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CHEIKH ZAYED BIN SULTAN AL NAHYAN - UAE Interact

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<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>11<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>LE 2 NOVEMBRE 2004, SON <strong>AL</strong>TESSE Cheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, Présidentdes Émirats Arabes Unis et Souverain de l’Émirat d’Abu Dhabi, s’est éteint.Approchant des quatre-vingt dix ans, il était Souverain d’Abu Dhabi depuis 1966 etPrésident des E.A.U. depuis la création de la fédération le 2 décembre 1971. Son filsaîné, le Prince héritier Son Altesse Cheikh Khalifa bin Zayed, lui succède au titre deSouverain d’Abu Dhabi et a été élu à l’unanimité deuxième Président du pays, le 3novembre, par le Conseil suprême des Souverains.Cheikh Zayed jouait un rôle actif au gouvernement depuis 1946, année où il devintle Représentant du Souverain d’Abu Dhabi dans la région Est de l’Émirat. Étantdevenu Souverain en 1966, c’est à son initiative que fut créée, cinq ans plus tard, lafédération de sept membres qui forme les E.A.U. Pour les citoyens des Émirats, dontla vaste majorité est trop jeune pour avoir connu un autre dirigeant, il n’était passeulement le Président et le Souverain, mais aussi un père. Comme l’on pouvait s’yattendre, sa mort a déclenché une vague de chagrin dans tout le pays, tant parmi lesÉmiriens que parmi l’importante population d’expatriés installés aux E.A.U., dont ungrand nombre ont passé la majeure partie, sinon la totalité, de leur vie aux Émirats.Toutefois, le Président Cheikh Zayed n’était pas seulement un leader national,mais aussi un homme d’État arabe et international jouissant de l’estime générale,comme en a témoigné la présence de nombreux Rois et Chefs d’État, Princeshéritiers, Premiers ministres et autres responsables haut placés de divers pays dumonde venus assister à ses obsèques ou présenter leurs condoléances à sonsuccesseur. Parmi ceux-ci figuraient non seulement des représentants du mondearabe, tels les Rois de Bahreïn et de Jordanie, le Sultan d’Oman, le Souverain duQatar, le Prince héritier d’Arabie Saoudite et les Présidents du Yémen, de l’Irak, duLiban, de l’Égypte, du Soudan et de l’Algérie, mais aussi de l’Asie, dont les Présidentsde l’Inde, du Pakistan et de l’Afghanistan, et de l’Europe, dont le Président françaiset le Prince Charles de Grande-Bretagne, de l’Afrique et des Amériques. Il aégalement reçu le rare hommage d’une motion spéciale de condoléances de laChambre britannique des Communes.Les nécrologies parues dans certains des plus grands quotidiens de la presseinternationale, tels le New York Times et le Times de Londres, ainsi que les nombreuxmessages de condoléances envoyés au Président Cheikh Khalifa par des dirigeantsinternationaux comme la Reine de la Grande-Bretagne, les présidents américain etfrançais, l’Empereur du Japon, le Secrétaire-général de l’ONU et de nombreux autresmonarques, présidents et premiers ministres, lui ont rendu hommage à la fois pouravoir transformé les Émirats Arabes Unis en un État stable, moderne et tolérant,


12 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005grâce à l’usage judicieux des revenus pétroliers et gaziers du pays, mais aussi pourla sagesse dont il faisait preuve sur la scène internationale, en cherchant à favoriserla conciliation et les solutions pacifiques chaque fois que l’occasion se présentait,sans pour autant transiger sur ses principes personnels fondamentaux.La Reine Elizabeth de Grande-Bretagne a exprimé ainsi ses condoléances auPrésident Cheikh Khalifa ‘à la suite du décès de votre illustre père . . . qui a servivotre pays avec un dévouement et une dignité exemplaires pendant de nombreusesannées. Je suis sûre que la prospérité actuelle des E.A.U. sera perçue dans le mondecomme un témoignage de la sagesse et de la compétence de Cheikh Zayed et deson dévouement au service de l’État’.Le Président américain, George W. Bush, a observé : ‘Les Etats-Unis pleurent ladisparition d’un grand ami de notre pays . . . Cheikh Zayed était . . . un pionnier, unhomme politique vénérable et écouté et un allié loyal. Avec les autres Souverains dela fédération, il a su faire du pays un État prospère, tolérant et bien gouverné’.Le Président de la République française, Jacques Chirac, exprimant sa ‘peineprofonde et [son] émotion’, a décrit Cheikh Zayed comme un ‘homme de paix et devision’. Dans une lettre adressée à Cheikh Khalifa, il ajoutait : ‘L’œuvre accompliepar Cheikh Zayed est immense . . . Homme de paix et de vision, il n’a cessé depromouvoir les vertus du compromis, de la raison et du dialogue dans une régionagitée par les crises et les conflits. Son nom restera étroitement attaché à la causede la paix et du développement du Moyen-Orient, à laquelle il avait voué sa vie’.Le Secrétaire-général de l’ONU, Kofi Annan, a observé dans une déclaration queCheikh Zayed s’était ‘inlassablement voué au développement de l’État et de lanation et, ce faisant, s’est attiré le respect de la population pour sa sagesse, sagénérosité et pour avoir réussi à bâtir une économie prospère. La sagesse deCheikh Zayed, sa ferme conviction des vertus de la diplomatie et son aidegénéreuse aux pays en développement lui ont aussi valu l’estime générale hors desfrontières de son pays – dans le monde islamique, mais également au-delà. Parailleurs, c’était un ami des Nations unies, qui cherchait toujours à consolider lesrelations entre l’ONU et son pays’.L’Assemblée générale des Nations unies a tenu une séance commémorativespéciale pour lui rendre hommage, rare témoignage de reconnaissance.Dans la mesure où il est possible de détecter un point commun à tous cesmessages et déclarations, ainsi qu’aux réactions des résidents émiriens, c’est que lavie et l’œuvre du Président Cheikh Zayed se caractérisent par sa profonde foireligieuse, sa vision, sa détermination et son ardeur au travail, par sa générosité,envers son pays comme envers les pays étrangers, et par la manière dont il consacrasa vie à servir de son peuple ainsi qu’à aider les plus démunis, où que ce soit, et àcréer un monde meilleur.Sa mémoire sera perpétuée par le pays que sont aujourd’hui les Émirats ArabesUnis – son infrastructure physique mais surtout son peuple - tandis que les réactionsinternationales qu’a suscitées son décès témoignent du fait qu’il avait su donner àson pays une voix que l’on écoutait, avec respect, dans le monde entier.<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>Dans une déclaration faite lors de l’élection de Cheikh Khalifa comme nouveauPrésident, les membres du Conseil suprême des E.A.U. ont noté leur ‘vif désir derester fidèles aux principes de leadership et aux valeurs de justice et de droit établispar Son Altesse Cheikh Zayed’ et ont pris l’engagement de suivre la voie qu’il avaittracée. C’est, selon eux, la plus belle manière d’honorer sa mémoire.Né vers 1918 à Abu Dhabi, Cheikh Zayed était le plus jeune des quatre fils de CheikhSultan bin Zayed Al Nahyan, Souverain d’Abu Dhabi de 1922 à 1926. Il reçut le nomde son grand-père, Cheikh Zayed bin Khalifa, dont le règne, de 1855 à 1909, fut leplus long des trois siècles et demi de souveraineté de la famille Al Nahyan surl’émirat d’Abu Dhabi.Abu Dhabi, comme les autres émirats du sud du golfe Arabique connus sous lenom d’États de la Trêve, était lié par un traité à la Grande-Bretagne. À la naissancede Cheikh Zayed, l’émirat, pauvre et sous-développé, vivait principalement de lapêche aux poissons et aux perles le long de la côte et au large, ainsi que d’uneagriculture rudimentaire dans les oasis de l’arrière-pays. Une partie de la populationse composait de tribus nomades, qui se déplaçaient sur les grands espaces del’Arabie du sud-est à la recherche de pâturages.La vie, même pour les membres de la famille dirigeante, était simple. L’éducationse limitait généralement à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, ainsi qu’àl’enseignement des principes de l’Islam par un prêtre du voisinage ; leséquipements modernes tels que routes, moyens de communication et hôpitaux nebrillaient quant à eux que par leur absence. Les transports se faisaient par bateauou à dos de chameau, et la rigueur du climat menaçait souvent la survie même.Début 1928, à la mort du successeur de Cheikh Sultan, son frère Cheikh Saqr, leconseil de famille choisit comme souverain Cheikh Shakhbut, fils aîné de CheikhSultan, qui dirigea le pays jusqu’en août 1966, date à laquelle il laissa la place à sonfrère Zayed.À la fin des années vingt et dans les années trente, Cheikh Zayed, manifestant unevive soif d’apprendre, partit dans le désert en compagnie des membres d’une tribubédouine afin de connaître leur mode de vie et leur environnement. Il devait seremémorer plus tard avec plaisir tout ce que ses expéditions lui avaient appris sur lavie dans le désert et son initiation à la fauconnerie, passion qu’il garda toute sa vie.Dans son ouvrage, Falconry, Our Arab Heritage (La Fauconnerie, notrepatrimoine arabe), publié en 1977, Cheikh Zayed notait que la compagnie d’ungroupe de chasseurs. . . permet à chaque membre de l’expédition d’exprimer librement ses idées et sesopinions, sans inhibition ni contrainte, et donne l’occasion à l’homme responsable de sefamiliariser avec les souhaits de son peuple, de connaître ses problèmes et de biencomprendre sa manière de voir les choses, ce qui le rend plus à même de l’aider etd’améliorer sa condition.Grâce à ses expéditions dans le désert, Cheikh Zayed prit conscience des relationsentre l’homme et son environnement, et notamment de la nécessité de veiller à ce13


14REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005que les ressources naturelles soient exploitées de manière durable. Autrefoispassionné de tir, il abandonna le fusil pour la fauconnerie à l’âge de 25 ans, ayantréalisé que la chasse au fusil risquait de provoquer rapidement l’extinction de lafaune locale.Il découvrit aussi les villages côtiers de pêcheurs et l’industrie perlière millénaire,apparue dès l’an 5000 av. J.-C. Elle nécessitait de plonger sans matériel jusqu’au fondde la mer pour récolter les perles qui s’y trouvaient en abondance. Dans les années1930, sous l’effet de la crise économique et de l’invention, au Japon, des perles deculture, l’industrie connut un grave déclin. Cheikh Zayed s’étant rendu compte desdifficultés éprouvées par les personnes affectées, conclut également à la nécessitéurgente de trouver d’autres sources de revenus. Sa prise de conscience des risquesde la dépendance d’une unique source de revenus soumise aux caprices des marchésinternationaux, fut pour lui une leçon qu’il n’oublia jamais. Elle le poussa à insister,de manière très convaincante, pour que les Émirats Arabes Unis diversifient leuréconomie et ne se limitent pas à l’exploitation lucrative du pétrole et du gaz.Ses voyages dans les régions les plus isolées d’Abu Dhabi et au large des côtespermirent à Cheikh Zayed d’acquérir une profonde connaissance non seulement dupays, mais également de son peuple. Au début des années trente, lorsque lespremières équipes de compagnies pétrolières arrivèrent pour mener des étudesgéologiques préliminaires en surface, c’est à Cheikh Zayed que son frère confia latâche de les guider dans le désert. Ce fut alors son premier contact avec l’industriequi devait par la suite avoir un si grand impact sur le pays.En 1946, Cheikh Zayed fut choisi comme représentant du Souverain dans laRégion Est d’Abu Dhabi, autour de l’oasis d’Al Ain, située à environ 160 kilomètresà l’est de l’île d’Abu Dhabi elle-même. Habitée sans interruption depuis plus de 5000ans, l’oasis comprenait neuf villages : six appartenaient à l’émirat d’Abu Dhabi ettrois, dont Buraimi (autre nom de l’oasis), au sultanat d’Oman. La fonction consistaitdonc non seulement à administrer les six villages, mais aussi l’ensemble de larégion désertique avoisinante, ce qui permit à Cheikh Zayed d’apprendre l’art degouverner et d’approfondir ses connaissances des tribus du désert. À la fin desannées quarante et au début des années cinquante, lorsque l’Arabie Saouditecommença à revendiquer Buraimi, il eut aussi l’occasion de se frotter aux réalitésde la politique internationale.Cheikh Zayed ne voulait envisager cette mission qu’en termes de consultation etde consensus, et non d’affrontement. Les visiteurs étrangers, comme l’explorateurbritannique Sir Wilfred Thesiger qui fit sa connaissance à cette époque, notèrentavec approbation que ses jugements ‘se distinguaient par leur grande lucidité, leursagesse et leur impartialité’.Cheikh Zayed mérita rapidement la réputation d’un homme qui possédait unevision claire de ce qu’il voulait réaliser pour les habitants d’Al Ain, et qui servaitde modèle.L’une des tâches principales de ses premières années à Al Ain consista à stimulerl’économie locale, qui reposait essentiellement sur l’agriculture. À cette fin, il veilla


16REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>17au nettoyage des anciens canaux souterrains d’irrigation ou falajes (aflaj) et finançapersonnellement la construction d’un nouveau canal, participant lui-même auxrudes travaux nécessaires.Il ordonna également la révision des droits locaux de propriété sur l’eau afin d’enassurer une distribution plus équitable, renonçant aux droits de sa propre famillepour montrer l’exemple. L’expansion agricole qui en résulta entraîna uneaugmentation des revenus des habitants d’Al Ain, et permit à l’oasis de retrouverson rôle de marché principal d’une vaste région.Parallèlement à ce début de croissance, Cheikh Zayed élabora un pland’urbanisme visionnaire et, en avant-goût de l’énorme programme actuel deboisement, il fit planter des arbres ornementaux qui, ayant maintenant atteint leurmaturité, font d’Al Ain l’une des villes les plus vertes d’Arabie.Cheikh Zayed effectua sa première visite en Europe en 1953, pour accompagnerson frère Shakhbut en Grande-Bretagne et en France et assister à un tribunald’arbitrage de la légalité des concessions pétrolières offshore aux Émirats. Il évoquaplus tard à quel point il avait été impressionné par les écoles et les hôpitaux qu’ilavait visités, et dont il rêvait de pouvoir faire bénéficier son peuple :Je rêvais souvent de voir notre pays rattraper le monde moderne, mais je ne pouvais rienfaire parce que je n’avais pas moi-même les moyens de réaliser ces rêves. J’étaiscependant persuadé qu’un jour ils deviendraient réalité.En dépit de l’insuffisance des revenus du gouvernement, Cheikh Zayed parvint àamorcer le progrès à Al Ain, en jetant les bases d’un système administratif, enfinançant personnellement la première école moderne de l’émirat et en persuadantses parents et amis de contribuer à de petits projets de développement.C’est la production de pétrole qui allait donner à Cheikh Zayed les moyens deréaliser ses rêves, avec la première exportation de pétrole brut d’Abu Dhabi en1962. Malgré un prix beaucoup plus bas qu’aujourd’hui, la croissance rapide duvolume des exportations de pétrole révolutionna l’économie d’Abu Dhabi et sonpeuple commença à jouir des avantages dont profitaient déjà ses voisins de Qatar,de Bahreïn, du Koweït et d’Arabie Saoudite. L’industrie perlière avait pratiquementdisparu peu de temps après la deuxième guerre mondiale, et rien ne l’avaitvraiment remplacée. À la fin des années cinquante et au début des années soixante,en fait, de nombreux habitants d’Abu Dhabi avaient été obligés de s’expatrier dansd’autres États du Golfe où la production de pétrole offrait des emplois.Les difficultés économiques auxquelles Abu Dhabi avait dû faire face depuis lesannées 1930 avaient habitué son Souverain, Cheikh Shakhbut, à gérer les affairesdu pays avec parcimonie. Malgré les aspirations croissantes de son peuple vers leprogrès, il hésitait à investir les nouveaux revenus du pétrole dans ledéveloppement. Ni les membres de sa famille, dont Cheikh Zayed, ni les chefs desautres tribus de l’émirat, ne parvinrent à le persuader d’évoluer avec son temps etfinalement la famille Al Nahyan décida que le moment était venu pour lui de cédersa place. La réputation que s’était forgée Cheikh Zayed à Al Ain au cours des 20années précédentes et sa popularité auprès du peuple faisaient de lui le candidatidéal à la succession.Le 6 août 1966, Cheikh Zayed accéda au pouvoir, chargé par sa famille d’accélérerle développement d’Abu Dhabi. C’était un homme pressé. Au cours des annéespassées à Al Ain, il avait non seulement acquis l’expérience de gouverner, mais ilavait aussi eu le temps de concevoir une vision de l’avenir de l’émirat. Il étaitdéterminé à mettre au service du peuple les revenus pétroliers qui ne cessaientd’augmenter d’une année sur l’autre, et un vaste programme de constructiond’écoles, de logements, d’hôpitaux et de routes fut rapidement mis en œuvre.En se rappelant ses premières semaines, Cheikh Zayed constata plus tard :Le chemin était tracé. Il ne s’agissait pas de trouver de nouveaux concepts, mais demettre en œuvre les idées rassemblées depuis des années. Tout d’abord, je savais qu’ilfallait concentrer ses efforts sur l’émirat d’Abu Dhabi et sur les services sociaux. Enbref, il fallait s’adapter aux circonstances : les besoins du peuple dans son ensemble.Ensuite, je voulais proposer aux autres émirats de collaborer avec nous. Dansl’harmonie, en fondant une sorte de fédération, nous pourrions suivre l’exempled’autres pays en développement.Une de ses premières initiatives fut d’augmenter les contributions au Fonds dedéveloppement des États de la Trêve, mis en place quelques années auparavant.Abu Dhabi devint rapidement l’émirat qui y participait le plus. Début 1968, lorsqueles Britanniques annoncèrent leur intention de se retirer du Golfe avant la fin de1971, Cheikh Zayed agit rapidement pour proposer d’établir des liens plus étroitsavec les autres émirats.Conjointement avec le souverain de Dubaï, Cheikh Rashid bin Saeed Al Maktoum,aujourd’hui décédé, qui allait devenir vice-président et Premier ministre des E.A.U.,Cheikh Zayed prit l’initiative de suggérer la formation d’une fédération quiengloberait non seulement les sept émirats constituant les États de la Trêve, maisaussi Qatar et Bahreïn. Lorsque ces premiers espoirs de fédération à neuf membress’effondrèrent, Cheikh Zayed convainquit les autres Souverains de signer un accordpour la création des E.A.U., qui apparurent officiellement sur la scène internationalele 2 décembre 1971.Non seulement son enthousiasme pour la fédération joua un rôle essentiel dansla formation des E.A.U., mais Cheikh Zayed gagna aussi le soutien des autressouverains par sa recherche du consensus :Je n’impose le changement à personne. Ce serait de la tyrannie. Nous avons tous nosopinions, et ces opinions peuvent évoluer. Quelquefois, nous mettons toutes nosopinions en commun, et nous en tirons un seul point de vue. C’est notre manière depratiquer la démocratie.Cheikh Zayed fut élu premier Président des E.A.U. par les autres Souverains, et il futrégulièrement réélu à ce poste tous les cinq ans.


18REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>19Le nouvel État naissait à une époque d’instabilité politique dans la région. Deuxjours auparavant, au cours de la nuit du 30 novembre au 1 er décembre, l’Iran s’étaitemparé par la force des îles de la Grande Tunb et de la Petite Tunb, d’une partie deRa’s al-Khaimah, et avait fait débarquer des troupes sur Abu Musa, un territoire deSharjah (voir la section sur la Politique étrangère).Sur le continent, la ligne de démarcation entre les Émirats mêmes et avec lesÉtats voisins n’était pas nette, bien qu’un accord préalable ait été signé entre AbuDhabi et Oman (un accord définitif sur la frontière entre les E.A.U. et Oman a étératifié en 2003).Les observateurs étrangers, dans leur ignorance de l’histoire et du patrimoinecommuns qui rassemblaient les peuples des E.A.U., s’attendaient à ce que lenouvel État ait du mal à survivre, en raison des différends avec ses voisins et de lagrande disparité des sept émirats quant à leur taille, leur population et leur niveaude développement.Connaissant mieux la nature de son pays, Cheikh Zayed était naturellement plusoptimiste. Avec un quart de siècle de recul, il put observer :Notre tentative de fédération naquit, à l’origine, de la volonté de renforcer les liens quinous unissaient, ainsi que de la conviction unanime que nous faisions partie d’une mêmefamille et qu’il nous fallait nous rassembler sous l’autorité d’un seul et même leader.Nous n’avions encore jamais fait l’expérience d’un État fédéral, mais notre proximitéet les liens de sang qui nous unissent sont des facteurs qui nous ont conduits àcomprendre la nécessité de mettre en place une fédération qui compenserait le manqued’unité et le morcellement caractéristiques des époques précédentes.Ce qui a été accompli dépasse toutes nos espérances, ce qui confirme qu’avec l’aide deDieu et une volonté sincère de réussir, il n’y a rien qui ne puisse être réalisé au servicedu peuple tant que la détermination est ferme et les intentions sincères.Les prédictions des pessimistes de la première heure allaient s’avérer sans le moindrefondement. Au cours des 33 années qui ont suivi, les E.A.U. ont non seulement survécu,mais ils se sont développés à un rythme presque sans précédent. Le pays s’esttransformé de manière spectaculaire. Sa population est passée de 250 000 habitantsen 1971 à un chiffre estimé à 4,3 millions fin 2004. Les progrès en matière de servicessociaux, de santé et d’éducation, tout comme dans les secteurs des communicationset de l’économie pétrolière ou non pétrolière, assurent un niveau de vie élevé surl’ensemble des sept émirats, des villes ultramodernes aux régions désertiques etmontagneuses les plus éloignées. Ce changement s’est de plus accompli dans unclimat enviable de stabilité politique et sociale, en dépit de l’insécurité et des conflitsqui ont affecté une grande partie du reste de la région du Golfe.Dans le même temps, le pays s’est forgé une place solide sur la scèneinternationale, tant dans la région des pays arabes que dans l’ensemble plus largedes nations. Sa recherche du dialogue et du consensus et son constant respect desprincipes de la Charte des Nations unies, notamment en ce qui concerne la non-ingérence dans les affaires des autres États, vont de pair avec un engagement sanséclat mais extensif pour l’aide au développement et l’assistance humanitaire, qui,calculées par habitant, sont rarement égalées.Il est donc indubitable que cette tentative de fédération a été un succès, et queCheikh Zayed a joué, pendant ses années à la présidence des E.A.U., un rôledéterminant quant aux accomplissements de ce pays.Pendant ses années à Al Ain, il avait été à même de concevoir une vision desprogrès futurs du pays, et après son accession, tout d’abord au rang de Souveraind’Abu Dhabi, puis à celui de Président des E.A.U., il consacra plus de trois décennieset demie à faire de cette vision une réalité.L’un des principes fondamentaux de sa philosophie de Souverain et d’homme d’Étatdemandait que les ressources du pays soient pleinement utilisées au profit du peuple.Les E.A.U. ont la chance de disposer d’énormes réserves de pétrole et de gaz, maiselles sont exploitées avec prudence. C’est ainsi qu’en 1973, il fut décidé que legouvernement d’Abu Dhabi, émirat où se trouve la plus grande partie des réserves,prendrait une part majoritaire des réserves de pétrole. Cette mesure, alliée à la pleinepossession, approuvée par les détenteurs de concessions pétrolières plusieurs annéesauparavant, des réserves de gaz, qu’il soit d’origine pétrolière ou non, assurait aunouvel État les ressources financières nécessaires à la réalisation du programme dedéveloppement. Il a même été possible de placer des sommes importantes dansdes investissements pour les générations futures, ceux-ci étant aujourd’hui gérés engrande partie par la Direction des investissements d’Abu Dhabi.Toutefois, ces ressources financières furent toujours considérées par Cheikh Zayednon comme une fin en soi mais comme un outil facilitant l’épanouissement de cequ’il estimait être la véritable richesse du pays : ses habitants, et notamment lagénération montante. Ainsi affirmait-il :La richesse n’est pas l’argent. La richesse, ce sont les hommes. C’est là que réside lavéritable puissance, la puissance qui nous est chère. Les hommes sont le bouclier quinous protège. C’est cette conviction qui nous a amenés à consacrer toutes nosressources à l’individu, et à utiliser la richesse octroyée par Dieu au service de la nation,afin qu’elle grandisse et prospère.Si la richesse n’est pas utilisée avec le savoir nécessaire à son emploi judicieux, etsous la direction d’esprits éclairés, elle est vouée à diminuer et à disparaître. Le meilleurusage que l’on puisse faire de la richesse, c’est d’investir dans l’éducation et laformation, aujourd’hui et pour les générations futures.S’adressant à la première promotion de l’Université des Émirats lors de lacérémonie de remise des diplômes en 1982, Cheikh Zayed déclara :La construction de l’humanité est une tâche complexe et ardue. Elle représente,cependant, la véritable richesse [du pays]. On ne la trouve pas dans la richessematérielle. Elle est faite d’hommes, d’enfants, et de générations à venir. C’est là queréside le véritable trésor.


20REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>21Dans ce contexte, Cheikh Zayed estimait que tous les citoyens avaient un rôle àjouer dans le développement du pays. D’ailleurs, il ne s’agissait pas uniquementpour lui d’un droit, mais d’un devoir. Lors d’un discours adressé à ses collègues duConseil suprême de la fédération, il observa :Le plus important de nos devoirs de Souverains consiste à améliorer le niveau de vie denotre peuple. Accomplir son devoir est une responsabilité que Dieu nous a confiée, et ilincombe à tous, jeunes et moins jeunes, de mener à bien cette tâche.Les femmes, estimait-t-il, ont, comme les hommes, une influence à exercer.Reconnaissant que, dans le passé, le manque d’éducation et de formation avaitempêché les femmes de jouer pleinement leur rôle dans de nombreuses activitésde la société, il prit des mesures pour remédier rapidement à cette situation. Bienque les défenseurs des droits des femmes puissent soutenir qu’il reste encorebeaucoup à faire, les progrès accomplis ont été remarquables, et il est maintenantde plus en plus fréquent de voir des femmes occuper des postes à tous les niveauxdes secteurs public et privé. Pour la première fois une femme a été nommée auCabinet (Conseil des ministres) en fin d’année 2004, la veille du décès de CheikhZayed. Tout au long de ce cheminement, les femmes bénéficièrent du soutienabsolu du Président.Les femmes ont le droit de travailler partout. L’Islam confère aux femmes leur statutlégitime, et les encourage à œuvrer dans tous les secteurs, du moment qu’elles sonttraitées avec le respect qui leur est dû. Certes, le rôle fondamental des femmes estd’élever les enfants, mais, à côté de cela, il nous faut offrir des opportunités à celles quichoisissent de remplir d’autres fonctions. Ce que les femmes ont accompli dans lesÉmirats en si peu de temps me réjouit et me satisfait. Nous avons déjà commencé àrécolter ce que nous avons semé hier. Nous louons Dieu pour le rôle que jouent lesfemmes dans notre société, et il n’y a pas l’ombre d’un doute : leur rôle est bénéfiquepour la génération actuelle autant que pour celles à venir.Les progrès remarquables faits par les femmes des Émirats sont dus en grandepartie aux initiatives prises par Cheikh Zayed, et son épouse, Son Altesse CheikhaFatima bint Mubarak, Présidente de l’Union générale des femmes du pays.Jouant déjà un rôle considérable dans la fonction publique, la santé, l’éducation etles affaires, et même au sein de la police et des forces armées, les femmesparticipent de plus en plus activement à la vie politique, grâce à leur nominationà divers organismes consultatifs et législatifs, ainsi qu’au Cabinet, comme il estmentionné ci-dessus. Lors d’une interview accordée en octobre 2002, CheikhZayed souligna :La Femme est la mère, la sœur, la tante et l’épouse de l’Homme, c’est pourquoi lesfemmes ne doivent pas être privées de leurs droits ; droits que Dieu nous a ordonné derespecter et d’observer. Il faut respecter et encourager les femmes dans tous les rôlesqu’elles ont choisis.‘L’Union générale des femmes des E.A.U. a largement contribué à l’amélioration dela situation et de la participation des femmes’ observa-t-il ‘mais en même temps,parallèlement à cette participation, les femmes des E.A.U. ont su respecter etpréserver les valeurs morales de notre société’.Cheikh Zayed a laissé entendre longuement, clairement et avec insistance, qu’ilestimait que les jeunes, qui ont profité des fruits du programme de développementdes E.A.U. pendant leur existence, devaient prendre la relève de leurs parents. Aussi,Cheikh Zayed avait-t-il nommé ses fils à des postes au sein du gouvernement, et ilveillait à ce qu’ils assument pleinement leurs responsabilités. Outre le Princehéritier, Cheikh Khalifa, à qui est revenu le titre de Souverain d’Abu Dhabi et qui luisuccède à la présidence des E.A.U., la plupart occupent des postes de hautsresponsables au sein du gouvernement fédéral ou des gouvernements locaux. Auxjeunes citoyens des E.A.U. qui se plaignaient, au début des années 1990, dumanque perçu d’emplois à un niveau de salaire correspondant à leurs attentes, ilproposa sans ménagements de les embaucher comme ouvriers agricoles afin qu’ilsapprennent à apprécier la noblesse du travail.Le travail est d’un grand intérêt, et d’une valeur considérable, tant pour l’individu quepour les sociétés. Le montant du salaire ne reflète pas la valeur d’une personne. Ce quiimporte, c’est le sens de la dignité et du respect de soi. Il est de mon devoir, en tantque dirigeant des jeunes de ce pays, de les encourager à travailler, à faire des effortspour se surpasser toujours davantage et à servir leur pays. Tout citoyen en bonnecondition physique et mentale qui ne travaille pas commet un crime envers lui-même etenvers la société.Nous avons hâte de voir nos fils et nos filles jouer un rôle plus actif, collaborer demanière plus large au processus de développement et assumer une partie desresponsabilités, notamment dans le secteur privé, afin de jeter les bases du succès decette participation et de son efficacité. En même temps, nous sommes très soucieux deperfectionner le niveau de qualité morale du travail et sa dignité dans notre société ainsique d’accroître le nombre de citoyens actifs. Nous pouvons y parvenir en adoptant unedémarche réaliste et bien planifiée qui améliore la performance et la productivité, ce quinous permettra de nous rapprocher de notre objectif à long terme : à savoir, undéveloppement stable dans tous les domaines.À ce propos, Cheikh Zayed s’inquiétait depuis longtemps de l’effet potentiellementnéfaste sur la jeune génération de la vie facile dont elle jouit, vie qui n’a rien à voiravec celle de ses aînés, laquelle exigeait de leur part détermination et ingéniosité.Par conséquent, l’une des caractéristiques fondamentales de la stratégiegouvernementale de Cheikh Zayed fut de favoriser les initiatives visant à conserveret prôner certains aspects de la culture populaire traditionnelle afin de familiariserles jeunes avec la vie de leurs ancêtres. Il estimait qu’il était d’une importancecruciale de garder en mémoire les leçons et l’héritage du passé. Ils constituaient,pensait-il, le fondement même du progrès.


22REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005L’histoire est une chaîne ininterrompue d’événements. Le présent n’est qu’une extensiondu passé. Celui qui ne connaît pas son passé ne peut pas tirer pleinement parti de sonprésent et de son avenir, car c’est le passé qui nous instruit. Nous gagnons en expérienceet nous profitons de ses enseignements et de ses résultats. Puis nous adoptons ce qu’ily a de meilleur et ce qui convient à nos besoins actuels, tout en évitant les erreurs denos pères et de nos grands-pères. La nouvelle génération doit apprécier à sa juste valeurle rôle joué par ses aînés ; elle doit se modeler sur eux, et adopter leur idéal suprêmede patience, de détermination et d’assiduité au travail ainsi que leur sens du devoir.Les E.A.U. étaient autrefois considérés comme une région reculée et insignifiante dansl’histoire du Moyen-Orient, mais on sait aujourd’hui qu’ils ont joué un rôle crucial dansle développement de la civilisation de cette région pendant des milliers d’années.Les premières fouilles archéologiques ont été réalisées dans les E.A.U. il y a 46ans, en 1959. Les archéologues ont largement bénéficié de l’intérêt que CheikhZayed témoignait pour leurs travaux. C’est lui, en fait, qui les avait invités à visiterla région d’Al Ain pour examiner les vestiges situés à l’intérieur de l’oasis et dansses environs, vestiges qui se sont avérés parmi les plus importants jamaisdécouverts jusqu’alors dans le sud-est de l’Arabie. Au cours des décennies suivantes,Cheikh Zayed continua à apporter son soutien aux études archéologiques dansl’ensemble du pays, déterminé à veiller à ce que les générations actuelles puissentconnaître les réalisations du passé.L’un des sites archéologiques les plus importants des E.A.U. a justement étédécouvert dans l’île de Sir Bani Yas, à l’ouest d’Abu Dhabi, transformée il y a plusde 25 ans en réserve naturelle par Cheikh Zayed, dans le but d’assurer la survie decertaines espèces parmi les plus menacées d’Arabie.Si le patrimoine du peuple des E.A.U. était important pour Cheikh Zayed, laconservation de son milieu naturel, de sa faune et de sa flore l’était aussi. Il estimaitque la force de caractère des habitants des Émirats provenait en partie de la luttequ’ils avaient dû mener pour survivre dans un environnement aussi rude et aride.Ses convictions en matière de protection de l’environnement ne devaient rien àla mode actuelle. Honorées par le prestigieux prix du Panda d’Or du Fonds mondialpour la nature et soulignées par la création du Prix international Zayed pourl’environnement (dont le premier lauréat, en 2001, a été l’ancien Présidentaméricain et Prix Nobel de la Paix, Jimmy Carter), elles trouvaient leurs racines dansson enfance, à une époque où l’exploitation durable des ressources exigeait quel’homme vive en harmonie avec la nature. Cheikh Zayed tint par conséquent à ceque la sauvegarde du milieu naturel soit l’un des axes clés de la politiquegouvernementale. Par ailleurs, il encouragea et supervisa personnellement un vasteprogramme de boisement qui a permis jusqu’à présent la plantation de plus de 150millions d’arbres.En février 1998, lors d’un discours prononcé à l’occasion de la première Journéede l’Environnement des E.A.U., Cheikh Zayed exprima ainsi ses idées :


24REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>25Nous chérissons notre environnement parce qu’il fait partie intégrante de notre pays, denotre histoire et de notre patrimoine. Que ce soit sur la terre ferme ou en mer, c’est danscet environnement qu’ont vécu et survécu nos ancêtres. S’ils y sont parvenus, c’estseulement parce qu’ils étaient conscients de la nécessité de le préserver pour lesgénérations futures et de n’en retirer que ce dont ils avaient strictement besoin pour vivre.Avec l’aide de Dieu, nous allons continuer à protéger notre environnement, notre floreet notre faune, tout comme l’ont fait nos ancêtres. C’est un devoir. Si nous échouons, nosenfants seront bien en droit de nous reprocher d’avoir dilapidé cette part essentielle deleur héritage et de notre patrimoine.Comme tous les écologistes, Cheikh Zayed avait le souci, dans la mesure du possible,de réparer les dommages causés par l’homme. Le programme qu’il mit en œuvre surl’île de Sir Bani Yas dans le but d’élever en captivité des animaux indigènes menacésde disparition, tels que l’oryx et la gazelle d’Arabie, connut un succès impressionnant,à tel point que non seulement la survie de ces animaux est désormais assurée maisqu’on peut à présent les réintégrer petit à petit dans leur milieu naturel.Comme dans d’autres domaines de la vie publique, Cheikh Zayed était convaincuque la protection de l’environnement n’était pas uniquement la responsabilité dugouvernement. Malgré la création d’organismes officiels comme l’Agence fédéralede l’environnement et l’Agence pour la recherche sur l’environnement et ledéveloppement de la faune et de la flore d’Abu Dhabi, le Président des E.A.U. avaitla ferme conviction que la défense de la nature était aussi l’affaire du public etd’organisations non gouvernementales, qu’il s’agisse de citoyens ou d’expatriés.Une société, estimait-il, ne peut se développer et prospérer que si tous sesmembres sont conscients de leurs responsabilités, principe qui vaut non seulementpour les questions telles que la protection de l’environnement mais aussi pourd’autres problèmes de la vie en collectivité.La famille Al Nahyan est la dynastie d’Arabie la plus ancienne puisqu’elle règnesur Abu Dhabi depuis au moins le début du dix-huitième siècle. Dans la sociétébédouine, cependant, le souverain et la famille dirigeante tiennent essentiellementleur légitimité du consensus, et la légitimité du système politique d’aujourd’huidécoule du soutien que lui accorde le peuple des E.A.U. Le principe de consultation(shura) est un aspect essentiel de ce système.Au niveau non-officiel, ce principe est depuis longtemps concrétisé par l’institutiondu majlis, conseil ou forum organisé par un membre influent de la société et oùchacun peut exprimer ses opinions et les voir discuter et examiner. Bien que cesystème – forme de démocratie directe caractérisant les E.A.U. – existe encore, il estévident qu’il convient mieux à des communautés de taille relativement restreinte.En 1970, reconnaissant qu’Abu Dhabi s’engageait dans un processus d’évolutionrapide, Cheikh Zayed créa le Conseil Consultatif National de l’Émirat, qui rassembleles chefs des principales tribus et familles du pays. Un organisme semblable, leConseil national fédéral – parlement de l’État – vit le jour en 1971 pour l’ensembledes E.A.U.Ces deux institutions concrétisent le processus traditionnel de consultation et dedébat, et Cheikh Zayed encourageait fréquemment leurs membres à exprimer leursopinions ouvertement et sans crainte.Actuellement, les membres de ces deux Conseils, ainsi que ceux des ConseilsMunicipaux de niveau inférieur, sont toujours sélectionnés par les Souverains, enconsultation avec les notables de chaque émirat. Cependant, Cheikh Zayed avaitannoncé qu’il envisageait à l’avenir une formule d’élections directes. Il avait faitremarquer toutefois que dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, ilfaudrait avancer avec prudence pour veiller à ce que seules des institutions adaptéesà la société des Émirats soient mises en place.Interrogé par le New York Times en 1998 sur la question de l’éventuelleintroduction d’une démocratie parlementaire élue, Cheikh Zayed avait déclaré :Pourquoi abandonner un système dont notre peuple est satisfait pour en adopter un quine semble engendrer que contestation et affrontements ? Notre système degouvernement est basé sur notre religion, et c’est ce que souhaite notre peuple. S’ilrecherche des alternatives, nous sommes prêts à l’écouter. Nous avons toujours dit quenotre peuple doit pouvoir exprimer librement ses revendications. Nous faisons touspartie de la même communauté, le peuple dirige et obéit à la fois.Nos portes sont ouvertes à toutes les opinions, et tous les citoyens le savent bien.Nous avons la profonde conviction que Dieu le Créateur a fait naître les hommes libres,et a prescrit que chaque personne doive jouir de la faculté de choisir. Nul ne doit agircomme s’il était le maître d’autrui. Ceux qui occupent des postes de dirigeants sonttenus de traiter leurs administrés avec compassion et compréhension, car c’est undevoir que leur a confié Dieu Tout-Puissant, qui nous enjoint de respecter la dignité detoutes les créatures vivantes. Comment pourrait-il en être autrement pour l’homme,représentant de Dieu sur terre ? Notre système de gouvernement ne tire pas sonautorité de l’homme, mais il est ancré dans notre religion, et il repose sur le livre deDieu, le Coran. Quel besoin avons-nous de ce que les autres ont inventé ? Sesenseignements sont éternels et complets, tandis que les systèmes imaginés par l’hommesont éphémères et imparfaits.Cheikh Zayed s’était imprégné des principes de l’Islam depuis son enfance, et c’estsur eux qu’ont reposé ses convictions et sa philosophie tout au long de sa vie. C’esten fait en grande partie parce que l’Islam était enraciné profondément et demanière immuable dans leur vie que lui-même et les habitants des E.A.U. furentcapables d’intégrer les changements remarquables des dernières décennies et des’y adapter. Aujourd’hui, l’Islam sert de fondement au système judiciaire des E.A.U.et sa place, en tant que base fondamentale de toute législation est inscrite dans laconstitution du pays.L’Islam, comme d’autres religions révélées, compte des soi-disant disciples quiprétendent interpréter son message comme une justification de dogmes sévères etd’intolérance. Selon Cheikh Zayed, cependant, une telle approche ne constituait pas


26REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>27simplement une mauvaise interprétation de sa philosophie mais un dramatiquecontresens. L’extrémisme, affirmait-il, n’a pas sa place dans l’Islam. Il soulignait aucontraire que :. . . l’Islam est une religion civilisatrice qui confère à l’homme sa dignité. Un véritableMusulman ne fait pas de mal aux autres. L’Islam est une religion de tolérance et depardon, et non pas de guerre. C’est une religion de dialogue et de compréhension. C’estla justice sociale islamique qui demande à chaque Musulman de respecter l’autre. Voiren chaque personne, quelle que soit sa religion ou sa race, une âme chère, est lacaractéristique de l’Islam. C’est ce point précis, indissociable des principeshumanitaires de l’Islam, qui nous en rend si fiers.Dans ce contexte, Cheikh Zayed s’opposa fermement à ceux qui prêchaientl’intolérance et la haine :Nous voyons autour de nous, à présent, des hommes violents qui prétendent parler au nomde l’Islam. L’Islam ne se reconnaît en rien dans leurs propos. Si ces individus souhaitentvraiment être entendus des Musulmans, et du monde, ils devraient commencer par écouterles paroles de Dieu et de son Prophète. Mais, ces gens n’ont rien à voir avec l’Islam. Cesont des apostats et des criminels. Ils massacrent des enfants et des innocents. Ils tuent,versent le sang et apportent la destruction, puis ont l’audace de se dire Musulmans.Outre la campagne internationale de lutte contre tous les types de terrorisme, ondevrait créer, avait-il dit, une puissante alliance internationale qui œuvrerait enparallèle et s’efforcerait véritablement et sincèrement de trouver une solution réelleet durable au conflit du Moyen-Orient. ‘Les Arabes et le monde islamique nesauraient accepter ce qui se passe dans les territoires palestiniens occupés – lesmassacres, les déportations et la destruction auxquels on assiste quotidiennement.Ces actions sont inacceptables, sur le plan politique comme sur le plan moral’.