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Performance d'un ski de course : structure ... - Mediachimie.org

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<strong>Performance</strong>d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> :<strong>structure</strong> composite et glissesur neigeNicolas Puget <strong>Performance</strong> d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> :<strong>structure</strong> composite et glisse sur neigeNicolas Puget est ingénieurmatériaux composites, responsabledu développement <strong>de</strong>matériel <strong>de</strong> <strong>course</strong>, <strong>de</strong> larecherche avancée et <strong>de</strong> l’innovation<strong>de</strong>s matériaux <strong>de</strong> <strong>course</strong>du groupe Rossignol.Ce chapitre sur les performancesd’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> meten évi<strong>de</strong>nce les relations entrela nature <strong>de</strong>s différents matériauxcomposites utilisés poursa fabrication, la technicité <strong>de</strong>leur assemblage, et le comportementobtenu dont la glissesur neige. Nous verrons queles difficultés technologiquesà résoudre pour élaborerces <strong>structure</strong>s compositesfont appel à une large partie<strong>de</strong>s thèmes abordés danstrois autres chapitres <strong>de</strong> cetouvrage : sur les matériauxcomposites pour le sport(Y. Rémond et J.-F. Caron), lesapports <strong>de</strong> la chimie pour leconfort et les performances(F. Roland) et sur les revêtementscomplexes antifriction(C. Lory).De nombreux champions <strong>de</strong><strong>ski</strong> utilisent le matériel quenous allons décrire (Figure 1).On compte parmi eux unepartie <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> Franceprésente aux Jeux olympiquesd’hiver à Vancouver en 2010,avec notamment les bellesmédailles obtenues dans lesépreuves <strong>de</strong> Biathlon parMarie-Laure Brunet et MartinFourca<strong>de</strong>. Jean-BaptisteGrange, blessé dès le début<strong>de</strong> saison, n’a pas pu participeraux Jeux olympiques,mais il avait brillammentremporté le Globe <strong>de</strong> slalomen 2009. Viennent ensuiteJulien Lizeroux, <strong>de</strong>uxièmedu classement mondial<strong>de</strong> slalom en 2010 ; DidierDefago, champion olympique<strong>de</strong> <strong>de</strong>scente à Vancouver ;Ted Ligety, l’Américain qui aencore dominé cette saisonla discipline du slalom géant,et enfin Vincent Vittoz qui abrillamment réussi en début<strong>de</strong> saison 2010.1Les matériauxcomposites pour le <strong>ski</strong>Comme l’illustre l’ouvrage Lachimie et le sport, <strong>de</strong> nombreux


<strong>de</strong> la neige et aux rayuresdues aux pierres ; sa limiteélastique contribue à la tenuedu <strong>ski</strong> aux gran<strong>de</strong>s déformations,et leur affutage permetl’accroche du <strong>ski</strong> sur la glace ;- au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la semelle, unecouche <strong>de</strong> composite avec unrenfort verre/époxy ; ce stratifiéverre/époxy, déjà décritdans le Chapitre d’Y. Rémon<strong>de</strong>t J.-F. Caron, est le matériaucomposite par excellence(plus largement utilisé queles fibres <strong>de</strong> carbone), pourrépondre au problème <strong>de</strong>sgran<strong>de</strong>s déformations mécaniquesque rencontre le <strong>ski</strong>pendant son utilisation ;- dans les <strong>ski</strong>s <strong>de</strong> compétition,on trouve un noyau en bois,car le bois est un formidablematériau composite naturel(microfibres <strong>de</strong> cellulose,matrice 57 <strong>de</strong> lignine, décritsdans le Chapitre d’Y. Rémon<strong>de</strong>t J.-F. Caron). La technique<strong>de</strong>s lamellés-collés permetd’orienter les fibres <strong>de</strong> cecomposite pour mécaniseret apporter <strong>de</strong>s bénéfices enperformance par rapport à <strong>de</strong>sâmes en mousse type polyuréthaneou autres qui ne possè<strong>de</strong>ntpas les mêmes qualités<strong>de</strong> nervosité et <strong>de</strong> transmission<strong>de</strong>s appuis ;- <strong>de</strong>s renforts en alliagesd’aluminium associés auxrenforts verre/époxy pourconstituer <strong>de</strong>s <strong>structure</strong>s« fibro-métal ». Ces alliagesentrent largement dans lacomposition <strong>de</strong> nos <strong>ski</strong>spour leurs caractéristiquesisotropes 58 et leur comportementvibratoire ;57. Matrice : terme utilisé pourdécrire l’ensemble <strong>de</strong> l’environnementchimique