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Journal du Barreau - Août 2006 - Barreau du Québec

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32 <strong>Août</strong> <strong>2006</strong> Le <strong>Journal</strong> <strong>Barreau</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> cause phareGarde partagée depuis l’arrêt ContinoDes preuves plus complètes pour fixer la pensionLouis Baribeau, avocatDans le cas d’une garde partagée, la fixation d’une pension alimentaire ne peut reposer seulement sur uneévaluation mathématique basée sur les tables, mais elle doit tenir compte des frais supplémentaires réelsoccasionnés aux parents, considère la Cour suprême dans l’arrêt Contino c. Contino 1 . Cette décision inciteradorénavant les avocats à faire une preuve complète des frais supplémentaires.Strictement parlant, l’arrêt Contino s’appliqueuniquement aux Lignes directrices fédérales sur lespensions alimentaires pour enfants, c’est-à-direlorsqu’un des parents réside dans une autre provinceque le <strong>Québec</strong>. Cependant, les avocats qui ont àappliquer les lignes directrices québécoises de fixationlorsque les deux conjoints sont au <strong>Québec</strong> devraients’inspirer de cette décision pour présenter une preuveélaborée des frais supplémentaires, considéraitM e Karen Kear lors d’une conférence de l’ABC-<strong>Québec</strong>donnée ce printemps à <strong>Québec</strong> sur l’impact de l’arrêtContino.« Nous avons le fardeau, comme avocats, de présentertoutes les preuves pour permettre aux juges d’exercerleur discrétion, et Contino nous aide dans ce sens,affirme-t-elle. Il faut être brave et audacieux et se rappeler que celui qui ne risquerien n’a rien. Nous avons l’obligation de dire aux juges : “Vous devez regarder toutesles circonstances et ne pas vous limiter à la table.” »Tout un défi pour les juges et les avocatsIl n’est pas facile pour les juges et les avocats de fixer équitablement la pensionalimentaire pour les enfants dont les parents se partagent la garde, que ce soit dans lecadre des règles fédérales ou québécoises.« L’augmentation <strong>du</strong> temps passé avec l’enfant n’emporte pas nécessairement uneaugmentation des dépenses ni une économie substantielle pour l’autre parent,explique dans l’arrêt Contino le juge Michel Bastarache, qui l’a rédigé au nom dehuit des neuf juges de la Cour suprême. […] Il est également possible que la gardepartagée soit plus coûteuse à cause <strong>du</strong> doublement des dépenses et qu’elle fassediminuer les fonds disponibles pour les aliments. » De plus, lorsqu’on transforme unegarde exclusive en garde partagée, si on diminue la pension, on risque d’augmenterl’écart entre les niveaux de vie des deux ménages. Le juge Bastarache fait remarquerque la preuve de frais supplémentaires dans les cas de garde partagée a souvent faitdéfaut dans le passé et que les tribunaux ont dû s’en remettre à des conjectures.Dans l’affaire Contino, le père demandait une diminution de la pension qu’il versaitpour son enfant étant donné que ses droits d’accès s’étaient transformés en gardepartagée.L’article 9 des lignes directrices fédérales prévoit que, pour une garde partagée, lemontant de la pension alimentaire est déterminé compte tenu : a) des montantsfigurant dans les tables applicables à l’égard de chaque époux; b) des coûts plus élevésassociés à la garde partagée; et c) des ressources, des besoins et, d’une façon générale,de la situation de chaqueépoux et de tout enfant« Le tribunal doit s’abstenir detrancher ces questions s’il nedispose pas d’un minimum derenseignements. »Le juge Michel Bastarachepour lequel une pensionalimentaire est demandée.Dans sa décision, le jugeBastarache rectifie plusieursmalenten<strong>du</strong>s crééspar la jurisprudence ausujet de la méthode defixation de la pensionalimentaire en gardepartagée.Philosophie de fixation différenteD’abord, le juge affirme que cette méthode n’est pas un exercice mathématique commedans le cas de la garde exclusive. Elle est fondée sur des principes différents etconstitue un système distinct et complet en soi.L’application de l’article 9 en garde partagée est impératif, soutient le juge Bastarache.Le tribunal n’a pas discrétion pour décider d’appliquer soit le régime général del’article 3 des lignes directrices fédérales fondé sur les tables de calcul, soit le régimeparticulier de l’article 9. La discrétion de la Cour s’exerce dans la façon d’appliquer lestrois critères de l’article 9 à chaque cas d’espèce.Pas de présomption d’application des tablesLe deuxième malenten<strong>du</strong> que l’arrêt Contino corrige a justement trait à la façond’appliquer ces trois critères. Selon le juge Bastarache, on ne peut pas présumer queles tables de calcul s’appliquent à défaut d’avoir une preuve qu’un rajustement estnécessaire. Aucun des trois critères ne doit primer les autres. L’importance à donner àchacun varie selon les cas d’espèce.Application souple de la compensation simpleLe troisième malenten<strong>du</strong> concerne l’application de la compensation simple de l’article8 des lignes directrices dans les cas de garde partagée. Cette disposition prévoit que« si les deux époux ont chacun la garde d'un ou de plusieurs enfants, le montant del'ordonnance alimentaire est égal à la différence entre les montants que les épouxauraient à payer si chacun d'eux faisait l'objet d'une demande d'ordonnancealimentaire ».