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Une ferme… et des touristes

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INTERNATIONALPar FRANCE GROULX, journalistePAYS-BAS<strong>Une</strong> <strong>ferme…</strong><strong>et</strong> <strong>des</strong> <strong>touristes</strong>Traire 18 holsteins rouges <strong>et</strong> accueillir <strong>des</strong> <strong>touristes</strong> :voilà le quotidien de Gérard Hartveld de Nieuwveen auxPays-Bas. L’activité la plus lucrative? « Loger <strong>des</strong> <strong>touristes</strong>, »répond Gérard sans aucune hésitation, mais son cœurpenche indéniablement pour la production laitière!Bâtiments de ferme convertis en appartementspour les <strong>touristes</strong> <strong>et</strong> gens de passage.MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 17


INTERNATIONALLa ferme Sint-Nicolaashoeve (Saint-Nicolas) date de 1858. L’entreprise estexploitée par la famille Hartveld depuistrois générations <strong>et</strong>, aussi étonnantque cela puisse paraître, la ferme estlouée, depuis ses débuts. La tailleréduite <strong>des</strong> fermes <strong>et</strong> le prix <strong>des</strong> terresen Hollande forcent de nombreux producteursagricoles à avoir recours àc<strong>et</strong>te forme d’exploitation.« Le contrat est blindé, expliqueGérard. Pour perdre la location, il faudraitvraiment que je sois négligent. »Il y a quelques années, il a investi <strong>des</strong>dizaines de milliers de dollars pouraménager cinq appartements <strong>des</strong>tinésaux voyageurs dans différentesbâtisses. Le propriétaire de la ferme acontribué au proj<strong>et</strong> d’agrotourisme deGérard en refaisant la maçonnerie <strong>des</strong>bâtiments entièrement construits enbriques. Les gens de passage ont droitau charme de l’architecture rurale dela vieille Hollande <strong>et</strong> au parfum <strong>des</strong>animaux en prime!L’imposant bâtiment principal, couvertd’un toit de chaume, regroupel’étable, la laiterie, ainsi que la résidencede Gérard <strong>et</strong> de son épouse. Augrenier, il y a deux appartements pourles gens de passage. L’été, les logementsservent aux <strong>touristes</strong> qui restentLes 18 vaches de la ferme donnent enmoyenne 9 000 litres de lait annuellement.Elles vont aussi au pâturage quand vientla belle saison.quelques jours, <strong>et</strong> l’hiver, aux saisonniersqui travaillent dans la régionquelques semaines.DE L’AIDE EXTÉRIEURE« Mes appartements ont un tauxd’occupation de 70 %. Sur une baseannuelle, environ 600 personnes dormentà la ferme, » explique Gérard. Lacoordination entre les travaux de ferme<strong>et</strong> l’accueil <strong>des</strong> chambreurs requiertde l’organisation <strong>et</strong> de l’aide extérieure.Gérard s’occupe personnellement <strong>des</strong>réservations : « je tiens à avoir un boncontact avec mes visiteurs. La plupartdu temps, la relation commence par<strong>des</strong> échanges de courriels. » Pour leménage <strong>des</strong> appartements <strong>et</strong> l’entr<strong>et</strong>ien<strong>des</strong> plates-ban<strong>des</strong> <strong>et</strong> <strong>des</strong> pelouses,il a recours à de l’aide extérieure. Lelavage de la literie est effectué par unecompagnie spécialisée.Quand vient le temps de s’évaderde la ferme, Gérard engage quelqu’unpour faire la traite <strong>des</strong> vaches <strong>et</strong> réservel’un <strong>des</strong> appartements pour les amis oules membres de la famille qui viennents’occuper <strong>des</strong> visiteurs. « Au momentde l’arrivée ou du départ <strong>des</strong> clients,il faut absolument quelqu’un sur place,explique Gérard. Mon épouse, Eveline,travaille dans un bureau quatre jourspar semaine; le reste du temps elle medonne un coup de main pour l’accueil,la publicité <strong>et</strong> la tenue de livres. »Eveline <strong>et</strong> Gérard n’ont pas d’enfant.UN RÉSEAU DE GÎTESÀ LA FERMEGérard Hartveld est particulièrementfier du groupe qu’il a contribuéà m<strong>et</strong>tre sur pied. « Il y a 10 ans, quandj’ai commencé à élaborer <strong>des</strong> planspour faire de l’hébergement à la ferme,j’ai fondé un groupe avec six autresfermes de la région. On offre soit <strong>des</strong>appartements, soit la chambre <strong>et</strong> p<strong>et</strong>itdéjeuner. Nous sommes maintenant25 entreprises à faire partie du groupe<strong>et</strong> à nous entraider. Si l’une <strong>des</strong> fermesmanque de place, on réfère les clientsà d’autres membres. »Le regroupement sert également àeffectuer <strong>des</strong> placements publicitaires<strong>et</strong> à faire respecter <strong>des</strong> exigences dehaut niveau au plan de la qualité del’hébergement. Pour attirer les <strong>touristes</strong>,il faut évidemment que les gensaient accès à <strong>des</strong> logements propres <strong>et</strong>confortables <strong>et</strong> que l’aménagementpaysager soit joli. Le groupe exploiteun site Web (www.hollandfarm.nl).Située à une heure en voiture ausud d’Amsterdam, capitale <strong>des</strong> Pays-18MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS


Bas, <strong>et</strong> au cœur d’un important circuitde pistes cyclables, la ferme Saint-Nicolas offre la possibilité aux visiteursde côtoyer les animaux <strong>et</strong> de s’initieraux travaux. « Certaines personnesviennent voir les animaux ou assisterà la traite tous les jours, d’autres viennentoccasionnellement <strong>et</strong> d’autres,pas du tout! »Gérard <strong>et</strong> Eveline ont aussi crééune activité pour les groupes dejeunes de la région : ces derniers vontchercher les vaches, doivent lestraire, les nourrir <strong>et</strong> s’ils réussissentbien, ils reçoivent un certificat. C’estune façon d’initier les jeunes à la productionlaitière.UNE VINGTAINE D’HECTARESÀ CINQ MÈTRES SOUS LENIVEAU DE LA MERGérard explique que le succès duvol<strong>et</strong> agrotouristique de son entrepriseest favorisé par la proximitéd’une épicerie, d’un centre de locationde vélos <strong>et</strong> d’un arrêt d’autobus dansun rayon de 300 mètres. La ferme adéjà une histoire d’accueil puisqu’àune certaine époque, on y logeait lesexploitants agricoles qui, une foisr<strong>et</strong>raités, n’avaient plus d’endroit oùse loger.La superficie en culture de la fermecouvre une vingtaine d’hectares, situésà cinq mètres sous le niveau de la mer.Les champs ne fournissent pointd’algues pour autant! Non, on yr<strong>et</strong>rouve plutôt de l’ensilage d’herbe <strong>et</strong>de maïs entreposé en silo de bétonhorizontal. Gérard cultive égalementdu blé, <strong>des</strong> pommes de terre <strong>et</strong> de lab<strong>et</strong>terave à sucre. Les grosses ballesd’ensilage de maïs <strong>et</strong> de paille sontpressées à forfait. Les céréales sontvendues en échange de nourriture richeen protéine pour les vaches.L’INDUSTRIELAITIÈREHOLLANDAISEEN CHIFFRES*Fermes laitières : 20 000Vaches laitières : 1,5 millionMoyenne de production parvache/an : 7 926 kilogrammesRace dominante :Holstein-Friesian, à 95 %Production annuelle de lait :11 milliards de kilogrammesProduction fromagère :724 000 tonnesEmplois liés à l’industrie : 61 000Pourcentage <strong>des</strong> terres arablesutilisées par les producteurslaitiers : 60 %Quota moyen d’une ferme :575 000 kilogrammesPourcentage <strong>des</strong> fermes détenantplus de 800 000 kilogrammes :20 %Consommation de lait frais parpersonne : 60 kilogrammesConsommation de fromage parpersonne : 20,5 kilogrammesProduction exportée à 60 %Pays importateurs : Allemagne,Belgique <strong>et</strong> FranceLe troupeau de Gérard Hartveld est beaucoup plus p<strong>et</strong>it si on le compare à la moyenne de son pays.* Statistiques 2008.Source : Dutch Dairy Sector, Dutch DairyBoard 2009, www.prodzuivel.nl.MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 19


