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Bonjour. Il nous a été demandé de présenter le changement systémique et de poursuivre parun échange. Je suis Bob Maloney. Je préside actuellement la commission de promotion duchangement systémique. Et voici Giuseppe Turati, Secrétaire Général de la Congrégation, etqui deviendra sous peu président de la commission. Et Jim claffey, membre de la Société deSaint Vincent de Paul aux USA et nouvellement secrétaire exécutif de la commission. Nousnous sommes partagés la présentation.Jim commencera. Il nous parlera d’un projet réussi de changement systémique et nous décriraensuite ce qu’est le changement systémique.(Jim Claffey)1. Un "orage parfait", histoire d’un changement systémiquePrésentation faite à la Rencontre des VisiteursUniversité St JohnJuillet 2013Je suis heureux de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui. Je commencerai par quatremots forts : « il était une fois ». Il y a longtemps que les prédicateurs et les professeursconnaissent l’impact des histoires. En effet, tout le monde aime les bonnes histoires, etcelle-ci est réelle.2. Cette histoire a lieu à San José de Ocoa en République Dominicaine, dans une régionmontagneuse regroupant 120 petits villages.3. La rivière Ocoa n’était qu’un ruisseau dans les années 80, cela à cause de ladéforestation réduisant la pluviosité et des mauvaises techniques agricoles érodant lessols.4. Les sols sont stériles et le paysage sans végétation.5. Image6. La vie quotidienne se déroulait ainsi :• Les femmes et les jeunes filles passaient des heures à puiser de l’eau dans leruisseau ;• Les enfants n’allaient pas à l’école ;• Les familles survivaient à peine ;• Une mortalité infantile très forte ;• La famine et les maladies étaient chroniques.7. Les gens vivaient dans une pauvreté extrême.8. Jack Eschmann, aujourd’hui décédé, était un membre actif de la Société de SaintVincent de Paul de Long Island New York.• En 1982, Jack rend visite à sa sœur qui était volontaire à l’école de San José deOcoa ;• Cette expérience va le retourner ;• Il y retourne en 1984, l’histoire commence.9. Jack s’entretient avec le prêtre local, le P. Lou Quinn, canadien. Ce prêtre visionnairelui répond : « ne fais pas à la place des gens, Jack, aides-les à faire par eux-mêmes ».Une graine du changement systémique est plantée, les gens sont consultés.10. Image11. Premières étapes du programme :• Le gouvernement approuva le projet ;• Jack leva des fonds grâce à la SSVP de Long Island pour le matériel et laconsultation technique ;• Il commença petitement, 5 villages à la fois ;• Les conditions : 4 villages aidaient le premier, puis 4 autres un second, etc.1

• Graines du changement systémique : les gens étaient impliqués à chaque étapeet les ressources assurées.12. Le but : approvisionner les villages de la communauté d’Ocoa en eau potable.i. Moyens :• Capter les eaux pures de printemps en haut des montagnes ;• Utiliser des citernes sures ;• Réaliser des conduites avec des tuyaux de plastique solides.13. Alors que le projet avançait, les responsables de communautés réunirent les leurs pourdiscuter d’autres aspects liés à la santé et à la production. Parce que le projet eau étaitun succès, les gens vinrent et écoutèrent. Ce fut un moment très instructif :• Développer les communautés en combinant le travail physique, l’éducation etla construction ;• Apprendre aux paysans à ne pas bruler après la moisson ;• Etendre la coopération en créant de la confiance entre les villages.14. Image• Apprendre aux agriculteurs à planter en terrasse (faire des rangs horizontauxau lieu que n’importe comment, pour créer des barrières naturelles contrel’érosion) ;• Faire des aqueducs et travailler à l’irrigation. Utiliser des plantes pour purifierl’eau ;• Construire des latrines ;• Remplacer la chaume des toits par du zinc, et les sols en terre par du ciment ;• Varier les plantations dans les jardins pour améliorer la nutrition.15. Le monde développé pourrait voir cela comme désorganisé, mais pour les gens deOcoa ce fut la réponse à une prière.16. Image17. Image18. De l’eau potable dans le village pour la première fois. Plus besoin d’aller puiser l’eauà des kilomètres.19. De l’eau pour l’agriculture.20. Cent villages sortirent ainsi de la pauvreté grâce à la collaboration d’un prêtrevisionnaire, des communautés locales et de la Société de Saint Vincent de Paul.21. Des rangs de plantation sur les montagnes, et de la reforestation pour attirer les pluieset ainsi gonfler la rivière.22. Les stratégies du changement systémique mises en route :• La pauvreté n’est pas inévitable ;• Un projet découlant des valeurs vincentiennes ;• Un profond respect de la culture