‘Il nous est possible d’œuvrer étroitement ensemble en cette période critique etdangereuse que nous traversons’, avait-il dit aux dirigeants étrangers enseptembre 2001 :Nous sommes persuadés de pouvoir résoudre la situation à laquelle nous sommesconfrontés. Mais nous exigeons aussi pour cela que vos gouvernements œuvrent enparallèle et avec efficacité pour assurer une paix juste et durable au Moyen-Orient.Nous demandons à tous les dirigeants d’œuvrer avec une totale franchise à ces deuxtâches, en parallèle et conjointement, pour arriver ainsi à une résolution juste etdurable du conflit au Moyen-Orient, fondée sur la légitimité internationale etpermettant au peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination, de mettrefin à l’occupation de son territoire, et d’établir son propre État indépendant, avecJérusalem comme capitale.‘Les Musulmans s’opposent à toute personne de foi musulmane tentant decommettre un acte de terrorisme contre un autre être humain, déclara-t-il lors d’uneinterview accordée à Al Ahram en octobre 2002. Les terroristes sont les ennemis del’Islam et de l’humanité, alors que les véritables Musulmans sont les amis et lesfrères de tous les êtres humains, qu’ils soient Musulmans ou non. L’Islam, en effet,est une religion de pitié et de tolérance.’Sur la base de cette conviction, Cheikh Zayed condamna fermement la vagued’attentats terroristes perpétrés de par le monde au cours de ces dernières années.En septembre 2001, à la suite des attentats commis aux États-Unis, Cheikh Zayeddéclara dans un message adressé aux Chefs de gouvernement des États membresde l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), ainsi qu’aux dirigeants russeet chinois :Les E.A.U. condamnent, clairement et sans aucune équivoque, les actes criminelsperpétrés à New York et à Washington, faisant des milliers de morts et de blessés. Il estessentiel d’agir immédiatement et de former une puissante alliance internationale pouréradiquer le terrorisme et tous ceux qui l’aident ou l’accueillent.Il reconnaissait, toutefois, la nécessité non seulement d’éliminer le terrorisme, maisaussi de s’attaquer à ses causes et, notamment, à ce qu’il décrivait comme ‘lesviolences terroristes commises quotidiennement et continuellement contre desPalestiniens non armés par les forces d’occupation israéliennes dans les territoirespalestiniens occupés.’‘Il n’y aura pas de paix durable sans cela, avait-il observé, car l’éliminationd’un ou plusieurs individus ne mettra pas fin aux problèmes (de terrorisme) demanière permanente tant que des centaines et des milliers d’autres seront prêtsà les remplacer.’Dans une communication présentée en son nom lors d’une conférenceinternationale sur le terrorisme, à Abu Dhabi en janvier 2003, il avait ajouté :‘Nous ne pouvons pas accepter qu’il existe quelque lien que ce soit entre leterrorisme et une religion ou une race particulière . . . Le terrorisme est unphénomène international qui ne connaît ni religion ni race . . . Nous rejetonscatégoriquement les tentatives délibérées de lier le terrorisme au droit d’un peupleà résister à l’occupation.’Cheikh Zayed était un défenseur infatigable de la tolérance, du dialogue et d’unemeilleure entente entre les hommes de religions différentes, notamment lesChrétiens et les Musulmans : il savait que tels étaient les principes essentiels pourl’épanouissement de l’humanité. Il avait une formule qui résumait bien sa foi etexpliquait la base fondamentale de ses convictions : ‘Ma religion ne se fonde ni surl’espoir, ni sur la peur. J’adore mon Dieu parce que je l’aime.’Sa croyance en la fraternité et en l’obligation pour les forts de porter secours auxdéfavorisés, était caractéristique de la vision qu’avait Cheikh Zayed dudéveloppement de son pays et de son peuple. Elle guide également la politiqueétrangère des E.A.U., qu’il élabora et dirigea depuis la fondation de l’État jusqu’àsa mort.


28REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>29Les E.A.U. n’ont pu progresser que grâce à leur aspiration et leur aptitude à s’unir,et à collaborer à la réalisation d’objectifs communs. Cette approche s’est égalementconcrétisée dans le domaine de la politique étrangère.Au sein de la région du Golfe, et dans le cadre plus large du monde arabe, lesE.A.U. se sont efforcés d’accroître la coopération et de mettre fin aux dissensionspar le biais d’une quête constante du dialogue et du consensus. C’est la raison pourlaquelle l’une des réalisations essentielles de la politique étrangère du pays a été lerapprochement avec les pays voisins de la péninsule d’Arabie. Le Conseil decoopération du Golfe (CCG), qui regroupe les E.A.U., le Koweït, l’Arabie Saoudite,Bahreïn, Qatar et Oman, créé lors d’une réunion au sommet à Abu Dhabi en mai1981, à l’initiative de Cheikh Zayed, est devenu, avec l’appui ferme des E.A.U., unorganisme à l’action efficace, jouissant de la considération générale.Fondé pour faciliter le développement de liens plus étroits entre ses membres etleur permettre de collaborer dans l’optique de leur sécurité, le CCG a dû déjà faireface à trois crises extérieures depuis sa création ; tout d’abord le conflit prolongé quia fait s’affronter l’Irak et l’Iran au cours des années 1980 – et qui a lui-même suscitéla formation du CCG – puis, en août 1990, l’invasion par l’Irak de l’un de sesmembres, le Koweït, et enfin l’invasion de l’Irak dirigée par les États-Unis début2003. Après l’invasion du Koweït en 1990, les unités des forces armées des Émiratsont joué un rôle important dans l’alliance qui a libéré le pays début 1991. Par lasuite, tout en souscrivant pleinement à la condamnation internationale de lapolitique du régime irakien et aux sanctions imposées à l’Irak par les Nations uniespendant et après le conflit, les E.A.U. exprimèrent de sérieuses inquiétudes quant àl’impact des sanctions sur le peuple irakien. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 2002,alors que l’invasion de l’Irak semblait imminente, le Président Zayed réaffirmait saconviction que ‘la guerre ne résout jamais les problèmes’.‘C’est en écoutant la voix de la raison que l’on trouve la solution aux désaccordsentre les pays . . . et en se basant sur les principes de la justice et de la loi.’Dans les mois précédant la guerre, Cheikh Zayed fit tout son possible pour persuaderles leaders irakiens de s’exiler volontairement afin d’éviter que leur pays ne souffred’un troisième conflit catastrophique en l’espace d’à peine plus de deux décennies.Une fois la guerre déclarée, il exprima sa déception :Nous avons déclaré clairement et franchement notre opposition à la guerre et nousavons fait tout notre possible pour l’éviter . . . Maintenant que la catastrophe est arrivée,. . . nous ne manquerons pas d’offrir notre soutien à nos frères irakiens, en leurapportant toute assistance technique dont ils pourront avoir besoin . . . et en les aidantautant que cela nous est possible.Dans ce contexte, les E.A.U. ont été l’un des plus importants donateursinternationaux pour le programme de reconstruction de l’Irak. En même temps, ilsont accueilli favorablement le rétablissement de la souveraineté de l’Irak en milieud’année 2004, et ils ont offert leur amitié et leur assistance au nouveaugouvernement irakien.Un autre centre d’intérêt de la politique étrangère des E.A.U. dans le contextearabe a été le soutien apporté au peuple palestinien dans son effort pour faire rétablirses droits légitimes à l’autodétermination et à la fondation de son propre État.Dès 1968, avant la formation des Émirats Arabes Unis, Cheikh Zayed avait épauléles organisations palestiniennes, et il continua de le faire, bien qu’il ait toujourspensé que c’était aux Palestiniens qu’il incombait d’élaborer leur propre politique.