13.07.2015 Views

Interview - Derpad

Interview - Derpad

Interview - Derpad

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

DERPAD : Ce que vous dites là c’est qu’il y a deux instances : d’un côté le CDDF, qui est prévu par la loi ; et,de l’autre, la cellule de veille du CDDF qui est une invention purement locale.Noureddine ZAALOUNI : C’est ça. En fait, il s’agissait de contenir la loi, de permettre aux professionnels,aux techniciens, d’élaborer des réponses adaptées et cohérentes par rapport au parcours institutionnel etfamilial souvent chaotique.DERPAD : Mais comment a-t-il été possible de mettre autour de la même table des professionnels d’instancesdifférentes, avec des cadres d’actions différents qui parfois peuvent même être antinomiques. Je lis sur ledocument de présentation de la cellule de veille du CDDF, sont présents des représentants de l’InspectionAcadémique, du Conseil Général des Yvelines, du Pôle Psycho-social du Commissariat, de la ProtectionJudiciaire de la Jeunesse, de Médianes (association locale de prévention spécialisée) et de la Ville (Directeurdu Pôle Famille/Parentalité, Directrice du CCAS, Directrice du Service Jeunesse, Chargé de MissionPrévention/Sécurité). Comment cela est-il possible ?Ludovic LOSADA : Il me semble qu’il y a deux raisons qui peuvent expliquer que les professionnels ontsouhaité travailler ensemble. Tout d’abord, il y a le constat, fait par un certain nombre de professionnelsque, devant la complexification des problèmes des jeunes, le seul moyen d’arriver à des résultats probantsest la pluridisciplinarité. Aujourd’hui, les professionnels sont très conscients que chacun ne peut plustravailler dans son coin comme si les autres n’existaient pas. Les lois (comme celle du CDDF) encouragentces initiatives mais on remarque également un changement des pratiques et un réel désir dans ce sens.La deuxième raison qui a permis aux professionnels de mettre en marche leur désir de partenariat dans desconditions sereines c’est le fait qu’ils aient pu, grâce au travail de réflexion commun que nous avions misen place, réfléchir et décider ensemble et s’approprier ainsi le projet.Après les questions idéologiques, c’est justement les conditions de ce partenariat qui ont été discutées.Il semblait évident à tous que la cellule de veille ne pourrait fonctionner que si les règles du jeu étaientclairement définies par tous et pour tous.En premier lieu, les négociations ont porté sur la place de chacun au sein de la structure. L’idée était dedire : « nous travaillons ensemble, mais chacun doit rester à sa place ». Pour cela, il fallait d’abord définirles spécificités de chacun, sa place dans le cadre institutionnel. Il fallait fixer pour chaque institution undomaine de compétences reconnu, pour ensuite décider ce qu’il serait possible de mettre en commun dansla cellule de veille.Noureddine ZAALOUNI : De là découle la deuxième règle de fonctionnement du partenariat. Il s’agit durespect mutuel du travail de chaque institution. La cellule de veille n’est pas le lieu pour régler des comptesou pour dénoncer la soi-disant incompétence de telle ou telle institution. Nous ne sommes pas dans untribunal, les individus n’ont pas à se justifier au nom de leur institution face à d’autres qui jugeraient deleur incompétence. Plusieurs fois nous avons été confronté à ce problème, parce qu’il est vrai qu’il y a desinstitutions en crise, qui dysfonctionnent plus ou moins. Mais nous avons réussi à dépasser ce problème àforce de travail et à prendre du recul par rapport à cela.La façon dont nous avons réussi à résoudre ce problème est devenu notre troisième impératif defonctionnement. Il s’agissait de se concentrer sur des problèmes concrets plutôt que sur des débats généraux.En d’autres termes, en cellule de veille du CDDF, nous ne sommes pas dans un débat idéologique mais dansun débat « clinique » autour d’un cas précis. Des désaccords existent forcément entre les professionnels,mais ils concernent un contexte précis, une situation pratique. Ici encore, il est question de respect entreles individus autour de la table. Chacun reconnaît en l’autre un professionnel dont l’avis, le regard etl’expérience sont valables. Le désaccord est lui aussi fécond dans l’élaboration de projets les plus cohérentspossibles.DERPAD : Si je comprends bien, c’est le pragmatisme qui soude en quelque sorte la communauté de travailque constitue la cellule de veille. La priorité est avant tout de régler des problèmes concrets concernant desjeunes et leurs familles. Je remarque d’ailleurs qu’autour de la table se trouvent des personnes habilitéesà prendre des décisions rapides. Ceci me semble un élément fondamental pour garantir l’efficacité de lacellule de veille du CDDF.Noureddine ZAALOUNI : Oui, en effet. Le fait d’avoir autour de la table des personnes en mesure de prendredes décisions est tout à fait primordial. Le but n’est pas de se renvoyer les problèmes entre instancesjusqu’à ce que l’une d’entre elles décide, peut-être, de faire enfin quelque chose, mais de régler lesproblèmes maintenant, de savoir à chaque fin de réunion où on en est et qui doit faire quoi, dans l’intérêtdu jeune et de sa famille, qui restent toujours au centre de notre réflexion.DERPAD - 75, rue de Turbigo - 75003 Paris - Tél. 01 53 42 36 15 - Fax 01 53 04 03 72 - www.derpad.com - infos@derpad.com


