Marc Gjidara: Le contrô<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>actes</strong> <strong>des</strong> autorités loca<strong>le</strong>s <strong>par</strong> <strong>le</strong>s <strong>tribunaux</strong> administratifs en FranceZbornik radova Pravnog fakulteta u Splitu, god. 47, 3/2010., str. 551.-578.Les tentatives de certains <strong>tribunaux</strong> administratifs en vue de limiter la marge deliberté du préfet, au nom du respect de la légalité, ont été vouées à l’échec. 116Cette jurisprudence a évidemment été bien accueillie <strong>par</strong> <strong>le</strong> corps préfectoral,soucieux de la qualité <strong>des</strong> relations avec <strong>le</strong>s élus locaux, et plus porté à l’arrangementet à l’action qu’au conflit et aux recours.§ 2. Le renforcement de la qualité du contrô<strong>le</strong>Nul ne conteste l’aspect positif d’un système qui évite <strong>le</strong>s contentieux, alorsque la juridiction administrative est déjà encombrée <strong>par</strong> ail<strong>le</strong>urs. Mais l’enjeu ducontrô<strong>le</strong> de légalité <strong>des</strong> <strong>actes</strong> locaux n’est ni plus ni moins que l’égalité devant laloi, donc l’Etat de droit qui doit être aussi au cśur de la décentralisation. Tout aété dit sur <strong>le</strong>s déficiences du contrô<strong>le</strong> et sur <strong>le</strong>s risques que représente pour l’unitéde la République, une trop grande dis<strong>par</strong>ité <strong>des</strong> comportements dans la mise enśuvre de ce contrô<strong>le</strong> 117 . Le Conseil d’Etat a mis l’accent sur <strong>le</strong> danger qu’il yaurait à créer un sentiment d’impunité, susceptib<strong>le</strong> de « favoriser <strong>le</strong>s tentationsde comportements délictueux, notamment dans <strong>des</strong> secteurs sensib<strong>le</strong>s commel’urbanisme, <strong>le</strong>s marchés publics et <strong>le</strong>s délégations de services publics » 118 . Les<strong>par</strong><strong>le</strong>mentaires aussi sont soucieux de voir <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de légalité jouer efficacementson rô<strong>le</strong> au service de l’Etat de droit. Les nouvel<strong>le</strong>s étapes franchies depuis 1982dans la décentralisation, notamment avec la loi du 13 août 2004 accroissant <strong>le</strong>sresponsabilités et <strong>le</strong>s compétences transférées aux col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s, exigentque soit mieux garantie l’application uniforme du droit sur l’ensemb<strong>le</strong> du territoirenational.A - La modernisation du contrô<strong>le</strong> dans sa phase administrativeLes techniques du juge administratif en matière de contrô<strong>le</strong> de légalité, depuislongtemps éprouvées, sont considérées comme satisfaisantes. C’est donc sur <strong>le</strong>contrô<strong>le</strong> exercé en amont qu’il a fallu agir.Les services de l’Etat ont dû re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> défi représenté <strong>par</strong> l’organisation <strong>des</strong>flux et de la gestion <strong>des</strong> stocks de documents qui <strong>le</strong>ur étaient transmis. Pour que<strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> à ce stade soit efficace, il a fallu renforcer <strong>le</strong>s personnels en préfectureet améliorer la formation <strong>des</strong> fonctionnaires, pour satisfaire <strong>le</strong> besoin de sécuritéjuridique <strong>des</strong> élus locaux et pour rassurer <strong>le</strong>s administrés qui hésitent de moins en116La volonté manifestée était de limiter la marge de manśuvre du préfet, en n’acceptant de luidonner acte de son désistement que si celui-ci était réel<strong>le</strong>ment provoqué <strong>par</strong> la correction juridique dela réformation ou <strong>par</strong> une erreur d’appréciation sur la légalité : voir T.A. Lyon, 6 février 1984, Syndicat<strong>des</strong> transports en commun de la région lyonnaise et T.A. Lyon, 10 juil<strong>le</strong>t 1984, Commune de Fons. Sereporter aux observations de D. CHABANOL à l’A.J.D.A. 1984, p. 570 et à l’étude de M. LEVY, sur « Ledésistement du déféré du commissaire de la République », A.J.D.A. 1985, p. 136.117Se reporter au Rapport du Commissariat Général du Plan intitulé « Décentralisation, l’âge deraison ».118Conseil d’Etat, Rapport Public, N° 45/1993 (précité) p. 77.574
