>par</strong>ticules chargées), est <strong>la</strong> principale méthode utilisée p<strong>ou</strong>r mesurer <strong>la</strong> composition desmatériaux en éléments chimiques majeurs, mineurs et s<strong>ou</strong>s forme de traces.PIXE, comment ça marche ?Lorsque les <strong>par</strong>ticules du faisceau d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> bombardent le matériau, les atomes de ce derniersont stimulés et émettent <strong>un</strong> rayonnement X, caractéristique de chaque élément chimique.Ce phénomène se produit en trois phases (Figure 6) :1) en pénétrant dans l’objet à analyser, <strong>un</strong>e <strong>par</strong>ticule du faisceau éjecte <strong>un</strong> électron prochedu noyau d’<strong>un</strong> atome du matériau ;2) l’atome ne reste pas dans cet état instable et excité : le tr<strong>ou</strong> <strong>la</strong>issé est aussitôt comblé <strong>par</strong><strong>un</strong> électron d’<strong>un</strong>e orbite plus extérieure de l’atome ;3) lors de ce réarrangement, l’atome émet <strong>un</strong> rayon X p<strong>ou</strong>r libérer son excès d’énergie. Selon<strong>la</strong> nature des c<strong>ou</strong>ches électroniques impliquées, les rayons X produits correspondent auxraies d’émission K, L et M. À chaque élément chimique correspond <strong>un</strong>e énergie de rayon Xbien déterminée.Il reste alors à détecter ce rayon X caractéristique et d’en déduire <strong>la</strong> composition de <strong>la</strong>matière.<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>Figure 6La méthode PIXE utilise <strong>la</strong> propriété de <strong>la</strong>matière d’émettre des rayons X s<strong>ou</strong>s l’effetd’<strong>un</strong> faisceau d’ions.Ainsi, <strong>la</strong> méthode PIXE fait <strong>par</strong>ler <strong>la</strong> matière, sans prélèvement. Plusieurs conditions sontnéanmoins requises : en pratique, les <strong>par</strong>ticules le plus s<strong>ou</strong>vent employées sont des protonspeu énergétiques, de 1,5 à 4 MeV (eV = électronvolt). Le c<strong>ou</strong>rant de <strong>par</strong>ticules est choisi suffisammentfaible p<strong>ou</strong>r ne pas endommager <strong>la</strong> matière : de quelques centaines de picoampères– p<strong>ou</strong>r les matériaux fragiles tels que les papiers – à 50 nanoampères p<strong>ou</strong>r les métaux.Un petit historiqueCe phénomène, selon lequel des rayons X sont émis s<strong>ou</strong>s l’impact d’<strong>un</strong> faisceau de <strong>par</strong>ticules,a été observé dès 1912. P<strong>ou</strong>rtant, il a fallu attendre plus de 50 ans, avec le développementde détecteurs de rayons X à semi-conducteurs (diodes de silicium dopé au lithium Si(Li)), <strong>la</strong>disponibilité de petits accélérateurs et l’avènement d’ordinateurs p<strong>ou</strong>r p<strong>ou</strong>voir l’employer àdes fins d’analyse chimique. En 1970, l’équipe de Johansson jette les fondements de cettetechnique qu’il dénomme PIXE [6]. L’interprétation des spectres X permettant de remonteraux concentrations des constituants de <strong>la</strong> cible est basée sur l’emploi de codes de calcul,auj<strong>ou</strong>rd’hui sur le logiciel GUPIX de J. L. Campbell [7].21


La chimie et l’artAvantages et inconvénients de PIXELa méthode PIXE est dite quantitative et panoramique car elle permet de doser avec<strong>un</strong>e bonne précision et simultanément des éléments du tableau périodique de Mendeleïevcompris entre le sodium Na (Z = 11) et l’uranium U (Z = 92), soit près de quatre-vingtéléments chimiques !Autre at<strong>ou</strong>t de cette méthode d’analyse, sa sensibilité, car elle est capable de détecter deséléments présents dans de très faibles teneurs (de l’ordre de <strong>la</strong> <strong>par</strong>tie <strong>par</strong> million). Qui plusest, c’est <strong>un</strong>e méthode rapide : en quelques minutes, <strong>la</strong> réponse est donnée !PIXE présente néanmoins quelques limitations. Le Tableau 1 résume les avantages et inconvénientsde PIXE.Tableau 1Avantages et inconvénients de <strong>la</strong> méthode PIXE.Avantages• non destructive, sans prélèvement• panoramique : mesure simultanée dusodium à l’uranium• sensible : mieux que 10 ppm p<strong>ou</strong>r 20


Figure 7La méthode RBS utilise <strong>la</strong> propriétéde <strong>la</strong> matière de « rétrodiffuser »les <strong>par</strong>ticules qui <strong>la</strong> bombardent enémettant <strong>un</strong> rayonnement dans <strong>un</strong>edirection θ.<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>*Les <strong>par</strong>ticules α sont constituées de deux protons et de deuxneutrons. Elles sont typiquement émises <strong>par</strong> des noyaux radioactifscomme l’uranium <strong>ou</strong> le radium.Les méthodes NRA et PIGEOn affine encore les analyses grâce à <strong>la</strong> méthode NRA (Nuclear Reaction Analysis) : elle permetde sonder plus spécialement les isotopes des éléments légers (de l’hydrogène au sodium).NRA, comment ça marche ?On envoie <strong>un</strong> faisceau d’ions de haute énergie sur l’échantillon : leurs noyaux interagissentavec les noyaux des atomes de l’échantillon, ce qui a p<strong>ou</strong>r conséquence de produire <strong>un</strong> rayonnementélectromagnétique γ*, <strong>ou</strong> <strong>un</strong>e émission de protons <strong>ou</strong> <strong>par</strong>ticules α (Figure 8).Il peut <strong>par</strong>fois exister, p<strong>ou</strong>r des valeurs précises de l’énergie des <strong>par</strong>ticules incidentes et sur<strong>un</strong> intervalle très étroit, de brusques augmentations de <strong>la</strong> probabilité de réactions appeléesrésonances. En faisant varier l’énergie du faisceau, il devient alors possible de mesurer desgradients de concentration de l’élément sondé. C’est le cas <strong>par</strong> exemple de certaines réactionsutilisées p<strong>ou</strong>r mesurer des diffusions du fluor <strong>ou</strong> de l’hydrogène durant l’altération dusilex <strong>ou</strong> du quartz [8].Quant à l’analyse PIGE (Particle Induced Gamma-ray Emission), elle est très utile p<strong>ou</strong>r déterminer<strong>la</strong> composition en éléments légers dans le cœur des matériaux, et elle est sensible à<strong>la</strong> nature des isotopes (Figure 8).PIGE, comment ça marche ?La méthode PIGE implique le plus s<strong>ou</strong>vent <strong>un</strong> faisceau de protons de 1 à 4 MeV, qui induit<strong>un</strong>e excitation des noyaux des atomes irradiés. Les spectres de raies γ obtenus s’étendententre environ 100 keV et 8 MeV. Les profondeurs concernées <strong>par</strong> les mesures sont deplusieurs dizaines de micromètres et <strong>la</strong> détermination quantitative des concentrations passe<strong>la</strong> com<strong>par</strong>aison avec des standards <strong>par</strong>faitement connus. Cette méthode est très complémentairedu PIXE et s<strong>ou</strong>vent réalisée simultanément.23