DERPAD : Vous nous dites qu’il faut à la fois que cette instance de travail réunisse à la fois des personnesayant des pouvoirs décisionnels mais également des responsables proches du terrain ?Noureddine ZAALOUNI : En effet, la connaissance du terrain est fondamentale pour que les débats soientvraiment porteurs de solutions concrètes. D’ailleurs, je pense qu’il serait très important que les professionnelsdu social et du médico-social puissent davantage investir ces instances mises en place par les municipalités.DERPAD : Diriez-vous que les raisons qui ont conduit des professionnels à accepter de travailler ensembleau sein de la cellule de veille du CDDF, et qui ont fait que cela a bien fonctionné, c’est la mise en œuvrede la « Charte de fonctionnement et de confidentialité » qui garantissait un cadre juridique à la structure.Peut-être pouvez-vous nous décrire plus en détail le contenu de cette charte ?Ludovic LOSADA : Oui, bien sûr. D’abord, il faut quand même préciser que cette charte a été construite,encore une fois, en partenariat avec les professionnels au sein du comité de pilotage du CDDF. Dès le départ,chaque instance a donc défini clairement et publiquement ce qu’elle souhaitait partager avec les autres etdans quelles limites. Le but premier était donc de protéger les professionnels de manière, bien sûr, à créerun climat de confiance au sein de la cellule de veille.Le deuxième objet de cette charte, et le plus délicat au niveau législatif, était de garantir le respect dela vie privée et de la liberté des jeunes et des familles dont les situations seraient évoquées en cellule deveille. Là encore, il s’agissait de créer un climat de confiance entre les professionnels et les usagers quipermettent de travailler ensemble dans les meilleures conditions. La confiance entre tous les acteurs noussemblait la condition nécessaire pour que la cellule de veille puisse réellement fonctionner…DERPAD : Et durer !Ludovic LOSADA : Et durer bien sûr. Evidemment, le point central de la charte concerne le respect du secretprofessionnel et de la confidentialité des informations. Pour que la cellule fonctionne, il fallait interrogerle secret professionnel puisque le principal objet de cette instance est de mettre en commun le savoir desprofessionnels sur une situation. Nous avons donc mis en place, en nous appuyant sur différents texteslégislatifs, la notion de « secret partagé ».Dans la Circulaire Santé et Justice du 21 Juin 1996 sont énoncées les conditions de ce secret partagé.Tout d’abord, il s’agit de ne mettre en commun que les informations qui sont nécessaires au travailpluridisciplinaire tout en garantissant la confidentialité. Il est ici question du lieu où se réunit la cellule deveille et des modalités de partage et de restitutions des informations aux familles. Pour notre part, nousavons par exemple mis en place un système de mails sécurisés. Ensuite, il est bien évident que ce partagedu secret se fait entre personnes qui s’engagent à un devoir de confidentialité, certaines étant soumises ausecret professionnel, d’autres pas.Enfin, dernier point, la question se posait de savoir quelle attitude nous devions adopter à l’égard desfamilles. Là dessus, la Circulaire Santé et Justice précise que la personne concernée doit être d’accord ouau moins informée que sa situation est étudiée. Il nous est apparu que les familles devaient impérativementnon seulement être informées, mais qui plus est donner leur accord. En effet, nous pensions vraiment quenous ne pouvions pas travailler sans leur aide. Je rappelle que nous ne sommes pas dans l’injonction maisdans l’aide, le conseil. Il s’agissait donc d’avoir un accord formel, précis, qui « engage » en quelque sortela famille dans un processus d’aide. C’est pour cela que nous avons opté pour une lettre type qui doit êtreremplie et signée par les parents du jeune et sur laquelle il est rappelé en une phrase quels sont les buts dela cellule de veille du CDDF.Est également précisé sur la lettre le nom de la personne qui sera chargée de restituer au jeune et à safamille les résultats des débats de la cellule de veille. Là encore, il est primordial pour nous que les famillessoit consultées/informées à toutes les étapes du processus. Il ne s’agit pas de faire subir les décisions de lacellule de veille aux familles mais de les mettre en situation de collaborer avec nous.DERPAD : Etait-ce une façon pour vous d’éviter d’être dans la toute puissance et d’imposer des points devue ?Noureddine ZAALOUNI : Oui, c’est le risque. Or, notre but est de nous éloigner au maximum de cette toutepuissance. Nous ne prétendons pas imposer quoi que ce soit à quiconque, ni avoir réponse à tout. Nousavons au contraire, cherché à définir clairement les limites de notre intervention et à évaluer pour chaquecas particulier où notre action devait s’arrêter. Notre but est de résoudre les problèmes mais pas n’importecomment et pas à n’importe quel prix. Nous ne sommes pas les ‘’cow-boys’’ des temps modernes. L’actionrépressive n’est pas notre domaine.DERPAD - 75, rue de Turbigo - 75003 Paris - Tél. 01 53 42 36 15 - Fax 01 53 04 03 72 - www.derpad.com - infos@derpad.com