d’un objet.58. L’isotropie caractérisel’invariance <strong>de</strong>s propriétés- les zones <strong>de</strong> transmission :ce sont <strong>de</strong>s parois verticalesappelées chants, qui peuventêtre en ABS 59 ou en matièresphénoliques ;- la couche thermoplastique<strong>de</strong> décoration : elle joueégalement un rôle <strong>de</strong> protection(coups et rayures, tenueaux UV), qui est dans le casprésent une bicouche ABS etpolyuréthane (ABS+TPU).Avec le collage <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong> ces matériaux, le <strong>ski</strong> luimême<strong>de</strong>vient un compositecomplexe !1.2. Les constituants du<strong>ski</strong>, un composite <strong>de</strong> hauteperformance1.2.1. La résine époxyCette résine thermodurcissableest largement utiliséedans l’intégralité <strong>de</strong> nos<strong>ski</strong>s, qu’ils soient alpins ounordiques (<strong>ski</strong> <strong>de</strong> fond ou sautà <strong>ski</strong>), sans oublier le snowboard(décrit dans le Chapitred’Y. Rémond et J.-F. Caron).La résine est issue <strong>de</strong> la polymérisationdu diglycidylétherdu bisphénol A (DGEBA), luimêmeobtenu par la réactiondu bisphénol A avec l’épichlorohydrine; ce DGEBA estensuite mélangé à un durcisseurqui déclenche la polymérisationet conduit à unecolle dont une <strong>de</strong>s référencescommerciales est appeléeAraldite ® (Figure 3).physiques d’un milieu dans toutesles directions.59. ABS = Acrylonitrile ButadièneStyrène : c’est un copolymèrepolyphasé constitué d’un copolymèreacrylonitrile et styrène, avec<strong>de</strong>s nodules <strong>de</strong> butadiène noyésdans la matrice acrylonitrile/styrène.Le polybutadiène apporte <strong>de</strong>la résistance aux chocs et assouplitle polystyrène-acrylonitrile.<strong>Performance</strong> d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> : <strong>structure</strong> composite et glisse sur neige213


La chimie et le sport214HOFigure 3Une résine époxy commel’Araldite ® résulte <strong>de</strong> polymérisationdu DGEBA, issu <strong>de</strong> la réaction dubisphénol A avec l’épichloridrine,molécule qui appartient à la famille<strong>de</strong>s époxy<strong>de</strong>s (d’où le nom« résine époxy »).Figure 4CH 3CH 3bisphénol AOLes fibres <strong>de</strong> verre entrent dansla composition <strong>de</strong> nombreuxmatériaux, notamment dans lesport : perches d’athlétisme, <strong>ski</strong>s,planches <strong>de</strong> surf, etc.OH+CH 3CH 3DGEBAAralditeOClépichloridrinedurcisseurOPour les applications au <strong>ski</strong>,cette résine possè<strong>de</strong> surtoutles avantages suivants :- un bon collage <strong>de</strong>s métauxet <strong>de</strong>s polymères, notammentceux à faible tension<strong>de</strong> surface (notion expliquéedans le Chapitre <strong>de</strong>P. Letellier) comme le polypropylèneou le polyéthylène.Cette propriété est importantecar ces polymères, prisisolément, sont difficilesà coller ;- un faible retrait après polymérisation: la stabilité dimensionnelle<strong>de</strong>s nos produits esttrès importante : les lignes <strong>de</strong>cotes <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s sont réglées àquelques dixièmes <strong>de</strong> millimètreset la conformitégéométrique est évi<strong>de</strong>mmentun critère <strong>de</strong> qualité et donc<strong>de</strong> performance à la sortie <strong>de</strong>nos moules <strong>de</strong> fabrication ;- <strong>de</strong> bonnes caractéristiquesmécaniques : le cisaillementet la limite élastiqueélevés <strong>de</strong> la résine époxy (voirla Figure 9) permettent <strong>de</strong>générer <strong>de</strong> très bonnes caractéristiquesmécaniques sur lecomposite final.1.2.2. La fibre <strong>de</strong> verreLa fibre <strong>de</strong> verre (Figure 4) estun filament <strong>de</strong> verre pouvantrenforcer <strong>de</strong> nombreux matériauxcomposites largementutilisés aujourd’hui. On utilisela fibre <strong>de</strong> verre E, différente<strong>de</strong>s fibres <strong>de</strong> verre utiliséesdans l’aéronautique (verre Rou verre S). Les composantschimiques <strong>de</strong> la fibre <strong>de</strong> verreE sont entre autres : la silice(SiO 2), l’alumine (Al 2O 3), lachaux (CaO), la magnésie(MgO) et l’oxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> bore (B 2O 3).Le mélange est fondu dans unfour à 1 500 °C puis passe àtravers une filière. Les fibresobtenues sont traitées dansune opération importanteappelée