D O S S I E RUne fierté et uneresponsabilitéÊtre reconnu au patrimoine mondial<strong>de</strong> l’Unesco constitue un grandhonneur pour le territoire, et notamm<strong>en</strong>tses bergers et ses éleveurs.C’est <strong>en</strong> effet les li<strong>en</strong>s qu’ils ont tisséset l’interaction qu’ils ont toujourssu <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir avec l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tnaturel qui ont créé,mo<strong>de</strong>lé et préservé ces lieux d’exception.C’est égalem<strong>en</strong>t un atout formidablepour la notoriété et le tourisme quireste la première activité économique.Cette distinction est aussi une importanteresponsabilité. L’Etat s’est<strong>en</strong>gagé à préserver et faire connaîtrel’agro-pastoralisme et à donner lesmoy<strong>en</strong>s aux acteurs <strong>de</strong> continuer àvivre et <strong>de</strong> prospérer sur ces terres.A travers lui, c’est le <strong>Parc</strong> nationalqui s’est <strong>en</strong>gagé pour la partie duBi<strong>en</strong> qui le concerne, soit les <strong>de</strong>uxtiers. La future charte du <strong>Parc</strong> national<strong>de</strong>vra <strong>en</strong> être le docum<strong>en</strong>t <strong>de</strong>gestion.Marcel Savajol, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’office<strong>de</strong> tourisme <strong>de</strong> Florac-IspagnacSV : Comptez-vous sur une hausse<strong>de</strong> la fréqu<strong>en</strong>tation touristique ?MS : Je me suis réjoui à l’annonce<strong>de</strong> cette excell<strong>en</strong>te nouvelle. Le territoireétait dans l’att<strong>en</strong>te <strong>de</strong> cettereconnaissance <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreusesannées. On nous annonceun r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> notre notoriétéet une hausse <strong>de</strong> la fréqu<strong>en</strong>tationtouristique non négligeable! Mais quelle fréqu<strong>en</strong>tationtouristique souhaitons-nous ? Sinous voulons éviter <strong>de</strong>s pics quiserai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core plus marquésqu’aujourd’hui, il faudra la cont<strong>en</strong>ir,la lisser, et non la subir…SV : Comm<strong>en</strong>t créer un tourisme<strong>de</strong> qualité ?MS : Il est indisp<strong>en</strong>sable que la populationlocale s’approprie cettereconnaissance. Pour cela, l‘inscriptionau patrimoine mondialdoit créer <strong>de</strong> l’activité et <strong>de</strong> la fierté.Une dynamique économique doits’instaurer, mais aussi <strong>en</strong> matière<strong>de</strong> qualité, <strong>de</strong> politique <strong>de</strong> formationet salariale. On accepte mieuxles contraintes lorsque l’on retire<strong>de</strong>s contreparties positives d’unesituation. Et puis, il faudra que lesacteurs du tourisme imagin<strong>en</strong>t <strong>de</strong>sactions susceptibles d’attirer au<strong>de</strong>là<strong>de</strong> la saison estivale.Un patrimoine marquépar l’agro-pastoralismeUne part importante du patrimoine <strong>de</strong> la région <strong>de</strong>s Causses et <strong>de</strong>s Cév<strong>en</strong>nes traduitla recherche incessante par les habitants <strong>de</strong> solutions adaptées au climat, auxconditions physiques (altitu<strong>de</strong>, p<strong>en</strong>te, sols…), à la géographie, pour les principalesactivités <strong>de</strong> leur vie quotidi<strong>en</strong>ne et notamm<strong>en</strong>t pour l’activité agropastorale.L’exemple <strong>de</strong> l'élevage pastoralest ainsi marquant.Dans ce système ext<strong>en</strong>sif,les troupeaux pâtur<strong>en</strong>t sur<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s ét<strong>en</strong>dues etsont déplacés au gré <strong>de</strong> la disponibilitéalim<strong>en</strong>taire. Quand les terres<strong>de</strong> pâturage ou les parcours sont unpeu éloignés <strong>de</strong> la ferme, onconstruit <strong>de</strong>s bergeries isolées oujasses, comme sur le causse Méjeanou comme sur le mont Lozère.Un autre élém<strong>en</strong>t du patrimoine remarquablelié au système agropastoralest l’aire à battre. Ces espaces<strong>en</strong> pierre situés à proximité <strong>de</strong>s bâtim<strong>en</strong>ts<strong>de</strong> stockage <strong>de</strong>s céréales,permettai<strong>en</strong>t la séparation du grain<strong>de</strong> son <strong>en</strong>veloppe et <strong>de</strong> la paille parune opération appelée dépiquage.Certains lieux étai<strong>en</strong>t importantspour leur activité commerciale, etpar conséqu<strong>en</strong>t pour le systèmeagropastoral <strong>de</strong> la région. Ainsi, levillage <strong>de</strong> Barre <strong>de</strong>s Cév<strong>en</strong>nes étaitconsidéré comme la cité <strong>de</strong>s foires.Les foires du printemps et <strong>de</strong> l’automnepouvai<strong>en</strong>t attirer jusqu’à dixmille personnes v<strong>en</strong>ues <strong>de</strong>s dépar-12 <strong>de</strong> serres <strong>en</strong> <strong>valats</strong> • septembre 2011