C’est pour cela que le cadre juridique doit être très précis, pour protéger les usagers de ces dérives. Etc’est pour cette raison que nous cherchons aujourd’hui à mettre en place, avec l’aide de juristes, un cadreencore plus approprié à notre fonctionnement.DERPAD. : Pour terminer, pourriez-vous faire un bilan des trois années d’existence du CDDF et de sa cellulede veille ? Quels ont été les changements notables amenés par ces instances ? Avez-vous pu en constaterl’efficacité ? Est-ce qu’elles sont acceptées par les usagers ?Ludovic LOSADA : On remarque que les familles acceptent majoritairement que leur situation soit exposée àla Cellule de Veille du CDDF. Sur trente ou quarante dossiers, nous n’avons eu que deux refus, qui ont doncété traités de façon anonyme comme cela est prévu dans notre Charte. Cela est rassurant et montre que lecadre juridique et éthique que nous avons mis en place satisfait les usagers qui se sentent protégés.Au niveau du travail de la cellule de veille en particulier, on peut en mesurer l’importance en fonction dunombre de dossiers qui passent réellement devant le CDDF. En fait, on remarque qu’il y en a très peu. Lamajorité des cas sont traités au sein de la cellule de veille et ne remontent pas au CDDF.DERPAD : Ce que j’entends c’est donc que le simple fait de parler de la situation permet déjà de réglerpas mal de choses. Mettre en commun et échanger entre partenaires suffit donc, dans la plupart des cas, àapaiser les choses ?Noureddine ZAALOUNI : Oui, en effet. Cela veut tout simplement dire que nous trouvons entre nous dessolutions. De même, au niveau du fonctionnement des deux institutions entre elles, ce sont encore lesprofessionnels qui, en quelque sorte, ont la main, puisqu’on ne peut passer devant le CDDF (présidé parle Maire) que sur demande de la cellule de veille du CDDF (composée des professionnels). Ce qui fait quele recours au CDDF se fait vraiment en dernier lieu. Et même dans ce cas, les professionnels gardent del’importance puisque le CDDF s’appuie évidemment sur leur travail au sein de la cellule pour avancer. Ce quiveut dire qu’en fait, le travail des professionnels effectué en amont sert de feuille de route aux politiquesqui font référence aux conclusions de la cellule de veille : que pense-t-elle de la situation ? Que préconiset-ellecomme travail ? Mais attention ! Vis à vis des parents, nous nous cantonnons dans un rôle de conseil.Le Maire propose à la famille de faire appel à tel professionnel, ou à telle instance, mais jamais il ne dit: « Il faut que… » . Il n’est pas question que le CDDF devienne l’éducateur qui enseignerait aux parents àdevenir parents.Finalement, le Maire et les politiques ont donc plus un rôle symbolique qui consiste à apporter un regard,une parole qui sont différents de ceux des professionnels bien qu’ils s’appuient sur leur travail. Mais parentset enfants comprennent que le Maire est tout à fait informé de la situation. La place symbolique que leMaire occupe est primordiale et à préserver.DERPAD : Quel est selon vous le principal apport de la cellule de veille du CDDF dans le travail éducatif misen œuvre par la ville ?Ludovic LOSADA : C’est, bien sûr, le travail pluridisciplinaire qui nous permet d’établir un partenariat entretous les acteurs éducatifs qui opèrent sur le territoire. Cela peut sembler simpliste, mais cela permet toutsimplement aux professionnels des différentes institutions, associations de se connaître davantage. De cettefaçon, presque automatiquement, les différents acteurs éducatifs sont plus à même à discuter, à se faireconfiance mutuellement.Le travail pluridisciplinaire permet également de rassembler l’apport de tous les intervenants sur unesituation. En effet, il y avait parfois jusqu’à sept professionnels qui travaillaient autour d’une même famille.Cela créait de la confusion et c’était souvent inefficace. La cellule de veille permet, elle, de mettre encommun le travail et les points de vue de chacun. Cela permet d’avoir une vision globale du problème dela famille. De cette façon, les partenaires peuvent s’ajuster et œuvrer ensemble pour tenter de trouverdes solutions. Ce que permet avant tout la cellule de veille du CDDF, c’est d’assurer une plus grandefluidité dans le travail entre professionnels. Et franchement, nous ne pourrions plus travailler comme nousle faisions avant, c’est-à-dire chacun dans son coin. Je pense qu’un grand nombre de professionnels deTrappes sont convaincus de cela.DERPAD - 75, rue de Turbigo - 75003 Paris - Tél. 01 53 42 36 15 - Fax 01 53 04 03 72 - www.derpad.com - infos@derpad.com

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!