locale ;• Une vision pour des besoins humains sérieux ;• Un projet auto-nutritionnel et holistique ;• Un projet mettant en avant la solidarité communautaire ;• Une vision partagée.23. La notion de changement systémique24. Qu’est-ce qu’un système ? Un système est un tout, dont les éléments tiennentensemble car ils interagissent dans un but commun. Pensez à une salle d’opération et àce qui la compose : le patient, les docteurs et les infirmiers, l’équipement. Ils formentun tout, un système, et chaque élément est essentiel au bon fonctionnement dusystème. Ou pensez à un restaurant, avec les serveurs, les cuisiniers, les clients, lanourriture, l’équipement. Chaque élément à un rôle essentiel pour le succès du tout, dusystème. Si un élément faiblit, le tout en souffre.25. Image2

• Le changement systémique est un processus favorisant le changementstructurel d’un système. C’est un changement conduisant à une transformationradicale dans la vie des pauvres grâce à des stratégies spécifiques nécessairesaux changements ;• Il n’y a pas de recettes ;• C’est exponentiel et peut être incorporé à tous types de ministère ;• Un système : tout est connecté à tout le reste.26. Eléments clefs :• Un système• Les causes premières• TransformationGraine du changement systémique : commencer par changer des attitudes et la penséesystématique ; tout est connecté à tout le reste.27. Ils ne comprennent pas le sens du changement systémique !C’est-à-dire : heureux que le trou ne soit pas à la fin …28. Ceci illustre un système de vie pour les gens : emploi, argent, nourriture, santé,éducation … Chaque élément doit fonctionner pour qu’une personne aille bien. Ceciillustre aussi des opportunités : où pouvons-nous intervenir pour changer le système,quel est le point de pression à changer, de façon à ce que le tout fonctionne mieuxpour tout le monde ?29. Les critères d’un projet changement systémique :• Un impact social très large dans la vie des pauvres ;• Viabilité ;• Pouvant être reproduit ;• Innovant.30. Distinction importante entre une assistance immédiate en faveur des pauvres et lechangement systémique :• Ce n’est pas un "ou" ni une option ;• Mais les deux et de manière impérative.La charité et la justice, les deux faces d’une même pièce, comme le disait FrédéricOzanam. La Famille Vincentienne est engagée dans les deux aspects.31. Origines :2005:2006Nomination de la commission de promotion du changement systémique ;Son mandat :Aider à développer le changement systémique parmi ceux œuvrant parmi les pluspauvres.32. Les membres de la commission d’origine :P. Robert Maloney, cmMr Gene Smith, SSVPP. Norberto Carcellar, cmP. Pedro Opeka, cmP Joseph Foley, cmMme Patricia Nava, AICRosamaria Casas (traductrice)Sr Ellen Flynn, FdlC33. Les buts de la commission de promotion du changement systémique :• Etudier les matériaux disponibles concernant le changement systémique ;• Discerner leur implication dans le changement systémique ;• Préciser un certain nombre de stratégies susceptibles d’être partagées au seinde la Famille Vincentienne ;3

• Proposer les moyens adéquats de diffuser ces stratégies.34. Qu’avons-nous fait depuis ?• Un livre : les graines de l’espérance : histoires de changement systémique ;• Un kit outils ;• Le site internet FAMVIN ;• L’émission de bourses ;• Des ateliers continentauxi. Mexique, février 2009 ;ii. Brésil, juin 2009 ;iii. Cameroun, juillet 2009 ;iv. Bangkok, novembre 2009 ;v. USA, novembre 2010 ;vi. République Dominicaine, février 2012 ;vii. Italie, octobre 2012.35. Commission 2014 :• Giuseppe Turati, cm, Coordinateur• Mizael Donizetti Poggioli, cm• Kerry anthony, Depaul international• Juan Pablo Jacome Solarte, JMV• Fille de la Charité (à nommer)• AIC (à nommer)• James Claffey, SSVP, secrétaire exécutif36. Ateliers à venir :• Ranchi, Inde, février 2013• Salamanque, Espagne, août 2013• Liban, octobre 201337. prière du changement systémique :Nous te prions et te rendons grâce,Seigneur, créateur de l’univers.Tu as fait toute chose bonneEt nous a donné la terre à cultiver.Fait que nous puissions toujours utiliser ta créationAvec reconnaissance,En la partageant généreusement avec ceux dans le besoin.ImageDonnes-nous de la créativité pour aider les pauvresA recevoir les ce dont ils ont besoin.Ouvre nos esprits et nos cœursAfin que nous nous tenions à leurs côtésEt les aidions à changerLes structures injustes qui les gardent dans la pauvreté.Aides-nous à être leurs frères et sœursDes amis marchant avec euxDans leur lutte pour les droits fondamentaux de l’Homme.Nous te le demandons par Jésus le Christ notre Seigneur, Amen.4