tem<strong>en</strong>ts limitrophes, mais aussi duVar, du Vaucluse et <strong>de</strong>s Bouches-du-Rhône.Sur le plan architectural, les plateauxkarstiques <strong>de</strong>s causses sont unbel exemple d’adaptation <strong>de</strong>l’homme aux conditions physiques(peu <strong>de</strong> bois, problème <strong>de</strong> stockage<strong>de</strong> l’eau) <strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>culture et donc le besoin <strong>de</strong> bergerieset d’<strong>en</strong>clos pour protéger les cultureset regrouper le bétail. Le Villaret estun bel exemple du bâti typique ducausse Méjean, liée à la quasi abs<strong>en</strong>ce<strong>de</strong> bois d’œuvre, d’où <strong>de</strong>sconstructions réalisées avec un matériauunique, la pierre.Les communications <strong>en</strong>tre la plainelanguedoci<strong>en</strong>ne et les pâturages d’étéconstitu<strong>en</strong>t un autre élém<strong>en</strong>t fort <strong>de</strong>la région, avec les drailles, cheminsutilisés pour la transhumance. Utiliséespar les bergers transhumantset leurs troupeaux dans le s<strong>en</strong>splaine–montagne <strong>en</strong> été, et <strong>en</strong> s<strong>en</strong>sinverse <strong>en</strong> hiver, les drailles sontl’élém<strong>en</strong>t linéaire remarquable dupaysage pastoral. Elles suiv<strong>en</strong>t lacrête <strong>de</strong>s chaînes montagneuses, leslignes <strong>de</strong> partage <strong>de</strong>s eaux, pass<strong>en</strong>td’une région à l’autre <strong>en</strong> empruntantles cols, évitant autant quepossible <strong>de</strong> <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dre dans le fond<strong>de</strong>s vallées, le souci résidant dans laprogression rapi<strong>de</strong> du troupeau.Les principales drailles sont les collectrices<strong>de</strong> l’Asclié, <strong>de</strong> la Luzette,<strong>de</strong> Jalcreste et du Malons.L’organisation <strong>de</strong> l’espace sur lemont Lozère au Moy<strong>en</strong> Age a étéfortem<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cé par les ordresmilitaires, et notamm<strong>en</strong>t les Hospitaliers.La richesse <strong>de</strong>s Hospitaliersétait constituée <strong>en</strong> gran<strong>de</strong> partiepar <strong>de</strong>s donations foncières et lescomman<strong>de</strong>ries étai<strong>en</strong>t ainsi <strong>de</strong>grosses exploitations rurales dontils étai<strong>en</strong>t les seigneurs. Parmi elles,celle <strong>de</strong> Gap Francès, qui comportait10 unités territoriales (appeléesmembres) dont le membre chef étaità l’Hôpital sur le mont Lozère.Un <strong>en</strong>semble intéressant au planéconomique par la variété <strong>de</strong> sesterroirs et par conséqu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ses productions: terres à blé sur le calcaire,seigle sur le granite ou sur lesschistes, élevage sur les vastes espaces.La possession <strong>de</strong> très gran<strong>de</strong>ssurfaces vouées à l’élevage et à latranshumance sur le mont Lozèreétait une force énorme pour l’ordre.Çà et là, sur le mont Lozère, subsist<strong>en</strong>t<strong>en</strong>core quelques bornes portantla croix <strong>de</strong> Malte gravée dans le granite: elles servai<strong>en</strong>t à limiter le territoire<strong>de</strong> la comman<strong>de</strong>rie. ●© Guy Grégoire© Guy GrégoireLes terrasses <strong>de</strong> culture, un exempled’adaptation à l’exploitationagropastorale.Dès que les hommes ont besoind'élargir le territoire <strong>de</strong> leurs activitésagro-pastorales et qu'ils seheurt<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s p<strong>en</strong>tes défavorables,ils construis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s terrasses.Les contraintes doiv<strong>en</strong>t être dépasséesau prix <strong>de</strong> travaux inouïs,toujours recomm<strong>en</strong>cés. Ces paysagescomport<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s valeurs esthétiquesau croisem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lanature et <strong>de</strong> la culture. Les Causseset les Cév<strong>en</strong>nes, paysage culturel<strong>de</strong> l'agro-pastoralisme méditerrané<strong>en</strong>,prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>sembles <strong>de</strong>terrasses exceptionnels qui onttoujours marqué les observateurs.Même si l'image <strong>de</strong>s terrasses r<strong>en</strong>voieavant tout aux Cév<strong>en</strong>nes,cette technique nécessaire pour apprivoiserla montagne, a aussi ététrès utilisée dans les gorges qui <strong>en</strong>serr<strong>en</strong>tles causses.Quelques exemples <strong>de</strong> terrasses <strong>de</strong>culture• St-André-<strong>de</strong>-Valborgne,Les Plantiers (Gard)• Ispagnac, Ste-Enimie,St-Pierre-<strong>de</strong>s-Tripiers (Lozère)• Veyreau (Aveyron)La carte d’i<strong>de</strong>ntitédu bi<strong>en</strong>- 2 régions (Languedoc-Roussillon,Midi-Pyrénées)- 4 départem<strong>en</strong>ts(Aveyron,Gard, Hérault, Lozère)- 134 communes constituant les3 000 km 2 du bi<strong>en</strong> inscrit surla liste du Patrimoine mondial- 97 communes situées dans lazone périphérique ou tampon- 231 communes au total et6 000 km 2 <strong>de</strong> hautes terres dusud du Massif c<strong>en</strong>tral ouvertessur la Méditerranée- 5 villes portes : Alès, Ganges,Lodève, M<strong>en</strong><strong>de</strong>, MillauEn savoir plus :www.cev<strong>en</strong>nes-parcnational.fr,rubrique Un territoire vivant /Le classem<strong>en</strong>t Unescoseptembre 2011 • <strong>de</strong> serres <strong>en</strong> <strong>valats</strong> 13