La chimie et l’artUn faisceau de deutons peut également être employé p<strong>ou</strong>r exciter les noyaux des atomes.Il s’est avéré très sensible à <strong>la</strong> détection de l’oxygène, du carbone et de l’azote. Une étudesystématique entreprise avec <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> p<strong>ou</strong>r mesurer le rendement d’émission de raies γinduites <strong>par</strong> deutons sur des cibles épaisses a montré <strong>la</strong> bonne sensibilité p<strong>ou</strong>r les élémentssodium, silicium, s<strong>ou</strong>fre, chlore et potassium, mais aussi p<strong>ou</strong>r le carbone et l’oxygène [9].Cette méthode a ainsi été employée p<strong>ou</strong>r caractériser des éléments légers dans des objetsen bronze et obtenir des informations n<strong>ou</strong>velles sur les technologies d’é<strong>la</strong>boration utiliséesdans les t<strong>ou</strong>tes premières métallurgies.Figure 8Les méthodes NRA et PIGE : on envoie<strong>un</strong> faisceau d’ions de haute énergie etl’on sonde les noyaux des atomes.*Un rayonnement γ est <strong>un</strong>e émission de photons de haute énergie.La méthode ERDAL’analyse <strong>par</strong> détection des atomes de recul ERDA (E<strong>la</strong>stic Recoil Detection Analysis) estutilisée principalement p<strong>ou</strong>r le dosage d’éléments légers comme l’hydrogène.ERDA, comment ça marche ?Cette méthode a été initialement mise au point au moyen d’<strong>un</strong> faisceau d’ions incidents re<strong>la</strong>tivementl<strong>ou</strong>rds ( 35 Cl de 30 MeV), et <strong>par</strong> <strong>la</strong> suite a été optimisée afin de doser l’hydrogène àl’aide d’<strong>un</strong> faisceau d’hélium de quelques MeV. La cinématique est <strong>la</strong> même que p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> RBSmais cette fois-ci, on s’intéresse non plus aux <strong>par</strong>ticules rétrodiffusées mais aux « atomes derecul » émis aux angles avant.Dans le cas du dosage de l’hydrogène, le faisceau incident de <strong>par</strong>ticules α induit des protonsde recul mais aussi <strong>un</strong> nombre important de <strong>par</strong>ticules α diffusées vers l’avant. Il faut doncsé<strong>par</strong>er ces contributions qui se superposent sur le p<strong>la</strong>n énergétique en p<strong>la</strong>çant devant ledétecteur <strong>un</strong> mince film de polymère qui stoppe les <strong>par</strong>ticules les plus l<strong>ou</strong>rdes.Cette technique permet de mesurer des phénomènes d’hydratation à <strong>la</strong> suite d’altération deverre <strong>ou</strong> de quartz dans des milieux archéologiques <strong>ou</strong> dans les musées [10].24


ABSpectre PIXEhaute énergied’éléments traces<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>Spectre PIXE basse énergied’éléments majeurs<strong>par</strong>fois ap<strong>par</strong>aître s<strong>ou</strong>s l’effetd’<strong>un</strong> faisceau de protons.2.2.2. La méthode RBS, p<strong>ou</strong>rles objets d’art métalliquesL’utilisation de <strong>la</strong> techniqueRBS a été développée sur<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> caractérisationdes alliages métalliques. Lacaractérisation des matériauxdu « sabre des empereurs» conservé au Muséedu Château de Fontainebleauen est <strong>un</strong>e bonne illustration(Figure 11). Ce sabre, certainementle plus beau de t<strong>ou</strong>sceux ayant ap<strong>par</strong>tenu à Napoléon,est dit sabre des Empereursen raison des nomsdes empereurs romains etdu Saint-Empire gravés enallemand sur <strong>la</strong> <strong>la</strong>me. Lasomptueuse monture et lef<strong>ou</strong>rreau en or, cristal deroche et <strong>la</strong>pis-<strong>la</strong>zuli ont étécommandés <strong>par</strong> le Directoirep<strong>ou</strong>r en faire cadeauau général Bona<strong>par</strong>te, vainqueurdes Autrichiens enItalie, après le traité deCampo-Formio (1797). L’homogénéitéde l’alliage surt<strong>ou</strong>te <strong>la</strong> profondeur analysée(de l’ordre de 10 μm) a étéc<strong>la</strong>irement démontrée <strong>par</strong>RBS : il ne s’agit pas d’argentdoré comme on p<strong>ou</strong>vait éventuellementle penser maisd’<strong>un</strong> objet en or massif.2.2.3. Combiner PIXE et PIGE,p<strong>ou</strong>r analyser <strong>la</strong> peintureC’est en combinant lesméthodes d’analyse PIXE etPIGE qu’il a été possible p<strong>ou</strong>rles chercheurs de l’équipe deFigure 10A) Le Christ à <strong>la</strong> colonne,Bartolomé Esteban Murillo ;H. : 0,33 m ; L. : 0,30 m ; Muséedu L<strong>ou</strong>vre, Dé<strong>par</strong>tements despeintures, Inv. 932. B) SpectresPIXE avec deux détecteurs p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong>détection des éléments majeurs etdes traces.Figure 11A) Sabre des Empereurs, ayantap<strong>par</strong>tenu à Napoléon I er ; <strong>la</strong>meallemande du XVII e siècle, gravée d<strong>un</strong>om des Empereurs romains et duSaint Empire romain germanique(Inv. F1996.1(1)), 1797, L. : 0,950 m.B) Spectres RBS montrantl’épaisseur importante de l’ordans le sabre des empereurs ;en com<strong>par</strong>aison, mesure sur <strong>un</strong>estatuette khmère en bronze doré.AB20Énergie (MeV)1,0 1,5 2,0 2,5 3,0F<strong>ou</strong>rreau, sabreStatuette khmèreRendement normalisé15105HeCuAu0100 200 300 400 500Canal27