(Bob Maloney)Comme vous pouvez le constater, nous suivons la petite méthode de St Vincent. Jimvous a présenté quoi : qu’est-ce que le changement systémique. Il m’a été demandé d’exposerle pourquoi : pourquoi le changement systémique est si important pour nous membres (etresponsables) de la Congrégation de la Mission. Giuseppe vous présentera le comment :comment vous, Visiteurs, pourriez promouvoir le changement systémique parmi les membresde vos Provinces et plus largement au sein de la Famille Vincentienne.Permettez-moi de suggérer deux raisons faisant du changement systémique unequestion importante pour nous membres et pour vous responsables de la Congrégation de laMission : 1) la Nouvelle Evangélisation à laquelle nous appelle l’Eglise aujourd’hui ; 2)quelques graines du changement systémique dans la vie et les écrits de St Vincent.I. L’appel de l’Eglise à la Nouvelle EvangélisationEn octobre dernier se tint autour de Benoit XVI le synode sur la NouvelleEvangélisation. Ils ne parlèrent pas de quelque chose de nouveau.Le document de Medellin, qui eu un effet dramatique en Amérique Latine, appela à laré-évangélisation de l’existence humaine 1 . Il imaginait une Eglise Latino-Américaineévangélisant les pauvres et vivant en solidarité avec eux 2 . Le document final de Puebla repritcette intuition de renouveler l’évangélisation 3 . Le document Santo Domingo, construit sur uneexpérience de 20 ans, fournit le contenu extensif de la "Nouvelle Evangélisation" 4 . Au tempsd’Aparecida en 2007, le terme Nouvelle Evangélisation était entré dans les mentalités 5 .Tous les commentateurs s’accordent pour dire que Paul VI, bien que n’ayant pas utilisé leterme, en est le principal architecte. Evangelii Nuntiandi offre parmi les plus belles richessespour la Nouvelle Evangélisation 6 :L’évangélisation perd beaucoup de sa force et de son efficacité si elle ne prend pas enconsidération le peuple concret auquel elle s’adresse, n’utilise pas sa langue, sessignes et symboles, ne répond pas aux questions qu’il pose, ne rejoint pas sa vieconcrète.Evangelii Nuntiandi eu une grande influence sur nos Constitutions de 1984. C’est enfait l’un des rares documents que nos Constitutions citent dans le texte 7 . Je reviendrai làdessussous peu.Dans son message final du 26 octobre 2012, le synode nous donne un bref aperçu dece que la Nouvelle Evangélisation nous demande. En deux paragraphes, le message dit : « Leschangements sociaux, culturels, économiques, civils et religieux nous appellent à quelquechose de nouveau : vivre notre expérience de foi commune de façon renouvelée, et laproclamer par une évangélisation nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes, dans sonexpression, comme nous y appelle Jean-Paul II (Discours à la XIX Assemblée du CELAM,Port-au-Prince, le 9 mars 1983, N°3) ».1 Medellin, VIII, 8.2 Medellin, XIV, 8.3 Puebla, 340f.4 Santo Domingo, conclusion 23ff.5 Aparecida, Message aux peuples Latino-Américains et Caraïbes, 3.6 Evangelii Nuntiandi, 63.7 Constitutions 10, 11, 16.5

Le paragraphe 12 du message final ajoute avec force : « Le … signe d’authenticité de laNouvelle Evangélisation est le visage des pauvres. Etre aux côtés des blessés de la vie n’estpas qu’œuvre sociale, mais avant tout un acte spirituel car c’est le visage du Christ que nousrévèlent les pauvres : "Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est àmoi que vous l’avez fait" (Mt 25, 40) ». Nous devons reconnaître la place privilégiée despauvres dans nos communautés, une place qui n’exclue personne, mais qui désire refléter lamanière dont Jésus lui-même se penchait vers les pauvres. La présence des pauvres dans noscommunautés est mystérieusement puissante : elle change les personnes plus qu’un discoursne le ferait, elle nous aide à comprendre la fragilité de la vie, elle demande des prières. Enbref, elle nous présente le Christ. Cette affirmation synodale raisonne comme étant trèsvincentienne !Les derniers Papes ont tous insisté sur le fait que la charité doit être accompagnée d’unengagement pour la justice. Aussi, la doctrine sociale de l’Eglise est-elle inhérente à laNouvelle Evangélisation. Regardant un siècle en arrière, le Pape Jean-Paul II écrit dansCentesimus Annus : « L'enseignement et la diffusion de la doctrine sociale de l'Egliseappartiennent à sa mission d'évangélisation ; c'est une partie essentielle du messagechrétien » 8 . Il ajoute : « La "Nouvelle Evangélisation" … doit compter parmi ses élémentsessentiels l'annonce de la doctrine sociale de l'Eglise » 9 . Ce sont des mots forts. Difficiled’être plus clair.Il est fascinant pour moi de constater à quel point Evangelii Nuntiandi et laterminologie de la Nouvelle Evangélisation ont influencé nos Constitutions et les documentsde la Congrégation ces dernières