l’ensimage, un traitement<strong>de</strong> surface <strong>de</strong>stiné àfaciliter les opérations ultérieures<strong>de</strong> transformation ou<strong>de</strong> mise en œuvre (voir l’Encart: « L’ensimage, un traitement<strong>de</strong> surface pour unemeilleure cohésion »). On enmontrera par la suite toutel’importance pour l’interfacefibre/matrice et ses conséquences.Puis les fibres sonttissées pour optimiser lesgrammages (la <strong>de</strong>nsité), cequi a une inci<strong>de</strong>nce sur lepoids final et permet aussid’optimiser les orientations<strong>de</strong>s fibres afin d’améliorer lescaractéristiques mécaniquesen flexion et torsion (Figure 5).1.2.3. Les rôles <strong>de</strong>s résinesépoxy mises en œuvredans la fabrication <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>sLa résine époxy a <strong>de</strong>ux fonctionsdans le <strong>ski</strong>. La premièreest d’imprégner et <strong>de</strong> stratifierles fibres <strong>de</strong> verrepour constituer le compositeverre/époxy (Figure 6). La<strong>de</strong>uxième est <strong>de</strong> coller lesdifférents composants entreeux pour assurer une bonne


cohésion dans la <strong>structure</strong>du <strong>ski</strong>. Cette phase vise àobtenir une compatibilitéfibre/matrice très importantepour le composite. LaFigure 6 montre une coupeobservée au microscope d’unstratifié fibres <strong>de</strong> verre/résineépoxy. Le collage <strong>de</strong> cesfibres avec la résine doit êtrele meilleur possible et cettequalité dépend <strong>de</strong> la compatibilité<strong>de</strong> la surface <strong>de</strong>s fibresavec la matrice.Le rôle <strong>de</strong> l’ensimage évoquéprécé<strong>de</strong>mment (Figure 7) estjustement d’améliorer cettecompatibilité. Contrairementà l’exemple d’un matériauutilisé dans les casques <strong>de</strong>moto (voir le Chapitre d’Y.Rémond et J.-F. Caron) – où lebut est d’affaiblir les liaisonsà l’interface fibre/matriceafin <strong>de</strong> libérer <strong>de</strong> l’énergie aumoment d’un choc –, ici l’objectifest inverse : le but est <strong>de</strong>créer <strong>de</strong>s liaisons covalentessoli<strong>de</strong>s à l’interface entre larésine et la fibre, capables<strong>de</strong> résister à <strong>de</strong>s déformationstrès importantes, à <strong>de</strong>svibrations, à <strong>de</strong>s chocs, pour<strong>de</strong>s températures qui peuventaller <strong>de</strong> 0 à -30 °C. Il faut doncassurer une très bonne cohésion,une très bonne tenue <strong>de</strong>la matrice autour <strong>de</strong> la fibre.C’est la fonction <strong>de</strong>s agents<strong>de</strong> pontage aminosilanesadsorbés sur la fibre lors <strong>de</strong>l’ensimage qui conduiront,par réaction chimique, à <strong>de</strong>sliaisons très soli<strong>de</strong>s avec lesrésines (Encart : « L’ensimage,un traitement <strong>de</strong> surface pourune meilleure cohésion »).Pour étudier <strong>de</strong> près cescaractéristiques <strong>de</strong> collageentre fibre et matrice, untest dit <strong>de</strong> fragmentationest réalisé en laboratoireafin <strong>de</strong> connaître la carac-téristique d’une fibre uniqueimprégnée <strong>de</strong> résine. Puison s’intéresse au compositecomplet en procédant à <strong>de</strong>stests <strong>de</strong> traction ou <strong>de</strong> flexionsur le tissu <strong>de</strong> fibre <strong>de</strong> verreimprégné <strong>de</strong> résine. L’applicationd’une traction sur cettefibre permet <strong>de</strong> caractériser<strong>de</strong>s distances d’interfragmentset <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> décohésion(zones où le matériauperd <strong>de</strong> sa cohésion, Figure 8).Les résultats obtenus sur cesfibres élémentaires permettentensuite <strong>de</strong> porter unpronostic sur les caractéristiquesmécaniques du compositeverre/époxy final, ce quiest très important pour ledéveloppement <strong>de</strong> nouveauxrenforts composites (combinantsoit <strong>de</strong> nouvelles fibres,soit une nouvelle matrice,Figure 5Élaboration <strong>de</strong> fibres <strong>de</strong> verre :un mélange composé <strong>de</strong> silice,d’alumine, <strong>de</strong> chaux, <strong>de</strong> magnésieet d’oxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> bore est fondudans un four à 1 500 °C avant <strong>de</strong>passer à travers une filière. Aprèsensimage, les fibres obtenues sonttissées et optimisées selon lescaractéristiques recherchées.Figure 6EnsimageBobinageFour 1500° CFilièreCoupe d’un stratifié verre/époxyimprégné pour assurer la cohésion<strong>de</strong>s couches <strong>de</strong> matériauxcomposites.<strong>Performance</strong> d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> : <strong>structure</strong> composite et glisse sur neige215


