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La médiation en construction - Barreau du Québec

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<strong>La</strong> justice pénale internationale aux quatre coins <strong>du</strong> globeAndré GirouxLe pouvoir des armes ne fait plus foi de tout. L’État de droit, c’est aussi le droit pénal international.Retour sur une situation <strong>en</strong> pleine effervesc<strong>en</strong>ce et d’une grande actualité.Les conflits yougoslaves et rwandais ont éveillé ce quidormait depuis un demi-siècle : la justice pénaleinternationale. Guerre froide oblige, <strong>en</strong>tre les tribunauxmilitaires internationaux de Nuremberg (1945) et deTokyo (1946) et ceux de l’ex-Yougoslavie (1993) et <strong>du</strong>Rwanda (1994), la justice pénale internationale fut trèscalme, malgré une pluie de conflits régionaux.Une digue a cédé <strong>en</strong> 1993, celle de l’impunité despersonnes responsables de crimes de guerre, de crimescontre l’humanité ou de génocides. On compteaujourd’hui sept tribunaux pénaux internationaux, dontla Cour pénale internationale, celle-ci, perman<strong>en</strong>te. Leprojet d’un huitième tribunal ad hoc provoque de vifsdébats au Liban.Ex-Yougoslavie<strong>La</strong> fin de la guerre froide et la mort <strong>du</strong> général Titoprovoqu<strong>en</strong>t l’éclatem<strong>en</strong>t de la Yougoslavie… et la guerrecivile. En quelques années, on compte plus de250 000 morts et plus de deux millions de réfugiés dansla seule Bosnie-Herzégovine. Le Conseil de sécurité del’ONU institue <strong>en</strong> 1993 le Tribunal pénal internationalpour la Yougoslavie.Le réc<strong>en</strong>t rapport annuel <strong>du</strong> Tribunal, publié <strong>en</strong> août2006, fait état de 161 personnes mises <strong>en</strong> accusationdepuis l’ouverture <strong>du</strong> Tribunal et de 94 affaires m<strong>en</strong>éesà terme. Le Conseil de sécurité des Nations unies exigeque les procès se termin<strong>en</strong>t à la fin 2008, et les appels, àla fin 2010.Le 15 décembre 2006, la procureure <strong>du</strong> Tribunal, CarlaDel Ponte, a demandé au Conseil de sécurité de« confirmer que le Tribunal puisse poursuivre samission jusqu’à ce que les accusés <strong>en</strong> fuite, commeRadovan Karadzié et Ratko Mladié, soi<strong>en</strong>t tra<strong>du</strong>its <strong>en</strong>justice ». Elle invoque que dans l’esprit des victimes, cesdeux hommes « port<strong>en</strong>t la plus lourde responsabilité <strong>du</strong>génocide, des crimes de guerre et des crimes contrel’humanité commis <strong>en</strong> Bosnie-Herzégovine. Ils nesaurai<strong>en</strong>t être jugés ailleurs qu’à <strong>La</strong> Haye ». Ellereproche finalem<strong>en</strong>t aux dirigeants serbes de refuserd’arrêter ces deux hommes alors qu’ils serai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>mesure de le faire.En mars 2003, afin d’absorber le trop-plein <strong>du</strong> TPIY,l’ONU crée la Cour spéciale étatique pour la Bosnie-Herzégovine. Cette Cour siège <strong>en</strong> Bosnie. Existe aussi auKosovo une Cour spéciale sur les actes commis avantl’interv<strong>en</strong>tion des forces armées de l’OTAN, <strong>en</strong> mars1999.Rwanda1994 marque le drame rwandais. Le génocide provoque800 000 morts <strong>en</strong> quelques mois. Le Conseil de sécuritéde l’ONU crée <strong>en</strong> novembre 1994 le Tribunal pénalinternational pour le Rwanda. Il siège à Arusha, petiteville de Tanzanie, pays voisin. Il a pour mandat de jugerles principaux présumés responsables <strong>du</strong> génocide.Le rapport annuel <strong>du</strong> TPIR, publié <strong>en</strong> août 2006, fait étatde 22 jugem<strong>en</strong>ts r<strong>en</strong><strong>du</strong>s contre 28 personnes, portant à55 le nombre de personnes dont les procès sontterminés ou <strong>en</strong> cours. Quatorze autres dét<strong>en</strong>us att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>td’être jugés.