années. Nos documents de ces 25 dernières années ont unaccent tout particulier, appuyant sur :- Suivre le Christ évangélisateur des pauvres ;- Voir le pauvre, non comme objet d’évangélisation, mais comme sujet ;- Se laisser évangéliser par les pauvres ;- Enseigner les liens entre évangélisation et action pour la justice ;- Rechercher les causes de la pauvreté et leurs solutions concrètes ;- Observer les nouvelles formes de pauvreté ;- Devenir des spécialistes dans l’enseignement de la Doctrine Sociale de l’Eglise ;- Former les communautés de base ;- Acquérir une vision globale.Aujourd’hui, je vous suggère de considérer le changement systémique vincentiencomme une concrétisation de l’appel à la Nouvelle Evangélisation.II.Quelques graines du changement systémique dans la vie et l’œuvre de StVincent.Le concept de "Changement Systémique" est moderne et était inconnu au temps de StVincent. Comme la plupart d’entre nous aujourd’hui, Vincent accueillait les structures quil’environnaient comme données, voire données par Dieu. Elles étaient comme l’air qu’ilrespirait. Il les accueillait comme évidentes. Vincent vécu dans une société divisée enclasses : la monarchie, la noblesse, le clergé et les paysans. Il n’aurait jamais songé à changercela, comme les révolutionnaires français le firent 150 ans plus tard.8 Centesimus Annus, 5.9 Ibid.6

Mais déjà en son temps, les idées de Vincent étaient liées au changement Systémique.Et il nous est utile d’étudier sa pensée, celle-ci nous aidant à situer le changement systémiquedans le charisme de notre Famille Vincentienne. Pour cela, je m’appuierai sur huit graines dechangement systémique dans la vie et l’œuvre de St Vincent. Je nommerai chaque graine enutilisant une terminologie propre à St Vincent pour ensuite faire le lien avec les projetsd’aujourd’hui. Et nous pourrions faire de même avec les vies et œuvres de Ste Louise, deFrédéric Ozanam et d’autres héros de la Famille Vincentienne.1. Amour Affectif et effectif → Changer les structures sociales.Nous sommes familiers de cette expression que Vincent utilisait souvent : "noussommes appelés à aimer de manière affective et effective". Il disait par exemple, "l’amourd’une Fille de la Charité n’est pas que tendresse. Il est effectif, parce qu’elle se doit de servirles pauvres concrètement".Aujourd’hui nous savons que le péché ne touche pas seulement l’individu. Il toucheégalement nos structures sociales, lié à des lois injustes, des relations basées sur l’argent,l’inégalité, les frontières artificielles, des gouvernements oppressants et beaucoup d’autresobstacles à d’harmonieuses relations en société. Beaucoup de ces structures injustesmaintiennent les pauvres dans la pauvreté.La parabole du Bon Samaritain dans l’Evangile de Luc met en scène le fait quel’amour de Dieu se vit dans l’amour du prochain. Mais nous constatons aujourd’hui quel’amour effectif ne peut se contenter de panser les plaies d’un blessé et de verser de l’huile surses blessures. Cela nécessite aussi de s’assurer que la route menant de Jérusalem à Jéricho estune route sure maintenant et dans l’avenir.2. L’évangélisation par les mots et les œuvres → évangélisation intégrale :témoigner, prêcher et promouvoir l’Homme.Vincent était convaincu du fait que ce que nous disons et faisons doit nous soutenirmutuellement. Ce que nous disons n’est crédible que si les actes y sont accordés. En d’autrestermes, Vincent voit le témoignage, le service, le prêche et l’enseignement commecomplémentaires les uns les autres, et faisant partie du processus d’évangélisation.Aujourd’hui, l’unité entre le témoignage, l’évangélisation et la promotion humaine està la base de l’enseignement social de l’Eglise, comme ce l’était dans l’esprit de Vincent.D’abord fait, puis enseigne. Telles étaient les règles de Vincent pour une évangélisation"effective".C’est ainsi que Vincent encourageait ses disciples à étudier la vie des pauvres pour ydéceler les besoins les plus urgents : alimentation, soins, éducation, travail et spiritualité. Ilregardait la personne comme un tout et souhaitait qu’on la traite en son entier.3. Chatillon → l’organisation.Quand il rassembla les premières Dames de la Charité à Chatillon-les-Dombes ennovembre 1617, Vincent précisa dans les règles qu’il leur donna, que les pauvres souffraientparfois plus d’un manque d’organisation dans l’aide apportée que d’âmes charitables pour lesaider.7