La chimie et le sport218Figure 12L’opération <strong>de</strong> sablage apporte unerugosité importante aux carres enacier.Figure 13L’utilisation <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s (<strong>ski</strong>s alpins,<strong>ski</strong>s nordiques, ou snowboard)implique <strong>de</strong>s conditions aux limitessévères – grands déplacements,contraintes élevées (températurescomprises entre 0 °C et -30 °C)…– qui ne doivent pas menerl’assemblage à la rupture.Aacier sont sablés 61 : on voitsur la Figure 12 l’importance<strong>de</strong> la rugosité apportée à cecomposant en acier par cetteopération <strong>de</strong> sablage. Sans cetraitement, il serait difficile d’ycoller un morceau <strong>de</strong> polyéthylène.Notons que les traces<strong>de</strong> ce sablage assez prononcéseront ensuite complètementéliminées par polissage <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux facettes extérieures <strong>de</strong>scarres pendant la phase <strong>de</strong>finition <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s.On doit aussi mettre en œuvreune opération <strong>de</strong> ponçageet <strong>de</strong> flammage 62 du polyéthylènehaute <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>la semelle pour nettoyerla surface et lui permettred’acquérir <strong>de</strong>s points d’ancragepour les adhésifs quilui seront présentés ultérieurement.C’est une opérationindustrielle assez élémentaire,mais sans laquelle nousne pourrions pas coller soli<strong>de</strong>menttous les morceaux61. Le sablage est une techniqueindustrielle <strong>de</strong> nettoyage <strong>de</strong>ssurfaces, utilisant un abrasifprojeté à gran<strong>de</strong> vitesse à l’ai<strong>de</strong>d’air comprimé au travers d’unebuse sur le matériau à décaper.62. Le flammage est uneexposition à une flamme oxydantegénérée par la combustion d’unhydrocarbure, afin d’introduire<strong>de</strong>s fonctions polaires dans lesmolécules à la surface du matériauet interagir avec les fonctionsprésentes dans les adhésifs.Bqui composent un <strong>ski</strong> (voirFigure 15).1.3. Efforts et déformationsappliqués aux <strong>ski</strong>sL’intérêt <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong>scollages et <strong>de</strong>s matériaux misen œuvre dans la fabrication<strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s est lié aux contraintesmécaniques extrêmes quileur sont imposées. Quelquesphotos permettent d’imaginerl’amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s déformationsque subissent les <strong>ski</strong>s dansleurs conditions habituelles,normales, d’utilisation encompétition (Figure 13) ; ils nes’agit pas ici <strong>de</strong> cas <strong>de</strong> chutespour lesquels les <strong>ski</strong>s auraientà résister à <strong>de</strong>s déformationset <strong>de</strong>s efforts mécaniquesbien plus importants encore.La sévérité <strong>de</strong>s conditions auxlimites imposées au matérielimpliquent une parfaitemaîtrise <strong>de</strong>s paramètres <strong>de</strong>conception (dimensionnementdu <strong>ski</strong>) et <strong>de</strong>s contrôles réguliers<strong>de</strong>s composants pourmaîtriser la qualité. En effet,les performances mécaniques<strong>de</strong>s matériaux utilisés sontcontrôlées sur éprouvettes enlaboratoire, et également àl’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> tests <strong>de</strong>structifs sur<strong>ski</strong>. Citons les tests <strong>de</strong> casse enflexion trois points qui permettent<strong>de</strong> vérifier les valeurs <strong>de</strong>rupture et <strong>de</strong> délaminage.Sur la Figure 13A, le <strong>ski</strong>eurréceptionne un saut légèrementsur les talons <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s :ces conditions aux limitessont reproduites dans le test<strong>de</strong> la Figure 14. Le <strong>ski</strong> doitêtre capable <strong>de</strong> supporterune déformation importantesans casser. Pour <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s <strong>de</strong>compétition, on a pu atteindreune flèche maximale <strong>de</strong>120 mm sous un effort d’unetonne sans que le <strong>ski</strong> ne casse.