À la suite de la création de l’Autorité palestinienne à Gaza et en Cisjordanieoccupée, les E.A.U. ont largement prêté leur concours pour la constructiond’infrastructures nationales, ainsi que pour la rénovation de sites musulmans etchrétiens en Terre Sainte. Une grande partie de cette aide a été bilatérale, mais lesE.A.U. ont également participé à des programmes de développement multilatérauxfinancés par des agences et groupements multilatéraux et ils contribuentabondamment, depuis de nombreuses années, à l’UNRWA (Office de secours et detravaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient). Lorsdu déclenchement de la seconde Intifada (insurrection) palestinienne en septembre2000, les E.A.U., sur les instructions de Cheikh Zayed, ont renforcé leur assistanceà l’Autorité palestinienne, et ont vigoureusement critiqué non seulement la politiquede répression du gouvernement israélien, mais aussi le fait que la communautéinternationale, et notamment les États-Unis, n’avait pas forcé les Israéliens à seretirer. Selon Cheikh Zayed, le problème ne pourrait être résolu que lorsque, d’unepart, il aurait été mis fin à l’occupation israélienne de la Cisjordanie et du territoirede Gaza et lorsque, d’autre part, auraient été mis en œuvre les résolutionsinternationales concernées, la feuille de route pour la paix et les accords signés parles deux parties, afin qu’un État palestinien puisse être établi en Cisjordanie et dansle territoire de Gaza.Des aides importantes ont aussi été apportées à de nombreux autres pays duMonde arabe. Au Liban, par exemple, et à l’initiative personnelle de Cheikh Zayed,les E.A.U. ont financé un vaste programme de destruction des centaines de milliersde mines terrestres abandonnées par les Israéliens lors de leur retrait forcé en 2000,afin que la population libanaise puisse revenir sur ses terres et dans ses maisons.D’autres pays comme l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, le Yémen et le Maroc ontbénéficié de prêts substantiels et de soutiens divers pour leurs programmes dedéveloppement des infrastructures.Cheikh Zayed avait un idéal qui lui tenait à cœur : une plus grande unité politiqueet économique au sein du Monde arabe. Il avait cependant adopté depuis longtempsune approche réaliste quant à cette question, à savoir, que l’unité, pour être effective,devait croître lentement, et avec l’appui du peuple. L’unité arabe, à son avis, n’était pasune chose qui pouvait être créée tout simplement par des décrets de gouvernementsqui pouvaient n’être que de simples phénomènes politiques ponctuels.C’est une conception qui a fait ses preuves au niveau des E.A.U. eux-mêmes, quiconstituent l’expérience la plus durable d’unité arabe des temps modernes, et auniveau du Conseil de coopération du Golfe. Sur un plan plus large, Cheikh Zayedrecherchait continuellement à promouvoir une meilleure entente et un consensus


30REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005<strong>CHEIKH</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>BIN</strong> <strong>SULTAN</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>31plus étroit entre les pays arabes, ainsi qu’à redynamiser la Ligue des États arabes.‘Les relations entre chefs d’État arabes, disait-il, doivent être fondées sur l’ouvertureet sur la franchise :Ces dirigeants doivent faire savoir aux autres qu’ils sont mutuellement dépendants, etcomprendre qu’ils ne surmonteront les moments difficiles que grâce à leur soutienmutuel. Un frère doit dire à son frère : soutiens-moi, et je te soutiendrai à chaque foisque tu seras dans ton droit. Mais pas quand tu seras fautif. Si je suis dans mon droit, tudevras me soutenir, m’aider et t’efforcer d’effacer les injustices qui m’ont été faites.Les chefs sages et mûrs, pensait-il, ‘écouteront les bons conseils et prendront lesmesures nécessaires pour corriger leurs erreurs. Quant aux dirigeants qui n’ont nisagesse ni maturité, ils seront conduits dans le droit chemin grâce auxrecommandations de leurs amis sincères.’Dans ce contexte, Cheikh Zayed ne cessa de proposer, au cours des années 1990,une nouvelle conférence au sommet des pays arabes où les chefs d’État pourraientdébattre, avec franchise et ouverture, des désaccords qui les opposaient. C’était,selon lui, la seule façon pour le Monde arabe de pouvoir progresser dans sonintégralité, et affronter les problèmes qui se posaient à lui, au plan interne commesur la scène internationale.Je suis d’avis qu’il faut tenir un sommet réunissant tous les pays arabes, mais avant des’y rendre, les Arabes devront faire preuve d’ouverture et de franchise les uns envers lesautres, à propos de leurs différends et de leurs blessures. Ils pourront alors participerau débat afin de trouver les correctifs nécessaires à leur politique, de faire face auxproblèmes, de guérir leurs maux et d’affirmer que le destin des Arabes les réunit tous,forts ou faibles. En même temps, ils ne devront pas abandonner leurs droits, nirevendiquer ce qui ne leur appartient pas.’En se félicitant de la tenue du premier des sommets, qui eut lieu en mars 2001 enJordanie, Cheikh Zayed nota que :L’esprit de compréhension et de fraternité qui a régné au cours des séances et desdiscussions m’a apporté une grande satisfaction. Le sérieux des débats sur les questionsprincipales . . . a prouvé que c’est par la sincérité de nos intentions et la franchise quenous atteindrons nos buts . . . Le dialogue est essentiel entre frères, et nous sommesheureux que les Arabes aient pris conscience de la voie qu’ils doivent suivre pourparvenir à la réconciliation et à la solidarité pour surmonter les éléments négatifs et leserreurs du passé pour se débarrasser des divisions et des désaccords.Toutefois, malgré ce début positif en 2001, tous les espoirs furent anéantis fin 2002 etdébut 2003 car, aux yeux de Cheikh Zayed, la majorité des chefs d’État arabes n’avaientpas déployé les efforts nécessaires afin de résoudre la crise imminente en Irak qui avaitprécédé l’invasion de 2003, et de faire face ensuite aux menaces pour la stabilité dela région tout entière qui émergèrent par la suite, et pas uniquement en Irak.En même temps, le Président des E.A.U. reconnaissait que l’unanimité entre leschefs d’État arabes, bien que souhaitable, ne pouvait pas toujours être obtenue. Il futdonc le seul dirigeant arabe à proposer ouvertement une révision de la Charte de laLigue des États Arabes afin de permettre que les décisions soient prises à la majorité.Une telle approche était celle de la société dont il était issu, elle est à la base dusuccès de l’expérience de fédération des Émirats Arabes Unis, et Cheikh Zayed étaitpersuadé que c’était le moment de l’appliquer à l’ensemble du Monde Arabe. Il allaitsans dire, cependant, que les droits et principes fondamentaux ne sauraient êtreécartés. Un de ces principes était, bien sûr, l’inviolabilité territoriale des contréesarabes. Ce principe est source de préoccupation majeure pour les Émirats ArabesUnis depuis leur création en raison de l’occupation iranienne, en 1971, des îlesd’Abu Musa et de la Grande Tunb et de la Petite Tunb, appartenant aux E.A.U. LePrésident Cheikh Zayed et d’autres dirigeants des E.A.U. réitérèrent souvent leurappel à une fin pacifique de l’occupation, par le biais de négociations directes oul’entremise de la Cour internationale de justice ou de tout autre arbitre international.Selon Cheikh Zayed :Nos relations avec l’Iran sont basées sur la recherche de ce qui est dans le plus grandintérêt des deux peuples . . . À part la question des îles occupées, nos relations n’ontsouffert d’aucune difficulté, et c’est dans ce contexte que nous avons, à plusieursreprises, invité l’Iran à se joindre à nous pour trouver une solution pacifique à ceproblème, par la voie de la médiation et de la compréhension.Dans ce domaine, comme dans celui d’autres points de politique étrangère, CheikhZayed adoptait constamment une approche ferme mais exprimée avec mesure, évitantles discours enflammés qui auraient pu rendre plus difficile la recherche de solutions.Dans les années 1990, les conflits au sein de l’ancienne Yougoslaviepréoccupèrent sérieusement le Président des E.A.U. Il réalisa alors que le tempsétait venu pour les Émirats Arabes Unis de jouer un rôle plus actif dans lesopérations internationales de maintien de la paix. Les forces armées des E.A.U.avaient déjà commencé à participer à de telles opérations, tout d’abord dans lecadre de la Force de dissuasion arabe qui avait tenté pendant plusieurs années demettre fin à la guerre civile au Liban, puis au sein d’UNISOM TWO, force des Nationsunies pour le maintien de la paix et la reconstruction en Somalie.Début 1999, au moment où une nouvelle vague d’atrocités serbes déferlait sur lapopulation albanaise du Kosovo, Cheikh Zayed fut l’un des premiers chefs d’État dumonde à apporter son soutien à la décision de l’Organisation du traité de l’Atlantiquenord (OTAN) de lancer une campagne aérienne pour contraindre la Serbie à cesserson génocide. Conscient, dès le début de la campagne, de la nécessité d’une futureforce internationale de maintien de la paix, une fois la campagne de l’OTANterminée, Cheikh Zayed ordonna que les forces armées des E.A.U. en fassent partiesous l’égide des Nations unies. De fin 1999 à 2001, le contingent des E.A.U. au seinde la force KFOR des Nations unies était le plus important de ceux envoyés par desÉtats n’appartenant pas à l’OTAN, et le seul venant d’un pays arabe ou musulman.


32REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 2005Tout en faisant en sorte que les E.A.U. aient de plus en plus souvent à assumer detelles responsabilités internationales, Cheikh Zayed souligna que leur rôle porteraitessentiellement sur les secours et la reconstruction.Dans les Balkans, tout comme en Irak, en Afghanistan et dans d’autres pays, lapolitique adoptée par les E.A.U. traduit clairement l’intention de Cheikh Zayed demettre à profit la prospérité de son pays pour porter assistance aux moins fortunés.Par le biais d’organismes comme la Fondation caritative et humanitaire Zayed et leFonds d’Abu Dhabi pour le développement, créés par Cheikh Zayed avant lafondation des E.A.U., ainsi que d’autres institutions comme le Croissant-Rouge, lepays joue maintenant un rôle majeur dans l’apport de secours et d’aide audéveloppement dans le monde entier.Les E.A.U. eux-mêmes n’ont pu progresser que grâce à la manière dont les Étatsqui les composent ont réussi à s’intégrer dans un tout harmonieux, collaborant àdes objectifs communs.Dans le Golfe comme dans l’ensemble du monde arabe, les E.A.U. ont cherchéà soutenir la coopération et à résoudre les désaccords par une poursuite mesuréedu dialogue et du consensus. Toutefois, cette poursuite ne justifiait pas, selonCheikh Zayed, l’oubli des grands droits et principes, qu’il s’agisse des droitshumains et civils fondamentaux ou du principe de l’inviolabilité territoriale des Étatsarabes ou autres.La poursuite de ces droits et principes caractérise la politique extérieure desE.A.U., et propage la philosophie de Cheikh Zayed ainsi que ses convictionshumanitaires bien au-delà des frontières de l’État même. La philosophie de CheikhZayed, née de sa profonde foi musulmane, s’appuyait essentiellement sur le postulatque le devoir de l’homme est d’aider son prochain.Son action, menée pendant plus d’un demi-siècle de gouvernement, tant auniveau local qu’à l’échelle internationale, témoigne de l’engagement et du sérieuxavec lesquels il cherchait à concrétiser ses idéaux.


34 REVUE ANNUELLE DES ÉMIRATS ARABES UNIS 200535PRÉSIDENT DES ÉMIRATS ARABES UNISS. A. <strong>CHEIKH</strong> KH<strong>AL</strong>IFA <strong>BIN</strong> <strong>ZAYED</strong> <strong>AL</strong> <strong>NAHYAN</strong>, Souverain d’Abu Dhabi, a été élu Présidentdes Émirats Arabes Unis le 3 novembre, succédant à son père, S. A. Cheikh Zayed binSultan Al Nahyan défunt. Cheikh Khalifa s’est engagé à continuer dans la même voieque celui-ci, une tâche qu’il poursuit depuis près de 30 ans. Cheikh Khalifa a dit deCheikh Zayed qu’il avait été son mentor. Il a ajouté qu’il lui avait appris chaque jourquelque chose de nouveau et qu’il a adopté ses valeurs, ‘et le besoin de patience etde prudence en toutes choses’.Né dans la ville-oasis d’Al Ain en 1948, Cheikh Khalifa fit sa scolarité près de chezlui. Le 18 septembre 1966, après l’accession de son père au titre de Souverain d’AbuDhabi, Cheikh Khalifa fut nommé Représentant du Souverain dans la région Est d’AbuDhabi et Chef du Département des tribunaux d’Al Ain.Le 1 er février 1969, Cheikh Khalifa fut nommé Prince héritier d’Abu Dhabi. Puis, le2 février 1969 il fut désigné Chef du ministère de la Défense, qualité en laquelle ils’occupa du développement de l’Abu Dhabi Defence Force (ADDF) (Force de défensed’Abu Dhabi), qui forma par la suite le noyau des Forces armées des E.A.U.Le 1 er juillet 1971, dans le cadre de la restructuration du gouvernement de l’Émirat,Cheikh Khalifa fut nommé Premier Ministre d’Abu Dhabi et Ministre de la Défense etdes Finances. Le 23 décembre 1973, Cheikh Khalifa devint Premier Ministre Adjointau deuxième Cabinet fédéral des E.A.U.Peu après, le 20 janvier 1974, à la suite de la dissolution du Cabinet d’Abu Dhabidans le cadre du processus de renforcement des institutions de la Fédération desE.A.U., Cheikh Khalifa fut nommé premier Président du Conseil exécutif d’Abu Dhabi,organe qui remplaça le Cabinet de l’émirat.Sous sa direction, et conformément aux instructions de Cheikh Zayed, le Conseilexécutif mena à Abu Dhabi un programme d’aménagement de grande envergure,comprenant la construction de logements, de systèmes d’adduction d’eau et autresservices essentiels, de routes et de tous les équipements généraux qui ont permis à laville d’Abu Dhabi de devenir la métropole moderne qu’elle est aujourd’hui.La création par Cheikh Khalifa, en 1981, du Département des services sociaux etbâtiments commerciaux d’Abu Dhabi a joué un rôle particulièrement important dansles efforts visant à ce que les citoyens bénéficient de la richesse croissante du pays.Ce département propose aux citoyens des prêts pour la construction. Il a jusqu’iciprêté plus de 35 milliards de Dh, permettant la construction de plus de 6 000immeubles dans l’ensemble de l’émirat.La création du Département, communément connu sous le nom de ‘CommissionKhalifa’, vint à la suite d’une autre décision prise par Cheikh Khalifa en 1979 d’allégerla charge que représentait pour les citoyens le remboursement des prêts accordés parles banques commerciales. Celle-ci fixait à 0,5 pour cent le taux d’intérêt payable parles citoyens sur les prêts à la construction, le reste de l’intérêt facturé par les banquesétant pris en charge par le gouvernement.Dans l’optique également de donner aux citoyens les moyens de faire construire lesbâtiments dont ils avaient besoin, tant à des fins résidentielles que d’investissement,Cheikh Khalifa créa la ‘Private Loans Authority’ (Direction des prêts aux particuliers),début 1991. En juillet de cette même année, quelques mois seulement après lacréation de cet organisme, 11 034 citoyens avaient reçu des prêts totalisant 11,15milliards de dirhams.La croissance constante de la population, et l’augmentation des coûts, conduisirentà la prise d’une nouvelle mesure en septembre 2000 : Cheikh Khalifa ordonna que lemontant total des prêts consentis aux particuliers pour la construction de logementssoit porté de 900 000 Dh à 1,2 millions de Dh.Le Président S. A. Cheikh Khalifa a aussi joué un rôle actif dans d’autres domainesde développement du pays. En mai 1976, après l’unification des forces armées desÉmirats, Cheikh Khalifa fut nommé Commandant en chef adjoint des Forces arméesdes E.A.U. En cette qualité, il consacra de multiples efforts au renforcement dudispositif de défense du pays, par le biais de l’établissement de nombreux centres deformation militaire et de l’acquisition des équipements et d’une formation militairede pointe.Il observait ainsi récemment : ‘Les Émirats Arabes Unis tiennent à ce que leursforces armées bénéficient, dans le domaine militaire, des mêmes innovations que lesautres pays du monde, en particulier au niveau de la planification, de l’organisation,des armements et de la formation. Nous continuerons à persévérer dans cette voie,de manière à ce que nos forces armées atteignent un niveau d’efficacité optimal.’Cheikh Khalifa a occupé plusieurs autres postes de haut rang au gouvernementd’Abu Dhabi. Depuis la fin des années 1980, par exemple, il est Président du Conseilsuprême du pétrole et, en cette qualité, il s’est efforcé de veiller à ce que le paysdiversifie son économie afin d’être moins dépendant de la production de pétrole et degaz. Il a œuvré notamment pour le développement du complexe industriel etpétrochimique des E.A.U. de Ruwais.Il est également Président de l’Abu Dhabi Fund for Development (ADFD) (Fonds d’AbuDhabi pour le développement), qui supervise le programme d’aide internationale desE.A.U., dont ont bénéficié plus de 40 pays ; de l’Abu Dhabi Investment Authority(ADIA) (Direction des investissements d’Abu Dhabi), qui gère les réserves financièreset les investissements ; et de l’Agence pour la recherche sur l’environnement et ledéveloppement de la faune et de la flore (ERWDA).Dans le domaine des affaires extérieures, Cheikh Khalifa est un grand partisan duConseil de coopération du golfe, qui regroupe six membres, estimant que le succès etles réalisations de cet organe reflètent le haut degré d’entente régnant entre sesdirigeants. Adepte de la politique régionale de S. A. Cheikh Zayed, notamment en cequi concerne la promotion de la solidarité entre les États arabes, Cheikh Khalifa a prisl’engagement ferme d’apporter son soutien au peuple palestinien, ainsi qu’auxinitiatives visant à promouvoir et à rétablir la stabilité en Irak.En tant que nouveau Président des Émirats Arabes Unis, son objectif principal, ditil,sera de suivre la voie tracée par son père. En particulier, dit-il, il poursuivra sapolitique de dialogue et sa pratique de consulter régulièrement les citoyens du pays,afin de pouvoir prendre connaissance de leurs besoins et de leurs préoccupations, etd’y donner suite.

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