Aussi se chargea-t-il d’organiser cette aide. Il croyait qu’une charité bien intentionnéese devait d’être également bien organisée. Elle se doit d’être planifiée et accomplie avecprécision et soin. Vincent était un planificateur et un organisateur méticuleux. C’était un deses dons. Cela permit à ses œuvres d’être effectives.Vincent, dans le service apporté, voulait de la qualité, de la compétence, de lagentillesse et du respect. Il insistait sur le fait que nous devions non seulement faire le bien,mais bien le faire, avec des moyens appropriés, et d’une manière chaleureuse et attentionnée.4. Rédiger des contrats et des règles → Etablir des fondations solides commecondition de pérennité.Durant toute sa vie, Vincent négocia des contrats détaillés et rédigea des règlesprécises pour les groupes qu’il fondait. Il voulait que ces groupes soient solidement établispour que leur service soit dans le long-terme. Les contrats assuraient quant à eux desressources financières stables. Les règles donnaient la structure et décrivaient le charisme etl’esprit des groupes fondés. Les contrats et les règles étaient essentiels à la pérennisation desgroupes. Il est utile de constater que Vincent ne voyait pas d’antagonisme entre se fier à laDivine Providence, effectuer des placements financiers et mettre en place des structures pourque les projets durent dans le temps.Aujourd’hui, toutes les organismes mettent l’accent sur la pérennisation des projets.5. Simplicité → Transparence.Vincent ne cesse de nous rappeler que les pauvres sont attirés par ceux qui parlent etvivent simplement, par ceux qui sont transparents dans ce qu’ils disent et font. C’estégalement ce qui fait le succès des projets de changement systémique : les responsables ontdéveloppé une habilité à écouter les pauvres, à leur parler simplement et en transparence, à lesengager dans toutes les étapes du projet depuis le discernement des besoins, la planification,l’accomplissement, l’évaluation et les réajustements nécessaires.Aujourd’hui, la transparence dans l’établissement d’un budget, l’utilisation desressources et le rendre compte, y compris aux pauvres eux-mêmes, de la façon dont lesressources sont utilisées, est la clef du changement systémique.6. Petites Ecoles → Education et formation professionnelle.Vincent et Louise se sont beaucoup engagés dans l’éducation et la formation desjeunes pauvres, surtout pour leur permettre de trouver du travail. Pour cela et avec le soutiende Vincent, Louise fonda les Petites Ecoles et fit de l’instruction des jeunes pauvres lamission des premières Filles de la Charité. Ainsi dès le départ, les écoles firent partie ducharisme de la Famille Vincentienne. Louise elle-même enseigna dans ces écoles, et elleinsistait sur une éducation claire et pratique.Aujourd’hui, les écoles de la Famille Vincentienne comptent plus d’un million demembres. Et au-delà des écoles, la Jeunesse Mariale Vincentienne offre des formations à plusde 120 000 jeunes.L’éducation et la formation sont très importantes dans l’élaboration du changementsystémique. Dans Populorum Progressio, le Pape Paul VI écrit : « le manque d’éducation estune sérieuse carence. Une personne illettrée est un esprit affamé ».8

St Vincent et Ste Louise ne se préoccupèrent pas seulement de l’éducation despauvres, mais également de celle qui les servaient, c’est-à-dire nous, membres des groupesqu’ils ont fondé ou inspiré. La formation des responsables est primordiale dans un projet dechangement systémique.7. Collaboration à tous les niveaux de la société → les réseaux.Vincent savait comment constituer des réseaux. Il a rassemblé les riches et les pauvres,les vieux et les jeunes, le clergé et les laïcs, les hommes et les femmes. Il savait reconnaître etappeler les talents de chacun. Il savait que la collaboration était la clef de réussite du servicedes pauvres. Aussi il tissa des liens, construisit des ponts et entretint l’unité parmi des groupestrès différents. Il savait comment attirer les gens dans sa vision captivante de la vie. D’un côtése tenait Anne, reine de France, personne de grande culture et d’intrigues politiques. Del’autre côté se tenait Marguerite Naseau, une paysanne qui ne savait ni lire ni écrire. Ilrassembla des hommes et des femmes de toutes catégories sociales, leur partageant sa visionet les faisant y adhérer. Il était un merveilleux homme de réseaux.Le travail en réseau et la collaboration sont essentiels au succès d’un projet dechangement systémique, pas seulement au sein de la Famille Vincentienne, mais égalementavec d’autres groupes religieux et civils, des organismes et fondations et avec desgouvernements à différents niveaux.8. Son rôle au tribunal → Avocat.Bien que Vincent soit plus connu pour ses œuvres de charité, il fut aussi l’avocat desplus pauvres devant les puissants, activité à haut risque. A plusieurs reprises, il intervintpersonnellement pour essayer de ramener la paix alors que la guerre étranglait les pluspauvres. Il alla vers