La lettre l'infirmière et la douleur - 1 - Institut upsa de la douleur

n°1Mars 2002Lettre trimestrielle éditée par l’Institut UPSA de la DouleuréditoDepuis la création de l'InstitutUPSA de la Douleur en 1993,nous avons édité des ouvrages telsque “L'infirmière et la douleur”,“Soins palliatifs en équipe : le rôleinfirmier” qui constituent uneréférence en matière de formation.Parallèlement à cette diffusion,le conseil scientifique a décidéla création d'une publicationpériodique (3 numéros/an)destinée au personnel infirmier.Hélène Fernandez en assurerala rédaction en chef. Chaquenuméro comprendra un dossier,des actualités Douleur, desinformations sur la législation,une liste de congrès, des référencesbibliographiques...La diffusion de cette lettre répondà un des objectifs majeurs de notreassociation, qui est de Formeret d'Informer dans le domainede la douleur. Ainsi, nous espéronscontribuer à l’amélioration de laprise en charge de la douleur, unsouci qui est le vôtre au quotidien.✒ Valérie DeymierrepèresLectureLégislation . . . . p 2Témoignage . . . p 3Brèves, l’Institut,Congrès . . . . . . . p 4DossierLe soin infirmierun soutien pour le patient douloureux,un lien dans la pluridisciplinaritéHélène Fernandez, cadre infirmier supérieur, département Douleur et Soinspalliatifs, CHU de Nice, chef de service : Docteur Nadine MemranLa douleur est une expérience émotionnelle, personnelle, subjective,de ce fait, difficilement objectivable et mesurable. L’évaluation de la douleurintégrée au processus de soins infirmiers contribue à une prise en chargeadaptée et spécifique, qui s’inscrit dans une approche globale et individualiséede la personne douloureuse. Une relation de qualité doit s’instaurer où letemps de recueil des données est un temps entièrement consacré au patient.1. La professioninfirmièreL’infirmière travaille en collaboration avec lemédecin. L’objectif des soins infirmiers est deprendre en charge le patient dans sa dimensionbio-psycho-sociale, avec des outils facilitantcette approche qui sont la démarche de soins, lediagnostic infirmier, les transmissions ciblées.Les soins infirmiers se situent à la fois dans desactes qui relèvent de la décision médicale (rôleprescrit) et dans ceux qui relèvent de la décisioninfirmière (rôle propre). Appréhender la douleurpour l’infirmière, c’est, d’une part, se situerdans ces deux champs de compétence qui sontles fondements de sa pratique au quotidien et,d’autre part, acquérir un référentiel communautour de la compréhension du phénomènedouloureux.L’association Internationale pour le traitementde la douleur rappelle que l’infirmière a unrôle moteur pour identifier, évaluer, mettre enœuvre des actions qui soulagent la douleur etdiminuent la souffrance.2. La pratique infirmièreet le cadre réglementaireÀ travers les textes officiels s’expriment unevolonté politique d’obligation de dispenser dessoins de qualité et le droit pour chacun d’êtresoulagé, pour une meilleure qualité de vie. Lesdirectives ministérielles de lutte contre ladouleur légalisent officiellement cette préoccupationet encouragent fortement les professionnelsde santé à s’inscrire dans cettedémarche. De ce fait, le concept “qualité” enmatière de prise en charge de la douleurdevient une obligation pour les institutions,une exigence pour les professionnels, un droitpour les patients.3. La pratique infirmièredans la compréhensionde l’homme douloureuxSi la douleur provient d’un message transmis parl’intermédiaire de fibres nerveuses jusqu’à lamoelle épinière et au cerveau, des différences

LectureDossier> La douleur, J-M. BESSON,Éd Jacob - 1992> Contrôler votre douleurF. BOUREAU - Éd Vigot - 1989> Anthropologie de ladouleur, D. LE BRETONParis Métaillé - 1995> L ‘infirmière et la douleurInstitut UPSA de la Douleur,Nouvelle édition 2000> La dimension de lasouffrance chez le maladedouloureux chroniqueE. FERRAGUTÉd Masson Paris - 1995> La dimension de lasouffrance en chirurgieet réanimation, E. FERRAGUTÉd Masson Paris - 1996> Infirmières, le savoirde la nuit, Anne PERRAUTSOLIVERES, PUF - Le Monde> Revue : Douleurs,Éd MassonÀ paraître :> Thérapies de la douleurE. FERRAGUTÉd Masson - 2002Législationde perception existent d’un sujet à un autre, cequi met en évidence la participation d’autresfacteurs dans la perception du patient douloureux.Les composantes psychiques et somatiquessont liées et interagissent entre elles. Ladouleur est une expérience psychologique quis’articule autour de quatre composantes fondamentales: physique, affective-émotionnelle,cognitive, comportementale.Pour dissocier les différents niveaux de compréhensiond’une douleur, il faut d’abord que l’infirmièreconnaisse les mécanismes physiopathologiquesgénérateurs, qu’elle prenne encompte l’expérience subjective mais aussi l’impactde la douleur sur le comportement. Cecimet en évidence qu’il n’existe pas une douleurmais des douleurs spécifiques, en fonction del’individu, des pathologies, des variations de lamaladie et de sa durée.La relation soignant–soigné va se construire àpartir des différents niveaux de compréhensionet de réponses possibles à la problématiquedouloureuse de la personne en souffrance.C’est-à-dire prendre en compte la dimensiondouloureuse d’un point de vue organiquecomme d’un point de vue psychologique. Unedouleur est un “signal d’alarme” où tout doitêtre mis en œuvre par l’équipe, pour instaureret adapter au mieux les thérapeutiques qui vontla soulager. La prise en compte de la perceptiondouloureuse et de la dimension psychologiqueest nécessaire. Elle fait apparaître les facteursqui amplifient ou qui entretiennent la douleuret conduit les soignants à évaluer les capacitésadaptatives du patient face à sa maladie et à ladouleur chronique. À partir de cette démarche,l’infirmière aide à exploiter, au mieux, les ressourcesdu patient en termes de capacité à faireface “autrement” et/ou “avec”.1) Décret de compétence “infirmière” n°93-345 du 15-03-1993.À paraître, nouveau décret.2) Loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière ; ordonnancedu 24-04-1996.3) Circulaire DGS/DH 94 n°3 du 7 janvier 1994 relative à l’organisationdes soins et la prise en charge des douleurs chroniques.4) Circulaire DGS/DH du 4 février 1998 relative à l’identificationdes structures de lutte contre la douleur chronique et rebelle.5) Circulaire DGS/DH 98-586 du 22 septembre 1998 relative à la miseen œuvre du plan d’action triennal de lutte contre la douleur dansles établissements de santé publics et privés.6) Circulaire DGS/DH/DAS n° 99/84 du 11 février 1999 relative à la miseen place de protocoles de la prise en charge de la douleur aiguë parles équipes pluridisciplinaires.7) Circulaire DGS/DH95-22 du 6 mai 1995 relative à la charte du patienthospitalisé.Quand la communication ne prend pas ancragedans le processus précité, il apparaît toujoursune raison d’insatisfaction tant pour le soignéque pour le soignant.4. La pratique infirmièredans l’évaluationde la douleurC’est partir de la description que fait le patientde sa douleur avec ses propres mots et son langage.C’est être disponible pour décoder le “j’aimal” du “je suis mal”, le combien “j’ai mal” et lecomment “j’ai mal”. Si le patient ne se plaintpas, l’évaluation de la douleur passe par la question,posée systématiquement dans la relationsoignant / soigné : “Avez-vous mal ?”, “Avez-vousencore mal ?”, “Vous avez l’air d’avoir mal ?”.Écouter, croire, observer, évaluer permet de créerun climat serein et confiant qui favorise les échangeset aide à instaurer une relation privilégiée.C’est aussi entrer dans la compréhension de ceque vit le patient et de ce qui a du sens pour lui.Les soins individualisés commencent par la communication.La douleur trouve son expressiondans la parole mais aussi dans les silences, les attitudes,le non-dit.Intégrer la pratique évaluative dans la démarcheclinique infirmière invite le patient à communiquersur sa douleur, à participer au processusthérapeutique et permet aussi à l’infirmièred’éviter de projeter ses propres ressentis, samanière à elle de ressentir ce qui se passe.5. Le rôle infirmierÀ partir de ces références, on peut signifier queles objectifs en soins infirmiers sont de préveniret de soulager la douleur au travers d’interventionsde soins adaptées aux situations données.Ce qui nécessite de renforcer les compétencesinfirmières pour appréhender le phénomènedouloureux dans toutes ses dimensions et le plusprécocement possible. Ces méthodes visent àstandardiser au mieux les conditions de recueilde l’information. L’observation clinique, la plainteet la communication avec le patient, l’entourageet l’équipe sont en interactions constantes.Le recueil de données s’inscrit dans une relationde qualité où la notion de temps est privilégiée.Le patient fait des efforts pour décrire sa douleur.Il attend d’être entendu et soulagé.L’infirmière devra développer ses compétencespour identifier la douleur, la décoder, la transmettreet agir dans le domaine de la prévention,de l’éducation et du soulagement.