Marc Gjidara: Le contrô<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>actes</strong> <strong>des</strong> autorités loca<strong>le</strong>s <strong>par</strong> <strong>le</strong>s <strong>tribunaux</strong> administratifs en FranceZbornik radova Pravnog fakulteta u Splitu, god. 47, 3/2010., str. 551.-578.moins à s’adresser au juge administratif. Les contrô<strong>le</strong>urs et <strong>le</strong>s contrôlés aspirentà agir dans un cadre normatif clair et stab<strong>le</strong>.De nombreuses circulaires ou directives sont intervenues pour commenter<strong>le</strong>s dispositions léga<strong>le</strong>s et la jurisprudence relatives au contrô<strong>le</strong> de légalité. El<strong>le</strong>sconcernent <strong>le</strong>s domaines prioritaires à contrô<strong>le</strong>r, la maîtrise <strong>des</strong> nouveaux textes,l’organisation <strong>des</strong> services du contrô<strong>le</strong> en préfecture, et <strong>le</strong>s personnes habilitées àsaisir <strong>le</strong>s <strong>tribunaux</strong> administratifs. Il a fallu aussi prendre en considération <strong>le</strong> faitqu’à côté de l’activité de contrô<strong>le</strong>, la fonction de conseil a pris une importancenouvel<strong>le</strong> puisqu’el<strong>le</strong> représente jusqu’à la moitié de la charge de travail <strong>des</strong>services.C’est cet accroissement nécessaire <strong>des</strong> capacités d’expertise juridique, qui aconduit à prendre certaines initiatives en vue d’améliorer <strong>le</strong> fonctionnement dusystème. Ainsi, un <strong>par</strong>tenariat a été établi entre <strong>le</strong> ministère de l’intérieur et <strong>le</strong>conseil national <strong>des</strong> avocats, qui a débouché sur une Charte prévoyant l’accueil<strong>des</strong> élèves avocats au sein <strong>des</strong> préfectures et du pô<strong>le</strong> interrégional d’appui aucontrô<strong>le</strong> de légalité installé à Lyon, et la <strong>par</strong>ticipation de la Direction généra<strong>le</strong> <strong>des</strong>col<strong>le</strong>ctivités loca<strong>le</strong>s à la formation de ces élèves.En effet, depuis 2002 <strong>le</strong> pô<strong>le</strong> d’appui précité apportait aux services préfectorauxde cinq régions une expertise dont la qualité était reconnue, et qui visait àrenforcer la professionnalisation <strong>des</strong> agents chargés du contrô<strong>le</strong> au plan local.Ce pô<strong>le</strong> d’appui a pris <strong>par</strong> la suite et depuis <strong>le</strong> 1 er janvier 2007 une compétencenationa<strong>le</strong> à l’exception <strong>des</strong> col<strong>le</strong>ctivités d’Outre-mer et de la région I<strong>le</strong>-de-France119. La circulaire du 17 janvier 2006, dans <strong>le</strong> prolongement du mouvement dedécentralisation, a tendu à donner au contrô<strong>le</strong> de légalité une nouvel<strong>le</strong> dimensionnécessitant un accroissement <strong>des</strong> moyens juridiques et une définition <strong>des</strong> stratégiesde contrô<strong>le</strong>. Ces stratégies de contrô<strong>le</strong> sont arrêtées <strong>par</strong> <strong>le</strong>s préfets en fonction <strong>des</strong>contextes locaux. L’objectif est certes de contrô<strong>le</strong>r la bonne application <strong>des</strong> lois,mais aussi de prévenir <strong>le</strong>s mises en cause juridiques, péna<strong>le</strong>s et financières <strong>des</strong> éluslocaux. La circulaire précitée du 17 janvier 2006 relative à la modernisation ducontrô<strong>le</strong> de légalité, a aussi voulu recentrer <strong>le</strong> déféré préfectoral sur <strong>le</strong>s quelquesdomaines prioritaires suivants :l’intercommunalité : en ce domaine, <strong>le</strong>s préfets doivent veil<strong>le</strong>r à la mise enśuvre d’une politique globa<strong>le</strong> cohérente et efficace, à la définition de l’intérêtintercommunal, au transfert effectif <strong>des</strong> moyens et <strong>des</strong> personnels affectés auxcompétences transférées, au contrô<strong>le</strong> <strong>des</strong> sociétés d’économie mixte ;la commande publique : <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> doit ici porter sur <strong>le</strong> respect <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>sde concurrence, sur <strong>le</strong>s <strong>actes</strong> dont la transmission n’est plus obligatoire 120 , surla surveillance <strong>des</strong> coûts mentionnés afin de garantir un bon usage <strong>des</strong> deniers119Les missions du Pô<strong>le</strong> d’appui de Lyon sont : l’assistance juridique, l’information, la formation. Lafaculté de saisir <strong>le</strong> Pô<strong>le</strong> ap<strong>par</strong>tient aux préfets et aux sous-préfets. Les services déconcentrés de l’Etat et<strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s n’y ont pas directement accès.120Cela concerne notamment <strong>le</strong>s marchés conclus suivant la « procédure adaptée », inférieurs à 230.000€ hors taxes, qui représentent une bonne <strong>par</strong>t de la commande publique <strong>des</strong> col<strong>le</strong>ctivités territoria<strong>le</strong>s.575