les plus grands.Un des biographes de Vincent raconte un épisode frappant, supposé avoir était écritpar le secrétaire de Vincent. En 1649, pendant la guerre civile (la Fronde), Vincent à près de70 ans, quitta Paris discrètement, traversa les lignes ainsi qu’une rivière en crue, à cheval,pour aller voir la reine de France et la prier de renvoyer Mazarin qu’il considérait commeresponsable de la guerre. Il s’adressa aussi directement à Mazarin. Mais son conseil ne fut pasentendu. Vincent tenta de parler aux responsables des deux côtés et crut même parvenir à desaccords, alors que les intrigues et les ambitions ruinaient ses efforts. Ses tentatives de paix luiattirèrent l’inimitié de Mazarin qui écrivit dans son journal tenir Vincent pour un ennemi.Quand la paix revint enfin, Vincent avait quitté le Conseil de Conscience.Tous ceux engagés dans des projets de changement systémique aujourd’hui saventl’importance du plaidoyer et doivent construire une vision commune avec les différentsacteurs : les pauvres, les particuliers, les donateurs, les Eglises, les gouvernements, le secteurprivé, les syndicats, les médias, les organismes internationaux et les réseaux, etc.Voilà les huit graines du changement systémique dans la vie et l’œuvre de St Vincent.Aujourd’hui, je vous encourage à réfléchir sur ces huit graines fondamentales dansl’esprit du changement systémique. Les graines sont petites. Elles se développentgraduellement. Tout comme les graines, la créativité ne se reconnaît que bien plus tard quandle travail a pris son essor. Une graine est belle non quand elle est jetée en terre, mais lorsquefleurissent les fleurs dans les arbres. Il en est de même au début d’un projet de changementsystémique, tout comme une graine, il ne donnera des fruits que s’il est nourri, arrosé et9

soigné patiemment. En fait, tous les membres de la commission de promotion du changementsystémique ayant travaillé sur des projets réussis le disent : « commencez petit, et avancezpatiemment, étapes par étapes ». Je vous conseille donc vivement d’encourager les confrèresde vos Provinces : semez beaucoup de graines. Travaillant avec eux, gardez vos oreillesouvertes à de nouvelles idées créatives, comme l’étaient celles de St Vincent et de Ste Louise.Invitez vos confrères à soutenir de nouvelles initiatives engagées par d’autres. En ces tempsde défis, encouragez la créativité, et soyez courageux et tenaces pour que ces idées soientmises en pratique. Etudiez avec vos confrères la condition des pauvres dans leurs contextes,mais étudiez-là dans son ensemble, comme un système. Puis, avec les confrères et lespauvres, cherchez à planter des graines qui transformeront l’ensemble et le feront refleurir.Jim vous a présenté ce qu’est le changement systémique. Je vous ai présentél’importance du changement systémique. Guiseppe va maintenant vous présenter commentpromouvoir le changement systémique parmi nos membres.(Guiseppe Turati)Nous pouvons promouvoir l’esprit du changement systémique dans trois secteurs : laformation, la collaboration et l’action.• En ce qui concerne la formation, il nous faut prendre en compte deux questions :la formation elle-même et les outils.i. Enseigner le changement systémique dans la formation initiale et laformation continue.Le changement systémique n’est pas quelque chose que nous avons àapprendre parmi d’autres choses. C’est plutôt une façon de travailler, oubien plus, une approche, un style (un esprit). Cela s’acquière tout au long dela vie, et particulièrement durant la formation. On acquière cet esprit dedeux façons : en l’étudiant théoriquement et en l’expérimentant. Aussi,s’entrainer à cette méthodologie est important tout au long de la vie, etdevrait faire partie de la formation initiale et continue des confrères. Jeprofite de cette occasion pour insister sur l’importance de familiariser nosconfrères avec cette méthodologie à tous niveaux de formation. Je pense quele savoir et l’expérience en changement systémique ne devraient pas êtreabsents des programmes de formation de nos confrères. Une manièreconcrète d’éviter cela serait d’inclure cette question dans la RatioFormationis de la CM ainsi que dans les programmes de formationprovinciaux. Evidemment, l’expérience sur le terrain durant la formation etaprès, est essentielle si nous voulons que cette méthodologie deviennenaturelle et spontanée chez nos confrères.ii. Les outils disponiblesUn des rôles de la Commission pour la promotion du changementsystémique est précisément de rendre disponible des outils pouvant êtreutilisés personnellement et provincialement pour la formation des confrèreset des communautés. Parmi les outils développés depuis 2005, je vous enrecommanderai deux : le livre Graines d’Espérance et la clef USB quil’accompagne.10