Voilà ainsi démontré le lienentre une forte cohésion <strong>de</strong>la matrice avec ses fibres, <strong>de</strong>bonnes interfaces <strong>de</strong> collage,et l’obtention <strong>de</strong> caractéristiquesmécaniques élevéessur le produit final. Ces performancesillustrent ce que lachimie appliquée aux matériauxcomposites permet <strong>de</strong>réaliser dans le cas d’un <strong>ski</strong>.Après avoir évoqué les relationsentre la nature <strong>de</strong>smatériaux composites et lespropriétés mécaniques d’un<strong>ski</strong>, intéressons-nous maintenantà la glisse et aux matériauxet/ou aux traitementsqui vont la favoriser.2La glisseUne paire <strong>de</strong> <strong>ski</strong> alpin glisseà <strong>de</strong>s vitesses <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>20 à 40 m/s ; la glisse s’opèreà l’interface <strong>de</strong> la semelleet <strong>de</strong> la neige. Les vitesses<strong>de</strong> déplacements sont trèsimportantes, le régime estdonc transitoire : c’est unesuccession <strong>de</strong> chocs, d’accélérations; l’interface <strong>de</strong> glisse nerencontre jamais <strong>de</strong> conditionsstables et continues. En fait, le<strong>ski</strong> ne glisse pas directementsur la neige mais sur un filmd’eau créé entre la semelleet la neige. Le phénomèneest complexe car il combine<strong>de</strong>s paramètres très variablesentre le <strong>ski</strong>eur, le matériel etson environnement : le <strong>ski</strong>eurpossè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s qualités intrinsèques<strong>de</strong> glisse variablesselon les individus tels queson poids, sa position aérodynamique,ainsi que l’aptitu<strong>de</strong> àdoser le relâchement musculairedans un effort intense. LeFigure 14Au cours d’un test, une flècheexerce une pression sur un <strong>ski</strong>pour évaluer sa résistance.Figure 15Frittage et flammage d’unesemelle en polyéthylène.<strong>Performance</strong> d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> : <strong>structure</strong> composite et glisse sur neigePoudre <strong>de</strong> polyéthylèneAdittifs (noir <strong>de</strong> carbone,lubrifiants, colorants)Presse <strong>de</strong> frittageModule métalTranchageCylindre PEhd frittéConditionnementFlammage219


La chimie et le sport222sous la surface <strong>de</strong> glisse etl’apparition d’un phénomène<strong>de</strong> succion empêchant laglisse. C’est la raison pourlaquelle une fois l’étape <strong>de</strong>polissage terminée, on réaliseune opération <strong>de</strong> structuration,à l’image <strong>de</strong> ce qui est faitsur les pneumatiques, maisen utilisant <strong>de</strong>s ponceusesà contrôle numérique pourgénérer <strong>de</strong>s microrugositésorientées (Figure 17C). Cesmicrorugosités permettentd’optimiser la surface :la surface obtenue est anisotrope66 : elle est orientée dansle sens <strong>de</strong> la glisse afin <strong>de</strong>générer et évacuer ce filmd’eau lors du déplacementdu <strong>ski</strong>eur. Les paramètreset motifs <strong>de</strong> structurationvarient pour s’adapter auxdifférents types <strong>de</strong> neige 67 .2.2.1. Différents types<strong>de</strong> neigeLa première difficulté est<strong>de</strong> caractériser les types <strong>de</strong>neige. Ils sont très nombreux,les différentes formes <strong>de</strong>cristaux sont bien répertoriéeset classées. La difficultérési<strong>de</strong> dans la variation <strong>de</strong>ce matériau neige : les cristauxévoluent d’un sta<strong>de</strong> à unautre, du jour au len<strong>de</strong>main,entre le haut et le bas <strong>de</strong> lapiste, et selon l’exposition <strong>de</strong>la piste,… Ce sont donc <strong>de</strong>sparamètres supplémentaires66. L’anisotropie est le contraire<strong>de</strong> l’istropie (voir note 58).67. Cette structuration est réaliséeen usine, cet état <strong>de</strong> surfaceest donc figé pour une paire <strong>de</strong><strong>ski</strong>. Ce qui implique en compétition,à l’image <strong>de</strong>s pneumatiquesdans les sports mécaniques,<strong>de</strong> disposer <strong>de</strong> plusieurs paires<strong>de</strong> <strong>ski</strong>s avec <strong>de</strong>s structurations<strong>de</strong> semelles typées pour différentesconditions <strong>de</strong> neige.