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Bernard GAUTHIER - Académie Nationale de Pharmacie

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Lorsque M me Monique ADOLPHE m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> faire l’éloge <strong>de</strong> M. <strong>Bernard</strong> <strong>GAUTHIER</strong>,j’ai été très touchée mais très embarrassée. En effet, je connaissais très bien M. <strong>GAUTHIER</strong>mais <strong>de</strong> façon atypique et j’avais assez peu d’éléments sur sa carrière professionnelle.<strong>Bernard</strong> <strong>GAUTHIER</strong> est né le 2 septembre 1916 à Angers. Il a toujours gardé un attachementtrès prononcé pour son Anjou natal.Rien, a priori, ne le prédisposait à <strong>de</strong>venir pharmacien. C’est sur les conseils du supérieurdu collège Saint-Julien d’Angers dans lequel il a fait ses étu<strong>de</strong>s qu’il a choisi <strong>de</strong> s’inscrire àl’École <strong>de</strong> <strong>Pharmacie</strong>. Le chanoine voyait sans doute son avenir <strong>de</strong>rrière le comptoir d’uneofficine angevine.Le <strong>de</strong>stin en a décidé autrement. En 1937, il passe le concours <strong>de</strong> l’internat <strong>de</strong>s hôpitaux <strong>de</strong>Paris mais ce premier contact avec la capitale ne s’est pas particulièrement bien passé. Cetépiso<strong>de</strong> l’a beaucoup marqué, il en parlait souvent et toujours avec autant d’indignation. Ilvous l’avait d’ailleurs relaté lors <strong>de</strong> l’allocution qu’il a prononcée lors <strong>de</strong> sa prise <strong>de</strong> fonctionscomme Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Académie nationale <strong>de</strong> pharmacie.Rappelons brièvement les faits. Après avoir été dans les premiers à l’issu <strong>de</strong>s épreuvesorales, il fut recalé à la lecture <strong>de</strong> sa copie. Il lui fut fait essentiellement <strong>de</strong>s reproches <strong>de</strong>forme, forme qui lui a-t-on dit ne correspondait pas à l’enseignement dispensé à Paris. Enfintout finit bien, il suivit les conférences d’internat à Paris et fut reçu brillement l’annéesuivante. Mais c’était en 1938, la guerre arriva, il fut affecté à l’hôpital militaire <strong>de</strong>Compiègne. Après sa démobilisation en 1940, il fut interne à Broussais dans le service duprofesseur Marcel Guillot. Le voici, installé à Paris.Pendant sa première année <strong>de</strong> pharmacie à Angers, première année qui à l’époque étaitun stage officinal, il avait commencé une licence <strong>de</strong> sciences physiques à l’Institut catholique.A cette occasion, il avait rencontré Raymond Paul qui <strong>de</strong>vint directeur scientifique <strong>de</strong> Rhône-Poulenc. Il disait lui <strong>de</strong>voir son envie <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> la recherche.Ceci l’a tout naturellement conduit à faire une thèse <strong>de</strong> Doctorat es Sciences physiques. Illa réalisa à l’Institut catholique <strong>de</strong> Paris sous la direction du Pr PALFRAY, spécialiste <strong>de</strong>l’hydrogénation catalytique. Sa thèse qu’il a soutenue en février 1946 avait pour titre« Contribution à l’hydrogénation sélective par le nickel <strong>de</strong> Raney <strong>de</strong> quelques phénols àchaînes non saturées ».Sa carrière professionnelle a commencé chez Théraplix dans l’équipe <strong>de</strong> PierrePOULENC. Dans cette brillante équipe, il s’est formé - je le cite - à la préparation industrielle<strong>de</strong>s médicaments et à leur contrôle. Durant cette pério<strong>de</strong>, il fut cosignataire <strong>de</strong> plusieursbrevets.Ne souhaitant pas suivre la société dans le Loiret - il était <strong>de</strong>venu un vrai parisien - il achangé d’activité et s’est orienté vers ce que nous appelons maintenant la R&D. Après unstage à la <strong>Pharmacie</strong> centrale sous la direction du Pr. Raymond CHARONNAT, il est entré àl’IBF (Industrie Biologique Française) en 1956 dans une équipe qui compta au moins quatremembres <strong>de</strong> l’Académie nationale <strong>de</strong> <strong>Pharmacie</strong> (René TIXIER, Jacques STORCK, André UZANet <strong>Bernard</strong> <strong>GAUTHIER</strong>). Il dirigea l’équipe recherche et développement ce qui lui donnal’occasion d’optimiser un grand nombre <strong>de</strong> synthèse <strong>de</strong> principes actifs. Il y resta jusqu’à sa1/3