« En principe, les procès devrai<strong>en</strong>t là aussi se terminer àla fin 2008 et les appels à la fin 2010 », précise M e ÉliseGroulx, présid<strong>en</strong>te-fondatrice de l’Associationinternationale des avocats de la déf<strong>en</strong>se et <strong>du</strong> <strong>Barreau</strong>pénal international. Au mom<strong>en</strong>t de mettre sous presse,le TPIR n’avait pas demandé une prolongation de sonmandat.Sierra LeoneMoins connu que les conflits <strong>en</strong> ex-Yougoslavie et auRwanda, la déc<strong>en</strong>nie 90 est viol<strong>en</strong>te au Sierra Leone :200 000 morts. Une guerre civile oppose des rebelles <strong>du</strong>Front révolutionnaire unifié et l’armée pr<strong>en</strong>d le pouvoirpar un coup d’État <strong>en</strong> 1992 et <strong>en</strong> 1997. « L’<strong>en</strong>jeu de cetteguerre, tout autant que dét<strong>en</strong>ir le pouvoir, est de fairemain basse sur les richesses <strong>du</strong> pays (diamants) », écritla journaliste Sabine Cessou dans l’article Les <strong>en</strong>jeux dela guerre (L’État <strong>du</strong> monde, 2000).Guerre paradoxale à plusieurs égards : la prés<strong>en</strong>ce d<strong>en</strong>ombreux « sobels ». « Nombre de soldats se sont jointsaux rebelles, m<strong>en</strong>tionne le juge Pierre G. Boutet, de laCour spéciale pour le Sierra Leone; ce qui a donné lieu àune junte militaire composée à la fois de rebellesmilitaires et de rebelles civils. Les Forces de déf<strong>en</strong>secivile (FDC) ont été créées pour t<strong>en</strong>ter de remettre <strong>en</strong>place le gouvernem<strong>en</strong>t élu puis r<strong>en</strong>versé. » Les FDC onteu gain de cause : le gouvernem<strong>en</strong>t a été réélu <strong>en</strong> 2002.Le Conseil de sécurité de l’ONU intervi<strong>en</strong>t notamm<strong>en</strong>tpar la création <strong>du</strong> Tribunal spécial de l’ONU pour laSierra Leone. Créé <strong>en</strong> 2002, le Tribunal reçoit le mandatde juger les personnes qui port<strong>en</strong>t les « responsabilitésles plus lourdes concernant les crimes de guerre et lesviolations sérieuses au droit humanitaire commis depuis1996 », précise le juge Boutet.Une douzaine de personnes font face à des accusationslors de procès qui ont débuté <strong>en</strong> 2004. L’un desprincipaux dirigeants « révolutionnaires », CharlesTaylor, un temps présid<strong>en</strong>t <strong>du</strong> Liberia, dét<strong>en</strong>u au SierraLeone depuis mars 2006, est accusé de crimes contrel’humanité. Son procès devrait comm<strong>en</strong>cer <strong>en</strong> avril oumai 2007, à <strong>La</strong> Haye plutôt qu’au Sierra Leone, « pourdes raisons de sécurité », m<strong>en</strong>tionne le juge Boutet.CambodgeSur fond de guerre froide et d’agression américaine auVietnam, pays aussi attaqué par le Cambodge, lesKhmers rouges de Pol Pot pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le pouvoir <strong>en</strong> 1975au Cambodge. Le Vietnam les <strong>en</strong> délogera <strong>en</strong> 1979.D’obédi<strong>en</strong>ce ultra-maoiste, les Khmers rouges ont t<strong>en</strong>téd’ériger une société agraire sans classes. En unesemaine, les 2,5 millions d’habitants de Phnom P<strong>en</strong>h ontété chassés vers les campagnes. En quatre ans, legénocide a provoqué la mort de près de deux millions depersonnes, <strong>en</strong>viron le quart de la population.<strong>La</strong> guerre froide a longtemps retardé la création d’untribunal international. Officiellem<strong>en</strong>t créé <strong>en</strong> 2004, ilouvre ses portes <strong>en</strong> 2006 et compte 27 juges : dixinternationaux et 17 cambodgi<strong>en</strong>s. « Les premièresaccusations devrai<strong>en</strong>t être déposées au début 2007,m<strong>en</strong>tionne Élise Groulx. On prévoit que les procèss’échelonneront sur trois ans. <strong>La</strong> plupart des accuséssont très vieux et meur<strong>en</strong>t <strong>en</strong> dét<strong>en</strong>tion. »Timor-Leste (ex-Timor ori<strong>en</strong>tal)Au milieu des années 1970, l’Indonésie, dirigée par legénéral Suharto, <strong>en</strong>vahit le Timor-Leste, qui v<strong>en</strong>ait dedéclarer son indép<strong>en</strong>dance face au Portugal. C’est ledébut d’un conflit qui <strong>du</strong>ra près de 30 ans. L’arméeindonési<strong>en</strong>ne