La chimie et l’artFigure 12A) Stèle hellénistique d’Alexandrie,Musée du L<strong>ou</strong>vre (MA3645).B) Localisation des pointsd’analyse <strong>par</strong> PIXE/PIGE sur<strong>un</strong>e stèle permettant ensuite<strong>un</strong>e reconstitution virtuelle desc<strong>ou</strong>leurs originelles. C) Exemplede spectre PIXE. D) Exemple despectre PIGE. On observe lesraies d’émission du s<strong>ou</strong>fre etde l’oxygène lorsque l’on est enprésence d’<strong>un</strong> sulfate (ici, sulfatede strontium = célestine).mieux comprendre les techniquespicturales employéesp<strong>ou</strong>r réaliser <strong>la</strong> peinture destèles hellénistiques déc<strong>ou</strong>vertesà Alexandrie (Égypte),datées du III e siècle av. J.-C.et conservées au Musée duL<strong>ou</strong>vre et au Musée d’archéologienationale à Saint-Germain en Laye [15]. Ils’agit de stèles f<strong>un</strong>éraires(Figure 12) de forme rectangu<strong>la</strong>ireen calcaire où étaitreprésenté le mort dans<strong>un</strong>e situation de <strong>la</strong> vie quotidienne: homme <strong>ou</strong> femmeau banquet, mercenaire enarme avec <strong>un</strong> serviteur, etc.Les peintures ne n<strong>ou</strong>s sont<strong>par</strong>venues que s<strong>ou</strong>s formefragmentaire. L’analyse deminuscules prélèvements aumicroscope électronique àba<strong>la</strong>yage n’a été possible quedans de rares cas, essentiellementp<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> c<strong>ou</strong>leurde fond. La diffraction desrayons X a précisé les phasesminérales.P<strong>ou</strong>r documenter plus précisémentcet ensembled’œuvres très altérées, seule<strong>un</strong>e méthode non invasivep<strong>ou</strong>vait être employée : desmesures ont été effectuéesABCRendement (log)Célestine de<strong>la</strong> t<strong>un</strong>iquemarron +oxyde de fersur plâtre degypseManteau r<strong>ou</strong>geoxyde de fersur plâtre degypseDRendementCarbonatede plomb duvêtement gris +bleu égyptienÉnergieÉnergie (kev)28


directement en PIXE et PIGEà l’aide d’<strong>un</strong> faisceau extraitde deutons afin de déterminerles pigments employésà <strong>par</strong>tir de <strong>la</strong> compositionen éléments légers (C, O, S)et plus l<strong>ou</strong>rds (en <strong>par</strong>ticulierles métaux présents dansles pigments). Ces analysesont montré l’utilisation d’<strong>un</strong>etechnique inédite employanttrès fréquemment du sulfatede strontium (appelé célestine)mé<strong>la</strong>ngé à différentspigments c<strong>la</strong>ssiques (oxydede fer, bleu égyptien (voirle Chapitre d’après <strong>la</strong> conférencede J.-P. Mohen), céruse)<strong>ou</strong> plus rares et considéréscomme coûteux (orpimentAs 2S 3et cinabre HgS), <strong>ou</strong>jamais identifiés jusqu’à présent(mimétite et vanadinite,<strong>un</strong> arséniate et <strong>un</strong> vanadatede plomb).Ces différentes matièrespermettaient aux artisansd’obtenir des c<strong>ou</strong>leurs trèsvariées et lumineuses. Parfois,<strong>la</strong> céruse et <strong>la</strong> célestineétaient mé<strong>la</strong>ngées aux pigments,sans d<strong>ou</strong>te p<strong>ou</strong>r obtenirdes nuances plus d<strong>ou</strong>ceset plus nombreuses. Le fonddes peintures p<strong>ou</strong>vait êtrec<strong>la</strong>ir <strong>ou</strong> coloré en bleu, vert,ja<strong>un</strong>e vif, orange vif, etc. Lesanalyses ont permis de tenter<strong>un</strong>e reconstitution de l’aspectoriginel de ces œuvres et donnent<strong>un</strong>e vision n<strong>ou</strong>velle de <strong>la</strong>peinture alexandrine, connueessentiellement <strong>par</strong> les critiquesde certains auteursantiques qui lui reprochaientson aspect clinquant. Il estainsi possible de mieux comprendrecomment cette peinturea marqué <strong>un</strong> t<strong>ou</strong>rnantentre les œuvres des artistesgrecs de <strong>la</strong> période c<strong>la</strong>ssiqueet <strong>la</strong> peinture romaine.3<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> grandit :le développementd’<strong>un</strong>e ligne de faisceauextrait à l’airDurant les dix premièresannées d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, les chercheursdu LRMF se sontefforcés d’adapter cet accélérateurde <strong>par</strong>ticules àl’analyse des œuvres desmusées. C’est ainsi que,pas à pas, ils ont modifiéle dispositif de dé<strong>par</strong>t, en<strong>vue</strong> d’améliorer les performanceset <strong>la</strong> facilité d’utilisationde l’ap<strong>par</strong>eil.Dès 1990, <strong>la</strong> s<strong>ou</strong>rce derayonnement et le dispositifd’injection ont été transformésp<strong>ou</strong>r obtenir <strong>un</strong>emeilleure fiabilité et délivrerles intensités de c<strong>ou</strong>rantde faisceau suffisantesp<strong>ou</strong>r exploiter les techniquesd’analyse <strong>par</strong> faisceaux d’ions(Encart « Les faisceaux d’ionsfont <strong>par</strong>ler <strong>la</strong> matière »). En<strong>par</strong>allèle débutait <strong>un</strong> projetde microsonde nucléaire quiavait p<strong>ou</strong>r but de caractériserdes échantillons avec<strong>un</strong>e résolution de l’ordre dumicromètre, <strong>un</strong>e sensibilitébien supérieure à celle d’<strong>un</strong>microscope électronique et<strong>la</strong> possibilité de c<strong>ou</strong>pler lesméthodes d’analyse <strong>par</strong> faisceauxd’ions.Ce sont ces développementsqui ont conduit à <strong>la</strong> réalisationd’<strong>un</strong> dispositif original :le micro-faisceau extraità l’air. N<strong>ou</strong>s allons décrireici les grandes étapes decette réalisation : t<strong>ou</strong>t adébuté avec le macrofaisceauextrait, suivi de <strong>la</strong> lignemicro-faisceau s<strong>ou</strong>s vide,puis finalement <strong>la</strong> fusion deces lignes...<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>29