à prendre en compte et quipoussent aujourd’hui à privilégierla mise au point <strong>de</strong>semelles polyvalentes. L’objectifest non seulement <strong>de</strong>mettre au point le matérielle plus adapté possible surl’ensemble d’un tracé maiségalement sur l’ensembled’une saison. En effet, lesneiges d’Amérique du Nord,d’Europe, <strong>de</strong> Scandinavie,d’Asie… ont toutes leurs spécificitésliées aux climats <strong>de</strong> ceszones (température, hygrométrie,ensoleillement…).2.2.2. Différents types<strong>de</strong> structurationLes structurations apportéesaux semelles <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s permettentà la fois <strong>de</strong> générer, d’entreteniret d’évacuer le filmd’eau afin <strong>de</strong> rester dans lazone optimale du graphique <strong>de</strong>la Figure 16, où les frottementssont moindres. Le principereste le même pour préparerla semelle d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> fond.Une différence élémentaireest que sa surface <strong>de</strong> glissene possè<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> carres, etqu’une grosse rainure centralepermet d’évacuer l’eau et <strong>de</strong>donner un aspect directionnelet guidant au <strong>ski</strong>. Les microsillons<strong>de</strong> la structuration sontplus fins et plus resserrés carles vitesses sont nettementinférieures à celles atteintesen <strong>ski</strong> alpin.Les micro-topographies sontréalisées au laboratoire afin<strong>de</strong> caractériser, par <strong>de</strong>s paramètres<strong>de</strong> rugosité, les différentsétats <strong>de</strong> surface. Lesstructurations sont réaliséespar <strong>de</strong>s ponceuses numériquesqui assurent la reproductibilité<strong>de</strong>s motifs. Lanature <strong>de</strong>s meules, la géométrie<strong>de</strong>s diamants utilisés,


ainsi que les paramètres <strong>de</strong>rotation et <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>ces motifs, font l’objet <strong>de</strong> plansd’expériences afin d’optimiserla performance en glisse <strong>de</strong>smicrorugosités obtenues.2.3. Le traitement<strong>de</strong> la surface <strong>de</strong> glisseLe matériau polyéthylène estdéjà un matériau hydrophobeà faible tension interfaciale (ausujet <strong>de</strong> la tension interfaciale,voir le Chapitre <strong>de</strong> P. Letellier)et les microrugosités augmententelles aussi la capillarité(effet « lotus ») <strong>de</strong> la semelle.Les farts ont pour objectifd’entretenir et d’augmenterle caractère hydrophobe <strong>de</strong> lasemelle dans toutes les conditions<strong>de</strong> neige. Ces produitsd’entretien et <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>surface <strong>de</strong> la semelle sont <strong>de</strong>sbases <strong>de</strong> paraffine : on trouveprincipalement <strong>de</strong>s hydrocarbureset quelques fluorocarbures,car le fluor améliorele caractère hydrophobe. Cescaractéristiques peuvent êtremises en évi<strong>de</strong>nce grâce àun test <strong>de</strong> mouillabilité dynamique.La Figure 18 représenteune goutte d’eau qui glisse surun plan incliné. Cette goutteest déposée sur la semelle,dans un premier temps à plat,on attend l’établissement <strong>de</strong>l’équilibre puis la semelleest progressivement inclinéeafin d’observer et <strong>de</strong> mesurerl’angle critique <strong>de</strong> décrochage,l’angle au retrait et l’angle àl’avancée. La différence entrel’angle à l’avancée et l’angleau retrait constitue l’« hystérésis<strong>de</strong> mouillabilité 68 », qui68. Un exemple typiqued’hystérésis <strong>de</strong> mouillabilité estdonné par le fonctionnement<strong>de</strong>s essuie-glaces qui laissentun film d’eau très fin sur