tua 200 000 personnes, soit près <strong>du</strong> tiersde la population <strong>du</strong> Timor ori<strong>en</strong>tal.En 1999, celle-ci vote <strong>en</strong> faveur de son indép<strong>en</strong>dancedans une proportion de près de 80 %. Suharto n’est plusau pouvoir, mais des milices timoroises etindonési<strong>en</strong>nes réagiss<strong>en</strong>t par le pillage et l’assassinat dequelque 1 000 personnes.Deux tribunaux sont particulièrem<strong>en</strong>t mandatés pourjuger les actes commis <strong>en</strong> 1999.L’un d’eux siège à Jakarta, capitale de l’Indonésie. Cepays a obt<strong>en</strong>u l’autorisation <strong>en</strong> février 2000 de m<strong>en</strong>erlui-même l’instruction des crimes de 1999. De l’avis d<strong>en</strong>ombreux observateurs, l’instruction est une véritableparodie de justice.Parallèlem<strong>en</strong>t, l’Administration transitoire des Nationsunies au Timor ori<strong>en</strong>tal crée son propre processusjudiciaire, dont un groupe spécial d’<strong>en</strong>quête sur lescrimes graves commis <strong>en</strong> 1999. <strong>La</strong> commissiond’experts mandatée par le Secrétaire général de l’ONUconclut <strong>en</strong> mai 2005 que ce processus judiciaire « aobligé dans une large mesure les auteurs de crimescommis <strong>en</strong> 1999 à répondre de leurs actes ». Dans lemême rapport, elle déplore toutefois l’insuffisance des« ressources requises pour s’acquitter correctem<strong>en</strong>t deleur mandat. » Elle suggère une prolongation de mandat,ce que refuse le Conseil de sécurité.Le mandat <strong>du</strong> Groupe spécial d’<strong>en</strong>quête s’estofficiellem<strong>en</strong>t achevé le 20 mai 2005. À cette date, descharges étai<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dantes contre 339 accusés <strong>en</strong> fuite àl’étranger, dont l’anci<strong>en</strong> ministre indonési<strong>en</strong> de laDéf<strong>en</strong>se et commandant de l’armée indonési<strong>en</strong>ne, sixhauts responsables militaires et l’anci<strong>en</strong> Gouverneur <strong>du</strong>Timor ori<strong>en</strong>tal.LibanEn novembre 2006, malgré la démission de cinqministres chiites <strong>du</strong> Hezbollah et <strong>du</strong> mouvem<strong>en</strong>t Hamal,le gouvernem<strong>en</strong>t libanais <strong>en</strong>térine un projet de l’ONUvisant la création d’un tribunal spécial pour juger lessuspects de l’assassinat de l’anci<strong>en</strong> premier ministrelibanais, Rafic Hariri, <strong>en</strong> février 2005.Au mom<strong>en</strong>t de mettre sous presse, le présid<strong>en</strong>t <strong>du</strong>Parlem<strong>en</strong>t libanais, Nabih Berri, <strong>du</strong> mouvem<strong>en</strong>t Amal,refusait de transmettre le projet à la Chambre desdéputés, dont l’approbation est nécessaire à la création<strong>du</strong> tribunal. Il estime que le gouvernem<strong>en</strong>t n’a plus delégitimité depuis la démission des ministres de laminorité chiite. Le premier ministre accuse lescontestataires de vouloir bloquer la création <strong>du</strong> tribunal.D’importantes manifestations souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les ministresdémissionnaires.Si ce projet allait de l’avant, souligne M e Groulx, « pourla première fois, un tribunal international recevrait lemandat de juger les auteurs d’un acte terroriste. Ils sontgénéralem<strong>en</strong>t créés pour juger des crimes de guerre, descrimes contre l’humanité ou des actes de génocide ».Tous ces tribunaux ont un mandat précis, temporaire.Les tribunaux sur la Yougoslavie et le Rwanda sont d<strong>en</strong>ature internationale et ont priorité sur les tribunauxlocaux. Ceux <strong>du</strong> Kosovo, de la Bosnie, de la Sierra Leoneet <strong>du</strong> Cambodge sont hybrides : ils emprunt<strong>en</strong>t au droitlocal et international ou sont présidés à la fois par desjuges prov<strong>en</strong>ant des pays concernés et des jugesinternationaux désignés par une instance de l’ONU.Le Journal <strong>Barreau</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> Février 2007 25

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