« Il est possible que la gardepartagée soit plus coûteuse àcause <strong>du</strong> doublement desdépenses et qu’elle fassediminuer les fonds disponiblespour les aliments. »Le juge Michel BastaracheSelon le juge Bastarache, cette méthode peut servir debon point de départ, surtout lorsque les données sontlimitées et que l’écart entre les revenus des parties estpeu élevé. Cependant, il rappelle que « le tribunal doits’abstenir de trancher ces questions s’il ne dispose pasd’un minimum de renseignements. Il ne faut surtoutpas appliquer strictement la méthode de lacompensation, car il peut en résulter, dans le cas d’uneordonnance modificative, un changement radical <strong>du</strong>montant de la pension alimentaire […] ».Le montant obtenu par la méthode de la compensationdevrait être rajusté si l’application des critères prévusaux alinéas b) et c) de l’article 9 le commande.Pour décider si un rajustement est nécessaire, le tribunalsera appelé à examiner les états financiers des parties et les budgets des dépensesréelles des deux parents pour l’enfant. Il faut garder à l’esprit que « l’accroissementdes coûts résulte normalement <strong>du</strong> fait que l’enfant a deux foyers et <strong>du</strong> doublementdes dépenses qui s’ensuit », indique le juge Bastarache. Les frais supplémentairesdevront être répartis en fonction des revenus respectifs des parents.Le tribunal devrait également rajuster le montant pour atténuer la différence entre leniveau de vie de l’enfant dans la garde partagée comparé à la situation de gardeantérieure. Il devra aussi viser à ré<strong>du</strong>ire autant que possible la différence de niveauxde vie pour l’enfant quand il passe d’un ménage à l’autre.L’utilisation d’un multiplicateur est trop rigideLe quatrième malenten<strong>du</strong> a trait à l’utilisation, dans la jurisprudence, d’une équationsupposant que 50 % des coûts <strong>du</strong> parent créancier sont fixes et demeurent inchangés,peu importe le temps passé par l’enfant avec lui. Cette méthode est trop rigide et sefonde sur des hypothèses. Le juge Bastarache réitère l’importance que les tribunaux sefondent sur la preuve des dépenses réelles des parents.La pertinence de Contino au <strong>Québec</strong>M e Kear pense que les tribunaux québécois, en regard de l’application des lignesdirectrices québécoises, disposent de tous les outils nécessaires pour exercer la largediscrétion que la Cour suprême leur accorde dans l’arrêt Contino afin d’appliquer leslignes fédérales. Elle réfère en particulier à la notion de « difficultés excessives » del’article 587.2 C.c.Q., qui peut être invoquée pour justifier la présentation d’unepreuve éten<strong>du</strong>e. « La plupart des juges sont très réceptifs aux arguments fondés sur587.2 », dit-elle.Maintenant, il reste à savoir si les parties impliquées dans ces litiges vont accepter depayer les frais additionnels reliés à la présentation d’une preuve plus complète.1 [2005] 3 R.C.S. 217.6 moyens de favoriser la fixation d’une pensionéquitable dans les gardes partagéesPrésenter des statistiques démontrant que la garde partagée augmente lescoûtsL’augmentation de coûts la plus largement acceptée est de l’ordre de 50 %.Selon M e Karen Kear, il n’existe pas d’étude canadienne sur le sujet, mais l’arrêtContino donne des références d’études étrangères intéressantes.Soumettre la doctrine sur l’augmentation des coûts en garde partagéeVous trouverez des références à ce sujet dans l’arrêt Contino.Présenter des budgets sur les dépenses des enfants« Avant l’adoption des lignes directrices, tout le monde travaillait avec lesbudgets pour enfants », rappelle en entrevue M e Kear, après sa conférence.Les juges peuvent voir ces budgets comme un pas en arrière, mais cela nedevrait pas faire reculer les avocats.Présenter une preuve des dépenses actuelles de chaque parent pour l’enfantMettre en évidence les disparités entre la valeur des actifs des parentsLe juge aura à en tenir compte pour appliquer l’alinéa 2 de l’article 587.2 C.c.Q.,fait remarquer M e Kear.Prouver le niveau de vie des deux ménages L. B.

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