Trouver les mots justes, aller au-delÃ du malaise - Regroupement.net

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D o s s i e rConcrètement, dans l’école,ça veut dire quoi?Précisons tout d’abord que dans certainsdomaines d’apprentissage (enseignementmoral ou enseignement religieux, science ettechnologie, etc.), des thématiques liées à lasexualité sont intégrées à l’enseignementformel de ces disciplines. Ainsi, au secondaire,l’enseignant de science et technologieaura à informer les jeunes des diversesméthodes contraceptives; l’enseignant d’enseignementmoral, pour sa part, pourradiscuter avec les ados de la signification dusentiment amoureux et des enjeux et motivationsface aux premières relations sexuelles.Cela fait déjà partie du curriculum.Parallèlement à cela, en rapport avec ledomaine général de formation Santé et bienêtre,des thématiques précises seront égalementconsidérées en respectant le niveau dedéveloppement des enfants et des adolescents(voir, à ce propos, le document Éducationà la sexualité dans le contexte de laréforme de l’éducation, publié par le gouvernementdu Québec en 2003; vous pouvezle télécharger sur le site Internet du MELS).Donnons quelques exemples concrets : ausecondaire, l’enseignant d’histoire peut discuterdes perceptions différentes du conceptde beauté selon les époques et les cultures;l’enseignante d’enseignement moral ou religieux,en collaboration avec un ou unesexologue, peut débattre des enjeux morauxet sociaux de la commercialisation indue ducorps dans les médias et de la séductionstrictement sexuelle; la personne responsabledu service d’animation spirituelle et d’engagementcommunautaire peut organiser undébat-midi sur les raisons pour lesquellesnous sommes si fascinés par la beauté et parcette obsession du corps parfait, et discuterdes pièges dans lesquels nous risquons detomber lorsque nous misons uniquement surl’apparence; au laboratoire d’informatique,en collaboration avec le professeur d’arts,les élèves peuvent créer un « corps idéal » àl’aide d’un logiciel et discuter de l’impact dela falsification des images médiatisées sur laperception de notre image corporelle (autantchez les jeunes que chez les adultes); l’infirmièrepeut informer les jeunes au sujet desrisques des diètes excessives sur la croissanceet la santé et discuter de l’évaluation souventtrop sévère qu’ils font de leur propre imagecorporelle en transition; l’enseignant d’éducationphysique peut établir des règles visantà respecter la pudeur des garçons et des fillesdans les vestiaires et le gymnase ou à lapiscine. Ainsi, huit intervenants différentsanalysent une même problématique (l’imagecorporelle) à partir dela réalité des adolescentset y apportentun éclairage lié à leurexpertise. Les jeunesauront donc une vued’ensemble et comprendrontmieux la diversité et la complexitéde la sexualité humaine. Développer lacapacité à faire des liens et à être critique estfondamental en éducation.Le succès de cette formule repose en partiesur la coordination de la procédure. Audépart, les directions d’école furent désignéespour le faire et elles devront œuvrer en collaboration,il va de soi, avec leurs équipesécole.De même, des projets pourronts’arrimer avec le cadre d’intervention proposépar le MEQ (Gouvernement du Québec2003), le projet École en santé (Gouvernementdu Québec 2004) et les compétences etexpertises d’organismes et de professionnelsextérieurs.Dans les anciens cours de FPS, les élèves seretrouvaient souvent avec le même enseignantou la même enseignante pour toutel’année. Si cette personne était compétente,motivée, dynamique et habilitée à en parler,ils avaient ainsi la chance de pouvoir discuterintelligemment et adéquatement de sexualité.