lescaractérise l’hydrophobie<strong>de</strong>s semelles. Malheureusement,pour l’ensemble <strong>de</strong>sraisons évoquées plus haut,le phénomène <strong>de</strong> glisse resteextrêmement complexe, et lesperformances <strong>de</strong> glisse d’un<strong>ski</strong> mesurées sur neige ne sontpas directement corrélées auxrésultats obtenus dans lestravaux précé<strong>de</strong>mment cités.C’est la raison pour laquelleaucun fabricant aujourd’huine dispose d’une machineou simulateur permettant <strong>de</strong>reproduire la glisse d’un <strong>ski</strong>en laboratoire, et que nous nepouvons pas nous passer <strong>de</strong>l’expérience sur le terrain.Ces tests <strong>de</strong> glisse suiventun protocole très précis. Tousles <strong>ski</strong>eurs (anciens compétiteurs)sont munis d’unecombinaison <strong>de</strong> compétitionnormalisée et doivent adopteret reproduire la mêmeposition sur l’ensemble <strong>de</strong>sprototypes testés afin <strong>de</strong>bloquer l’influence <strong>de</strong>s paramètrestels que la perméabilitéà l’air du textile,l’aérodynamisme du <strong>ski</strong>eur,etc. Des plans d’expérience <strong>de</strong>semelles sont alors réalisésdans divers lieux (différentsparamètres matériaux, structurations,farts) afin d’i<strong>de</strong>ntifierles meilleures paires <strong>de</strong><strong>ski</strong>s, et établir par la suite, lesplans <strong>de</strong> production <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s àfournir aux athlètes.pare-brises <strong>de</strong>s automobiles.Une fois que l’eau a mouillé leverre, il est difficile <strong>de</strong> l’essuyer.En revanche, si le pare-brise areçu un traitement spécifique,l’eau <strong>de</strong> pluie sera essuyée avecsuccès. Les angles à l’avancée etau retrait sont les <strong>de</strong>ux valeurscaractérisant l’hystérésis <strong>de</strong>mouillage d’une surface.θrFigure 18αθaAu cours du test <strong>de</strong> mouillabilitédynamique, on mesure troisangles : l’angle d’avancée θa,l’angle au retrait θr et l’anglecritique <strong>de</strong> décrochement α.<strong>Performance</strong> d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> : <strong>structure</strong> composite et glisse sur neige223


La chimie et le sportFigure 19Il est important <strong>de</strong> tester larésistance <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s à l’abrasion afin<strong>de</strong> s’assurer qu’ils supporterontles fortes pressions exercéespar le <strong>ski</strong>eur sur les carres et lasemelle, notamment du fait <strong>de</strong>gran<strong>de</strong>s vitesses et <strong>de</strong> nombreuxvirages, et surtout s’il se trouvesur une piste en neige artificielleinjectée d’eau. De récents travauxsur les poids moléculaires et lesadditifs du polyéthylène ont permisd’augmenter cette résistance àl’abrasion.Glace2.4. La glisse et l’abrasion<strong>de</strong>s semelles2.4.1. Conditions <strong>de</strong> glisseDans la discipline <strong>de</strong> <strong>de</strong>scentesur le circuit <strong>de</strong> la Coupe dumon<strong>de</strong>, les <strong>ski</strong>eurs évoluent<strong>de</strong>puis plusieurs années surun mélange <strong>de</strong> neige et <strong>de</strong>glace (neige glacée aprèsinjection d’eau). Pour le grandpublic, c’est donc une situation<strong>de</strong> « patinoire » inclinée…mais cette préparation <strong>de</strong>piste est préconisée par lesrèglements <strong>de</strong> la FédérationInternationale <strong>de</strong> Skiafin <strong>de</strong> préserver l’équité <strong>de</strong>schances pour tous les participants.Du premier au <strong>de</strong>rnierdossard, l’<strong>org</strong>anisation <strong>de</strong> la<strong>course</strong> doit en effet s’assurerque le support <strong>de</strong> la pistereste le plus dur possible pourne pas se dégra<strong>de</strong>r au fur età mesure <strong>de</strong>s passages <strong>de</strong>sdifférents concurrents. Lesconséquences en sont trèsconcrètes sur le matériel,les semelles étaient jusqu’àprésent