etraire c'est-à-dire plus <strong>de</strong> 20 ans. Il faut dire qu’à cette époque, la mo<strong>de</strong> n’était pas à lamobilité. Il n’était pas rare <strong>de</strong> faire une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> sa carrière - voire toute sa carrière -dans la même entreprise ce qui était un gage <strong>de</strong> stabilité et une preuve <strong>de</strong> compétence.<strong>Bernard</strong> <strong>GAUTHIER</strong> a été élu à l’Académie, section 1, en juin 1958, il n’avait donc que 42ans. En 1973, il en fut secrétaire puis prési<strong>de</strong>nt en 1990. Il est resté un membre très actifjusqu’à ces <strong>de</strong>rnières années.Il a participé à <strong>de</strong> nombreuses commissions. Je citerai la commission <strong>de</strong>s finances, il alongtemps été vérificateur <strong>de</strong>s comptes (<strong>de</strong> 1993 à 2006). Il a également été membre <strong>de</strong> lacommission information et relations publiques et j’en oublie sans doute.Revenons sur sa personnalité. C’est à l’issue <strong>de</strong> sa carrière professionnelle que j’ai connu<strong>Bernard</strong> <strong>GAUTHIER</strong>. Il avait été interne en même temps que mon Père à Broussais pendant laguerre. Lorsqu’il s’est trouvé à la retraite, il lui a <strong>de</strong>mandé s’il pouvait venir en tant quechercheur libre dans le laboratoire. Il souhaitait continuer à travailler dans le domaine qui lepassionnait : la synthèse chimique.Il nous a suivi lors <strong>de</strong> nos divers déménagements à l’intérieur <strong>de</strong> cette Faculté et estpassé <strong>de</strong> la chimie organique à la chimie thérapeutique lorsque, nommée professeur à Amiensdans cette discipline, j’ai rejoint l’UMR CNRS dirigée par le Pr Henri-Philippe HUSSSON.Pendant 30 ans, il est venu quasiment tous les après midis au laboratoire excepté biensur lorsqu’il y avait <strong>de</strong>s séances <strong>de</strong> l’Académie ou que sa présence était requise dans une <strong>de</strong>scommissions auxquelles il a appartenu.Deux parenthèses toutefois. L’une heureuse, l’année où il a présidé notre compagnie,l’autre beaucoup plus triste lorsqu’il s’occupait <strong>de</strong> son épouse très mala<strong>de</strong>.Les premières années, il manipulait et a d’ailleurs publié dans les Annalespharmaceutiques <strong>de</strong>s travaux sur la chimie <strong>de</strong> la quinuclidine, hétérocycle qu’il affectionnaitayant travaillé précé<strong>de</strong>mment sur <strong>de</strong>s dérivés <strong>de</strong> la quinine.Par la suite, il nous a aidé pour les bibliographies. Il aimait beaucoup cela et c’est unexercice dans lequel il excellait. Jusqu’à l’ère <strong>de</strong> l’informatique, il a formé tous les thésards <strong>de</strong>l’équipe et <strong>de</strong> nombreux stagiaires à la manipulation du Beilstein. Cet ouvrage <strong>de</strong> référence enmatière <strong>de</strong> bibliographie chimique était assez complexe à utiliser sous sa forme papier. Deplus, ce qui facilitait les choses, il parlait bien l’allemand.<strong>Bernard</strong> <strong>GAUTHIER</strong> était d’une gran<strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur, il n’aimait pas parler <strong>de</strong> lui. Je vous ai ditmon manque d’information malgré une longue cohabitation et ce n’est pas la lecture <strong>de</strong> sonallocution comme prési<strong>de</strong>nt qui m’a beaucoup éclairée. Au laboratoire, il ne nous racontaitpas ce qu’avait été son activité professionnelle et je me suis aperçue qu’il en était <strong>de</strong> mêmeavec ses enfants lorsque j’ai interrogé sa fille Christine. Christine qui est parmi nousaujourd’hui avec plusieurs <strong>de</strong> ses frères et sœurs, a fait ses étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pharmacie dans cettefaculté. Nous avons actuellement en <strong>de</strong>uxième année, Marie <strong>GAUTHIER</strong> qui sera la troisièmegénération <strong>de</strong> pharmacien.2/3


Quasiment jusqu’à la fin, <strong>Bernard</strong> <strong>GAUTHIER</strong> a été dans une forme physique éblouissante.Je me souviens <strong>de</strong> l’avoir vu à 80 ans avec le pied dans l’évier du laboratoire pour rincer lebas <strong>de</strong> son pantalon sur lequel était tombé une goutte d’aci<strong>de</strong>. Il me reste aussi en mémoireune appel téléphonique quelques années auparavant : « Vous ne savez pas ce qui m’arrive ! Jene pourrai pas venir aujourd’hui, j’ai la grippe ». Ce qui somme toute en plein hiver m’aparu assez banal jusqu‘à ce qu’il ajouta, indigné, « mais c’est la 1 ère fois que je dois resteralité ».Pendant trente ans, il a participé à la vie du laboratoire. C’était un esprit curieux quis’intéressait à tout ce qui se passait autour <strong>de</strong> lui. Nous avons apprécié ses qualités humaineset son humour après avoir appris à déchiffrer ses remarques quelquefois un peu bourrues quipouvaient désarçonner au premier abord.Il a fini ses jours très entouré par ses enfants et ses petits enfants. C’est en revenant d’unepromena<strong>de</strong> à Cabourg avec une <strong>de</strong> ses filles alors qu’il était dans sa rési<strong>de</strong>nce secondaired’Ouistreham qu’il s’est éteint le 4 septembre 2008. Il venait juste d’avoir 92 ans. Nousgar<strong>de</strong>rons longtemps encore son souvenir.Pr Sylviane GIORGI-RENAULTMembre correspondant national3/3

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