La chimie et l’artFigure 13L’analyse <strong>par</strong> faisceau extraitdu scribe accr<strong>ou</strong>pi du musée duL<strong>ou</strong>vre a permis de déterminer <strong>la</strong>nature des pigments, enduits etconstituants de l’œil et du visage.3.1. La ligne de faisceauextrait à l’air : <strong>un</strong> dispositiforiginal3.1.1. Les premières s<strong>ou</strong>rcesde rayonnement d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>Au t<strong>ou</strong>t début, <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> possédaitdeux lignes de faisceau :<strong>la</strong> première était dotée d’<strong>un</strong>echambre s<strong>ou</strong>s vide. Maisp<strong>ou</strong>r analyser des objets tropfragiles <strong>ou</strong> trop encombrantsp<strong>ou</strong>r être p<strong>la</strong>cés dans cettechambre s<strong>ou</strong>s vide, il en fal<strong>la</strong>it<strong>un</strong>e autre : ce qu’on appelle<strong>la</strong> ligne de faisceau extrait(Figure 13). Une fine feuille dematière permet de maintenirle vide dans l’accélérateurt<strong>ou</strong>t en <strong>la</strong>issant les <strong>par</strong>ticulessortir dans l’air : p<strong>ou</strong>rles protons, on emploie dans<strong>un</strong> premier temps <strong>un</strong> film dekapton (<strong>un</strong> polymère stableet fin, de 8 μm d’épaisseur) ;p<strong>ou</strong>r les deutons, des feuillesmétalliques de zirconium (de2 μm d’épaisseur).La ligne de faisceau extraità l’air est décrite en détaildans l’Encart « Le faisceauextrait à l’air : comment çamarche ? ».3.1.2. Des mesures de plusen plus précisesLes ingénieurs et chercheursont <strong>par</strong> <strong>la</strong> suite amélioré letransport du faisceau jusqu’àl’objet à analyser. P<strong>ou</strong>r cefaire, ils ont remp<strong>la</strong>cé l’airsur le chemin des <strong>par</strong>ticulesextraites <strong>par</strong> de l’hélium. Cedéveloppement fut conduiten 1995, simultanémentavec <strong>un</strong>e amélioration de <strong>la</strong>géométrie d’extraction, grâceà <strong>la</strong> conception d’<strong>un</strong> n<strong>ou</strong>veausystème plus compact, réaliséen <strong>la</strong>iton (au lieu du dural dansles cas précédents), ce qui apermis de limiter le bruit defond lors de l’utilisation d’<strong>un</strong>faisceau de deutons. L’extrémitéfut équipée d’<strong>un</strong>e pièceconique creuse en aluminium,chemisée en carbone p<strong>ou</strong>réviter également le signal defluorescence des rayons Xproduit <strong>par</strong> les élémentsl<strong>ou</strong>rds présents dans l’alliage.Cette dernière pièce assure<strong>un</strong> flux continu d’hélium surle trajet aller du faisceau ;elle comportait également<strong>un</strong>e micro-vanne à boisseautélécommandée qui permetde contrôler régulièrement30


LE FAISCEAU EXTRAIT À L’AIR : COMMENT ÇA MARCHE ?P<strong>ou</strong>r analyser des objets fragiles et de grande tailleLa première version de cette ligne de faisceau extrait à l’air a permis des analyses avec<strong>un</strong> faisceau de 1 mm de diamètre, le positionnement des objets <strong>ou</strong> des échantillons étanteffectué à <strong>par</strong>tir de moteurs X, Y, Z p<strong>la</strong>cés sur <strong>un</strong> chevalet permettant le dép<strong>la</strong>cement d’objetsre<strong>la</strong>tivement volumineux. La zone analysée est visualisée depuis <strong>la</strong> salle de contrôle<strong>par</strong> <strong>un</strong> marqueur vidéo superposé à l’image de l’objet. Le problème principal p<strong>ou</strong>r utiliserce dispositif à des fins d’analyse quantitative résidait, jusqu’en 1993, dans <strong>la</strong> difficulté demesurer le c<strong>ou</strong>rant reçu <strong>par</strong> l’échantillon. De multiples solutions avaient été développéesdans divers <strong>la</strong>boratoires (chopper, raie de l’argon, cage de Faraday dans l’air p<strong>ou</strong>r des objetsminces). Dans notre cas, n<strong>ou</strong>s avons mis au point <strong>un</strong>e méthode de mesure de l’intensité dufaisceau à <strong>par</strong>tir du nombre de <strong>par</strong>ticules rétrodiffusées <strong>par</strong> <strong>la</strong> feuille de sortie, et recueillies<strong>par</strong> <strong>un</strong> détecteur à barrière de surface (Figure 14, détecteur P3). Avec ce dispositif, on mesureaisément des c<strong>ou</strong>rants aussi faibles que <strong>la</strong> dizaine de picoampères. L’échantillon se tr<strong>ou</strong>ve à22 mm de <strong>la</strong> feuille de sortie. Le diamètre du faisceau extrait est défini <strong>par</strong> <strong>un</strong> collimateur dediamètre compris entre 100 μm et 2,5 mm.<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>ABFigure 14A) Schéma de principe du système PIXE, avec deux détecteur Si(Li), l’<strong>un</strong> d’entre eux, le détecteur X1, estprotégé des <strong>par</strong>ticules rétrodiffusées <strong>par</strong> <strong>un</strong> déflecteur magnétique (aimant permanent) et de l’héliumest flué sur le trajet des rayons X p<strong>ou</strong>r faciliter <strong>la</strong> détection des éléments légers. Le détecteur X2, de plusgrandes dimensions, permet <strong>la</strong> détection des traces. B) Dessin du « nez » d’extraction du faisceau à l’air(échelle de 5 cm).le flux de <strong>par</strong>ticules reçu <strong>par</strong>l’échantillon.Par ailleurs, p<strong>ou</strong>r diminuerl’atténuation des rayons Xde faible énergie et doncaugmenter <strong>la</strong> sensibilitéde l’analyse des élémentslégers, <strong>un</strong> flux régulier d’hélium(deux litres <strong>par</strong> minute)est amené sur <strong>la</strong> zone dupoint d’analyse. Ce remp<strong>la</strong>cementde l’air <strong>par</strong> l’hélium31