À l’inverse, si la personne était visiblementembêtée par cette tâche, limitait considérablementles échanges ou pire, disait desaberrations, c’en était fait pour l’année. J’enprends pour preuve cette situation où unenseignant a dit à des élèves du secondairequ’à la suite d’un « avortement », les fillesprenaient du poids… Une façon bien insidieuseet inopportune de faire passer unmessage orienté concernant l’interruptionvolontaire de grossesse. Une mère qui en avaitété informée par sa fille avait été choquée parce commentaire, mais n’est malheureusementpas intervenue auprès des autorités scolairespour rectifier la situation. Ne devrions-nouspas tous être concernés par une éducationà la sexualité de qualité? De même, lesNe devrions-nous pas tous êtreconcernés par une éducationà la sexualité de qualité?démarches positives et adéquates de lapart d’autres enseignants et intervenants nemériteraient-elles pas d’être soulignées etpartagées? En somme, la collaboration avecd’autres partenaires motivés, volontaires etcompétents dans l’école et le travail enéquipe qui en découlerapermettront aux enfantset aux ados d’avoir unevision plus globale de lasexualité humaine. Ceséchanges amènerontégalement les intervenantsà partager un langage commun, avoirdu soutien, développer des habiletés ettravailler de manière cohérente.Intéressant! Très bien sur papier, direz-vous?Mais y arriveront-ils? En fait, la questionincontournable est la suivante : comment sefait-il, qu’en 2006, il soit toujours si difficilepour une grande proportion d’adultes deparler d’amour et de sexualité aux enfantset aux adolescents?1 re hypothèse :Une vision réductrice de la sexualité a induitdes craintes démesurées face au mandatd’éducation à la sexualité. En effet, si la perceptionde ce qu’est la sexualité se limite à laseule génitalité ou aux relations sexuelles,faire de l’éducation sexuelle, dès lors, nedevient-il pas de l’information anatomiqueou associée principalement à l’agir sexuel?La sexualité touche à diverses dimensions(biologique, sociale et culturelle, psychologiqueet affective, morale, éthique, religieuseet finalement, communicative) et va bienau-delà de l’éducation pubertaire ou de laprévention des infections transmissiblessexuellement et par le sang (ITSS). Elle concernel’ensemble de la personnalité et constituela base de la connaissance de soi et dela relation à l’autre. Élargir notre vision de lasexualité est une première étape importantepour éventuellement considérer une majoritéde ces dimensions dans nos interventions etdévelopper des habiletés certaines à gérernotamment les aspects affectifs.2 e hypothèse :Le fait de parler de sexualité à des enfantset à des adolescents suscite une gêne,un malaise bien légitime. En effet, la difficultéde trouver les mots justes, de discuter de34Vie pédagogique n o 138 Février • Mars 2006
D o s s i e rPhoto : Denis Garonsujets considérés plus intimes, le manque réeld’habiletés pédagogiques ou l’ignoranceconcernant les façons de faire, la crainte dechoquer la sensibilité d’un enfant ou d’unadolescent, celle de faire de l’ingérence,notamment, dans la vie privée des ados, etc.,sont des facteurs qui expliquent le silence oula maladresse des adultes. Il est vrai que laplupart d’entre nous avons connu peud’adultes, lorsque nous étions enfants ouadolescents, qui nous ont parlé simplementet adéquatement de sexualité, ce qui peutexpliquer notre propre difficulté à le faire.Étonnamment, ce malaise semble persistermalgré le recul et malgré que nous ne soyonsplus sous le joug de principes moralisateursstricts. Sans compter que nous sommes bombardéspar de nombreux messages sexuelsmédiatiques qui font office d’éducateurs à lasexualité; ce qui devrait d’ailleurs nous inciterà réagir et à assumer davantage notre rôle.« On veut attendre d’être à l’aise pour en parler,mais il faut en parler pour devenir à l’aise »(St-Jean 1989). Et bien, qu’il existe une abondantelittérature pour nous aider, il nous fautau départ avoir ce désir d’accompagner lesjeunes dans leur quête de sens quant à ceque représente et signifie la sexualité dans lavie des jeunes.3 e hypothèse :Certains adultes hésitent à donner des limitesclaires en matière d’éducation sexuelle depeur d’être perçus comme puritains oumoralisateurs. Les enseignants, par exemple,ont peur de passer pour « vieux jeu », voire« quétaines ». Les parents, quant à eux, neveulent pas, aux yeux de leurs enfants, êtreconsidérés comme étant les plus sévères,être ainsi « la pire des pires des mères »,comme disait une fillette de 12 ans à sa mèrequi refusait qu’elle aille au cinéma avec sespetites copines un soir durant la semaine.S’ajoute à cela la