INTERNATIONALL’industrie laitièreà un tournantAu printemps dernier, Gérardrecevait 30 cents le litre de laitproduit. Considérant que le coûtde production se situe entre 30<strong>et</strong> 40 cents, c’est évidemmentloin d’être suffisant.Parallèlement, depuis deuxans, le prix du quota de laitconnaît une dévaluation. Il étaità 2 $ le litre il y a deux ans, pour<strong>des</strong>cendre graduellement jusqu’à70 cents au printemps dernier.C<strong>et</strong>te chute de la valeurdu quota s’explique par la disparition,d’ici 2015, <strong>des</strong> contingentsde production dans toutel’Union européenne. Les producteurspréfèrent attendre la disparition <strong>des</strong> quotas avant d’entreprendr<strong>et</strong>oute expansion : il serait en eff<strong>et</strong> déraisonnable d’investirdans un permis qui ne vaudra bientôt plus rien.Pour inciter les producteurs à ne pas quitter l’agriculture, lesgouvernements <strong>des</strong> pays de l’UE versent <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> substantiellesaux producteurs. Par exemple, la subvention pour la culture <strong>des</strong>céréales atteint 402 $ CA (300 ) l’hectare. Il faut cependant quela ferme possède un historique de production <strong>et</strong> qu’elle soit en toutpoint conforme aux normes environnementales.Chaque printemps, le ministère de l’Agriculture recense lenombre d’animaux <strong>et</strong> exige de connaître la quantité de fumier produite.Les entrepreneurs qui procèdent aux épandages doiventfournir <strong>des</strong> échantillons de fumier pour en vérifier la teneur en azote<strong>et</strong> en potassium.Au total, Gérard affirme toucher annuellement entre 5 000 <strong>et</strong>10 000 (de 6 700 $ CA à 13 400 $ CA) de subventions gouvernementales.Les initiatives d’amélioration du paysage <strong>et</strong> les effortsde conservation <strong>des</strong> ressources déployés par les agriculteurs sontencouragés par <strong>des</strong> subventions.Voilà une part importante de l’appui étatique qui fait en sorteque Gérard Hartveld peut continuer à traire ses 18 vaches rouges,conserver sa p<strong>et</strong>ite terre <strong>et</strong> partager sa passion avec les visiteursde passage.L’histoire <strong>des</strong> Hollandais en est une d’exploration <strong>et</strong> d’immigration;ils sont donc enclins à quitter un territoire lorsqu’ils le jugenttrop exigu pour satisfaire leurs besoins d’expansion. La disparitionprochaine <strong>des</strong> quotas influence également certains producteurs àpartir pour s’installer là où les terres sont jugées encore abordables: ils achètent ou louent en Bulgarie, en Hongrie, en Républiqu<strong>et</strong>chèque <strong>et</strong> en Pologne.LES POLDERSComme dans plusieurs endroits enHollande, <strong>des</strong> digues ont été érigéesautour de gran<strong>des</strong> superficies inondées.À l’époque, les moulins à vent ontservi à en dégager l’eau, mais depuisl’avènement de l’électricité, ils ne serventplus. Les pales sont chaînées ausol <strong>et</strong> les moulins ont été convertis enhabitations.Les superficies dont on a r<strong>et</strong>iré l’eaupour cultiver ou faire paître les animauxs’appellent <strong>des</strong> polders. La fermeSaint-Nicolas fait partie du polderNewkops, une étendue de terre de3 000 hectares dont l’eau a été extraite,il y a 200 ans, par 26 moulins à vent.Le sol y est argileux.Les 18 vaches de la ferme Saint-Nicolas, qui donnent 9 000 litres de laitannuellement, semblent filer le parfaitbonheur. Traites matin <strong>et</strong> soir, aussitôtque vient le beau temps, ellesfilent dehors. De leur pâturage, ellesont une vue sur le clocher du villagede l’autre côté de la digue. Pour lamoulée, les vaches se présentent dansla section de l’étable où se trouve unestation qui fonctionne selon le colliermagnétique qu’elles portent au cou.Le troupeau de Gérard Hartveld estindéniablement plus p<strong>et</strong>it si on le compareà la moyenne de son pays, maisla vocation agrotouristique de l’entrepriselui perm<strong>et</strong> d’exploiter un p<strong>et</strong>itbijou de ferme bien rentable.ET DEMAIN?Comment Gérard Hartveld entrevoit-ill’avenir? « Je suis optimiste, levirage vers l’agrotourisme s’est avérétrès bénéfique pour mon entreprise. Ily a 10 ans, avec un troupeau de seulement20 vaches, c’était trop p<strong>et</strong>itpour espérer continuer. Maintenant,j’ai une bonne entreprise entre lesmains. »Le défi que pose l’agrotourisme estde conjuguer le travail de la ferme <strong>et</strong>l’accueil <strong>des</strong> visiteurs, une activité quinécessite d’investir du temps pour bienla faire. « Accueillir <strong>des</strong> visiteurs est unmétier, tout comme celui d’agriculteur.Alors pour y plonger, il faut vraimentque ce soit une activité planifiée, »explique Gérard. ■20MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS

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