La chimie et l’art32diminue également <strong>la</strong> dispersionangu<strong>la</strong>ire du faisceau de<strong>par</strong>ticule et le spectre n’estplus <strong>par</strong>asité <strong>par</strong> le signal del’argon atmosphérique.Enfin, <strong>un</strong>e améliorationnotable de <strong>la</strong> précision d’analyse: en mettant en p<strong>la</strong>cedeux mini-<strong>la</strong>sers dont le pointd’intersection matérialise <strong>la</strong>zone à analyser, <strong>la</strong> viséedes échantillons s’en tr<strong>ou</strong>vaaméliorée (avec <strong>un</strong>e précisionde positionnement de l’ordrede +/- 150 μm !).3.1.3. Des conditions d’analysesde plus en plus confortablesUne autre amélioration techniqueapportée <strong>par</strong> l’équipepermet à présent de conduireles expériences sans nécessitéd’obscurité complète :<strong>un</strong>e mince c<strong>ou</strong>che de carbone(de 50 μg/cm²) aj<strong>ou</strong>tée audétecteur permet de protéger<strong>la</strong> fenêtre ultramince contre <strong>la</strong>lumière visible.3.1.4. Comment faire le tri dans<strong>la</strong> j<strong>un</strong>gle des signaux détectés,p<strong>ou</strong>r <strong>un</strong>e meilleure résolutiond’image ?Lorsqu’on analyse <strong>un</strong> objet,dont <strong>la</strong> composition chimiqueest s<strong>ou</strong>vent loin d’êtresimple, on détecte simultanémentdes élémentstrès concentrés et d’autresprésents à l’état de traces…Difficile d’y voir c<strong>la</strong>ir. On nep<strong>ou</strong>vait donc pas effectuerd’analyses <strong>par</strong> PIXE en faisceauextrait aussi rapidementque s<strong>ou</strong>haité. En effet, durantl’irradiation, les élémentsmajoritaires produisent <strong>un</strong>très fort signal de rayons Xqui sature le détecteur, maisils sont également <strong>par</strong>fois àl’origine de <strong>par</strong>ticules rétrodiffuséesqui perturbent lesdétecteurs.La solution était dans <strong>un</strong>déflecteur magnétique, quel’équipe conçut en 1994. L’ap<strong>par</strong>eilest capable de dévierles <strong>par</strong>ticules rétrodiffusées<strong>par</strong> <strong>la</strong> cible, ce qui a <strong>un</strong> effetspectacu<strong>la</strong>ire sur <strong>la</strong> qualitédes spectres : <strong>un</strong>e très bonnerésolution en énergie a<strong>un</strong>iveau du détecteur, même àfort taux de comptage, ce quipermet désormais de réduireles temps d’analyse. De plus,<strong>la</strong> détection d’éléments aussilégers que le fluor et l’oxygèneest maintenant possible(grâce à <strong>un</strong> déflecteur magnétiquecompact de 50 mmde long, constitué d’aimantsper manents Nd-Fe-B et m<strong>un</strong>id’<strong>un</strong> entrefer de 3 mm. Lechamp magnétique de 0,9 Tproduit défléchit complètementles protons de 3 MeV).Ces nombreuses modifications,qui ont fait appel à <strong>la</strong>créativité de <strong>la</strong> petite équipede chercheurs du LRMF, ontfini <strong>par</strong> ab<strong>ou</strong>tir en 1995 à<strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du dispositiffinal d’analyse en modePIXE.Ce dispositif é<strong>la</strong>boré estencore en service auj<strong>ou</strong>rd’hui :les données sont recueillies<strong>par</strong> l’intermédiaire de deuxdétecteurs Si(Li), l’<strong>un</strong> collecte<strong>la</strong> <strong>par</strong>tie basse énergie duspectre de rayons X émiscorrespondant aux élémentslégers, l’autre <strong>la</strong> <strong>par</strong>tie hauteénergie s’étendant jusqu’à40 keV. Ce dernier, de surfaceplus importante (30 mm²), estéquipé de filtres permettantd’éliminer les rayons X provenantdes éléments légerss<strong>ou</strong>vent présents en fortesconcentrations.


3.2. La ligne de microfaisceau,p<strong>ou</strong>r des analysesencore plus finesMais ingénieurs et chercheursont encore amélioré <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, endéveloppant <strong>un</strong> t<strong>ou</strong>t n<strong>ou</strong>veaudispositif : <strong>la</strong> ligne de microfaisceau(voir <strong>la</strong> descriptiondans l’Encart « La ligne demicro-faisceau : <strong>un</strong>e technologietrès avancée »). Cedispositif é<strong>la</strong>boré a permis defocaliser le faisceau d’ions surt<strong>ou</strong>t objet p<strong>la</strong>cé s<strong>ou</strong>s vide, avec<strong>un</strong>e taille aussi minuscule quele micromètre ! Cette ligne futinstallée en 1991 et le premiermicro-faisceau a été produitdébut mai 1992.Il est alors non seulementpossible d’utiliser les différentesméthodes d’analyse<strong>par</strong> faisceaux d’ions, maisaussi de détecter les électronssecondaires émis p<strong>ou</strong>robtenir <strong>un</strong>e image topographiquede l’objet, commedans <strong>un</strong> microscope électroniqueà ba<strong>la</strong>yage. Il est égalementpossible d’effectuer de<strong>la</strong> microscopie à ba<strong>la</strong>yage <strong>par</strong>transmission d’ions (STIM)dans le cas d’échantillons trèsminces, de quelques micromètres.LA LIGNE DE MICRO-FAISCEAU : UNE TECHNOLOGIETRÈS AVANCÉELes choix techniques p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> conception de cette microsondeont fait <strong>la</strong>rgement appel à des solutions épr<strong>ou</strong>véeset standardisées : fentes, lentilles et chambre d’OxfordMicrobeams p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> focalisation avec <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’<strong>un</strong><strong>par</strong>tenariat de recherche avec Geoff Grime, Universitéd’Oxford). Une attention <strong>par</strong>ticulière a été portée sur lesystème anti-vibrations afin d’isoler le système de focalisation,<strong>la</strong> chambre d’analyse et les fentes objets des vibrationshautes fréquences produites <strong>par</strong> les pompes à vide.Dans notre dispositif, les fentes objets sont sé<strong>par</strong>ées dusystème de focalisation et de <strong>la</strong> chambre d’analyse <strong>par</strong> <strong>un</strong>edistance de 6 mètres. Chac<strong>un</strong> de ces éléments repose surdeux blocs de calcaire massif (600 kg) entre lesquels sontinsérées des p<strong>la</strong>ques de polystyrène de 25 mm d’épaisseur.Cet ensemble constitue <strong>un</strong> filtre en fréquence mécaniquedestiné à absorber les vibrations externes (Figure 15).<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>3.3. La construction d’<strong>un</strong>eligne n<strong>ou</strong>velle de microfaisceauextraitMalgré ses performances etson intérêt, le micro-faisceauétait très peu utilisé jusqu’en1997 (1 % du temps de faisceauen 1995). Cette désaffections’expliquait en <strong>par</strong>tie <strong>par</strong>les défauts du dispositif : lesystème d’acquisition présentaitcertaines défail<strong>la</strong>nces et ilétait difficile de pointer le faisceausur l’échantillon étudié.Figure 15La ligne de micro-faisceau dans les <strong>la</strong>boratoires du L<strong>ou</strong>vre.En revanche, on utilisait plusvolontiers <strong>la</strong> ligne de faisceauextrait, du fait de sa <strong>par</strong>faiteadéquation aux contraintesinhérentes aux objets demusées. La nécessité d’évitert<strong>ou</strong>s les prélèvements <strong>ou</strong>mise s<strong>ou</strong>s vide des objetsavait conduit à développer33