mises au point pourglisser sur la neige, ellesdoivent désormais résisteraussi à l’abrasion <strong>de</strong> la glace.Angle <strong>de</strong> prise<strong>de</strong> carre2.4.2. Résistance à l’abrasionLe schéma <strong>de</strong> la Figure 19représente la prise <strong>de</strong> carre du<strong>ski</strong> : lorsque le coureur entreen virage et qu’il se déplaceà une vitesse <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>25 m/s (soit 100 km/h), la forcecentrifuge peut alors atteindre2,5 grammes (2,5 fois l’accélération<strong>de</strong> la gravité terrestre)dans la courbe. Prenonsl’exemple d’un <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>urqui pèse 100 kg : 250 kg <strong>de</strong>pression verticale serontdirectement appliqués sur le<strong>ski</strong>, sur une surface extrêmementréduite (la carre ne posepas <strong>de</strong> problème car elle estextrêmement dure et résisteà l’abrasion). En revanche,les quelques millimètres <strong>de</strong>largeur <strong>de</strong> polyéthylène aucontact <strong>de</strong> la neige sont fortementsoumis à l’abrasion parla glace. Le <strong>ski</strong>eur génèredonc une usure <strong>de</strong> la semelle,notamment sous le pied où lespressions sont maximales. Ilse forme progressivement unecavité longitudinale, la planéitédu <strong>ski</strong> est dégradée et le <strong>ski</strong>eurse retrouve dans une situationdélicate car son <strong>ski</strong> <strong>de</strong>vientplus difficile à contrôler (effet<strong>de</strong> « rail »). Des plans d’expériencesont été menés et<strong>de</strong>s matériaux qui résistentà ces fortes abrasions ontainsi pu être mis au point. Ilssont toujours à base <strong>de</strong> polyéthylène,mais associent <strong>de</strong>sastuces d’élaboration et <strong>de</strong>composition afin d’obtenir lematériau adéquat.224


ConclusionNous venons d’illustrer à quel point la chimieest présente dans un <strong>ski</strong> : les molécules quiinterviennent dans sa fabrication sont diverseset variées, comme en témoigne la Figure 20 quicomplète la Figure 2.L’évolution importante qu’ont connue les <strong>ski</strong>s ces<strong>de</strong>rnières décennies est donc très fortement liéeaux apports <strong>de</strong> la chimie et <strong>de</strong> la physico-chimie<strong>de</strong>s matériaux et <strong>de</strong>s surfaces. Les nouvellesplanches <strong>de</strong> glisse, la quête permanente <strong>de</strong>la meilleure performance, posent toujours <strong>de</strong>nouveaux défis dans lesquels les chimistesauront encore un grand rôle à tenir, pour queplaisir, sécurité et performance puissent êtreharmonieusement associés.<strong>Performance</strong> d’un <strong>ski</strong> <strong>de</strong> <strong>course</strong> : <strong>structure</strong> composite et glisse sur neigeDessus :ABS, TPU, polyami<strong>de</strong>HNOHRenfort :aluminiumChant :ABS ou phénoliqueNoyau :bois lamellé-colléRenfort :aluminiumCarre :acierHORenfort :verre/époxyCH 3CH 3ClSemelle :polyéthylènehaute <strong>de</strong>nsitéHF 3 C CF 2 CF 2 CF 3 *HOHH* nOHFigure 20Résumé <strong>de</strong>s couches qui constituent un <strong>ski</strong>. De manière discrète pour le grand public, mais d’une gran<strong>de</strong>efficacité pour l’industrie : l’évolution technique <strong>de</strong>s <strong>ski</strong>s ces <strong>de</strong>rnières décennies est fortement liée auxnombreux apports <strong>de</strong> la chimie dans la science <strong>de</strong>s matériaux.225


La chimie et le sportCréditsphotographiquesFig. 1 : Agence ZOOM <strong>ski</strong>eurs : A)Marie-Laure Brunet (France),B) Martin Fourca<strong>de</strong> (France),C) Jean-Baptiste Grange(France), D) Julien Lizeroux(France), E) Didier Defago(Suisse), D) Ted Ligety (États-Unis), E) Vincent Vittoz (France).Fig. 4 : Licence CC-NY-SA.NoiseD@<strong>de</strong>.wikipedia.Fig. 5 : Larousse.Fig. 13A : Agence ZOOM<strong>ski</strong>eurs : A) Yannick Bertrand,B) Ted Ligety.Fig. 14 : Skis Rossignol.

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