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La médiation en construction - Barreau du Québec

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<strong>La</strong> garde partagéeUne solution d’a<strong>du</strong>ltes ?Rollande Par<strong>en</strong>tLes <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> garde partagée sont-ils vraim<strong>en</strong>tdans une situation de vie optimale ? Ne seretrouv<strong>en</strong>t-ils pas plutôt dans un système qui jouitd’une grande estime dans la population a<strong>du</strong>lte,sans égard aux impacts sur les <strong>en</strong>fants euxmêmes?M e Michel Tétrault, de Sherbrooke, se posesérieusem<strong>en</strong>t la question. <strong>La</strong> garde partagée n’est-ellepas trop souv<strong>en</strong>t une solution d’a<strong>du</strong>ltes, autant desjuges et des par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> crise et <strong>en</strong> rupture que destravailleurs sociaux et des médiateurs ? Sonquestionnem<strong>en</strong>t mérite d’être écouté, lui qui œuvredepuis plus de 15 ans <strong>en</strong> droit de la famille, qui a écrit<strong>en</strong> l’an 2000 un premier volume sur la question et quivi<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong> publier un second sous le titre : <strong>La</strong> gardepartagée et les tribunaux : une option ou une solution ?paru aux Éditions Yvon Blais il y a à peine trois mois.D’<strong>en</strong>trée de jeu, l’auteur avance que les tribunaux ontcréé à toutes fins utiles une présomption voulant que lagarde partagée constitue LA modalité à ret<strong>en</strong>ir. « C’estl’évid<strong>en</strong>ce. On ne peut pas expliquer autrem<strong>en</strong>tcertaines décisions. Les magistrats ont un préjugéfavorable à l’égard de la garde partagée. C’est tellem<strong>en</strong>tvrai que la Cour d’appel a dû rappeler à trois ou quatrereprises que le principe fondam<strong>en</strong>tal est l’intérêt del’<strong>en</strong>fant et qu’il n’existe pas une présomption <strong>en</strong> faveurde la garde partagée dans notre droit. Quand un par<strong>en</strong>tréclame la garde exclusive, il n’est pas rare que letribunal lui demande pourquoi la garde ne serait paspartagée. <strong>La</strong> question montre que le juge a une idéepréconçue, avant même d’avoir <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>du</strong> la preuve. Lejuge doit avoir une page blanche devant lui. Danscertains cas, l’intro<strong>du</strong>ction est déjà inscrite. »Selon M e Tétrault, la conclusion qui s’impose est que lesjuges ont un préjugé favorable à l’égard de la gardepartagée et déplore que certains s’adonn<strong>en</strong>t ainsi à « lap<strong>en</strong>sée magique » et adhèr<strong>en</strong>t « au monde de WaltDisney » <strong>en</strong> optant pour la garde partagée, malgré lespreuves démontrant que les par<strong>en</strong>ts devant eux sontsouv<strong>en</strong>t incapables de communiquer et s’haïss<strong>en</strong>t àmort. Ces juges-là nourriss<strong>en</strong>t la conviction que les deuxpar<strong>en</strong>ts vont être <strong>en</strong> mesure de ranger leurs armes etabandonner agressivité et rancœur « pour l’amour deleur <strong>en</strong>fant ». Mais M e Tétrault ne croit pas aux miracles.Un exercice exigeantDemander à deux a<strong>du</strong>ltes <strong>en</strong> crise de s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dresereinem<strong>en</strong>t sur la modalité de garde idéale <strong>en</strong> regard del’intérêt de leur <strong>en</strong>fant est un exercice drôlem<strong>en</strong>texigeant, au point où M e Tétrault se demande s’il n’yaurait pas lieu d’y aller gra<strong>du</strong>ellem<strong>en</strong>t, d’élargir lesdroits d’accès de façon progressive jusqu’à ce qu’onaboutisse à une garde partagée, une av<strong>en</strong>ue que les jugespourrai<strong>en</strong>t selon lui davantage explorer.M e Tétrault a vu un cas où les deux experts, l’un ret<strong>en</strong>upar la mère et l’autre par le père, concluai<strong>en</strong>t que le pèr<strong>en</strong>’était pas prêt à assumer une garde partagée, n’ayantpas les capacités par<strong>en</strong>tales voulues. Le juge n’a past<strong>en</strong>u compte de ce cons<strong>en</strong>sus sur l’incapacitépar<strong>en</strong>tale <strong>du</strong> père. <strong>La</strong> garde partagéecomportait dans ce cas un fort pot<strong>en</strong>tield’échec.Outre l’éclairage fourni par les par<strong>en</strong>tseux-mêmes et des experts, le juge peutpuiser dans la littérature sci<strong>en</strong>tifique afinde se préserver de décisions arbitraires etsources de problèmes.