1. Le livre. Son titre : Graines d’Espérance : Histoires dechangement systémique. Il est disponible en anglais, enespagnol, en français et en portugais, et est en court detraduction en coréen et en vietnamien.Ce livre n’est pas une étude théorique. Il commence aucontraire avec des histoires réussies de changement systémique.Et à partir des histoires, 20 stratégies en sont déduites pour laréussite des projets. Voici un aperçu rapide de la table desmatières :Prologue1. Akamasoa, une communauté de Bons Amis ;2. J’ai un rêve (I Have a DREAM) ;3. Stratégies orientées vers la mission ;4. Le parfait orage ;5. AIC Madagascar, une histoire de changement systémiqueau sein d’une association ;6. Stratégies orientées vers la personne ;7. L’histoire du Passage ;8. La Fédération des Sans-Abris des Philippines ;9. Stratégies orientées vers les tâches à accomplir ;10. L’accueil de nuit de Clancy ;11. Le projet Mindoro aux Philippines ;12. Stratégies orientées vers la co-responsabilité, le travail enréseau et l’action politique ;13. La mission vincentienne aux Nations Unies ;Epilogue2. Le kit outils. Pour accompagner le livre, la commission désiraitoffrir aux personnes des outils pour enseigner le changementsystémique à d’autres. Au début, on avait envisagé une boiteavec des documents, des brochures, des questionnaires, unDVD avec films et PowerPoint, etc. Finalement, on opta pourune clef USB de deux gigas contenant tout cela. Ce choix serévéla fort judicieux, permettant de modifier le contenu enfonction du terrain, des cultures. Elle fut donnée pour lapremière fois à Mexico et est disponible en anglais, en françaiset espagnol et en portugais.• En ce qui concerne la collaboration, je vous suggère deux questions : lacollaboration au sein de la Famille Vincentienne et l’organisation d’ateliers sur lechangement systémique. Ces deux questions illustrent bien comment se formentun esprit (au niveau personnel) et une culture (au plan social).i. L’importance de la collaboration au sein de la Famille Vincentienne pourpromouvoir l’esprit du changement systémique.Un esprit est une manière personnelle de voir, de juger et d’agir. Mais aucunde nous ne peut se forger un esprit seul. Elle se forme au travers desrelations (primaire et secondaire) qui aident à développer notre personnalité.Cet esprit n’est pas le fruit de l’influence d’une unique personne. C’est une11

vision émanant de plusieurs personnes. St Vincent n’aurait pas été celui quel’on connait sans les relations qu’il a su tisser avec beaucoup de personne,laïcs compris. Un esprit se développe grâce aux expériences concrètes, desexpériences vécues sur le terrain. Aujourd’hui, la plupart des personnes surle terrain œuvrant à éliminer les causes de la pauvreté, sont des laïcsvincentiens. Les laïcs vincentiens sont en grande part le "bras opérationnel"du charisme vincentiens, et ont beaucoup à nous partager dans l’optique duchangement systémique. Si nous voulons nous ouvrir à cet esprit, nous nepouvons pas faire l’impasse sur une collaboration avec eux.De plus, la pauvreté est aujourd’hui complexe, et lutter contre celle-ci, enéliminer les causes, ne peut se faire qu’en collaboration avec d’autresacteurs. Voilà pourquoi le travail en réseau est si important. Raison pourlaquelle nous ne pouvons lever des fonds auprès de divers organismes(publics et privés) que si nous présentons des projets partagés et vécus avecdes partenaires.En tant que vincentiens, nous avons un grand potentiel pour lutter contre lescauses de pauvreté, mais souvent nous ne mettons pas en œuvre ce potentiel,ne sachant pas comment, ou n’ayant pas été formés à cela.Dans les années à venir, notre défi dans la lutte contre la pauvreté sera notrecapacité à travailler en tant que Famille Vincentienne. Il nous faudradépasser nos individualités, notre scepticisme et nos résistances, si nousvoulons que nos actions dans le monde au service des pauvres soientvraiment effectives. Je suis convaincu qu’au-delà des belles phrases quenous rédigeons et de nos belles intentions, il y a encore beaucoup de travailà faire dans beaucoup de Provinces pour parvenir à une vraie collaboration.ii. Organiser des ateliers changement systémique dans vos Provinces pour lesmembres de la Famille Vincentienne. Je vous encourage à organiser de cesateliers à votre retour.Un esprit se développe à partir d’efforts partagés, tant théorique quepratique. C’est l’expérience qui forme un esprit. En tant que vincentiens,une formation commune est très importante pour une action partagée etunifiée. Un bon programme de formation peut nous permettre de créer unesprit vincentien