6. Organisation etcomportement dessoignants : un savoir-faireet un savoir-êtreUn savoir-faireLe projet d’équipe prend en compte les cinq axesdéfinis dans le plan de lutte contre la douleur :1 - Information du patient et de sa famille pardivulgation du “carnet douleur” et desmodalités de prise en charge de la douleurdans le service.2 - Élaboration de protocoles et de modes opératoiressur la pratique évaluative.3 - Élaboration d’une fiche d’évaluation de ladouleur avec évaluation des actions.4 - Évaluation de la satisfaction du patientquant à son soulagement.5 - Formalisation des protocoles thérapeutiqueset de soinsUn savoir-êtreUne douleur quelle qu’en soit la cause, installéede manière brutale (ex : un traumatisme) ou d’unemanière insidieuse (comme la maladie chronique)vient déséquilibrer l’organisme dans sa totalité.La personne modelée par sa culture familialeet environnementale est doncconfrontée à l’événement douloureux demanière globale. Le processus de soinsinfirmiers prend ancrage autour desliens bio-psycho-sociaux.Le travail de l’équipe sera d’organiser lesoin à la personne dans ces trois dimensionsde manière adaptée et progressive :Prise en compte de la douleur physique(gestion de la douleur, prévention dessoins douloureux, éducation et observancethérapeutique),Les soins du corps : restaurer, développerle plus haut niveau d’autonomiepossible (autour du bien-être, image desoi, schéma corporel),La communication : comprendre lasituation psycho-affective de la personnequi souffre en développant larelation d’aide.Le concept de soins infirmiers prend encompte les soins techniques et relationnels,ce temps est l’espace nécessaireau patient pour bénéficier d’unenvironnement confiant et sécurisant.Travailler autour de l’effraction temporairede l’enveloppe d’une personne douloureuseen difficultés corporelle, psychique etsociale replace “l’homme global” dans un processusbio-psycho-social et de réadaptation àl’environnement.7. La pluridisciplinaritéau cœur du dispositif de soinCerner la complexité de la douleur nécessite unréel travail d’équipe où chacun a sa place et saspécificité. Si la douleur post-opératoire est pluscentrée sur une approche antalgique préventive,rapide, efficace et continue, la douleur chroniquene peut être appréhendée sans uneréflexion sur la pluridisciplinarité avec un tempsd’échange, de partage et de réévaluation despratiques des différents partenaires de soin.Promouvoir la démarche pluridisciplinaire dansla prise en charge de la douleur, c’est d’abordprendre en compte le parcours du patient douloureux,lui donner la parole et travaillerensemble pour la mise en œuvre de son projetde soin tout en respectant sa singularité.La douleur est un réservoirsensoriel et émotionnel, uncontenant au trop pleind’affects et elle doit, aussi,être comprise comme tel…Pour le malade, la maladiec’est d’abord la douleur. C’estelle qui vient signifier le changementdans son corps. C’estencore elle qui peut, à toutmoment, mettre en péril sonorganisation défensive et“bousculer” ses stratégiesadaptatives.La douleur “chosifie” la maladieTémoignagedans le corps du malade.À travers elle un dialogues’installe. La douleur doit êtrecomprise comme une expériencelimite, à la limite dudedans et du dehors du corps,car elle se vit dans le dedansmais est parlée dans le dehors.À elle seule, elle matérialiseun effort d’appréhension dumonde, une tentative, parfoisdésespérée du malade, d’assimileret de maîtriser touteson émotion. La douleur estune parole avortée faute demots. Elle traduit un effort demise en lien qui ne doit pasêtre précipité dans le vide,mais qui doit être reconnucomme tel et faire l’objet d’unMémo> La Société d’Étude et deTraitement de la Douleur(SETD)est le chapitre français del’International Association forthe Study of Pain (I.A.S.P).Il s’agit d’une associationpluridisciplinaire etpluriprofessionnelle quirassemble chercheurs etprofessionnels de la santéautour de la douleur dansses différents aspects.Pour informationPascaline LavaladeHôpital PasteurDépartement de la DouleurCHUde Nice - BP 6906002 Nice Cedex 01Tél : 33 (0)4 92 03 79 46Fax : 33 (0)4 92 03 84 69Hélène BrocqPsychologue clinicienne - Département de Douleur et Soins palliatifsCHU de Nice - Chef de service : Docteur Nadine Memransoin relationnel à part entière.Pour prendre en charge la douleurdes malades, il faut certes,s’occuper du corps et de sessymptômes, mais il faut aussisavoir répondre, par des soinshumains appropriés, à ladétresse psychologique qui nemanque pas de nourrir laplainte et parfois la déborde,comme c’est le cas dans ladouleur chronique. C’est parceque les médicaments ne fontpas tout, que l’infirmière et audelà l’équipe, sont au cœur dudispositif de soins.La recherche sur la douleurdoit nécessairement inclureune réflexion sur la pluridisciplinarité.