La chimie et l’artd’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, notamment en termesde résolution : en utilisantcomme fenêtre de sortie<strong>un</strong>e fine feuille d’aluminium(0,75 μm), on est <strong>par</strong>venu àdiminuer le diamètre du faisceauà environ 20 μm en r<strong>ou</strong>tine,en p<strong>la</strong>çant l’objet à 3 mmde <strong>la</strong> fenêtre, s<strong>ou</strong>s <strong>un</strong>e atmosphèred’hélium. Une telle taillede faisceau permet désormaisd’analyser de plus petitsdétails tels que des inclusionsdans les gemmes <strong>ou</strong> les enluminures.3.3.2. Une diversificationdes méthodes d’analysede très haute résolution34Figure 16Le physicien Joseph Salomon meten p<strong>la</strong>ce <strong>un</strong> objet dans le dispositifde faisceau extrait à l’air.<strong>un</strong>e ligne expérimentalespécifique, dont les évolutionsont été décrites précédemment.En 1997, le peu d’intérêtrencontré <strong>par</strong> <strong>la</strong> ligne microsondeet l’intérêt d’améliorer<strong>la</strong> résolution spatialedes analyses sur <strong>la</strong> ligne defaisceau extrait a conduitl’équipe à fusionner les deuxlignes, afin d’obtenir <strong>un</strong>micro-faisceau extrait d’<strong>un</strong>etaille de l’ordre de 50 μm,bien mieux adapté à l’analyselocale des objets de musées(Figure 16).3.3.1. Des mesuresencore plus finesCette fusion fut <strong>un</strong> progrèsdécisif p<strong>ou</strong>r les performancesCe n<strong>ou</strong>veau dispositif aégalement permis demettre en œuvre lesautres techniques d’analyse<strong>par</strong> faisceaux d’ions :RBS avec faisceau de <strong>par</strong>ticulesα, NRA avec des deutonset même ERDA avec desα. Il a p<strong>ou</strong>r ce<strong>la</strong> été nécessairede réduire encore <strong>la</strong> quantitéde matière employée p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong>fenêtre d’extraction du faisceau.En effet, <strong>la</strong> traversée <strong>par</strong>les <strong>par</strong>ticules d’<strong>un</strong>e fenêtred’extraction de quelquesmicromètres d’épaisseur induit<strong>un</strong>e forte dispersion deleur énergie et <strong>un</strong>e augmentationdu diamètre du faisceau.La disponibilité de fenêtresde sortie de faisceau ultraminces de nitrure de silicium(100 nm d’épaisseur) a permisde réaliser des mesures RBSà pression atmosphériqueavec <strong>un</strong> faisceau d’ions d’héliumd’énergie de 2 à 6 MeV,avec <strong>un</strong>e résolution en énergiesatisfaisante (quelques dizainesde keV avec <strong>un</strong> détecteurau silicium à barrière de surfacec<strong>ou</strong>rant, contre environ15 keV s<strong>ou</strong>s vide).


ABRendement normaliséÉnergie (MeV)1,0 1,5 2,0 2,5 3,0200Référence non exposéeexposition de 6 mois15010050<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>0100 200 300 400 500Canal3.3.3. Le dispositif faitses preuves dans le domainede l’ArtCe n<strong>ou</strong>veau dispositif s’estrévélé être <strong>un</strong> <strong>ou</strong>til intéressantp<strong>ou</strong>r l’histoire desœuvres d’art, mais égalementp<strong>ou</strong>r leur conservation.Au c<strong>ou</strong>rs de ses premièresapplications, il a permis decaractériser des patinesformées sur des alliagescuivreux (voir le Chapitre deS. Descamps-Lequime), ainsique l’altération de sceaux enplomb associés aux bulles desPapes d’Avignon (Figure 17A)et conservés aux ArchivesNationales [16]. Il est devenupossible, au moyen de moniteursen plomb p<strong>la</strong>cés dansles vitrines, de diagnostiquerpréventivement l’altérationdes objets métalliques,de comprendre certainsmécanismes de corrosionatmosphérique et d’évaluerl’influence des micro-climatset des polluants de l’air intérieursur les œuvres p<strong>ou</strong>rsélectionner les meilleuresconditions de conservation(Figure 17B).3.3.4. Dresser descartographies desœuvres d’artEt si l’on p<strong>ou</strong>vait recueillirà <strong>la</strong> sortie d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, non plusdes signaux <strong>ou</strong> des spectrescomplexes, mais <strong>un</strong>e imagesur <strong>la</strong>quelle ap<strong>par</strong>aîtraitdirectement l’œuvre d’art ?Ceci est maintenant possiblecar l’équipe est <strong>par</strong>venueà réaliser <strong>un</strong>e microsondecapable d’effectuer des cartographiesde ré<strong>par</strong>tition d’éléments,grâce à <strong>un</strong> systèmed’acquisition multi<strong>par</strong>amétrique,et il suffit alors dedép<strong>la</strong>cer l’objet pas à pasdevant le faisceau.Cette tr<strong>ou</strong>vaille ingénieusea été appliquée à des peinturesmurales (Figure 18) <strong>ou</strong>des papyrus égyptiens, desexemples <strong>par</strong>mi bien d’autres.Dans de tels cas, <strong>la</strong> duréed’<strong>un</strong>e acquisition est compriseentre <strong>un</strong>e et trois heures, p<strong>ou</strong>rdes zones p<strong>ou</strong>vant être trèspetites (de l’ordre du millimètre)<strong>ou</strong> de plus grandetaille (quelques dizaines decentimètres de côté).Figure 17A) Sceau en plomb du PapeHonorius III, Archives Nationalesde France. B) Spectres RBS( 3 He 2+ 3 MeV) de deux c<strong>ou</strong>pons deplomb, l’<strong>un</strong> juste nettoyé, l’autreexposé six mois à <strong>la</strong> corrosionatmosphérique : on observe <strong>la</strong>formation d’<strong>un</strong>e c<strong>ou</strong>che oxydée dequelques micromètres d’épaisseur.35