À cet égard, l’auteur rappelle les conditionsminimales pour que fonctionne la garde partagée : uneproximité des domiciles, des capacités par<strong>en</strong>talescomparables et une communication fonctionnelle.M e Tétrault se demande à quoi rime la garde partagéedans le cas où l’un des par<strong>en</strong>ts comm<strong>en</strong>ce sa journée detravail très tôt de sorte que la semaine où il a la garde, ildoit faire lever son <strong>en</strong>fant à 6 h 30 pour aller lerecon<strong>du</strong>ire chez son ex où il ira le repr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> début desoirée. « Un juge a changé une semblable situation.Depuis la nuit des temps, les tribunaux dis<strong>en</strong>t qu’il n’y ari<strong>en</strong> de plus important pour les <strong>en</strong>fants que la stabilité,voire la routine, la disponibilité et l’implication réelle. »Pour éviter le cafouillage, le juge a tout le loisir des’<strong>en</strong>quérir comm<strong>en</strong>t les choses se passai<strong>en</strong>t <strong>du</strong>rant la viecommune afin d’évaluer à quel point les activitésprofessionnelles de l’un et de l’autre permett<strong>en</strong>t demaint<strong>en</strong>ir un li<strong>en</strong> privilégié avec l’<strong>en</strong>fant, suggèreM e Tétrault. « Pour que la copar<strong>en</strong>talité soit possible,pour qu’il y ait échange des par<strong>en</strong>ts relativem<strong>en</strong>t auxdécisions importantes concernant l’<strong>en</strong>fant, unecommunication minimale est requise. À cet égard, lamise <strong>en</strong> place d’un cahier de communication peut aider,dans bon nombre de cas. Le cahier peut cep<strong>en</strong>dantservir d’outil d’agression. Il faut lire ce qui s’écrit làdedans. Dans certains cas, on se livre à un véritablelavage de linge sale. Quand les par<strong>en</strong>ts sont prêts àspolier leur patrimoine, à se r<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> Cour d’appel, ilne faut pas compter que le temps va arranger les choses,par amour de leur <strong>en</strong>fant », explique l’avocat.M e Tétrault signale quedes études démontr<strong>en</strong>t que dans 50 %des cas, ce qui comm<strong>en</strong>ce par une garde partagée setermine par une garde exclusive à la mère. « Ce quim’amène à p<strong>en</strong>ser que la garde partagée est unesituation transitoire. À un mom<strong>en</strong>t donné, quand il esttanné de faire ses valises, de ne pas voir ses amis,l’adolesc<strong>en</strong>t <strong>en</strong> garde partagée se fixe à un <strong>en</strong>droit. Desados <strong>en</strong> garde partagée, il n’y <strong>en</strong> a pas des tonnes. Dansles cinq ans de l’attribution, 50 % se retrouv<strong>en</strong>t avecleur mère. »En fin de compte, M e Tétrault considère qu’il importe dese presser l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t. « Il ne faut pas escamoter lesévaluations et se fier uniquem<strong>en</strong>t à ce que les par<strong>en</strong>tsvont dire qu’ils veul<strong>en</strong>t faire. Il faut compr<strong>en</strong>dre quel’<strong>en</strong>fant va se nourrir de concret et de ce qu’il va vivre.Tous les vœux pieux que les par<strong>en</strong>ts vont faire devantun juge ne vont pas nécessairem<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ir deux semainesplus tard. »Il demeure difficile de connaître la proportion descouples séparés qui viv<strong>en</strong>t sous le régime de la gardepartagée. Dans les dossiers contestés, on parle d’<strong>en</strong>viron22 % à 25 %, voire 30 %.Pour sa part, M e Tétrault va continuer à <strong>en</strong> suivrel’évolution, comme avocat et comme professeur à l’École<strong>du</strong> <strong>Barreau</strong> de Sherbrooke ainsi qu’à la faculté de droitde l’Université de Sherbrooke.Le Journal <strong>Barreau</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> Février 2007 33

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