entre nous et autour de nous. Un esprit n’est pas unethéorie, mais une manière concrète de voir la vie. En tant que vincentiens,nous devons dépasser la simple notion de changement systémique pour lamettre en pratique. C’est un processus d’inculturation. Pour avancer vers cebut, la commission pour la promotion du changement systémique organisedes ateliers locaux partout où elle est invitée. Et nous avons déjà une belleexpérience. Je crois qu’en tant que missionnaires, et vous Visiteurs toutparticulièrement, nous avons un grand rôle d’animation à jouer au sein de laFamille Vincentienne. En tant que Visiteurs, vous avez à nommer lesconseillers spirituels des associations vincentiennes, et à veiller à ce que leurservice corresponde bien à notre charisme et aux demandes de l’Egliseuniverselle.De son expérience et des évaluations faites par les participants, lacommission voit dans ces ateliers une façon effective d’adapter la12

méthodologie du changement systémique aux différentes réalités locales.Dans un même temps, la commission est convaincue de l’importance desVisiteurs dans la réussite des ateliers menés jusqu’à présent.• En ce qui concerne l’action, je me baserai sur les projets selon deux possibilités :1) transformer des projets existant en projets changement systémique ; 2) bâtir denouveaux projets changement systémique.i. La Famille Vincentienne à des projets de lutte contre la pauvreté sur les cinqcontinents, mais tous ne sont pas des projets changement systémique. Il y aune grande différence entre ce que nous appelons des projets "d’assistance"pour aider les pauvres, et des projets changement systémique. Les projetsd’assistance ne s’occupent que de soulager un besoin immédiat. De telsprojets sont bons et utiles en leur temps, chacun sait que cela ne va pas assezloin. Le second type de projets, les projets changement systémique,répondent à certains critères, dont les plus important sont :1. Que le projet englobe un changement à tous les niveaux pourceux qui en bénéficient, avec un impact social à long terme ;2. Que le projet crée des structures sociales nécessaires à unchangement permanent dans la vie des pauvres (durable) ;3. Que le projet soit adaptable à d’autres situations en d’autresendroits (reproductibles).Autres critères importants :4. Impliquer les pauvres eux-mêmes à chaque étape du projet, toutparticulièrement les jeunes et les femmes ;5. Avoir une vision globale de la personne humaine. En d’autrestermes, le projet doit comprendre les besoins humains basicscomme le travail, l’argent, la nourriture, la santé et l’éducation ;6. Partager les buts avec d’autres intervenants (individuels,donateurs, églises, gouvernements, secteur privé, syndicats,médias, organismes internationaux et réseaux …).ii. Ces critères sont utiles non seulement pour mettre en place des projetsde changement systémique, mais également évaluer les projetsexistants et les transformer en projets de changement systémique.Comment ? En évaluant régulièrement nos projets selon leurs aspectspositifs ou négatifs. Des problèmes surgissant, des circonstanceschangeant, nous devons avoir le courage d’ajuster nos buts, nosméthodes et nos moyens.En ce moment, la Congrégation de la Mission est engagée dans unprocessus de reconfiguration. Il important pour nous, à ce moment denotre histoire, que nous nous engagions, non seulement à vivre etœuvrer dans les nouvelles frontières de nos Provinces, mais plus encoreà créer de nouvelles formes de ministères pour toujours plus nousdonner à la mission et à la charité. Dans ce contexte, la méthodologiedu changement systémique peut être une approche puissante pour notretravail avec les pauvres, devant répondre aux besoins tant"ecclésiologiquement" que socialement.13

En résumé, pour les pauvres, le changement systémique vise au-delà dufait de fournir de la nourriture, des vêtements et des refuges poursoulager leurs besoins immédiats. Il cherche à aider les pauvres àchanger les structures dans lesquelles ils vivent, de façon à sortir de lapauvreté.En tant que Visiteurs dans la Congrégation de la Mission, vous avez unrôle significatif, avec votre Conseil Provincial. Vous devez décider quelprojet promouvoir, lequel soutenir économiquement, lequel modifier etdire comment, lequel abandonner. C’est une grande responsabilité et jecrois qu’elle vous permet de contribuer pleinement à la NouvelleEvangélisation à laquelle l’Eglise universelle nous appelle.Vous avez maintenant une demi-heure pour un temps de questions/réponses. Mais toutd’abord, prenez cinq minutes par table pour partager vos réactions et formuler vosquestions. Puis Guiseppe, Jim et moi accueillerons celles-ci et tenterons de vousrépondre.14