La chimie et l’art36Figure 18Cartographie PIXE des pigmentssur <strong>un</strong>e représentation romaine devisage (Musée de Metz) : l’analyserévèle les quantités de pigmentsja<strong>un</strong>es et r<strong>ou</strong>ges employés p<strong>ou</strong>rréaliser les nuances de c<strong>ou</strong>leur,mais aussi <strong>la</strong> présence d’<strong>un</strong>pigment à base de cuivre (bleuégyptien) sur les paupièresinférieures. Des problèmes deconservation rendent invisibles cestraces de pigments. Un exemplemieux conservé et com<strong>par</strong>able aété retr<strong>ou</strong>vé à Pompéi.L’archéologie s’est tr<strong>ou</strong>véeégalement bien servie <strong>par</strong>cette possibilité de cartographierles objets. L’étudedes fards égyptiens en est<strong>un</strong>e illustration intéressante.Comme n<strong>ou</strong>s le voyons endétail dans le Chapitre deC. Amatore, <strong>la</strong> galène (PbS) est<strong>un</strong> minéral naturel reconnucomme <strong>un</strong>e matière premièreimportante des cosmétiqueségyptiens. Le but des chercheursest de reconstituerp<strong>ou</strong>r comprendre certainesrecettes de pré<strong>par</strong>ation desfards égyptiens. En brû<strong>la</strong>nt<strong>un</strong> textile imbibé d’huile, lesanciens modifiaient <strong>la</strong> surfacede <strong>la</strong> galène <strong>par</strong> oxydation, etdes phénomènes d’irisationap<strong>par</strong>aissaient, conférant à<strong>la</strong> p<strong>ou</strong>dre grise <strong>un</strong> joli aspectdoré <strong>ou</strong> bleuté selon l’épaisseurde <strong>la</strong> c<strong>ou</strong>che de sulfate[17]. Afin d’étudier <strong>la</strong> vitessed’oxydation de <strong>la</strong> galène àl’air, on a construit <strong>un</strong> f<strong>ou</strong>rp<strong>ou</strong>vant atteindre 700 °C, etdes analyses <strong>par</strong> RBS ont puêtre effectuées. Ce dispositifconsiste essentiellement en<strong>un</strong>e <strong>la</strong>mpe halogène m<strong>un</strong>ied’<strong>un</strong> miroir <strong>par</strong>aboliquechauffant <strong>un</strong>e p<strong>la</strong>que métalliquedans <strong>la</strong>quelle est logél’échantillon face au faisceauextrait.4<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> auj<strong>ou</strong>rd’huiGrâce aux nombreux développementsque n<strong>ou</strong>s venons devoir, et qui n’ont cessé d’augmenterle champ d’étude desœuvres des musées, <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>f<strong>ou</strong>rnit auj<strong>ou</strong>rd’hui jusqu’à10 000 analyses <strong>par</strong> an auxchercheurs français et européens,<strong>par</strong>fois sur les œuvresles plus précieuses desmusées !De nombreux chercheurs se<strong>par</strong>tagent l’utilisation de cettemachine, <strong>un</strong>ique au monde et<strong>par</strong>ticulièrement sollicitée :• 35 % p<strong>ou</strong>r les utilisateurs duC2RMF sur programme ;• 20 % p<strong>ou</strong>r les activitésde service du C2RMF (sansprogrammation) ;• 15 % p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> maintenancede l’accélérateur ;


• 10 % p<strong>ou</strong>r des chercheursfrançais extérieurs auC2RMF ;• 20 % p<strong>ou</strong>r les projets enaccès transnational financés<strong>par</strong> l’intermédiaire desprogrammes européensEu-Artech et Charisma.Les activités non programméescorrespondent notammentà des études visant àauthentifier certains objets.Ce fut le cas notamment p<strong>ou</strong>rl’analyse d’<strong>un</strong>e tête en verrebleu coiffée d’<strong>un</strong>e perruquebleu foncé du Musée duL<strong>ou</strong>vre, estimée datant de <strong>la</strong>fin de <strong>la</strong> XVIII e dynastie (inv.E11568) (Figure 19). Depuisson entrée au L<strong>ou</strong>vre en 1923,en pleine « t<strong>ou</strong>tânkhamomanie», <strong>la</strong> sculpture, d’<strong>un</strong>egrande séduction, conquitimmédiatement le public etdevint <strong>un</strong> fleuron du dé<strong>par</strong>tementdes Antiquités égyptiennes.Sa notoriété futtrès grande. Cependant, sonanalyse stylistique s’avéraitcomplexe avec <strong>un</strong>e ambiguïtédu style, qui <strong>par</strong>ticipait à <strong>la</strong>fois de l’esprit du style T<strong>ou</strong>tânkhamonet de l’art amarnien 8 .Grâce aux analyses <strong>par</strong> PIXEassociées au PIGE (p<strong>ou</strong>raccéder à <strong>la</strong> mesure de <strong>la</strong>teneur d’origine en sodium duverre authentique), le d<strong>ou</strong>tea pu être levé et cette œuvredoit désormais être considéréecomme moderne. Lacomposition chimique des8. L’art amarnien se caractérise<strong>par</strong> <strong>un</strong>e représentation des personnages,surt<strong>ou</strong>t de <strong>la</strong> familleroyale, qu’on a qualifiée d’expressionniste<strong>ou</strong> de caricaturale. Lapériode amarnienne correspondau règne du pharaon Akhénaton(vers 1355 à 1337 av. J.-C.), tandisque le règne de T<strong>ou</strong>tânkhamons’étend de 1345 à 1327 av. J.-C.deux verres de <strong>la</strong> tête bleueprésente en effet t<strong>ou</strong>tes lescaractéristiques des verresmodernes employés à <strong>par</strong>tirdu XVIII e siècle. Ces verressont des silicates alcalinsessentiellement sodiquespossédant de fortes teneursen plomb et en arsenic. Less<strong>ou</strong>rces sodiques ne sontpas d’origine végétale et cesverres sont opacifiés principalement<strong>par</strong> de très petitscristaux d’arséniates deplomb ré<strong>par</strong>tis avec <strong>un</strong>e trèsforte densité dans <strong>la</strong> matricevitreuse. Si cet objet avaitété authentique, on n’auraittr<strong>ou</strong>vé ni arsenic ni plomb ensi grande quantité, ni opacifiantd’antimonate de calcium[18]. Par ailleurs, les réactionsnucléaires produitessur le noyau de fluor ontpermis de montrer que lefaussaire avait employé del’acide fluorhydrique p<strong>ou</strong>rFigure 19Analyse d’<strong>un</strong>e tête en verre bleue<strong>par</strong> faisceau extrait à l’air.<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>37