préoccupation de savoir sises propres repères sont adéquats. Lorsqu’onest soi-même en quête de réponses, de cadresde référence, il peut être difficile de prendresa place d’adulte. D’ailleurs, le problème actuelest que l’on considère les enfants commedes adolescents et les adolescents comme desadultes; de plus, certains adultes ne semblentpas eux-mêmes être sortis de leur « crise d’adolescence»! Comme le dit si bien M me Pacom,sociologue : « Où est l’adulte? » (Pacom 2005).Le commentaire d’un jeune garçon de 16 ansconfirme cette situation avec une étonnantelucidité : « Mes parents ne veulent pas êtremes parents, ils ne veulent pas vieillir! ».Être l’adulte dans ce cas-ci, c’est être enmesure de proposer une réflexion et de nepas se limiter à un rôle d’observateur passif.4 e hypothèse :Nous assistons présentement à une explosionde messages, de conduites et de modèles liésà la sexualité. Et on doit bien l’admettre, cesnouveaux phénomènes sexuels auxquels nousfaisons face (cyberpornographie, amitiéssexuelles (fuckfriends), clavardage sexuel,soirées entre jeunes où des pratiques sexuellesexplicites se font en public, vêtements suggestifsdes fillettes, etc.) nous déstabilisent. D’autantplus qu’ils vont à l’encontre des registreshabituels de ce que nous connaissions ouimaginions de la sexualité adolescente, voiremême du développement psychosexueldes enfants. Ainsi, philosophes, sociologues,pédiatres et sexologues qualifient notresociété « d’hypersexualisée » (Schwartz 2000),« d’impudique et d’exhibitionniste » (Jacquet1997), de « société du sexe instantané »(Folscheid 2002), où nous sommes exposés àun incessant « tapage sexuel » (Robert 2005).Et c’est parce que cette surenchère et cettebanalisation de la sexualité nous déstabilisentqu’il faut nous y attarder plus longuement ety réfléchir personnellement et collectivement.En fait, cela nous demande d’être davantageconcernés, voire impliqués, et de nous questionnersur nos perceptions, conceptions etvaleurs, d’aller au-delà de nos peurs et denos malaises, de développer des habiletésréelles à en parler de façon explicite, d’exposernos convictions, de donner du sens etd’indiquer parfois des limites claires. Et surtoutd’être lucides devant ces réalités et de ne pasjouer à l’autruche. Car le silence cautionne.En fait, de plus en plus d’enfants et d’adolescentsse butent à des adultes qui ne prennentplus position.Les habiletés qu’exige une réelleéducation à la sexualitéPour intervenir adéquatement, nous devonsêtre en mesure d’analyser le plus objectivementpossible la situation, considérer l’âge del’enfant ou de l’adolescent, son niveaude développement et de maturité, le contextedans lequel la situation s’est produite ou lapréoccupation a été exposée, les valeurs enjeu, les questions à poser et finalement, lesmessages que nous voulons livrer. Notreintention éducative doit être claire. Nous nepouvons plus nous limiter à transmettre desconnaissances. Il faut aussi travailler la questiondes repères et des limites.Voici deux exemples concretspour illustrer nos propos :1. Tous les jours, une fillette de 8 ans seprésente à l’école maquillée (fond de teint,mascara, rouge à lèvres)et va même retoucherson maquillage durant la récréation. Sa mèrene semble pas y voir là un problème particulier.Est-il normal qu’elle doive déjà, à sonjeune âge, miser sur l’apparence (au lieud’aller jouer avec les autres enfants à larécréation)? De plus, il importe de fairela différence entre « jouer à la madame »en utilisant le maquillage de sa mère, sessouliers et ses bijoux, pour se déguiser, enquelque sorte, et le fait d’outrepasser l’aspectludique pour ainsi dire « devenir la madame ».Le côté imaginatif et projectif de ce jeu esttout à fait normal, mais permettre à cetteenfant de devenir « une adulte » au-delà dujeu pose un réel problème. Soudainement,elle n’apparaît plus comme une fillette de8 ans. Y a-t-il ici un lien à faire avec lephénomène de l’érotisation de l’enfance?Dans un tel cas, il appartient à l’adulte (leparent, l’enseignante ou l’enseignant ou ladirection d’école) d’établir les limites.Vie pédagogique n o 138 Février • Mars 200635
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