La chimie et l’art38modifier l’état de surfacedu visage et le rendre plusrugueux et sombre – luiconférant ainsi <strong>un</strong> aspectancien ! (voir aussi l’encart« La chimie « dénonce » l’artifice,<strong>la</strong> déc<strong>ou</strong>verte d’<strong>un</strong>faux », du Chapitre d’après <strong>la</strong>conférence de J.-P. Mohen).La procédure d’acquisitiondes données développée <strong>par</strong>l’ingénieur Laurent Pichonpermet auj<strong>ou</strong>rd’hui <strong>un</strong> accèsrapide au dispositif analytique,et des non-experts destechniques peuvent aisémentréaliser leurs mesures. Lagéométrie du système defaisceau extrait et l’électroniqued’acquisition multivoiesest telle qu’on peut faire ensimultané <strong>un</strong>e mesure PIXE,PIGE, RBS <strong>ou</strong> NRA à conditionque <strong>la</strong> physique le permette,réduisant ainsi le temps d’irradiationsur <strong>un</strong> même pointet ainsi les dommages potentielssur l’œuvre.Ces innovations sont trèsimportantes dans le domainegénéral de l’analyse <strong>par</strong> faisceauxd’ions, au-delà de l’applicationaux matériaux dupatrimoine culturel.5<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> s’exporte ets’agrandit encoreL’expérience acquise <strong>par</strong>l’équipe est reconnue du pointde <strong>vue</strong> technique et amèneles chercheurs et ingénieursdu gr<strong>ou</strong>pe à être sollicitésp<strong>ou</strong>r conseiller des <strong>la</strong>boratoiress<strong>ou</strong>haitant développerde telles activités dans ledomaine de <strong>la</strong> caractérisationdes matériaux anciens, <strong>par</strong>exemple récemment en Italie,en Autriche, en Belgique, enGrèce <strong>ou</strong> aux États-Unis. Cetteexpertise a également conduit<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> à devenir <strong>un</strong> instrumentd’accès européen, <strong>ou</strong>vert auxchercheurs, conservateurs,restaurateurs, archéologueset scientifiques qui apportentet <strong>par</strong>tagent aut<strong>ou</strong>r d’<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>leurs expertises et leursproblématiques. Des chercheursétrangers, provenantd’<strong>un</strong>e quinzaine de pays différentsont ainsi été accueillisdepuis 2005. Cette action,menée dans le cadre du 6 eprogramme p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> recherchede l’Union Européenne, est <strong>un</strong>des fondements de l’infrastructureintégrée Eu-Artech,qui se p<strong>ou</strong>rsuit maintenants<strong>ou</strong>s <strong>la</strong> forme de <strong>la</strong> n<strong>ou</strong>velleinfrastructure CHARISMAjusqu’à fin 2013.En <strong>par</strong>allèle de ces développementset du service offertaux utilisateurs, l’équipe<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> s’est engagée depuis<strong>un</strong>e dizaine d’année dansd’autres projets de constructionde prototypes originaux,tels que <strong>la</strong> fluorescence desrayons X portable, <strong>la</strong> diffractiondes rayons portable, <strong>la</strong>microdiffraction X, <strong>la</strong> fluorescenceX 3D. Ces instruments,installés dans <strong>la</strong> salle de l’accélérateur,ont bénéficié dusavoir-faire déployé lors de<strong>la</strong> construction de <strong>la</strong> ligne defaisceau extrait à l’air.6<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> demain<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> et <strong>la</strong> salle où il se tr<strong>ou</strong>veont auj<strong>ou</strong>rd’hui vingt ans etdoivent être rénovés. À cetteoccasion, <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> p<strong>ou</strong>rrait êtrecomplété dans les prochainesannées <strong>par</strong> <strong>un</strong>e n<strong>ou</strong>vellemachine, appelée ThomX,basée sur l’effet « Comptoninverse » (l’interaction entre


<strong>un</strong> paquet d’électrons et <strong>un</strong>« pulse <strong>la</strong>ser » intense). Cetten<strong>ou</strong>velle instal<strong>la</strong>tion seraitconstituée d’<strong>un</strong> accélérateurd’électrons avec <strong>un</strong> anneaucompact de stockage et <strong>un</strong>ecavité optique <strong>la</strong>ser p<strong>ou</strong>robtenir t<strong>ou</strong>te <strong>un</strong>e gamme derayons X monochromatiqueset cohérents al<strong>la</strong>nt de 6 keVà 90 keV [19]. ThomX est enc<strong>ou</strong>rs de conception <strong>par</strong> leLaboratoire de l’accélérateurlinéaire d’Orsay (LAL, CNRS-UMR8607) et le SynchrotronSoleil avec notammentle CELIA (CNRS-UMR5107,Université de Bordeaux) etTHALES. Sa constructionbénéficierait de l’avance technologiquefrançaise dans ledomaine des cavités <strong>la</strong>sers dehaute puissance.Ce projet global de modernisation,appelé <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> 2, a étédéfini à <strong>la</strong> suite de l’étude, <strong>par</strong><strong>un</strong> comité scientifique internationalconstitué en juin 2007,de différentes propositions dedéveloppement des instal<strong>la</strong>tionsd’analyse non invasiveau Centre de recherche et derestauration des musées deFrance. Ce comité a apportéen janvier 2009 son s<strong>ou</strong>tienenvers le p<strong>la</strong>n de modernisationde l’accélérateur <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong> etdu complexe instrumental quil’ent<strong>ou</strong>re, ainsi que <strong>la</strong> co-localisationdans ce <strong>la</strong>boratoire de<strong>la</strong> s<strong>ou</strong>rce ThomX, permettantle développement de capacités<strong>un</strong>iques dans l’imagerie,ainsi que l’analyse de structureet chimique. Il lui estap<strong>par</strong>u que <strong>la</strong> combinaisonde ces deux accélérateurs, ausein d’<strong>un</strong> <strong>la</strong>boratoire <strong>un</strong>iquedédié à l’analyse non invasivedes œuvres d’art et installédans l’enceinte de sécuritédu Musée du L<strong>ou</strong>vre, créeraitles conditions du développementd’<strong>un</strong>e n<strong>ou</strong>velle méthoded’examen tridimensionnelledes œuvres des musées,c<strong>ou</strong>plée à <strong>la</strong> science des matériaux.Cette approche scientifiquepermettra de réaliserde n<strong>ou</strong>velles études décisivesp<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> compréhension destechniques des artistes, p<strong>ou</strong>rl’expertise en histoire de l’artet p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong> conservation desœuvres les plus précieuses.On ne peut que s<strong>ou</strong>haiterlongue vie à <strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>…<strong>Ag<strong>la</strong>é</strong>, <strong>ou</strong> <strong>la</strong> <strong>Beauté</strong> <strong>vue</strong> <strong>par</strong> <strong>la</strong> <strong>Science</strong>39


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La chimie et l’artCréditsphotographiquesFig. 5 : CNRS Photothèque/C2RMF/C. Alexis, UMR 171– Laboratoire du centre derecherche et de restauration desmusées de France – Paris.

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